La presse musicale alternative au 21e siecle

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volume! autour des musiques populaires

La presse musicale alternative dossier réuni par Samuel Etienne

éditions mélanie séteun


2 Copyright Volume ! est une publication semestrielle des éditions Mélanie Séteun, fondée en 2002 par Samuel ÉTIENNE, Gérôme GUIBERT et Marie-Pierre BONNIOL. Éditions Mélanie Séteun - association loi 1901 11 rue du Bas-mur – 63 450 Saint-Amant-Tallende www.seteun.net / seteun@seteun.net Comité de Rédaction

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Volume ! 2006-1

Abonnement : voir page 162 dépôt légal : octobre 2006 ISBN : 2-913169-23-6 ISSN : 1634 - 5495 © les Auteurs, 2006.

Revue publiée avec le concours du Centre national du livre


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Dossier. La presse musicale alternative Samuel ETIENNE. Présentation Chris ATTON. Sociologie de la presse musicale alternative en Grande Bretagne Julia PINE. Cold Press: Early Punk Fanzines in Canada’s Capital Christian SCHMIDT. Meanings of fanzines in the beginning of Punk in the GDR and FRG: An approach towards a medium between staging, communication and the construction of collective identities Annelise SKLAR. The Personal, Political, and a Little Bit of Everything Else: Girls, Grrrls and Perzines Fabien HEIN. Le critique rock, le fanzine et le magazine : « Ça s’en va et ça revient »

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Tribune Peace Warriors (1994-2004), entretien avec Patrick BŒUF, réalisé par Matthieu SALADIN

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Varia Lionel POURTAU. Les membres de Sound System techno : du militantisme à la professionnalisation

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Notes de lecture K. HAMMOU, A. PECQUEUX, O. ROUEFF & J.-C. SEVIN (eds), 2006. L’expérience musicale sous le regard des sciences sociales, Actes des Journées d’études des 13 et 14 octobre 2005, par Vincent Rouzé Nicholas COOK, 2006. Musique, une très brève introduction, trad. Nathalie Gentili, Paris, Allia, par Emmanuel Parent

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« Géographie et musiques : quelles perspectives ? ». Compte-rendu de la journée d’étude du 8 juin 2006 au Centre Malesherbes de l’Université Paris IV-Sorbonne, par Claire Guiu

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Compte-rendu



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La presse musicale alternative Dossier réuni par

Samuel Etienne

Depuis

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les premiers temps de l’imprimerie, l’État a cherché à contrôler la diffusion des textes écrits. En France par exemple, le système du dépôt-légal, instauré par l’ordonnance royale du 28 décembre 1537 par François Ier, oblige tout imprimeur et tout éditeur à déposer ses productions (ouvrages, périodiques…) auprès d’un service central de l’État, en l’occurrence la Bibliothèque nationale. Récemment, l’éditeur se devait encore d’envoyer un exemplaire de toutes ses références au ministère de l’Intérieur avant la mise en vente (cette obligation a été supprimée pour le livre par un décret du 13 juin 2006). Le ministère de l’Intérieur pouvait, le cas échéant, interdire la mise en vente lorsqu’un ouvrage ou un périodique contenait les germes potentiels de troubles à l’ordre social. Si la justification première du dépôt-légal est la protection et la patrimonialisation des œuvres (la Bibliothèque nationale abrite la « collection de référence »), l’ombre de la censure a toujours plané au-dessus de lui : on ne s’étonne donc pas que lors de la Révolution française, le dépôt-légal fut supprimé (suspendu quatre années en fait) au nom de la liberté d’expression. Bien évidemment, tout système de contrôle social voit se développer en parallèle un système alternatif où des individus, des institutions tentent d’échapper à ce même système. L’imprimerie clandestine est au moins aussi ancienne que l’imprimerie contrôlée par


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l’État. La presse officielle est doublée d’une presse parallèle, produite et diffusée hors le regard des instances de contrôle. On se rappellera qu’aux États-Unis Benjamin Franklin écrivait, imprimait et diffusait lui-même ses propres pamphlets politiques. Il est peut-être l’un des inventeurs de la presse alternative politique. Le vingtième siècle aura été marqué par l’explosion des médias alternatifs : presse écrite, radios libres, télévisions pirates se sont multipliées dans les pays occidentaux permettant la diffusion des idées de groupes sociaux habituellement écartés de la production médiatique de masse. La première catégorie, la presse écrite alternative, est celle qui a connu le plus fort développement. Les fanzines de science-fiction, à la fin des années 1920, ont montré la voie et ce média alternatif n’a depuis cessé de franchir les barrières culturelles pour permettre aux « amateurs », qui de punk rock, qui de bandes-dessinées, qui de littérature, d’éditer et de diffuser « sous le manteau » leur propres productions écrites, leurs propres idées.

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Fort de contributions internationales, ce numéro thématique de Copyright volume ! est consacré à cette presse musicale alternative, cette petite presse, qui a explosé avec le mouvement punk et sa philosophie « do it yourself » et n’a cessé de croître dès lors. Chris Atton nous offre une sociologie des fanzines musicaux britanniques, un regard rétrospectif sur trente ans de fanzinat musical. Julia Pine et Christian Schmidt livrent des témoignages précieux sur les conditions d’émergence des fanzines punk au Canada et dans les deux Allemagne. Anne-Lise Sklarr souligne la particularité des fanzines issus du mouvement riot grrl. À travers l’exemple de la scène metal, Fabien Hein rappelle les liens ambigus que peuvent entretenir presse alternative et presse commerciale, deux sphères qui sont loin d’être étanches l’une à l’autre. Matthieu Saladin, enfin, rencontre Patrick Bœuf du fanzine Peace Warriors. À travers cet entretien, un témoignage sur plus de 10 ans de fanzinat dans la sphère des musiques expérimentales, on prend conscience des points communs qui unissent tous ces « journalistes de l’ombre », ces autodidactes de la critique : l’amour d’un courant musical, le besoin de partage, l’envie de créer du lien social mais aussi d’affirmer une posture, qu’elle soit esthétique ou politique. Samuel ETIENNE


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Sociologie de la presse musicale alternative en Grande Bretagne Par

Chris Atton School of Communication Arts, Napier University, Edinburgh

Résumé. Les recherches sur les médias alternatifs se sont souvent arrêtées au fanzine punk pour

l’ériger en modèle indépassable. Cet article entend revenir sur ce constat et explorer un large panel de fanzines et de magazines remettant en cause l’équation habituelle entre professionnalisme et standardisation. Les valeurs de contestation mises en avant par le fanzinat ne se retrouvent pas toujours dans le même type de média, et l’engagement critique de certaines publications ne relevant a priori pas du genre fanzine mérite d’être pris en considération en vue d’une redéfinition des catégories de la presse alternative. Mots clefs. Fanzine — courant dominant — journalisme d’auteur — contestation — standardisation.

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Cet article

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se penche sur la presse musicale alternative anglaise depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui (exception faite des publications exclusivement consacrées au punk qui sont par ailleurs abondamment traitées dans ce numéro). Mon ambition ici n’est pas de me limiter à un simple panorama historique mais d’explorer les différents facteurs sociaux et culturels qui ont animé la presse musicale alternative et qui ont conduit à une très grande variété de projets journalistiques et éditoriaux. Comme nous le verrons, ces facteurs eux-mêmes sont pluriels et se déclinent en autant d’idéologies, d’esthétiques, de créativité, de communautés et d’individualisme — sans oublier une bonne vieille dose d’enthousiasme. Il n’est pas inutile de débuter par quelques commentaires généraux sur des études ayant jalonné ce domaine, ne serait-ce que pour préciser notre champ de recherche. En général, les écrits académiques sur les fanzines (voir notamment Atton, 2001 ; Duncombe, 1997 ; Jary, Horne & Buncke, 1991 ; Triggs, 1995), et au-delà de différences d’approches, s’accordent pour identifier deux caractéristiques fondamentales du fanzinat : l’identité et la communauté. D’un point de vue sociologique, voilà qui n’a certes rien d’une surprise. L’activité sociale en général repose sur ces deux facteurs, qui s’articulent pour confirmer la place de l’individu dans un cadre sociétal plus large. La presse commerciale cherche à développer des marchés pour ses publications qu’elle espère voir fonctionner comme les groupes sociaux existants — les journaux et les magazines cherchent à développer un sens de la communauté chez leurs lecteurs tout en encourageant ces mêmes lecteurs à s’imaginer comme étant uniques, comme les membres d’un groupe d’élite ou restreint. L’histoire de la presse musicale anglaise commerciale nous en fournit des exemples. Pensons à la rivalité encouragée entre les lecteurs de deux « inkies » (des hebdomadaires) : le New Musical Express et le Melody Maker — une rivalité créée de toute pièce par le service de marketing d’une part et les équipes de rédaction de l’autre (les deux magazines appartenaient au même éditeur, IPC). Nous pourrions penser que le fanzine opère sur un mode similaire, incitant ses lecteurs à s’engager en tant qu’individu dans des communautés spécifiques de spécialistes musicaux, générant peut-être également des rivalités au cours du temps. Le fanzine, pourtant, suggère une expérience sociale qui diffère radicalement de celle évoquée ci-dessus, celle qui appartient au courant dominant. Avant tout, ses responsables de rédaction et ses contributeurs proviennent du même horizon culturel que ses lecteurs — et ses lecteurs sont bien souvent les rédacteurs eux-mêmes. Il n’y a aucune distinction entre ceux qui écrivent et ceux qui lisent, du moins en principe. Cela nous rappelle les commencements de ce qui allait devenir le journalisme d’auteur [personality journalism] du New Musical Express et du Melody Maker à la fin des


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années 1960, et qui devait se poursuivre jusqu’au début des années 1980. Ce style avait ses racines aux États-Unis, dans ce qu’on appelle le Nouveau Journalisme, et était intensément pratiqué par la presse britannique alternative des années 1960, là où les piliers des inkies apprirent leur métier. En dépit de leur incorporation future au sein de l’industrie musicale, avec ce que cela implique de routine du fond comme de la forme, des journalistes comme Charles Shaar Murray et Nick Kent commencèrent leur carrière dans un esprit et une communauté plus proche du fanzinat que de la presse traditionnelle.

Nouvelles théories sur le fanzine Où en sommes-nous dès lors pour caractériser la presse musicale alternative ? La définition et le point de vue théorique dominants que proposent les études des médias alternatifs (Atton, 2002 ; Downing, 2001 ; Rodriguez, 2001) privilégient les pratiques auto-organisées et déprofessionnalisées du média, qui ont recours au travail des « gens ordinaires » (les « amateurs ») pour effectuer les tâches de rédaction, de direction et d’édition. Ceci fait du fanzine le premier lieu de la presse alternative, où ces trois rôles sont généralement concentrés en une seule et même personne. S’en tenir à cela limiterait cependant la notion de presse musicale alternative. Plutôt que chercher dans le fanzine une pureté quintessenciée qui en ferait l’unique protagoniste de ce monde de l’édition, il est peut-être plus opérant de penser en termes plus hybrides, d’étendre nos catégories à une plus grande variété de publications, de prendre « l’alternatif » pour ce qu’il est, comme un épithète relatif pouvant être appliqué à un continuum d’activités aux résultats divergents. Toutefois, le fanzine reste l’exemple le plus visible de l’édition musicale alternative et tend à être considéré comme un cas d’école relativement peu problématique. On peut le définir comme : … une forme d’édition amateur, d’avantage mue par un enthousiasme pour le contenu que par un intérêt commercial. Il est écrit, édité et produit par des fans. Faire un fanzine revient à proposer un contrediscours qui se veut alternatif au courant dominant ; il peut également tenter d’occuper un espace laissé vacant avant lui. (Atton, 2003 : 226)

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Cette définition générale a le mérite d’inclure de nombreuses publications et présente ainsi une grande variété, hybride qui plus est, de projets éditoriaux. Mais elle est peut-être trop large pour avoir un réel potentiel heuristique. En revanche, la définition communément acceptée est beaucoup plus spécifique, qui depuis Hebdige (1979) considère le fanzine comme un phénomène émanant


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d’une sous-culture. Le point de départ d’Hebdige est le fanzine punk, et c’est ce modèle qui a dominé les débats postérieurs dans ce champ de recherche (voir par exemple l’analyse d’un large panel de fanzines américains par Duncombe (1997), qui s’appuie sur leur signification en tant que sous-culture). Dans la même veine, Sabin & Triggs (2001) ne s’intéressent au design des fanzines que par le prisme d’une notion de graphisme soi-disant « authentique » se référant à l’esthétique punk. De manière symptomatique, la recherche sur les fanzines américains et anglais s’intéresse principalement au fanzine punk, bien qu’on reconnaisse que le genre s’inscrive dans une histoire longue en citant l’apparition de fanzines rock dans les années 1960, et bien entendu des fanzines de science-fiction dans les années 1930. Ces auteurs affirment qu’un des traits les plus marquants des fanzines qu’ils étudient est « punk », et en particulier une

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sensibilité punk nihiliste et en colère [qui] étendit son influence sur toutes choses, depuis l’apparence des zines et des comics (une production brute et spontanée : des titres en coupé-collé ; un art « rugueux »/« miteux ») jusqu’au contenu lui-même (à savoir « réaliste », terre-à-terre…), en passant par le style des articles (un ton direct [in-yer-face] et sans fioritures, un humour acerbe et décalé). (Sabin & Triggs, 2001 : 7)

Cet article prend ses distances avec cette problématique, non seulement parce que vous trouverez tout ce que vous désirez sur les fanzines punks dans ce numéro de Copyright Volume !, mais également parce qu’en premier lieu, il semble que la culture fanzine a depuis trop longtemps été examinée sous l’angle de la seule musique punk. Si Hebdige a sans doute raison d’affirmer que les fanzines punks étaient motivés par le désir de créer « un espace critique alternatif… pour contrebalancer la couverture médiatique hostile, ou pour le moins partisane, du punk » (Hebdige, 1979 : 111), la même chose pourrait être dite de périodes précédentes, jusqu’à l’époque pionnière des années 1930 et des fanzines de science-fiction (Atton, 2003). Deuxièmement, mon article tente de dépasser l’idée que le fanzine serait essentiellement un produit émanant des sous-cultures — c’est-à-dire, des cultures qui émergent au sein d’une culture d’origine et qui s’y oppose, la culture ouvrière en étant le paradigme. Ceci revient à émanciper la culture fanzine de l’idée d’un accord symbolique, d’une homologie entre le fanzine et les expériences et le style de vie de ceux qui le créent (Willis, 1978). Au final, sortir de l’horizon indépassable du fanzine punk nous permet de considérer d’autres formes d’édition alternative qui sont moins souvent définies comme étant des fanzines. L’identification du fanzine et de la sous-culture ne réduit pas simplement son champ des possibles, elle finit également par homogénéiser les fanzines punks eux-mêmes. Tous n’étaient pas produits par


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une jeunesse à la dérive issue de la classe ouvrière. Si Sniffin’ Glue était certes signé par un londonien issu d’un milieu ouvrier (Mark Perry), le premier fanzine punk écossais (Hanging Around) fut mis sur pied par des étudiants de la classe moyenne inscrits à l’université d’Edimburgh. Le plaidoyer en faveur du punk qui voit en lui l’origine de la production de fanzines du dernier XXe siècle rend difficile et même exclut tout examen sérieux d’autres types de fanzines. Certains traitent de genres musicaux différents, font montre de caractéristiques formelles manifestement plus professionnelles ou entretiennent des relations avec le courant dominant qui ne se résument pas à une opposition frontale, comme ces fanzines montés par des journalistes musicaux professionnels. Sabin & Triggs, en citant les nombreux journalistes qui ont commencé par l’édition de fanzine, comme Danny Baker, Gary Bushell, Paul Morley, Jon Savage et Adrian Thrills, semblent ne retenir de la relation entre le fanzine et la presse musicale professionnelle qu’un mouvement unidirectionnel. Il y a pourtant, comme nous allons le voir, de nombreux allers et retours. Tandis que tout fanzine doit contenir intrinsèquement un certain caractère contestataire, la prédominance du modèle de Hebdige est basée sur une lecture particulière du fanzine punk britannique et a petit à petit exclu tout autre forme d’opposition ne relevant pas de la sous-culture. Le fanzine est typiquement établi pour l’une de ces trois raisons : – il fournit un forum pour les fans d’un genre (ou d’un artiste) qui est généralement ignoré ou bien marginalisé dans la presse musicale classique ; – il conforte une forme musicale émergente (appartenant à l’underground) qui n’a pas encore rencontré un public plus large, ou qui doit encore produire ses premiers disques ; – il permet aux fans d’un style peu tendance ou « démodé » de perpétuer leur enthousiasme. Dans les trois cas, le but est de créer et de soutenir une communauté au travers du fanzine. Une fois détachés de l’impératif sous-culturel, nous pouvons lire dans ces trois motifs différentes formes d’opposition.

Oppositions « intellectuelles » : une théorie de l’art pour l’art ? Volume ! 2006-1

Depuis le milieu des années 1970, le Royaume-Uni a vu un grand nombre de magazines traiter d’une pluralité de genres de rock que l’on pourrait qualifier de « sérieux ». Je n’utilise pas ce terme pour déprécier d’autres formes de musique qui seraient plus triviales, mais pour qualifier tant la


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structure de ces musiques que l’attitude des fans à leur égard. Des publications comme Impetus ou Face Out s’occupaient de musiques « progressives », que l’on peut définir comme avant-gardistes, soit par leur dimension compositionnelle, soit par le choix des instruments ou dans les sujets que leurs paroles abordaient. Je pense ici à des groupes ou à des artistes comme Franck Zappa, Captain Beefheart, Henry Cow, National Health, This Heat, Magma, Faust et Can — qui forment une assemblée certes hétéroclite, mais qui trouve son unité dans le fait que ces musiques attirent des fans qui peuvent être catégorisés par le sérieux avec lequel ils parlent de leur musique. Ce sérieux se nourrit autant d’un discours de type savant que par la sensibilité de « zicos » développée par un journal comme Melody Maker, qui à son âge d’or avait la réputation d’être « le » journal des musiciens, où les discussions sur la musique ne s’embarrassait pas de passions éphémères. De tels magazines considéraient le plus souvent la musique pour ses qualités propres, sans se soucier des contextes politiques ou culturels. La plupart de ces publications virent le jour au moment où le punk commençait à occuper la plus grande part des publications hebdomadaires. On peut donc les considérer comme des réactions contre ce qui était perçu comme une marginalisation de formes de rock dont la complexité, au moins aux yeux des critiques rock professionnels, les condamnait comme cérébrales et « inauthentiques ». Il est remarquable que les quelques musiciens de ce large ensemble « progressif » qui étaient couverts par les hebdomadaires étaient ceux dont « l’attitude » ou la musique étaient les plus proches du punk (comme Can, Faust et This Heat). Impetus était en grande partie le fruit du travail d’un seul rédacteur, Kenneth Ansell, dont la connaissance et l’envergure musicales lui permirent d’interviewer et de chroniquer des musiciens aussi divers que Can, Carla Bley, Gyorgy Ligeti, Keith Tippett, Brian Eno, Frank Zappa et les Art Bears. (Nous pouvons considérer Impetus comme le prototype de Wire, pour lequel Ansell écrivit au début.) La gravité de Impetus tranche nettement avec le style plus exubérant et affectif de Face Out, qui se concentrait principalement sur le rock allemand des années 1970. Né une fois encore du travail d’un rédacteur solitaire (Chris Furse), Face Out garda ses valeurs de l’amateurisme tout au long de son existence. Photocopié, agrafé et avec des couvertures dessinées à la main, l’aspect visuel du fanzine était proche de ses prédécesseurs punks, mais la densité de ses textes quasi ininterrompus et tapés à la machine faisait écho à la priorité qu’Impetus accordait au mot sur l’illustration. On peut se demander jusqu’à quel point Impetus peut être considéré comme un fanzine : pendant la moitié de son existence de dix numéros, il était imprimé professionnellement sur du papier brillant et une couverture en bichromie. Alors que sa visibilité en kiosque était faible, on pouvait le trouver dans des librairies


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musicales spécialisées ou dans des librairies étudiantes associatives dans toute l’Angleterre. Pourtant, sa fréquence de parution était, pour une publication distribuée nationalement, dramatiquement irrégulière : ses dix numéros s’étalèrent sur dix ans (il avait au départ été pensé comme un mensuel). Face Out démontre que le soi-disant caractère contestataire des valeurs affichées par la production amateur peut être illusoire — il est bien souvent le résultat de ressources limitées plutôt qu’une véritable volonté de confrontation. Son opposition réside dans ses choix esthétiques, promouvant des pans d’une culture musicale européenne grandement sous-représentée par la presse dominante à l’époque (mais qui a évolué pour devenir étonnamment populaire dans les dix dernières années). Les tentatives d’Impetus pour s’imposer sur un marché plus large montre ainsi que de telles musiques n’ont pas besoin d’être considérées comme systématiquement marginales — pas plus que les sphères auxquelles le fanzine serait supposé se cantonner. Nous examinerons ce mouvement de la marge au courant dominant plus loin dans cet article. Pour l’instant, attardons-nous sur une musique qui couvre un domaine beaucoup moins marginale que celui d’Impetus et de Face Out.

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Alors que nous avons utilisé le terme de rock progressif pour qualifier le rock d’avant-garde, on l’emploie plus volontiers pour désigner ces groupes (qui s’illustrèrent pour la plupart dans les années 1970) qui cherchèrent à utiliser des structures et des orchestrations classiques dans des compositions de rock. Ces groupes nous sont familiers pour être ceux que le punk (et les critiques rock qui le soutenaient) chercha à diaboliser comme des « dinosaures », comme culturellement déphasés par rapport à une partie émergente de la culture jeune : ELP, Genesis, King Crimson, Yes. Ces groupes allaient passer de leur position dominante (ils étaient ceux qui vendaient et gagnaient le plus et remportaient régulièrement les concours des lecteurs dans tous les hebdomadaires musicaux anglais) au statut de parias, et ce peu après « l’année zéro » de la presse musicale en 1976. Leur exclusion fut progressive ; comme Stump (1997) le fait remarquer, des groupes comme Genesis étaient l’objet de chroniques positives jusque dans les années 1980. Avec les années 1990, cependant, le rock progressif avait définitivement disparu des préoccupations des critiques rock ; même les nouveaux mensuels musicaux comme Q et Mojo ne s’intéressaient pas à eux. (Le rock progressif, comme le rock allemand, allait plus tard revenir à la mode dans la presse spécialisée à grand tirage, mais cela ne devait pas se produire avant la fin des années 1990.) Ce fut pendant cette décennie qu’un grand nombre de fanzines de rock progressif virent le jour, comme en réponse à cette éviction graduelle de cette musique du canon de la critique. À une époque, il y avait au moins un fanzine pour chaque groupe phare, et même pour d’autres qui étaient moins populaires (comme pour Van der Graaf Generator et


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Gentle Giant). Des fanzines tels que Facelift couvraient une scène entière, et dans son cas la fameuse scène de Canterbury (Bennet, 2002). Kevin Ayers, de l’école de Canterbury, eut même droit à un fanzine à lui tout seul : Why Are We Sleeping?. Là où Impetus et Face Out avaient tous deux couvert tout un genre de musique, y compris la scène rock européenne de moindre renommée, Ork Alarm! ne s’intéressa qu’à un seul groupe français et ceux qui s’en réclamaient : le groupe Magma. Parmi ces publications, nous trouvons également une grande diversité de solutions à la question de la production du fanzine. Pendant ses six années d’existence, Ork Alarm! et ses vingt-cinq numéros fut le lieu d’une explosion soudaine d’enthousiasme et d’intérêt qui, ajoutés à son design coupé-collé et photocopié « à l’arrache », suggérait qu’il partageait avec son aîné le fanzine punk une certaine urgence — l’amateurisme de sa production ne relevait pas d’un manque de soin mais témoignait de son immédiateté. Bien que n’ayant jamais eu partie liée avec une sous-culture comme la définit Hebdige, il partageait des motivations plus larges avec le fanzine punk. Ce que Hebdige nous dit de ce dernier peut aisément être appliqué à Ork Alarm! : « L’impression dominante était celle de l’urgence et de l’immédiateté, d’un papier produit avec une hâte indécente, de notes ramenées du front. » (Hebdige, 1979 : 111) Des valeurs graphiques qui étaient auparavant considérées comme typiques d’une rhétorique transgressive à la base du fanzine punk sont ici employées dans un fanzine de rock progressif. Dans ce cas, toutefois, ils sont la conséquence de la hâte, peut-être d’une absence d’accès aux technologies ou d’un manque de savoir-faire en graphisme. On ne perçoit aucune signification homologique avec une quelconque sous-culture. Nous pouvons ici retracer une transformation similaire de la signification sub-culturelle des valeurs graphiques du punk dans des fanzines spécialisés dans la musique industrielle. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, Stabmental eu recours aux valeurs graphiques du punk (lettrage au pochoir, mise en page coupé-collé, illustrations photocopiées, etc.) pour présenter le travail de groupes comme Throbbing Gristle et Cabaret Voltaire. Pourtant, à l’instar de certains fanzines punk, ce genre ne sortait pas tout droit du giron rassurant d’une sous-culture ouvrière. Stabmental était l’œuvre d’élèves de Oundle School, une école privée de l’Angleterre huppée (ce sont ces mêmes élèves qui persuadèrent leur école d’organiser un concert de Throbbing Gristle en 1980). Ici, les valeurs graphiques dérivées du punk sont mobilisées dans un environnement de type classe moyenne (l’école privée) au vu de leur potentiel transgressif vis-à-vis de la culture parentale. Il est toutefois intéressant de remarquer que la durée de vie de Stabmental n’était pas tant due à la persévérance de ses rédacteurs qu’à la bonne volonté de leur professeur


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principal (qui devait soit dit en passant être particulièrement ouvert pour tolérer un concert de Throbbing Gristle). Dans ce cas, dont on reconnaîtra volontiers le caractère inhabituel, le fanzine ne transgresse pas seulement la culture qui l’a vu naître, mais demande également la permission pour une telle transgression. Vingt ans plus tard, l’industriel a été incorporé dans un genre plus large qu’on appelle habituellement le « noise ». Nous trouvons ici des fanzines dont les valeurs graphiques sont restées en grande partie inchangées. Même des publications récentes comme Idwal Fischer se réfèrent encore aux valeurs graphiques de la fin des années 1970, bien qu’il soit ici plus difficile, comme dans de nombreux fanzines de noise, d’identifier une sous-culture en particulier. Au contraire, Idwal Fischer combine des aspects du perzine [contraction de « personal fanzine », ndt] avec de longues chroniques de disques qui parlent plus à une communauté spécialisée et restreinte d’auditeurs qu’aux membres d’une quelconque sous-culture. En dépit de la réputation sulfureuse ou rebutante d’une grande partie de ce genre, des fanzines de ce type représentent de manière étrange une esthétisation de la musique et fonctionne par conséquent d’avantage comme des actes critiques et performatifs réalisés sur cette musique plutôt que comme des interventions culturelles ou des infractions avec la société dans son ensemble.

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Le fait que de nombreux fanzines de rock progressif proviennent des classes moyennes peut donner lieu à une homologie entre les valeurs de ces fanzines et celles que la musique défend à un niveau culturel — même si celle-là différera fondamentalement des lois du genre classiques du punk. Imprimés de manière professionnelle et mis en page grâce aux outils de la PAO, des fanzines comme Facelift ou Proclamation relèvent de cultures voulant être prises au sérieux, où la virtuosité et le professionnalisme sont valorisés et où la qualité du graphisme est à l’image du « poids » supposé de la musique. Cela ne veut pas dire que de telles publications soient nécessairement intellectuelles. En effet, en dépit de leur lectorat issu des classes moyennes (qui est presque entièrement masculin), les fanzines de rock progressif tendent généralement à épouser un style d’écriture aussi affectif, imprécis et exubérant que le reste de la littérature du genre (Atton, 2001). Bien que quelques publications aient effectivement publié des partitions ainsi que des analyses techniques (à l’instar de Proclamation avec la musique de Gentle Giant), la plupart évite une quelconque analyse technique de la musique, préférant décrire celle-ci en des termes émotionnels et subjectifs plutôt que d’avoir recours au jargon musicologique : en dépit de toute sa complexité et de son statut de « grand Art », le rock progressif reste du rock. La teneur du discours dans la plupart des fanzines de rock progressif fuit tout langage précis ou technique pour qualifier la musique complexe des groupes, préférant à


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l’inverse utiliser des descriptions vagues et un niveau de langage familier qui mettent l’accent sur le plaisir personnel plutôt que sur l’intellect. Comme l’affirme ce rédacteur d’un fanzine consacré à Jethro Tull, A New Day, une approche cérébrale, « c’est très bien si t’es un philosophe… mais en fait, ça n’assure pas vraiment. Pour moi, l’histoire de Jethro Tull est celle d’un groupe de blues au dessus de la moyenne, dont le travail doit être jugé dans le contexte de la musique rock. » (Martin Webb, cité dans Atton, 2001 : 36)

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Ceci ne conduit pas nécessairement à une approche non critique de la musique en question ; car il semble clair que ceux qui écrivent dans des fanzines sont plus à même d’être critique que ne le sont les journalistes de la presse commerciale. Pour ces derniers, un article négatif risquerait de produire une publicité dommageable pour cet artiste ou même pour son label. Nous ne sous-entendons pas ici que les fanzines adopteront systématiquement un ton arrogant dans leurs relations aux artistes. Une publication comme Classic Rock Society (à distinguer du mensuel commercial Classic Rock) repose grandement sur la bonne volonté de ses interviewés et des labels. Sans un accès facilité à ses musiciens préférés, ses rédacteurs n’auraient que peu de matière. Il n’est donc pas surprenant qu’une grande partie des articles de Classic Rock Society ne soit que faiblement critique, ses interviews plus enthousiastes sur les plans futurs d’un artiste que pénétrants sur ses projets en cours. Ici, l’accès est aussi important pour la survie du magazine qu’il l’est pour n’importe quel journal à grand tirage — et personne ne peut se permettre de le compromettre. Tout autres sont les publications dirigées par des musiciens eux-mêmes comme Collusion, Re Records Quarterly et Resonance. Ce sont des formes hybrides qui, pour les deux derniers, combinent une affiliation formelle avec la musique avec une écriture qui est le fait de musiciens actifs dans les genres traités par le magazine. Re Records Quarterly était dirigé et édité par le batteur Chris Cutler en complément de la parution de ses réenregistrements. Il s’agissait là d’une publication avant tout théorique et très intellectuelle qui s’intéressait autant aux contextes politiques de la création musicale avant-gardiste qu’aux pratiques créatives des musiciens. Tandis que la majorité de ses contributeurs étaient des musiciens, on put également apprécier l’apparition occasionnelle de la plume de Greil Marcus, le critique rock américain. Resonance commença comme la seconde tribune écrite du London Musicians’ Collective (LMC). Comme son aîné, Musics, cette publication était principalement animée par les membres de ce collectif. Collusion assura la transition entre la fin de Musics en 1979 et les débuts de Resonance au début des années 1990. Son équipe éditoriale comprenait deux membres de LMC, Steve Beresford et David Toop, et son éclectisme innovateur


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— c’était par exemple l’un des premiers magazines en Angleterre à avoir abordé le hip-hop — put tracer la voie pour un magazine comme Wire. Il ne s’agit pas là de fanzines dans une quelconque perspective essentialiste, mais ils sont pourtant clairement écrits par des fans. Frith (2002 : 240) considère des publications comme Wire comme des « semi fanzines, des magazines empruntant les filières commerciales avec une sensibilité non commerciale ». En outre, ce qui les rend différents des autres types de fanzines de rock progressif, c’est leur engagement critique et leur éclectisme. La musique noire par exemple n’aura jamais droit de cité dans les fanzines de rock progressif — il n’y a tout simplement aucun artiste noir que l’on considère comme appartenant à cette catégorie (ils ne seront pas même mentionnés en tant qu’influence, ce qui est pour le moins étrange lorsque l’on sait que de nombreux groupes de rock progressif ont débuté dans le R&B ou la soul). Le fanzine de rock progressif n’aborde pas non plus sa musique depuis un point de vue critique élaboré — il se contente la plupart du temps d’articuler un point de vue subjectif au guide du consommateur. À l’inverse, ces magazines dirigés par des musiciens s’attachent à sonder l’engagement culturel, la créativité et la recherche de sens. Leurs écrits sont peut-être plus proches des journalistes « intellectuels » du New Musical Express de la fin des années 1970 et du début des années 1980, comme Ian Penman et Paul Morley. Une différence de taille néanmoins : là où les références derridiennes ou barthiennes de ces derniers militaient pour une culture musicale aux accents postmodernes, le travail de musiciens-écrivains comme Chris Cutler est moins théorique et plus ancré dans les enjeux culturels et créatifs de la musique même — nous avons ici affaire à une politique engagée et contestatrice, et pas simplement à des préoccupations purement esthétiques.

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Nous sommes désormais en présence d’une presse musicale alternative qui est aussi contestatrice que n’importe quel fanzine punk, mais dont l’esthétique et les valeurs politiques sont assez différentes. En même temps, ces publications font montre de caractéristiques propres au journalisme d’auteur [personality journalism] que l’on croyait davantage l’apanage d’une génération précédente de la critique musicale appartenant au courant dominant. Inspirés par le Nouveau Journalisme représentées par des Hunter S. Thompson et autres Tom Wolfe, ces premiers critiques cherchaient, en pratiquant une immersion dans la culture de leurs sujets, à présenter un compterendu hautement personnalisé de leur expérience de la culture rock et de ses protagonistes. Les hauts-faits de Lester Bangs et de Nick Kent fournissent des exemples bien connus d’une écriture plongeant souvent autant dans le narcissisme et le solipsisme que dans une critique pertinente


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(bien que parfois, à ses meilleures heures, la pertinence était conquise au prix du narcissisme). Néanmoins, si nous devons considérer le travail de Chris Cutler, David Toop et d’autres comme relevant du journalisme d’auteur, nous devons alors nous défaire de toute complaisance : leur style est « plus pur », où le but est de promouvoir des points de vue personnels en musique, des points de vue qui prennent en compte des perspectives culturelles et politiques beaucoup plus larges que celles qui régissaient le reste des fanzines ou de la presse musicale commerciale depuis de nombreuses années.

Au-delà du fanzine : le retour du journalisme d’auteur

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Le journalisme d’auteur sous toutes ses formes a peu à peu disparu de la presse musicale commerciale depuis l’avènement de ce que Forde (2001) a appelé le « monoglottisme ». Une nouvelle manière d’aborder la presse musicale alternative s’offre à nous, qui dépasse la simple réaction à un manque de visibilité de tel ou tel courant dans la presse musicale dominante. Depuis les années 1980, la fragmentation et la spécialisation croissantes du champ musical global n’a pas eu pour effet la multiplicité de voix et de perspectives qu’on aurait pu attendre, et dont on trouve une expression dans les projets de médias alternatifs. À l’inverse, la consolidation du journalisme musical en tant que profession a concouru à une homogénéisation des voix, un « effacement des différences » entre les publications et leurs contributeurs. En dépit de l’émergence de publications à grand tirage très spécialisées (celles traitant de la danse, du rap et du hip-hop, du thrash metal, etc.), les impératifs économiques liés aux revenus publicitaires et à la maximisation de l’audience ont rendu tous ces magazines largement standards, et ce à plusieurs niveaux : la mise en page, le ton des articles et la structure organisationnelle (Forde, 2001). Sous ces conditions, il y a des fanzines — et d’autres formes — qui s’affirment à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle et dont on ne peut pas précisément dire qu’ils répondent à un manque de publicité dans la presse commerciale des genres musicaux spécifiques (ce qui avait été la base inébranlable de la production de fanzine), mais qui tentent de revenir à « l’esprit dissident » qu’on avait trouvé autant dans le fanzine que dans la presse classique à différents moments. Un magazine de ce type fut bien Careless Talk Costs Lives, publié par le journaliste Everett True (un ancien du Melody Maker), et le photographe de rock Steve Gullick. Ce titre apparut pour la première fois en 2002, comme en réplique au monoglottisme de la presse musicale traditionnelle anglaise. Sciemment limité à une douzaine de numéros, le magazine chercha à remettre l’esprit du


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journalisme d’auteur (et c’était particulièrement vrai pour True) au centre de la presse musicale du rock. Les propres aventures de True avec ses héros et dont il ne faisait pas de mystères (il était par exemple l’ami de Kurt Cobain, apparaissant plusieurs fois sur scène à ses côtés) font écho à celles de Lester Bangs et Nick Kent, mais on doit relever que la création d’un magazine comme tribune pour son propre point de vue et style d’écriture est assez rare au sein du journalisme classique. Comme nous l’avons vu, certains rédacteurs de fanzines (Paul Morley et Jon Savage en sont les exemples les plus frappants au Royaume-Uni) ont fait leur chemin pour devenir des journalistes musicaux professionnels en vue. Le journaliste alternatif ou le fanzine ont souvent franchi la frontière du courant dominant, mais l’inverse ne s’est que rarement produit. À l’époque où Careless Talk Costs Lives vit le jour, le journalisme d’auteur n’avait pourtant pas disparu du paysage de la presse musicale anglaise. Un grand nombre de ses représentants des années 1970 étaient toujours là, parmi eux Nick Kent et Charles Shaar Murray. Du fait d’une évolution personnelle de leur style ou par la censure que leur imposaient les rédacteurs en chef, ces journalistes signaient désormais dans des magazines comme Q ou Mojo, et leur plume ne se distinguait plus des jeunes journalistes : la verve corrosive de leurs premières années avait bel et bien disparu. Wire reste peut-être le seul magazine musical disponible en kiosque qui ouvre régulièrement ses colonnes au journalisme d’auteur et qui encourage l’expression personnelle chez ses rédacteurs. Il publie également des articles de journalistes ayant fait leur nom dans les inkies, comme Ian Penman et Jon Savage ou bien des écrivains provenant d’horizons plus avant-gardistes — ceux de Musics et Collusion — comme David Toop et Max Bell. Il est également intéressant de noter que Jon Savage, en plus d’écrire avec son style propre pour Wire, travaillera également pour des magazines commerciaux comme Mojo où sa plume est néanmoins plus en retrait.

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De manière analogue, Everett True, écrivant à la même période pour son propre magazine, met également ses talents au service de la presse commerciale, en signant cette fois-ci de son vrai nom (qui fonctionne en fait comme un pseudonyme). True voulait délibérément séparer sa propre voix, l’authentique (celle qui avait « découvert » le grunge et vraisemblablement le dernier journaliste engagé de la presse musicale britannique commerciale) de celle de Everett True le journaliste-àgages. Cette tension se manifesta dès les débuts de la carrière de True. Avant de quitter le Melody Maker, on pourrait aisément démontrer que même True prenait part à sa façon au monoglottisme ambiant. Un membre de l’équipe de rédaction de cette époque raconte que même le style combatif de True était devenu « presque méconnaissable » (entretien anonyme cité dans Forde, 2001 : 35). Ce


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hiatus est significatif : dans Careless Talk Costs Lives, True s’était entouré d’autres réfugiés de la presse musicale traditionnelle, ainsi que de contributeurs amateurs. Ils s’organisèrent d’une manière plus proche du fanzinat : travail bénévole, une grande liberté dans le choix des sujets des chroniques ou des interviews, et une liberté d’expression similaire pour tous. Toutefois, les moyens mis en œuvre pour la réalisation de ce magazine étaient élaborés, ce qui en faisait un objet à part du monde du fanzinat (bien que, comme nous l’avons vu, le professionnalisme dans la production n’empêche pas forcément une revue d’être considérée comme un fanzine). Nous avions ici un journaliste engagé, moderne, qui se réinventait lui-même en réaction au corporatisme de sa profession grâce à l’outil du fanzine — en tant qu’auteur plus qu’en amateur — et contre le mouvement ascendant qui conduit du fanzine à la presse commerciale emprunté par des Paul Morley ou des Jon Savage.

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Au cours de son existence délibérément courte, Careless Talk Costs Lives se posa également contre un autre secteur de la presse musicale. La spécialisation et la fragmentation grandissantes de la presse musicale commencée dans les années 1980 a vu dans les années 2000 l’émergence non seulement de magazines à grand tirage comme Q et Mojo, mais également de magazines musicaux alternatifs comme X-Ray, Fly, et Logo. Mais en fait, il ne s’agissait pas tant de « magazines musicaux alternatifs » que de revues consacrées à la « musique alternative » — ils s’occupaient de ce qui avait été réifié et étiqueté comme du « rock alternatif » et produisaient des magazines professionnels, bien en vue et disponibles en kiosque, destinés, on l’espérait, à une large audience. Dans la plupart des cas, ces publications s’éteignaient peu de temps après avoir vu le jour, mais ce n’étaient pas pour des raisons idéologiques, comme dans le cas du magazine de True. Leur échec était en partie dû à l’existence d’un marché saturé dans ce domaine. (Peut-être faudrait-il ici parler plutôt de super-genre pour un domaine musical aussi large : en un même numéro, X-Ray pouvait parler de Coral, Moby, les Datsuns, les White Stripes, Coldplay et Will Oldham.) Il y a pourtant eu, dans le secteur des magazines spécialisés indépendants, des success-stories en matière d’individualité et de longévité. On a pu les observer dans des domaines où il y avait peu de concurrence, un climat qui le plus souvent était dû à l’audience très restreinte des musiques qui étaient traitées. En effet, Wire, qui commença en 1982 comme un magazine de jazz contemporain, n’a survécu qu’en redéfinissant ses domaines de compétence et en les étendant à une variété plus large de musique d’avant-garde (la musique contemporaine, le rock, l’électro, le reggae et la world music). Comme nous l’avons déjà vu, il se distingue par la mise en avant de journalistes engagés, bien que ces derniers n’appartiennent que rarement à l’école de Nick Kent. Ces derniers souscrivent en revanche au principe


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« d’immersion » du Nouveau Journalisme et ont su résister au monoglottisme de la presse musicale commerciale. Cette indépendance est de nature idéologique, tant sur un plan artistique qu’organisationnel. Wire est convaincu que les sujets dont il traite ne sont pas de simples marchandises : ils méritent par conséquent les égards qui leur sont dus. La rhétorique implicite de cette revue affirme ainsi que des journalistes au style propre conviennent mieux à des musiques originales, et la manière dont nombre des acteurs du milieu défie la catégorisation en style n’a d’égal que la volonté des journalistes du Wire d’en taire l’existence. La pratique de l’immersion est d’ailleurs rendue possible par le fait que beaucoup de critiques sont aussi des musiciens du milieu. Dans un contexte où les journalistes de la presse commerciale peinent de plus en plus à rencontrer ses artistes, un contact qui vient de pratiques partagées offre des relations privilégiées pour les magazines spécialisés comme Wire. À ceci s’ajoute le caractère unique de cette publication : en tant que seul magazine mensuel distribué internationalement qui traite régulièrement de l’avant-garde et de la musique expérimentale, elle est considérée comme un rouage essentiel dans la promotion des artistes et des labels travaillant dans ce domaine.

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Bien que cela fasse longtemps maintenant qu’il n’opère plus seul dans le secteur de la world music, fRoots a connu une trajectoire similaire à Wire, même s’il ne traite vraiment pas des mêmes choses. fRoots commença en 1979 sous le nom de Southern Rag, un magazine folk qui couvrait soi-disant le Sud de l’Angleterre, mais faisant ses reportages sur des musiciens venant des quatre coins du monde. Même s’il était né dans le contexte d’une culture de revival folk souvent considérée comme rétrograde et conservatrice, Southern Rag chercha à rajeunir la musique folk en ouvrant les perspectives du genre et en remettant en cause les certitudes d’une scène anglaise que son directeur, Ian Anderson, considérait comme démodée et réactionnaire. Le magazine, tout en exhibant les signes habituels d’une publication professionnelle (une équipe de rédaction, une fréquence de parution régulière, des encarts publicitaires, un service des abonnés, du marketing) introduisit un enthousiasme digne d’un fanzine dans ce qui était devenu une institution bornée et relativement figée de la culture anglaise. Le magazine fut relancé sous le nom de Folk Roots en 1985 (puis rebaptisé fRoots par la suite), comme pour signaler son évolution vers une musique folk et roots qui ne se cantonnerait plus au territoire insulaire. Ce fut par sa qualité d’unique magazine consacré à ces musiques que Folk Roots put jouer un rôle actif dans la promotion de la world music (une catégorie marketing que son rédacteur en chef Ian Anderson devait grandement aider à imposer pour la distribution des petits labels ethniques). Le propre label d’Anderson, Rogue Records, allait également produire les premiers disques d’artistes comme Baaba Maal et Flaco Jimenez. Alors que le magazine ne peut s’enorgueillir d’aucune per-


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sonnalité en tant que telle chez ses rédacteurs, son style est loin des articles standardisés de la presse commerciale. Ses contributeurs donnaient une touche personnelle à leurs articles en y introduisant leurs connaissances spécifiques, qu’elles soient géographiques, organologiques ou historiques.

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Conclusion Chacun à sa manière, Careless Talk Costs Lives, Wire et fRoots nous mettent en présence d’un modèle qui résiste aussi bien à la catégorie de la presse dominante qu’à celle de fanzine. Comme nous l’avions remarqué au sujet des fanzines post-punk, la nature hybride de ces publications ne cadre pas avec l’acception classique du fanzine dérivant du punk. Au contraire, nous trouvons des éléments de professionnalisme (une production de qualité, des pratiques de marketing et de division du travail) qui sont propres à la presse traditionnelle, et qui s’articulent pourtant avec des priorités idéologiques ayant pour résultat un intérêt marqué pour les sujets traités et un style d’écriture relevant de la culture fanzine. La curieuse alchimie qui permet à ces deux modèles apparemment contradictoires de fonctionner ensemble repose à mon sens sur la pratique du journalisme d’auteur. La meilleure façon de saisir les approches plus riches et diverses que ces différents titres proposent est de retourner aux racines de ce genre dans le Nouveau Journalisme, et de le penser comme un « journalisme d’immersion ». Cette nouvelle dénomination est utile en deux sens. Premièrement, en retournant aux origines de ce style, nous parvenons à éviter de mettre sur un même plan, disons l’intellectualisme de Wire ou le style proche des musiciens de fRoots et l’auto-fiction exubérante d’un Bangs, d’un Kent ou même d’un True. En second lieu, cela nous permet de mieux prendre en compte non seulement les résultats esthétiques et critiques de ce style, mais également sa signification au niveau économique. Là où Forde a certainement raison de relever l’impossibilité actuelle qu’il y a pour la presse dominante de donner dans le reportage participatif (en raison des restrictions sévères d’accès aux artistes les plus en vue), la relation plus étroite qui s’instaure entre les rédacteurs et les musiciens — le plus souvent en tant que co-praticiens, et toujours en tant que militants de musiques menacées ou minoritaires — dans des feuilles comme Wire et fRoots suggèrent une économie politique radicalement différente de celle qui prévaut dans la presse commerciale. Le reportage d’immersion ou participatif, à condition qu’on le définisse ainsi, devient moins une tribune pour l’ego du journaliste et réapparaît comme une recherche, si ce n’est d’authenticité, au moins d’un approfondissement plus intense et fouillé des pratiques créatives où leur contexte historique et immédiat prennent tout leur sens.


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Ce « courant dominant alternatif » hybride de la presse musicale semble mieux s’approcher de la source de la créativité que ne le font de nombreux fanzines, ce qui n’est pas sans soulever un certain paradoxe. Nous avons vu comment, dans le cas du fanzine de rock progressif, la possibilité de rencontrer les artistes est sensiblement la même que pour les publications « dominante alternative » (cet accès aux artistes pourrait susciter la jalousie de plus d’une publication à grand tirage). Pourtant, c’est ce qu’ils font de cet accès qui compte réellement. Il est apparu que dans certains cas l’opportunité d’une véritable immersion était restreinte par la déférence — et c’est ici que le fanzine de rock progressif ou classique reste fidèle aux magazines spécialisés du courant dominant du genre de Classic Rock ou Mojo. C’est comme si le privilège de l’accessibilité conduisait dans de nombreux cas à une paralysie du sens critique. Un accès sans frein pourrait bien s’avérer être une condition nécessaire mais pas suffisante d’une politique éditoriale libre ; un responsable de fanzine ne se laisserait peut-être même pas la possibilité d’une chronique négative d’un de ses héros, si ce n’est en des termes inoffensifs. En nous déplaçant sur le spectre des magazines spécialisés, nous trouvons en outre d’autres explications à la paresse critique. Plus les magazines deviennent dépendants de la publicité des mêmes compagnies qui distribuent le travail des artistes, moins ils seront à même de compromettre cette relation commerciale. Ceci est particulièrement sensible dans des domaines spécialisés où un magazine essaie de s’imposer, ou lutte continuellement pour sa survie.

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L’identité « polyglotte » que Forde (2001 : 24) ne déclarait trouver que dans une seule revue musicale à grand tirage des années 1970 se repère désormais dans une pluralité de publications musicales alternatives. D’une manière inattendue, le fanzine, avec son fonctionnement très souvent réduit à un seul rédacteur/éditeur, est plus proche de ce monoglottisme que Forde (2001 : 40) attribuait au « style-maison rigide et conservateur imposé par les responsables de rédaction » de magazines comme Q ou Mojo. Dans le cas des fanzines toutefois, il ne s’agit pas de règles édictées par des bureaucrates, mais la conséquence d’une structure organisationnelle. C’est ce que Forde analyse comme une « transformation bureaucratique du polyglottisme original à un monoglottisme standardisé [branded monoglottism] » (Ibid.) — chaque fanzine particulier devant être pensé comme relevant d’un monoglottisme standardisé dans un large champ de publications qui se ressemblent. L’ensemble des fanzines peut par conséquent être analysé comme un exemple de ce que Forde appelle le « polyglottisme original ». Le monde de la presse musicale alternative — y compris le fanzine — reste le seul forum véritablement diversifié pour de telles voix et leur lectorat hautement spécialisé.


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Chris ATTON est maître de conférences [Reader] en journalisme à l’école des Arts de la communication de l’université Napier, Édimbourg, Écosse. Il est l’un des principaux acteurs de la recherche sur les média alternatifs et a publié trois livres dans ce domaine : Alternative Literature (Gower, 1996), Alternative Media (Sage, 2002) et An Alternative Internet (Edinburgh University Press, 2004). Il a publié de nombreux articles dans des revues et des ouvrages collectifs et a dirigé des numéros spéciaux sur les médias alternatifs pour Journalism : Theory, Practice and Criticism et Media, Culture and Society (tous deux en 2003). Il est également musicien et écrit dans la presse spécialisée. c.atton@napier.ac.uk Traduit de l’anglais par Emmanuel PARENT. La version originale de cet article, sous le titre « A Sociology of the alternative music press in Britain » est disponible sur le site www.seteun.net

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É D I T I O N S M É L A N I E S É T E U N — CO L L E C T I O N M U S I QU E E T S O C I É T É DERNIÈRES PARUTIONS

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FÉVRIER

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Gérôme GUIBERT. La production de la culture. Le cas des musiques amplifiées en France. Genèses, structurations, industries, alternatives. Clermont-Ferrand/Paris : Mélanie Séteun/Irma, 2006.

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roposant une sociologie qui tient également compte de données historiques et économiques, cet ouvrage analyse les processus d’élaboration des musiques amplifiées en France. Il montre d’abord comment s’est structurée dès la première moitié du XXe siècle une industrie de la musique, centrée sur Paris, par la montée en puissance d’un secteur économique et l’institutionnalisation de fonctions spécifiques dans les secteurs du disque, des médias, et du spectacle. Il met ensuite en évidence la manière dont ont pu émerger, suite au développement générationnel de la pratique de ces musiques et à la structuration de scènes locales sur le territoire français, des sources de production et de diffusion se revendiquant alternatives à cette industrie. Enfin, à travers une enquête de terrain, il explicite comment se déploient aujourd’hui les cultures musicales amplifiées qui touchent à la fois des musiciens amateurs et d’autres qui cherchent à se professionnaliser. En interrogeant l’articulation entre phénomènes globaux et pratiques quotidiennes liés à la musique en France, l’étude met ainsi à jour comment les normes et les usages technologiques, économiques ou juridiques influencent la production de la culture. Gérôme GUIBERT, docteur en sociologie, est chargé d’études dans le secteur des musiques actuelles et enseigne à l’université de Paris XIII Villetaneuse. Son premier livre, Les Nouveaux courants musicaux : simples produits des industries culturelles ?, paru chez Mélanie Seteun en 1998 est de nouveau disponible en téléchargement (5 €) sur le site de l’IRMA : www.irma.asso.fr.

Fabien HEIN. Le monde du rock. Ethnographie du réel. Clermont-Ferrand/Paris : Mélanie Séteun/Irma, 2006.

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xception faite de quelques rares travaux, le monde du rock a souvent été observé à distance. Le phénomène de masse a prévalu sur la pratique concrète. Cet ouvrage vise à inverser cette tendance. À cette fin, il propose de s’intéresser à la réalité concrète de la pratique rock à partir d’un important travail d’ethnographie sociologique. Cette réalité se compose d’un mixte hétéroclite d’acteurs, d’objets et de dispositifs. C’est la raison pour laquelle cette enquête de terrain s’emploie à dresser la morphologie d’une multiplicité d’objets produits par le monde du rock (instruments, disques, flyers, fanzines, etc.), à éclairer le fonctionnement et l’équipement d’un ensemble de lieux (locaux de répétition, salles de concerts, magasins de disques, studios d’enregistrement, etc.), à présenter la genèse et la fonction de certains dispositifs (répétition, concerts, politiques culturelles, programmes de soutien, circuits de distribution des œuvres, etc.) et à recueillir le discours des acteurs (musiciens, disquaires, organisateurs de concerts, rédacteurs de fanzines, label managers, amateurs, etc.). C’est la combinaison de ces données qui permet de rendre compte du fonctionnement du monde du rock, dans sa double dimension d’expérience individuelle et collective. Car le monde du rock est le fruit d’une profusion d’expériences distribuées au sein de réseaux. Des réseaux de corps et de choses, qui tiennent et font le monde du rock dans la mesure où ils sont également des réseaux de goûts et d’attachements. À partir de quoi, il est permis d’exprimer un doute méthodique quant à une catégorie de classement et d’analyse aussi nébuleuse que « rock ». Puisque son usage conduit systématiquement la réflexion intellectuelle dans une impasse tant il est vrai que le monde du rock ne peut plus être conjugué au singulier, mais doit l’être au pluriel.

Fabien HEIN est docteur en sociologie. Il est l’auteur de Hard Rock, Heavy Metal, Metal. Histoire, cultures et pratiquants, publié chez Mélanie Séteun/Irma (2003). Il est également contributeur régulier du fanzine Kérosène et du webzine Desert-rock.com.


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Cold Press: Early Punk Fanzines in Canada’s Capital by

Julia Pine Institute for Comparative Studies in Literature, Art and Culture at Carleton University, Ottawa, Canada Abstract: This paper combines a personal memoir with an historical and critical approach to

Key Words/Mots-clés: Zines, Ottawa, Canada, Quebec, Quebec City.

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punk fanzines produced in Ottawa, Canada between 1978 and 1985. Chronicles growth and offshoots of the “scene” in terms of “outside” influences and musical developments, as well as in response to growing interest in social and political activism. The author speculates as to the cultural positionality of zines in general, and suggests a reading of the specificities of early Ottawa zines in terms of issues of national identity. Résumé : Cet article articule des souvenirs personnels à une approche historique et critique des fanzines punks realisés à Ottawa, Canada, entre 1978 et 1985. Il retrace ainsi la naissance et les ramifications de cette « scène » en isolant ses influences « extérieures » et ses développements musicaux, tout en la considérant comme la conséquence d’un intérêt grandissant pour le militantisme social et politique. L’auteur s’interroge sur le positionnement culturel des fanzines en général et ébauche une lecture des spécificités des premiers fanzines d’Ottawa sous l’angle des questions relatives à l’identité nationale.


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Julia Pine

CONCERN will be born. As time goes on we will receive the responses. CONCERN will reflect the attitudes of the people who read and contribute to CONCERN. This will not be like some Canadian and American mag where reader response is cut up and tossed out. The reader’s responses make up the basis of this mag. With no responses from you from your home we are a closed minded, one sighted group of assholas producing blah-blah, blah junk like shit. No Cause For Concern?, Issue 1, 1982

When

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I moved back to Ottawa, the city where I grew up, a few years ago, I unearthed a couple of boxes full of ephemera from my mother’s basement which I had stored from my “punk days” when I was involved in the small but vibrant and ever-changing scene here from about 1978 until I headed to London, Ontario in 1985 to go to university. I was fourteen when I first became involved in the scene, and punk, as I experienced it then, and its style and ethics, shaped more or less every part of my early adult life. Within this space I learned to play guitar and write music, I played in bands, helped to produce records and tapes, promote gigs, make posters and flyers and write articles. Thanks to the Ottawa punk scene I was introduced to radical politics, feminism, vegetarianism, animal rights, anti-corporate rhetoric, do-it-yourself of all kinds, environmentalism, civil disobedience, peace activism, communal living, alternative art and literature, and “alternative lifestyles” in general—not to mention the requisite sex ‘n drugs ‘n rock and roll.1

My cache was full of gig flyers, buttons, posters, set lists, band promos, and a whole whack of fanzines going back to 1978. Leafing through the zines, I was struck by how intensely personal and objective the individual publications are, while at the same time, each also vividly reflects the vagaries and wind-changes of the Ottawa scene as it unfolded and reacted to a number of outside influences. Naturally, as participants, we all had unique and narrow windows on the scene, and each experience served writers as such. But while all were working more or less in the same stylistic and technical medium, I am still intrigued as to how each editor and contributor used the materials at hand with such individualized creativity. Truly, punk was not a defined set of rules and styles, nor a movement which we “joined,” but a free space where we could grapple and play with whatever creative, personal and political problematics plagued or tantalized us. American studies 1. For more info on Ottawa and Canadian punk, past and present, see the following websites: www.punkottawa.com and www.punkhistorycanada.ca.


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scholar Stephen Duncombe, who has surely written the most illuminating analysis of zines in his 1997 book, Notes from Underground: Zines and the Politics of Alternative Culture, hits the nail on the head when he states that “Zines and underground culture constitute a free space where people can experiment with possibility.” (Duncombe, 1997: 176) Looking back now, it is evident that by the late seventies the West was witnessing a genuine paradigm shift in terms of social and political organization and power structures, sprawled as it was as a sort of wreckage washed up on the shore of the various “revolutions” of the sixties. For me, assuming an ersatz anthropological stance, early punk zines from my hometown collectively represent a tattered little message in a bottle from the periphery of that cultural landscape: a time capsule perhaps, or a letter bomb, depending on your point of view. I find them fascinating because they show the crashing together of, at least at first, an incredibly tumultuous and influential subculture, with newly available mechanical reproduction technology in the form of the photocopier, resounding with the residual cultural memory of avant-garde, “deviant” and low styles, such as Dada, Pop Art, pulp, the ransom and suicide note, the manifesto, graffiti, cheesecake, kinky porn, collage, assemblage, and so on. Now, with the internet and desktop publishing, cut-paste-photocopy zines have become a nostalgic format, like traditional photography in the digital age. Then, they were a necessity—made using the only tools available under the circumstances for what seemed at the time like an irrepressible need for personal and collective expression and communication.

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Duncombe calls members of American alternative culture “… creative misfits scattered across the country [who] use the culture that is zines to share, define and hold together a ‘culture’ of discontent: a virtual bohemia.” (Duncombe, 1997: 14) Indeed, if zines originally had a purpose, it was primarily to make connections, in the form of a hand-operated, pulp-and-ink world wide web to circulate ideas, make connections, and forge what international studies scholar Benedict Anderson calls “imagined communities”—conceptual “scapes” where people of like minds can become affiliated. As such, it is easy to read these intensely personal documents as cultural indicators of the first order, as representative not just of a small localized faction of “fans,” but as part of an interface that processes personal, local, provincial, national, and international problematics through a particularly raw, primitive and uncensored filter. Ottawa, Canada was a tiny nodule in this conceptual map, but as a case study, it offers an intriguing insight not only on the state of the early Canadian punk scene, but, in my opinion, as a sort of negative foil to Western “mainstream” culture in general in the last quarter of the twentieth century.


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Canada is a huge country, and although Ottawa is only its fourth largest city, it remains the centre of activity for Canadian politics. During the period I’m addressing here, between 1978 and 1985, Ottawa was comprised of a largely middle class, WASP (that’s white, Anglo-Saxon Protestant) population who ran on the gears of the civil service, which set the tone for the entire city. Poised on the cusp of Quebec, Canada’s French province, at the time Ottawa also acutely felt the presence of French Canada, not only through the political debates on Parliament Hill regarding bilingualism and the province’s independence, but via the large French population localized toward the Quebec side of the city, and across the Ontario/Quebec border. A stone’s throw south is the U.S. border, a constant reminder of the behemoth whose popular culture permeates every crevice of Canada, our dear country being a member of the Commonwealth of Nations, and inhabited largely by people of relatively recent European descent. Like all of Canada, today Ottawa is becoming increasingly multicultural, although compared to other larger Canadian cities, particularly Vancouver, Toronto, and Montreal, at the time its face was remarkably pasty. Perhaps more than many other countries, Canada’s “identity” has notoriously remained the locus of a floating sense of anxiety since at least the nineteenth century, sandwiched as it is between England and the U.S. and with its internal struggles for cultural and proprietal recognition between the English, French, Inuit and First Nations. Established, as it was, as a sort of “mine” for furs, fish and raw materials, Canadian communications scholar Jody Berland suggests that Canada’s position as a cultural product is a major factor contributing to its delicate state of self-definition. She writes,

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Canadians live with an endemic, popular and (until recently) officially sanctioned awareness and resentment of multinational corporate dominance that has pervaded their public culture for many decades. Since Canada’s origin as a nation-state, this public culture has relied on political, legal and symbolic discourse that presented its culture, media and identity as fragile subjects of external domination and colonization… Aside from aboriginal cultures, Canada possesses no originary identity independent of such colonization. (Berlan, 1991, 317)

Only now, partly thanks to recent American views of Canada ushered in by popular sources, not least of those produced by Michael Moore, is this country performatively developing a sense of its subjectivity as a liberal, (until very recently) somewhat socialist-leaning and highly tolerant (if timid) nation. However, while this may sound relatively cosmopolitan, Ottawa remains a surprisingly conservative and isolated locale, and before cable, the internet, and other more recent forms of mass communication really hit in the later 1980s and ‘90s, Ottawa was something of a cultural


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backwater as far as Western trends were concerned. Indeed in the late 1970s, when I first became conscious of music and “style” (however that may be defined), I remember noting, from a trip to England in 1981, that it took about two years for a fashion or new musical genre to “arrive” in Ottawa from its high point in Europe. This was certainly the case with punk, in terms of music, dress, and other subcultural paraphernalia, like the fanzine. As such, lagging behind England and the US, by a year or two, something of a scene slowly started up in Ottawa in 1978, which centred on a venue called The Rotters’ Club; a grungy little dig run by a leather-clad British entrepreneur named Stewart. It catered to a small, curious clientele and showcased experimental and early mostly local punk bands, including the Red Squares, the Beaurocrats, Insurrection, Vendetta and an uncatagorizeable sort of Hippy/Viking/ D&D (Dungeons and Dragons) collective, who were either called D’Ah Acmes or the Rotten Kidz and who “made music” and did performance art in a troupe called Ragnarok. In terms of print culture, this collective was the first to put out anything resembling a zine in this city in 1978, a rather slick, professionally-printed mostly black and white comic-book format compendium entitled D’Ah Acme Planet, full of well drafted cartoons, rants, “how-to” columns for things like embroidery (!), and recipes on how to make granola from molten lava and rusty hardware, among other things.

Contradiction, it seems to me, pretty much sums up the state of punk at the time in the nation’s capital. It was a particularly artless affair, just a brief editorial and a series of pages, Xeroxed on

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Ottawa’s first official punk fanzine was put together by Dr. X, aka Peter Buchan, a 28 year old archival assistant working as a Retrieval Officer in the National Archives of Canada. Dr. X was privy to a photocopier there, a rather extraordinary and inaccessible machine to most of us then, and, on taxpayers’ time and stolen federal government paper, he printed on or about one hundred copies of Contradiction: The Canada Day Issue, on July 1, 1979. I distinctly remember what a novelty that zine was—I had never seen one before—and what a thrill it was to examine material written, drawn and collaged by punks about the local scene. For me it really brought things into focus, codified what we were doing, and afforded access to the opinions of people I only knew through a smoky, boozy Rotters’ club haze. I guess the good Doctor had heard of or seen a few zines filtering up from the States or brought over from Britain by local punks visiting the Old Country, and realized he had the resources to do it himself. I’m also guessing he had a few leftovers, as at the time the scene couldn’t have consisted of about fifty or sixty people at most.


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one side only, and including rants, collages, a pencil drawing of Johnny Rotten, recipes for “Punk Granola,” an “Interview with an Android,” and a review of a gig at the Rotters’ club featuring the Vancouver band DOA, today Canada’s most famous and longest-running punk band—still going strong over a quarter of a century later.2 One page in Contradiction is notable for its ad for “A small group of dedicated people to organize, promote and run music benefits for those in need. PA system, financial backing and bands available.” (Buchan, 1979: 2) This was placed by an older American scenester who called himself Vigilance DeLiberté (we knew him as Greg, or Vig), a real force in terms of punk activism in Ottawa. Vig’s effort in this respect was to have noticeable impact later on, when a collective was put together in 1981 as a DIY (Do It Yourself ) organization. This meant putting on shows, running “speaks” or illegal nightclubs, holding debates, becoming affiliated with RAR International (Rock Against Racism), and pulling the whole scruffy scene together for the next few years.

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That said, although as an “alternative culture” we all came together relatively peacefully at gigs, going through the zines that followed Contradiciton after 1978, I am struck at how acutely they reflect the conceptual fragmenting of the scene as various factions formed around diverse musical styles, political directives and gender issues. When Contradiction was published in 1978, the Ottawa scene had been cobbled about whatever would filter into the city in terms of musical imports, fashion, alternative press, news reports of the Sid and Nancy saga and the occasional appearance of a new wave or punk band on Saturday Night Live, if you had access to cable. Occasionally, an important band passing through this little government town on the way from one big city, like Montréal, to another, like Toronto, might appear, as did The Vibrators, a “first wave” British punk band who were inexplicably booked to play at the big rock venue Lansdowne Park here in 1978—at a time when no more than a handful of people could have known who they were. The Ramones blew everyone’s ears off (quite literally—it was the loudest concert I’ve ever attended) in 1980, and that same year 999 and the Incredible Shrinking Dickies played at the notorious hard rock watering hole La Chaudière across the river in Hull, Quebec. Also, the bigger Canadian punk bands from Vancouver, Hamilton or Toronto would occasionally make it into town, like the Viletones, DOA, Teenage Head, The Forgotten Rebels, and the Secrets, or the 222s from Montreal.3 2. See Keithley, Joey (2003), and the band website at www.suddendeath.com/doa. 3. For a listing of Canadian punk albums and singles, see Manley, Frank (1993).


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The Rotters’ Club “period,” roughly 1978-79, had a very distinct flavour that Contradiction only partially captures. The primary influence was British punk, and much of the material culture that washed in came from young British immigrants or local kids bringing back loot from visits to relatives in England or, like my sister, on stints as nannies. American influence came in via television, immigrants like Vig, touring bands like the Ramones, and other sources. American punk had a sort of fiftiesesque bad-boy street kid feel to it at the time; it was more about boredom and a glut of popular culture than hopeless futures and class and race relations, as it was in England. In fact, as I remember it, the strongest alternative and musical style influence from the US seemed to be residue from the Glam period in the early seventies, epitomized by The New York Dolls, Gary Glitter, Joan Jett, Iggy Pop, and of course, lots of Bowie, who was British but, as the lead character in Hedwig and the Angry Inch says, was an American idiom.

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By the early ‘80s the scene had grown, and the DIY collective that Vig had drawn together was to become the nexus. We called it No Pigs, for obvious reasons (“pigs” being “cops” in English slang), but the official name was “Youth Culture Promotions” (YCP)—deliberately squeaky clean to procure rentals from hesitant hall owners. Originally it was simply an underground club where we could drink and “do music” out of a communal house downtown. As many of us were underage (and the legal age had just been raised a year to 19), this was a good thing, and I remember these parties/events as an absolute blast of noise, bolstered by booze, light drug use, and the occasional fight. That said, there was always a very strong sense of community and an unspoken understanding not to go too far over the top, what we were doing was important to preserve. They were a lot of fun, and it’s a miracle the house wasn’t raided more often than it was. After the Rotters’ club closed in 1979, there were no regular punk venues and YCP filled in the gap by renting spaces to hold gigs, which were usually called “Beavers” riffing not only on prurient connotations, but on Canada’s rather unfortunate national symbol. To name a few, these included the Vinyl Beaver, the Saturday Night Beaver and the Leave it to Beaver, which were used to showcase local bands and raise funds for various projects or causes. YCP had about twenty or so floating core members, and in order to participate we had to learn concert-production skills, like doing sound, setting up lights, dealing with contracts and promotion, etc. Incidentally, this paid off for a number of people who later became band promoters, sound engineers or producers, or continued to work in the music or performance industry in some format.


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The scene had started to branch out significantly by then, and there were the “traditional” punks who adhered to the original British formula—still following the early U.K. bands like The Sex Pistols, The Buzzcocks, The Clash, etc.; Rude Boys into Ska, skinheads, who looked hot off the boat from London’s bowery, but spoke like lumberjacks; the artsy/techie/dancy New Wavers who followed the Velvet Underground/Devo/Gary Newman line; and Rockabillies, who were part of the big revival going on then around bands like the Bopcats and the Stray Cats. In the first few years of the decade there still couldn’t have been more than about two or three hundred of us, in our teens and early twenties, circulating in this parallel universe. Although it might be worth asking exactly what it was that we, as mostly privileged white kids from relatively stable homes, had to rebel about, it was enough to keep the flag a-flying.

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One thing that continues to intrigue me about fanzines from the early period, and which probably remains constant to this day, is how often (besides recipes for granola) the subject comes up as to “what punk is.” Punk zines, and Ottawa’s being no exception, it seems to me, were characteristically self-reflexive, and there are few issues that don’t deal to some degree with “attitudes toward punk,” “punk ethics,” or “who took the fun out of punk?” etc. Just one of numerous examples in the materials I am covering here appears in an editorial in Voyeur! magazine in 1982, which looks to be a survey of local Ottawans, in response to the question “What do you think of punk?” Responses range from indifferent to intensely hostile, my favourite (fictitious or not) being from a Duty Sergeant from the Ottawa police force, who replies: “Punk rockers are just like snakes. When I see punk rockers I want to shoot them. They are fucking idiots with their weird hair and ears (pierced).” (Barrat & Jones, 1982: 1) Being an inquisitive sort, even at the time, I have always vaguely wondered myself what it was, exactly, that had provided such a glaring backdrop for my youth. As such, I was quite astonished to be inadvertently introduced to subcultural studies in a university course, which made me feel as if I had stumbled upon the Rosetta Stone. The first light that went on for me reading subcultural theory was, as theorist Phil Cohen puts it, how subcultures form for youth to develop “alternative sources of self esteem.” (as quoted in Hebdige, 1987: 76) Of course! (I thought). Punk developed as a space for us, a bunch of—as Duncombe (1997: 181) puts it—“fellow losers,” to develop a sense of self worth that our lousy society and hostile parent’s denied us! How succinctly put! And most famously, Cohen’s assessment that the “latent function” of subculture is this: “to express and


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resolve, albeit ‘magically,’ the contradictions which remain hidden or unresolved in the parent culture.” (Cohen, 1997: 94) Eureka! We were clearly expressing our parents/cultures/country’s durm und strang in our clothes and hair and music! Why hadn’t we figured it out before? Why had not a single zine article rooted out this most fundamental of facts? Why was it that the Restless Virgins had never written a song to tease this from the matted skein of punk rhetoric? Further, I learned, at least in the earlier days before punk “style” became formulaic, it acted as what the Russian literary theorist Mikhail Bakhtin describes as a “carnivalesque” space, where rules were to be gleefully broken. For many of us, “punk” clearly functioned as a safe enclave to act out our fantasies, and cathartically, through experimental sex, drugs, alcohol, pogoing, thrashing, stage-diving, self-harm, mad music making, vandalism and occasional violence, to work off jouissance and angst, and clearly as a place to stake claim for, if not to form, an alternative identity beyond the confines of what were, at the time, stiflingly conservative options. Early fanzines, like Contradiction and D’Ah Acme Planet are padded, between band interviews and record reviews, with splenetic rants, fantasy scenarios, the requisite calls for anarchy, and endless paragraphs of self reflection. Like punk music and lyrics, I can’t help but look at zines, from this purview, as a form of therapy through self-expression, or roughly what Freud called the “talking cure,” though, in this case, “yelling” or “ranting” cure might be more appropriate. Following Cohen’s and Hebdige’s lead, then, what were we, as small-town punks in Canada’s chilly capital, collectively trying to magically resolve in terms of contradictions in the “parent” culture? Surely our problematics differed measurably from those in Britain, where class struggles, immigration clashes and unemployment were endemic, or the US where (as period material implies) “boredom reigned,” hippy culture had played itself out, disco and stadium rock ruled the airwaves, racism and religious fundamentalism bubbled beneath the surface, and all was covered by a proscribed bland, conservative Caucasian veneer. Of course, any speculation in this regard will have to remain speculation, but at least for my own peace of mind, I like to ruminate as to what, if any, contradictions or fissures in our modest social universe we might have been trying to “express” by our unique bricolage of various punk idioms.

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In his 1979 study, Subculture: The Meaning of Style, British cultural theorist Dick Hebdige describes English subcultural formations involving skinheads, punks, mods, etc, in terms of a “phantom history of race relations since the War.” (Hebdige, 1987: 45) To him, punk was largely a reaction


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formation to “black” music and style. “To use a term from semiotics,” he writes, “we could say that punk includes reggae as a ‘present absence’—a black hole around which punk composes itself.” “This” he continues, “can be extended metaphorically to wider issues of race and race relations.” (Ibid.: 68) Although hardly cutting edge by contemporary critical standards, I more or less buy this theory. But although Reggae was highly popular in Canada at the time we are discussing here, Brits were of course experiencing a remarkably different set of circumstances, and Reggae and other African-Euro, or African North-American musical styles clearly were not a “present absence” for Ottawa punks, anyway. Nor would I say that the French-English situation, percolating on Parliament Hill and just over the Quebec border held sway, as the tightly-knit scene here seemed to erase differences of language and culture, and there was always a relatively free and easy interaction between francos and anglos in the underground.4

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I do believe that if there was a “present absence” that Ottawa punk, if not all Canadian punk, formed itself around, then it was of the Brits and the Americans in general, and no matter who you were, you tended to lean in one direction or the other in terms of style, dress, musical preferences and even modes of speech. If this was more than merely emulation or personal preference, then this “black hole” was symptomatic, perhaps, of our need as Canadian subjects to magically resolve the identity “crisis” many of our parents clearly felt as new Canadians, and the “parent” culture’s need to situate itself as a culture, and as a nation at least psychologically, if not politically, independent from Britain and the U.S. Because there was so much waffling—and anxiety regarding this waffling—between British and American styles of punk within the scene as I experienced it here, I believe that at least some of what we were, quite unconsciously, “working out” in those early years, had to do with Canada’s own “self-esteem,” its identity or selfhood as a nation, and its own need to extricate itself from the “parental” binaries of the U.S. and Britain. This, not to mention the internal pressures, especially Quebec-side, surrounding the French-English/WASP-Roman Catholic dialectic. Sadly to say, as the situation is much today, despite punk’s appropriation of the Mohawk and other indicators of First Nations culture, this group hardly, to my memory, made a dent in the white Canadian imaginary. 4. See the following website for discussion of the Quebec City scene, and its interaction with the Ottawa scene. Note especially the album Blender Mix, which was a collaborative compilation album between the two cities: www.satanbelanger.net.


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This may all sound rather over determined, as it may well be, although when taking such a semi-sociological approach, it is most obliging of the early scene to have left such a vivid trail of zines to tantalize us with cryptic discourses, or what Hebdige calls “memos from the front line.” (Hebdige, 1987: 111) Clearly the index of inquiry regarding Canadian “identity” seems to leak through, not just in Contradiction’s cover section, asking “What is Canada Day?”, but in the titles and writings of a number of zines, such as CUX, an acronym for Capital Underground Xenophobia, produced anonymously in 1981. In terms of the circulation of cultural products, in this case music, in his article The Thingishness of Things, Canadian music scholar Will Straw points out how so much alternative music-related media filtered in from a number of sources outside Canada, to be (at least, when he wrote this in 1998) reconfigured by Canadian consumers. He writes about … the ways in which countries like Canada receive and assimilate avowedly oppositional and transgressive cultural artifacts whose origins are elsewhere. None of the genres which have marked postwar music may be said to be distinctly Canadian. This means that all our musical artifacts which bear the marks of oppositionality will be within forms whose historically privileged or more pure moments transpired elsewhere—from rock and roll through punk and hip-hop. This has shaped the status of the political within Canadian musical culture, as it has in dozens of other countries around the world. (Straw, 1999: 5)

Straw points, quite usefully for our purposes here, to a punk connoisseur’s knowledge of where to find this material, and to those with privileged access to it: Objects with subcultural aura, like punk or speed garage records, enter Canada, as they enter most other countries, through channels which are connoisseurist and cosmopolitan in character. They are brought to Canada by individuals intimately bound up with the circulation of information on an international level; they presume cultural capital of the most basic kind, such as that which tells you where to find British music magazines in Montréal or Toronto, or what an imported record is and where to find it. Their principle audiences, within Canada, are marked by an interest in the cosmopolitan and the scarce. (Idem)

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Most importantly, Straw brings into the mix ideas of conjuncture and specificity, similar to what Hebdige discusses in Subculture, pointing out how these products are reinterpreted according to the locale and bent of the user—i.e., at each conjuncture, a new set of receptive responses reconfigures each product, and requires us to analyze it in terms of the specificities of each “distinctive ‘moment’.” (Hebdige, 1987: 84) Straw continues that the “circumstances of origin mark these


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artifacts in ways which serve to authenticate them, but these circumstances have little controlling influence on the uses to which these artifacts are put in Canada or the meanings which come to circulate around them.” (Straw, 1999: 5-6) Clearly, for punk to exist in Canada, like almost any other form of “culture,” it was to be reified by its very reliance on “stuff ” from “somewhere else.” In terms of reception, then, it is also key to note that as punks we, as predominantly white citizens of European or American descent, welcomed certain products from these countries, as more or less representative of our heritage, and perhaps as a way to extend and strengthen cultural bonds as much as to situate them in terms of their effects on our own collective subjectivity.

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Straw also points to the paucity of Canadian subcultural directives to hold any sway or clout in an international field, pointing out that “At no point has a specifically or exclusively Canadian subculture figured in the classical writings of subcultural theory; in no instance that I can think of has a distinctly Canadian subcultural formation been copied or adapted elsewhere in the world.” (Straw, 1999: 5) True enough, Canada is not exactly a wellspring for alternative movements or styles, or many other forms of cultural activity, for that matter. It was, however, in the early ‘80s especially, remarkably impressionable when it came to outside influences. If the late ‘70s saw a British Punk and late US Glam “thing” presiding over the tiny punk scene, where the focus was crazed creativity and Saturnalian excess, the early ‘80s saw wave after wave of influence of genres emanating from either of the “originary” countries, which caused, to my view, numerous chain reactions. The first of these waves, as I remember it, arrived in mid-winter, 1981 via a man we came to know as Dave DC (Dave Champion)—fresh from Washington DC, buddies with Black Flag and Minor Threat et al., he introduced the Ottawa scene to early American hardcore. The term “hardcore,” according to Canadian punk mythology, was actually coined by DOA on their Hardcore 81 tour, but, of course, it came to signify a mostly LA and Washington DC-based phenomenon. At the time, I think most of us thought hardcore was a good thing: it oozed what subcultural theorist Sarah Thornton calls subcultural capital, or “cool,” and pretty much instantly made anything in the British punk camp look fey, pretentious and hopelessly passé. (Thornton, 1997: 200-210) Suddenly it was uncool to play anything on stage at any speed other than breakneck; Crazy Colour, bondage gear and the Pistols were dead; and most of all, after a few glorious years of relative gender equality in terms of musical access and voice, once again, it was all about the boys. Indeed, in retrospect I can’t help but look at the hardcore invasion on the scene in Ottawa, and on punk in


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general, as a full-bodied re-assertion of the masculine principle, like an extension of the United States army sending in the troops: things had clearly gotten out of hand, and it was time for some old fashioned American discipline. Of course, there were many versions and phases of hardcore, some more benign than others, but to me the hardcore hard-ass decidedly heterosexual boyz always looked like off-duty soldiers: buzz cuts, plaid hunting shirts, army boots and all. Magic resolution anyone? On the other side of the coin, or possibly in reaction to it, was the rise of Peace Punk, which was a considerable faction in Ottawa, where, by the early 1980s, peace and anti-nuclear activism was particularly robust in the capital city. This saw the development of a number of radical collectives in which punks were involved, most notably the Garbanzo Tribe, who were hardcore vegans and animal rights activists, and the Black Dove affinity group, originally based around a punk band, but later a more strictly activist faction embroiled in the anti-war effort. A number of punks were also involved with the infamous Peace Camp, a particularly unsightly shanty town set up on Parliament Hill in 1982 to protest the testing of the American air-launched cruise missile on Canadian soil. If hardcore took the fun out of punk, then social activism would turn it into hard work for a good cause. Peace Punk was also the platform of a very sturdy form of what I call “folk feminism,” almost certainly, at least in part, a reaction formation against the über-masculine climate hardcore had ushered in. This is where a number of the girls headed: all-female bands sprung up, there developed an interest in woman-centred mysticism like goddess-worship and Wicca, lesbian experimentation (before it was de rigeur), and a strong focus on activism and civil disobedience regarding issues of gender equality, reproductive rights, and lots of culture jamming regarding public images of women that were deemed offensive.

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Zines, of course, popped up to give voice to various factions. The most impressive and longestrunning of these was No Cause for Concern?, which ran nine issues from ‘82 to ‘84. No Cause for Concern? was the most hardcore-friendly of the zines, very in-tune with the local scene, with an increasingly slick and intricate layout and more or less standard features, like a regular magazine. Hardly surprising that the editor, Janine Frenken, went on to become a graphic designer. This zine frequently contained an editorial, descriptions of the images and—gasp—even a table of contents. NCFC? was the most music and scene-conscious of the fanzines, intensely focussed on recent gig reviews, band geneses and changeovers, a zine listing, a truly funny pre-Letterman, Lettermanstyle Top Ten from five or ten local scenesters per issues, tape and vinyl reviews, and the Canadian


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Scene Report which kept us all sporadically abreast of happenings in Halifax, Vancouver, Montreal, Toronto, Quebec and wherever else the editor got a letter from.5 Another early zine, though decidedly slicker, was Voyeur! published by French scenester Didier Barrat with help from Bob Jones. At three dollars a pop (zine prices at the time ranged from about 25 cents to one dollar), Voyeur! obviously had ambitions to be a “real” magazine, and may have been on its way if it hadn’t been packed in after the second issue. In contrast to NCFC? was Urgle-Orp, put out, simply, by “Nicole” beginning in 1982 and by 1985, when it may have folded, lived at least until issue #10. Urgle-Orp reflected the Peace Punk stance par excellence, combining band reviews, interviews, articles on reproductive and animal rights, and vegan recipes (including one for a “granola-like substance” called Urgl-Orp!). Urgl-Orp also developed a regular zine listing, two or three pages long, in the tradition of Factsheet Five. Rock Against Racism, an anti-racist non-profit organization which started in the UK in the 1970s, also had a chapter in Ottawa since 1979, thanks to Vigilance DeLiberté, and, although RAR never really caught on here as it did in Britain, a small number of punk benefits raised money for political causes under its auspices. Not surprisingly, the locally-produced RAR zine, called RAR RAG only saw two issues, which came out in 1981 and not again until 1984. Although RAR RAG mixed music with social imperatives, it was clear that in a number of zines, music was beginning to take a back seat to activism, as in Who Really Cares, a “garbonzine,” put out in 1984 by the Peace Punks who where listening to the new super-political and what seemed like madly radical British bands like Crass and Rudimentary Peni. By 1982 a number of zines began to appear, often purely political in nature, such as Combine, which ran for at least three issues. This change of focus is outlined in the following editorial, written by editors Eliza Cochrane and Melanie Kaye, in its second issue:

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It’s a lot different from issue #1 because it doesn’t have much about music in it. The reason for this is that there are enough fanzines telling you if the DOA concert was good or bad, so we’re going to try to deal with something different. In this fanzine you’ll hopefully learn something or have something to think about when you’re finished reading. (Cochrane & Kaye, 1983: 1)

Other punk-related activist zines included the strictly political Outauais Outrage; Run for Cover! (“Silly tales about bombs”); and Reality Now, which reflected the radical nature of much of the 5. See Janine Frenken, No Cause For Concern? Website at www.nocauseforconcern.com. Also, many thanks to Janine for all her time, help and knowledge in putting this paper together.


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activism going on at the time. With the bombing in Toronto in 1982 of Litton Industries (who were subsidising the production of the guidance system for the cruise missile), by the Vancouver Five, one of whom was in the west coast band The Subhumans, and Xeroxes from the original Anarchist Cookbook filtering in at local punk gigs, it is no surprise to find instructions in Reality Now for “What to do if the RCMP calls on you.” (Black Drove Affinity Group, 1984: 2) The credits for issue number one give thanks to Garry, Mark and Mimi, and “No fucking thanx to the reason this mag had to be printed.” (Ibid.: 1) In complete contrast to the increasingly activist zines was a tiny effort put out by local Steve Korver, now a writer in Amsterdam, called Joe’s Banana Clinic. According to Steve, he only put out 2.5 issues (the last one was more of a flyer) in about 1983. I am partial to Joe’s because it contains so much of the familiar ephemera of Ottawa during that period, and so much, in terms of text, collage and drawings is packed into its tiny 4 ½ by 8 ½ inch perzine format. There were likely dozens of other perzines and other species of zines that came out between 1978 and 1985 that I haven’t listed here, because, as with any collection, mine was directed by my own preferences, finances, and the opportunities I had for acquiring particular issues. Also, much of the information I have gathered here and attempted to contextualize relies on memories over twenty years old, and much of it may be off the mark. I don’t let that bother me, however. Zines, it seems to me, were never about “facts” or even about “truth,” but about creating your own “realities,” fantasies and ethical boundaries, and gluing together whatever stuff you found lying around that interested you. In the last chapter of his book, Stephen Duncombe is ultimately disappointed with zines for their failure to effect genuine “change,” but he concedes that “Zines, in their content, form, and organization, constitute an alternative ideal of how human relations, creation, and consumption could be organized.” (Duncombe, 1997: 196) Indeed, zines do, through constant, relentless critique of the existing “system,” suggest a utopian alternative to current lifestyles, reflected, in part, by punk’s many ways of “being in the world.” But further he goes on to state that zines’ “strength lies not in what they say they will do, but in what they actually are. They are politics by example.” (Idem)

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I agree with Duncombe, as it applies to Ottawa punk zines, at least. Zines are truly politics by example; and early zines and early punk culture in general, with its emphasis on DIY, community, certain forms of co-operation and resistance to just about everything “mainstream” looks to me today rather like a last ditch yelp before we became hopelessly inundated with corporate-inflected culture of all kinds. I don’t fully agree with Duncombe, however, that “First and foremost, zines are a tool for consciousness raising.” (Duncombe, 1997: 181) Consciousness-raising is important as far as that trajectory goes, and very much so with certain zines, but the more I remember about the people who put out these publications, how they were produced and disseminated, and how they functioned in the tiny scene in which I was involved, the more I am convinced that zines were really, similar to the earliest Sci Fi fanzines which came out in the 1920’s and 30’s, about forging a sense of community and establishing one’s place there, as well as an “identity” for the editor, for the reader, for the scene, and inadvertently or not, for the national subject.

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Unlike other publications, like books, which address the anonymous individual, or magazines, which seek to inform but also to entice and sell, punk zines were always written by insiders for insiders. They were often collective volunteer projects in terms of editing, contributions and distribution, and for the most part they invited feedback (although not always what you would call “warmly”). Belying the frequent “fuck you” attitude, they allowed their producers, (who, not incidentally, often lived at the periphery of the city or beyond or where otherwise house-bound), to declare their own existence, participation and stance, while at the same time helping to reify the local movement through concrete forms of representation. Zines were about conjuring up, connecting to and being part of the scene. Maybe all this was better said by Dave Aardvark circa 1982-3 in his zine Self-Affliction, “The Nation’s Capital’s Only, One Issue, Punkzine”: So you’re reading this lousy magazine and you’re thinking “what the hell is this?” Well, it’s sort of a joke but everyone needs a joke now and then besides you might learn something and even ENJOY it. So read. OK, so maybe the pictures aren’t new and you’ve seen them before but who can afford photographers to capture overseas bands on NO BUDGET AT ALL? And maybe you don’t give a toss about what I think about certain albums and singles. But you can buy them and see if your taste compares with mine. Anyway, I hope you feel it’s worth your quarter. You can always use the back of the pages to doodle on or just use it for kindling. I FELT LIKE MAKING A PUNKZINE SO I DID!! Who cares what you think. By the way, I’d like to apologize if you think I took any of your ideas. Feel free to take mine. (Aardvark, circa 1982-3)

I think that just about sums it up.


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Bibliography

AARDVARK (Valiquette), Dave (c. 1982-3), Self-Affliction. BARRAT, Didier & Bob JONES (eds.) (1982), Voyeur! Issue 2. BERLAND, Jody (1991), “Free Trade and Canadian Music: Level Playing Field or Scorched Earth?” in Cultural Studies, Vol. 5 (1), January. BLACK DOVE AFFINITY GROUP (1984), Reality Now, Issue 1. BUCHAN, Peter (ed.) (1979), Contradiction: Canada Day Issue, Vol. 1 (1). COCHRANE, Eliza & KAYE, Melanie (1983), Combine, Issue 2. COHEN, Phil (1997), “Subcultural Conflict and Working-Class Community”, Ken Gelder & Sarah Thornton (eds.), The Subcultures Reader, London and New York, Routledge. DUNCOMBE, Stephen (1997), Notes from Underground Zines and the Politics of Alternative Culture, London and New York, Verso. FRENKEN, Janine, No Cause For Concern?, Website at www.nocauseforconcern.com HEBDIGE, Dick (1987), Subculture: The Meaning of Style, London and New York, Routledge. KEITHLEY, Joey (2003), I, Shithead: A Life in Punk, Vancouver, Arsenal Pulp Press. MANLEY, Frank (1993), Smash the State: A Discography of Canadian Punk, 1977-92, Westmount, Quebec, No Exit. STRAW, Will (1999), “The Thingishness of Things”, In[ ]Visible Culture: An Electronic Journal for Visual Studies, Issue 2, available at www.rochester.edu/in_visible_culture/issue2/issue2.htm THORNTON, Sarah (1997), “The Social Logic of Subcultural Capital”, Ken Gelder & Sarah Thornton (eds.), The Subcultures Reader, London and New York, Routledge, p. 200- 210.

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Websites

www.suddendeath.com/doa www.punkottawa.com www.punkhistorycanada.ca www.satanbelanger.net

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Julia PINE is a doctoral candidate in the Cultural Mediations program at the Institute for Comparative Studies in Literature, Art and Culture at Carleton University in Ottawa, Canada. Her areas of specialization include cultural theory, 20th century art and visual culture, fashion theory and popular culture. julepi@hotmail.com


Une sélection de 12 couvertures de fanzines par Julia Pine

1. Rotten Kids, eds. D’Ah Acme 2. Buchan, Peter, ed. Contradiction. 3. Anonymous, ed. CUX (Capital Underground Xenophobia). Issue 1, Planet. Vol. 1, Issue 1. , 1978. Vol. 1, Number 1, July 1979. January, 1982.

4. Aardvark (Valiquette), Dave, ed. 5. Frenken, Janine, ed. No Cause For 6. Nicole, ed. Urgl-Orp. Issue10, July Self-Affliction, c. 1982-3. Concern?, c. 1983. 1985.


7. Barrat, Didier, and Bob Jones, eds. Voyeur! Issue 2, 1982.

8. DeLiberté, Vigilance, et al., eds. Rock Against Racism RAG. Issue 1, Feb. 1981.

9. Cochrane, Eliza and Melanie Kaye, eds. Combine. Issue 3, 1983.

10a. Garbanzo Tribe (The), eds. Who Really Cares, Issue 3, 1984. 11. Black Dove Affinity Group. Reality Now. Issue 2, Fall 1984.

10b. Garbanzo Tribe (The), eds. Cheese Sneeze “Napkinzine” insert for Who Really Cares, Issue 3, 1984.

12. Korver, Steve. Joe’s Banana Clinic. Issue 2, c. 1982-3.


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Meanings of fanzines in the beginning of Punk in the GDR and FRG: An approach towards a medium between staging, communication and the construction of collective identities par

Christian Schmidt Archiv der Jugendkulturen, Berlin

Abstract: This article is examining the different cultural meanings of fanzines in the early punk

scene in both German states. Since 1977 more and more of these journals had been published in the FRG. These autonomous publications used to media between staging, communication and the construction of collective identities. In case of punk fanzines in the FRG, they meant selfempowerment, the overcoming of isolation and the constitution of a social and cultural community. While these journals became an important part of the scene in West-Germany, there was a lack of them in the GDR. The government’s control over publishing and the missing means and possibilities of production prohibited the development of autonomous publications such as fanzines. The comparison of the development of punk fanzine culture in both German states show that these media and their cultural meanings must always be seen in front of the greater societal and political framework they appear in.

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Of an ignored issue

For

some years there has been a big interest in the early years of German punk rock. Recently much has been published about it. However, there is one issue that has mostly been ignored: fanzines. One reason for this may be that punk today is seen primarily as a music style. Logically fanzines are then considered as an accessory to bands, records and shows. However, in the beginning, punk was much more than just musical expression. Instead, punk began as an experiment on many levels. According to Hollow Skai, a protagonist of the early scene in West-Germany, punk is the attempt to artisticly acquire a new lifestyle (Skai, 1981). Agreeing with that understanding, this subculture can not stop at having a look at the music, but must also include the analysis of all its other forms of expression. In this spirit I will approach one of these “other forms of expressions” in my contribution and focus on the cultural meanings of fanzines at the time of the scene’s constitution in Germany. I want to show what function and significance this medium had not only for their publishers, but also for an emerging punk community nationwide. In order to show this I have studied 43 fanzines from the early years of German punk rock.1 Because of the limited space of this paper I unfortunately was not able to do a cultural analysis in detail. Nevertheless, the societal requirements must also be considered. The meanings of fanzines cannot solely be found in the zines themselves. They always must be related to the social, political and cultural textures in which they are imbedded. The comparison between the Federal Republic of Germany (FRG) and the German Democratic Republic (GDR) will demonstrate how these cultural meanings are tied to specific societal requirements. It will show why there has been a difference in the development of punk fanzines in both German states.

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“Flood the market with punk writing!” There were fanzines long before punk. However, punk culture initiated a downright blast of the self-published and non-commercial medium. In December 1975 the first issue of Punk Magazine 1. Special thanks go to Karin Dreier, Peter Gorschlüter, ar/gee Gleim and the Archiv der Jugendkulturen in Berlin. Without them it definitly would not have been possible to collect these fanzines and finally to write this essay.


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was published by John Holmstrom in New York. He had not invented the term “punk”, but his zine contributed to giving it name to a whole community (Savage, 2001: 132). Shortly after that, punk also happened on the other side of the Atlantic Ocean. Lots of new bands, art projects and fanzines emerged in London. In July 1976 bank clerk Mark Perry released the first European punk journal called Sniffin’ Glue with a run of 60 copies (Kleiber, 1997: 54). In his fifth issue, which was published only 4 months later, Mark appealed his readers, who were not satisfied by the coverage of punk in the established press, to do it like him and put out their own magazines. He encouraged them to “flood the market with punk-writing”.2 Whether it was his invocation or the common spirit of departure punk had initiated in that time, there was a massive acceleration of fanzines in the following months. Almost 25 years later Mark Perry noted: “Loads of new punk fanzines hit the racks over the next couple of months. We really had opened the flood gates. Most of the stuff was rubbish but that wasn’t the point. What was important was that they were doing it.” (Perry, 2000: 30) Soon punk was no longer restricted to New York City and London. The new subculture dispersed in many other European metropolises. With it the idea and concept of fanzines spread all over the “old” continent. To understand the enormous explosive force of punk it is necessary to have a look at the state of western pop culture in the middle of the 70s. In that time gigantic rock dinosaurs with their concept of virtuosity, perfection and professionalism were dominating the stage. A show could no longer take place without truck loads of equipment, a well thought-out coreograqhy and guitar solos that lasted for hours. In contrast the simplicity of punk recalled the early plainness of Rock’n’Roll. It made a point of an unprofessional dilletantism. With this punk was something like an antithesis to the hegemonic aesthetic of pop culture in that time. Now theoretically everyone had the opportunity to become an artist, even he or she wouldn’t know how to use the tools perfectly.3 With that punk established a new attitude towards and within pop culture.

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2. Sniffin’ Glue #5 (1977), p. 2. 3. Although in fact punk remained primarily all white and all male untill today.


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A new wave is coming over the sea Some West-German rock fans had also been seized by this new attitude. Through English music journals or visits in London by the end of 1976 they found out about the new movement. Inspired by British punks they started to create their own version of this subculture in the FRG. In the beginning of 1977 first groups and venues generated in Düsseldorf, West-Berlin, Hamburg and Hannover. By the end of the year more cities followed. However, the activities of this first generation of punks were restricted to their own local scenes.

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In Düsseldorf and Hannover the subculture was above all understood and further evolved as an aesthetic experiment whereas in Hamburg and West-Berlin it was seen as rather political. These specific characteristics of punk were related to the local conditions the new lifestyle developed in. For instance the art academy with its students around Joseph Beuys had a crucial influence on the scene in Düsseldorf while the squatters’ and the uprising autonomous movement affected the punks in West-Berlin (Groetz, 2002; Milewski, 2002). These two characeristics, the rather artistic on the one side and the rather political on the other side, shaped the development of punk in the FRG for the next years. Before they divided into different scenes, they had one thing in common that for the time being brought them together: the mission to transfer the English version of punk to the German context. For around two years this was a common goal. But already in 1978 when the first nationwide punk festival took place in West-Berlin, the differences between the local West-German scenes began to become more and more obvious. In 1979, at a similar event in Hamburg, there already had been fights between the two fractions. Some bands were downright beaten from the stage. The differences had already turned to contradictions. Some members of the first generation, especially from the more artistic orientated fraction, no longer saw any potential for an aesthetic experiment in punk, so they left the scene. A new generation of enthusiasts followed and occupied the gaps of those who were gone. Dissociated from each other one fraction began to separate itself from any rock structures, while the other one tried to intensify the hard sound of punk. That was the foundation of what was later called “Neue Deutsche Welle” on the one side and “Hardcore-Punk” on the other side. Sometimes both styles still existed side to side, but in the end of 1980 they had both been separated from each other and represented two totally different scenes (Stille, 2003: 13). While the Neue Deutsche Welle became more and more popular and commercial, the Hardcore-Punks


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drew further more back into their small scenes and glorified the time of 1977. For the time being punk had been gridlocked. Since then not only were many bands founded, but fanzines as well. In a book about journals of the early punks around 200 different publications are mentioned for the time between 1977 and 1981 (Ott & Skai, 1983: 246-258). But the authors also state, that their listing only represents a fraction of then existing fanzines. A lot of zines had such a small print run that they hadn’t become known outside their local scene. The actual number of circulating journals must therefore be much higher. While fanzines increased and became popular rather fast in England, it took one or two years since one could speak of a “flood” in Germany. Yet in 1978 the editors of Der Arsch wrote that their journal might be the fourth fanzine in the FRG and mentioned the three other ones they knew from Düsseldorf, Kamen and West-Berlin.4 As recently as this year more and more zines were put out. From the material that I have analyzed I can deduce that the number continuously increased until 1980.5

New mean(ing)s of production The rising popularity of fanzines coincided with a boom of a technology that played a special role for the publications of the early punks: xerography. Already over two decades ago the first duplicating machines had been pushed onto the market, but it was not untill the end of the 70’s that it had become widely affordable, accessible and a real competitor to all existing printing techniques (Urbons, 1993: 31). Now the whole run of a journal could be produced in a short time and with low costs in copyshops or on xerox machines at people’s working places. Without the availability of xerographic technology the flood of fanzines in the early days of West-German punk would certainly not have been possible (Hoffmann, 2002: 168). The quickness and the simpleness of this technique fit perfectly with the DIY philosophy of punk. The following anecdote shows the role and significance that xerography had for the new subculture.

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4. Der Arsch #1 (1978), n.p. 5. My material includes 43 fanzines from 1977 to 1980 and itemises as follows: 1977: 3 fanzines with a total of 7 different copies; 1978: 6 fanzines with a total of 9 different copies; 1979: 7 fanzines with a total of 13 different copies; 1980: 10 fanzines with a total of 14 different copies.


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Peter Hein, one of the first protagonists of the scene in Düsseldorf had also been an employee at Rank Xerox in the second half of the 70s. The company he had worked for had a dominant position on the field of photocopy technology in that time. From his workplace he abstracted roles of duct tape with the logo “X-9200”, which was the name for one of the most popular products of Rank Xerox which had come on the market in 1974 and had been the fastest and most powerful copy machine on an international level for 7 years (Urbons, 1993: 33). Peter Hein gave out these roles of duct tape to his friends who stuck it as accessory on their clothes (Teipel, 2001: 76). Later the label used to be a sort of shibboleth the early punks in Düsseldorf identified with (Ebd: 96). This “reinterpretation” of a product’s name shows that their had been references to the copy technology beyond its mere utilisation. In fact, it represented the whole punk life style. Hans-A-Plast, an early band of the new scene in Hannover went even insofar as it named one of its songs “Rank Xerox”.6

Punk and the established media in the FRG

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But why got xerography that special meaning for the early punks? And why did occur such a need to produce their own fanzines, to duplicate and to distribute them? In 1976 and 1977 one could almost solely read about punk in English music journals. Rarely there appeared some lines in German special interest magazines about the scene in England, but largely the new subculture was not an issue for the established media. So there had been a news’ deficit amongst punks in the FRG. Inspired by English fanzines of that time—especially Sniffin’ Glue—they started to collect information from American and British journals, to translate them, to add their own texts and to distribute this new product in their local scenes. That was their way to act against the ignorance of the mass media. But the established press started showing interest for the new subculture only a year later. In January 1978, the slaughter of punk by mass media was initiated with the cover story of the weekly magazine Der Spiegel. The headline “Punk: Kultur aus den Slums. Brutal und Häßlich” (transl.: Punk: Culture from the slums. Brutal and Nasty”) denoted what this interest was all about: a lurid 6. See Hans-A-Plast: s/t LP (No Fun Records/ 1980).


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coverage of a “thrilling” and “exotic” new movement.7 Like Der Spiegel many succeding articles and reports provided a blurred and forged image of punk. In this situation another function of fanzines became meaningful: autonomous representation. Since the beginning the journals served as stages for their publishers to dramatize themselves. But now they could particularly use their fanzines as a place were they could present themselves the way they wanted to and contrary to the dominant clichés in the mass media. For example, in 1980 one could read in the preface of the debut issue of Der Lautlose Tod from Essen, that one should no longer wait for better media. One should rather do them oneself. The editor emphasized that there were already too many BILD magazines.8 BILD is one of the biggest products of the yellow press in the FRG. One can compare it at best with the SUN. Like this newspaper BILD represents the whole tabloids in West-Germany, which to the end of the 70s contained more and more contributions defaming and agitating against punk. That was the reason for some editors to print commentaries and counterstatements to such articles and reports in their zines.9 Even teen magazines like the market-ruling BRAVO, were regular targets for cynical comments and polemics in punk journals.10 By doing so, zine editors countered the attempts of the established press to depict punk either as an adventorous but innocuous section of the lifestyles’ supermarket or as a threat to society. Besides the printing of commentaries and statements to such dominating images one can notice another form of response to mass media in fanzines. Like the Situationists in the 50s and 60s, zine editors used the concept of “détournement”, the conscious misappropriation of already existing cultural expressions.11 The texts of the commercial press served as the publishers’ repertory for the creation of their own meanings. In the words of Michel de Certeau, they poached undisciplined in the significances’ world of the media expression, stole some elements of it, recombined them, used them for their own statements and in that gave them new meanings (see de Certeau, 1984:

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7. Der Spiegel 4 (1978). 8. Der Lautlose Tod #1 (1980), n.p. 9. See Der Aktuelle Mülleimer #1 (1980), n.p.; Y-KLRMPFNST #4 (1980), n.p. 10. See The Ostrich #1 (1977), n.p.; Preiserhöhung #1 (1979), n.p.; KZ-Rundschau #2 (1980), n.p. 11. See Definitions, in: Internationale Situationniste #1 (1958).


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xii, 31). This technique is outstandingly obvious when one examines the layout and collages of these punk journals. There is almost no fanzine between 1977 and 1980 that lacks snippets of the established media. Sometimes one cannot even distinguish between misappropriated text passages and the editors’ statements.12 This response to the medial articles and reports can be taken as the punks’ effort to recapture the meanings of their own cultural expressions which treathened to get lost by the determination of the established press. Therefor their poaching can be seen as a subversive act of self empowerment. But it would be shortsighted that these were the general reponses to all mass medial products. There also existed exceptions like the magazine Sounds, which early punks had a very ambivalent relation to. On the one side this journal was part of the commercial press, but on the other side it was the first regular publication which seriously displayed the new subculture. Founded in 1966, Sounds hired new authors in the end of the 70s as the old ones who had been influenced by modern jazz and beat culture were no longer able to adequately report about new trends in popular music. So a new generation of rock critics was added to the magazine. One of them was Alfred Hilsberg. In February 1978, he published an article about the scene in England and a month later another one about the activities of West-German punks.13 In doing so, he wasn’t writing from an assumed “objective” position, but as an active member of the new subculture. For example he was the organizer of one of the first nation-wide festivals and one of the first who founded independent record labels. Through his articles about the new wave’s activities, punks all over the FRG came to know about what was going on outside of their own insular local scenes. Therefor one can say that Sounds helped with networking between the initially localy limited communities.

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Even though most early punks certainly gave respect to the magazine it wasn’t considered as a part of their subculture. They usually distinguished themselves from such “commercial shit”, but they didn’t generally refuse it.14 Sounds can best be called a “semi fanzine”, which is a term by Simon Frith that marks “commercially sold magazines with an uncommercial sensibility” (Frith, 2002: 240). 12. See Preisvergleich #2 (1979), n.p. 13. See Hilsberg, Alfred: Die Revolution ist vorbei — Wir haben gesiegt!, in: Sounds 2 (1978); Hilsberg, Alfred: Krautpunk – Rodenkirchen is burning, in: Sounds 3 (1978). 14. See Reine Willkür #1 (1978), p. 14; Der Arsch #2 (1978), n.p.


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All this makes clear: Fanzines were responses to the dominant media in that time. They can only be understood in relation to the established press. But they have also been much more than that. They weren’t just reacting, but also acting. In the sense of the DIY ethics they represented autonomous and self created forms of expression.

The Ostrich—Prototype of the West-German punk fanzine The Ostrich from Düsseldorf can be considered as the first punk fanzine in the FRG. Some rock enthusiastic boys who then were basically interested in American artists like The Stooges, Patti Smith and Lou Reed, had heard about English punks around 1976-77 for the first time. They were excited by the shocking image and the brute and simple sound of bands like The Sex Pistols and The Clash, which affiliated with their already existing preferences of style and taste. They themselves wanted to make music like the bands from England and the US. They even had a name for their group: Charley’s Girls. But in that time the band only existed in their heads. So far they had never practiced, let alone composed a song. But nevertheless the boys weren’t inactive. They had created a downright myth of their group.

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In that time from the few English records they could get their hands on and some articles in british magazines like NME (New Musical Express) they got their information about punk. They had no clue what it actually was like in real life. So they began to develop it on their own (Hein, 2002: 132). They gave each other new names and with it new identities, which were influenced by their US and English role models. Franz Bielmeier was one of these boys. He called himself Mary Lou Monroe according to a song by Lou Reed. With the help of his friends, he published the fi rst issue of The Ostrich in March 1977, where he reported about his favourite bands, reviewed their


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records and above all featured his own group Charley’s Girls. His fanzine not only served as a medium for information about the rock music he liked, but also as a medium to stage himself. In a radio interview in November 2002 he explained that the world around 1977 was cramping. He wanted to become a pop star and presented himself as monstrous as the artists he liked. It should have been a total difference to his everyday life. He and his friends created new images of and for themselves and reported about their fictitious adventures. They even printed imaginary ads of Charley’s Girls’ records in The Ostrich to stage themselves as “real” stars.15 Indeed, you can find such announcements since the first issue of this fanzine.16 These fakes were all about putting their name on the map and to present themselves as big as possible. These recurring stagings as popstars in The Ostrich were only possible in that time, as a completed idea of punk did not yet exist. Therefor these boys could jauntily experiment and reinvent themselves. Although they aligned with their Anglo-Saxon role models they did not just adapt them, but used their representations as raw materials for their own. For example the base adress of Franz Bielmeier’s fanzine was “Europe’s Only Charley’s Girls Fan Club” according to “Europe’s Only Iggy Pop Fan Club”.17 And in the The Ostrich’s fourth issue he and his friends copied a Sex Pistols’ leaflet. There the band had originally listed all the record companies and radio stations which were boycotting against them and which were supporting them there. The people from Düsseldorf modified it and printed their own version, where they announced which record store and distributions sells their zine and which not.18

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Though, in the beginning The Ostrich had mainly been the journal of Franz Bielmeier this changed when his band colleague Peter Hein aka Janie J. Jones entered the project as a second editor with the third issue (Büsser, 2002: 30). His new name also derived from a song title, but this time it was adopted from The Clash. With these two people editing the fanzine the coverage also changed. Instead of reporting only about artists from the US and England they started writing more and more about the activities in their own region and about their experiences at shows in other cities. The third issue 15. Interview with Franz Bielmeier in the programme “Tonleiter/Rückspiegel” on Radio Mephisto Leipzig (14.11.2002). 16. See The Ostrich #1 (1977), n.p.; The Ostrich #4 (1977), n.p. 17. See The Ostrich #1 (1977), n.p. 18. See The Ostrich #4 (1977), n.p.


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of their zine already contained an interview with the local band Male, which also was the first interview that has ever been done with a punk group from the FRG.19 Through such contributions The Ostrich helped fostering a regional subcultural consciousness and constituting a local scene. The media scientist Rainer Winter described fanzines as the potential to stabilise shared attitudes of fans by producing and circulating the meanings within their own world (Winter, 1997: 48). This description also applies to The Ostrich. Franz Bielmeier’s and Peter Hein’s fanzine soon became an organ which was significantly involved in shaping a collective style and taste within the local punk community. There journal can truely be granted a vanguard’s role for the makeup of cultural signs, codes and rituals in the Düsseldorf scene. Succeeding local editors compared their zines on and off with The Ostrich. So in 1978 the publisher of Der Arsch appointed it as the leading fanzine in the FRG.20 And Jürgen Krause who did White Riot wrote in his debut issue that it was the journal of Franz Bielmeier and Peter Hein that motivated him to self-publish his own ideas.21 Even a year later when The Ostrich had already been dropped by their editors it seemed that the scene in Düsseldorf was still influenced by it: in the preface of its first issue Heimatblatt also compared itself with it.22 Therefor one can suggest, that The Ostrich seems to have played a significant role for the local community untill at least 1979. It can surely be called the prototype for the succeeding local fanzines. But it was not only this. It also anticipated all characteristics of succeeding fanzines in the whole FRG. The Ostrich served to stage their editors as pop stars, to transmit the news relevant to the

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19. See The Ostrich #3 (1977), n.p. 20. See Der Arsch #2 (1978), n.p. 21. See White Riot #0 (1978), p. 2. 22. See Heimatblatt #1 (1979), n.p.


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subculture and to construct collective identities by shaping a common style and taste within the local scene. This is the triangle where all punk journals I’ve researched can be placed in. Franz Bielmeier and Peter Hein released eight regular and one special issue of The Ostrich. In that time the print run increased from 50 to 300 copies. Their last issue appeared after a pause of a year in the beginning of 1979 as a five-sheet-supplement to Heimatblatt. Both editors explained in 2002 that their fanzine no longer had a meaning for them in that time. After all commercial magazines like Sounds had started reporting about the themes only they had written before. So there was no more necessity for their fanzine (Büsser, 2002: 30).

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Heimatblatt—The strengthening of the local scene The aforementioned triangle of staging, communication and the constitution of scenes went through several adjustments over the years. The first one took place in the course of 1978, when the latter function became more important than the first one, that had had a special meaning so far. Fanzines served more and more to constitute and strengthen the structure of local scenes. The reason for that adjustment can be found in the beginning coverage of established media which shaped a fixed image of punk that gave less room to experiment and to invent oneself than before. One of these fanzines even refers to it with its name Heimatblatt which directly means “handout for the home” and sometimes is the title of official German publications which mainly care for local culture and history. Its editor Wolf Dieter Lauenroth was one of the most active members of the scene in Düsseldorf. In 1978 and 79 he published at least seven issues of his fanzine with a print run of 100 copies every second month.23 Although Heimatblatt was also distributed in places like Hamburg and Dortmund its self-conception was as a medium for local punks. First and foremost it was about supporting the scene of its home city. Already in the debut issue one can read that punks should rather unite against the rockers, the common threat of that time, than fight against each other.24 Almost every issue includes a local patriotismus showing between the lines. For example, in a report about a nation-wide festival in Hamburg the only bands that were reported about were those from Düsseldorf. Others were scarcely mentioned. Especially two local groups were pointed 23. See Heimatblatt #7 (1979), p. 4. 24. Heimatblatt #1 (1978-79), n.p.


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out: “Male & KFC—Düsseldorf rules ok!”25 In writing almost entirely about the shows, activities and issues of the own community Heimatblatt helped (re)producing a collective consciousness within the scene and with it constructing and sustaining a collective identity amongst the punks in Düsseldorf. This also happened in fanzines from other cities even though it was not often in such an explicit fashion. For instance, in 1978 one issue of the West-Berlin T4 constantly referred to the Wall, which not only moulded the character of this city but also of the local scene.26 It was only in its shadow that free spaces like SO 36 and later KZ 36 could develop which served as meeting points and venues for the early punks. By alluding to the Wall, T4 refered to the shared experience of a life in a divided and isolated city and through this it contributed to a collective consciousness of a specific local scene.

Identity, difference and the Other Common cultural signs, codes and rituals are important for the constitution of a scene. A scene cannot only be carried in the individual heads of its members, but it must find its material expression in shared practices. Only through these practices can common attitudes become manifest, so those inside and outside of the scene can notice them and it can be understood a scene exists at all. On the one side, these practices enable the members of one scene to distinguish themselves from those of other communities, and on the other side, to reinforce their affiliation to their own group. The signs, codes and rituals that represent a scene must always be negotiated between the protagonists. Therefor communication plays an important role in this form of collectivity (Bucher, Niederbacher & Hitzler, 2001: 21f ). Besides gatherings and events, it’s the scenes’ own media that fulfills this function. They assign which practices represent a scene and which do not. Only through distinguishing from other communities and their cultural expression a “we”-feeling can be constructed. Therefor the creation of the Other is inevitable to (re)produce and stabilize one’s own cultural identity within a specific scene.

25. Heimatblatt #6 (1979), p. 2. 26. T4 (1978), n.p.

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In early local punk communities it was primarily in fanzines, that signs, codes and rituals of the editor’s own scene were negotiated in opposition to those of other scenes. One can see this crea-


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tion of the Other since The Ostrich, when the editors distanced themselves from hippies, heavy metal fans and the bourgeoisie.27 Later, three more basic social groups joined them. In 1978, it was nazis and rockers and in 1979-80 disco people were added.28 But the distinction from the Other was not only exercised on groups outside of the punk scene but also within it. The borders of the scene which constituted the inclusion and exclusion of the scene were strictly guarded. Terms like “pseudo-punk”, “poseur”, “fashion-punk” or “weekend punk” can be found in lots of fanzines that I have researched.29 They assigned those which indeed tried to become a part of the scene, but could not make it, because those already in the community alleged the newcomers a wrong motivation to enter their group. Their style was rather marked as a trend than being a part of an “authentic” way of life. Above all two bands, Big Balls And The Great White Idiot (Hamburg) and Strassenjungs (Frankfurt), were seen as “aliens” within the scene. Both had been promoted by the music industry as first German new wave groups and even released first records in Germany that could be considered “punk”. Nevertheless they were never accepted by the scene and primarily the band from Frankfurt became a target of many polemics and insults. For instance, in a show report Peter Hein denied they were punk at all. In conclusion he names Strassenjungs: “Langhaarig, blödfressig, deutsch”30 (translated: Long-haired, loud-mouthed, German).

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In 1979 the scene’s border patrols became stricter as internal distinctions proliferated and it became obvious that there was no unity in the scene at all. A splitting one year later was then already inevitable. Many fanzines urged their readers to take a firm stand and to seperate themselves from the other frac27. See The Ostrich #3 (1977), n.p.; The Ostrich #4 (1977), n.p.; The Ostrich special issue: Total Control #1 (1977), p 9f. 28. Concerning this difference to nazis see: Reine Willkür #1 (1978), p. 15; Der Aktuelle Mülleimer #2 (1980), n.p.; to rockers see: Heimatblatt #1 (1978-79), n.p.; KZ-Rundschau #2 (1980), n.p.; to disco people see: Preiserhöhung #2 (1979), n.p.; Heimatblatt #6 (1979), p. 6; Der Aktuelle Mülleimer #1 (1980), n.p.; KZ-Rundschau #2 (1980), n.p.; Y-KLRMPFNST #4 (1980), p. 12. 29. See The Ostrich #1 (1977), n.p.; The Ostrich #4 (1977), n.p.; The Ostrich #7 (1978), n.p.; The Anschlag #1 (1979), p. 2; Preiserhöhung #2 (1979), n.p.; Preiserhöhung #3 (1979), n.p.; Plastik #3 (1979), n.p.; Pretty Vacant #5 (1979), n.p.; Heimatblatt #4 (1979), p. 2; Heimatblatt #6 (1979), p. 2; Wellenreiter #1 (1980), n.p.; Schmier #4 (1980), n.p. 30. Total Control #1 (1977), p. 7f.


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tion, wether they were called “students”, “art-punks” and “intellectuals” on the one side or “punks of 77”, “hardcore-punks” and even “moron punks” on the other side.31 Since 1980, some fanzines even though they originally emerged from the punk subculture, they no longer refered to it. For them punk ceased to be an issue anymore.32 This shows that the split of the scene in two different fractions and later in two autonomous scenes themselves had also been negotiated in fanzines. These fanzines advanced the mutual distinction between the fractions and always debated about identity and alterity. Without this negotation of the Self and the Other, it would not have been possible to constitute these scenes and by doing so creating communities of people who share specific mental and material forms of (self-)stylisation (Bucher, Niederbacher & Hitzler, 2001: 21). Thus fanzines can be granted as an essential significance in the construction of collective identities amongst early punks in the FRG.

Communication against isolation While fanzines had mainly been published in the West-German metropolises of Düsseldorf, Hamburg and Berlin untill 1978-79 more and more of these journals appeared in more “provincial” areas beginning in 1979-80 as the new subculture had spread around the whole country. Above all it was

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31. Concerning the first attributions see interview with ZK in Heimatblatt #4 (1979), p. 4; interview with KFC in Heimatblatt #5 (1979), n.p.; The Anschlag #1 (1979), p. 2; Preiserhöhung #2 (1979), n.p.; Y-KLRMPFNST #4 (1980), p. 1; concerning the second attributions see Ich und mein Spiegelbild #1 (1980), n.p.; Ich und mein Spiegelbild #2 (1980), n.p.; Neon #1 (1980), n.p.; Neon #2 (1980), n.p.; Wellenreiter #1 (1980), n.p.; Schmier #4 (1980), n.p. 32. See Stomp #1 (1980); Mode und Verzweiflung #5 (1980); Deutschlands Ruhmeshalle #3. (1980).


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in those smaller towns and more rural parts of the FRG where the fanzines’ communicative function increasingly played an important role. For instance, the editor of KZ-Rundschau from Weil im Schönbuch, a whistle stop in the south of Stuttgart, explained in his zine, that he would have a bad time living there. He was the only punk far and wide, always getting into trouble with local rockers and being discriminated by his teachers. There was no place in his area where his lifestyle was accepted.33 Liz Lux, editor of Hydra Zine also felt left alone in his village. Therefor he wrote a letter to Preiserhöhung from Hamburg calling on like-minded readers to write him.34 These examples draw a clear picture about the isolation a lot of punks felt in their “provinces”. With no link to a local community, it was very important for them making translocal connections to get information about shows, records, fanzines and style or just to exchange their experiences with punks like themselves. Here one can see another adjustment of the aforementioned triangle. The punks from the metropolises had already been working on a nation-wide network with their fanzines, but only the journals of the more “provincial” punks could actually complete it. With their zines from the province, the network became tighter and better organized. Keeping this in mind, it is not surprising, that the second biggest fanzine in 1980 has been one from Böblingen, a city with 40.000 inhabitants near Stuttgart. It was called Der Aktuelle Mülleimer and its first issue already had a print-run of 600 copies which were sold throughout the whole country.35 Besides regional news, most importantly there were reports about what was going on in other West-German areas and even other countries. For instance, the first zine commentary on punks in the GDR that I could find appeared in this fanzine.36 But in the 33. KZ-Rundschau #2 (1980), n.p. 34. Preiserhöhung #3 (1979), n.p. 35. See Der Aktuelle Mülleimer #1 (1980), n.p.; Der Aktuelle Mülleimer #2 (1980), n.p. 36. Der Aktuelle Mülleimer #1 (1980), n.p.


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end it was not only such big fanzines but the numerous smaller and “provincial” journals that helped to develop a nation-wide punk scene in the FRG. Although there still existed the specificities of local communities, the collective consciousness of punks was no longer restricted to one city or town, it was now embedded in a larger context which became an equally important point of reference. This was also embodied in a stronger self-confidence towards British role models. For example, in KZ-Rundschau #2 one can read that the music which had then been produced in Germany would be more creative than the music from the island.37 Even the term “Deutsch-Punk” (translated: German-Punk), which primarily appeared in fanzines in 1979, suggests that punk at that time was seen as something which was larger than its own local context.38 For some zine editors 1979 also marked the beginning of a West-German-wide punk scene.39

The new wave is rolling over the wall But what happened in East-Germany? In spite of the iron curtain, punk found its way into the GDR. Some youths first heard about the new subculture in England by listening to western radio stations like RIAS and BBC (Horschig, 1999: 17). It was already difficult for West-German punks to get their hands on records of the first British bands, but it was nearly impossible for those in the GDR. So they recorded the broadcasts, especially those of the famous radio DJ John Peel who always played the latest music on his programme. It was in the end of the 70’s when some local punk scenes emerged in the big cities of the GDR. The first generated in East-Berlin and Leipzig around 1978-79. The punks from these local communities were geared towards the activities taking place in the West, above all what was happening in London and in the other part of Germany. In the beginning, most of the bands played cover versions of the songs they had recorded from the radio. Shows did not take place at that time. They required the state’s permission and the bands had to have an official so-called “Einstufung”. This was a classification by a jury that judged the “quality” of all artists with regard to their music and ideology. A lot of punks rejected this procedure as it entailed restriction and control (Trier, Herbig & Stake, 1999: 3ff).

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37. KZ-Rundschau #2 (1980), n.p. 38. See Preiserhöhung #2 (1979), n.p.; Plastik #3 (1979), n.p. 39. See Neon #1 (1980), n.p.; Pretty Vacant #5 (1979), n.p.


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They did not want to make an agreement with the state, because it had quickly become their most acrimonious enemy. Harrasments, arrests and beatings by state law enforcement agencies had become a daily routine for the early punks in the GDR. It was common that their hair was cut or their clothing was taken away. Often the simple, deviant outlook of these youth was enough for such reprisals. The reason for these brutal and exorbitant acts must be seen in the state apparatus’ view on punk. They considered it as an outgrowth of the capitalist and imperialist culture of the West which was dissuading the youth of the GDR from socialist values. The ruling party, SED, wanted this “problem” to be “solved” as soon as possible and with the “required force”.

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Not only did the law enforcement agencies attack the punks, but ordinary citizens also saw them as outlaws. Visiting bars, discos or youth clubs was dangerous for punks in the GDR. Often they were leaving such venues with bloody noses or were directly transferred to the hospital. Only in the beginning of the 80’s, this gradually changed as more enthusiasts joined these first punks and the local scenes turned from small cliques into bigger groups. In that time more and more bands were founded and started to compose their own music and not only copy it from their foreign role models. As releasing records was not possible without a “Einstufung” they recorded their music on audio tapes, which they copied and distributed on their own. Although the quality of these tapes was really poor, this practice was very effective. An aesthetic change in the socio-cultural sphere of the GDR had began (Galenza & Havemeister, 1999: 6). Soon punks became a part of the image of East-German cities and even the citizens’ assaults stopped as the groups had turned into a mass that could no longer be ignored (Horschig, 1999: 22f ). Nevertheless the state still reacted with brutal repression, especially in East-Berlin. In the eyes of the party the representative character of the capital was blighted by the punks’ presence and their number was increasing to a threatening degree. Therefore, they were banned from inner-city places and bars and at the center of East-Berlin became more and more patroled. Under pressure the local punk scene moved to the outskirts and grew larger out there. Here now meeting points could developed and soon became known nationwide. Punks also used private apartments to gather and, since 1981, even spaces in congregations of the protestant church became important venues for them. Since the early 70’s institutions like the “Junge Gemeinde” and the “Offene Arbeit” had been offering shelters for nonconformist youths within the church, where they had been safe from attacks and reprisals by the law enforcement agencies. There it had been possible to discuss issues which were not talked about in public (Rink, 1997: 55). Both concepts of this “social work” had seen themselves as parts of the church, but while the “Junge Gemeinde”


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had mainly cared about the young people in their sense of the christian charity, the “Offene Arbeit” had regarded itself as an independent part of the church’s institutional apparatus. There the youths had organized themselves without any social workers and had created autonomous spaces, where they had the possibility to act and live as they had wanted to (Kirche von Unten, 1997: 12). The opening of the “Junge Gemeinde” and the “Offene Arbeit” towards the punks also caused an important impulse for the developing scene in the beginning of the 80’s. Within these ecclestiastic shelters punks could gather and organize partys and shows, which people from all over the country went to. In spite of these safe spaces they were still harassed and attacked by the state, which was not willing to stop its repression against the punks. Instead it was intensified in 1981 when the “case” of these deviant youths was transferred from the criminal investigation department to the “Staatssicherheit”, the secret police of the GDR (Michael, 1999: 74). In 1983, the repression climaxed in a huge police operation, mainly in East-Berlin and Leipzig. Punks were arrested in masses, deported to West-Germany or were even forced to join the army (Gericke, 1999: 95f ). As a result, the scene’s development suffered its first major set-back, which was caused by the state’s apparatus. It took the punks some years to reorganize after that.

Autonomous media in the GDR

Even those who wanted to risk such penalties often failed as they did not have the possibility to duplicate their information. In the beginning of the 80’s, different than in the FRG, there were

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This short historical review shows that the development of punk in the GDR is very different from those in the FRG. It came out of a totally different societal and political background. That is, autonomous media such as fanzines developed under different premises in East-Germany than in West-Germany. The state’s apparatus paid a lot of attention to what was printed and distributed in its country. One needed official permission for publication with a print-run higher than 99 copies. Not caring about that would have meant breaking the law. The criminal code provided prison sentences of 12 years for the unapproved collection, duplication and distribution of information. Editors of such publications had to face accusations of subversive agitation, treasonous communication or public vilification of the state and his institutions (Kowalczuk, 2002: 21f ).


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no copy shops in the GDR. And even years later when the first xerox machines moved into some institutions, they were guarded by the SED and its organs like weapons. The only accessible duplicating machines were owned by congregrations of the protestant church. In the early 80’s a few underground papers had been produced on these, which were known as “samizdat” in Eastern Bloc countries. This term had been derived from the russian word “Samsebja-izdat”, which means “self-published” and had first been used by the writer Nikolai Glaskow in 1952 for his texts which he had released on his own (Ebd: 31). Soon there developed a definitive culture of these self-published literature in Russia, Poland, Hungary and Czechoslovakia. However, one cannot speak of its prospering in the GDR untill the middle of the 80’s. During the time of the early punks East-German samizdat literature was still in its formation phase and it was not widely known. Then only a few oppositional groups used the mimeograph machines in the congregations to spread their words. To lower the risk of penalties they referred to an instruction from 1959 which allowed to print more than 99 copies of a publication when it was only produced for “official use”. By providing their pamphlets with the comment that they were “nur für den innerkirchlichen Dienstgebrauch” (translated: “for official use within the church only”) the editors “legalized” their underground papers (Ebd: 21). Nevertheless the production of these publications was still very complicated. Needed materials such as stencils and printing ink often had to be organized from foreign countries. Therefore, contacts with the West were necessary to release samizdat literature. In fact paper could be bought in the GDR, but it had always been a good in short supply and purchasing it in bigger amounts could be suspicious to the law enforcement agencies.

The flood gates remain closed—punk fanzines in the GDR

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Having all this in mind, it is not astonishing that there had been no fanzines in the GDR between 1979 and 1983. It seems that for most punks the production of their own media was not worth the effort and the risk. However, there had been some attempts. Most of them failed because of the heavy surveillance the editors were under. For instance, in 1983 Jörg Löffler from Dresden made three copies of a pamphlet which can be called a fanzine as carbon copies with his typewriter. He sent one of them to another punk in West-German and the secret police got wind of it. Although there had been no obvious political


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expressions in his “journal” he had to be on remand for three months.40 Something similar happened to Michael Horschig from East-Berlin. Together with some of his friends he had written a fanzine named Inside, which should have been released at a punk festival. Around 400 copies had been printed in Poland and he was the one who should smuggle them into the GDR. As soon as he tried to cross the border he was caught by custom officials. However, he had luck! After an official instruction and the confiscation of the whole print run he had been released.41 Only one copy still exists today and can be found in his “Staatssicherheit”-file. It seems that the rest of the print run was later destroyed.42 In the preface of Inside #1 another journal was mentioned named Alösa, which was called the first fanzine from the GDR. This publication is also quoted in a listing of East-German samizdat, where it is described as an information-sheet of the punks from the Erlöser-congregation in an East-Berlin district. It must have been published from 1986 to 1988. Unfortunatelly, I could not find any copies of this fanzine. Neither the church’s administration had one nor the then-editors. Besides Alösa I only know of one other fanzine that has been published successfully in the GDR before the great political turn in 1989-90. It was called Messitsch and was part of the subcultural scene in Leipzig where it appeared in 1987 for the first time. Its early issues had been duplicated with exposures on photographic paper (Friedrich & Schneider, 1999: 145). That was much cheaper than printing it on usual paper. Aside from its appearance it was comparable to fanzines from the West. It contained reviews, show reports, features on bands and articles about what was going on in the scene in Leipzig. During the political turn in 1989-90 some more fanzines emergedin the GDR, for example Trash in Rostock and Rattenpress in Freiberg. And after the unification of both German states the number of fanzines greatly increased. Not until then could one speak of an actual culture of punk fanzines in East-Germany. Although the self-published journals had been exceptions in the 80’s, East-German punks did not abstain from writing about their bands, shows and local events. However, they just published their articles and reports in fanzines from foreign countries, above all those who appeared in the FRG. The first contributions of punks from the GDR can be found around 1983-84 in West-German

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40. Interview with Jörg Löffler, in: Trust #77 (1999), n.p. 41. See the following “Staatssicherheit”-file: BstU, BV Berlin, AIM 3772/89, Vol. II/2, sheet 243f. 42. Special thanks go to Heinz Havemeister who lend me his copy of the filed Inside #1 for my research.


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zines, which were used as media to display these secret messages they had smuggled through the Wall. These articles and reports should be proof to the foreign punks that there was going on more in the GDR than just the officially permitted rock music. In most cases copies of these West-German fanzines which contained contributions about the East-German punk scene could not make it back over the Wall. Therefore, they could not function as means for the communication and the constitution of a scene in the GDR, but as stages for representations to the punks abroad. Due to the lack of fanzines in the GDR the exchange of information and the communication within and between the local punk scenes had to be organized in other ways. To find out about the next shows and the latest tapes word-of-mouth advertising was inevitable. Learning what was going on in other cities punks had to communicate much more via letters and phone calls than in the FRG. As a result of this, fanzines did not have the same meanings on this side of the Wall than on the other.

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Conclusion Comparing the different developments of punk and its media in both German states shows that fanzines can only emerge within a specific societal framework. One cannot analyze those autonomous publications without refering to the structural conditions from which they develop. It was the specific state of West-German pop culture in the middle of the 70’s, the development of a special technology and the lack of mainstream media coverage that lead to an explosion of fanzines in the FRG. Within this societal framework fanzines used to be media between staging, communication and the construction of collective identities. Early punk fanzines embodied the dialectical movement between the individual and the structure which characterizes the development of scenes and is also necessary for changes within pop culture. Therefore, fanzines are not only mere information carriers for a community. They can be much more than that for their editors, their readers and the scene they are a part of. In case of punk fanzines in the FRG they meant self-empowerment, the overcoming of isolation and the constitution of a social and cultural community. With this in mind it is astonishing that almost no one ever seriously dealt with these journals so far. I hope these pages make aware about the significance of early punk fanzines that they no longer stand in the shadow of records and bands.


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Bibliography

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Christian Schmidt

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URBONS, Klaus (1999), Copy Art. Kunst und Design mit dem Fotokopierer, Köln, DuMont.

Christian SCHMIDT was born in 1976 in Weilheim (West-Germany). In 1993, he published his first fanzine called Flatline. Since then he has been involved in several other zine projects, is still running a small non-profit zine mailorder and is working as a zine archivist at the Archiv der Jugendkulturen in Berlin (http://www.jugendkulturen.de). Currently he is finishing his studies in history and cultural studies. He wrote his thesis about early West-German punk fanzines. christian.schmidt@jugendkulturen.de


Une sĂŠlection de 12 couvertures de fanzines par Christian Schmidt



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The Personal, Political, and a Little Bit of Everything Else: Girls, Grrrls and Perzines par

Annelise Sklar

Abstract: Using her own zine story as a vehicle, the author relates the history of the riot grrrl subculture, describes the girl zine genre and its history, and examines zinester subculture and networking. She also explores zinesters’ motivation and discusses the purpose girl zines fill in female zinesters’ lives. Key words: fanzines — feminism — riot grrrl — personal zines.

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Annelise Sklar

It was

like it was made for me. I could write, rant, paste things together haphazardly with little worry about my lack of artistic ability, and be girlie, trashy, silly and punk rock at the same time, and I could do it all without leaving my bedroom or speaking to another human being. Discovering zines was the best part of my adolescence. It was a way I could be punk rock and DIY (do-it-yourself ) and introverted at the same time, a way I could express my views without having to stand up and perform in front of a group of people and anxiously watch their instant reaction for instant (dis)approval. A zine was a way I could see and share my words in print with complete editorial control, and, unlike with school-sanctioned publications, I could limit the circulation so that the entire school wasn’t necessarily reading my words.

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I think the first time I encountered a zine was in the mid-1990s. I was a teenage girl at some punk rock show to which I’d been dragged by my boyfriend and to which, in turn, I dragged my best friend. Someone was selling a zine, and I, for a dollar, bought a copy of what turned out to be my future friend, roommate, and partner-in-crime’s hand-written rants about her life. Inspired by her work, it wasn’t long before I launched my own zine. I started The Vegetable Inside Us All sometime in the mid-1990’s. The details are hazy but I think it was 1994 or 1995. Kurt Cobain was already dead, Courtney Love was notorious but not officially nuts, and flannel, greasy hair, babydoll dresses, and grunge were giving way to leather jackets, spiked hair, and pop-punk. I certainly wasn’t a pioneer; when I started Veggie, zines were just starting to catch mainstream attention in publications like Time, Ms., Seventeen, The Wall Street Journal, and, of course, Sassy, where many teenage girls first got their taste of zinedom. Still, the punk, riot grrrl, and perzine (personal zine) scenes were small and somewhat close-knit, and I quickly became part of a network of zine traders and snail-mail pen pals in an age when the World Wide Web and email were poised to take over as everyday forms of communication. It seems amazing now, but when I started doing a zine, “Girl Power” was not yet associated with the Spice Girls, and any t-shirt baring that or a similar slogan was homemade with the aid of a magic marker. Like those later commodified versions of feminism, though, the girl zine boom of the mid-1990s can trace its lineage back, in part, to riot grrrl, a feminist punk/indie rock movement of teenage and twenty-something aged women.


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History of riot grrrl Riot grrrl was a feminist offshoot of the punk subculture, adopting its angry political stance and general DIY ethic while countering male dominance with a strong female voice. Beginning in Olympia, WA, and Washington, DC, (largely due to the bicoastal transplantation of the band Bikini Kill), and germinating with the post-punk grunge scene, the message of “revolution girl style now!” was spread across North America and throughout the industrialized world primarily through the music of bands like Bikini Kill, Bratmobile, and Heavens to Betsy; fanzines like Girl Germs, Jigsaw, and Chainsaw; and riot grrrl meetings held in infoshops, apartments, dorm rooms, and other community gathering spaces. The term “riot grrrl” came into use in the summer of 1991, coined, so the story goes, by combining Tobi Vail’s (Bikini Kill, Jigsaw zine) use of the term “angry grrrls” and a line in Jen Smith’s letter to Allison Wolfe (Bratmobile) that suggested, “We need to start a girl riot.” It was flipped around into “riot girl” and the spelling changed to “grrrl” (“Riot Grrrl Retrospective”), suggesting a ferocious growl and signifying the personal agency of western girlhood before it is stripped away and the girls become women molded by gender norms. That same summer, riot grrrl meetings began in Arlington, VA, growing from meetings Jenny Toomey, of indie label Simple Machines, had organized for young women. The meetings, typically women-only spaces, featured discussions of bands and music as well as serious women’s issues like violence and abuse. Reacting to sexism and macho attitudes in both the mainstream and underground subcultures, the idea behind the movement was that women could do it all, too: play loud music, mosh, create art and media, run record labels and distros, and organize protests and activist activities. The local meetings grew into conventions, concerts, and zine festivals that attracted riot grrrls from near and far.

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Unfortunately, riot grrrl as an identity became more important than riot grrrl as activism, attitude, and the work its members did. Not long after I started Veggie, and perhaps even before, riot grrrl was already starting to show its logistical holes, primarily in its exclusion of men, in-fighting among female participants, and lack of crucial feminist agenda (or consensus about what constituted crucial feminist issues) at that point in time. Riot grrrl, like grunge and punk, appealed primarily to young white women, and the ideology was often at odds and uncomfortable in discourse with young nonwhite women—as well as men and older feminist women. In more mainstream punk subcultures dominated by boys, “riot grrrl” was often, if not exactly a dirty word, a feminist caricature prime


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for ridicule. Riot grrrl had pretty much worn itself out by the mid-1990s, co-opted by mall fashion and replaced by more mainstream acts like Alanis Morrisette, Tori Amos, Sarah McLachlan, and the Lilith Fair tour. However, it left in place a strong feminist network of zinesters. While many female zinesters did not or do not personally identify as riot grrrls, the ideology is reflected in a generation of perzines written by young women, and the “girl zine” (or “grrrl zine”) has emerged as its own genre, still going strong.

Zines

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Veggie was somewhat representative of the girl zine genre. Like other typical girl zines, it was halfsize (8.5 x 5 inches) and photocopied, black type on white paper. (Some zines were more complex, but most authors did not have the means for more elaborate printing.) The standard girl zine was filled with articles; rants; reviews of zines, books, music, or whatever else came the author’s way; and vignettes that reflect teenage and twenty-something life: explorations of sex and sexuality, crushes, school issues, mental health, politics, feminist mythology and spirituality. Illustrations are primarily the authors’ own art or kitschy clip art. There was usually some Sanrio imagery and a variety of fonts. The first issues of Veggie were truly horrible: I reprinted outraged feminist email forwards and things I found, none of which were either exciting or factually sound, and I stole retro clipart from other current publications. The cover of the second issue displayed Hello Kitty of the Botticelli Venus’s half-clamshell. I learned as I went, refining layouts, discovering clipart books at the public library and in bookstores, and primarily sticking to my own text (though I was notorious for screwing up bands hometowns and other niggling facts like that). I published erratically, whenever I had a burst of energy and the urge to cover myself in glue, and I printed however many I could afford or flirt out of copyshop workers. Though girl zines can trace their genealogy back to the punk zines and independent feminist press of the 1970s, the girl zine as we know it truly began with riot grrrl in the 1990s. Early zines included: Riot Grrrl, Bikini Kill, Jigsaw, Girl Germs, and Chainsaw. Official riot grrrls did not corner the market on female-produced publications, however. Equally influential to me and my girl zinester peers were Pagan’s Head and Thrift Score (both of which were later reborn as books), Madwoman, Slug ’n’ Lettuce, and Fucktooth as well as perzines produced by men such as Cometbus and Dishwasher.


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Though I may be somewhat biased, in that it was my prime zinester era, I have to say that the mid-1990s were heyday of the girl zine. Among my peers were (along with many others I have inadvertently forgotten): Action Girl Newsletter, Alabama Grrrl, Baa! I’m a Sheep, Baby Girl, Bamboo Girl, Billy’s Mitten, Capt’n Nola, Cul-de-Sac, Cupcake, Delirium, Doris, The East Village Inky, Fat Girl, Flying Lesson, Go Teen Go, Hag Rag, Have You Seen the Dog Lately?, Hey Mexican, I Love You (Queerly, Not Dearly), Kitty Magik, Leeking Ink, Little Super Human Guy, The Mad Cow, Muffin Bones, Oppress This, Pisces Zine, Plotz, Pottsie Nation, Power Candy, Red Hooded Sweatshirt, Slant, Suburbia, Tennis and Violins, That Girl, Thunderpussy, Velvet Grass, Violet Crimes, and You Might as Well Live. Many of these zines still exist, but the list of popular current zines is too long to even start.

They provide a forum for young women to express their opinions and enter the discourse surrounding issues in their lives, though, because a zine is a written, asynchronous form of communication,

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The content of individual girl zines varies, of course, from creator to creator. Some have themes— such as issues of race and racism or issues of sexuality and sexual identity like the masturbation zine—many are nothing more than a hodgepodge of the author’s thoughts. The zine content Anita Harris studied in her article on zines as teenage girls’ spaces of resistance was “characterized by information sharing, editorials or rants, music/book/art reviews, art and creative writing around issues relevant to young women. The topics themselves are wide-ranging, but often include body image, sexuality, health, violence, employment, education and contemporary law and policy” (Harris, 2003: 46). One issue of a zine will contain multiple topics of interest to its author(s), epitomizing the feminist intersection of the personal and political: “in a zine that discusses sexual assault or the privatization of women’s prisons, one might also find recipes for hair dye, and the pages decorated with glitter and Hello Kitty images” (Ibid.: 48). In general, girl zines are fueled solely by the tastes of their creators, and, as they have little or no advertising and rarely break even, let alone make a profit, through sales, are not driven by advertisers’ demands or hopes of courting readers. And, unlike zines created by male peers, girl zines rarely contained band interviews, even if music was a vital part of the author’s life and/or subculture. Instead, girl zines are, Harris says, “sites of resistance” that “like a girl’s bedroom … can operate as a private place legitimately able to exclude both adults and young men” (Ibid.: 47), or, as zinester Cheryl Yanek (Freak/Goodbye to NYC) describes her zine: “It was personal and political, but mostly personal.” More simply, Sarah Rose (Tazewell’s Favorite Eccentric) explains, “I needed an outlet for my feelings.”


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the “talking back,” as Harris notes, “is more like whispering in corners” (Ibid.: 52) than screaming from rooftops. That isn’t to say that it wasn’t always positive attention. Yanek remembers: “I used my real name which ended up getting me in some real sh--[sic] when people in my high school got ahold of it. I got in some serious trouble but continued to do it, without my last name.” However, when kept in the right hands—zine afficianados—zines were a powerful means of community interaction.

Zinesters and Zinester Networks

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I built my zine collection first with what I found in independent record shops and bookstores, then through trades with like-minded zinesters, and, occasionally, through mail order—a dollar bill or two wrapped carefully inside a note—either from the zine creator or a distro. I found zines to acquire through the standard zine review resources: Factsheet 5, Amusing Yourself to Death, the Zine Guide, Kristy Chan’s Riot Grrrl Review, the review sections in my friends’ zines, and, later, email posts on the Zinesters list. Sometimes zines would show up on the merchandise tables at punk shows or other DIY/underground community events, too. Never very comfortable marketing myself, I sold my own at a few local stores and through an inconsistent handful of distros. My primary means of zine disbursal was through trades with fellow zinesters. Personal interaction between zinesters is tied closely to the trading. Zinesters have a tendency to live their lives primarily in the print medium, so, due to distance and general introversion, written correspondence has always been the primary means of communication. Perzines, being personal, along with the supplementary letters that accompany them, quite easily breed true friendships among swappees. Some of my favorite people are zinesters I’ve never met, and some of my “real life” friends are those I met through our zine trades. Explains Sara Falls (Untitled/Cien Fuegos): “That community is a real inspiration as well as support, not only morally but also pragmatically—my zine community helped me distro, steal copies, get my zine out. We would write together, travel across country to stay up to the wee hours working on split zines and projects.” And while each zine is its own unique entity, Sophie Scarlet (Antisocial Scarlet) notes, “my zine is part of a great body of zines being written by other feminists and they keep getting better!”


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Technology The genre developed in tandem with the birth of the World Wide Web, but grrrl zines have always existed uneasily with the technology of their distribution. While copy machines were necessary for mass production, many authors refrained from using computers for anything other than typing articles, and others only wrote text by hand. The Zinesters listserv made communication between zinesters instantaneous, but early on, an uneasy chasm opened up between print zinesters and ezinesters. The internet is now a more mainstream and financially-sensible means of distribution, and many of the early girl-zinesters have moved on to other life projects like college and full-time employment; many projects have been reborn completely on the web and most surviving paperbased projects are now distributed through or accompanied by web sites. Many former zinesters have now switched to blogs, which publish instantly. Explains Yanek, “i [sic] do much of what i [sic] used to do—without the photos and super visual element.” Yanek suggests that “zines may fade away, as the internet gains more and more power, ” but other zinesters might disagree, citing their love for the print format and snail mail as resistance to mainstream technology, despite the cost of the now almost antiquarian means of distribution.

The Future

Older zinesters and zine fans have gotten a little pickier, as Cristina Favretto (Rock Against Sexism) explains, “Perzines can get a bit boring but when they’re good they really get me thinking.” Kerri

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Neither riot grrrl nor zining gets the media attention it got in the mid-1990s, but both are still around, operating on the fringes of underground and punk culture. Zines, like fiction, are primarily pleasure reading and will most likely continue to exist in whatever form is most appealing to their readers and creators, metamorphosing to compliment as of yet unforseen changes in technology and subcultural ideology. While my zinester peers tapered off their zining as they got older, citing financial burden, the time-consuming other aspects of life (like relationships and jobs), other projects (chapbooks, blogs, academia, book deals) and a simple lack of angst-driven motivation (Says Scarlet: “I think its [sic] because I don’t feel as angry or fucked up anymore – my life isn’t as dramatic.”), girl zines shouldn’t be relegated to academic zine archives just get. Perzines continue to be outlets for indie and punk rock kids and have even been used as educational tools by their GenX teachers.


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Provost (Borderline/Tourist/Restoring Harmony/Radical Menstruation) elaborates, “Good zines can be hard to find. There are people who waste too many trees for recognition or fame or whatever the case may be. I’m an academic who majored in English, and I am biased in that sense. When people can combine content with art, then they are making a positive contribution to the community.” Also, along with hoards of now-defunct half-size zines came the birth and coming-of-age of larger feminist zines like Bust and Bitch, which went on to be popular independent/underground magazines with wide distribution. These zines are full-sized, glossy-covered, and funded by revenue generated by advertising for hipster and feminist products. They are printed on a regular schedule and employ actual editorial staff. They are available across the country at newsstands and large bookstores like Borders and Barnes and Noble. However, though larger, these magazines are strongly feminist publications with a DIY agenda that captures the spirit of the smaller zines. Girl zines, like feminism, are here to stay, though communities may wax and wane and the works themselves will evolve—adopting new names and formats—as new zinesters take the helm. Girl zines will continue to be whatever their creators want them to be—personal, political, companions to other artistic ventures and critiques on the authors’ worlds of school, work, literature, activism, music, whatever. Publishing and technology may change, but as long as there are pissed off girls and women with something to say, there will be a girl zine—or its futuresque equivalent—out there for your reading pleasure. Bibliography (Works Cited and Suggested Reading) Grrrl Zine Network (22 Mar. 2005), Elke, Ed. Zobl. 2005, http://grrrlzines.net/ HARRIS, Anita (2003), “gURL Scenes and Grrrl Zines: The Regulation and Resistance of Girls in Late Modernity” Feminist Review 75, p. 38-56.

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“Riot Grrrl Retrospective” (22 Mar. 2005), EMPlive.com, www.emplive.com/explore/riot_grrrl/index.asp ROSENBERG, Jessica & GAROFALO, Gitana (1998), “Riot Grrrl: Revolutions from Within”, Journal of Women in Culture and Society 23, p. 809-841. SCHILT, Kristen (2003), “‘I’ll Resist with Every Inch and Every Breath.’: Girls and Zine Making as a Form of Resistance”, Youth & Society 35, p. 71-97.


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Email Interviews ANDERBERG, Kirsten, “zine questions.” E-mail to Annelise Sklar, 17 Nov. 2004. DURGAZINE, Tracy, “Re: Fw: Looking for Girl/Grrrl Zinesters for Book Chapter”, E-mail to Annelise Sklar, 17 Oct. 2004. FALLS, Sara, “zine answers.” 21 Oct. 2004. FAVRETTO, Cristina, “Fwd: [zinelibrarians] Digest Number 55.” E-mail to Annelise Sklar, 14 Oct. 2004. HANDREN, Marisa, “Looking for Girl/Grrrl Zinesters for Book Chapter!” E-mail to Annelise Sklar, 19 Oct. 2004. PROVOST, Kerri, “Re: grrrl zinesters.” E-mail to Annelise Sklar, 28 Nov. 2004. ROSE, Sarah, “Grrl Zines.” E-mail to Annelise Sklar, 6 Dec. 2004. SCARLET, Sophie, “Re: book chapter on riot grrrl zines.” E-mail to Annelise Sklar, 16 Oct. 2004. YANEK, Cheryl, “zine chapter.” Email to Annelise Sklar, 14 Oct. 2004.

Annelise SKLAR is currently working at Zimmerman Library Public Services/Library Information Specialist 3/Liaison to Women Studies and American Studies. duchessanne@gmail.com

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ÉDITIONS

MÉLANIE

SÉTEUN

/

IRMA

COLLECTION

MUSIQUE

ET

Sandy QUEUDRUS. Un maquis techno. Modes d’engagement et pratiques sociales dans la free party. Mélanie Séteun / irma, 2000, 120 p.

SOCIÉTÉ

12,20 EUR

L

a free party fédère tout un pan de la jeunesse désireuse de vivre sa musique « hors la loi, hors les murs ». Le public des free parties est-il pour autant homogène et constitué de personnes partageant les mêmes attentes ? Alliant approches sociologique et ethnologique, l’auteure nous montre les différentes sphères qui cohabitent, parfois difficilement, au sein d’une fête sauvage ; elle décrit les us et coutumes de ces différentes populations, notamment en matière de consommation de drogues et circonscrit le marché économique parallèle qui assure le fonctionnement de la free party.

Stéphane MALFETTES. Les mots distordus. Ce que les musiques actuelles font de la littérature. Mélanie Séteun / irma, 2000, 120 p.

12,20 EUR

D

e nombreux groupes rock ont puisé leurs paroles dans les textes du panthéon littéraire, entraînant une déterritorialisation de l’oeuvre originelle qui change de support et d’univers symbolique. L’auteur étudie la distorsion introduites dans des textes de W. S. Burroughs, V. Maïakovski et H. Müller, repris respectivement par Disposable Heroes of Hiphoprisy, Complot Bronswick et Einstürzende Neubauten. Il montre comment le regard porté par le lecteur sur le texte peut lui-même évoluer après l’écoute des œuvres musicales. Fabien HEIN Hard rock, heavy metal, metal. Histoire, cultures et pratiquants. Mélanie Séteun / irma, 2003, 320 p.

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15 EUR

e terme « metal » est le fruit d’une histoire musicale née il y a plus d’une trentaine d’années sous la forme du « hard rock » et du « heavy metal ». Des modèles originels a émergé une multiplicité de genres se réfèrant à des disciplines artistiques diverses. Aujourd’hui, un certain nombre d’éléments permettent de penser que le metal tend à se démocratiser et à être reconnu pour sa valeur artistique et culturelle. Pour autant, il continue de renvoyer à des représentations sociales très négatives (machisme, violence, satanisme...). En observant précisément les pratiques d’un échantillon d’amateurs, l’auteur met en lumière l’attachement individuel ou collectif au metal, tout en dégageant les implications artistiques, économiques, affectives ou sociales qui leur sont indissociables. Situant ses analyses à un niveau international, national et local, il dresse concrètement le premier portrait sociologique du monde du metal hexagonal.


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Le critique rock, le fanzine et le magazine : « Ça s’en va et ça revient » par

Fabien Hein Docteur en sociologie, université Paul Verlaine, Metz, ERASE/2L2S Résumé. Les fanzines et les magazines sont des médias d’importance au sein de la presse rock. Ils

renvoient tous deux à la figure du critique rock qui travaille tantôt pour l’un, tantôt pour l’autre, voire pour les deux à la fois. Cet article entend montrer comment s’effectue cette circulation en prêtant attention aux trajectoires de plusieurs critiques de la presse rock française. Ce qui permettra de mettre en évidence certaines réalités concrètes de la presse musicale. Mots clefs. presse musicale — amateurs — critiques — travail — rock.

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Fabien Hein

En France

comme ailleurs, la presse rock papier se présente sous deux formes cardinales : le fanzine et le magazine. Dans les grandes lignes, ces deux médias révèlent un certain nombre de points de convergence et de divergence. En effet, ces deux supports rendent tout d’abord des services analogues. Tendanciellement, ils proposent l’évaluation de la qualité d’une production artistique, la conservation patrimoniale de cette production et une aide à la consommation culturelle 1. Par contre, ces médias se distinguent très nettement du point de vue de leur tirage, de leurs circuits de distribution et de leurs ressources économiques. Ainsi, les magazines sont produits par des entreprises commerciales et sont distribués nationalement 2, alors que les fanzines sont produits par des entreprises non commerciales (individuelles ou collectives) et ont une force de distribution réduite. Par ailleurs, en règle générale, les équipes de rédaction des magazines se composent de professionnels rémunérés alors que celles des fanzines sont essentiellement constituées d’amateurs — de « fans sérieux » (Lindberg et al., 2005 : 106) — occupant leur temps de loisir 3. Ces divergences ne font pas du fanzine et du magazine des médias hermétiques l’un à l’autre. Au contraire, les passerelles permettant de circuler entre les deux sont incontestables. Les équipes de rédaction des magazines se composent, par exemple, fréquemment de critiques rock ayant menés leurs premières expériences d’écriture au sein de fanzines (Lindberg et al., 2005 : 244).

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Cet article vise à faire émerger les conditions par lesquelles peut s’effectuer le passage du fanzinat vers la presse magazine. Puis, il entend montrer que ce passage ne conduit pas nécessairement à une rupture avec le fanzinat mais plutôt à une circulation entre les deux médias. Dans tous les cas, ces parcours sont le fruit d’un processus typique. Il débute lors de la rencontre réussie d’un acteur avec le rock. Puis, il est suivi d’un attachement (Latour, 2000 : 204) à celui-ci, avant de se traduire sous la forme d’un engagement (Coulangeon, 2005 : 83) pour le rock (Hein, 2006 : 123-192). Ce sont les différentes modalités de ce processus que je propose d’explorer ici. À cette fin, je prendrai appui sur les propos d’un échantillon de huit critiques de la presse rock magazine française 4. 1. Les acteurs exerçant ce type d’activité portent des jugements et des commentaires esthétiques. On les appelle habituellement « critiques rock ». 2. En France, la distribution de la presse est essentiellement assurée par les NMPP (Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne). 3. Pour Samuel Étienne, le fanzine est « déprofessionnalisé, décapitalisé et désinstitutionnalisé » (Étienne, 2003 : 8). 4. Je me suis entretenu par courriel avec deux d’entre eux. Concernant les six autres, j’ai prélevé leurs interviews dans le fanzine Odym’etal, n° 6, « Heavy Metal Queens », 2003, ainsi que sur les sites web suivants :


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L’amour pour le rock : une rencontre décisive La plupart du temps, les critiques de la presse rock sont de grands amateurs de musique. Tous déclarent avoir ressenti une intense émotion esthétique à la faveur d’une rencontre avec un objet musical particulier comme l’illustrent les propos suivants : Un jour, mon frère est rentré à la maison avec une cassette des Sex Pistols et une d’AC/DC. J’ai tout de suite accroché sur AC/DC ! Pour moi qui écoutais surtout de la variété française à cette époque, AC/DC fut une véritable révélation. Rythmes carrés, chant en anglais, énergie… tout m’emballait. [Jee Jacquet, Rock Hard] Ce qui a vraiment déclenché le truc, étonnement, est le film Retour Vers Le Futur ! […] Bref… Si tu as eu la chance de voir ce chef d’œuvre du septième art, il y a une scène ou Marty McFly (Michaël J. Fox), après avoir remonté le temps, veut absolument convaincre son futur père d’inviter sa future mère (cosmique n’est-ce pas ?). Il met donc sa combinaison atomique pour se faire passer pour un extra-terrestre et s’introduit de nuit chez lui. Pour le réveiller, il sort son walkman et on a juste le temps de voir marqué sur la cassette avant qu’il ne l’enfourne : Van Halen. Il appuie sur « play » et son père est soudainement réveillé par un déluge de vibrato de gratte qui dure à peine une demie seconde. Juste le temps pour moi de me dire qu’il fallait à tout prix que j’écoute ce groupe. J’avais environ dix ans et ça y est, j’étais foutu. Pendant un an, j’ai décidé de me contenter de David Lee Roth and co. [Olivier Badin, Hard N’Heavy]

Cette rencontre inopinée avec un objet musical constitue un événement fondateur en ce qu’il produit une « accroche » (Hennion et al., 2000 : 104), voire un hapax existentiel, à savoir une expérience « déterminant toute une existence chez un individu » (Onfray, 1993 : 213). Cet événement ouvre sur un état singulier du corps. Les acteurs le traduisent fréquemment sous la forme d’expressions comme « ça m’a scotché », « ça m’a tué » ou « j’étais foutu ». Formules qui visent à marquer le choc, la révélation et le basculement (Hein, 2003 : 232-234). La force de cette sensation séminale tient dans sa capacité à produire des émotions particulièrement plaisantes, souvent très difficiles à verbaliser tant elles appartiennent au registre du corps. Ce qui n’empêche évidemment en rien les acteurs de chercher à « faire arriver » (Hennion et al., 2000 : 186) à nouveau de telles émotions selon des modalités variées conduisant à l’attachement au rock.

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Worst sur http://www.toutankeupon.com/worst/zz10_rocksound.html [consulté le 09.11.2004] ; Violent Solutions sur http://www.vs-webzine [consulté le 09.11.2004], rubrique interviews/Dossier VS et Metalorgie sur http://www.metalorgie.com/metal/interviews.php?id=31 [consulté le 07.12.2004]. La presse magazine rock compte actuellement une douzaine de titres en activité parmi lesquels : Rock & Folk, Rock Sound, Elegy, D-Side, Rock Hard, Metallian, Hard N’Heavy, Versus Magazine, Velvet, Compact Crossroads, Magic, Rock One, Hard Rock, etc.


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L’attachement au rock : un processus Un jour j’ai lu dans le programme TV, « Boulevard des clips », « Best of trash » avec Nirvana, Soundgarden, etc. J’ai commencé à les enregistrer. Puis à en faire des cassettes entières. Puis à ne pas me coucher la nuit pour les regarder et enregistrer juste les clips que j’aimais. Après j’en faisais des compiles sur cassette audio. J’ai du arriver à 30 cassettes environ. [Mélanie Chaluleau, Rock Sound] Ma mère bossait dans un supermarché à Brest et, de temps à autres, me ramenait des 45 tours : Queen, Status Quo, etc. Un beau jour, mon meilleur pote de l’époque, un certain Fabrice, m’a traîné dans un magasin de disques et m’a fait écouter Powerage d’AC/DC. Son grand frangin l’avait branché sur le groupe. Difficile de dire pourquoi, mais j’ai immédiatement craqué sur le groupe. Un vrai coup de foudre ! C’était en 1978 (j’avais 10 ans), ça ne m’a pas lâché depuis… J’ai acheté tous les skeuds précédents (High Voltage, Dirty Deeds, Let There Be Rock) et, par la suite, j’ai sauté sur tous les albums d’AC/DC le jour de leur sortie. Une grande histoire d’amour. [Philippe Lageat, Rock Hard] J’ai eu envie d’en découvrir plus sur AC/DC et me suis procurée les précédents albums du groupe. Mais ma passion pour le rock a pris une ampleur supérieure lorsqu’un jour j’ai entendu le fameux « Bohemian Rhapsody » de Queen à la radio (RFM). Dans la semaine, je me suis ruée chez un disquaire pour acheter l’album et à partir de là, Queen est devenu mon groupe # 1. Je me suis mise à acheter toutes les revues qui mentionnaient le groupe et pour la toute première fois de ma vie, je suis allée en concert ! Le choc ! L’extase ! AC/DC et Queen ont joué un grand rôle dans ma vie musicale et restent encore, aujourd’hui, deux de mes groupes préférés. [Jee Jacquet, Rock Hard]

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Ces propos attestent de l’efficacité des objets musicaux. Cette efficacité tient aux émotions que ces objets sont en mesure de procurer. Un phénomène d’autant plus déterminant qu’une expérience sensorielle plaisante constitue un point de départ essentiel dans la formation du goût (Hennion & Teil, 2003 : 78). Les objets et leurs effets peuvent conduire à l’action 5. Et donc à l’attachement. La consommation intensive d’objets rock représente probablement la manifestation la plus objective qui soit d’un attachement au rock. Cette consommation culturelle est généralement évolutive. Concrètement, l’amour pour le rock s’inscrit dans un processus qui peut déboucher sur une carrière d’amateur au cours de laquelle il ne s’agit plus simplement d’accumuler des choses représentatives du rock, mais bel et bien de produire à son tour des objets propres 5. « La réalisation de l’action dépend du “travail” qui consiste, pour ceux qui agissent, à révéler et reconduire constamment ce qui ordonne une forme d’activité pratique donnée, en comblant, sans cesse et dans le cours même des interactions, les incertitudes qui naissent de l’incomplétude des échanges et de la vulnérabilité de l’agir en commun » (Ogien & Quéré, 2005 : 8).


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au monde du rock 6. En France, les enquêtes disponibles portant sur les amateurs de musique, au sens large, rabattent fréquemment ce phénomène sur la pratique d’un instrument (par ex. Développement Culturel, 1995 ; Donnat, 1996 ; Green, 1997). Il en va de même pour les études portant plus spécifiquement sur les amateurs de rock (par ex. Seca, 1988 ; Touché, 1998 ; Brandl, 1999 ; Tassin, 2004) au sein desquelles la figure du musicien prévaut toujours très largement. Ce faisant, elles délaissent un grand nombre d’autres activités périphériques liées à la musique, telles celles évoquées ci-dessous par exemple : J’ai animé une émission de radio pendant cinq ans sur la région Bretagne (Fréquence Mutine). Elle avait pour nom « Petite Musique De Nuit » (hommage à Venom). Puis, en 1991, j’ai créé un fanzine exclusivement consacré à AC/DC appelé Let There Be Light. Ce fanzine a rapidement été reconnu officiellement par le groupe et son management (un exploit en soi car AC/DC n’est habituellement pas porté sur ce genre de trucs). Les AC/DC sont aujourd’hui des amis avec lesquels je reste en contact permanent. [Philippe Lageat, Rock Hard] J’ai commencé à dix-huit ans à faire de la radio associative (j’en ai fait en tout pendant quatre ans) et j’ai rapidement eu ma propre émission. Cela s’est d’ailleurs plutôt mal fini avec la première radio où j’étais car je brassais beaucoup, beaucoup (certains disaient justement trop) d’air pour ce qui n’était au final « qu’une » émission de metal et j’ai réussi stupidement à me fâcher avec eux… En parallèle, à force d’aller aux concerts, j’ai commencé à filer un coup de main à la fière équipe de Decibels Storm [fanzine]. J’ai participé aux deux derniers numéros édités et je file encore aujourd’hui quand je peux un coup de main au site Internet [webzine]. [Olivier Badin, Hard N’Heavy]

Ces extraits d’entretiens illustrent différentes manières de performer un attachement au rock par la production d’une série d’objets propres à ce monde : émission radio, webzine fanzine. Ils soulignent que la pratique d’une activité constitue le continuum concret d’un attachement, au sens d’un passage entre consommation culturelle et pratique culturelle. Ainsi, en tant qu’objet rock, le fanzine, peut également conduire à l’action, au même titre que la musique. Autrement dit, alors que certains amateurs de rock se lancent dans la pratique instrumentale, d’autres font le choix d’écrire sur le rock (Atton, 2002 : 103). Les deux activités n’étant d’ailleurs nullement incompatibles. La pratique rock peut donc prendre des formes multiples. L’écriture 7 n’en est qu’une parmi d’autres

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6. Simon Frith part des différentes possibilités offertes aux consommateurs culturels pour qualifier ce processus de « consommation créative » (Frith, 1988 : 6). 7. Les études francophones disponibles sur l’activité de critique rock visent généralement l’analyse de discours (Bonzom, 1991 ; André, 1993 ; Willey, 1994 ; Chocron, 1994 ; Rudent, 2000 ; Teillet, 2002 ; Hein, 2005), quelquefois l’histoire


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(Frith, 1978 : 139). Dans le cas qui nous occupe ici, cette activité procède d’un choix favorisé par la rencontre, puis la consommation de l’objet fanzine. Ce dont l’extrait d’entretien suivant rend parfaitement compte : Lorsque je me suis intéressé à la musique, j’ai aussi découvert qu’il existait des journaux amateurs que de simples individus fabriquaient avec les moyens du bord. C’est une idée qui m’a plu. Pas forcément pour la libre expression que ça entraînait mais plutôt pour la joie de donner naissance à quelque chose que tu fais vivre et évoluer toi-même, et qui permet de relier les gens qui ont la même passion que toi. C’est une manière d’exprimer son pouvoir créatif simplement. [Frank Frejnik, Rock Sound]

L’objet offre un modèle. Et il tient lieu de médiateur. Créer son fanzine est un moyen de faire quelque chose pour le rock que l’on aime. À ce titre, c’est également le moyen de se faire plaisir en produisant un objet qui permet à la fois d’exprimer publiquement sa créativité et, par extension, de fabriquer du sens 8 et du lien social (Bromberger, 1998 : 34 ; Béra & Lamy, 2003 : 175).

L’engagement pour le rock : les premiers fanzines La consommation intensive et régulière de disques, la fréquentation de concerts et la lecture assidue de la presse spécialisée permet à l’amateur engagé de se constituer une solide culture musicale. Cette dernière s’acquiert ainsi sous l’effet d’une familiarisation intensive :

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J’avais 14-15 ans, vers 87-88, c’était le grand moment de Poison, Bon Jovi, Guns N’Roses, le retour d’Alice Cooper. À l’époque, j’étais plutôt sélectif, branché par les groupes les plus populaires. J’ai découvert les Guns et Poison en Angleterre, Appetite for destruction cassait la baraque outre-manche et personne ne connaissait le groupe en France… comme d’habitude ! C’est un ou deux ans plus tard, qu’avec un pote nous avons commencé à écumer toutes les médiathèques parisiennes […]. Nous écoutions une quarantaine de CD par semaine ce qui n’a pas changé depuis, c’était vraiment le pied de découvrir et la structuration de leurs supports (Mignon, 1988 ; Étienne, 2003 ; Savev, 2004), plus rarement la description des modalités d’entrée et de carrière dans l’activité (Hein, 2003b). Bien que la production anglophone (par ex. Frith, 1978 ; Shuker, 2001 ; Atton, 2002 ; Hodkinson, 2002 ; Jones, 2002 ; Lindberg et al. 2005 ; sans compter les articles parus dans les revues Popular Music, Popular Music and Society, Perfect Beat, Chapter & Verse) et germanophone (par ex. Ott & Skai, 1985 ; Neumann, 1997 ; Galenza & Havemeister, 1999 ; Roccor, 2002) soit plus fournie, elle reste cependant loin d’avoir épuisé le sujet. 8. Les arguments motivationnels des rédacteurs de fanzines sont évidemment multiples. J’ai tenté d’en dresser une typologie (Hein, 2006 : 176-188).


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des nouveaux groupes, des plus anciens également. J’ai pris quelques claques monumentales telles que Appetite, The real thing de Faith No More, Images and words de Dream Theater, si je ne devais retenir que trois disques ce serait ceux-ci ! L’imagerie du metal, je trouve ça sympa, mais c’est la musique qui me fait triper ! […] Je fais parti des boulimiques et ce, depuis que j’ai commencé à écouter du metal. En fait, j’écoute de tout à part du néo et du grind. Et franchement, ça ne me pose aucun problème de passer de Bon Jovi à Immortal en passant par Theater Of Tragedy ou Vanden Plas ! [Dyder, Hard Rock Mag]

Cette culture musicale croissante constitue une compétence spécialisée que l’amateur cherche fréquemment à partager. Pour Jean-Marc Leveratto, « cette spécialisation favorise l’élaboration par l’individu d’un savoir approfondi sur les objets, et l’apparition d’un désir de transmission de ce savoir qui légitime sa passion et démontre la grandeur personnelle de l’individu » (Leveratto, 2000 : 324). La raison principale est de faire partager ma passion, lorsque je découvre un nouveau groupe, je n’ai qu’une envie, le faire écouter à mes potes… [Dyder, Hard Rock Mag] Le plaisir… d’écrire, de découvrir des nouveaux groupes et faire découvrir des nouveaux groupes. [Mélanie Chaluleau, Rock Sound] Je vais sûrement te paraître naïf mais je suis vraiment content quand quelqu’un vient me voir et me dit qu’il connaissait pas tel groupe dont je vantais les mérites dans le magazine et qu’après avoir acheté sur mes conseils le disque, il est devenu fan. [Olivier Badin, Hard N’Heavy] Adolescent, je passais ma vie dans les points des presses pour dévorer les magazines rock avant d’aller chez mon disquaire. Je ne sais pas d’où vient l’envie de faire partager une passion, ou plutôt les raisons sont-elles trop nombreuses. Pour faire simple, autrefois d’autres m’ont fait partager leur passion, m’ont appris tout un tas de choses sur le rock dans des magazines comme Best, Hard Force, Rage, Noises of the Nineties… J’ai envie de prendre le relais, même si ce n’est que pour un bref instant. [Olivier Drago, Versus Magazine]

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Dans son ouvrage sur les fans des Beatles, Christian Le Bart remarque lui aussi le « besoin qu’éprouve tout passionné de pouvoir parler avec autrui le langage de la passion » (Le Bart, 2000 : 75). Cette volonté de partager peut éventuellement permettre d’enrichir ses propres connaissances. Mais elle permet également d’en évaluer l’étendue par comparaison à celles dont disposent d’autres amateurs et donc, de s’en différencier. De toute évidence, du fait d’un engagement personnel soutenu, l’amateur fervent domine bien mieux son sujet que l’amateur plus occasionnel (Hein, 2003a : 252-255). Il sait « identifier, désigner, argumenter » (Bromberger, 1998 : 29). Ce qui conforte son identité d’expert pour lui-même, de même qu’elle lui est symétriquement confirmée en retour, au


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sein de son cercle familial et/ou amical. Mais au-delà de la sphère privée, cet amour pour le rock peut également vouloir s’exprimer dans l’espace public. Éditer un fanzine est alors, pour l’amateur engagé, une manière de quitter l’anonymat et de se forger une réputation par son travail. L’amateur devient alors progressivement un producteur culturel. Mais, au-delà du savoir culturel accumulé, l’amateur doit alors construire de nouvelles compétences lui permettant de rendre son action efficace. Philippe Teillet observe très justement que l’activité de commentaire, non seulement exige de l’érudition et de la spécialisation, mais qu’en outre, elle conduit à la production de ces qualités (Teillet, 2002 : 313). Un processus d’apprentissage qui peut, par exemple, fonctionner sur la base du modèle suivant : Alors… j’ai commencé en 1998. À Perpignan, pas loin de chez moi dans une association, un BIJ (Bureau Info Jeunesse) qui organisait un stage d’un mois l’été « découverte du journalisme ». Le but était de faire une émission radio et un fanzine. Après ce stage, le fanzine a continué, je me suis investie dedans et j’ai commencé à faire des interviews de groupes. Ensuite je ne sais pas comment j’ai découvert le fanzine Leprozy. J’ai fait une interview à l’arrache de Slipknot lors de leur premier passage en France après leur concert au Bikini à Toulouse. Dehors, dans le froid avec le chanteur. Ça s’est très bien passé. L’interview a été publiée dans Leprozy. Après je lui ai proposé d’autres trucs qu’il ne jugeait pas assez metal pour figurer dans son fanzine alors il m’a donné les coordonnées des gars qui font 03, du coté de Strasbourg. J’ai eu plusieurs interviews publiées dans ce fanzine. [Mélanie Chaluleau, Rock Sound]

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Les méthodes visant à la réalisation d’un fanzine ne sont pas codifiées professionnellement. Il appartient donc à chaque acteur désireux de s’investir dans ce type d’activité de définir son projet en fonction de ses goûts, de sa créativité, de ses représentations, de ses stratégies et de ses moyens. À ce titre, les compétences nécessaires à la réalisation d’un fanzine s’acquièrent empiriquement. La face la plus visible liée à la production d’un fanzine consiste à porter des jugements sur des productions artistiques et à s’entretenir avec leurs producteurs. Or, ces activités masquent fréquemment que la nature même de l’objet fanzine conduit également celui qui en entreprend la réalisation, à se confronter à l’ensemble des étapes et des procédures liées à sa production. Samuel Etienne rappelle fort bien que « les animateurs des fanzines assurent à la fois les rôles de rédacteurs, éditeurs, distributeurs » (Étienne, 2003 : 11). Dans ce contexte, la « démultiplication de soi » (Menger, 1997) est une figure quasiment imposée 9. 9. Les configurations des fanzines sont multiples. Il existe des fanzines individuels et des fanzines collectifs. La division du travail est évidemment plus marquée selon que le nombre de contributeurs au fanzine est élevé. Par conséquent, il est impossible de déterminer et de qualifier précisément la fonction d’un acteur investi dans le fanzinat sans observer


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J’ai appris énormément de choses et développé de nombreux contacts. Une expérience très riche mais qui demande une persévérance, un travail énorme et qui occasionne beaucoup de stress, de soucis en tout genre. Les moments forts sont la sortie du premier numéro, le passage de la photocopie à l’impression numérique, le nombre croissant d’abonnés, la reconnaissance des labels et de certains musiciens. [Jee Jacquet, Rock Hard]

On peut donc imaginer sans peine que le fanzine soit un laboratoire d’acquisition des compétences et dans le même temps, qu’il puisse constituer une passerelle ou un tremplin (Hein, 2003b : 5-6) vers la presse rock magazine. Car éditer un fanzine permet de capitaliser un savoir faire éventuellement valorisable et transférable dans des sphères d’activités rédactionnelles de type commerciales.

Une nouvelle étape : la presse rock magazine Les critiques rock dont il est question dans cet article ont globalement tous connus leurs premières expériences avec la presse spécialisée en s’investissant, à des titres divers, dans la réalisation d’un fanzine. C’est un point fondamental partagé par la majorité de leurs homologues à travers le monde (Frith, 1996 : 67). En quoi, il ne fait aucun doute que les fanzines occupent une position déterminante dans l’histoire de la critique rock (Shuker, 2001 : 89 ; Jones, 2002 : 3 ; Frith, 2002 : 240). Toutefois, certains d’entre eux finissent par se lasser de cette activité pour plusieurs raisons : J’ai décidé d’arrêter la version papier parce que la gestion du fanzine devenait de plus en plus pesante. Outre mes fonctions de rédac chef, j’assurais seule la partie compta, secrétariat, envois, dépôts chez les disquaires, contacts avec les labels, etc., et même avec un numéro tous les trois mois, c’était beaucoup de travail. […] Après 15 ans de fanzine, j’avais envie de passer à autre chose et j’ai trouvé mon bonheur en devenant attachée de presse indépendante et en rejoignant l’équipe Rock Hard. [Jee Jacquet, Rock Hard] [Le fanzine] était devenu difficile à gérer. C’était de gros et coûteux numéros (environ 70 pages A4). Je faisais beaucoup trop de choses (rédaction, interviews, chroniques, mise en page, photocopies, distribution, courrier, comptabilité, commandes, etc.), ça prenait des proportions incroyables et j’éprouvais, au bout d’un temps, plus de lassitude que de plaisir. J’avais l’impression de m’enfermer dans cette passion en oubliant de « vivre » ma vie à côté. Au bout de cinq ans, ça devenait pénible

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avec précision la nature de ses activités. Étant donné que cette question ne constitue pas l’objet de cet article, il convient d’accepter ce flou épistémologique en partant du principe que les fanzines exigent la pluriactivité de ses acteurs. C’est la raison pour laquelle il est possible de les désigner précisément en tant que rédacteurs, éditeurs, animateurs ou plus simplement critique rock.


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d’être confronté toujours aux mêmes problèmes d’argent, de temps ou de matériel. Alors j’ai arrêté. [Frank Frejnik, Rock Sound]

Ces exemples attestent éloquemment que l’entreprise fanzine peut parfois devenir un poids compte tenu de l’investissement humain et économique qu’il exige. Dans ce cas, se pose alors très concrètement la question de la rentabilité de l’investissement personnel. Et ce, avec d’autant plus d’acuité dès lors que la somme des contraintes en vient à dépasser la somme des satisfactions. De cette manière, si certains rédacteurs de fanzines décident d’abandonner leur activité, d’autres peuvent également envisager d’intégrer la presse magazine, qui, par sa division fonctionnelle du travail 10 plus marquée devrait théoriquement les soulager d’une charge de travail trop écrasante. Sans oublier que dans le même temps, elle a une valeur symbolique forte dans la mesure où elle constitue pour certains d’entre eux une forme d’aboutissement par la reconnaissance publique qu’offre sa diffusion nationale (voire au-delà).

Des opportunités et des compétences

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Le métier de critique rock n’est pas davantage structuré professionnellement que ne l’est l’activité d’un éditeur de fanzine. Seuls deux acteurs de l’échantillon ont suivi une formation au journalisme 11. Ce qui signifie que ce type d’activité ne repose pas tant sur une qualification formelle (école de journalisme ou cursus universitaire) que sur des compétences spécifiques et informelles ayant trait à une combinaison de culture musicale 12, de débrouillardise et d’opportunité à l’image des propos suivants : 10. La division fonctionnelle du travail procède d’une « structuration en départements et services […] hiérarchisés dans l’organigramme de l’organisation. […] À tous ces niveaux, la fonction se traduit par un ensemble de tâches rationnellement reliées entre elles » (De Coster, 1994 : 220-221). 11. Il faut rappeler que la profession de journaliste n’exige ni formation, ni qualification spécifiques. Toutefois, le journaliste peut bénéficier d’un statut légal qui prend la forme d’une carte de presse à laquelle peuvent prétendre toutes les personnes dont les revenus provenant du journalisme dépassent 50 % de l’ensemble de leurs revenus et dont les autres activités ne sont pas incompatibles avec la profession de journaliste. Lorsque ce chiffre est supérieur à 75 %, l’obtention est automatique. Dans le cas contraire, le dossier est soumis à l’appréciation des commissaires de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (article L761-15 du code du travail). 12. Dans un entretien accordé à François Ribac, le critique rock François Gorin (Rock & Folk, Les Inrockuptibles, Télérama) déclare : « J’ai écouté tellement de musique maintenant que j’ai l’impression de savoir de quoi je parle » (Ribac, 2003 : 96).


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En 1992, j’ai quitté la Bretagne pour m’installer à Paris (ma copine avait trouvé du boulot à LevalloisPerret). Pendant trois ans, j’ai glandé : divers petits boulots à droite, à gauche (Toys “R” Us, prof de tennis, etc.) et j’ai contacté les principaux mags de hard. Seul Hard Rock m’a répondu. Négativement. J’avais une maîtrise d’anglais et de lettres modernes mais je voulais absolument bosser dans le hard rock : maison de disques, mags, etc. J’ai donc bossé épisodiquement (ma copine travaillait et gagnait très correctement sa vie. Elle m’a épaulé et a fait preuve d’une patience exemplaire. Sans elle…). En 1992, Pestilence (de Hard Rock) m’a interviewé pour Hard Rock et a fait quatre pages sur mon fanzine AC/DC. Vu que je suivais le groupe partout, j’ai fini par rencontrer Vincent Martin en Allemagne, à Düsseldorf. Ce dernier a craqué sur mon fanzine, m’a invité à une émission consacrée aux fans sur MCM. Trois ans plus tard, j’ai contacté Laurence Faure (qui était devenu rédactrice en chef de Hard Rock) pour lui proposer une interview de Chris Slade, batteur d’AC/DC, qui venait de se faire virer du groupe. Il s’agissait de la dernière interview accordée par le batteur avant que celui ci ne soit remplacé par Phil Rudd. AC/DC n’ayant pas donné signe de vie depuis 1992, elle a sauté sur l’occasion et a publié mon papier. Lorsque je suis passé aux bureaux de Hard Rock pour chercher des mags et me faire payer, Laurence m’a appris qu’elle était virée et venait de se faire remplacer par… Vincent Martin (le monde est petit). Quelques mois plus tard, AC/DC m’a invité à assister au tournage du clip de « Hard as a rock ». Aucun journaliste n’étant convié, j’ai pris pas mal de photos, et, dès que je suis rentré sur Paris, j’ai appelé Vincent qui, exclusivité oblige, a immédiatement accepté de m’acheter un compte-rendu textes/photos. Deux mois plus tard, il m’a demandé de l’aider sur une interview AC/DC, ce que j’ai fait sans me faire prier. Et, un beau jour, en passant à Hard Rock, j’ai compris que l’équipe cherchait un journaliste. J’ai immédiatement postulé (après tout, AC/DC était mon groupe préféré, mais j’écoutais toute sorte de hard depuis des années et des années) et Vincent m’a proposé un test : il m’a envoyé au Zénith interviewer My Dying Bride. La rencontre s’est bien passée, il m’a donc engagé. Trois mois après, pour cause de ventes insuffisantes, il s’est fait virer et remplacer par Olivier Rouhet qui m’a proposé de devenir co-rédacteur en chef. [Philippe Lageat, Rock Hard]

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Je n’ai jamais réellement voulu devenir « professionnel ». Encore aujourd’hui, même si écrire sur la musique est devenu l’activité pour laquelle je suis rémunéré, je ne me sens pas « professionnel ». Encore moins journaliste. Je n’en ai pas la prétention. Remettons les choses à leur place, j’écris sur des disques ou des groupes de rock. Ce n’est ni du journalisme d’investigation ni de la presse d’opinion. J’ai atterri à Rock Sound sans vraiment le vouloir. En fait, je me destinais plus à la PAO. Je suivais une formation dans laquelle je devais faire un stage en entreprise. Comme j’aimais la presse, j’ai voulu voir de plus près comment ça marchait en allant faire ce stage à Rock Sound, établi (à l’époque) à Clermont-Ferrand. Le contact est bien passé avec les gens du mag et lorsqu’ils ont lancé Groove, un mag hip hop, ils ont proposé de m’embaucher. J’ai accepté parce que je n’avais rien d’autre à faire et que l’aventure me tentait. Après deux ans et demi, j’en ai eu ma claque du rap (ce n’était pas mon univers). La place de secrétaire de rédaction de Rock Sound s’est libérée, on me l’a proposée et j’ai accepté. Tout comme j’ai accepté de monter sur Paris quand les magazines y ont été transférés. Tout a été un concours de circonstances. J’ai juste eu de la chance de me trouver là au moment où il fallait. [Frank Frejnik, Rock Sound]


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J’ai fait un IUT de journalisme et dans la même école se trouvait un ami à moi dans une autre section. Il a effectué un stage de fin d’école de trois mois au magazine de techno (oui, ce n’était pas vraiment un suppôt de Satan…) Tracks (le magazine écrit, pas l’émission de télé sur Arte). Or, le fait est que la même compagnie est propriétaire de nombreux journaux et notamment d’Hard N’Heavy. Chose que j’ai découvert en passant le voir un jour à Paris. Prestement, je suis revenu avec un CV en poche… Enfin prestement : j’étais pas très fier et mon ami a presque dû me pousser pour que je rentre dans la rédaction. Là j’y ai rencontré un très laconique James Petit qui m’a juste lâché en me serrant la main : « Tu as de la chance petit, c’est mon dernier jour ! ». Il venait de se faire virer du journal qu’il avait pourtant créé et c’était pas vraiment le genre de répliques qui pousse à la conversation. Cela s’est donc limité à ce simple échange. Je suis pourtant revenu (têtu comme une mule que je suis) le lendemain et j’ai rencontré là pour la première fois Xavier Bonnet qui venait d’être nommé. Nous avons discuté d’une façon impromptue, nous nous sommes découverts une passion commune (Fu Manchu)… Bref, nous avons bien accroché. Accessoirement lui devait faire face à la défection de Louis Bourgade et il avait un mec en face qui arrêtait pas de le baratiner malgré finalement le bien peu de munitions qu’il avait en stock. Comme un sorte de test, il m’a alors juste dit : « Alors comme ça, tu connais tous ces groupes de metal extrême et tu m’affirmes connaître les gens des labels etc. ? Ben voilà le deal : dans deux semaines, Cradle of Filth donne un concert à Paris. Tu me fais l’interview des deux groupes de premières partie (alors Old Man’s Child et Einherjer) et tu ramènes le tout deux jours plus tard sous la forme d’un article de tant de caractères. Salut ! ». Il ne m’a pas demandé si je vivais sur Paris (ce qui n’était alors pas le cas), si je savais qui appeler etc. À moi de me démerder ! Une fois le jour arrivé, j’ai rarement été aussi nerveux. Les interviews passées, j’ai dû réécrire ces articles quinze fois et je n’ai pas osé les relire depuis car cela doit être plutôt minable. Le tout a atterri dans le premier hors série extrême de Hard N’Heavy en mai 1998. Et hop, une fois dans l’engrenage, tout est allé très vite et cela ne s’est pas arrêté depuis. [Olivier Badin, Hard N’Heavy]

Si les opportunités sont manifestement déterminantes dans la carrière d’un critique rock, elles sont indissociables de logiques de réseaux. De la même manière, elles sont toujours très fortement liées à la notion d’épreuve (Latour, 2001 : 241-243). Fournir les preuves de son aptitude à travailler dans un contexte « professionnel » semble être un impératif. Et cette disposition est évaluée à hauteur du savoir faire. En outre, ce que ces extraits d’entretiens ne révèlent pas, c’est qu’un critique rock doit également posséder une qualité d’écriture ainsi qu’une bonne maîtrise de la langue française (et si possible anglaise). À quoi il faut ajouter que « l’engagement dans la critique rock requiert l’emploi de références culturelles spécifiques et la conscience de certaines hiérarchies esthétiques » (McLeod, 2002 : 95). Ce qui signifie qu’au final, la combinaison de savoirs, savoir faire et savoir être constitue la somme des compétences nécessaires à l’activité du critique rock. Soit un positionnement tridimensionnel.


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Une économie de la pige En dépit de cette triple compétence, les parcours professionnels au sein de la presse magazine sont loin d’être fluides et stables. On a pu voir qu’un diplôme de journaliste ne garantissait en rien la possibilité d’obtenir un poste de salarié permanent au sein d’un magazine rock. Il serait d’ailleurs faux de penser qu’écrire pour un magazine s’effectue toujours dans le cadre d’un contrat salarial classique (à temps plein et en CDI). Il s’avère en effet que les rédactions des magazines rock français sont majoritairement composées de pigistes 13, au même titre que dans la presse magazine en général (Accardo, 1998 : 15 ; Charon, 1999 : 23). À titre d’exemple, Rock Hard compte cinq salariés en poste pour une équipe rédactionnelle de douze personnes 14. Metallian compte deux salariés permanents pour une équipe rédactionnelle de neuf personnes. Versus Magazine ne compte aucun salarié tout en mobilisant une trentaine de collaborateurs. Si l’écrasante majorité des contributeurs de la presse rock n’en tire pas l’essentiel de ses revenus, on peut en déduire que l’économie de la presse rock française n’est manifestement pas très prospère. Pas davantage, en conséquence, que le métier de critique rock.

La presse rock magazine nourrit difficilement son homme (ou sa femme) Ce phénomène de « précarisation de l’emploi journalistique » (Accardo, 1998 : 15) rend les carrières de critiques rock relativement fragiles 15. Leurs parcours au sein de la presse magazine s’avèrent souvent très hétérogènes. Les postes de salariés permanents étant rares, les prétendants au salariat sont contraints de réaliser des piges, tout en exerçant une activité alimentaire annexe dans l’espoir qu’un poste se libère ou soit créé. En cela, il faut donc considérer que le monde de la presse rock « n’est pas un monde homogène mais est composé de segments en changement permanent, porteurs d’activités et d’identités différentes » (Vrancken, 1994 : 264). Je ne suis pas salarié chez Hard Rock Mag, je suis juste pigiste et je ne suis même pas journaliste. Que tes lecteurs ne se méprennent pas, ce n’est pas en écrivant des articles dans un mag de metal que l’on peut

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13. Les pigistes sont des vacataires de la presse. Ils sont rémunérés à l’article, à la ligne voire au nombre de mots. 14. Philippe Lageat, rédacteur en chef du magazine Rock Hard France, rappelle que l’équipe de Rock Hard Allemagne compte pas moins de 40 salariés. 15. Érik Neveu note une « montée de la précarité au sein du journalisme » au cours des trente dernières années (Neveu, 2004 : 25).


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vivre, au mieux ça te permet de payer une partie de tes impôts, et encore ! Tous les jeunes qui se lancent dans des études de journalisme et qui souhaitent écrire dans HRM, Rock Hard etc. Il faut s’accrocher, et au final, la majorité d’entre eux seront journalistes pour un autre domaine et feront des articles ponctuels pour les mags metal. C’est comme pour les musiciens, t’as plutôt intérêt à avoir un boulot à côté, je dresse un tableau noir, mais c’est la réalité. C’est la même chose pour les petits labels. Les gens font ça par passion, pour faire bouger les choses chacun à leur niveau. Ce type d’investissement est génial et je trouve ça vraiment super ! Maintenant, certains devraient retomber de leur nuage, si tu vois ce que je veux dire et voir la réalité en face ! [Dyder, Hard Rock Mag] En ce qui concerne la précarité évidemment c’est un passage obligé et c’est même plus qu’un passage dans cette profession, C’EST UN TUNNEL SANS FIN !!! Tous les pigistes que je connais ont un autre travail à côté. Moi y compris. Car c’est impossible de vivre de ses piges. [Mélanie Chaluleau, Rock Sound]

Un double marché du travail

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Ces données fournissent de précieuses indications quant à la division fonctionnelle du travail au sein des équipes de rédaction des magazines. On observe la cohabitation de deux groupes sur un double marché du travail. L’un, interne, se compose de salariés en poste. Ceux-ci disposent d’une certaine stabilité de l’emploi, assument les fonctions de direction et de coordination et tirent l’essentiel de leurs revenus de leur activité au sein du magazine. L’autre, externe, regroupe les pigistes. Ceux-là contribuent plus ponctuellement au magazine, leur charge de travail y est moins volumineuse et consiste couramment en une activité d’appoint. Compte tenu de la précarité et de l’instabilité de la presse rock en France 16, la notion de risque lié à l’emploi se situe ainsi plus volon16. À partir des années 1980, les titres de la presse rock française connaissent énormément de soubresauts, en raison, notamment, de la fragmentation des genres musicaux concomitant d’une multiplication des titres (« spécialisation extrême des magazines à pôles d’intérêt », Charon, 1999) ayant entraîné une réduction sévère des parts de marché pour chacun d’entre eux. Le mensuel Rock & Folk, né en 1966, institution de la presse musicale hexagonale, plus ancien magazine rock français en activité n’a pas été épargné. Il traverse un grave crise dans la seconde moitié des années 1980 avant d’être racheté par les éditions Larivière en 1990 qui le recapitalisent et remanient l’équipe de rédaction, sans jamais plus atteindre les chiffres de vente des années fastes — près de « 300 000 exemplaires jusqu’au tout début des années 1980 » selon Michka Assayas (2000 : 1 440) ; 134 400 exemplaires en 1984 selon Philippe Teillet (2002 : 314). Autre exemple, le dépôt de bilan récent (janvier 2004) du groupe IXO Publishing, propriétaire d’une série de magazines musicaux tels Hard N’Heavy, Rolling Stone, Rock Sound, X-Rock, Groove, Trax, Rap US, Soul R&B et Ragga. Certains titres ont cependant été repris courant mars de la même année par le groupe Cyber Press Publishing.


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tiers du côté du groupe (interne) des salariés permanents des magazines que du groupe (externe) des pigistes pour la simple raison que ces derniers exercent souvent une activité professionnelle en parallèle de leur activité pour le magazine. Ils ne comptent donc pas sur elle pour vivre, à l’inverse des salariés en poste. Ce qui concourt à démystifier une activité souvent enviée et idéalisée.

Contraintes techniques et économiques Les magazines « constituent la forme de média où la proximité entre le contenu rédactionnel et la publicité est la plus grande » (Charon, 1999 : 94). Ce qui implique un ensemble de contraintes techniques indissociables de contraintes économiques. Étant donné que « la presse dépend économiquement de ses recettes publicitaires » (Albert, 1996 : 48), la publicité influe nécessairement sur le contenu de la presse. Il n’y a pas de contraintes commerciales à proprement parler. Rien ne peut altérer une interview, une chronique ou une question. Rien n’est censuré. Il est vrai toutefois que les labels/distributeurs/groupes peuvent forcer la main pour obtenir un article dans le magazine sous prétexte qu’ils ont pris une pub. À nous de décider si on accepte ce jeu-là ou pas ! Toujours est-il que la proportion de sujets qui ne sont ni un renvoi d’ascenseur publicitaire ni un copinage exacerbé reste largement majoritaire. De toute façon, en ce qui concerne le Hors Série Punk, 80 % des interlocuteurs sont des indépendants, des gens qui n’ont en général pas accès à la presse. Et je suis pour aider/soutenir les indépendants. [Frank Frejnik, Rock Sound]

Bien que le rédacteur en chef adjoint du magazine Rock Sound s’en défende, il suffit de feuilleter n’importe quel titre de la presse musicale rock pour se convaincre que les artistes dont les maisons de disques ont fait l’acquisition d’encarts publicitaires conséquents bénéficient d’un traitement plus avantageux que les autres. Les artistes en question occupent plus volontiers les pages de ces publications. Ceux dotés d’un capital économique inférieur se voient plus facilement relégués, voire ignorés faute d’espace suffisant. Ces interactions, dictées par des logiques de marché (Neveu, 2004 : 93-109), posent évidemment la question de l’indépendance des textes publiés. La frontière entre information et publicité est parfois difficile à établir 17 et il arrive que certains critiques rock mettent leurs compétences au service des annonceurs 18 (Shuker, 2001 : 94-95), ce qui peut faire

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17. Les professionnels qualifient ces pratiques de « publirédactionnel » ou de « publireportage » (Charon, 1999 : 96). 18. À titre d’exemple, Jee Jacquet, qu’on peut lire régulièrement dans le mensuel Rock Hard travaille également pour le label italien de hard rock mélodique Frontiers Records. S’il en découle une tension consécutive à un double posi-


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« douter de l’authenticité de leur jugement » (Moulin 19, 1967 : 185-186). Ces contraintes économiques entraînent également avec elles des contraintes techniques, notamment en terme de présentation, de contenu ou de pagination comme en attestent les propos suivants : On ne publie jamais les interviews en intégralité. Le magazine est conçu avec des rubriques, des dossiers qui nécessitent un calibrage du texte bien précis. Avant que l’on fasse les interviews, tout le magazine est planifié à l’avance, on prévoit combien de pages pour tel groupe, combien pour un autre, combien pour tel dossier ou tel reportage. Ensuite, on doit se conformer à ce calibrage et à la charte graphique. Pas question de réduire le corps du texte ou de faire n’importe quoi en maquette. Les fanzines publient les interviews en intégralité, retranscrivant tout et n’importe quoi, des trucs importants aux blagues crétines. Dans un fanzine, tu peux te permettre de faire courir une interview sur dix pages si tu en as envie. Tu peux même ne pas mettre de photos. Il n’y a pas de règles. Rien n’est imposé. Dans le cas du Hors-Série Punk de Rock Sound (ou même du mensuel), il doit ressembler à un magazine. C’est-à-dire des textes courts (en général) pour faciliter la lecture, une illustration pour « embellir » la chose, etc. Je ne crois pas qu’on peut appeler ça de la censure. Le but est de présenter le groupe, parfois de manière très succincte et même superficielle, c’est vrai. Notre rôle est de mettre en avant certains groupes, de les présenter de la meilleure façon pour donner envie aux lecteurs d’aller vers eux. C’est vrai qu’on se retrouve parfois un peu coincé par la taille des textes quand on a interviewé un groupe intéressant. On prend les paroles les plus pertinentes, les choses qui paraissent essentielles pour cibler le mieux possible le groupe. C’est frustrant effectivement. Il faut faire avec. Ça fait partie des compromis pour faire un magazine. [Frank Frejnik, Rock Sound]

Un terrain d’expression limité

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Compte tenu de ces contraintes, il se peut que la presse magazine soit vécue comme un frein à l’expression personnelle. C’est ainsi que certains rédacteurs reprennent — en parallèle de leur activité au sein d’un magazine — le chemin du fanzinat, sous format électronique ou papier. Le besoin de partager sa passion est central pour un critique rock. Or, les pressions économiques et les restrictions techniques peuvent faire obstacle à ce besoin. Si cet empêchement devient un moteur tionnement professionnel, Jee Jacquet n’en oublie pas certaines règles déontologiques : « Frontiers m’a proposé de relancer Rock Time [son fanzine] et de le financer, ce que j’ai refusé sans hésitation. Je savais que cela m’obligerait à traiter leurs groupes en priorité et de ne surtout pas en dire du mal ! J’ai toujours été honnête dans mes écrits et si un album est mauvais, pas question de dire le contraire ». 19. Raymonde Moulin est citée ici pour avoir démontré l’existence de relations analogues chez les critiques d’art.


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pour l’action, le rédacteur va alors se tourner vers un média, en l’occurrence le fanzine, dont il connaît les avantages 20 et apprécie la souplesse. Un média « dégagé des pressions commerciales de l’industrie du disque ou de l’édition » (Frith, 2002 : 240). La presse rock regorge d’exemples de critiques rock maintenant un pied dans la presse magazine et un pied dans la presse fanzine. Que l’on pense à Laurent Michelland qui écrit à la fois dans Metallian et dans son fanzine Trashing Rage, à Jee Jacquet que l’on retrouve aussi bien dans Rock Hard que dans le webzine Rock Time, à Dyder, présent dans Hard Rock Mag, puis Rock Hard, mais également dans les webzine Metalmedia et le fanzine Follower, à Mélanie Chaluleau qui pige dans Rock Sound et dans le webzine Eklektikrock ou L’oreille, sans oublier Patrick « Tad » Foulhoux que l’on peut lire dans Rock Sound et dans le fanzine Kérosène. La liste est longue. Ce qui indique que la ferveur de ces critiques interdit de penser qu’on puisse les considérer autrement qu’en tant qu’amateurs de rock. Leur amour pour le rock et le besoin de le partager est prépondérant. Ce qui interdit par ailleurs de prétendre comme on l’entend parfois que les critiques rock sont exclusivement motivés par la rétribution financière qu’ils peuvent escompter de leurs écrits. Le metal est une passion dans laquelle je m’investis à 200 %, ce n’est pas mon métier, je fais ça pour le fun, alors dès que je me prend la tête, je passe à autre chose ! [Dyder, Hard Rock Mag]

C’est ainsi que la majorité des pigistes se heurtent à une double entrave. La première procède d’une incapacité à stabiliser leur activité d’écriture d’un point de vue économique. La seconde tient d’une impossibilité à déployer leur créativité et leur curiosité au sein des seuls magazines. Ce qui les conduit, mécaniquement à naviguer entre magazine et fanzine. Les salariés des magazines bénéficiant d’un contrat à temps plein ne peuvent manifestement plus s’offrir ce « luxe ». Probablement en raison du caractère chronophage de leur activité. Ce qui ne les empêche pas, néanmoins, de continuer à fonctionner sous le régime de la passion comme on peut le lire ci-dessous :

20. Ils n’en mésestiment évidemment pas les inconvénients pour autant. C’est la raison pour laquelle le retour au fanzine s’opère dans les conditions les moins contraignantes pour eux.

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Je pense que c’est indissociable de lier la passion de la musique et ce genre de travail. Comment donner envie de découvrir un groupe si on n’est pas soi-même convaincu qu’il est intéressant à écouter ? J’ai avant tout envie de partager une découverte (un groupe, un disque). Le support est ici un magazine d’envergure nationale alors l’enjeu est plus grand. Lorsque je m’emballe sur un disque ou un groupe, c’est d’abord parce que j’ai envie que d’autres personnes l’écoutent et peut-être ressentent les mêmes choses que moi à son écoute. Parfois, je me dis que j’en fais trop sur certains groupes ou certains disques,


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que ce que j’écris est démesuré par rapport au groupe ou au disque. Mais bon, je défends ce que j’aime. Et ce que j’aime n’a pas souvent la chance d’être défendu dans des pages en quadrichromie. Le punk et le hardcore n’ont jamais été réellement pris au sérieux dans la presse nationale. Alors je force un peu ! Mais effectivement, à cause des délais qui nous sont imposés, le rythme de parution, la quantité de travail font que, parfois, la lassitude et le ras-le-bol effritent ta passion. Le risque est de perdre l’excitation de la découverte. Et de devenir des fonctionnaires de la musique. [Frank Frejnik, Rock Sound]

À ce stade, se pose également la question d’une possibilité de mutation de l’objet fanzine en objet magazine. Mais comme le rappelle Samuel Etienne, seule « une fraction marginale des fanzines musicaux tente le passage au stade professionnel » (Étienne, 2003 : 28). Et pour cause. Le succès très relatif rencontré par des initiatives de ce type, compte tenu du risque économique encouru, rend ces entreprises tellement improbables que les quelques rares exemples de mutation réussie (Metallian et Les Inrockuptibles sont, en France, exemplaires de ce passage du fanzine au magazine) mériteraient un examen approfondi à eux seuls pour pouvoir en appréhender le processus.

Des fan-zines et des fan-magazines En résumé, si les logiques techniques et économiques des magazines et des fanzines sont clairement dissemblables, il est impossible d’en dire autant à propos de leurs contributeurs.

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Violence était de l’artisanat, comme tout fanzine, c’était de l’amateurisme avec ses bons et ses mauvais côtés. Rock Sound est édité par une société cotée en bourse, les moyens sont complètement différents. Les objectifs aussi. C’est un autre monde. Celui du capitalisme et de la recherche du profit. Même si c’est la passion qui motive les journalistes, ce sont les financiers qui permettent la fabrication des magazines. C’est de l’industrie lourde comparée au fanzinat. Ce sont la logistique et les moyens qui font toute la différence. [Frank Frejnik, Rock Sound]

Cet extrait d’entretien indique que c’est l’amour pour la musique qui rassemble les critiques rock. C’est en cela qu’on peut avantageusement tirer profit de la distinction proposée par David Ginsburg (1979 : 30) lorsqu’il établit une différence entre fan-zines et fans-magazines. Elle permet de comprendre que les objets diffèrent, mais que la figure de l’amateur impliqué est commune et centrale au sein de la presse rock. Il s’agit là d’un point fondamental pour comprendre à la fois le fonctionnement des critiques rock et des objets qu’ils produisent. En d’autres termes, les critiques rock sont des amateurs (Frith, 1996 : 67), et les amateurs sont toujours, d’une certaine manière, des critiques rock. En effet, personne ne se prive d’émettre des jugements esthétiques, même som-


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maires, à propos d’un disque ou d’un artiste dans un cadre privé. Néanmoins, seule une poignée d’acteurs décident de rendre leurs commentaires publics par l’écriture et la publication. Il est probable que sous l’effet d’un dispositif sociotechnique tel qu’Internet, le phénomène d’« individualisme expressif » (Allard, 2005 : 146) modifie cette donnée dans les années à venir. Mais pour l’heure, la comparaison entre deux objets de la presse rock papier permet de démystifier un métier en présentant les réalités concrètes de la presse rock magazine. Si l’opposition entre une presse commerciale et une presse non commerciale est indiscutable, celle visant à opposer les rédacteurs de fanzines aux rédacteurs de magazines est définitivement caduque quand bien même une partie d’entre eux peuvent espérer en dégager quelque bénéfice économique ou symbolique personnel. Fabien HEIN, docteur en sociologie, université Paul Verlaine, Metz fabienhein@wanadoo.fr Bibliographie ACCARDO A. (dir.) (1998), Journalistes précaires, Bordeaux, Le Mascaret. ALBERT P. (1996), La presse, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? » n° 414, 1ère éd. 1968. ALLARD L. (2005), « Express yourself 2.0 ! Blogs, pages perso, fansubbing… : de quelques agrégats technoculturels ordinaires à l’âge de l’expressivisme généralisé », in MAIGRET É. & MACÉ É. (dir.), Penser les médiacultures. Nouvelles pratiques et nouvelles approches de la représentation du monde, Paris, Armand Colin/Ina, coll. « Médiacultures », p. 145-172. ANDRÉ D. (1993), « Rôle et statut social des artistes de la chanson populaire à travers le discours journalistiques des années 80 », in GIROUX R. (dir.), En avant la chanson ! Montréal, Tryptique, p. 149-175. ASSAYAS M. (dir.) (2000), Dictionnaire du rock, Paris, Robert Laffont, p. 1 434-1 441. ATTON C. (2002), Alternative media, Londres, Sage.

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Une sĂŠlection de 12 couvertures de fanzines par Fabien Hein



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Peace Warriors (1994-2004) Entretien avec

Patrick Bœuf réalisé par Matthieu Saladin

L’expérience du fanzine comme écriture d’une écoute MS : Peace Warriors 1 a été fondé en 1994 par Théo Jarrier et se proposait de traiter l’ensemble des musiques issues, pour l’essentiel, des différentes expériences sonores ayant parcouru les années 1960 et 1970. Peux-tu nous expliquer de quelles manières est venue l’idée de faire ce fanzine ?

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PB : Théo — comme tout jeune homme — est rentré à une époque en révolte contre la musique paternelle et s’est mis à écouter du Post-punk et du Hardcore. En vieillissant, il est revenu à une passion partagée avec son père pour la scène Free. Il faisait déjà un fanzine sur la scène Hardcore intitulé Rantanplan. C’était une pile de A4 avec un agrafage sur le côté. Le premier numéro de PW est en fait un numéro spécial de cette revue. Théo, décidant d’arrêter Rantanplan afin d’ouvrir PW vers d’autres horizons musicaux, s’est retrouvé seul à écrire ; ses compagnons de l’époque n’étaient pas intéressés par ces nouvelles orientations. Je l’ai rejoint dès le second numéro avec un article fleuve sur John Zorn. Au départ nous n’étions vraiment que deux, puis l’équipe s’est progressivement étoffée. Ce que j’ai vraiment aimé, c’est cette manière d’ouvrir l’éventail des genres musicaux, du Rock le plus décalé à la musique contemporaine. Théo était


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Patrick Bœuf/Matthieu Saladin

attentif à la permutation des articles afin que tous les domaines soient représentés. Jendrek, par exemple, s’occupait de la musique électronique toujours un peu déviante, mais pas forcément expérimentale. Théo et moi-même, nous nous occupions beaucoup du Free et de l’improvisation. Théo pouvait aussi très bien écrire sur des groupes plus Rock’n’Roll. Je suis très content qu’il y ait eu des interviews des Sun Plexus, des Reynols, de groupes comme ça. Le dernier numéro, un peu fou, propose justement un entretien avec Sun Plexus, coincé entre une interview de Milford Graves et une autre de Laurent Dailleau. C’est un peu n’importe quoi, mais cela me satisfait pleinement.

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De manière simple, la ligne éditoriale de PW au départ était directement issue de nos centres d’intérêt. J’ai commencé à m’intéresser à la musique par Robert Wyatt et Soft Machine, puis Ornette Coleman, le Free Jazz… Je n’étais pas sans ignorer l’improvisation que je qualifierais d’historique, elle m’intéressait, mais je n’ai pas poursuivi l’exploration immédiatement. Après une période Brésil, j’ai rencontré Théo et j’ai commencé à vraiment investir le territoire de l’improvisation libre. Théo quant à lui était gamin dans les années 1970, son père écoutait du Free Jazz et en revenant du Rock alternatif, il a continué là où son père s’était arrêté, avec des musiciens comme Derek Bailey et Evan Parker. Le fanzine a bénéficié de toutes ces influences. Le premier numéro proposait un article sur les Dog Faced Hermans, qui à cette époque faisaient des reprises d’Ornette Coleman. Peace Warriors est le nom d’un morceau de Coleman, l’intitulé du fanzine lui rend hommage et dessine une direction qui n’est pas étrangère à la carrière de ce musicien quant à son exploration créatrice des territoires du Jazz et du Rock. 1. Dans la suite de cet entretien Peace Warriors est indiqué par le sigle PW.


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MS : Ton approche du fanzine s’est-elle nourrie d’une lecture assidue de la presse fanzinesque et que privilégies-tu lorsque tu consultes un fanzine ? PB : Quand on a commencé PW avec Théo Jarrier, je me suis intéressé de manière large au fanzinat, dans ses versions française, anglaise, américaine, voire japonaise, j’ai tout essayé. Jusqu’au moment où je me suis aperçu que si tu fabriques un fanzine, c’est pas mal d’aller voir d’autres choses, de lire d’autres textes sur d’autres sujets, de sortir de la sphère fanzine, car à force tu tournes en boucle. J’achète par exemple Trafic depuis le numéro 1, je l’ai lu entièrement jusqu’au n° 25 et depuis, plus en dilettante. À un moment donné, je me suis rendu compte que mes propres chroniques de disque dans PW s’amélioraient lorsque j’arrêtais de lire des revues de musique et que je lisais des critiques sur d’autres sujets comme le cinéma. Cela nourrit ton écriture. Pour répondre à ta question, quand j’ai acheté mon premier numéro de Revue & Corrigée 2, Ikue Mori faisait la couverture. Je l’ai acheté pour elle. Et après avoir dévoré l’article qui lui était dédié — l’habitude veut que l’on aille vérifier, en premier lieu, la validité de l’information, voire glaner quelques découvertes sur ce que l’on connaît déjà —, j’ai eu la surprise de voir qu’en dehors d’elle, je ne connaissais personne. C’est déjà un très bon signe, pour moi c’est même tout l’intérêt d’un fanzine. En partant d’un sujet qui t’intéresse, que tu commences à cerner, en écoutant des disques, en te rendant aux concerts aux Instants Chavirés, dans des festivals, etc., tu te retrouves avec un magazine où tout t’est quasiment inconnu. Je me suis abonné tout de suite. Et la surprise à chaque parution a duré pendant une bonne dizaine de numéros. Un fanzine se doit d’avoir une ligne éditoriale, comme dans la grande presse en somme. Le but de notre ligne éditoriale était notamment de proposer l’horizon le plus large au niveau des genres de musiques documentées. Cette proposition implique que quelqu’un de passionné par la Noise peut, si l’envie l’en prend, aller voir ce qui se passe dans un genre voisin et découvrir des choses périphériques à ses centres d’intérêt. Une autre proposition consiste à suivre une idée, comme celle des numéros spéciaux « guitares » menés par Théo ou encore celle des comptes-rendus de festivals qui se déclinent au fil des numéros.

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2. Fanzine trimestriel édité par l’association Nota Bene.


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MS : Avais-tu ressenti la nécessité d’écrire sur la musique avant l’expérience de PW ? PB : Écrire est pour moi quelque chose d’assez douloureux. Dans l’écriture fanzine, on peut sans doute distinguer deux types de motivation : il y a ceux qui le font par passion, pour se mettre au service de la musique qu’ils apprécient, et les autres qui, tout aussi passionnés, ont un désir certain d’écriture. Philippe Robert, par exemple, veut en faire son métier, même chose pour Marie-Pierre Bonniol. Par contre Michel Henritzi fait plutôt partie de la première catégorie à laquelle je m’associe également. Ensuite il existe différentes catégories d’article qui ne renvoient pas aux mêmes difficultés. Il y a tout d’abord les interviews, qui sont les plus simples à réaliser, et les articles de fond qui demandent une bonne connaissance du sujet ainsi qu’un regard, une opinion. Et puis, il y a cet exercice à la fois simple et très complexe qui est la chronique de disque. Il est assez rare d’en trouver d’excellentes. Un petit nombre de possibilités se dessine : il y a celles qui récapitulent le parcours musical du groupe ou du musicien, celles qui usent de la métaphore poétique pour tenter de rendre compte des sentiments éprouvés lors de l’écoute et celles qui, après avoir affirmé sans argument la qualité musicale de l’objet, digressent sur les difficultés de production… Elles sont toutes valides si elles proposent une analyse. Celle-ci peut nécessiter, certaines fois, jusqu’à vingt écoutes du même disque. Ma technique consiste à noter lors de ces écoutes une série de mots-clés qui serviront de matière première pour le texte. En règle générale, une bonne chronique, c’est un texte qui tout simplement te donne envie d’acheter le disque ! Il m’est arrivé plusieurs fois de lire une chronique excellente et d’être plus ou moins déçu par le disque critiqué. Quand les deux s’accordent — je pense à cette chronique de Jacques Oger dans Improjazz sur un disque d’Evan Parker au saxophone soprano, la chronique était aussi réussie que le disque lui-même — l’écriture atteint son but.

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MS : Lorsque l’on regarde l’ensemble des 22 numéros de PW parus entre 1994 et 2004, on peut observer une certaine évolution dans la ligne éditoriale. De quelle manière rendrais-tu compte rétrospectivement de cette évolution ? PB : Je pense que l’évolution de l’approche de certaines orientations musicales dans PW n’est pas liée au fanzine, mais reflète davantage l’évolution des musiques elles-mêmes. Tout au long de l’aventure du journal, nous avons suivi en temps réel, aussi bien par les concerts et les parutions discographiques que par les propos des artistes publiés dans Wire 3, les moindres frémissements qui agitaient ce 3. Magazine anglais qui depuis 1982 s’intéresse essentiellement aux musiques populaires d’avant-garde.


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milieu musical et nous avons tenté d’en rendre compte à travers notre prisme. La route empruntée par Théo et la mienne étaient parallèles, puis elles se sont mises un peu à diverger — pour le plus grand bien de la revue d’ailleurs. Il se recentrait sur l’improvisation libre dite historique alors que je m’engageais sur la piste de l’improvisation électro-acoustique. Puis Théo a décidé d’arrêter l’activité de PW. Je n’avais aucune envie de voir disparaître cette revue qui avait occupé dix années de ma vie et je suis entré dans une période difficile en reprenant la direction du fanzine. J’ai alors compris certaines remarques que j’avais du mal à admettre précédemment. Avec le numéro spécial « Japon », les ventes ont radicalement chuté. Nous nous sommes posés la question de savoir si le changement de direction avait modifié la politique éditoriale. Théo m’a affirmé n’avoir noté aucun changement et semblait enchanté, lui aussi, par ce numéro sur le Japon. Le climat des relations avec certains rédacteurs s’est modifié, j’ai dit non à certaines propositions, estimant que PW n’était pas le lieu pour elles. J’ai donc produit cinq numéros après Théo, celui sur le Japon a fait un peu traîner les choses, l’ayant réalisé quasi-seul avec Florent Delval. La condition pour y participer était que les groupes chroniqués comportent au minimum un japonais, ce qui a un peu limité les interventions.

MS : Est-ce que tu penses que le fait de publier un fanzine t’a permis d’entretenir des relations privilégiées avec les musiciens ?

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Devant la catastrophe financière, nous avons tenté de transposer PW sur le net. Après de multiples complications, un ultime problème a mis fin à la revue. Une partie de la troupe active a notamment décidé que cela ne l’intéressait plus d’écrire pour un webzine. J’ai tenté de recruter des plumes fraîches et j’ai fini par baisser les bras à la fois devant mon insatisfaction quant à la qualité du contenu à paraître et devant l’effort qu’il nous fallait fournir à présent pour tenir. Enfin, je n’aime pas la posture qu’impose la lecture à l’écran, bien que l’on puisse bien entendu imprimer… Soudain tu passes d’un objet de 28 pages que tu lis dans l’ordre et à l’endroit que tu veux, que tu peux prêter ou détruire, à un autre virtuel que tu lis sur écran, que tu ne prêtes pas mais fais suivre, à coup de liens, par courriel. Nous sommes rendus au village global de Mac Luhan, je peux connaître les soucis agricoles du paysan malien, mais je n’ai aucun savoir physique, celui que tu acquiers dans la proximité, sur le territoire de l’autre. Ce qui m’intéresse dans la musique improvisée, c’est le moment du concert, celui où tout se cristallise et dans cette perspective, le fanzine doit être un relais pour inciter les gens à aller aux concerts, dans les festivals.


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PB : Finalement j’ai fait tout cela simplement pour développer un aspect plus actif de mon intérêt pour ces musiques et ne pas seulement rester dans la passivité de l’auditeur. En dehors des disques que l’on reçoit, des invitations de temps à autre pour tel concert ou tel festival, ce qui est valorisant, c’est l’approche plus directe, parfois plus intime avec les musiciens, c’est aussi les rencontres : Keith Rowe, Derek Bailey, Bob Ostertag…

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MS : En 2000, un autre fanzine intitulé Bruit Blanc paraît, dont le premier numéro en est également l’unique. Pourquoi as-tu créé un fanzine parallèle à PW et pourquoi ne pas l’avoir continué ? PB : Il y avait déjà eu une association très rapproché de l’équipe de PW avec les gens du Fennec 4. Ils avaient ouvert sur leur site une page au nom de PW sur laquelle nos sommaires, les disponibilités, notre adresse, etc., étaient consultables. Il se trouve qu’avec Olivier Nguyen Van Tan et Hugues Roulon, deux des fondateurs du Fennec, nous avons assisté ensemble au festival Musique Action à un concert de 24 heures de MIMEO 5. Nous sommes sortis un peu abasourdis, mais ravis de cette affaire. Épuisés comme après un orgasme ! Et au bout d’un moment, avec Olivier et Hugues, on s’est dit qu’il fallait témoigner de cet ovni. Nous avons développé trois questions à poser à chaque membre du groupe et demandé à une douzaine de personnes d’écrire leurs impressions sur l’événement. Nous nous sommes retrouvés avec une somme de textes qui pouvait difficilement intégrer un numéro de PW, à moins d’en faire un numéro spécial. De plus la tentation d’ajouter une version anglaise du texte commençait à germer. D’où l’idée de créer une parution autonome qui ne soit pas vraiment un nouveau fanzine mais une sorte d’outil d’intervention textuelle comme excroissance de PW, à paraître quand le besoin, le désir s’en ressentirait. Une parution basée sur un seul dossier plutôt qu’une revue. Le numéro est sorti en version bilingue tête-bêche, chaque langue occupant 24 pages comme les 24 heures de la performance. Le dossier suivant sur lequel nous avons travaillé, mais qui n’a pu être finalisé, concernait les relations de l’improvisation à la musique électro-acoustique. Ce numéro nous tenait vraiment à cœur, mais à ce moment-là Olivier est parti s’installer à New York. On l’avait concocté à trois au début et outre le départ d’Olivier, toute une série de difficultés ont concouru à ce que ce numéro ne puisse aboutir. Le fait de reprendre la direction de PW n’en est pas la moindre. En relisant la situation avec distance maintenant, quand tu essayes de continuer une revue qui perd du lectorat, même si tu ne t’en rends pas compte sur le moment, petit à petit, 4. Liste de conversation sur le net autour des musiques dont traitaient PW et Revue & Corrigée. 5. Music In Movement Electronic Orchestra.


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tu n’as plus la force de mener deux barques à la fois et tu te focalises sur celle qui a besoin de tous tes soins, bien que tu commettes peut-être l’erreur de te fourvoyer dans celle qui est en train de couler. Dommage Bruit Blanc, c’est un beau titre de revue. MS : Tu disais t’être investi dans le fanzinat afin d’être plus actif dans ta relation à la musique. As-tu étendu ton activisme à d’autres domaines comme l’organisation de concerts ou la production ? PB : J’ai très tôt décidé que je ne créerai pas un label CD de plus. En ce qui concerne l’organisation de concerts, Théo le fait encore, non sans soucis. À la mort de PW, je suis revenu à ma passion d’origine qui est l’audiovisuel. L’idée que j’avais derrière la tête était d’utiliser ma formation audiovisuelle pour capter des concerts en vidéo et pourquoi pas les proposer en DVD. En m’inspirant des labels CD-R et des disques que les musiciens nous proposent en auto-production, j’ai créé Œ dans l’O, un label DVD-R qui propose des concerts, des reportages et d’autres rapports son/image encore à définir. L’évolution de la technologie numérique appliquée à l’image m’a permis d’acquérir un matériel très léger qui tient, caméras, micros et accessoires inclus, dans une sacoche d’appareil photo. Cela me donne un certaine indépendance, surtout au niveau du cadrage et me rapproche énormément du travail que font les musiciens, de leur manière d’improviser. Cette proximité est aussi valable au niveau des économies de ces deux pratiques. Je pourrais, sans m’avancer, également caresser l’idée de faire un « DVDzine ». Il y a quelques possibilités interactives à exploiter avec le support DVD. Si la première sortie d’Œ dans l’O consiste en quatre concerts, il est prévu des expériences plus complexes. Je peux même envisager ultérieurement de devenir fournisseur d’images pour tout implant audiovisuel de futurs webzines sur ces musiques.

La mise en page : esthétique, technologie, expérimentation et lisibilité

PB : Si le fanzine est clair dans son agencement, si les concepteurs de la mise en page offrent des respirations à l’intérieur du numéro, cela améliore grandement la lisibilité de la publication. Pour

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MS : Lorsque l’on consulte PW, on se rend rapidement compte du souci porté à la mise en page, dans le choix des polices, l’organisation du texte, etc. Peux-tu nous parler de la mise en page du fanzine et de son rapport ou non au contenu ?


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le second numéro, j’ai proposé mon article sur Zorn et je voulais qu’il soit mis en page de manière particulière. Pour un paragraphe sur le groupe Pain Killer, je souhaitais une image substrat suffisamment sombre afin que le texte apposé soit difficile à lire, et allégorise ainsi l’âpreté de la musique elle-même. Le résultat n’a pas atteint mes attentes. C’est d’ailleurs, à mon sens, une erreur de jeunesse. À l’époque, une jeune maquettiste travaillait à l’aide de ciseaux et de scotch et Théo tapait ses textes à la machine à écrire. Après le second numéro, la maquettiste est partie et de mon coté, je venais d’acquérir mon premier micro-ordinateur. J’ai donc engagé la mise en page de la deuxième partie de mon article sur Zorn. Une fois celle-ci achevée, je ne pouvais pas laisser maquetter le reste du fanzine à l’ancienne et il n’y avait plus personne pour le faire. J’ai donc poursuivi sur le reste de la publication. À l’époque je travaillais sous Word, puis je suis passé à Xpress. J’avais fait un stage professionnel sur ce logiciel, je l’ai très vite maîtrisé et j’ai pu aller vers une mise en page plus élaborée. Historiquement, la démocratisation du numérique nous a ouvert le champ des possibles, ce que l’on observe également chez les musiciens avec les ressources que propose le laptop.

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Théo bataillait constamment pour avoir de l’illustration en bord perdu. Une imprimante, vendue comme travaillant en pleine page, a toujours 4,8 mm de marge en haut, à droite et à gauche et 1,48 mm en bas, c’est incontournable, pour des raisons de tractation… Un jour, j’ai trouvé un imprimeur qui acceptait les fichiers PDF puis qui m’a proposé une technologie plus sophistiquée. Je lui donnais un fichier au format Postscript. Il importait ce fichier qui concatène notamment toutes les informations de polices et d’images, et se servait de sa photocopieuse comme d’une imprimante. Là soudainement on a pu faire du bord perdu et nous avons atteint le semi-professionnel en nous rapprochant de l’imprimerie. La qualité de reproduction des images et la lisibilité des petites polices se sont grandement améliorées. Avant cela, j’imprimais en 720 Dpi sur papier couché, on tirait nos quatre pages, on les collait sur un A3 recto verso et on allait chez le photocopieur. Pour économiser, les collaborateurs parisiens se réunissaient chez Théo, et nous remettions les piles de pages recto verso en ordre, pour ensuite les agrafer, les plier et préparer les enveloppes pour l’expédition aux abonnés. Cinq ou six personnes étaient nécessaires pour abattre ce travail fastidieux et nous donnait ainsi l’occasion de faire une sorte d’AG des participants parisiens. Quand j’ai repris la publication, à mon premier numéro, tous se sont défilés pour la séance de pliage et d’agrafage. Je suis allé voir le photocopieur, pour lui


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demander le surcoût de l’agrafage et s’il était possible de massicoter pour le même prix. Du coup les derniers numéros sont plus propres, la triangulation de la tranche, due au pliage, disparaît. Le logo de PW et les polices utilisées ont également subi une certaine évolution. Au début de ma première période à la maquette, j’ai changé le logo du fanzine et j’ai créé celui avec les doubles « C » et « O » cruciformes. J’ai utilisé pour le concevoir une police scannée dans un ouvrage de Neville Brody 6. J’ai aussi fait le choix d’utiliser une police unique dans toutes ses déclinaisons pour le corps des textes. Après quelques numéros, en assumant mise en page et écriture, je me suis vite épuisé et le père de Théo — lui-même plasticien — a proposé de me remplacer. En changeant à nouveau le logo, il a respecté mes « O » et « C » cruciformes, mais a choisi une autre police pour le concevoir, obtenant un résultat plus rond. Pour le corps du texte, il a pris le contre-pied de mes choix, en attribuant une police différente à chaque article. À sa disparition, je me suis remis à la maquette en rétablissant mes choix d’origine, tout en transigeant pour un aspect moins dur de la police de caractères utilisée pour la troisième mouture du logo. De plus une certaine forme de liberté graphique se trouvait dans la création des titrages de chaque article. Le titre cherchait à donner, sous forme graphique, une idée de la musique à découvrir et n’était jamais réalisé sans une écoute attentive de la musique concernée. Concernant la couverture, Théo avait illustré celle du premier numéro par un photogramme d’une jeune suédoise tiré du film Monica de Bergman (voir page 108). Il aurait pu mettre des photos de musiciens comme le font les autres fanzines, mais il a préféré continuer dans cette direction extramusicale et cette décision a été scrupuleusement respectée jusqu’à la fin.

6. Designer de nombreuses affiches et pochettes de disques de groupes durant la période punk.

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En dehors de ces différents aspects, je n’ai pas cherché à faire correspondre le côté avant-gardiste des musiques abordées avec le travail de la maquette. Pour moi, le travail du maquettiste consiste à rendre la lecture agréable, à orienter le lecteur en lui laissant des espaces de respiration. Dans la littérature, par exemple, la violence ou les effets de style sont à l’intérieur du texte, et non dans la mise en page. Quand tu achètes Le festin nu de Burroughs, qui est, pour les années 1950-1960 aux USA, une proposition littéraire avant-gardiste, l’édition américaine comme l’édition française sont standards au niveau de la maquette. Tu ne vas pas surajouter de la difficulté dans la lecture, alors que le texte n’est déjà pas simple en soi. L’auditeur ou le lecteur fait l’effort de s’acquitter de sa place de concert, d’acquérir le fanzine, nous lui devons du respect. Par contre l’expérimentation peut opérer


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différemment à la manière d’Ortie 7, un fanzine qui a duré très peu de temps et qui n’était pas un fanzine musical proprement dit. Il proposait le travail de graphistes venus du graphzine et bénéficiait de leur expérience au niveau de la maquette. MS : N’avez-vous jamais eu envie de jouer sur le format ? PB : Pour des raisons diverses, incluant le coût, nous sommes restés au format A4 (un A3 plié en deux). En pratique, j’ai constaté que le format A4 de PW s’abîmait moins vite que le A5 de Bruit Blanc. J’aimais beaucoup le format oblongue de Super Sonic Jazz de Marie-Pierre Bonniol (un A4 plié en deux dans la longueur) qui est parfait pour une esthétique fanzine, mais pose de solides problèmes de mise en page. J’aime également beaucoup le format à l’italienne, mais il augmente les frais en papier. Nous avons toutefois, dans le cadre d’un partenariat avec le label Rectangle, proposé le numéro spécial « Fred Frith » sous un autre aspect afin qu’il puisse accompagner un 25 cm de Frith sorti sur ce label. Une discographie courait en bas de page sur toute la longueur du numéro et pouvait être séparée du corps du texte d’un coup de cutter, donnant ainsi deux cahiers dont l’un était quasiment au format carré, légèrement sous dimensionné par rapport au format du vinyle.

L’économie du fanzine

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MS : Tel que pouvait l’indiquer une phrase que l’on retrouve de manière récurrente à chaque numéro8, PW semble avoir attaché une grande importance à l’abonnement, ce qui finalement n’est pas si courant dans le fanzinat. Quelles étaient les motivations de ce choix ? 7. Fanzine pluridisciplinaire publié sur 4 numéros de septembre 1994 à février 1997. 8. « Peace Warriors, publication totalement indépendante est réalisée par une équipe de bénévoles et chaque numéro est un tour de force. L’objectif du fanzine, bien sûr, n’est pas financier mais pour lui permettre de continuer d’exister il


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PB : Un fanzine est animé par le désir de ceux qui le fabriquent. Concernant Théo, il penchait pour le côté DIY du fanzine, il venait de Rantanplan. Cependant avec PW il souhaitait également une régularité dans la parution. Ce désir de régularité allait en contradiction avec celui de rester un fanzine type DIY, fait à la main… Je pense que Théo a très vite réalisé qu’il fallait mettre cette phrase sur les abonnements. À l’époque, Théo était jeune et vivait chez ses parents, ce qui implique qu’étudiant, il était dépendant financièrement de sa famille. On peut donc dire que le coût du fanzine était assumé par ses parents. Du temps de sa direction, il n’a jamais fait de comptabilité, mais il était persuadé et je pense qu’il avait raison que l’entreprise ne pouvait être que déficitaire. Il a vite réalisé qu’il ne pouvait pas seulement compter sur ses parents, même si son père était plutôt fier de voir son fils s’agiter autour de la musique en fabriquant cet objet critique. Il s’est dit qu’une des manières de fidéliser, c’était de demander aux lecteurs de souscrire à un abonnement. De manière générale l’indépendance nécessite une opération blanche dans la production, c’est-à-dire tout simplement le fait de rentrer dans ses frais. Cela passe notamment par l’abonnement. Ce n’est pas contraignant en tant que tel, il faut juste tenter d’augmenter le nombre de nouveaux abonnés et veiller à conserver les anciens. Il y a la publicité également, mais tu risques de tomber sur l’attaché de presse de tel label qui en échange de x espaces de pub dans le journal, te demande de faire un publi-reportage sur son poulain, et là tu sors de l’indépendance.

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a besoin de lecteurs car bien que vendu un peu partout en France, son problème important reste la distribution. En vous abonnant vous contribuez à son existence. »


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Ensuite on pourrait également dire qu’il y a globalement deux options, deux fantasmes que j’ai incarné, avec l’aide d’autres personnes, au cours de mon parcours dans le fanzinat. Soit un numéro sort quand ça nous chante, quand on en sent la nécessité ou quand on en a la possibilité. Ce qu’aurait pu devenir Bruit Blanc s’il avait perduré. Soit, tout en restant un fanzine, tu t’identifies à l’idée d’un magazine avec des rubriques cadrées, une maquette plus soignée, une parution régulière et un abonnement. Revue & Corrigée a ce fantasme là, Improjazz l’a aussi, PW l’a très vite eu. Du temps de Théo, le contenu et la quantité d’articles influaient sur la pagination. Au moment où je me suis retrouvé dans la double position d’écrire et de maquetter, me comportant alors comme un graphiste, j’ai demandé à Théo de calibrer le nombre de signes et à chaque fois, bien sûr, il essayait d’en caser plus. Cela augmentait la parution d’une A3 recto verso soit quatre pages. J’ai par la suite, pour des raisons de frais postaux, stabilisé le fanzine à 28 pages. Quand tu portes un numéro de PW à la poste, tu as un tarif régulier (selon le poids), qui était environ de 1 € et si tu arrives à obtenir la commission paritaire, qui te permet de bénéficier de tarifs postaux préférentiels, ce tarif fond quasiment de moitié. Mais l’une des contraintes est d’assurer une parution régulière à date fixe. En dessous des quatre numéros minimum annuels, tu ne peux pas l’obtenir. Nous n’avons jamais réussi à dépasser les trois numéros par an. MS : On trouve d’ailleurs dans le n° 20 de PW, une annonce qui rejoint cette logique et qui stipule le souhait de passer à 4 numéros par an.

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PB : J’ai pris cette décision au regard des problèmes de coûts postaux. La poste ne cessait d’augmenter, tout comme le coût du papier, j’ai donc décidé qu’il n’y aurait pas plus de quarante chroniques de disque par numéro. Si des articles ne passaient pas, je comptais les utiliser pour concevoir un numéro supplémentaire. J’étais vraiment à un ou deux grammes près au niveau du rapport poids/ affranchissement et je risquais de basculer vers un tarif majoré d’environ cinquante centimes d’euro. J’étais même obligé de réduire au tiers la taille des feuilles de rappel pour les personnes arrivant en fin d’abonnement. Théo, lui, ne s’est jamais soucié de ça, mais à l’époque où il dirigeait la revue, les tarifs postaux étaient moins drastiques. Nous avons commencé à penser à la commission paritaire lorsque nous avons rencontré l’équipe de Revue & Corrigée. Une revue nancéenne gratuite, Le Canard, avait proposé à Dominique Répécaud, directeur du Centre Culturel André Malraux à Vandœuvre-les-Nancy, d’inviter la presse musicale pour débattre durant deux jours des rapports entre presse et musique. La presse nationale et locale


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invitée était évidemment absente, mais il y avait Revue & Corrigée, Improjazz, Octopus, etc. Nous nous sommes aperçus que nous étions tous déficitaires à des degrés divers. En discutant de la commission paritaire avec Albert Durant de Revue & Corrigée, nous avons commencé à être intéressés. Il faut s’imaginer ce que peut représenter le fait d’avoir plus d’une centaine d’abonnés, d’aller à la poste, de demander une centaine de timbres à x centimes et une petite mousse ronde au préposé pour ne pas s’user la langue à l’ouvrage et de te mettre dans un coin du bureau de poste pour faire tes petits collages. J’ai même vécu au moment du passage à l’euro, le fait d’avoir à coller sur chaque PW la somme de 1,22 €, avec un timbre à 1 €, un timbre à 0,20 € et un timbre à 0,02 €, ce qui fait que j’ai collé plus de trois cents timbres ce jour-là. Avec la commission paritaire, l’affranchissement passe de 1,22 € à 0,77 €, tu édites tes étiquettes, tu passes la petite demi-heure réglementaire d’attente au guichet et tout va beaucoup mieux. MS : En dehors de l’abonnement, de quelles manières PW était-il diffusé ? PB : Par du dépôt dans différents lieux. Sur Paris, il y a Parallèles, un point central, thermomètre de l’activité fanzinesque. Quand tes ventes commencent à baisser dans cette boutique, c’est mauvais signe et, généralement, cela ne va pas en s’améliorant. Puis il y a deux boutiques spécialisées qui sont Bimbo Tower et Wave. Toutes ces boutiques prennent aux alentours de 30-33 % de marge, ce qui me paraît d’une grande légitimité. La librairie de la fédération anarchiste, elle, prenait 50 %. Au moment où Théo a trouvé du travail chez Jussieu Musique, il a bien évidemment facilité la distribution du fanzine. Jussieu Musique, par l’intermédiaire de Théo, ne prenait pas de marge.

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Avec la province, les problèmes commencent à apparaître. Il est très difficile d’avoir un suivi des dépôts provinciaux si tu n’as pas un correspondant sur place. Il y a également les catalogues de ventes par correspondance. Jérôme Noetinger de Metamkine n’a jamais pris PW, par contre il distribuait Bruit Blanc, mais sans doute pour d’autres raisons. La différence fondamentale de Bruit Blanc tient au fait que la publication soit bilingue. Pour PW, exclusivement en français, la distribution se limitait à la France. Nous avions toutefois un abonné japonais, collectionneur de fanzine, qui du jour au lendemain — sans que l’on sache pourquoi — a arrêté. Les tentatives au Québec, dans le monde de la francophonie, n’ont pas marché et globalement toutes les autres expériences avec des organismes de ventes par correspondance se sont soldées par un échec. À un moment donné, j’ai aussi cherché des subventions pour aider financièrement le fanzine et j’ai pensé au Centre National


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du Livre. Ils m’ont répondu qu’ils ne subventionnaient pas les revues contenant des interviews — ce qui n’est pas tout à fait vrai, puisqu’ils aident des revues comportant des interviews comme les Cahiers du Cinéma… De manière rétrospective, je peux dire que les ventes n’ont jamais dépassé les 350 numéros sur des tirages qui pouvaient aller jusqu’à 500. Par ailleurs, il est assez curieux de constater que la même clientèle qui passe chez Bimbo Tower est prête à payer 15 € pour un graphzine alors qu’elle rechignait à payer 2,50 € pour PW. MS : Au regard du nouveau rapport à l’acquisition de connaissances via Internet, comment envisages-tu la viabilité d’un fanzine aujourd’hui ?

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PB : Sans doute que toute une génération de jeunes gens ne recherche plus des informations par les fanzines mais tape le nom du musicien qui les intéresse dans l’onglet Google de leur navigateur. Cela se met alors à défiler au kilomètre, pour le meilleur comme pour le pire. Je pense que pour ces musiques, en dehors de Wire et de quelques revues de langue anglaise, nous vivrons la disparition des revues papier. Le fanzine dérivera probablement vers le webzine, le blog, la liste de conversations ou je ne sais quoi d’autres en ligne. En même temps si l’on considère le passage du vinyle au CD, où l’avancée technologique a aussi servi à masquer l’appétit commercial des majors, on se rend bien compte que certains groupes se le sont réapproprié de manière créative aussi bien en art qu’en musique. Dans le champ des musiques expérimentales, sortir un vinyle revient même à sortir un objet prestigieux. Ce n’est donc pas forcément la mort du papier, mais il faut admettre que l’arrivée d’une nouvelle technologie modifie ton rapport au processus. Internet modifie la forme de ta pensée, tout comme l’arrivée de la machine


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à écrire avait changé le rapport à l’écriture. Je garde espoir par ailleurs qu’une personne dans son coin décide de produire un objet papier qui se révèle magnifique. MS : À la fin de PW tu as toi-même pensé, en association avec le Fennec, à transposer le fanzine en webzine. PB : Ce sont les aspects économique et technique qui nous ont incité au changement plus que tout autre questionnement d’ordre éthique. Entre d’une part les frais de l’hébergeur, un espace mémoire confortable, et d’autre part les coûts postaux et ceux du papier, c’est le jour et la nuit, à l’avantage du net bien sûr. Ensuite un tel passage modifie un certain nombre de choses dans les modalités de parution. Rien ne t’oblige avec un webzine à basculer le contenu de 28 pages d’information en une seule fois. L’idée de page, d’ailleurs, entre une revue et un site n’a rien à voir, on se demande pourquoi avoir conservé la terminologie. Avec un webzine, il te faut disséminer l’information d’une manière beaucoup plus étalée dans le temps, si tu veux avoir une chance de fidéliser l’internaute. Puis tu te dis que par rapport à la version papier, tu te dois de fournir des infos supplémentaires, par exemple les dates de concerts, la célérité du support te le permet. Pour avoir un site vivant, il faut également réactualiser le contenu au minimum une fois par semaine. Tout ceci implique certes une réflexion à chaque étape de la fabrication, mais sous-tend d’abord et avant tout qu’il y ait du monde pour travailler à cela, dont certains à poste fixe. Je pense à l’instar de Jérôme Schmidt, qu’actuellement le mouvement naturel entre une version papier et une version numérique doit être inverse : partir du net pour finir en kiosque, comme ce fut le cas pour son projet Chronic’Art.

Militantisme et production MS : Tu as souligné depuis le début de cet entretien un certain nombre d’analogies entre le fanzine et la presse magazine et pourtant celui-là n’est précisément pas assimilable à celle-ci.

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PB : À mon sens un fanzine est proche d’un magazine standard mais édité en photocopie ou photocopie améliorée. En-deçà d’une différence liée à la fabrication et qui n’est pas toujours évidente en soi — certains fanzines, comme Revue et Corrigée, passent en effet par l’imprimerie —, le point capital reste qu’un fanzine traite des sujets que la presse standard n’aborde


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pas, aussi bien en BD, en cinéma, qu’en musique ou en Art. La revue de l’International Situationnisme peut en quelque sorte être considérée comme un fanzine. Le plus important réside dans la possibilité qu’incarne le fanzine de montrer des expériences graphiques qu’on ne verrait pas ailleurs, de présenter des films, des musiques absents de tout autre média. Contrairement à certaines musiques représentées par la grande presse, celles dont traitaient PW ne possèdent que le support alternatif — à l’exception de Wire qui reste malgré tout relativement confidentiel. Ensuite lorsqu’un individu ou un groupe d’individus rentre en production de manière indépendante, des solutions économiques, esthétiques et éthiques particulières se mettent en place. Ces conditions de production rentrent forcément en décalage avec celles d’un magazine traditionnel, ne serait-ce qu’au niveau de la présentation. Au sein des quatre fanzines français dédiés aux musiques expérimentales ou assimilées que sont/étaient Octopus, Revue et Corrigée, Improjazz et PW, se dessine le panel des différentes présentations possibles. Octopus, avec un aspect très magazine « arty », se voulait une sorte d’Inrockuptibles plus pointu et ambitionnait une distribution NMPP 9. Revue et Corrigée est passé assez rapidement à l’imprimerie et s’est attaché à soigner la mise en page. Toutefois, Richard Bokhobza, qui en est l’actuel maquettiste, se permet des expériences graphiques qui ne pourraient probablement pas avoir lieu dans une presse « normale ». Dans une autre perspective, Improjazz reste assez sommaire au niveau de la maquette, leur énergie se focalise davantage sur une édition mensuelle. À PW, nous avons progressivement affiné la maquette tout en restant en photocopie.

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À un autre niveau, nous pourrions également dire que la photocopie comme médium au sein de la presse fanzine rejoint l’appropriation d’un moyen de reproduction comme mode d’expression. Deux choses m’avaient marqué au sein d’événements déjà historiques : Solidarnosc et la révolution iranienne, c’est-à-dire deux pans très différents de l’engagement politique mais rendus tous deux possibles par une appropriation, un détournement technologique. Dans chaque cas, une technologie précise a réellement supporté la prise de position politique. En Iran, ce fut la cassette audio et pour Solidarnosc, c’est la photocopieuse qui assura la propagation du discours. MS : Sur quelle base fonctionnait l’équipe de PW ? 9. Nouvelles Messageries des Presses Parisiennes.


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PB : Étant donné que les acteurs de PW avaient le cœur plutôt à gauche, nous avons tenté d’établir le fonctionnement le plus démocratique possible. Cependant, nous n’avons pas opté pour un principe collégial, tel qu’on le trouve chez Revue et Corrigée par exemple. La notion de rédacteur en chef a réellement existé au sein de PW. La personne qui occupait ce poste prenait les décisions finales ; le risque inhérent à cette fonction étant bien entendu une tentative plus ou moins consciente de despotisme. Lorsque Théo a décidé de cesser l’activité de PW, nous avons organisé notre première et unique assemblée générale et j’ai annoncé que je souhaitais continuer à faire vivre le fanzine si les troupes suivaient, elles ont approuvé. En reprenant le poste, j’ai modifié un certain nombre de choses, j’ai notamment abandonné la chronique systématique de tout ce que nous recevions. Avec cette règle les disques achetés sont les premiers à passer à la trappe. Il y avait une relation d’obligation que j’ai voulu casser, celle de représenter de manière militante tous les travaux des micros labels qui ont pris la peine de t’envoyer leur production. J’ai respecté, me semble-t-il, l’éclectisme des sujets abordés, mais on ne pouvait plus tout couvrir. Nos colonnes comprenaient environ une quarantaine de chroniques par numéro, alors que nous recevions plus de cinquante disques sur quatre mois. MS : En tant que membre également du comité de rédaction de Revue & Corrigée, observes-tu des différences, par rapport à ton expérience au sein de PW, dans ce que peut représenter l’édition d’un fanzine ? PB : Les acteurs de Revue & Corrigée sont beaucoup plus sérieusement impliqués dans la programmation, la distribution, la production et la pratique musicale de manière professionnelle. Cela modifie les choses au niveau du fonctionnement, mais pas dans le contenu. Tous ces gens sont engagés à gauche avec ou sans militantisme. Je pense que l’on peut militer pour ces musiques dans des modèles proches du militantisme politique, cependant est-il bon, pour autant, de confondre complètement les deux objectifs ? J’aime, pour ma part, travailler en sachant très bien que je risque de ne toucher que deux ou trois nouveaux venus.

PB : La différence entre Revue & Corrigée et PW tient peut-être là. PW n’est jamais devenu un outil de travail, ce qui n’est, à mon avis, pas le cas pour Revue & Corrigée. Ce dernier démarre sur

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MS : Au regard de cette dimension militante, que penses-tu de la définition textuelle du fanzine comme « fanatic magazine », des fans qui écrivent sur la musique qu’ils écoutent ?


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le même désir de partager et de propager une passion que ce soit pour le cinéma expérimental ou les expériences politiques, reste sous cet angle-là au niveau de l’éthique, mais représente également un outil de travail pour certains. C’est un outil de travail au même titre que le magnétophone pour Jérôme Noetinger ou que la guitare pour Dominique Répécaud 10, même si ce n’est pas l’outil principal. Cela étant, lorsque tu t’investis dans un milieu, tu en viens rapidement à multiplier tes implications. Tu deviens alors acteur de ce milieu et l’édition d’un fanzine doit être comprise au sein d’un agencement plus complexe, comme dans tout microcosme. Actuellement, je dessine les couvertures pour Howlin’Ghost Proletarians, j’écris de temps en temps pour Revue & Corrigée et je suis producteur de DVD-R. Théo Jarrier est batteur, il est membre de l’association des Instants Chavirés et il écrit dans divers fanzines, voire journaux. Nous retrouvons cette multiplication des tâches également chez les différentes personnes qui s’occupent de Revue & Corrigée. Dominique Répécaud, par exemple, est à la fois musicien, critique, directeur de deux labels, directeur de festival et programmateur à l’année d’une scène nationale. Je suis convaincu que toutes ces personnes restent très honnêtes dans leur investissement, mais est-il possible dans ces conditions de rester vraiment objectif dans l’écriture, de produire un vrai travail critique ? À titre d’exemple, tu ne chroniques pas de la même manière un disque anglais, allemand ou américain et un disque français, tout simplement parce que tu croises les musiciens français un soir sur deux aux Instants Chavirés… MS : Dirais-tu en substance que le fait d’être investi à différents niveaux dans un milieu, à la fois comme programmateur, distributeur ou producteur et comme instance critique de cet ensemble de productions, influence la manière de rendre compte de certaines démarches, la ligne éditoriale du fanzine au sein duquel précisément cette critique prend place, participant ainsi à l’établissement de personnes morales ?

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PB : Oui et non. J’aurais la tentation de répondre négativement, mais ce n’est pas si simple. Lorsque les acteurs multiplient les fonctions à travers lesquelles ils s’investissent dans un réseau, certains choix deviennent implicites… Par exemple, si tu souhaites telle année faire un compte-rendu de festival dans PW, tu as le choix entre Musique Action, Densité, Mhère, Musiques Innovatrices,

10. Tous deux membres permanents de Revue & Corrigée et musiciens investis dans la scène des musiques expérimentales.


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Mimi, Mulhouse et Parthenay. Tu vas forcément donner un commentaire sur la programmation et celle-ci a été conçue par une personne que tu commences à connaître… Cependant, je ne pense pas que l’on puisse parler de délit d’initiés, pas volontairement en tout cas. Avec le temps tu finis par intégrer un groupe informel où se confondent professionnels et amateurs passionnés, et parfois des histoires d’amitié s’y lient. Ensuite il nous faut considérer que le musicien, l’artiste en général, se singularise bien souvent par d’énormes appétits de reconnaissance et de visibilité. Notre présence, en tant que critique, est presque périphérique au sein de ce milieu. Je pense bien sûr qu’il faut de l’écriture sur la musique expérimentale, mais le bouche à oreille fonctionne beaucoup et Internet prend le relais. Quant au fait que la critique fanzinesque ait une influence, qu’elle légifère ou ouvre des voies, je n’en suis pas convaincu. Nous pouvons difficilement parler d’une réelle efficacité, du moins à court terme. En tous les cas, il n’y a pas de Serge Daney de la critique de la musique improvisée. De la même manière il est peu probable qu’un fanzine influence l’économie des musiques dont il traite. Je n’ai aucune idée de l’impact d’une chronique ou d’une publicité présente dans cette presse, mais je pense qu’il s’agit avant tout de visibilité. Parmi les lecteurs, il y a ceux qui connaissent mais qui n’achèterons pas le disque et ceux qui l’ont déjà acheté. Cela sensibilisera probablement quelques nouveaux, mais cela reste un lectorat de spécialistes. La diversité des pistes offertes permet à ceux qui sont spécialisés dans une niche d’aller découvrir ce qui se passe dans la niche voisine. MS : Je voudrais, pour finir, revenir à la notion d’indépendance que tu évoquais à propos de l’économie de PW. Je crois que pour ton label DVD-R, tu as radicalisé ce rapport en refusant de monter une association loi 1901 — structure qui représente encore le statut légal traditionnel à travers lequel ce type de projet se construit.

Je pense que l’association loi 1901 a peut-être encore un sens mais elle a perdu celui qu’elle possédait initialement. Il est sans doute possible d’utiliser la loi 1901 dans une visée commerciale, de la

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PB : Ce choix est politique et complètement actuel. J’ai tiré des leçons de ma première expérience avec PW et maintenant je les rationalise et les pose en point de vue. J’ai la possibilité de rester dans une espèce de micro-économie en autarcie et je ne vois pas pourquoi j’irais demander des subventions. En vendant 50 DVD-R, je fais une opération blanche, bien sûr en ne rémunérant ni les musiciens, ni mon travail personnel.


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détourner de son principe non-lucratif, mais ce n’est pas notre propos. J’ai créé ce label DVD-R et nous faisions ce fanzine, non pas pour l’argent mais pour propager une passion, pour développer un intérêt personnel par rapport à un objet. Nous ne le faisions en aucun cas pour devenir rentable et émarger des bénéfices. Lors de la dernière assemblée générale de Revue & Corrigée, Albert Durant nous a raconté les discussions qu’il avait pu avoir avec un inspecteur des impôts lors d’un récent contrôle. Lorsqu’il a montré les livres de comptes à l’inspecteur et lui a dit : « vous voyez, de toute façon nous sommes déficitaires… » ; le fonctionnaire lui a répondu : « mais monsieur, si vous êtes déficitaires, c’est que vous faites mal votre travail. » On n’aurait pas entendu de tels propos auparavant, la loi de 1901 n’a pas été fondée pour faire de l’argent, c’est inclus dans son fonctionnement ! Il y a là un paradoxe.


Une sĂŠlection de 12 couvertures de fanzines par Patrick BĹ“uf



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Les membres de Sound System techno : du militantisme à la professionnalisation par

Lionel Pourtau CEAQ/ Paris V Sorbonne René Descartes

Résumé. On traitera ici de l’évolution des organisateurs de rave clandestine, appelé aussi free parties.

Faire partie d’un Sound System techno, c’est beaucoup plus qu’une carrière d’artiste, c’est aussi entrer dans une carrière déviante et militante. Cette carrière a une durée limitée. Le militantisme s’essouffle. On étudiera les évolutions du discours et des pratiques. À quelques exceptions près, on assiste soit, dans la ma jorité des cas, à un arrêt de la pratique, soit à un basculement plus ou moins réussi dans la sphère professionnelle. Une typologie de ces évolutions, appuyés sur des études de terrains et des cas pratiques de fêtes et de concerts sera présentée. Mots-clés. Musique techno — jeunesse — carrière — militantisme — professionnalisation.

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Cet

article s’appuie sur le travail de recherche réalisé depuis 2000 dans le cadre de ma thèse de doctorat. J’ai étudié une dizaine de Sound Systems techno et les ai suivi pendant des années pour analyser les évolutions de leur système de valeurs et de leur rapport à la musique. Les citations utilisées ici sont extraites des dizaines d’entretiens accomplis à cette occasion. Ils ont eu lieu entre 2002 et 2003 et ont été revus par les interviewés en 2004. Faire partie d’un Sound System techno pendant la période d’âge d’or de la free party, de l’apparition de ce mouvement au début des années 1990 jusqu’à la loi LSQ 1 de 2001, suppose plus qu’une carrière d’artiste, c’est d’abord une carrière déviante. On y développe un système de valeurs basé sur la gratuité et le don volontaire. Ces notions sont souvent opposées à la techno marchande, celle des clubs et des raves. Mais vivre durablement dans le monde de la free party n’est pas possible. Le niveau de précarité que cela induit est acceptable pendant quelques années, pas plus. Après, le dilemme se pose ainsi : soit renoncer à la culture techno, soit chercher à en vivre, ce qui passe par une professionnalisation et donc une commercialisation des prestations jusque là contraire à l’éthique de la free party. Se crée donc à moyen terme une dissonance. Nous allons ici étudier les formes que prend le passage de la subculture de free party à la professionnalisation de ses membres en tant que musiciens rémunérés. Ces carrières sont à durée limitée, entre quatre et huit ans en moyenne. Il vient un moment où il faut choisir entre rompre avec ce mode de vie ou l’inclure dans une pratique économique susceptible d’apporter un revenu régulier et suffisant au musicien.

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En terme de reconnaissance, les mots eux-mêmes sont piégés. Quelqu’un qui ne veut pas vivre financièrement de sa passion est un amateur, le même mot que l’on utilise pour quelqu’un qui débute, qui ne maîtrise pas sa pratique. « Professionnel » possède le même double sens mais inversé : quelqu’un qui fait d’une activité un métier mais qui est aussi expérimenté, compétent, bon dans ce domaine. Signe des temps : si on arrive à vendre son activité, c’est qu’on y est bon. Si on ne la vend pas, c’est qu’on y débute, qu’on y est encore approximatif. Cela se superpose à la valorisation de l’âge. Grandir, devenir adulte, c’est devenir professionnel, c’est devenir sérieux. Le passage à l’âge 1. Loi sur la Sécurité Quotidienne, votée en 2001, dont l’article 53 dit « Mariani-Vaillant » du nom de ses auteurs a rendu en soi les free parties illégales alors que jusque là, seuls les débordements étaient condamnés. Sur ce sujet : Pourtau L. (2005b).


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adulte est le niveau sociologique pertinent : c’est au moment de ce passage que s’articulent le plus nettement changement d’âge et construction de la position sociale. On ne traitera pas ici des dimensions strictement économiques mais plutôt des systèmes de valeurs liés aux positions sociales.

L’appel de la norme via l’attraction du secteur marchand « Q : Quel jugement tu portes sur ces années ? Je ne les juge pas. Ce sont des années clés pour moi, des années virages après une longue ligne droite. Et depuis, cela va mieux, ça repart dans une autre ligne droite qui est ma ligne. Je savais que mon engagement dans la Voodoo’z 2 ne serait pas à vie. Car un des premiers trucs que je me suis dit et je l’ai dit à Seb 3 : “Je veux bien vivre dans un camion mais je ne veux pas faire d’enfants dans un camion, un jour ou l’autre, le camion s’arrêtera.” Le seul moment où j’ai vu un avenir à long terme dans la Voodoo’z, c’est en se légalisant et en fondant un cirque, un vrai cirque techno. C’était la seule solution de viabilité, en scolarisant tes gamins, en pouvant laver tes fringues. Les travellers 4, ils sont à l’arrach 5. Moi je ne voulais pas vivre comme eux. Je voulais manger chaud quand j’avais envie de manger chaud, me laver quand je voulais me laver 6. » Les free parties, ces fêtes clandestines et/ou non commerciales (personne n’est payé) sont organisées par des collectifs de 5-20 personnes, les Sound Systems. Ils sont plus qu’un groupe de musique, ils sont une famille complémentaire. Cependant la précarité, la clandestinité et les pressions policières et sociales finissent par mettre à mal cette volonté initiale d’organiser des fêtes hors la loi, hors norme. Dans une première étape vers la professionnalisation, certains Sound Systems n’ont pas eu de difficultés morales à se monter en association. Ce sont la plupart du temps ceux dont la localisation a tout de suite autorisé la rémunération de leur musique, c’est-à-dire ceux

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2. Nom d’un Sound System organisateur de free parties dans le Sud de la France de 1996 à 2002. 3. Son compagnon. 4. Traveller : nom donné aux technoïdes qui vivent dans des camions et ont une vie de nomade. 5. « approximativement », comprendre ici « dans des conditions difficiles » (NdA). 6. Entretien Marion (2002).


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installés près d’une métropole. Les tribus technos, comme ils se nomment souvent, installées en zone rurale avaient pu vivre de façon plus marquée leur rupture avec la sphère économique classique. Ils n’avaient pas à proximité une métropole leur permettant de profiter d’un secteur marchand de la musique techno. Au contraire, les Sound Systems urbains évolueront plus facilement vers la prestation marchande de service alors que pour les plus déviants, cela ne se fera pas ou par à-coup. Certains Sound Systems voient leur organisation en association type 1901 comme un acte de trahison envers la free party et son côté sauvage. C’est inconcevable. L’essence de la free party étant d’être illégale. D’autres voient le type d’activités qu’elle induit comme un soutien à l’activité essentielle : la free party. Ils veulent continuer à faire vivre leur mode de vie, peu importe la modalité administrative. « Q : Et le fait que la Voodoo’z cherche à se monter en association ? C’était pas ça le fond du projet VDZ, de se monter en asso et de faire des gentilles fêtes sur commandes, des prestations. Moi quand j’ai appris ça, j’ai trouvé ça scandaleux. Je n’y serais jamais allé. La valeur de la VDZ était de ne pas avoir d’existence légale. Que le résultat du procès 7 soit de se monter en asso et de vendre des prestations, c’était se trahir et trahir les valeurs d’indépendance et d’autonomie où on disait qu’il ne fallait pas de rapport marchant ou financier. Ce n’était plus la même chose. Ils ont eu raison de continuer là dedans mais pour moi, personnellement, c’était scandaleux. Ca aurait été un déchirement complet de passer de l’un à l’autre. C’est logique que ça n’ait pas marché 8. » En fin de carrière, observons que ceux qui ont le discours le plus opposé aux ententes avec l’Institution, par l’organisation administrative en association sont ceux qui vont quitter le plus rapidement ce milieu. Ils tiennent le discours du « tout ou rien » pour que cela soit le « Rien » et donc facilite leur passage à autre chose, à une autre étape de leur vie.

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Souvent les participants réguliers à ces fêtes avaient fait une sorte de transfert idéal sur les Sound Systems. Pour beaucoup, ils étaient des sortes de héros. Ces derniers, lorsqu’ils cherchèrent à entrer dans la sphère commerciale, ne répondirent plus à l’idéal de certains de leurs fans. D’où 7. Plusieurs membres de la Voodoo’z ont été arrêtés et condamnés pour avoir organisé des free parties en 1999 et 2000. 8. Entretien Anne-Lyse (2002).


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des critiques et des accusations en trahison. Le passage de la fête effervescente à la fête institutionnalisée a été perçu comme l’arasement des potentialités socialement subversives présentes dans l’expérience désordonnée de la free party. Pour garder le vocabulaire religieux durkheimien, l’effervescence chaude cède le pas à l’institution froide. Dans le cas qui nous intéresse, le refus de l’adaptation est un rituel de deuil. Pour tourner la page de la carrière de déviant, il faut que le monde déviant disparaisse. D’où le tout ou rien. Prenons le cas des Hérétiks, un des plus gros Sound Systems parisiens. Ils avaient bâti, plus que d’autres, leur réputation sur la transgression. Ils sont en particulier à l’origine d’une free party illégale en plein XVIe arrondissement parisien, à l’intérieur de la piscine désaffectée de Molitor. Membres actifs du Collectif des Sound Systems, association informelle de tribus technos ayant lutté contre la LSQ puis ayant cherché à obtenir des aménagements, ils tentèrent de faire des free parties en entente avec le gouvernement à partir de la période d’ouverture de 2003. Beunz décrit ainsi la « free party » organisée avec le soutien de l’État le 5 juillet 2003 : « Ça a été l’apogée 9. Le terrain a été réquisitionné par l’État à la DNAC 10. On s’est regardé pour savoir si on était satisfait : pas du tout. Trop de stress, on n’a pas joui de la teuf, le stress a joué en négatif sur notre prestation musicale. Notre initiative personnelle a été drivée 11 du début jusqu’à la fin et ça nous a saoulé en fait. On n’a rien décidé, on nous a infligé des notes extravagantes. Le droit d’initiative en France, c’est walou 12. Le côté orgiaque de la teuf : J’ai couru toute la soirée ! On était 30. Me balader avec un baudrier jaune fluo toute la soirée, ça m’a pas plu. Mais le préfet devait être rassuré. Donc pour marquer un repère aux gens : baudrier jaune fluo avec insigne HRT 13 à l’intérieur. Tu rentres dans une spirale autre. Si on en fait une autre, on l’a fait à 2. On aura moins de difficultés. Il n’y avait plus d’autogestion 14. » En 2006, la normalisation des Hérétiks est totale puisque le groupe choisit de fêter ses dix ans d’existence par une tournée anniversaire dans les discothèques et clubs français. Il s’agit dans ce

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9. Ton ironique. 10. Direction Nationale de l’Aviation Civile. 11. Comprendre « contrôlée » (NdA). 12. Comprendre « cela n’existe pas » (NdA). 13. pour Hérétik. 14. Entretien Beunz (2003).


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cas d’une évolution graduelle sur cinq ans. Dans la même logique, pour d’autres, le choc avec les Autorités est l’occasion de mettre fin immédiatement à la carrière de membre d’une tribu et de réintégrer la société globale. C’est l’occasion pour la personne de tuer en elle le déviant, souvent identifié à sa jeunesse. Sa part conservatrice en profite pour entamer une marche arrière vers une situation plus moyenne, plus intégrée. Pendant une période, des activités professionnelles peuvent avoir leur place dans la vie du Sound System. Cette évolution se fait petit à petit, à l’intérieur du groupe, créant des clans. Cela ne va pas sans tension. Que faut-il faire prévaloir, le rôle du technoïde dans l’être-ensemble de la tribu ou la fonction du collectif par rapport à un objectif contractuel ? Prenons un exemple du genre de tension que la tribu techno peut ressentir. Lors d’un voyage en Bosnie, le Sound System tarnais Voodoo’z s’était engagé à fournir une free party à l’association humanitaire Guernica qui travaillait à Mostar, organisant un festival multiculturel tentant de réconcilier Croates, Bosniaques et Musulmans. Plusieurs véhicules partirent. L’un d’eux était un bus de ville d’occasion totalement inadapté à un voyage de plusieurs milliers de kilomètres. Il tomba donc souvent en panne rendant problématique le rendez-vous avec Guernica.

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« Le voyage en Bosnie. Les galères mécaniques ont révélé les tensions latentes.[…] Il y avait des gens qui étaient très tribu. Ils prirent comme une trahison totale lorsqu’on est tombé en panne que certains prennent le son pour assumer notre contrat avec Guernica. Se séparer était scandaleux pour eux. Ce fut un gros clivage. Le bus s’est senti abandonné. Ils se sont dit « comment peuvent-ils préférer respecter un engagement à la con plutôt que de rester avec nous alors qu’on est en train de galérer ? « On n’est plus une tribu ». Ce fut le plus gros hiatus, le plus mal vécu. Ils nous en ont voulu très fort 15. » Quand le groupe s’engage dans des activités en prise sur la réalité extérieure ou quand ils discutent entre eux, se constituent des mises en scène et des présentations à autrui de leurs désirs communs s’appuyant sur le décor de l’espace moral imaginaire du groupe. La valorisation par le sujet du groupe par rapport à la société varie avec le temps et s’inverse le plus souvent. Il y a une tendance inversement proportionnelle entre la perception du groupe et la perception de la société. Tant qu’on est à l’aise dans le groupe, le transfert affectif sera positif vers le groupe et négatif vers la société. Ces valeurs s’inverseront lorsque le sujet s’éloignera du groupe. 15. Entretien Anne-Lyse (2002).


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Proposition d’une typologie évolutive des fêtes technos Comme l’avait montré Durkheim pour les sociétés en général, c’est bien la densité qui est la cause de la mutation d’une logique communautaire à une logique contractuelle et marchande. Notre division en trois types n’est cependant pas hermétique. Les fêtes sont essentiellement d’un type mais pouvant tendre vers un autre. Acteurs principaux Fête-don, légale ou illégale

Objectif communautaire Solidarité mécanique

Fête intermédiaire

Objectif communautaire Solidarité mécanique

Fête marchande

Objectif marchand Ordre organique

Acteurs secondaires

Participants

Acteurs secondaires et Objectif communautaire participants sont censés être Ordre mécanique les mêmes. Acteurs secondaires et Objectif marchand participants sont censés être Ordre organique les mêmes. Objectif marchand Objectif de consommation Ordre organique Ordre organique

Dans la fête-don, la free party classique, les acteurs principaux sont les membres du Sound System organisateur. Leurs objectifs se font dans le cadre de la subculture technoïde, de type communautaire. L’organisation (nous préférons le terme d’ordre qui a l’avantage de sous-tendre la notion morale qui va avec et d’éviter l’expression « organisation organique », peu gracieuse) est mécanique. Nous voulons dire par-là que même s’il peut y avoir des tendances à la spécialisation technique, l’égalité est encore au centre des préoccupations. Elle est renforcée par le bénévolat. Il n’y a en théorie pas de différence entre les acteurs secondaires et les participants. L’autogestion est censée faire des participants des acteurs secondaires, gérant la propreté et garant de l’ordre. Dans les faits ce n’est pas exact. Mais que cela fasse partie du mythe est en soi significatif.

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Dans les fêtes intermédiaires et essentiellement sous la pression des Pouvoirs publics, certaines des activités secondaires sont sous-traitées à d’autres organisations. En particulier, la préfecture fait pression pour que les Sound Systems passent par des entreprises professionnelles de sécurité (Fête Hérétik légale de Juillet 2003 et 2004) et installent des équipes de la Croix-Rouge ou de la Protection civile sur leur site. C’est la fin d’une organisation mécanique et le commencement d’un ordre organique.


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Les acteurs principaux, les Sound Systems, continuent de fonctionner sur un mode de solidarité mécanique. Les acteurs secondaires (Croix Rouge, Sécurité) fonctionnent sur un mode organique. Qu’ils soient du secteur marchand (entreprise de sécurité) ou des bénévoles (Croix-Rouge, Protection Civile), ils présentent au Sound System des factures, ce qui oblige celui-ci à assurer un minimum de rentrées financières et donc de répondre à des logiques marchandes de rentabilité obligatoire de plus en plus forte. D’autant plus forte qu’à service égal la bureaucratisation accroît les coûts. Les membres du Sound System ont beau être dans leur vie professionnelle agents de sécurité, policiers, médecins ou pompiers, la préfecture préférera qu’ils passent par une entreprise ou une association. La donation sera transformée en droit d’entrée (même si on jouera sur les mots en parlant de participation aux frais ou « d’impôt festif obligatoire ») et du coup, les participants seront renvoyés à leur statut de consommateur/client et estimeront donc qu’ils n’ont plus à participer à l’auto-organisation. Dans les fêtes marchandes, les raves, ce genre de débat n’a pas lieu puisque la division organique est le socle de l’activité. Les free parties Voodoo’z sont des exemples de fête-don. Les free parties légales Dfazés ou marchandes sont des exemples de fête intermédiaire même si celles des Hérétiks, de par leur taille, peuvent être financièrement déficitaires. Les fêtes marchandes sont les raves de type Astropolis ou Magic Garden (qui, comme toute opération commerciale, peut être aussi déficitaire mais après avoir payé des salaires, en particulier aux acteurs principaux).

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Le premier système semble avoir une durée relativement éphémère, quelques années tout au plus. Le troisième étant une opération commerciale doit pouvoir durer aussi longtemps que durera l’intérêt pour la musique techno. On observe que la labilité inhérente à l’organisation en Sound System fait migrer régulièrement des musiciens de tribus technos et de son expression la plus significative, la free party, vers une logique plus individuelle, plus adaptée à la société libérale. Ainsi des Hérétiks, cités en exemple plus haut. Face à l’incapacité d’obtenir des autorisations pour faire des free parties, les Sons essaient de trouver des compromis entre leurs spécificités et les possibilités offertes par la société globale. Les co-productions de soirées entre un Sound System et une discothèque sont une des possibilités. « Mais aujourd’hui je doute. Est-ce que je continue ? Mais alors je perds mon identité revendicatrice, militante. En face il y a le côté pécunieux, alimentaire. J’ai 30 ans, j’ai d’autres vies à construire, ma vie


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sentimentale. Et pour avoir un bébé, acheter une maison ou louer plus grand, il faut plus d’argent. Soit je continue la musique, et je dois faire des concessions, devenir plus commercial, faire chroniquer tout ce que je sors, comme les Manu le Malin 16, etc. À côté, j’ai un métier d’infographiste dans lequel je peux reprendre ma place même si j’ai eu 5 ans d’inactivité dans ce domaine 17. » Il y a aussi des possibilités de transfert de réputation et de compétence d’un secteur à l’autre. Le marketing commercial est toujours très intéressé par la récupération de l’imagerie déviante « free party » qu’elle sait très vendeuse auprès de la jeunesse qui aurait bien aimé suivre cette voie mais qui ne l’a pas fait parce que suffisamment satisfaite de sa position ou trop effrayée par l’autre. Basculer dans le clubbing 18 permet de vivre économiquement de sa musique et de maintenir une distance avec la société globale par la participation aux sociabilités partiellement différentiées de ceux qui vivent la nuit, fût-ce dans le cadre de la Société globale. Même sans free party, le monde de la nuit, ici commercial, sert de facteur de cohésion du groupe et maintient une originalité de mode de vie. Le clubbing offre un mode de vie (modérément) déviant et alternatif. Gardons l’exemple de Beunz des Hérétiks. Il joue aussi dans les clubs et les discothèques. Son discours gêné montre bien les difficultés à passer d’un milieu à l’autre. « Q : L’idée était de faire carrière ? Pas du tout, justement, Du tout, du tout. Ça a plutôt déclenché des vocations, pas comme un but, plutôt comme une conséquence. On m’aurait dit un jour que je partirai pour jouer au Vénézuéla sous le nom de Beunz des Hérétiks pour pas mal d’argent, si on m’avait dit qu’un jour je serai payé 500 euros pour jouer une heure. Je trouve ça… Je suis tellement pas commercial que je me fais avoir. Il y a un moment où j’ai arrêté de dire oui à tout et n’importe quoi, les petites structures mal gérées où tu te retrouves à être mal payé ou pas du tout et à avoir fait le voyage pour rien. Bon, même si j’ai kiffé ! Pas tous les week-end ! Comme j’ai mis l’accent dessus, il va falloir que je gagne ma vie. Je dois rendre des comptes, j’ai des traites à payer, je dois gagner ma vie comme tout le monde. Il y a un moment où tu dis : « c’est tant », et avec sécurité. [Il est gêné].

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16. DJ de techno hardcore connu du grand public. 17. Entretien Beunz (2003). 18. Fête techno marchande en club ou discothèque.


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Quand une structure claque des fesses 19, elle paye ce qui est prévu mais ne rajoute jamais. Alors pourquoi on m’en enlèverait quand ça ne marche pas bien ? Mais bon je suis souple 20. » Ici Beunz ressent le besoin de se justifier par rapport à l’argent. Car, issu de la free party où les musiciens ne sont pas payés, se plaindre à ce sujet est difficile. « C’est tant, et avec sécurité » signifie qu’il n’accepte plus une pratique très répandue dans les cafés-concerts mais encore plus forte dans la musique techno, en l’occurrence être payé par le propriétaire du lieu moins que le cachet initialement négocié sous prétexte que la soirée n’a pas rapporté autant que prévu. « Parfois on blackliste des lieux et des patrons : Parfois on fait une soirée TTC 21, on blinde sa salle. On devait être payé 1 200 euros. À la fin, il vient nous voir en pleurant « ah, je n’ai que 450 euros ». Nous, on est douze à se partager la somme 22. » Idem pour le confort. Un musicien de free party n’a aucune attente en terme de confort. Il sait que tout se fait de façon approximative et avec quasiment pas d’argent. Dans la sphère commerciale, il en est autrement. Les organisateurs sont un minimum prévenant avec ceux qui vont leur faire gagner de l’argent. Or comme les électronistes technoïdes ne s’attendent à rien, les patrons ont tendance à ne rien leur donner. Mais très vite, les technoïdes s’adaptent et apprennent à devenir un peu exigeant. Même si cette exigence met un peu de temps à atteindre celle des autres musiciens, qui avaient dès le début de leur parcours pensés à la professionnalisation. « Et puis à force on sait avec qui bosser et avec qui ne pas bosser. Le patron, il t’a fait venir, je demande pas qu’il te sorte le tapis rouge mais il respecte les artistes. Il accepte de te payer des coups gratuits ou alors il accepte que tu viennes avec des bouteilles. Des fois c’est la guerre. C’est dans la légitimité de l’artiste de demander du confort. Moi je vais rester huit heures dans une boîte pour jouer une ou deux heures. C’est normal que ces heures se passent bien 23. »

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Le mode de vie de technoïde ne dure pas pour la quasi-totalité d’entre eux. Vient un moment où la carrière s’arrête, où le temps de la retraite vient. Mais c’est un choix individuel qui se fait souvent petit 19. Claquer des fesses : dépasser ses objectifs (NdA). 20. Entretien Beunz (2003). 21. Tous les électronistes de la soirée en club sont de la même tribu, ici la TTC. 22. Entretien Woxo, membre des TTC, (2003). 23. Entretien Beunz (2003).


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à petit. L’implication s’affaiblit, les séquences de vie technoïdes par rapport aux séquences de vie au sein de la société globale se réduisent en temps et en fréquence. Si la répression policière a joué un rôle sur la dissolution des tribus techno, il ne faut pas oublier que celles-ci se dissolvaient bien avant que les Pouvoirs publics se fassent menaçants. Le drame de la répression issue de la loi Mariani-Vaillant est qu’elle a transformé un processus naturel en un choc traumatique. Au moment où les teuffeurs et les technoïdes avaient besoin de cet espace-temps et des éléments de construction identitaire qu’il induisait, il fut supprimé. Sans possibilité de faire le deuil en quelque sorte. Ne reste plus accessible que la musique techno dans son cadre marchand, où le technoïde est renvoyé à sa place de spectateur passif et où tout rôle lui est retiré. Le technoïde devient ou redevient un simple technoïste. La transe elle-même est altérée par cette situation puisque nous avons vu que le fantasme de l’égalité avait sa place dans le sentiment de fusion. Il est donc délicat, dans l’état actuel de la situation de définir avec précision le rôle de la répression. On peut dire avec une raisonnable assurance qu’elle a accéléré la dissolution de ceux qui commençaient à douter. Mais rappelons-nous, nous avons expliqué plus haut qu’une des raisons de la fondation des tribus est la difficulté à trouver des free parties près de chez soi. On peut donc imaginer que lorsque certaines se retirent, elles créent un vide rempli par de nouvelles vocations. Ceci posé, le fait que la carrière de déviant soit courte n’induit pas forcément qu’elle n’a pas de conséquence sur le reste de la vie du sujet.

La fin de carrière déviante et ce qu’il en reste « Ces années ont construit ma personnalité. J’y suis entré, je finissais mon adolescence. J’ai été formé dans le monde de la musique et là j’ai créé des bases de relations humaines pour le monde adulte super saines. L’ouverture d’esprit, l’écoute et le partage. Et ça je le ressens tous les jours 24. »

24. Entretien François (2002).

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Dans ses analyses sur les déviances, Merton (1997) s’intéresse aux buts et aux moyens pour graduer et penser la déviance. Il pose le principe d’une explication de la délinquance à partir d’une interprétation originale de la notion durkheimienne de l’anomie : puisque la non-conformité est ellemême un phénomène social, la transgression des normes est une réponse « normale » d’individus qui agissent dans le cadre d’un certain type d’organisation de la société. Merton conçoit le système


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social comme un équilibre entre une structure culturelle (les buts socialement approuvés) et une structure sociale (des moyens légitimes d’atteindre ses buts). Il fait la typologie suivante : Adaptation Conformité Innovation Ritualisme Évasion Rébellion

Buts + + +-

Moyens + + +-

• (+) signifie acceptation • (-) signifie refus • (+ -) signifie refus et substitution par des buts et des moyens nouveaux.

Je garde la même idée en l’altérant. La division but/moyen par exemple n’est pas la seule possible tant le but peut être entièrement dans une posture, une manière d’être ou de faire. Chaque mode de fonctionnement peut se penser en terme de polarité et chaque civilisation favorise une polarité plus qu’une autre mais le sujet a besoin des deux et lorsque l’une est trop étouffée, cela créé un manque et une recherche. La polarisation est double : entre les deux états anthropologiques (pour la population qui nous intéresse : nomadisme/sédentaire ; individualisme/bande ; etc.) et entre insertion et différenciation (qui joue le rôle de corde de sécurité). Pour Merton, la déviance naît d’une disjonction entre buts et moyens, et un individu peut passer d’un mode d’adaptation à un autre. Cette déviance en mode majeur dure tant que le monde déviant espéré semble offrir des opportunités de vie globale. À mesure où cette idée recule, l’univers déviant devient ou redevient secondaire puis comme un mode de vie de jeunesse et ne devant pas lui survivre. Les compétences développées pour l’épanouissement au sein de la microsociété technoïde sont redirigées vers la société globale.

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« Q : Quel est l’avenir de la Voodoo’z ? Je ne sais pas. Je suis toujours dans le présent. L’avenir c’est ce qui continue à faire de la zique, à sonoriser. VDZ est enrobé dans un truc de plus gros qui revient au même, le milieu tekno toulousain, un élément du réseau dans un ensemble plus vaste 25 ». 25. Entretien Axel (2002).


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Stéphane raconte : « Mais j’avais besoin de faire un break, de faire des choses pour moi. Quand tu vis avec des gens, ce que tu fais, tu le fais aussi en fonction des autres, normalement. Si tu n’as pas assez de repères, si tu n’as pas fait assez de choses pour toi, cela ne peut pas bien marcher. Pour vivre avec des gens, je me suis retrouvé, je me suis fixé un objectif, avoir ce permis poids lourd. L’être humain a aussi besoin de se retrouver tout seul. C’est la première fois que j’ai un appart. Là dans ma tête, cela va mieux. Je me suis construit un peu tout seul et beaucoup avec les autres. Mais si les flics n’étaient pas venus, ça aurait pu continuer. Rien n’était programmé. » Le passage par la subculture technoïde a été une plateforme de développement personnel : « À la base, il n’y avait pas de compétence particulière. Après, la Voodoo’z a apporté des compétences particulières à certaines personnes. Ça a poussé ses membres à se fixer de nouveaux buts. Q : Au début, il n’y avait pas de spécialisation et maintenant, il y en a ? Oui, il y a plusieurs spécialisations. Le parcours a permis a certains d’entre nous de devenir de très bons musiciens. Moi, cela m’a permis de trouver un métier : routier. Il y a des gens comme Carole qui ont été engagés dans des magasins de son. Ca a apporté des compétences à chacun. Regarde P’tit Loïc, avant il faisait la manche 26 rue Alquier-Bouffard 27 à Castres. Maintenant il fait des disques. Q : Il faisait la manche ? Mais tous les Voodoo’z avant la Voodoo’z, ils faisaient la manche, c’était les pires branleurs. On faisait la manche, on buvait, on fumait des joints et on en faisait pas plus. À la limite on part en stop entre Castres et Toulouse 28 mais on n’en fait pas plus. Mais bon, c’était une fin de phase d’étudiants qui ne cherchaient pas à finir ce qu’ils avaient commencé 29. » Beaucoup de ce qui fut appris par le passage à travers cette subculture n’aurait pas pu l’être d’une autre façon. Le rapport à la culture, à la connaissance, à l’enseignement était devenu problématique

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26. « Faire la manche » : mendier. 27. On notera que la rue porte le même nom qu’un des membres de la Voodoo’z, Bertrand. Il s’agit en effet de son ancêtre qui, au XIXe siècle, a installé le système d’égout à Castres, sous-préfecture du Tarn. 28. Distance : 80 km. 29. Entretien Julien (2002).


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pour ces jeunes gens. Relié à une conséquence pratique et valorisante, il est réinvesti et motive ses acteurs. Et plus tard ce stock de connaissance peut être réinvesti dans la société globale. Le gain en capital culturel a trois dimensions : La première dimension du gain est liée à la participation à la subculture technoïde elle-même. Organiser une fête, monter une sonorisation à partir de rien demande des compétences techniques et logistiques pointues. La deuxième dimension du gain est liée à la mixité sociale présente dans le Sound System. La participation à une subculture déviante a permis d’affaiblir certaines différences sociales. Mais il va de soi que les différences d’origines sociales perdurent. Sauf que dans le cadre d’une organisation qui cherchait l’union la plus proche possible, elle devient un élément positif puisque chacun des membres était ainsi un peu plus perméable au capital social des autres membres du groupe. Les mécanismes de résistance, classiques entre deux cultures sociales, se trouvent ici partiellement affaiblis. La troisième dimension est liée aux deux autres, il s’agit de la revalorisation du rapport au savoir et à l’apprentissage chez des populations juvéniles qui étaient souvent en rupture avec le rapport classique à l’instruction. À travers une expérience reconnue et acceptée de besoin de connaissances, la réconciliation avec l’enseignement s’est faite.

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Pour J.-M. Seca : « Le stigmate minoritaire, tout en étant pesant par le regard que les autres portent sur soi, est valorisé pour la sensation d’unicité qu’il confère. » (Seca, 2001 : 83) Nous avons pensé la déviance des technoïdes en tant que carrière. Elle intervient à la fin de l’adolescence, c’est-à-dire un âge où le sujet acquiert une autonomie légale, où le conformisme lui a été transmis mais n’a pas encore été longuement vécu et où son statut social globalement faible le rend attentif à la recherche d’un ordre social alternatif. Les jeunes sujets sont des points d’anomie. Pour Becker (1985), cet âge particulier permet d’éviter de nouer des alliances avec la société conventionnelle. Réfléchissant aux moyens que les délinquants utilisaient pour s’extirper des normes classiques, Sykes et Matza (1957 : 667) expliquent que : « Les contrôles sociaux internes et externes peuvent être neutralisés en sacrifiant les exigences de la société dans son ensemble aux exigences des groupes sociaux plus restreints auxquels appartient le délinquant, tels que la fratrie, la bande, le groupe de copains […] »

Dans le cas qui nous intéresse, la déviance est à cheval entre l’acte exceptionnel et l’acte déviant de longue durée, le mode de vie. Dès qu’ils prennent un peu de recul, les querelles du milieu appa-


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raissent désormais futiles aux yeux de ceux qui avaient jusque là un discours constamment critique envers la société globale et l’évolution du milieu technoïde. La rupture avec la subculture technoïde, venant dans une période de 4 à 8 ans pour une grande majorité, plus tardive et chaotique pour d’autres, correspond en réalité à l’adoption définitive et irréversible de l’habitus social dominant, c’est-à-dire l’adhésion aux normes de comportements et aux valeurs « civilisées », au sens que donne Élias à ce terme (Lapoutre, 2001 : 427). Ce rejet se fait difficilement et à reculons. L’opposition forte même si elle n’est pas frontale entre la subculture et la culture dominante permet difficilement de juxtaposer les deux. Afin que la construction identitaire puisse continuer de façon cohérente, il faut arrêter l’une pour passer à l’autre. Le côté nihiliste peut aussi à sa façon faire penser à la culture du pauvre (Hoggart, 1970) où le caractère invariant de l’insertion docile à un moment où à un autre au sein de l’Institution n’incite pas à faire carrière ou à maintenir sa différence. Il y a là aussi une acceptation du destin, de la mort « sociale » du technoïde. Puis le temps va favoriser son adaptation, la désorganisation sociale va se réguler. « Moi j’ai passé un relais. Je cherche à voir ailleurs où est ma place. Q : Cela a été douloureux ? Oui, pas facile. Douloureux car j’avais vécu des années fantastiques, j’avais eu la foi, rencontré des amis. Je ne renie rien, au contraire. Cela m’a beaucoup marqué dans ma construction. Ce truc qui s’achevait me faisait mal. Dans ma vision à moi, on ne s’en sortirait pas. C’était fini. Selon moi. C’est comme une rupture avec une personne que l’on aime, on ne s’aime plus mais en fait si, on s’aime encore. Il peut y avoir toujours des choses fortes qui se passent. Cela a pris plusieurs mois. Clair que c’était douloureux 30. » À un moment donné l’évolution de la personne ne trouve plus satisfaction dans les possibilités d’évolution somme toute assez limitées du Sound System technoïde.

30. Entretien Rodolphe.

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Observons que souvent, alors que le milieu reste stable, les sujets ont l’impression que c’est lui qui change et pas eux. Sous l’angle de l’imaginaire, parfois un peu romantique, le milieu techno et l’organisation en tribu en particulier ont toujours, un court temps, paru comme


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pouvant être un monde alternatif, avec un système de valeurs différent, un rapport aux autres différent. Mais cette période ne résiste pas aux premières difficultés, en particulier celles issues de la précarité dont nous avons parlé plus haut. Cela peut se cristalliser autour de la fusion tribale perçue comme la source des problèmes soit sous l’angle du « trop », soit sous l’angle du « trop peu » : « Comment veux-tu essayer de faire quelque chose de différent, rejeter la société telle qu’elle est alors que tu retombes dedans direct. Il y avait les mêmes clichés sur les autres, parce que les autres ils ne sont pas pareils. Je me demandais ce que je faisais avec de pareils connards. Comment peut-on être aussi simpliste ? Au quotidien, tu dois aller au-delà de cette intolérance de base. Si tu n’avances pas au niveau de 15 personnes sur l’intolérance, c’est la fin de tout. Ils n’iront jamais plus loin dans leur vie. Tout était normal, prévisible mais j’espérais qu’on arriverait à faire quelque chose de différent, à surmonter tous ces clichés sociaux. Je pensais qu’on allait réussir. J’avais foi en ça et je me suis trompée 31. » Anne-Lyse explique régulièrement son incapacité à s’intégrer par les différences sociales entre elles et les autres membres du groupe. Elle s’oppose en particulier en terme d’habitus, pour employer le terme bourdieusien, à Julien. Elle, avec une réflexion politique parce que fille d’enseignant et de médecin. Lui, l’homme de terrain. D’un point de vue de la socioanalyse, ce n’était d’ailleurs pas exact puisque Anne-Lyse, comme Julien, était issue d’un milieu de moyenne bourgeoisie. Le père de Julien était comptable et son grand-père petit industriel.

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Parce que la tribu était essentiellement une communauté affective, la séparation ne se fait pas facilement. Comme souvent, les sujets ont du mal à juger que ce sont eux qui changent. Ils préfèrent estimer que c’est l’environnement qui change. C’est très vrai dans le cas qui nous intéresse. La sortie de la carrière de déviant doit trouver une excuse autre que la diminution de l’investissement personnel du sujet. Parfois ce sera la radicalisation de la free party, son développement, la hausse du nombre de personnes rejoignant cette pratique. Les retraités dénonçant alors la déshumanisation de la free party. D’autres fois, ce sera au contraire la volonté de ne pas rester dans une opposition frontale avec la société qui sera avancée comme source de l’éloignement. L’impression que la fin de la tribu approche accélère la fin de l’imaginaire de la fusion renvoyant sur des questionnements individuels : 31. Entretien Anne-Lyse (2002).


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« (…) sur la fin, quand on a commencé à réaliser qu’on ne resterait pas ensemble toute notre vie, les nonmusiciens disaient aux musiciens que eux s’en sortiraient toujours en faisant des cassettes ou en jouant dans des soirées payantes 32. » L’art sert de retraite acceptable et symboliquement valorisée de la déviance. La question de la valeur artistique n’est pas la question majeure au moment de la fondation du Sound system. Elle le devient lors de la retraite de la carrière. L’art est valorisé dans les deux mondes. Il est donc la passerelle idéale pour renoncer au mode de vie sans sembler renoncer à la subculture en général. On abandonne un mode de vie que l’on a valorisé, on ne peut le faire que par une sortie tout aussi valorisée socialement, l’art. Et c’est au nom de l’art que l’on condamne les déplorables conditions que la free party offre aux artistes. S. Moscovici propose une typologie (1982 : chapitre 8) de trois rôles qui peuvent d’ailleurs être joués les uns après les autres : – l’individu modal prenant une position identique à celle du sujet naïf moyen ; – le déviant qui prend une position opposée à l’opinion générale du groupe ; – le dériveur qui, au début, était d’accord avec le déviant, mais qui au cours de l’interaction, se déplace progressivement vers une position de conformité, une position modale. La production artistique est une recherche d’une voie médiane. Se développe rapidement une disjonction d’intérêt entre le public qui vient essentiellement pour la mise en transe et les Sound Systems qui ont besoin de se renouveler pour avoir leur salaire symbolique et avoir l’impression de progresser dans leur art. C’est vrai pour la musique jouée sur le dance floor comme pour le type de musique produite (les disques sortis).

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32. Entretien Carole (2002).


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Conclusion « Q : Cette tentative d’une autre organisation sociale, ça a échoué ? Non, puisqu’on a fait plein de truc et ça a tenu pour moi deux ans 33. C’était une expérience très enrichissante pour tous. Mais ça n’a pas abouti sur le village libertaire. En sortant de là les gens avaient envie de faire leur truc à part et pas de refaire du collectif 34. » Cette faiblesse des contextes communautaires avait, dans d’autres contextes, été soulignée par Godbout : « Le modèle communautaire est une phase transitoire, instable, volatile. Tout organisme communautaire qui atteint une certaine maturité organisationnelle tend nécessairement vers le modèle salarial, la bureaucratie et l’institutionnalisation d’une rupture entre producteurs et usages — ou alors il disparaît. » (Godbout, 2000 : 100)

S’il est assez facile de dater la création d’un Sound System, il est beaucoup plus délicat d’en dater la dissolution. Trois types de comportements sont observables : – ceux qui veulent que le Sound System disparaisse en même temps que s’arrête leur carrière de technoïde. Lorsqu’on fait des entretiens avec des anciens membres de Sound Systems, beaucoup explique que si le Sound System existe il n’est plus vraiment actif et que la période où il s’est de fait arrêté, c’était… quand ils en sont partis ! Après c’était autre chose, etc. ; – les Sound Systems dont les activités se ralentissent, s’assoupissent sans que l’on puisse savoir s’il s’agit d’une disparition et si les activités ne peuvent pas être réactivées. Les Sarkovals ont permis de réactiver des Sound Systems dont beaucoup pensaient qu’ils n’existaient plus ; Là encore, la situation politique et répressive obscurcit la vision. La loi Mariani-Vaillant a-t-elle accéléré la retraite de la carrière de technoïde ? Ou ne s’agit-il que d’une mise en sommeil en l’attente de situations plus propices ? Difficile à dire en l’état actuel des choses.

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Arrive aussi un moment où la pratique du don lasse le donateur. La motivation faiblit et l’absence de retour direct devient préoccupante alors qu’elle était jusque là considérée comme secondaire. 33. Chacun des acteurs a une vision personnelle de la durée de l’aventure, selon l’intensité de sa propre participation. 34. Entretien Axel (2002).


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La transitivité ne suffit plus. Peu à peu, certaines personnes du groupe finissent par se détacher de l’acte de don. Plusieurs éléments expliquent cette évolution : – la pression sociale qui prétend qu’un don est souvent un gaspillage ; – la perception de la non-reproduction de l’acte de don. Le don est un système de circulation des richesses. « On ne donne pas pour recevoir ; on donne pour que l’autre donne. » (Lefort, 1951) Si le donateur est témoin que le don n’est pas reproduit par celui à qui il a donné, il est démotivé ; – la sortie de la jeunesse et le besoin de construire son âge adulte par l’autonomie financière et donc une plus grande capacité à thésauriser. La mise en couple des sujets peut renforcer cette tendance. À partir de là, on a plus de difficultés à faire des free parties et donc on s’éloigne de ce qui fondait le groupe. L’accroissement de la répression policière et la diminution des free parties affaiblissent le maintien de la subculture : « La seule façon de rajeunir les représentations collectives qui se rapportent aux êtres sacrés est de les retremper à la source même de la vie religieuse, c’est à dire les groupes assemblés. » (Durkheim, 1990 : 494) La hausse de la bureaucratisation a pour effet d’augmenter le niveau de professionnalisation, d’augmenter le coût financier, donc d’exclure les amateurs et les tenants d’une économie du don et de faire baisser le niveau de risque. On peut ici parler d’intégration au sens strict. Toutes les particularités non artistiques sont éliminées. Certains font donc ce choix, d’autres préfèrent totalement abandonner le milieu de la techno n’acceptant pas la perte des « valeurs ». Mais rien n’est complètement éphémère. Des choses survivent aux expériences festives radicales. Et la biographie des déviants n’en a pas moins été marquée par cette aventure.

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Certaines études, certains éléments biographiques des sujets étudiés me pousse à croire que ces mécanismes sont à l’œuvre dans d’autres subcultures, comme le punk par exemple. Je n’ai pas les compétences pour produire de façon rigoureuse de telles comparaisons. Mais il me semblerait inutile que ceux qui les ont se préoccupent de cette problématique.


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Bibliographie BECKER Howard (1985), Outsiders, Paris, Métailié. DURKHEIM É. (1990), Les formes élémentaires de la vie religieuse, PUF. GODBOUT Jack (2000), Le don, la dette et l’identité, Paris, La Découverte. GRINZPAN Emmanuel (1999), Bruyante techno, Clermont-Ferrand, Mélanie Séteun. HOGGART Richard (1970), La culture du pauvre, Paris, Minuit. LAPOUTRE David (2001), Cœur de banlieue, Paris, Odile Jacob. LEFORT Cl. (1951), « L’échange et la lutte des hommes », Les Temps Modernes, vol. 64, p. 1400-1417. MAFFESOLI Michel (2000), Le temps des tribus, Paris, La table ronde. — (2002), La part du diable, Paris, Flammarion. MERTON Robert (1997), Éléments de théorie et de méthode sociologiques, Paris, Armand Colin. MOSCOVICI Serge (1982), Psychologie des minorités actives, Paris, PUF. POURTAU Lionel (2005a), Frères de Son : les socialités et les sociabilités des Sound Systems technoïdes, thèse de sociologie dirigé par Michel Maffesoli, université Paris V René Descartes. — (2005b), « Les interactions entre raves parties et législations censées les contrôler », Déviance et Société, vol. 29, n °2. — (2004), « Les Sound Systems techno, un exemple de vie communautaire », in MABILON-BONFILS Béatrice (dir.), La fête techno, Paris, Autrement. RACINE Étienne (2002), Le phénomène techno, Imago. SECA Jean-Marie (2001), Les musiciens underground, Paris, PUF.

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SYKES G. & MATZA D. (1957), « Techniques of neutralization : a theory of delinquency », American sociological review, 22 , p. 664-670.

Lionel POURTAU est docteur en sociologie. lionel.pourtau@ceaq-sorbonne.org


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note

s de lecture

K. Hammou, A. Pecqueux, O. Roueff & J.-C. Sevin (eds), 2006. L’expérience musicale sous le regard des sciences sociales, Actes des Journées d’études des 13 et 14 octobre 2005, Marseille, SHADYC, Vieille-Charité, mars 2006. (Textes disponibles sur le site du SHADYC, http://shadyc.ehess.fr/sommaire.php?id=323 ) Les actes des journées d’études, organisées à Marseille en octobre dernier, intitulées « L’expérience musicale sous le regard des sciences sociales » viennent de paraître sur le site du SHADYC (EHESS, Marseille). Comme le rappelle Anthony Pecqueux en introduction, leur but n’était pas de réunir des chercheurs travaillant sur la musique mais de présenter les travaux « des chercheurs adoptant un certain regard sur la musique » et d’opérer ainsi un pas de côté par rapport à une somme des savoirs ». Par « expérience musicale », expression qui a servi de fil conducteur aux différentes contributions, il faut donc comprendre trois dimensions concomitantes : celle des acteurs mis en présence, celle de leurs actions et de leurs paroles, celle du jeu des situations. S’attachant tout d’abord aux acteurs et aux pratiques musiciennes, les interventions de Morgan Jouvenet sur les musiques électroniques et le rap, puis celle de Fabien Hein sur le rock, montrent comment les multiples « tactiques » déployées par les musiciens sont au fondement de la musique elle-même. Au-delà des différences de styles musicaux, ils ont en commun d’analyser, en situation, les manières de faire de la musique et de montrer que ces dernières sont bien plus évolutives et inventives que ne le suggèrent les analyses sociologiques et économiques classiques. Souvent en marge des réseaux « industriels » de production, les musiciens étudiés valorisent l’autoproduction, les réseaux informels et la gestion personnelle de leur carrière autant que la mise en place de dispositifs de citations et de légitimation référentielle.

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Ainsi, des acteurs situés, nous passons ensuite aux situations d’écoutes musicales « incorporées ». L’analyse ethnographique d’une séance d’échauffement des conteurs menée in situ (au sein du Labo de la maison du conte) par Anne-Sophie Haeringer montre que l’écoute est certes, une affaire


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Notes de lecture

cognitive mais qu’elle est aussi et surtout une activité corporelle située. En musique, cette écoute se mêle aux objets, aux lieux, aux pratiques pour construire ce que Juliette Dalbavie appelle les formes de l’attachement 1. Travaillant sur les fans de Brassens à partir des lieux de sa commémoration (sa tombe à Sète, le musée qui lui est consacré), elle déploie une méthodologie originale susceptible de mettre en lumière les multiples dispositifs physiques et verbaux déployés par les personnes qui aiment Brassens. Fan, passion, amour de la musique, autant de mots qui posent la question de savoir ce que nous faisons de la musique et ce qu’elle nous fait faire. Double jeu donc que l’on retrouve aussi dans l’article de Maylis Dupont. À partir d’un dispositif expérimental mêlant écoute et interprétation d’un morceau inconnu puis d’un morceau choisi par l’amateur interrogé, elle insiste, à rebours de la conception bourdieusienne, sur l’importance de considérer l’objet musical lui-même autant que les multiples relations, individuelles et collectives, qu’il induit.

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La dernière partie enfin, plus étrangement baptisée « Situations vives », se concentre sur l’expérience musicale dans le jazz. Dans la continuité des « attachements » abordés précédemment, Wenceslas Lizé s’intéresse quant à lui aux conversations in situ entre amateurs. Reposant ainsi les problèmes méthodologiques liés à la posture du chercheur face à l’objet étudié, il invite à considérer les paroles comme des fragments signifiants, constitutifs de nos goûts et de nos passions musicales. Bref, au fil des mots, il met en évidence comment la grammaire verbalisée de nos expériences musicales peut déboucher sur une esquisse des figures de l’amateur. Fermant la marche, Jocelyn Bonnerave aborde quant à lui l’aspect performatif de la musique. À partir de la pragmatique batesonienne et de l’interactionnisme goffmanien, il propose d’analyser les stages de jazz auquel il a participé. S’attachant précisément aux « cadres » inhérents à toute pratique musicale (règles d’un exercice, conditions géographiques, hiérarchie entre les musiciens), il montre ainsi que la musique loin d’être figée se construit, qu’elle est le résultat d’interactions toujours renouvelées entre musiciens, spectateurs et environnement. En conclusion de ces actes, l’anthropologue Olivier Roueff souligne et insiste sur la richesse de ces analyses qui ne renouvellent pas les oppositions micro/macro comme pourrait le penser la sociologie classique, mais qui aident au contraire à comprendre l’une par rapport à l’autre. Et d’ouvrir sur une proposition résumant bien les journées et leurs enjeux : les expériences reposent sur des jeux d’échelles ayant pour point d’entrée des acteurs, des événements, des épreuves. 1. Terme emprunté et faisant explicitement référence aux travaux actuels de la sociologie de l’innovation et plus précisément à ceux, « musicaux », d’Antoine Hennion portant sur le goût des amateurs.


151 L’expérience musicale sous le regard des sciences sociales

Bref, ces actes soulignent le renouvellement, en France, des recherches musicales actuelles en sciences sociales tant sur le plan des objets originaux présentés que sur les problématiques méthodologiques et conceptuelles développées. Critique à l’égard de la posture du chercheur transcendant et de la non considération des objets en situation, ces approches partagent cette conviction que la musique n’est pas uniquement un objet, une économie, une représentation sociale mais bel et bien le résultat toujours inachevé d’expériences individuelles et collectives situées. Cette ouverture est salutaire face aux évolutions culturelles actuelles. Espérons qu’elle fasse des émules dans les différentes disciplines représentées ici et qu’elle appelle à d’autres journées du même type. Vincent ROUZÉ, docteur en Information et Communication, Chercheur associé CEMTI, université Paris 8. vi_rouze@yahoo.fr

Nicholas COOK, 2006. Musique, une très brève introduction[1998], trad. Nathalie Gentili, Paris, Allia.

La tradition de pensée héritée du XIXe siècle ne rendant pas justice à la diversité des pratiques et des expériences désignées par le mot « musique », Cook commence par déconstruire la doxa soutenant

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Musique. Une intense problématique se cache derrière le choix de ce simple terme comme titre d’une récente traduction d’un essai du musicologue anglais Nicholas Cook. Car si à l’aube du XXe siècle l’idée de « musique » avait la limpidité d’une évidence, renvoyant de manière univoque à la tradition musicale artistique occidentale, il ne saurait en être de même cent ans plus tard, quand « les moyens modernes de communication et la technologie de reproduction sonore ont fait du pluralisme une réalité quotidienne » (p. 7). Il s’agit là certes d’un lieu commun, mais qui se transforme en défi pour le chercheur lorsqu’il persiste à traiter de la musique au singulier, tout en ayant reconnu le contexte multiculturel et post-colonial dans lequel s’insère son propos. L’auteur trouvera dans le pragmatisme — terme qui n’est ici pas utilisé — et la revalorisation de l’idée de performance une clé pour repenser la musique de façon unitaire sans pour autant retomber dans les ornières d’un essentialisme des valeurs… occidentales.


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Notes de lecture

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l’hégémonie de la musique classique par un « retour à Beethoven » (chapitre 2). Après un rappel historique sur la construction de la subjectivité musicale bourgeoise (l’autonomisation de la musique, l’institution du concert, l’idée de génie, de contemplation, la capacité de la musique à transcender le temps et l’espace pour devenir un objet désincarné, etc.), l’auteur s’arrête un long moment sur cette curieuse invention du XIXe siècle : le « musée musical ». L’idée de canon, de répertoire ou encore d’un « musée imaginaire » où il faudrait absolument conserver les chefs-d’œuvre de notre patrimoine coïncide historiquement, au moment de la mort de Beethoven, avec l’avènement de la catégorie de « grande » musique, et permet de séparer les objets « du contexte dans lequel ils étaient employés et mis en valeur pour pouvoir les juger d’après un critère de beauté intrinsèque, unique et universel » (p. 37-38). Ce canon consiste dans la transformation de quelque chose que l’on fait en quelque chose que l’on connaît 1. Ce parti pris trouvera sa pleine expression dans une esthétique qu’on pourrait qualifier d’optico-centrée, dans la mesure où elle situe l’essence de l’œuvre musicale non pas dans sa réalisation sonore mais dans la partition. Or, l’auteur nous rappelle qu’une telle conception conduit à faire de la musique un « objet 1. Auparavant, la musique jouée était exclusivement contemporaine et on a commencé à ressortir de l’oubli la musique de Bach, ce n’est pas un hasard, après la mort de Beethoven. Cook donne à plusieurs reprises des éléments de réflexion sur les transformations actuelles du canon musical, notant que celui-ci comprend désormais certaines œuvres du rock ou d’autres musiques populaires comme le jazz. Le rock, pas moins qu’une autre musique, n’échappe à sa patrimonialisation qui le coupe de son ancienne fonction sociale. Néanmoins, en vertu de sa qualité de musique interprétée plutôt que composée (voir infra), la musique populaire n’entre pas si aisément dans le répertoire, ou seulement sous la forme de l’enregistrement discographique. Nous avons là un argument qui revalorise curieusement le terme, parfois remis en question en France, de « musiques actuelles ». Celui-ci à en effet le mérite de mettre l’accent sur l’idée que la musique populaire ne prend son sens que dans l’interaction avec son public, dans son actualité. Que la patrimonialisation du rock se heurte à son attachement consubstantiel à l’idée de performance n’est peut-être finalement pas si dommageable et signe toute la spécificité des musiques populaires.


Musique, une très brève introduction

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imaginaire » (chapitre 4) et nourrit le fantasme d’une œuvre idéale que son interprétation ne ferait que trahir. Pour Cook, il semble clair que sans « réalisation mondaine », une telle œuvre n’existe tout simplement pas. La notation écrite est une médiation nous permettant de vivre la musique en l’arrachant à l’expérience du temps vécu, celui de l’interprétation. L’altération que constitue cette représentation écrite est pourtant nécessaire, c’est en quelque sorte la condition d’une pratique réflexive sur la musique, d’une ethno-théorisation qui n’est évidemment pas l’apanage de la seule culture occidentale. En effet, « toutes les cultures musicales sont fondées sur la représentation, qu’elle soit notationnelle, gestuelle, ou autre » (p. 77). Mais l’écueil dans lequel semble avoir sombré la tradition classique est de confondre cette médiation avec l’expérience même de la musique qu’elle était censée représenter 2. D’où cette critique par Cook du musée imaginaire qui repose finalement sur une confusion entre l’objet de représentation et l’expérience temporelle. Cette emphase sur la performance, sur l’expérience vécue, est le véritable champ de bataille de l’auteur et signe son attachement au renouveau des cultural studies anglo-saxonnes qui abordent sans complexe le point de vue et les objets des cultures populaires comme nouveau point de départ de leurs recherches. Témoin cet extrait d’un article où il définit ses rapports avec sa discipline : Pour des raisons remontant au XIXe siècle et à la formation de la discipline sur le modèle de la philologie, la place occupée par l’étude de textes écrits en musicologie (j’entends la musicologie de la musique classique occidentale) est démesurée et n’aborde qu’un aspect seulement de la fabrique musicale. L’une des tâches que la musicologie doit encore accomplir aujourd’hui est de traiter de la musique en tant que performance — ce qui revient à dire la musique telle qu’elle est vécue dans la vie de tous les jours par pratiquement tout le monde (à l’exception des musicologues, serait-je tenté de rajouter). (Cook, 2004a : 7)

Mais l’originalité de sa position repose sur un certain art de la nuance. Il ne rejette pas en effet toute analyse de la musique dans sa dimension d’œuvre fixée, mais note que la musique occidentale tend très fortement par son histoire à se rapprocher d’une esthétique de la seule représentation. Il la considère dès lors comme « une magnifique exception » et non comme un modèle à partir duquel juger le reste des productions musicales. Dans cette optique, elle reste une « interprétation de » alors que les musiques populaires modernes ou d’autres traditions orales sont des « interprétations », tout court. Voilà pourquoi il est souvent vain de vouloir les analyser avec les méthodes traditionnelles

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2. Dans son article sur « Forme et Syntaxe » (Cook, 2004b), l’auteur revient en ce sens sur la confusion entre description et prescription à propos de la « forme sonate », dont la structure est rarement perçue comme telle par l’auditeur. On devrait entendre ce qu’il y a écrit sur la partition, et pourtant, ça n’est pas le cas…


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Notes de lecture

de la musicologie. Au contraire, c’est la musique classique qui a grand besoin d’être étudiée selon le prisme de la performance, et en ce sens la musicologie classique aurait beaucoup à apprendre de l’ethnomusicologie ou des « popular music studies » (voir Cook, 2004a : 22-23). Et l’auteur de noter que cette prise de conscience de l’importance de notre propre participation dans la musique — considérée comme fait social plutôt que comme objet éthéré offert à notre contemplation — a été peu à peu réalisée et a réussi à bouleverser le champ académique (anglo-saxon pour le moins) depuis deux décennies, donnant lieu à une « nouvelle musicologie ». Les deux derniers chapitres sont consacrés à ces changements (« Musique et académie », « Musique et genre »). Notons pour terminer que dans cet ouvrage, Nicholas Cook propose finalement un état des lieux de la recherche internationale en musicologie tout à fait salutaire de ce côté ci du channel. La présentation de cette « nouvelle musicologie » s’avère être stimulante et riche en perspectives pour l’étude de toutes les musiques. Elle inaugure sans doute une recherche maintenant libérée de l’omniprésence d’un concept désormais dépassé qui désire laisser place à la prise en compte des pratiques réelles des multiples communautés musicales. En considérant que seule une attention à la dimension performative de la musique peut nous permettre de les envisager toutes sans avoir besoin de les hiérarchiser, Cook n’est pas loin de réussir son objectif annoncé dans l’avant-propos : « Déployer une carte sur laquelle pourrait, en principe, figurer chaque musique. » Emmanuel PARENT, doctorant en anthropologie, LAHIC-IIAC, EHESS-Paris, eparent@seteun.net

Orientation bibliographique

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COOK, Nicholas (2004a), « Making music together, or improvisation and its others », The Source, Challenging Jazz Criticism, Leeds College of Music, p. 5-25. —, (2004b), « Forme et syntaxe », in Nattiez, Jean-Jacques (dir.), Musique. Une encyclopédie pour le XXI e siècle, vol. 2, « Savoirs musicaux », Paris, Actes Sud/Cité de la musique, p. 162-188.

Une liste exhaustive de la bibliographie de Nicholas Cook est disponible sur le site http://www. rhul.ac.uk/Music/Staff/NickCook_P.html


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comp

te-rendu

« Géographie et musiques : quelles perspectives ? », Compte-rendu de la journée d’étude du 8 juin 2006 au Centre Malesherbes de l’Université Paris IV-Sorbonne. Les associations fréquentes de termes géographiques et musicaux dans le paysage lexical évoquent une relation socialement admise entre musique et territoire. Ne parle-t-on pas en effet de « musique régionale » ou « nationale », « musiques du monde », musiques urbaines, rurales ou encore « musiques du paysage » ? Plusieurs intitulés d’évènements culturels ou d’oeuvres artistiques de « musique spatiale » participent de cette tendance… La rencontre entre espace, territoires et musiques est donc exprimée verbalement, manifestée et entendue, tant sur le terrain des compositions musicales contemporaines que sur celui des adhésions identitaires ou des politiques culturelles. Elle stimule la curiosité des chercheurs en sciences sociales qui, loin de considérer la musique comme un objet esthétique autonome, se penchent sur l’analyse de ses espaces, modes de production, pratiques et imaginaires. Récemment, les liens entre Espace et Musique ont fait l’objet de colloques en musicologie ou Cultural Studies à Lisbonne (octobre 2005) et Manchester (juin 2006). Si l’ensemble des sciences humaines s’intéresse à l’espace sonore et aux liens entre identités, territoires et musiques, il semble légitime de s’interroger sur les perspectives d’approche de la musique par la discipline géographique. Quel est le rôle de la musique dans la création, singularisation et promotion de territoires, d’espaces virtuels et de frontières ? Dans quelle mesure la musique peut-elle devenir l’instrument de légitimation, d’affirmation, ou de contestation de territoires politiques ? Comment participe-t-elle à la géographie de nos parcours quotidiens ?

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Afin de proposer des éléments de réponse et de fédérer les travaux universitaires, une journée d’étude a été organisée le 8 juin 2006 par le laboratoire « Espace, Nature et Culture », Dominique Crozat, Louis Dupont, Claire Guiu, Joël Pailhé et Jean-René Trochet à l’Université Paris IV-Sorbonne. Quatorze intervenants et une cinquantaine de participants de diverses disciplines ont échangé sur leurs recherches associant espace, territoire et musique.


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Compte-rendu

En introduction, Claire Guiu a proposé une synthèse des études géographiques existantes sur le sujet. Les géographes ne sont pas restés à l’écart des mouvements d’échanges et de dialogues interdisciplinaires autour de la musique. Plusieurs chercheurs de Berkeley s’étaient intéressés depuis les années 1970 à la diffusion des genres musicaux et à l’écoute sonore. Le champ d’étude s’est étendu dans les années 1990 dans le cadre d’un « tournant culturel » marqué par un renouvellement des approches de la culture ainsi que par un élargissement des thèmes de recherche. De nombreux géographes (Susan Smith, Jean-Marie Romagnan, Mike Crang, George O. Carney, Jacques Lévy ou Ian Cook, parmi d’autres) ont appelé à ce que le son en général, et la musique en particulier, s’intègrent davantage à l’imaginaire géographique. Pourtant, malgré la multiplication d’articles et les promesses de perspectives fécondes, l’état des lieux d’analyse révèle une géographie de la musique éparse et peu coordonnée.

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La première séance de la journée a porté sur la musique comme « géo-indicateur » des dynamiques territoriales, entre local et global. Xavier Leroux a considéré les manifestations de musiques et danses traditionnelles comme l’un des éléments de définition du pays Lille-Dunkerque. Olivier Goré a ensuite montré dans quelle mesure les pratiques localisées de festnoz en Bretagne constituaient à la fois un indicateur de la territorialisation des pratiques socio-culturelles locales et un élément performatif d’une identité bretonne internationalisée. Enfin, Patrick Rérat a mis à jour, à partir d’une analyse sémiotique d’une couverture de disque, les dynamiques d’appropriation nationale du hip-hop en Mongolie. À ce sujet, Schehrazed Ouahabi a souligné la similitude entre le cas présenté et les processus d’adoption et d’adaptation locale de genres musicaux mondialisés (le rap et le raï) par la jeunesse algérienne. Les trois communications proposaient donc, comme l’a souligné Anne Hertzog, une réflexion sur les processus de patrimonialisation et les tensions entre fixité et mobilité, entre local et global, à trois échelles différentes (pays, échelle régionale et État). Cette réflexion a été approfondie lors de la deuxième séance portant sur le rôle des manifestations musicales dans la création de territoires singuliers, éphémères, voire virtuels. Samuel Etienne et Gérôme Guibert ont présenté leur travail de terrain sur les pratiques de musiques amplifiées dans le bocage vendéen. L’émergence de scènes locales (punk et metal notamment), structurées par un réseau d’acteurs et de sociabilité, dessine des territoires musicaux en marge des représentations régionales et d’une visibilité médiatico-politique. Ces pratiques s’inscrivent à la fois dans les lieux de la performance musicale et dans les réseaux informels et cybernétiques de diffusion. Éric Boutouyrie


« Géographie et musique : quelles perspectives ?

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a ensuite exposé une partie de ses travaux de doctorat sur la création de territoires éphémères par la musique techno. Il s’est intéressé aux mobilités des participants, aux sites choisis et aux mises en spectacles des lieux de parties trance, par la construction de goa villages qui semblent fonctionner selon les éléments structurels d’une micro-cité parfaite. Ces nouveaux mondes d’adhésion, clos et éphémères, s’ancrent territorialement comme des figures de l’Eden, de l’Utopie et de l’île. L’après-midi, les pratiques et manifestations musicales ont été appréhendées comme des géo-symboles, offrant tout à la fois une forte charge d’adhésion émotionnelle aux groupes et une ressource politique de promotion territoriale. Marie Pendanx s’est penchée sur les diffusions, pratiques et imaginaires des bandas dans le sud-ouest de la France. Ces formations musicales fonctionnent comme des pôles d’adhésion de plusieurs identités vécues et projetées à différentes échelles. Elles cristallisent la cohésion des groupes (penyas), véhiculent des valeurs et performent les lieux. Vecteurs d’images et de représentations territoriales, elles dessinent des territoires d’identification allant du village, au « Sud-ouest » et à une Espagne réinventée. Dans une autre perspective, les deux communications suivantes ont porté sur l’appropriation par les pouvoirs politiques et les institutions culturelles des pratiques musicales sur un territoire. Loïc Lafargue s’est demandé comment Marseille était devenue la « Mecque » du rap en France et a analysé les raisons d’une identification unique en France entre une ville et ce genre musical. Le rap a été mis au centre de stratégies d’images visant à transformer les stigmates de Marseille en ressources. À l’inverse, Pierre Jamar a conté le « récit inachevé d’une appropriation politique manquée », en mettant à jour le décalage entre un fort taux de pratiques d’art lyrique en Provence et l’absence de promotion touristique correspondante. Les trois communications ont souligné le rôle des pratiques musicales dans la diffusion d’imaginaires et de représentations territoriales.

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La dernière séance, présentée par Béatrice Collignon, a porté sur les aspects performatifs du fait musical à plusieurs échelles. Comment les manifestations musicales et sonores transforment-elles les villes, les lieux et les individus ? Yves Raibaud s’est intéressé à la fête comme expérience de la ville. Par une analyse comparative de deux événements festifs girondins, il a montré les variations des liens qui unissent la ville, le public et la musique et a souligné l’aspect performatif de la manifestation musicale festive dans l’appropriation des territoires. À une échelle plus large, Vincent Rouzé a proposé une approche communicationnelle des musiques diffusées dans les lieux publics et a révélé les modes de production et stratégies de ces musiques « invisibles », du « décor », « que


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Compte-rendu

l’on n’écoute pas », mais que le chercheur étudie pourtant. Enfin, la journée s’est terminée par une audition des compositions d’Andrea Martignoni, jouant avec le paysage sonore urbain comme expression poétique d’une ville au quotidien et des déambulations de ses différents acteurs. Au terme de ces interventions, Yves Raibaud a conclu en dégageant brillamment les multiples relations entre musiques et territoires. La musique est tout à la fois un « géo-indicateur » et un vecteur d’images et d’imaginaires. Elle cristallise des adhésions territoriales tout en s’insérant dans des circuits de production et de diffusion à différentes échelles territoriales. En tant que pratique culturelle, elle constitue aussi une ressource de gestion culturelle et d’animation des territoires. La variété des approches et des objets considérés par les intervenants a montré la richesse des approches spatiales du fait musical. Cette journée a surtout voulu fédérer et promouvoir les initiatives de ce champ encore marginal du paysage universitaire. Elle a révélé le caractère « polyfacétique » de plusieurs chercheurs, géographes, sociologues et musiciens, et constituera certainement un premier pas vers de futures collaborations. Un numéro spécial de la revue Géographie et Cultures publiera au printemps 2007 une partie des interventions.

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Claire Guiu, doctorante, université Paris IV-Sorbonne, université de Barcelone, Casa de Velázquez, claireguiu@hotmail.com


volume! copyright

Numéros parus en 2005 : Copyright Volume ! 2005-1, 172 pages, 12,50 €

Dossier : « Musiciens-sociologues. Usages de la réflexivité en sociologie de la culture » (dirigé par Philippe Le Guern) – À la fois sociologue et musicien : retour sur une enquêtre de terrain – Se raconter en musicien : remarques sur la valeur sociologique de l’autobiographie – Où sont les gens ? Réflexions autour d’une ethnographie des terrains de bal – Femmes dans un monde d’homme musicien : des usages épistémologiques du « genre » – L’embusqué à découvert / Radio de proximité : l’expérience de Kayira FM (Bamako) Varia : La globalisation du rock vu de Calcutta

Copyright Volume ! 2005-2 132 p., 12,50 €

Dossier : « Musiques actuelles un pas de côté », (dirigé par D. Tassin et Ph. Teillet) – Quel modèle économique pour les scènes de musiques actuelles ? – Quelles formes d’implication dans les lieux de musiques actuelles et amplifiées ? – Musicaliser le quotidien : analyse et enjeux de mises en scène particulières – Minorités actives dans le milieu musical régional – Espaces de solidarités, de divergences et de conflits dans la musique montréalaise émergente – De l’écoute révoltée du hardcore à la posture du mélomane expert (le Confort moderne à Poitiers) – La techno, entre contestation et normalisation

Varia : Le concept album : une vaste « escrockerie » ?

Précédents numéros : Copyright Volume ! 2002-2. 12,50 € (équipements culturels et quartiers, sites technologiques et panoramas sonores, métissage et authenticité chez Zebda, l’électronique dans la musique, Selby et le rock, géographie de l’industrie musicale en France). Copyright Volume ! 2003-1. 12,50 € (les fanzines, le jazz dans les œuvres de Milhaud, Ravel, Stravinsky et Satie, l’orchestre au XXIe siècle, la oi!, Walter Benjamin et le jazz). Copyright Volume ! 2003-2. 12,50 € Acte du colloque de Manchester « French popular music » (Malbrouk, les chanteuses au café-concert, corps et imaginaire dans la chanson réaliste, Aux armes, etc..., Léo Ferré, Renaud, le choix de la langue dans le rock en France, France et electronica, l’Arabe dans la chanson française, exposer des objets sonores : Georges Brassens). Copyright Volume ! Hors-série 1. 15 € « Rock et Cinéma » dirigé par François Ribac (Phantom of the Paradise, Exploding Plastic inevitable, A Hard day’s Night de Richard Lester, Come to Daddy, kinok et rock, Zappa et le cinéma...). Copyright Volume ! 2004-1. 12,50 € (deux exemples de presse musicale jeune : Salut les Copains et Rock & Folk, la partition graphique, Zappa, la représentation sociale dans la techno et le punk, the practice of bootlegging, l’électronique dans la musique). Copyright Volume ! 2004-2. 12,50 € « Sonorités du hip-hop. Logiques lobales et hexagonales » (le franchissement de l’Atlantique, rap et chanson française, rap et musicologie : le MIA, la violence du rap comme katharsis, musique et danse hip-hop, hip-hop et DJing, aesthetics of sampling in Ghost Dog, media studies: the (not so) strange case of MTV & Eminem...).


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Instructions aux auteurs Soumission des manuscrits. Les auteurs doivent envoyer trois exemplaires de leur manuscrit (y compris les éventuels tableaux et figures) au siège de la revue. La soumission d’un manuscrit implique qu’il ne contient que des travaux originaux non publiés et non soumis à une autre revue dans le même temps. Les propositions prennent les formes suivantes : - Articles de recherches : synthèses ou résultats de recherches significatives et originales (50 000 signes maximum). - Communications techniques : tests et propositions d’innovations méthodologiques. - Notes brèves : identiques aux articles de recherches mais dans un format plus restreint (12 000 signes ou équivalent maximum). - Notes de lecture (5 000 signes maximum). Les auteurs doivent également soumettre (avant l’acceptation finale du manuscrit pour publication) : - une version électronique du manuscrit (voir les formats acceptés ci-après) ; - les éventuelles autorisations de reproduction de schémas, graphiques et toute autre forme d’illustrations précédemment publiées et reprises dans le manuscrit soumis. Soumission électronique. La copie électronique de la version finalisée doit être envoyée à la revue avec les copies papier qui seront utilisées comme les copies de référence. Les disquettes doivent formatées PC, le logiciel utilisé et le nom de l’auteur clairement mentionnés. Utiliser de préférence, un traitement de texte de type Word ou WordPerfect, et enregistrer le texte sous format RTF. Les illustrations et tableaux doivent être fournies en format numérique autant que faire se peut. Chaque figure doit être sauvegardée sous un fichier unique, au format TIFF ou EPS, en indiquant le logiciel source utilisé (exemple : Adobe Illustrator,…). Format du manuscrit. Copyright Volume ! publie en français et en anglais. Les articles soumis seront imprimés en recto uniquement, avec double interligne et une marge de 3 cm tout autour de la page. Les illustrations seront imprimées sur des pages séparées et ne doivent pas être incluses dans le texte. Chaque article soumis comportera : - Une page de titre avec le titre complet (maximum 70 caractères), les noms et affiliations des auteurs. L’adresse complète (y compris numéros de téléphone, fax et mél) de l’auteur correspondant devra être indiquée. - Chaque article sera accompagné d’un résumé de 300 mots maximum (100 pour les notes) et de quelques mots-clés pour les besoins d’indexation (5 maximum). Un résumé est un aperçu rapide de l’ensemble de l’article et non ses seules conclusions ; il doit être intelligible sans recours au reste de l’article. Normalement, il ne contient pas de référence à d’autres travaux publiés. Références bibliographiques. Les références seront appelées dans le texte par le nom de l’auteur et l’année de publication puis listées à la fin de l’article. Lorsqu’il est fait référence à plus d’un travail par le même auteur publiés la même année, les citations seront identifiées ainsi : (Durant, 1999a), (Durant, 1999b). Lorsqu’il y a plus de deux auteurs pour une publication, faire référence ainsi : Durant et al., 1999. Références types :

Volume ! 2006-1

BLAND W. & ROLLS D. (1997), Musicologie : introduction aux principes scientifiques, Paris, Ed. Suivantes, 235 p. BLAND W. & ROLLS D. (1977), « Sons et langages », in Mauvissier (D.), Acousmatiques, Nantes, Ed. Duvent, p. 32-55. DEMINE E. (2000), http://seteun.free.fr/dossier/sonore/acm.htm [02-07-2000]

Illustrations et tableaux. Chaque illustration sera fournie sur une page séparée avec le nom de l’auteur, le numéro de figure et la légende clairement indiqués sur le verso. Seuls les originaux seront acceptés (pas de photocopies). Les indications typographiques devront tenir compte d’une éventuelle réduction de l’illustration pour mise au format de la revue. Informations complémentaires. Après relecture par le comité scientifique et acceptation finale de l’article des épreuves seront envoyées à l’auteur correspondant pour vérification. Cette étape permettra la seule correction des erreurs d’édition. Les épreuves devront être retournées dans les plus brefs délais (une semaine maximum) afin d’éviter le risque de report de la publication au numéro suivant. 2 exemplaires de la revue seront envoyés à chaque auteur correspondant. Le respect de ces instructions permet un traitement plus efficace des articles soumis et, par conséquent, une publication plus rapide.


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Numéros paraissant en 2006 2006-1 « La presse alternative »

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Éditions Mélanie Séteun 11, rue rue du Bas-mur 63 450 Saint-Amand Tallende

2005-1 2005-2 2006-2, « Les scènes metal »



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