Mémoire Cubania

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CUBANIA



CUBANIA 1 Les Ecoles Nationales d’Art de la Havane, un patrimoine architectural et culturel de la révolution à révéler.

Sandra Teboul Ecole Spéciale d’Architecture Mémoire/projet de fin d’études 2018-2019

1. Lorsque la «cubanidad» est la condition générale du peuple cubain, la «cubanía» est une cubanidad pleine, sincère, consciente et désirée.



DIRECTEUR DE DIPLÔME Frank Salama Architecte DPLG Enseignant du laboratoire Habiter l’Anthropocène à l’ESA Paris

PRÉSIDENTE DE SOUTENANCE Doris Von Drathen Historienne et critique d’Art Enseignante en Histoire de l’Art à l’ESA Paris

ENSEIGNANT EXTÉRIEUR À L’ESA Juan Luis Morales Architecte DPLG Enseignant du Master Villes d’Amérique Latine à l’ENSAPLV

EXPERTE Virginia Laguila Architecte/paysagiste Enseignante du Master Villes d’Amérique Latine à l’ENSAPLV

ARCHITECTE DESA Rebecca Levy Architecte DESA, DPLG

CANDIDE Fanny Tassel Architecte, médiatrice culturelle Enseignante en Art à l’ESA Paris



SOMMAIRE _ Encantada, Cuba

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La Revolution cubaine : une epopee heroique

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L’IDeOLOGIE RevolutionNAIRE APPLIQUeE a L’ARCHITECTURE

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Les Ecoles d’Art Cubanacan

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Post-Revolution : entre deni et oppression

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SOCIALISME et dictature

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DELABREMENT DU CADRE URBAIN

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Seconde utopie : la reconnaissance de l’heritage

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La prise de conscience DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL CUBAIN

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Des actions insuffisantes POUR SAUVER LA HAVANE

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Quelle architecture contemporaine pour la Havane ?

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LEs ressources locales disponibles

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Les ecoles D’ART COMME MODeLE DE CONCEPTION

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L’ARCHITECTURE DE LA CUBANIte

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LA HAVANE, AUJOURD’HUI

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INTENTIONS DE PROJET

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BIBLIOGRAPHIE

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LA HAVANE


REGLA

VEDADO

CENTRO HABANA

ESTE

HABANA VIEJA GUANABACOA

CERRO

ECOLES NATIONALES D’ART

DIEZ DE OCTUBRE SAN MIGUEL DEL PADRON

PLAYA MARIANAO ARROYO NARANGO LA LISA

BOYEROS

LA HAVANE

CUBA


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ENCANTADA, CUBA. _ Lors de mes voyages à Cuba, j’ai été frappée par la joie des cubains, malgré les difficultés liées à la pauvreté et au régime, par le quotidien coloré, la vie collective et animée, la musique omniprésente, la danse, et surtout par la beauté impressionnante et abimée de la Havane.

fig.1. “Cubania”, document personnel

Tout a commencé par une rencontre avec de jeunes artistes cubains à Trinidad. Ils m’expliquaient devant un live au « Yesterday », où se retrouvent les rares rockers de la ville pour écouter de la bonne musique, qu’ils rêvaient de quitter l’île pour plus d’opportunités et de liberté artistique. L’un d’entre eux avait eu la chance de suivre Charly García, « El Rey de la roca Argentina », lors d’une tournée pour un reportage, et comptait repartir pour de bon à la fin de ses études. Les autres s’échangeaient des playlist et des films en anglais sur clé, un traffic de rue courant ici, faute d’accès à Internet et à cause de la censure de nombreux titres internationaux. Ils parlaient de Cuba comme d’un amour impossible, tiraillés entre leur attachement à l’île et à sa culture, et leur impossibilité de s’exprimer librement ou d’acquérir de la reconnaissance en tant qu’artistes. Touchée par leurs témoignages, j’ai commencé à me questionner sur les traces de la liberté à Cuba, à ses rapports à l’anarchie durant la révolution, puis à ses limites, et enfin à ce nouveau désir plus doux de révolution qui touche la jeunesse cubaine d’aujourd’hui. Bien que l’avenir du pays soit encore incertain, son ouverture graduelle vers le monde laisse entrevoir, outre les doutes et inquiétudes sur l’impact de la mondialisation, un semblant d’espoir.

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L’architecture a toujours déterminé l’identité cubaine. Plus particulièrement à la Havane, elle a permis de matérialiser les différentes strates historiques et politiques du pays. Depuis la période coloniale, emblématique de l’architecture cubaine, les constructions sont témoins du développement de la société, navigant entre oppression et libération.

Par quels moyens peut-on préserver et promouvoir l’identité cubaine, à travers l’architecture, dans un contexte de libéralisation ? Comment définir le vernaculaire contemporain cubain ?

Pour mieux comprendre l’évolution de la société cubaine contemporaine, je me suis plongée dans la période remplie d’espoir des débuts de la révolution. J’y ai découvert une architecture imprégnée de la culture cubaine et de l’esprit révolutionnaire poétique : les Ecoles Nationales d’Art de la Havane. Après un début prometteur, les projets de construction d’écoles d’art à la Havane au début des années 1960, expérimentaux et novateurs, sont abandonnés avec le durcissement du régime.

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Elles ne sont que peu mises en valeur pendant plusieurs décennies, jusqu’à ce qu’une certaine reconnaissance internationale, et le régime castriste, à la fin des années 1990, décident d’y remédier. Des projets de rénovation sont alors lancés, dans le but de préserver cet héritage. Ces projets n’ont eu qu’une durée limitée et les écoles semblaient à nouveau en danger, jusqu’à ce que de récents investissements de l’étranger ouvrent la possibilité d’une complète restauration. Les Ecoles d’Art de la Havane sont devenues les architectures emblématiques de la Révolution cubaine, et portent en elles le symbole de la libération. Cela leur a permis de se replacer régulièrement dans l’actualité depuis plus de cinquante ans, à travers les enjeux de préservation de l’héritage cubain. Grâce à l’histoire chaotique des Ecoles, nous pouvons analyser l’évolution parallèle de l’architecture à la Havane. Elle passe elle aussi par des périodes complexes, entre l’impulsion libératrice de la révolution, l’arrivée du modèle soviétique et ses conséquences en architecture, et enfin les espoirs et craintes liés à l’ouverture du pays.

En analysant le développement de la ville depuis la révolution, peut-être pourrons-nous déceler les enjeux architecturaux de la récente et timide libéralisation, et les liens entre l’héritage et l’identité à Cuba. Que ce soit par la préservation du patrimoine ou par la promotion de valeurs nationales comme l’éducation ou la culture artistique, les cubains font entendre de plus en plus leur voix grâce à l’ouverture économique de l’île. Dans le cas de la Havane, la société contemporaine cubaine est en attente d’un renouveau de l’architecture, pour accompagner cette nouvelle période de transition.

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REVOLUTION CUBAINE : UNE EPOPEE HEROIQUE _ Cuba, avril 1959 — la révolution tourne une nouvelle page de l’histoire cubaine.

fig.1. Fidel Castro et Ernesto Guevara jouant au golf au Country Club, 1959

Lors d’une partie de golf dans le célèbre et bourgeois Country Club de la Havane avec Che Guevara, Fidel Castro a une idée : ériger les plus prestigieuses Ecoles d’Art du pays, pourquoi pas du monde, et ce sur ce même terrain. Le projet, comme dans tous les moments de transition historiques, doit montrer que le changement sera bénéfique pour l’île.

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L’IDEOLOGIE REVOLUTIONNAIRE APPLIQUÉE À L’ARCHITECTURE

CONSTRUIRE POUR LE PEUPLE L’un des principaux objectifs de la Révolution est de formuler une nouvelle identité cubaine qui lui correspond, en accord avec les idéologies socialistes qu’elle promeut. Le domaine de la culture est particulièrement visé par cette définition, car il permet de répandre l’image du nouveau Cuba autant à sa population qu’à l’international. L’idéologie révolutionnaire de 1959 calque une partie de ses principes sur des pensées datant du XIXème siècle du fondateur du Parti révolutionnaire cubain, José Marti. Pour unir les forces de la nation, il est essentiel de définir la « cubanidad »1, dans un processus d’intégration des valeurs culturelles d’origines hispaniques et africaines du pays. L’expression de la recherche de la spécificité cubaine se retrouve dans de nombreuses oeuvres du XXème siècle, plus particulièrement en littérature avec des auteurs comme Alejo Carpentier ou Nicolas Guillen, et en peinture à travers les tableaux d’Amelia Pelaez, René Portocarrero ou encore le plus emblématique Wifredo Lam.

1. La cubanidad est le sentiment d’avoir une identité cubaine, en tant que descendants d’immigrants de la diaspora cubaine.

En architecture, Cuba se définit alors majoritairement par ses racines coloniales créoles, faussant la réalité de la mixité culturelle présente sur l’île. Néanmoins, un petit groupe de jeunes architectes milite pour une pratique de l’architecture portée par le mouvement moderne, tout en gardant un lien avec les valeurs architecturales créoles. Ils recherchent une expression régionaliste du modernisme, pour s’internationaliser à travers leur héritage culturel. Parmi ces architectes se trouvent Ricardo Porro et Nicolas Quintana, étudiants à l’Université d’Architecture de la Havane.

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Dans la première moitié du XXème siècle, les architectes à Cuba puisent leur inspiration dans le style international, et tentent de pratiquer un modernisme auquel s’ajoute une certaine spécificité cubaine. L’architecte Eugenio Batista définit des principes de l’architecture moderne, adaptés au contexte tropical de Cuba : les trois P (pour Patio, Persienne et Portique). Dans les années 1940, sont construits à la Havane des édifices qui détonnent avec le paysage urbain colonial qui les entoure. On retrouve par exemple sur le Malecon le stade José-Marti, ou des bâtiments d’habitation comme l’immeuble Solimar de Manuel Copado, d’influence Bauhaus. Ainsi commence l’avènement du mouvement moderne cubain, qui se poursuit de manière plus prononcée durant la décennie suivante. En effet, sous le régime de Fulgencio Batista, trois « familles » de constructions émergent du sol havanais : les monuments de la dictature, symboles du pouvoir écrasant, les édifices commerciaux et résidentiels de style international, présents notamment dans le quartier du Vedado, et quelques plus petits projets expérimentaux empreints de la « cubanidad » à Miramar. Maisons, villas, immeubles ou bâtiments administratifs sont généralement composés par les même matériaux : le béton, le métal, le verre, la brique et le bois. Par exemple, on retrouve l’emblématique Cabaret Tropicana (1952) par Max Borges, avec ses cinq arches de béton, entre lesquels se glissent des parois de verre. Ce bâtiment reflète également la présence accrue de la mafia américaine à la Havane au début des années 1950. Cette période précédant la Révolution marque la prospérité de l’architecture privée dans la capitale, privilégiant les investissements étrangers et négligeant les besoins de la population locale.

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De jeunes architectes (dont Ricardo Porro) s’opposent tout de même à cette pratique dictatoriale et capitaliste de leur profession. Le Cuba révolutionnaire succédant à la chute du régime de Batista est impopulaire auprès des architectes de l’époque. L’exode massif de ces derniers permet à Porro et à ses confrères de prendre les devants de la scène architecturale cubaine du nouveau gouvernement de Fidel Castro. Une ambition de la Révolution est d’éradiquer l’analphabétisme à Cuba, et en plaçant l’éducation en avant-plan des décisions politiques, de s’en servir pour promouvoir la culture locale. C’est dans ce contexte que l’idée des Ecoles d’Art apparait, devant dans un premier temps accueillir les enfants de la classe ouvrière cubaine, puis prenant une dimension sociale d’avantage étendue à travers la vision plus globale d’Ernesto Guevara. Il souhaite offrir des bourses à quelque 3 000 étudiants du Tiers Monde, et en faire un centre international pour l’Afrique, l’Asie et toute l’Amérique Latine. Il veut former les artistes qui exprimeront esthétiquement l’idéologie socialiste, dans un esprit inter-culturel d’échange et d’inclusion. NATIONALISATION DE LA HAVANE Après la Révolution d’avril 1959, le statut de la Havane et de ses quartiers est modifié sous la volonté de son nouveau dirigeant, Fidel Castro. Pour commencer, on observe un exode massif de la société bourgeoise cubaine et étrangère de la capitale, qui laisse derrière elle ses villas luxueuses du Vedado et de Miramar. Ces lieux sont sous peu nationalisés, et pour la plupart dès lors habités par des membres du parti socialiste. D’autres maisons sont détournées en logements pour les ambassadeurs et leurs familles, souvent alliés à la cause communiste révolutionnaire.

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La ville devient alors globalement « dé-privatisée », hormis en ce qui concerne les résidences des personnalités rattachées au gouvernement en place, détonnant avec les idées prônées publiquement par le parti. Dans les bâtiments privés reconvertis par l’état, nous retrouvons l’ancien très élitiste Country Club qui devient Cubanacan, pour laisser place aux Ecoles d’Art publiques. Certaines villas aux alentours du terrain sont également reconverties en résidences étudiantes pour accueillir les nouveaux usagers du quartier.

LES ECOLES D’ART CUBANACAN

UN CUBAIN, DEUX ITALIENS La Havane, 1961 — Selma Diaz, est désignée pour coordonner les projets des Ecoles d’Art, et charge le jeune architecte cubain Ricardo Porro de les édifier. Il propose à son tour à ses confrères italiens Roberto Gottardi et Vittorio Garatti de se diviser les cinq écoles : Porro s’occupe de l’Ecole d’Arts Plastiques et de Danse Moderne, Garatti de l’Ecole de Ballet et de celle de Musique, et Gottardi de l’Ecole d’Arts Dramatiques. Le choix de répartition des programmes et du terrain se fait par intuition et affinités. Leur but est de créer des bâtiments bien distincts, en totale liberté créatrice, mais en s’accordant sur deux lignes de conduite. L’architecture doit en effet s’inscrire dans le paysage tropical du terrain de golf, et la voûte catalane sera la technique de construction principale. Les architectes imaginent un design ouvert, sans limites fixes pour concevoir une architecture représentant non pas le pouvoir mais l’intégration et la liberté. Ils disposent de deux mois pour commencer le chantier, ce qui les amène à travailler intensément et rapidement sur les projets, aidés d’un groupe de jeunes et dynamiques architectes.

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MODERNISME TROPICAL POETIQUE Porro décide d’ancrer dans ses projets deux idées fortes et distinctes. Il veut exprimer à travers l’architecture de l’Ecole d’Arts Plastiques le métissage de Cuba, ses racines africaines, espagnoles et la sensualité. On retrouve également des analogies corporelles, pour certaines provocatrices, comme les coupoles qui se dressent tout au long du bâtiment, rappelant des poitrines féminines. Les formes sont courbes, et les entrées et sorties multiples pour appuyer le sentiment de fluidité de mouvement lors du parcours de l’édifice. L’école est conçue comme un village, connectant les différents ateliers par des circulations extérieures généreuses. L’Ecole de Danse Moderne traduit un désir plus spontané, celui de capturer le romantisme de la révolution, l’instant précieux de l’euphorie causée par la libération de l’ancienne dictature. Les formes sont plus cassantes et en tension, transmettant aussi une idée de fragilité et de craintes vis à vis du futur incertain. Les salles sont imaginées comme des expansions d’espace se référant à la répercussion des mouvements des danseurs.

fig.1. Plan du projet original des cinq écoles sur le terrain du Country Club

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ESCUELAS NACIONALES DE ARTE

_ MODERNE TROPICAL.

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Garratti conçoit ses deux écoles en portant une attention particulière à la connexion avec le contexte, le paysage, la nature environnante et omniprésente sur le site. L’Ecole de Musique jouxte la rivière Quibu qui traverse le site, et s’étend comme un serpent sur 330 mètres le long de celle-ci. Au dessus de ce ruban de salles de classe devrait se trouver une place autour de laquelle s’articulent les salles de concert et d’autres programmes administratifs. Garratti travaille ici beaucoup avec les éléments naturels pour composer son architecture, comme les ombres et la végétation tropicale. Pour concevoir l’Ecole de Ballet, l’architecte décide tout d’abord de la positionner sur une petite vallée, qui permet de la dissimuler dans le paysage. Comme l’Ecole de Danse Moderne, les pavillons de celle de Ballet épousent les formes et le dynamisme des mouvements. L’édifice représente sa vision du futur, exprimant la liberté dans le déplacement des usagers, notamment en concevant les toitures comme un terrain de jeu pour les étudiants. Il se réfère également aux jardins, en travaillant étroitement avec l’eau, pour entretenir un lien entre les constructions et leur site. Gottardi construit l’Ecole d’Arts Dramatiques avec une relation particulière entre l’architecture et le programme. Il place l’amphithéâtre au centre du bâtiment, et les programmes additionnels se greffent autour. Les salles sont reliées par des rues sinueuses qui forment aussi des lieux de sociabilité pour les étudiants. L’Ecole, contrairement aux quarte autres, est repliée sur elle-même, pour créer un environnement plus intime, et devient elle-même un théâtre à grande échelle. Le projet est un exemple architectural d’intégration et de vie collective, mais aussi de vernaculaire organisé, permettant aux usagers une expérience spatiale spontanée à travers les circulations.

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MATERIALITE ET CONSTRUCTION Février 1962 — l’embargo des Etats-Unis est lancé contre Cuba, ce qui ne permet plus l’importation de matériaux de construction sur le site. Ils utilisent alors les ressources disponibles, principalement déclinées de l’argile : de la terre cuite pour le sol, des briques pour les murs, et du béton coulé pour la base des bâtiments. Le projet prend dès lors une dimension expérimentale, entre le manque de matériaux et l’utilisation des voutes catalanes1, permettant de se passer de montants métalliques ou en béton structurels. Cette technique offre au projet un caractère vernaculaire. Elle est plus que jamais d’actualité car elle questionne un retour au savoir-faire, un type de construction durable employant des ressources locales (matérialité et main d’œuvre), et une intégration sensible dans le paysage tropical. Les écoles ouvrent leurs portes alors qu’elles sont encore en chantier, et les étudiants profitent de leur temps libre pour aider à la construction. Se met alors en place un chantier participatif.

1.Technique de construction traditionnelle de la voute catalane en briques planes.

fig.1. Ouvriers et étudiants travaillant sur la construction des voutes.

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fig.1.2. La CUJAE

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AUTRE ARCHITECTURE DE LA RÉVOLUTION : LA CUJAE Bien que depuis la révolution il n’y ait que peu de nouvelles constructions à la Havane, quelques bâtiments ont tout de même été édifiés au début des années 1960. Parallèlement aux Ecoles d’Art (ENA), par lesquelles nous pouvons ressentir l’élan spontané et romantique de la révolution, se construit une autre université, devant accueillir des étudiants en architecture et ingénierie. La « Ciudad Universitaria Jose Antonio Echeverria » (dite CUJAE), inaugurée en 1964 et dessinée par Humberto Alonso, est conçue comme une ville universitaire. Contrairement aux ENA, les bâtiments sont placés sur le terrain selon une grille orthogonale, s’implantant sur le site à l’aide de pilotis. L’architecture est quand à elle systématisée : de grandes dalles horizontales viennent structurer les bâtiments, séparées par des parois légères composées de divers matériaux (bois, verre, métal). On y retrouve tout de même quelques spécificités du modernisme cubain, comme les larges atriums, les jardins intérieurs, ou encore les coursives couvertes permettant de connecter les différents édifices. Le campus comprend aujourd’hui plus de quarante bâtiments, s’étendant sur près de 400 000 m2, et couvre tous les programmes dont une ville autonome pourrait avoir besoin. Il est néanmoins assez excentrée de la vie animée de la Havane, et fortement enclavé à cause du faible réseau de transport.

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POST-REVOLUTION : DENI ET OPPRESSION _ Parallèlement à cette parenthèse utopique, l’île subit une période de grande violence. L’idéologie soviétique s’impose brutalement dans le pays. Commence la production de masse, avec l’arrivée des structures préfabriquées en architecture, plus efficaces et à plus grand contenu social. Le monde de l’architecture se divise en deux clans, rendant le projet des Ecoles Nationales d’Art controversé. Ceux en faveur du chantier sont qualifiés d’architectes élitistes, artistes, intellectuels. Che Guevara lui-même se met à critiquer la liberté des étudiants, et se servant comme prétexte de l’attribution des bourses d’état, il militarise les écoles. De nombreux étudiants, ne s’alignant pas exactement à l’idéologie du régime, sont expulsés.

fig.1. “Viva la Revolucion”, document personnel

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SOCIALISME ET DICTATURE

DECENTRALISATION VERS LE RURAL Pendant soixante ans, aucun bâtiment représentant le pouvoir politique n’est érigé dans la capitale. Le régime castriste tourne le dos à la Havane, pour se concentrer sur les zones rurales cubaines. L’idéologie portée par le parti amène à des décisions anti-urbaines, censées permettre de rééquilibrer le rapport entre la ville et la campagne. En effet, la Havane est un centre urbain où la vie est considérée avantageuse face à la population rurale bien plus nécessiteuse, et qui avait pris une part importante à la révolution aux côtés de leurs dirigeants. S’ajoutant à la volonté étatique, on observe après la révolution un exode massif des protagonistes du mouvement moderne à Cuba, auquel s’ensuit la fermeture du Collège des Architectes en 1965. L’architecture cubaine n’a plus le même statut innovateur ou esthétique qu’elle a pu porter auparavant, et sert désormais à l’état comme moyen de construire son idéologie socialiste. Les conséquences de cette politique sont que la capitale n’a que très peu subi de mutations depuis la révolution de 1959, si ce n’est la détérioration des bâtiments déjà présents, puisque les constructions nouvelles se trouvent majoritairement en périphérie des villes. Nous avons pour exemples universitaire les ENA ainsi que la CUJAE, construites en dehors du centre de la Havane, comme des entités désolidarisées du cadre urbain. Le reste des constructions étaient prioritairement localisées en dehors de la capitale, pour tenter d’améliorer les conditions de vie de la population rurale.

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LE MODELE SOVIETIQUE Après la période utopique de liberté créatrice de la révolution, une nouvelle vague, allant à l’encontre de la précédente, surgit en architecture. En effet, l’influence grandissante de l’Union Soviétique impose à la Havane un mode de construction en panneaux préfabriqués, unifiant la pratique architecturale. Ce type de bâtiments doit aider à remédier à la forte pénurie de logements, dans le déni d’une conception architecturale réfléchie, esthétique et respectueuse de son environnement. Ainsi, le modèle soviétique de construction de masse se développe rapidement dans tout le pays, répondant aux attentes post-révolutionnaires du gouvernement. Fidel Castro recherche alors l’universalité pour faire écho au marxisme. L’architecture semble en devenir un bon terrain d’application, permettant de se calquer sur les autres puissances socialistes de l’époque. Dans les années 1970 se développe à Cuba le mouvement des « Microbrigadas », qui semble être une approche efficace à la crise du logement qui sévit dans le pays au même moment. C’est une forme d’aide collective, où des travailleurs des usines ou des bureaux avoisinants se voient accorder un certain temps, subventionné, pour la construction de leurs logements et de ceux de leurs collègues. Les logements construits sous ce concept sont des blocs préfabriqués d’appartements sur quatre ou cinq étages, dont les façades sont partiellement colorées. La méthode de production est simple : il s’agit de répétition de larges panneaux en béton, formant de longs bâtiments linéaires de même hauteur, disposés parallèlement les uns aux autres. L’un des plus grands complexes construit sur ce modèle par les « Microbrigadas » est Alamar (1971). Situé dans le quartier encore sous-développé de la Havane de l’Est, il peut accueillir jusqu’à 150 000 habitants.

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Bien que le concept fonctionne idéologiquement et offre une réponse plus ou moins efficace aux problèmes liés au logement des cubains, l’architecture produite est loin d’être qualitative et intégrée dans son contexte. Elle est fortement critiquée, notamment par Fidel Castro lui-même, pour sa monotonie et son incompatibilité culturelle, du fait de son inspiration soviétique. C’est un violent retour en arrière et un déni de l’architecture produite quelques décennies plus tôt, qui bien qu’elle s’alignait avec le mouvement moderne international apportait une spécificité tropicale unique à Cuba.

Fig 1. Alamar, quartier de la Havane de l’Est où se trouve des bâtiments d’habitation de type soviétique.

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DELABREMENT DU CADRE URBAIN

LE CHANTIER INACHEVE DES ECOLES D’ART Seulement quelques années après le début du chantier, le Premier Ministre publie un décret : toute construction non productive doit de ce pas être abandonnée. Les bâtiments des trois architectes des Ecoles d’Art en font malheureusement partie. 26 juillet 1965 — le chantier est interrompu. Les bâtiments de Porro viennent alors d’être achevés, car, conscient du contexte politique de l’époque, il avait précipité ses chantiers en ne s’attardant pas sur les détails, contrairement à Garrati et Gottardi. L’Ecole de Ballet est quasiment terminée, mais celles de Musique et d’Arts Dramatiques en sont encore loin. La nature reprend peu à peu ses droits et commence à dévorer les écoles. L’Ecole de Ballet est abandonnée, notamment parce que la célèbre danseuse étoile cubaine Alicia Alonso refuse de déplacer sa troupe dans les locaux, n’adhérant pas à leur architecture. Le lieu change dès lors régulièrement de fonction, entre cirque, plateau de tournage de films ou logements spontanés lors des grandes crises du pays. Bien qu’en partie insalubres, les Ecoles de Musique et d’Arts Dramatiques sont quand à elles utilisées après l’arrêt du chantier, ainsi que leurs toits qui sont arpentés par les étudiants, lieux de fêtes et d’évasions nocturnes. Une résidence étudiante est érigée dans les années 1970 entre les écoles, dans un déni total des intentions architecturales du projet initial, en plein milieu du site. Cette résidence accueille les étudiants venus de province, tandis que les « habaneros » rejoignent le campus à l’aide des transports publics.

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Les trois architectes sont contraints d’employer des routes différentes à partir de 1965. Ricardo Porro, ne pouvant exercer son métier librement à Cuba, quitte l’île pour de nombreuses décennies en 1966. Vittorio Garrati, après avoir travaillé quelques année dans l’urbanisme, est suspecté d’espionnage puis emprisonné. Il est expulsé du pays en 1974 et retourne en Italie où il réside encore aujourd’hui. Roberto Gottardi est quand à lui resté à la Havane, où il décède en 2017. LA “PERIODE SPECIALE” 1991 — l’Union Soviétique s’effondre, suivie par l’économie des pays socialistes qu’elle soutenait. Depuis la Révolution, Cuba entretien des rapports économiques et militaires très étroits avec l’URSS. Cette dernière devient dès 1960 le principal exportateur de sucre du pays, puis fournisseur de pétrole, de denrées alimentaires et de matériel technique. Elle constitue également un soutien majeur en accordant des crédits, permettant le développement des systèmes éducatif et de santé cubains, essentiels pour appliquer leur politique désormais revendiquée communiste. Ainsi, lors de la dissolution du bloc soviétique, Cuba plonge dans une crise économique et énergétique sans précédent. Son impact porte sur les réseaux de transport, l’agriculture, l’accès aux médicaments et l’alimentation. Contrairement aux premières décennies suivant la Révolution, on observe un exode massif de la campagne vers la Havane, porteuse de plus d’espoir que le reste du pays. Un grand nombre de cubains tentent également de quitter l’île pour échapper à la famine et à la détérioration brutale du niveau de vie.

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Fig 1. Organoponico à la Havane

Des initiatives commencent néanmoins à germer en réponse aux problèmes liés à cette période. En effet, suivant le durcissement du blocus américain et l’arrivée des carnets de rationnement (« libreta »), plusieurs formes innovantes d’agriculture urbaine émergent. Elles sont mises en place dans les patios, sur les terrasses d’immeubles, dans des jardins publics ou encore à la place de terrains en friche. Ces techniques de production permettent à la ville de s’adapter au fort exode rural, et de renouveler le cadre urbain de la Havane, en convertissant des espaces informels en potagers. On observe également un impact sur la cohésion sociale, renforcée par le travail collectif pour produire plus de denrées alimentaires. L’agriculture urbaine devient, en plus d’une nécessité, un réel moteur de vie culturelle et sociale dans la capitale.

1. Alejo Carpentier, El amor a la ciudad, Ed. Alfaguara, 1996, p.28

LA VILLE DES COLONNES QUI S’EFFONDRENT « La Havane est la ville de l’inachevé, du boiteux, de l’asymétrique et de l’abandonné. »1 Nous avons vu que depuis la Révolution, le domaine de l’architecture est abandonné à Cuba, plus particulièrement à la Havane. En plus du freinage brutal des constructions, de nombreux bâtiments s’effondrent à cause du manque d’entretien, et la « période spéciale » va accentuer ce délabrement urbain. Lors de la crise de 1990, des chantiers sont interrompus, faute de budget nécés-

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saire et de matériaux disponibles, puis laissés en friche dans la ville. La Havane commence à ressembler à une immense ruine, à l’échelle urbaine. Tandis que la crise amène le gouvernement à concentrer les rénovations dans le secteur touristique, la population rurale fraichement arrivée dans la capitale rencontre des difficultés pour se loger. En effet, ce sont des hôtels de luxe qui sont en priorité érigés, tandis que se multiplient les quartiers informels et les divisions en plusieurs familles des logements déjà existant. Pour accueillir les nouveaux habitants, la typologie intérieure des édifices coloniaux est modifiée, par l’ajout d’étages intermédiaires et de mezzanines de fortune, grâce à la grande hauteur sous plafond. Bien que l’adaptation des logements par leurs usagers soit ingénieuse, elle n’est malheureusement pas contrôlée, et la faible qualité des matériaux et des structures cause de nouveaux effondrements dans la ville. De nombreux « habaneros » se retrouvent en situation de précarité à cause du délabrement constant et dangereux du cadre urbain. Néanmoins, nous remarquons lors de cette période difficile l’expression la plus spontanée d’une spécificité cubaine, notamment en architecture. En effet, une ville est globalement construite et formée par ses habitants, et à l’image de sa population, la capitale regorge d’inventivité. Elle se retrouve en constant renouvellement, portée par la Révolution, les crises économiques et les conditions climatiques parfois extrêmes qui s’abattent sur les caraïbes. La Havane se réinvente au même rythme que la société, de manière chaotique, informelle et complexe, mais aussi unique et ingénieuse. C’est pourquoi il est important de préserver son héritage architectural, qui constitue un précieux témoin de l’évolution culturelle et sociale de ses habitants.

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ESCUELAS NACIONALES DE ARTE

_ L’USURE DU TEMPS.

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LA HABANA, CUBA

_ RUINE HABITEE.

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SECONDE UTOPIE : LA RECONNAISSANCE DE L’HÉRITAGE _ « Il est aussi confiant que les havanais sauront préserver leur patrimoine et refuseront de voir des édifices centenaires détruits et remplacés par de grands hôtels de luxe. » 1 L’architecture de la Havane est délaissée et mal entretenue pendant plusieurs décennies, les ravages du temps et du climat sont inscrits dans toute la ville. Elle constitue néanmoins un modèle d’urbanisme particulier en Amérique Latine, puisqu’on y retrouve un principe d’addition plutôt que de remplacement. C’est pourquoi l’histoire de la ville peut se lire à travers les différentes strates architecturales qui sont, bien que mal entretenues, globalement toujours présentes. Ainsi, nous constatons un désir de préserver l’héritage architectural cubain, qui s’accentue depuis quelques décennies par des mesures de conservation plus concrètes dans certaines parties de la ville.

1. F. Lavoie, Avant l’après, Ed. La Peuplade, 2018, p.74 Fig 1. “Under construction” Carlos Garaicoa

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LA PRISE DE CONSCIENCE DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL CUBAIN

RECONNAISSANCE MONDIALE L’architecture coloniale de la Havane est la première couche historique de l’occupation de l’île, et également l’une des principales attractions touristiques à Cuba. C’est pourquoi la vieille ville devient un point d’intérêt majeur en terme de préservation de l’héritage, et devient en 1982 le premier bien cubain inscrit au patrimoine de l’UNESCO. Mais avant sa reconnaissance mondiale, la Habana Vieja est depuis plusieurs années devenue le combat d’un historien de la ville, le célèbre Eusebio Leal Spengler. Il se fait connaître à l’âge de 25 ans en 1967, lorsqu’il milite contre l’action du gouvernement de recouvrir une rue pavée de bois à grand intérêt historique, et remporte son combat. Il devient dès lors une figure héroïque de la préservation, aussi bien localement que plus tard à travers le monde. Il a sauvé en cinquante ans plus d’une centaine de bâtiments au sein de la vieille ville de la Havane, en utilisant les entrées de devises étrangères du tourisme pour financer les rénovations. Grâce à son travail, la Plaza Vieja est aujourd’hui un exemple en terme de préservation, de rénovation et d’espace public dans le monde entier. Le personnage est autant adulé à Cuba que reconnu et respecté à l’étranger, et a permis à une partie de la Havane de redorer son image de « perle des Antilles ». Ainsi, la grande majorité des édifices de la Habana Vieja sont remis en état, mais l’historien reconnaît que l’économie touristique qui sauve le quartier est également capable de détruire son âme. De plus, il contraste furieusement avec d’autres quartiers, dont celui de Centro Habana, qui reste parsemé de ruines et de façades en lambeaux.

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Fig 1. Edifice rénové de la Habana Vieja, photographie personnelle Fig 1. Rue partant du Paseo del Prado, photographie personnelle

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Des initiatives de renouvellement du plan urbain du reste de la ville font pourtant surface, notamment le « Master Plan for 21st Century of Havana » de Julio César Pérez Hernández. Il regroupe une équipe d’architectes cubains pour élaborer un plan qui a pour ligne de conduite de préserver l’esprit et l’histoire de la capitale, son héritage architectural, tout en encourageant un futur développement urbain et économique. Le projet a pour but de magnifier la Havane déjà existante, en respectant ses habitants et sa culture, tout en l’adaptant à la société contemporaine et aux changements économiques qui s’annoncent dans le pays. Bien que le projet ne soit ni mandaté ni sous les commandes du gouvernement, son auteur reçoit un fort support local et étranger, notamment pour l’urgence de la situation urbaine actuelle. Le gouvernement n’a pour autant encore pris aucune posture officielle pour concrétiser le Master Plan.

1. Le Fond Mondial pour les Monuments est une organisation non gouvernementale internationale et indépendante à but non lucratif, créée en 1965 à New York, pour sauver les monuments les plus précieux du monde. (Wikipédia) 2. La Getty Foundation est basée au sein du Getty Center à Los Angeles. Elle subventionne des projets pour « la compréhension et la préservation des arts visuels ».

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LES SAUVETAGES DES ECOLES D’ART 1999 — Les écoles sont classées dans la liste des “100 most endangered Monuments”, en tant que premiers édifices modernes, par le Fond Mondial pour les Monuments1. Quelque temps après, lors d’un discours, Fidel Castro appelle à rénover ces écoles, qu’il trouve “fabuleuses”, prétextant avoir à l’époque été influencé par des membres du gouvernement et par la pression soviétique. Il faut attendre 2003 pour qu’un projet de rénovation soit mis en route. Il se poursuit jusqu’en 2009, date à laquelle les fonds sont à nouveau coupés, pour des raisons de “non-productivité” de l’architecture. Les écoles de Ricardo Porro sont complètement rénovées, même si celui-ci, qui n’est pas en charge des travaux, est en désaccord avec de nombreux détails (lien entre les écoles matérialisé par des murets, montants de fenêtres d’une matérialité différente, design d’espace intérieur, etc). Les trois autres


écoles (Ballet, Musique et Arts Dramatiques) sont depuis laissées à l’abandon, insalubres et en ruines. 2010 — Les écoles sont déclarées Monument National à Cuba. Plus récemment, en octobre 2018, la Getty Foundation2 octroie la bourse « Keeping it Modern » aux écoles, d’une valeur de 195 000$. Grâce aux subventions, des experts de la fameuse école Polytechnique de Milan reprennent en main le projet de rénovation des sites. Le projet comprend la collecte et l’évaluation de la documentation historique, des études techniques sur les matériaux, des tests de solutions techniques sur des sites pilotes, la création de modèles 3D pour les risques d’inondation ainsi que des études environnementales. Il veillera également à la formation de professionnels cubains de la conservation afin de renforcer l’efficacité des initiatives locales.

DES ACTIONS INSUFFISANTES POUR SAUVER LA HAVANE

MANQUE DE BUDGET POUR LES INTERVENTIONS LOCALES A la Havane, malgré la volonté de préserver l’héritage, des bâtiments s’effondrent chaque jour. Pourquoi y a t-il un si grand fossé entre l’opinion commune et la réalité ? Le climat tropical et l’air salé de l’océan y sont pour beaucoup dans la détérioration des édifices. Mais la principale raison pour laquelle les immeubles s’effondrent est qu’il semble manquer cruellement de budget dans la rénovation et préservation du patrimoine bâti. De plus, les nouveaux investissements qui apparaissent peu à peu dans le pays privilégient les programmes touristiques, dont la construction de nouveaux hôtels, et ouvrent donc la porte à un développement de la ville incontrôlé. Incontrôlé car motivé par des facteurs économiques, délaissant l’importance de la cohérence urbaine

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Fig 1. Contraste entre deux bâtiments de Cenro Habana, photographie personnelle

plus globale de la ville, et le caractère socio-culturel très présent dans la vie quotidienne de ses habitants. Les Master Plan exposés plus haut pourraient permettre une meilleure cohérence urbaine lors de la reconstruction et consolidation de la Havane. Pourtant, plaçant en priorité le quotidien des havanais, ils ne disposent toujours pas des fonds nécessaires pour être menés à bien, et sont placés en second plan face au développement grandissant du tourisme. Prenons comme exemple la Vieille Havane, qui constitue aujourd’hui l’un des principaux attraits touristiques de la ville. Bien qu’il reste encore des résidents cubains, les fonds utilisés pour sa rénovation étant issus de l’industrie touristique, de très nombreux lieux y sont dédiés et absorbent peu à peu la population locale. Outre les problèmes internes au quartier, le reste de la ville est quand à lui laissé pour compte. Les investissements et l’attention sont portés sur le centre historique, alors que des édifices s’écroulent régulièrement en dehors de ce quartier privilégié.

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RISQUE D’ALIENATION DE LA CULTURE CUBAINE PAR LA MONDIALISATION La Havane est contenue dans une bulle temporelle depuis la Révolution de 1959. Cela l’a certes empêchée de se déployer économiquement au monde, mais lui a aussi permis d’éviter les pièges de la mondialisation. Ainsi, avec la récente ouverture du pays, nous pouvons craindre une aliénation de la culture cubaine au profit d’une globalisation de l’île. Le nouveau défi qui émerge depuis peu est celui de la sauvegarde de l’identité cubaine, puisque la pays va connaître de grandes mutations dans les décennies à venir, et ouvre la problématique de comment s’adapter à la mondialisation, sans uniquement la subir. En effet, il ne s’agit pas de stopper le processus qui présente de nombreux attraits positifs. Il permet notamment plus de libertés pour le peuple cubain, mieux informé sur ce qu’il se passe dans le reste du monde. Il offre également de nouvelles opportunités pour les jeunes, et peut apparaitre comme une seconde révolution. Mais cette fois-ci, comme le souligne Yoani Sanchez, célèbre blogueuse dissidente cubaine, dans un de ses posts, nous observons une révolution douce, qui peut mener à la démocratie. Contrairement à soixante années plus tôt, il ne s’agirait plus d’une question idéologique, mais d’un combat des activistes pour leurs droits. Ainsi, la mondialisation pourrait permettre de promouvoir la culture cubaine, en privilégiant des acteurs locaux dans son processus. Les risques sont donc bien présents, et ont pour certains déjà eu un impact sur la Havane, comme par exemple en ce qui concerne le centre historique, devenu un véritable musée à l’échelle urbaine. Les conséquences sont que la culture ici mise en avant se retrouve uniformisée, et encrée dans le passé, alors que le peuple cubain ne cesse de se réinventer et de s’adapter au monde

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Fig 1. Calle Opispo dans la Habana Vieja Fig 2. Voitures touristiques devant l’Hotel Inglaterra Fig 3. Touristes dans la Habana Vieja

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contemporain. L’ouverture pose alors des questions d’identité culturelle, à savoir comment représenter et préserver les multiples spécificités cubaines tout en y incorporant l’industrie touristique qui permet économiquement au pays de se développer. Elles sont, tout comme l’architecture de la Havane, un mélange chaotique mais fabuleux de diverses racines et héritages, entre la culture afro-cubaine et hispanique, ou encore la période coloniale et l’idéologie de la Révolution. Le futur développement de la Havane, qu’il soit urbain, architectural, économique ou sociétal, repose principalement sur l’équilibre entre tous les facteurs exposés plus haut, pour tenter de réinventer la société capitaliste dans laquelle nous vivons, dans la mise en avant et non l’homogénéisation des particularités présentes dans chaque culture. Cuba commence à construire sa propre mondialisation, respectueuse de ses valeurs et de son patrimoine.

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QUELLE ARCHITECTURE CONTEMPORAINE POUR LA HAVANE ? _ « Cuba est aujourd’hui confrontée au défi d’intégrer ces éléments de son patrimoine dans de nouvelles visions pour l’avenir. Cuba n’a pas besoin de monuments. Elle nécessite et accueille des visions et des modèles qui permettent au pays de conserver son individualité, tant déterminée par la vivacité et la diversité de sa population, par les structures sociales et ses systèmes internationaux. Cuba doit adopter une position contemporaine qui parle d’aujourd’hui et reflète la situation actuelle. » 1

1. Fidel Castro, Havana Project, p.8. fig.1. “Eclectisme Havanais”, document personnel

La Havane a à travers l’histoire souvent été construite comme une extension du pouvoir politique, entre l’architecture coloniale, le style moderne calqué sur Miami, le pré-fabriqué soviétique ou encore le vide socialiste. Avec la timide ouverture au monde de Cuba ces dernières années, et l’arrivée imminente et violente de la mondialisation, comment sera définie l’architecture cubaine contemporaine ? Grâce à cette période d’entre-deux génératrice de créativité et d’une certaine liberté, les champs des possibles est encore infini. Il est donc important de définir quelques grandes lignes structurantes pour tenter de rendre au mieux compte de la richesse culturelle et sociale du peuple cubain.

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LE VERNACULAIRE CUBAIN CONTEMPORAIN

LES RESSOURCES LOCALES DISPONIBLES Les constructions à la Havane sont assez hétéroclites concernant le style, les méthodes ou la matérialité. Néanmoins, nous pouvons remarquer une prédominance de l’utilisation de briques d’argile, ensuite enduites et repeintes pour donner les façades colorées emblématiques de la ville, ainsi que de béton pour les construction plus modernes et post-révolutionnaires. Cela s’explique principalement par la présence de terre argileuse rouge de qualité dans plusieurs régions de l’île, notamment autour de Camaguey, petite ville célèbre pour son centre ville historique à 500km de la Havane, ou encore Matanzas, située à 100km à l’Est de la capitale. Depuis la crise du logement et l’urgence de consolider et reconstruire de nombreux bâtiments, à cause des dégâts causés par le temps et le climat, des initiatives innovantes ont été prises depuis quelques années dans le pays. Par exemple, la production d’un nouveau ciment écologique a été mise en place. Le «Limestone Calcined Clay Cement» est un ciment composé d’argile et de calcaire (présent également sur l’île). Ce matériau écologique développé en 2013 à l’EPFL de Lausanne, en collaboration avec l’université Centrale Marta Abreu à Cuba, permettrait de réduire 40% des émissions de CO2 lors de sa fabrication. Sa production se fait pour le moment dans la province de Sancti Spiritus, au centre du pays. Une autre initiative appelée « Ecomaterials in social Housing projects » a émergée au début des années 2000. C’est une approche qui favorise la production locale d’ « éco-matériaux », à faible consommation énergétique. Sont notamment produites des briques d’argile, cuites en utilisant des déchets biologiques

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comme combustibles. La culture du bambou est également relancée. Il existe aujourd’hui 19 workshops de ces éco-matériaux à Cuba. De nouvelles possibilités d’emploi ont été créées grâce à la méthode de production de construction locale. Près de 2 300 maisons ont été construites ou rénovées à l’aide de ces matériaux écologiques dans la province de Villa Clara (à 300km à l’Est de la Havane) et plus de 5 000 dans l’ensemble du pays. La Havane offre également de nombreuses ressources en terme de bâtiments existants. Comme la préservation de l’héritage est un principe important dans la capitale, de nombreuses façades ou coques vides sont disséminées un peu partout, dans l’attente d’une rénovation, réhabilitation ou plus simplement d’un usage adapté à leur condition. Les matériaux les plus utilisés et durables de ces 5 000 dernières années sont la brique, le ciment romain et le bois, et la reconversion d’édifices déjà existants permet, en plus du respect du patrimoine, un recyclage du bâti. Ainsi, il y a une volonté de revenir aux racines en terme d’utilisation de ressources locales, tout en utilisant les techniques contemporaines pour s’inscrire dans un soucis d’écologie. UN CLIMAT TROPICAL Cuba, et plus précisément la Havane, a un climat tropical. On y distingue deux saisons, la première dite sèche de décembre à mai, où la moyenne des températures est de 25°C, puis la saison des pluies de juin à novembre sous 28°C. Comme dans toute la Caraïbe, l’ensoleillement y est très fort et le ressenti de la chaleur est donc assez élevé, surtout pendant la période des pluies où entre les averses courtes mais violentes l’air devient étouffant. Ainsi, l’architecture y est traditionnellement pensée pour abriter

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JAN.

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SEPT.

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PRECIPITATIONS

TEMPERATURES 35°C

25°C

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MARS

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TEMP. MAXIMUM

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JUIL.

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PRECIPITATIONS 75 MM

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0 MM

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AVR.

MAI

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ENSOLEILLEMENT 30 JOURS

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15 JOURS

10 JOURS

5 JOURS

0 JOURS

JAN.

FEV. ENSOLEILLE

TEMPERATURES

MARS

AVR. NUAGEUX

MAI

JUIN COUVERT

JUIL.

AOUT

SEPT.

OCT.

NOV.

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PRECIPITATIONS

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les riverains des pluies et de la chaleur, grâce aux circulations couvertes derrière les fameuses colonnades, présentes dans quasiment tous les bâtiments de la Havane. Elles offrent une seconde dimension à la rue, de ce fait partiellement couverte. Mais au delà de la chaleur, plus ou moins supportable par les cubains qui y sont habitués, l’île est frappée par des évènements climatiques violents : les cyclones et ouragans. Récemment, les changements climatiques ont causé une augmentation de la magnitude de ces sévères évènements météorologiques. Le dernier recensé est Irma en septembre 2017. Il causa l’inondation de toute une partie de la Havane, suite à des vagues allant jusqu’à 11 mètres de haut s’écrasant sur le Malecon et ses façades. Malgré les énormes dégâts provoqués à la Havane par ces catastrophe naturelles, la Défense civile est assez réactive pour protéger les habitants et touristes sur place, ainsi que pour remettre en état les infrastructures principales. Mais de nombreux bâtiments, déjà fragiles, se retrouvent en ruines, plus particulièrement sur le front de mer, en première ligne du risque. Cela est notamment dû au manque de dispositifs pour palier à ces évènements sur le Malecon, promenade de béton sur sept kilomètres de long, reliant les vieux quartiers aux plus récents de la capitale. Il est un important moteur de vie sociale, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, et constitue l’une des routes principales de la ville. Ce dernier n’est pourtant pas équipé pour résister à la puissance de la mer, orné seulement d’un muret, le « Malecon Tradicional », la surplombant d’environ deux mètres, causant l’écrasement des vagues sur la chaussée. C’est pour cette raison que le gouvernement cubain recherche des solutions pour réduire les risques d’inondation tout en respectant la valeur du site emblématique. Des équipes de scienti-

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DIRECTION DU VENT

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DIRECTION DU VENT

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VITESSE DU VENT VITESSE 30 JOURS DU VENT 30 JOURS 25 JOURS 25 JOURS 20 JOURS 20 JOURS 15 JOURS 15 JOURS 10 JOURS 10 JOURS 5 JOURS 5 JOURS 0 JOURS 0 JOURS

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JAN. > 5 km/h FEV. > 5 km/h

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km/h MARS> 12 AVR. > 12 km/h

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MAI > 19 km/h JUIN > 19 km/h

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km/h JUIL. > 28AOUT

SEPT.> 38 km/h OCT.

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> 28 km/h

> 38 km/h

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Fig 1. Innondation de la Havane, vue sur le Malecon suite à l’ouragan Irma, 2017

fiques et ingénieurs ont présenté en 2013 une étude considérant de nombreuses alternatives au problème, dont une augmentation de la hauteur du muret, l’ajout d’une courbe pour accompagner les vagues face à la mer ainsi qu’une déclinaison de brise-lames. Les tests ont eu des résultats positifs, du fait de la combinaison de ces différents dispositifs. Bien que l’intérêt pour la protection du front de mer semble très important, à travers les nombreuses études d’ingénierie et quelques colloques et concours architecturaux internationaux, ces dernières n’ont aujourd’hui pas encore été appliquées sur le Malecon. LA CUBANITE EN ARCHITECTURE A la Havane, bien qu’hétérogène dans son architecture, nous retrouvons des principes communs dans différentes strates historiques. Les bâtiments sont généralement construits autour d’un patio, avec au rez-de-chaussée côté rue les célèbres colonnades révélées par Alejo Carpentier, cachant des circulations couvertes.

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Mais ce qui définit le mieux le caractère urbain de la ville est la superposition plus ou moins chaotique des différents styles architecturaux, sa diversité harmonieuse à l’image de sa population. A ce mélange s’ajoute une multitude de dispositifs inventifs créés par les habitants pour adapter le bâti à leurs besoins, comme la très populaire « barbacoa », mezzanine permettant de diviser les étages coloniaux de cinq mètres de haut pour répondre à la crise du logement. En effet, le manque d’argent et de financements à Cuba pousse ses habitants à trouver des moyens de subsister. Le peuple cubain regorge d’ingéniosité dans le réemploi de matériaux, de techniques ou d’objets. Il en est de même pour la possession de l’espace public, que ce soient des places, des rues, des routes ou encore des ruines, la Havane est emplie de spontanéité et vivacité. Ces deux derniers attraits devraient être présents dans la définition de l’architecture contemporaine à la Havane, qui aujourd’hui ne s’est pas réinventée au même rythme que sa société. L’architecture devrait représenter la société, pour qu’à son tour elle se sente représentée par son architecture. Pour cela, il faut se baser sur les différentes définitions de la culture cubaine, ainsi que sur les scènes de vie déjà présentes au sein même de la ville, en attente d’une architecture pour les accueillir. Les formes d’apparence incontrôlées expriment le sensoriel, et pourraient donc rendre compte au mieux ce qu’est la culture cubaine, tropicale, sensuelle, toujours en mouvement. Comme le disait Porro, l’architecture est un « cadre poétique de l’activité humaine ». Pour définir un vernaculaire contemporain cubain, il s’agirait de travailler avec une reconnaissance collective du passé, en composant avec les nouveaux outils contemporains, pour tenter de répondre aux besoins d’aujourd’hui. Il ne peut pas être absolu. Il

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se veut éclectique, libre, évolutif et inventif pour s’adapter à sa société en constant renouvellement. Il s’agit de créer des conditions d’habitat du territoire, et donc pas forcément de bâtiments en soi. Il est nécessaire de travailler avec les éléments, en interprétant autant le territoire que les besoins, les usages et le quotidien des « habaneros ».

LES ECOLES COMME PRINCIPE DE CONCEPTION

DES VALEURS MORALES Certaines idées héritées de la Révolution sont aujourd’hui encrées dans la société cubaine. Nous en retrouvons de nombreuses dans la conception des écoles, à commencer par le développement du système éducatif. En effet, l’éducation est un objectif prioritaire du régime depuis 1959, et devient publique et accessible pour tous dès 1961. Cuba en devient un exemple mondial, se plaçant au premier rang des pays en développement grâce à un indice de développement de l’éducation très élevé. L’art est également très présent lors de la scolarité des jeunes cubains, pour leur permettre de s’orienter dans ces vocations rapidement. Ainsi, l’éducation pour tous est une importante valeur nationale pour la population et pour l’état. Les Ecoles Nationales d’Art représentent une partie de cette idéologie, formant initialement un centre d’art pour l’éducation du tiers-monde. L’art, qu’il soit visuel, oral, ou en mouvement, a toujours occupé une place primordiale dans l’expression de la culture cubaine. Dans la capitale, il se manifeste sous toutes ses formes et dans toutes les parties de la ville. Les façades sont investies par des « street artists », des musiciens improvisent assis le long du Malecon et des jeunes cubains s’arrêtent devant les cafés pour danser, entrainés par la musique en émanant.

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Les écoles font également ressortir l’aspect culturel très riche et varié de l’île, autant dans leur architecture que dans leur programme. Cuba est un pays métissé et d’origine multi-culturelle. L’architecture des écoles tente de rendre compte de ces nuances, en travaillant autant sur le caractère tropical du contexte que sur l’héritage afro-cubain, pendant longtemps laissé de côté par la sphère bourgeoise. Ce formalisme que l’on retrouve dans les différents bâtiments exprime, en plus des racines cubaines, un mouvement et une sensualité qui se ressentent au quotidien à Cuba, et plus intensément à la Havane où l’on peut croiser à chaque coin de rue un évènement musical ou des pas de danse improvisés, d’une fluidité maitrisée. Il semblerait donc pertinent de se baser sur cette culture artistique pour concevoir un projet d’architecture contemporain à la Havane, pour permettre aux habitants de s’identifier culturellement au lieu, et à l’état d’appuyer la construction légalement et financièrement. Le souffle de liberté créatrice dans lequel les écoles ont été conçues est inspirant pour le renouveau architectural de la capitale aujourd’hui, où la définition de la liberté dans le contexte actuel et futur constitue un enjeu majeur. LA VOUTES CATALANE Le principe constructif de la voute Catalane date approximativement du XVème siècle, très utilisée en Catalogne à l’époque, puis progressivement dans d’autres régions en Europe dans les siècles suivants. De cette technique résultent des voutes auto-portantes, bien plus légères et fines que celles en pierre utilisées à la même période. La première couche de briques est alors fixée par du plâtre, qui séchant rapidement permet d’éviter d’ajouter des supports additionnels à la voute. La technique aurait même été importée au « Nouveau Monde » au XVIIIème siècle par Fria

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fig.1.2. Fiches de détails de voute catalanes par la Guastavino Company

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Domingo de Petrés, qui construit notamment l’observatoire de Bogota en se servant de ce principe. Vers la fin du XIXème siècle, la « Boveda Catalana » connait un renouveau grâce à la Guastavino Company, fondée en 1889 à New York par Rafael Guastavino, venant de Barcelone où il avait étudié la technique en tant qu’ingénieur et architecte. La compagnie spécialisée dans la production de briques, la conception et le montage des voutes et dômes, permet la construction de milliers de bâtiments à travers les Etats-Unis, entre les années 1880 et 1950. Les Ecoles d’Art de la Havane, grâce à la formation des ouvriers par un maçon catalan, constitue l’un des exemples les plus impressionnants techniquement et esthétiquement au monde du réemploi de ce principe. En plus de la valeur symbolique des Ecoles d’Art et de l’adaptation ingénieuse de techniques ancestrales, les procédés architecturaux utilisés et leur matérialité répondent aussi à des critères aujourd’hui encore recherchés pour la création de nouveaux projets. Certains ouvrages à travers le monde reprennent ces voutes pour promouvoir des attributs tels que la facilité d’acheminement des matériaux et leur dimension durable, ainsi que pour permettre une certaine liberté formelle. Foster + Partners présente à la Biennale de 2016 le projet de « Droneport » pour l’Afrique, qui utilise les briques d’argile pour limiter les coûts et la pollution dus au transport de matériaux importés, dans la démarche de « faire plus avec moins ». Les structures pourront être rapidement et facilement montées par la communauté sur place, et assemblées entre elles selon leurs besoins.

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La « Brick Vault Library » en Inde, développée par le studio sP+a, reprend également la voute catalane, pour la disponibilité des matériaux et la bonne isolation à la chaleur des briques. Ils utilisent le système constructif espagnol, renforcé par des études uruguayennes, grâce à des plug-in informatiques importés de Suisse, tout en respectant une pratique durable. Ces projets illustrent parfaitement la réussite d’une synergie entre le global et le local en architecture. Cela nous questionne sur l’utilisation de principes structuraux comme héritage, adaptés aux technologies contemporaines qui pourraient apporter une plus value aux constructions.

fig.1. Prototype d’un droneport à la Biennale de Venise Foster + Partners fig.2. Brick Vault Library - sP+A

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L’ARCHITECTURE DE LA CUBANITE _ « La ville s’est forgée une esthétique singulière, bâtie sur l’alliance chaotique et fascinante du beau et du laid. Partout, le neuf y côtoie le décati. L’ordre y flirte avec la décadence. La planification y rejoint la spontanéité. La ville est comme une Cendrillon hésitant entre diadème et oripeaux. »1

1. Marie Herbet, Cuba, la révolution transgressée, Ed. Nevicata, 2016, p.27 Fig 1. “Paseo del Prado”, photographie personnelle

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La havane, aujourd’hui

les écoles d’art Le site comporte aujourd’hui, comme bâtiments encore en fonctionnement, les deux écoles de Porro, un ancien bâtiment du Country Club reconverti en bâtiment administratif et une résidence étudiante datant des années 1970. Les autres bâtiments ne sont plus utilisés, et le terrain est entouré d’une clôture pour éviter le délabrement des édifices. L’Institut Supérieur d’Art de Cuba, créé en 1976 au sein de ces écoles, dispense toujours sur le site des formations en Arts Dramatiques, Arts Plastiques, Musique, Danse, Médias Audiovisuels ainsi qu’en Conservation et Restauration. Lors de mon voyage sur place, j’ai pu questionner de nombreux habitants de la ville sur leurs connaissances sur les écoles. A ma grande surprise, la majorité n’en connait même pas l’existence, le campus étant fermé au public et réservé aux étudiants en art. Il en est de même pour les touristes que j’ai croisé, pas un n’était familier avec le complexe et son histoire. Il m’a donc semblé pertinent de tenter d’offrir une nouvelle vitrine à cet emblème national méconnu, en proposant une antenne de ces écoles excentrées au sein du centre ville. Cela permettrait, en plus de dynamiser le quartier central, de faire connaitre l’histoire malheureuse de ces architectures, et de peut être intéresser des investisseurs pour leur complète rénovation. LES PROBLÉMATIQUES URBAINES DE LA CAPITALE Le développement du front de mer est un concept clé pour définir l’image de la ville, qui s’étend de tout son long. Or, il n’est aujourd’hui que très peu aménagé, mais pourtant quotidiennement utilisé par les havanais comme lieu de rassemblement spontané. De plus, à part les aperçus que l’on en a par les rues débouchant

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sur le Malecon, la mer et ses qualités, visuelles et usuelles, ne sont pas présentes au sein de la ville. Les magnifiques, et pour de nombreuses délabrées, façades face à elle forment une barrière précédée par une route à six voies presque sans traversées. Les îlots en premier plan du Malecon et ceux qui les suivent ne rendent pas compte de la présence du détroit de Floride, pourtant à quelque mètres de là. Il m’est donc apparu important de revaloriser cette promenade pour qu’elle puisse accueillir les usages déjà présents sur place, mais aussi de nouveaux pour animer d’avantage le front de mer, tout cela en tentant de palier ou contourner les dégâts climatiques qu’elle génère. En plus de l’aménagement du Malecon, l’idée est de faire entrer cet emblème dans la ville et de le ressentir dans la définition de l’architecture, en se servant du contexte physique et symbolique. Voila pourquoi les sites du projet partent de la mer, pour s’étendre sur trois ilots consécutifs vers la ville. Cela permet de travailler sur une cohérence urbaine, de manière transversale en entrant dans le tissu, et longitudinale en se déroulant sur la côte. Le premier site, au dessus de l’eau, permet de proposer une solution face aux problèmes climatiques de la capitale, tout en dynamisant le front de mer. Le projet se trouve dans le quartier de Colon, dans Centro Habana, non loin du centre historique rénové. Cette partie de la ville est pour moi celle où l’on retrouve le plus d’équilibre entre la vie des locaux et l’afflux touristique. Nous pouvons encore ressentir le contraste entre la Habana Vieja, devenue un musée à l’échelle urbaine, et Centro, qui reste assez fidèle à la culture cubaine contemporaine, tout en comportant quelques lieux touristiques. Ainsi, nous y trouvons l’opportunité de créer un projet qui pourra respecter la culture et le quotidien des habitants, tout en se servant

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de la présence des visiteurs étrangers pour les mettre en avant. Cela serait possible en offrant plus d’espaces publics qualitatifs, qui constituent des lieux de vie et de convivialité inter-générationnels et inter-culturels majeurs, encore trop peu présents dans la capitale cubaine. POLYCENTRISME de la havane

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PARQUE CENTRAL PLAZA DE LA REVOLUCION

CUBANACAN

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sites - QUARTIER DE COLON, CENTRO HABANA

EDIFICES CULTURELS

ESPACES VERTS PUBLICS

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LOCALISATION DU PROJET : Creation d’une antenne des ecoles d’art cubanacan dans centro habana, dans le quartier de colon, donnant sur le malecon en front de mer.

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intentions de projet

PROMOUVOIR LA CULTURE CUBAINE DANS UN CONTEXTE D’OUVERTURE Nous avons plus haut émis des hypothèses sur les risques que pourrait avoir l’ouverture de Cuba au monde dans les prochaines années. L’aliénation de la culture en est l’un des principaux, ainsi que la mise au second plan des besoins de la population locale au profit du tourisme. Pour tenter d’y palier, l’histoire, la philosophie et l’architecture des écoles d’Art semblent être un bon point de départ. Méconnues des locaux et de la plupart des touristes, elles méritent pourtant une plus large reconnaissance dans le cadre de la promotion de la culture cubaine, et de la nouvelle génération d’artistes qui y sont formés. Situées en périphérie de la ville, il semble nécessaire de leur offrir une antenne dans le centre, plus visible et accessible au public. Les arts, que ce soit la musique, la danse ou encore les arts plastiques, occupent une place importante dans le quotidien des cubains, et par extension dans le cadre urbain de la Havane. Promouvoir l’art contemporain produit par les étudiants dans des lieux de représentation permettrait de créer un échange entre un large public et la jeunesse havanaise, qui constitue le présent et le futur de la Havane. Cette dernière manque d’un centre culturel aux programmes complets et inclusifs, dédié à la nouvelle génération d’artistes. Toute nouvelle architecture produite dans la capitale devrait prendre en compte le riche héritage architectural et culturel cubain, mais aussi être ouverte sur les nouvelles perspectives qui émergent, plus globales, et idéalement plus libres. Ainsi, le projet est imaginé comme un principe d’intégration dans le tissu urbain, travaillant du contexte au concept, du patrimoine physique au patrimoine culturel, du respect de l’héritage

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à l’innovation. Au delà du programme, conjointement lié à celui des écoles de Cubanacan, le projet reprend sur certaines parties l’utilisation de la brique ainsi que de la technique de la voute catalane. La brique d’argile est un matériau local qui peut être produit à Cuba, et combiné à la technique constructive qui évite l’ajout de supports et cintres, les constructions deviennent durables. Grâce aux études faites par des ingénieurs suisses pour concevoir le plug-in de Rhinoceros « RhinoVault » , il est aujourd’hui possible d’innover dans la conception formelle des voutes, pour s’adapter au mieux au contexte et aux éléments du site. Cela permet donc de travailler du local au global dans la construction du projet.

PLANTA ELECTRICA AGUILA

SAN LAZARO

COLON

HOTEL DEAUVILLE

BLANCO

MALECON

Fig 1. Etat existant des sites du projet

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INTERVENTIONS SUR L’EXISTANT

AXES DE CIRCULATION PRINCIPAUX EXISTANT DETRUIT RELOGEMENT PAR SURELEVATION

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PROGRAMMATION PAR SITE

LIEU D’EXPOSITION JARDIN

ESPACE PUBLIC JARDIN

LOGEMENTS PASSAGE

AUDITORIUM

JETÉE

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«LA VILLE DES COLONNES»

SUCCESSION DE PLAN DE PERSPECTIVE

REHABILITATION DU PATRIMOINE CONSTRUIT

CIRCULATIONS AUTOUR DE PATIOS

REPRISE DE L’HERITAGE CONSERVATION DE L’IDENTITÉ COLONIALE

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COLONNES»

RECYCLAGE DES MATERIAUX DES RUINES SUCCESSION DE PLANS DE PERSPECTIVE

ECHANGES ENTRE LA VILLE ET LE MALECON

REPRISE DE L’HERITAGE VALORISATION DU MALECON

ESPACES PUBLICS PLUS QUALITATIFS

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COMPOSER AVEC LES FORCES CLIMTIQUES Le Malecon, promenade de béton se déroulant sur toute la Havane le long de la mer des Caraïbes, est la première bande à être touchée par les intempéries, et de ce fait constitue la barrière principale de la ville face à elles. La première partie du projet se concentre sur cette protection de la Havane par sa côte. Des études d’ingénierie ont conclu que plusieurs dispositifs devraient être combinés pour offrir une protection adaptée au climat cubain. Certains d’entre eux feront partis du projet : l’élévation du mur du Malecon à 120cm du sol, l’ajout d’une partie incurvée pour accompagner la vague, ainsi que son traitement côté mer pour limiter les infiltrations d’eau ; il est également important d’ajouter en amont, à 80m environ du rivage, des brise-lames qui permettraient de réduire la puissance et la hauteur des vagues avant qu’elles n’arrivent jusqu’au Malecon. S’ajoutant à ces traitements techniques, des jetées prenant plusieurs formes et divers programmes sont disposées tout le long de la ville, conçues avec une certaine hauteur du coté nord-est où les vents dominants frappent le plus. Les jetées sont d’excellents dispositifs qui permettent de ne pas aller à l’encontre des forces climatiques marines, mais de les accompagner pour réduire leur puissance.

Fig 1. Etat existant du Malecon, risques d’innondation. Fig 2. Ajout de dispositifs pour répondre aux forces climatiques.

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Pour tout de même tenter de palier au mieux les contraintes climatiques, des régulations ont été mises en place au niveau des constructions face au front de mer à la Havane. Les rez-dechaussée devront rester à usage commercial, ou du moins ne pas comporter de logements. 15% des parcelles devront rester non construites, et les bâtiments doivent s’intégrer dans l’aspect traditionnel de la ville en ne pas dépassant les hauteurs des bâtiments avoisinants. L’entrée aux bâtiments doit être élevée de 15cm à 45cm au dessus du trottoir.


MUR ELEVÉ + INCURVÉ BRISE-LAME 60M - 80M

SYSTEME DE MUR ELEVÉ DRAINAGE + INCURVÉ BRISE-LAME 60M - 80M

SYSTEME DE DRAINAGE

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LA JETEE “PLAGE”

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LA JETEE AUX PECHEURS

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Nous trouvons actuellement tout le long du Malecon une coursive couverte au rez-de-chaussée des immeubles, principalement d’habitations. Celle-ci, supportée par une colonnade, permet de se protéger de la chaleur et des intempéries, en offrant une seconde dimension d’espace public à la rue. Le projet reprend ce principe de façade faisant office de circulation urbaine, face à la mer. En conservant l’aspect esthétique de la promenade, cette colonnade permet également de s’adapter au climat de la Havane, tout en conservant les codes architecturaux déjà bien pensés. Sur les différentes parcelles, le complexe recréé aussi le second P des principes de l’architecture moderne tropicale cubaine : le patio. Il permet la bonne circulation de l’air dans les bâtiments qui l’entourent, et la création d’un tiers-lieu qualitatif pour les havanais. S’ajoutant aux principes architecturaux énoncés plus haut, permettant de s’adapter au mieux au contexte, le projet sera principalement construit en briques d’argile écologiques. Ce matériau, comme nous l’avons vu, est cuit à basse température grâce à l’utilisation de déchets biologiques, et produit localement. Il permet également une bonne isolation thermique et évite l’utilisation d’isolants supplémentaires, étant utilisé pour la voute catalane en minimum trois couches successives. Pour la partie donnant sur l’eau, il serait plus adapté d’utiliser du ciment, plus résistant aux forces générées par la mer. Encore, il existe à Cuba un nouveau ciment écologique, limitant les émissions de CO2 lors de sa production et moins couteux, développé par l’université Centrale Marta Abreu à Cuba en collaboration avec l’EPFL. LES USAGES Le point clé du projet, pour permettre une réelle intégration dans la ville, porte sur la programmation des espaces. Plutôt que

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de programmes précis, je préfère ici utiliser le terme d’usages, mieux adapté au contexte. L’idée principale est de créer des tierslieux qui pourraient être occupés de manière spontanée. Même si certains espaces sont aménagés selon des usages définis, ils peuvent également évoluer et s’adapter à de nouvelles pratiques. Les différentes parties du projets ne sont pas modulables ou évolutives dans leur construction, mais sont conçues de telle manière qu’elles pourront être pratiquées de plusieurs façons. Le projet global peut s’expliquer en quatre parties : le Malecon-ium, la Ola, le Pasaje Cultural et le Museo Planta. Il est divisé ainsi, car chacun des sites apporte un nouveau principe d’intégration au contexte urbain havanais, et des usages adaptés. Le Malecon-ium est le traitement du front de mer. Il est composé de trois principe de jetées multipliables, placées à des points stratégiques de la promenade. Les usages de ces espaces publics ne sont autre que ceux déjà présents sur le Malecon aujourd’hui, mais qui manquent de lieux dédiés aménagés. Le premier est la jetée aux pêcheurs. Elle comporte un accès à un quai pour les barques, un marché aux poissons couvert par un ponton fini par un plongeoir, et une plateforme pour pêcher. Le second est la piscine naturelle, qui est simplement générée par de larges dalles descendant vers la mer, et se remplissant d’eau selon les vagues et les marées. Le dernier, notamment placé face aux sites du projet, est un auditorium en plein air. En plus des gradins et de la scène, deux plateformes, l’une au niveau de la rue et la seconde en continuité de la dernière marche à trois mètres de haut, sont ajoutées pour apporter une mixité d’usages. Ainsi, l’auditorium peut aussi accueillir les pêcheurs, les plongeurs, les flâneurs et autres personnages que l’on peut trouver sur le front de mer. La Ola est le site rotule entre la mer et la ville. Il comporte un

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auditorium couvert, ainsi qu’un bâtiment administratif, un accueil et une buvette. Les architectures sont conçues grâce à la technique de la voute catalane, de manière organique et accrochés au contexte bâti. Entre chaque édifice se trouvent des patios, reliés les uns aux autres par des circulations extérieures. La forme de l’auditorium a été pensée de façon à ce qu’aucun dispositif acoustique supplémentaire ne soit nécéssaire. Ainsi, l’enveloppe traduit directement le contenu. Toute la parcelle est praticable comme un espace fluide, passant du sol de la rue à la toiture de certaines structures, créant la liaison entre le tissu urbain et le Malecon par un espace public à multiples usages. Le Pasaje Cultural est un espace public formant un lien entre les différents programmes. Il comporte des circulations, des arcades et des escaliers, générant des patios sur deux niveaux, ainsi que des espaces couverts. Grâce à ces quatre éléments intégrés au contexte, le piéton peut se balader sur plusieurs hauteurs, et découvrir des évènements culturels ou des ateliers en plein air selon l’occupation du lieu. Les patios et plateformes créent des tiers-lieux dont l’occupation peut être spontanée, qu’elle soit propice à l’expression artistique ou à des réunions de famille. Cette partie du projet offre un nouvel espace public, en relation avec le centre culturel proposé, mais aussi avec l’occupation des espaces extérieurs par les locaux. Enfin, sur le quatrième et dernier site se trouve un bâtiment abandonné, la « Planta Electrica de Colon ». Construit en 1901, cet héritage industriel était censé devenir un dépôt pour les tramways en activité à la Havane. Le projet des tramways ayant été avorté, l’usine en briques est hors d’usage depuis 1915, mais reste en relativement bon état. Le plan libre intérieur serait parfaitement adapté pour créer un lieu d’exposition. L’intervention serait ici

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d’ouvrir le bâtiment dans la continuité de l’espace public venant du Passage Culturel, jusqu’à un jardin derrière le musée. Il s’agirait également de fragmenter l’espace verticalement par l’ajout de mezzanines sur une partie du bâtiment, contenant des galeries d’exposition sur les premiers niveaux, puis des ateliers d’artistes éventuellement ouverts au public, et enfin l’administration du musée. Pour limiter le fort apport en lumière venant du sud, mais tout de même permettre la ventilation naturelle, une extension est ajoutée sur la façade initialement aveugle de l’édifice. Elle constitue une double peau en arcades, où seraient exposées les sculptures insensibles aux rayonnements du soleil. Le projet global du centre d’art contemporain rattaché aux Ecoles Cubanacan contribuera à lancer un nouveau paysage architectural à la Havane. En s’adaptant au contexte climatique, urbain, social, patrimonial, culturel et économique, il permet de formuler une hypothèse sur la façon de composer un vernaculaire contemporain cubain. Il génère également une ambiance urbaine conviviale pour les piétons, encourageant la vie en plein air déjà pratiquée par les cubains, ainsi que l’intégration sociale et culturelle, primordiale face aux futures mutations du pays.

Fig 1. Sites vus du toit de l’Hotel Deauville.

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Fig 1. Planta Electrica de Colon, photographie personnelle Fig 2. Site rue San Lazaro Fig 3. Site donnant sur le Malecon, photographie personnelle Fig 4. Le Malecon, photographie personnelle 92


INSERTION DU CENTRE CULTUREL

MUSEO PLANTA PASAJE CULTURAL

LA OLA

LE MALECON-IUM

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BIBLIOGRAPHIE _ OUVRAGES

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Marie Herbet, Cuba : La révolution transgressée, Ed. Nevicata, 2016. Frédérik Lavoie, Avant l’après : voyages à Cuba avec George Orwell, Ed. La Peuplade, 2018. Michael J. Lazzara et Vicky Unruh, Telling ruins in Latin America, Ed. Palgrave Macmillan, 2009. Jean-François Lejeune, Cruauté & utopie, CIVA, 2003. John A.Loomis, Revolution of forms, Cuba’s forgotten Art schools, Princeton Architectural Press, 1999. —, The Havana Project: Architecture Again, Edité par Peter Noever, Ed. Prestel, 1995.

AUDIO-VISUEL Alysa Nahmias et Benjamin Murray, Unfinished Spaces, 2011.


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“Un temps éphémère où le merveilleux peut devenir quotidien et l’imagination convoler avec la liberté.” Ricardo Porro


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