La fleur de chance

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Ses yeux se sont ouverts. Un coup de tonnerre l’avait réveillé du monde onirique. Il est sorti d’un cauchemar pour entrer dans un autre. Le tonnerre a grondé encore. Les yeux ouverts, Ralph a regardé autour de lui, ses camarades se hurlaient des ordres les uns aux autres esquivant des coups d’artillerie, ancrés dans la fumée de la guerre. Dans un moment rapide, une personne a crié “Gasangriff!” et tout le régiment sans perdre une seconde, a mis les masques de gaz. Le moment est passé soudainement puis, le lendemain, mon copain crie et crie de derrière son masque, que je dois prendre le mien pour me protéger. Ensuite, la douleur. La fumée m’encercle, et je m'effondre. Entre les périodes des ténèbres, les lignes ont changé. Les infirmiers français sont venus, cherchant les blessés parmi les morts. Les pertes ont été énormes, et les hommes ont été chargés sur des civières pour être évacués quand ils ont senti un pouls faible. Leurs vêtements étaient déchirés et recouverts de boue et sang. Il me manquait un casque. “Comment t’appelles-tu?! Comment t'appelles-tu soldat?” Les infirmiers ont demandé. Manquant la force, Ralph a répondu, “Meyer. Je m’appelle Meyer.”




“Mayer! Il est français! Nous devons le sauver!” Ils l’ont étendu sur une civière et l’ont renvoyé. Dieu m’a sauvé. Mon copain m’a recouvert avec son manteau. Il m’a protégé du gaz, m’a gardé la respiration. J’ai été blessé au flanc gauche, à la jambe, et au dos. Je suis dans un lit, dans un petit hôpital, dans un pays en guerre. Tous les jours je peux entendre les gémissements des autres soldats se tordant de douleur. Je dis aux infirmières que je veux rentrer chez moi, mais elles ne disent rien. Les jours passent et j'écoute. Je sais qu’elles ne parlent pas allemand. Désormais, je me souviens que j'étais en Belgique quand je suis tombé dans les pommes. Peutêtre une autre langue pourrait être utile. J’essaye le même en français. Bien que ça ait recueilli une réponse, elles n’ont rien dit. Seulement des chuchotements. Je compte deux semaines du jour où je me suis réveillé. Je suis encore alité. Ça m'énerve vraiment



Un jour, une jolie fille m’a rendu visite. Elle n’est pas habillée comme une infirmière et porte une robe bleue avec un chandail de couleur crème. Pour la première fois dans ces jours à l’hôpital, j’ai une visite, seulement pour parler. Pas d’analyse médicale, sans pousser, sans tisonner. “Comme vous appelez-vous?” elle me dit. “Je m’appelle Ralph Meyer, et tu?” Mon français est sommaire. “Je suis Marie Robert.” À ce moment-là, j’ai mille questions qui surgissent de ma tête. Où suis-je? Pourquoi est-ce que les infirmières ne parlent pas avec moi? Où est ma famille? et le militaire? Pour quelle raison est-ce que je ne peux pas sortir? Malgré toutes les questions, je lui en ai posé une seule. “Comment ça va?” J’ai dit. Vraiment! La seule question que tu peux la poser est ça?! Quelle est le problème avec moi? “Ça va, mais je pense que vous êtes celui qui était au repos dans le lit. Est-ce que vous n’avez pas de questions ?” Puis, je n’ai pas pu parler. J’ai pu seulement faire un haussement d'épaules. “D’accord. Je travaille à cet hôpital pour aider des soldats qui cherchent leurs familles. Depuis l'invasion par les Allemands, environ septante endroits comme celui-ci ont été établi en Belgique et en France pour délocaliser les civils. Peut-être nous pouvons trouver votre famille et votre nouvelle adresse.



Où est-ce que vous habitez ?” Là, Ralph savait qu’il y avait une erreur. Il se souvenait qu'il y avait des gens à qui on demandait leur nom en français. Maintenant il pensait que ses cours de français à l'école n’ont pas été suffisants. Par exemple, il ne comprenait pas à-peu-près soixante-dix pourcent de ce que la belle fille a dit. Son accent était très évident. Qu’est-ce que c’est ‘septante’ ? Tout à coup, tout à fait du sens. Ils pensaient qu’il était belge ou français. S’ils découvraient la vérité, il serait forcé d’aller au camp de prisonniers de guerre (PG), ou pire. Mon Dieu ! Sa mère doit savoir qu’il est vivant. Si non, ça pourrait la tuer. Tout ce qui lui restait était sa sœur... “Euh, j’ai habité à ... à Amel.” C'était la seule autre ville belge qu’il a connaissait à part Bruxelles. “Bon, je chercherai. À demain Monsieur Mayer.” Elle est partie. “Meyer...c’est Meyer” Il a murmuré à lui-même. Dans les jours qui ont suivi, Marie a rendu visite à Ralph plusieurs fois. Il y avait quelque chose qu'elle ne pouvait pas nommer qui la rapprochait de lui. Il avait une présence mystérieuse comme si cet environnement ne lui convenait pas. Il pouvait aussi raconter les meilleures histoires, avec un tel détail et des descriptions magnifiques... À la fin d’une des plus vives histoires d’un chien et un cheval qu’il avait dans les années avant la guerre, elle pouvait voir que son incapacité de se lever pour dire au revoir le dérangeait.



“Je vais appeler un prêtre et commander un rosaire afin que nous priions pour votre santé ensemble,” elle a dit avec un sourire. “Euh, mais, nous ne savons pas prier.” “Comment vous ne savez pas prier, qu’est-ce que vous voulez dire ?” MarieRobert a demandé. “Il veut dire que nous ne pouvons pas,” Une autre infirmière a dit en réponse. “Oui. C’est le même. Mais pourquoi ?” Dans sa tête, elle s’est demandé s'il était vraiment belge ? “Nous n’avons pas le temps…” Il a dit. Ralph, il s'inquiétait d’autre chose : je suis protestant, je ne peux pas prier avec un prêtre catholique ! Ça serait un péché dans les yeux de Dieu. Au souper, Marie a eu un plan. Heureusement le plat du jour était le flamiche, et pour commencer le pâté d’Ardennes. Deux plats vraiment belge-français. Elle a amené le repas et le prêtre à Ralph, de sorte qu’ils puissent prier après avoir mangé. Avec ses premières bouchées de pâté, son sourire s’est transformé en une expression de dégoût. “Qu’est-ce que c’est ?!” Marie et le prêtre se sont renfrognés. “C’est le pâté du porc, Ralph.”



Ralph a réfléchi un moment. Il devait le manger, autrement ils soupçonneraient. Il a mangé tout le dîner, sans plaintes, mais c'était dégoûtant. Il avait toujours détesté le poireau, même quand sa mère avait cuisiné la soupe avec. Lauchsuppe était son plat le moins préférée. Après le dîner, ils ont prié. Il pouvait seulement prier dans sa propre façon que Dieu pardonne ses actions. “Monsieur Mayer, je pense que nous devrions parler.” Pourquoi est-ce qu’elle parle comme ça ? Qu'est-ce que j’ai fait ? Ralph a pensé. “Comment vous appelez vous, vraiment ?” “Ralph Meyer. Je ne suis pas belge. Je suis allemand.” Seulement Dieu pouvait le sauver maintenant, et ce serait une deuxième fois. Marie a regardé dans les yeux bleus de Ralph. Son esprit a rejoué ses mémoires et leur temps ensemble. Elle a décidé qu’elle ne pouvait pas l’abandonner. Elle devait l’aider. Avec le peu d’allemand qu’elle savait, elle a posé une autre question : “Was kann ich für dich tun?” Il a regardé profondément dans ses yeux. Pourrait-il lui faire confiance ? Ils ont sauté dans l'aventure de le ramener chez lui.



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