Brennpunkt Nr. 04/2010 französisch

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MiseauPoint Politique de la santé

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La caisse unique : un dangereux trompe-l’œil La caisse étatique unique mène dans une impasse. Elle ne résout aucun des problèmes de notre système de santé car l’augmentation des primes est directement liée à l’augmentation des dépenses de santé, que les caisses doivent payer. Une caisse étatique unique n’apporterait aucun remède à cette situation.

Claude Ruey, président de santésuisse

Par son vote négatif au Conseil national, le PS a contribué le 1er octobre dernier à l’échec de mesures d’économie pour le système de santé. Ces mesures prévoyaient notamment l’interdiction des courtiers et du démarchage téléphonique dans l’assurance de base. Comble de l’ironie, quelques jours plus tard, le 7 octobre, le PS soutient le lancement d’une initiative pour une caisse étatique unique qui réclame, entre autres, l’interdiction des courtiers et du démarchage téléphonique ! Soyons clairs : mener sur le dos des assurés une politique guidée par des calculs électoraux est irresponsable. Ceux qui persistent à refuser les réformes nécessaires tout en agitant des leurres telles que la caisse étatique unique conduisent notre système de santé à sa perte.

Le 7 octobre dernier, en commentant le lancement de l’initiative « Pour une caisse publique d’assurance-maladie » qui vise l’instauration d’une caisse étatique unique, le PS n’a pas hésité à affirmer que la disparition des caisses-maladie « mettrait un terme aux hausses massives des primes » car les frais administratifs seraient supprimés. On peut difficilement tordre davantage la réalité. Les coûts des soins grimpent en flèche, les frais des caisses baissent

CONTENU Editorial La caisse unique : un danger

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La voie de l’illusion : une caisse unique fourre-tout

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La voie de la raison : les soins intégrés

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En bref

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Les frais administratifs des caisses ne sont pas la cause de l’augmentation des primes de l’assurance maladie. Ces frais administratifs (infrastructures, personnel, facturation et marketing) ont diminué de 46 millions de francs entre 2008 et 2009. Ils représentent aujourd’hui 5,2 % des primes. C’est le seul poste de l’assurance de base qui diminue alors que les dépenses de santé à la charge de l’assurance de base augmentent chaque année de plus d’un milliard de francs. Au fond, la gauche se focalise sur les 5 % (en baisse) au lieu de s’attaquer aux 95 % (en hausse). Avec une caisse étatique, les frais administratifs ne seraient pas supprimés. Bien au contraire. Les frais administratifs de

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la caisse semi-monopolistique SUVA se montent à 9 %. En l’absence de concurrence, aucune institution n’est incitée à baisser ses coûts administratifs. Nous accumulerions des dettes si les primes ne couvraient pas les dépenses (il suffit de voir le déficit de plusieurs milliards de la caisse unique de l’AI). Bref, l’initiative n’est pas la voie à suivre ! Le peuple rejette les solutions extrêmes

Le peuple a toujours rejeté les propositions extrêmes pour le système de santé en refusant à deux reprises la caisse unique. Une caisse étatique unique mettrait fin au libre choix des assurés. Or les sondages révèlent que la population est attachée à la possibilité de changer de caisse librement et d’opter pour des franchises à option. La concurrence entre les caisses et entre les autres acteurs du système de santé est le seul moyen d’inciter chacun d’entre eux à limiter les dépenses. C’est cette voie là qu’il faut suivre pour assurer l’avenir de notre système de santé, en introduisant notamment un nouveau mode de financement des hôpitaux et en développant les réseaux de soins intégrés. (GPA)


L A V O I E D E L’ I L L U S I O N  : U N E C A I S S E U N I Q U E F O U R R E -T O U T L’initiative « pour une caisse publique d’assurance maladie » promet monts et merveilles aux assurés alors qu’elle n’est, en réalité, qu’un fourre-tout indigeste. Les conséquences d’un « oui » à une caisse unique seraient désastreuses : engorgement des réformes, explosion des primes, rationnement des soins, perte de qualité, conflit de rôles, suppression du libre choix et blocage des innovations. Personne n’a envie de goûter à cela !

Avec ses alliés le PS ressort de ses tiroirs une proposition éculée que les électeurs ont rejetée massivement à deux reprises déjà. Début octobre, il a présenté une initiative populaire visant à confier l’assurance-maladie obligatoire à une caisse unique nationale.

de 14 francs en treize ans et perd totalement de vue le bloc de coûts qui a grimpé cent fois plus, en l’occurrence de 1346 francs par assuré. Caisse unique = baisse de la qualité

Les pays qui ont opté pour une caisse unique ou l’étatisation de leur système de santé ont été les premiers à évoquer le rationnement, puis à l’imposer. Dans un système de caisse unique, les assurés n’ont pas accès à des soins vitaux comme le montrent les exemples de la Grande-Bretagne et du Canada. La caisse unique est un leurre si l’on veut, comme l’affirment les initiateurs, « défendre la qualité des soins de base contre un démantèlement des prestations ». La concurrence entre les caisses et le libre choix des assurés sont le meilleur moyen d’atteindre cet objectif. Selon l’OCDE, 87 % des Suisses disent se sentir en bonne santé. En France, qui a un système de caisse unique,

La caisse unique : une solution trompeuse

En 1996, lors de l’entrée en vigueur de la LAMal, les frais administratifs des assureurs-maladie s’élevaient à 133 francs par assuré contre 147 francs en 2009. A raison de 0,8 % par an, la hausse est légèrement inférieure à l’inflation. En revanche, les prestations médicales (médecins, hôpitaux, médicaments, etc.) ont vu leurs coûts exploser durant la même période puisqu’ils sont passés de 1723 francs par assuré en 1996 à 3069 francs en 2009, soit une progression annuelle de 4,5 %. L’initiative se focalise sur le poste de dépenses qui a augmenté

180%

SOURCE: OFSP, PROPRE ILLUSTRATION

INDICE

INDICE DES DEPENSES DE SANTE PAR ASSURE ENTRE 1996 ET 2009 PRESTATIONS MEDICALES (NETTES) PAYEES PAR LES ASSUREURS

170% 160%

PRESTATIONS BRUTES (PARTICIPATION AUX COUTS COMPRISE) = DEPENSES DE SANTE FRAIS ADMINISTRATIFS & AMORTISSEMENTS INDICE SUISSE DES PRIX A LA CONSOMMATION (RENCHERISSEMENT)

150% 140% 130% 120% 110% 100% 90% 80% 1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

L’initiative sur la caisse étatique unique passe à côté des véritables enjeux. Les frais administratifs ne sont pas très élevés puisqu’ils correspondent quasiment à l’inflation. La caisse unique ne propose aucune solution pour le véritable problème, à savoir la croissance des dépenses de santé (en rouge).

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Les dangers d’une caisse unique : • explosion des dépenses et des primes • blocage des innovations et des réformes • conflits des rôles • rationnement et perte de qualité

ils ne sont que 75 % et l’espérance de vie est plus basse qu’en Suisse. Cherchez l’erreur. Caisse unique = hausse des coûts

Si l’idée d’une caisse unique devait un jour l’emporter, il ne serait plus possible d’introduire des réformes innovantes pour répondre à l’évolution permanente de la médecine, dont nous profitons tous. Les réformes seraient bloquées, provoquant une explosion des primes. Une caisse unique n’a pas d’efforts à fournir au regard de la qualité et des primes car elle n’est pas exposée à la concurrence. Elle n’a aucune incitation à gérer les coûts avec rigueur ou à maintenir les frais administratifs aussi bas que possible. Sans oublier que les assurés ne pourraient plus sanctionner les primes trop élevées en changeant de caisse. Caisse unique = l’Etat partout

Dans un système de caisse unique, l’Etat est son propre mandant. Il devient pour tout juge et partie. Les cantons sont déjà confrontés aujourd’hui à un conflit de rôles permanent. Ils sont un peu tout à la fois : ils planifient les infrastructures, fournissent des prestations, et sont en même temps des payeurs et des arbitres du système. D’autres fonctions s’y ajouteraient encore si une caisse unique était instaurée. Big Brother n’est pas loin. (GPA)


Photo : Keystone

L’avenir de l’approvisionnement en soins est préservé grâce aux réseaux intégrés de médecins.

L A V O I E D E L A R A I S O N  : L E S S O I N S I N T É G R É S La réforme soumise au Parlement lors de la session d’hiver entend promouvoir les réseaux de soins intégrés. Elle prévoit notamment une compensation des risques affinée, la coresponsabilité budgétaire des médecins et une quotepart différenciée pour les assurés. Cette réforme permettra à long terme d’améliorer la qualité et la transparence du système de santé suisse et de limiter la hausse des dépenses.

Depuis 20 ans déjà, le succès des soins gérés ou Managed Care (MC) ne cesse de grandir en Suisse : à ce jour, 12 % des assurés sont affiliés à des modèles MC proprement dits, c’est-à-dire à des réseaux de médecins. Le conseiller fédéral Didier Burkhalter estime que d’ici 2015, 60 % de la population devraient être affiliés à un modèle de soins intégrés. Soins intégrés = solutions appropriées

Avec cette réforme, le Parlement peut poser les jalons du futur système de santé et donner un élan supplémentaire aux modèles de soins gérés. Car elle s’attaque aux vrais problèmes : grâce à une compensation des risques affinée qui tiendra compte non seulement de l’âge, du sexe et des hospitalisations intervenues au cours de l’année précédente mais aussi de l’état de santé des assurés. Les assureurs-maladie seront par ailleurs incités à développer une stratégie systématique de soins gérés misant sur la qualité et l’efficacité des prestations au lieu de privilégier la « chasse aux bons risques » néfaste sur le plan économique.

Soins intégrés = qualité et transparence

Dans les réseaux de médecins, les examens multiples inutiles et les erreurs d’indication sont évités grâce à une meilleure coordination du traitement des patients. Des organisations de certification comme Equam mesurent la qualité des cabinets de soins gérés à l’aide de 400 critères de qualité définis (comme l’efficacité du traitement, l’accès aux soins, la satisfaction des patients). La qualité est ainsi garantie et indiquée en toute transparence. Soins intégrés = limitation de la hausse des coûts

Dans les modèles de soins gérés, les économies ne se font pas sur le dos des patients en diminuant la qualité des soins. Les prestations ne sont pas rationnées, mais les réseaux travaillent de manière plus rationnelle. Grâce à des processus prédéfinis, les patients sont mieux soignés et plus rapidement. Des études attestent que les modèles de soins gérés permettent d’économiser 10 à 20 % des dépenses. La coresponsabilité budgétaire des médecins par l’intermédiaire d’un budget global participe à cette réduction des coûts.

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Les avantages de la réforme des soins intégrés : • incitations pour des modèles d’assurance innovants grâce à une quote-part différenciée pour les patients et à la compensation des risques affinée • une qualité et une transparence plus élevées dans les réseaux de médecins • une réduction des coûts grâce à la coresponsabilité budgétaire au sein des réseaux de médecins

Les soins intégrés : un projet commun

Le caractère facultatif des soins intégrés a toujours été un facteur de succès décisif. Ni les patients, ni les médecins ou les caisses n’ont été contraints d’y adhérer. Au printemps 2010, des assureurs, des médecins, santésuisse et la FMH ont fait des propositions communes. Bon nombre d’entre elles ont été prises en compte dans le projet de réforme en cours : la définition des soins intégrés, la compensation des risques affinée, le libre choix des assurés, la coresponsabilité budgétaire dans les réseaux de médecins et la promotion des soins gérés par des incitations adéquates au travers des primes, des franchises et de la quote-part. (GPA)


EN BREF Le concept des réserves cantonales est absurde Le Parlement a approuvé une initiative du canton de Genève demandant que les réserves des assureurs-maladie soient constituées de manière distincte pour chaque canton. A l’heure des questions, le Conseil fédéral a analysé la problématique plus en détail : le concept des réserves cantonales est totalement étranger au système de la LAMal car les assureurs doivent garantir leur solvabilité au niveau national. Le Conseil fédéral s’oppose donc à la cantonalisation des réserves qui entraînerait par ailleurs une hausse générale des primes. Les réserves cantonales n’existent ni dans la loi ni dans la comptabilité des assureurs. Le Conseil fédéral est d’avis que les mesures suivantes permettront de résoudre la problématique : 1. Il s’agira tout d’abord d’approuver exclusivement les primes couvrant les dépenses. 2. Ensuite, les réserves devront être calculées pour chaque assureur, en fonction des risques encourus, dont la structure de l’effectif des assurés. 3. Un mécanisme correcteur sera créé pour supprimer le problème des différences entre primes et dépenses. Ces mesures doivent être concrétisées par voie d’ordonnance et entrer en vigueur en 2011 déjà. En ce qui concerne la question des réserves, santésuisse partage l’avis et l’analyse du Conseil fédéral. Quant au mécanisme correcteur à introduire, il faudra s’assurer qu’il tienne compte de la structure des risques.

Une « alliance » cause le rejet des mesures d’économie Le paquet de mesures d’économie proposé par le Conseil fédéral a fait naufrage le dernier jour de la session d’automne : il a été rejeté par 97 voix contre 76 et 19 abstentions. Une « alliance contre nature » de l’UDC, du Parti socialiste suisse (PSS) et l’abstention de la plupart des écologistes ont enterré le paquet qui aurait généré 250 millions d’économies. Peu après ce rejet, lors de la présentation de l’initiative sur la caisse étatique unique, le parti socialiste a notamment réclamé une mesure qu’il ve-

nait d’enterrer en rejetant le paquet : l’interdiction du démarchage par téléphone et des commissions versées aux intermédiaires! Cette attitude est particulièrement choquante. Manifestement, le « non » du PSS aux mesures visant à faire baisser les coûts n’est pas fondé du point de vue politique ; il s’agit uniquement, pour le PSS, de maintenir la pression en faveur d’une caisse étatique unique. Sur un arrière-fond de campagne électorale, agir pour des raisons purement tactiques au détriment des assurés fait preuve d’un total manque de responsabilité.

Le Parlement est opposé aux caisses uniques cantonales

santésuisse exerce un devoir d’information A l’heure des questions de la session d’automne, les conseillers nationaux Jean-François Steiert (PSS) et Reto Wehrli (PDC) ont critiqué la campagne d’information de santésuisse. Ils l’ont qualifiée de « campagne de marketing à caractère politique » et ont posé la question de savoir si elle était légale et proportionnée. Dans sa réponse, le Conseil fédéral a mentionné que les coûts de cette campagne s’élevaient à 1,2 millions de francs, soit à 16 centimes par assuré et par an. Il a aussi rappelé que, conformément à la loi, les assureurs sont en droit de consacrer une part de leurs frais administratifs à la publicité, pour autant que ces frais soient limités aux exigences d’une gestion économique. Dans le cas concret, les moyens financiers engagés ne sont pas disproportionnés, a précisé le Conseil fédéral. santésuisse souhaite rappeler à ce propos que le devoir d’information des assureurs est même fixé par la loi fédérale sur le droit des assurances sociales (LPGA, art. 27). (GPA)

Dans une initiative parlementaire, Josef Zisyadis, conseiller national PSTPOP Vaud, a demandé que les cantons aient la possibilité de créer des caisses uniques cantonales pour l’assurancemaladie de base. La discussion a mis en évidence les graves inconvénients d’une telle proposition : le fait d’instaurer des caisses uniques cantonales ne résout pas le problème des dépenses de santé. En revanche, l’initiative va à l’encontre des efforts actuels visant à abolir les frontières cantonales dans Caisses-maladie, sacrée vacherie! le domaine de la santé. D’un côté, le libre accès Et pourtant… aux fournisseurs de prestations de toute la Suisse et, de l’autre, des caisses uniques cantonales, rendraient le système actuel encore plus compliqué qu’aujourd’hui. Le Conseil national a donc pris la seule décision qui s’imposait : il a rejeté l’initiative de manière très nette par 105 voix contre 45 et 14 absentions. Même le PS, pour qui la caisse étatique unique demeure un objectif favori, n’a pas apporté un soutien sans faille à l’initiative : une bonne partie de ses membres n’ont pu se résoudre à Les assureurs-maladie suisses franchir le pas et se sont abstenus de voter. toujours-avec-vous.ch

Qui se bat pour votre libre choix?

IMPRESSUM EDITION santésuisse – Les assureurs-maladie suisses, Römerstrasse 20, case postale, 4502 Soleure REDACTION Gregor Patorski, Département Politique et Communication, case postale, 4502 Soleure, Tél. 032 625 41 54, fax. 032 625 41 51, courriel : redaction@santesuisse.ch, page d’accueil : www.santesuisse.ch PRODUCTION City-Offset, Solothurnstrasse 84, 2540 Granges PAGE DE COUVERTURE Keystone

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