infosantésuisse Nr. 05/2010 français

Page 1

5/10

info santésuisse

De quelle prévention avons-nous besoin ?

Le magazine des assureurs-maladie suisses


Page 4

Page 8

Page 10

Loi fédérale sur la prévention : le point sur la situation

Financement de la prévention : les différentes sources de financement

Etudes sur «le retour sur investissement»: une nouvelle ère méthodologique est née

Sommaire Sous la loupe 4 La loi fédérale sur la prévention alimente les débats 5 Interview avec Stefan Kaufmann, directeur de santésuisse : « Notre système de santé nécessite un changement de paradigme » 6 Entretien avec Thomas Mattig, directeur de la fondation, Promotion Santé Suisse : « 22 cantons, un seul programme : une première» 8 Comment est financée la prévention en Suisse ? 9 Le graphique du mois. Dépenses pour la prévention : la Suisse en dessous de la moyenne de l’OCDE 10 La prévention est efficace, mais aussi rentable 11 Discussion avec David Fäh, médecin spécialiste en prévention : «Bouger plus vaut mieux que manger moins » 12 Zoug rend la dépression socialement acceptable 13 3x3 questions à Joachim Eder, directeur de la santé du canton de Zoug 14 Le Pedibus, ça marche ! 16 Interview avec Felix Huber, médecin généraliste : « L’avenir des soins gérés est dans le suivi des malades chroniques » 18 La mammographie au banc d’essai 20 A lire. La Piqûre de trop ? de Catherine Riva et Jean-Pierre Spinosa Domaine de la santé 22 SwissDRG 2012 : la LAMal n’est pas une loi sur le financement des hôpitaux 24 12e Forum suisse de l’assurance-maladie sociale Service 26 Image du mois : Suivre la Coupe du monde tout en restant en bonne santé 27 Nouvelles du monde 27 Bonnes relations familiales, consommation d’alcool moindre 27 L’UE investit 500 millions dans les nouvelles technologies

No 5, JUIN 2010 Paraît dix fois par an prix de l’abonnement 69 fr. par an, 10 fr. le numéro Éditeur et administration santésuisse, Les assureurs-maladie suisses, Römerstrasse 20, case postale, 4502 Soleure Responsable de la rédaction Maud Hilaire Schenker, Département Politique et Communication, Case postale, 4502 Soleure Téléphone : 032 625 41 27, Fax : 032 625 41 51, Courriel : redation@santesuisse.ch production : Rub Graf-Lehmann AG, Murtenstrasse 40, 3001 Berne Conception de la mise en page  Pomcany’s mise en page  Henriette Lux administration des annonces Toutes les annonces – les offres d’emploi y compris – sont à adresser à : « infosantésuisse », Römerstrasse 20, case postale, 4502 Soleure courriel : redaktion@santesuisse.ch Administration des abonnements Téléphone : 032 625 42 74, Fax : 032 625 41 51 Portail : www.santesuisse.ch Page de titre : Schütz den Lux, Soleure ISSN 1660-7236


Avons-nous besoin d’une loi sur la prévention ?

Un Etat moderne doit créer des conditions permettant à tous ses habitants de mener une vie saine. Promouvoir activement la santé et éviter voire dépister les maladies en cas de nécessité en font partie. De nombreuses maladies surgissent sans que nous puissions les contrôler ou même les éviter. Aussi une bonne couverture en soins médicaux est-elle indispensable. Mais la promotion de la santé va au-delà. Selon la définition de l’OMS, « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. » Cette définition suggère dans quelle direction la politique de la santé pourrait évoluer, en l’occurrence atténuer la notion de soins pour se concentrer sur la promotion active de la santé. Face aux nouveaux défis de notre système de santé, il est temps de renforcer la promotion de la santé et la prévention : le vieillissement démographique, l’augmentation des maladies chroniques et des troubles psychiques ainsi que l’émergence de maladies infectieuses entraînent en effet une croissance exponentielle des coûts. Ces coûts peuvent être réduits en dépistant les maladies à un stade précoce, ou en les évitant. La promotion de la santé et la prévention primaire permettent à l’individu d’adopter un environnement et un mode de vie plus sains et de déployer des ressources en matière de santé. A terme, les risques pour la population de développer des maladies diminuent. Mieux : de nouvelles études sur l’alcool, le tabac et la circulation routière démontrent que la prévention est rentable. Par ailleurs, la réduction du stress au travail ou la promotion de la santé psychique permettent de réaliser des économies massives au niveau des indemnités journalières et des rentes d’invalidité. A ses débuts, la loi sur la prévention a éveillé des attentes – à présent déçues – car la promotion de la santé et la prévention primaire y occupaient une place prépondérante. Dans le projet actuel, l’objet et le but de la loi visent la prévention et la détection précoce de maladies humaines transmissibles, très répandues ou particulièrement dangereuses. Une importance considérable est accordée à la prévention secondaire, soit à la détection précoce de maladies, un domaine déjà réglementé par des lois spécifiques (article 26 LAMal; LAA; Loi sur le travail, Loi sur les épidémies et lois sur la santé). Un autre point négatif concerne le financement : la limitation au supplément de prime LAMal et à la taxe pour la prévention du tabagisme est contraire à l’exigence de la loi qui préconise un usage plus efficient des ressources disponibles. Ainsi, toutes les ressources affectées actuellement aux objectifs de prévention devraient être régies par la loi fédérale sur la prévention, autrement dit celles de l’OFSP, du bpa et de la SUVA. « De quelle prévention avons-nous besoin ? », peut-on lire sur la couverture du présent numéro d’infosantésuisse. La réponse est « de toutes », tant de la promotion de la santé, que de la prévention primaire, secondaire et tertiaire. Nous vous expliquons pourquoi. Découvrez aussi pourquoi à la question « Avons-nous besoin d’une loi sur la prévention ? », nous répondons malgré tout « oui ».

3 | Editorial 5/10

Dr. Reto Guetg Médecin conseil de santésuisse


Loi fédérale sur la prévention : le point sur la situation

La loi fédérale sur la prévention alimente les débats Qu’est-ce ce que la prévention et la promotion de la santé ? La promotion de la santé signifie plus que la guérison de la maladie. Au sens large du terme, elle comprend les interventions structurelles améliorant la santé de la population. Ces interventions vont des mesures prises au cours de la scolarité obligatoire jusqu’au respect des droits fondamentaux de la personne1. L’idée est de créer des conditions favorables à une vie saine, en modifiant les conditions de travail, d’environnement et de vie ainsi que le comportement individuel. La participation active de chacun est essentielle, afin que l’individu intègre en son for intérieur une manière d’agir librement consentie et acquiert confiance en lui-même pour faire face aux défis physiques et psychosociaux (salutogenèse). La définition de la santé de l’Organisation mondiale de la santé sert de base à cette philosophie : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité ». La prévention primaire recouvre en partie la promotion de la santé en cherchant à anticiper les maladies, par exemple par des vaccinations ou par l’encouragement d’activités sportives. La prévention secondaire se focalise sur le dépistage précoce de maladies par screening. La prévention tertiaire vise à obtenir un diagnostic plus précis d’une maladie aigüe et à réduire les risques de rechute, notamment par la réadaptation après une attaque cérébrale. (sis) 1

Le texte s’inspire d’un résumé du chapitre «Prévention, promotion de la santé et santé publique», extrait de l’ouvrage Gesundheitswesen Schweiz 2010 – 2012, Eine aktuelle Übersicht (Système de santé suisse 2010 – 2012, Survol de la situation actuelle, en cours de traduction) de Gerhard Kocher et Willy Oggier, p. 309 ss. L’ouvrage en allemand sera vendu en librairie fin juin 2010.

L’objectif de la nouvelle loi fédérale sur la prévention et la promotion de la santé est de coordonner les activités des différents acteurs et d’accroître leur efficacité. Mais la création d’un nouvel institut national suscite de nombreuses polémiques. Quelle est la situation actuelle ?

Les objectifs initiaux de la loi fédérale sur la prévention et la promotion de la santé (LPrév)1, qui a fait l’objet de nombreuses discussions dans les milieux et cercles intéressés, étaient ambitieux. La loi devait : • renforcer la prévention et la promotion de la santé ; • promouvoir les compétences et les ressources en matière de santé de la population ; • réduire les impacts sur la santé ; • clarifier les attributions et les compétences de la Confédération, des cantons et des autres acteurs. La Commission du Conseil national (CSSS-CN) est entrée en matière fin mars dernier sur la nouvelle loi fédérale sur la prévention. Elle sera encore débattue cette année au sein de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats (CSSS-CE). Elle prévoit notamment que la Confédération formule des objectifs de santé valables pour une durée de huit ans en étroite concertation avec les cantons. La stratégie pour la prévention et la promotion de la santé est développée à partir de ces objectifs. Sa durée de validité est de quatre ans. Des analyses des coûts et des avantages permettent de vérifier si les objectifs ont été atteints. Un nouvel institut national élabore des mesures et les met en œuvre. Ces mesures sont financées à l’aide du supplément de prime LAMal et de la taxe pour la prévention du tabagisme. La présente version accorde une grande importance à la prévention secondaire et réduit l’étendue initiale de la loi.

QUI FAIT QUOI? DEPENSES POUR LA PREVENTION EN MILLIONS DE CHF EN 2004 (Donnees selon les renseignements

(Donnees selon les statistiques des finances publiques de l’ofs)

(taxes sur les primes d’assurance liees a une cause et affectees)

des differentes institutions)

administration centrale 1

III. autres acteurs

38,2

SOURCE : OFSP

II. institutions independantes ou fondations a mandat legal

1. depenses de la confederation

total des depenses

152,2

dont

(ressources ordinaires de la confederation)

repartition par themes :

sida (ofsp) 10,0 alcool (ofsp) 4,7 activite physique (ofspo) 1,5 prevention de la drogue chez les jeunes (ofsp) 5,5 prevention de la drogue en general (ofsp) 6,7 alimentation (ofsp) 0,3 tabac (ofsp) 1,8 autres (ofsp) 7,7 unites administratives decentralisees 19,5 repartition par themes : fonds de prevention du tabagisme regie federale des alcools

total 20043

18,0 1,5

suva et organisations specialisees 92,6 seco et inspections cantonales du travail 7,9 bureau de prevention des accidents 15,4 fonds de securite routiere 18,8 promotion sante suisse 17,5

assurances sociales2 (probablement essentiellement depenses de l’avs et l’ai pour l’action sociale et la reinsertion)

149,8

cantons2 (en moyenne chf 34/habitant(e) communes2 (propablement essentiellement

252,3

prophylaxie dentaire a l’ecole et prevention/ traitement des dependances) Organisations privees2 menageS prives2 participations aux traitements dentaires des enfants dons aux ligues de sante

Seules les dépenses effectives pour les mesures de prévention sont indiquées. Les données de la statistique des finances publiques de l’OFS contiennent aussi les frais administratifs. 2 Utilisation non précisée : les données de la statistique des finances publiques de l’OFS sont saisies et ventilées sur la base d’anciens concepts. 3 Y compris Confédération ; données 2004 selon la statistique des finances publiques de l’OFS. 1

4 | Sous la loupe 5/10

125,1 222,6 180,8 55,2 55,6 1125,5


L’institut national soulève de nombreuses questions

Les partisans d’une loi estiment unanimement que la prévention doit être coordonnée et gérée plus efficacement. Mais ils sont presque aussi nombreux à juger la création d’un nouvel institut superflue. Trente associations économiques, la plupart des partis, des directeurs cantonaux de la santé et des fondations privées considèrent que des institutions à même d’assumer une fonction de coordination nationale existent déjà. L’Union suisse des arts et métiers est également opposée à la création d’un nouvel institut national. Elle regrette par

ailleurs la perte d’efficacité liée à la centralisation, le contact moins direct avec les différents groupes de risques et la surcharge administrative pour les PME. Elle s’oppose donc au projet à l’instar d’economiesuisse qui considère qu’une nouvelle loi n’est pas la bonne solution pour améliorer la politique en matière de prévention. silvia schütz

Le contenu détaillé de la loi fédérale sur la prévention et la promotion de la santé est consultable sur : http ://www.admin.ch/ch

1

Face aux nouveaux défis, plus d’efficience et de coordination sont nécessaires

Photo : Dominik Labhardt

« Notre système de santé nécessite un changement de paradigme » La politique suisse de la santé donne actuellement la priorité à la médecine curative. Dans ce cadre, l’objectif de la prévention est de réduire l’apparition des maladies et d’en améliorer le diagnostic. La promotion et le maintien de la santé devraient cependant aussi constituer des éléments importants du système de santé, selon Stefan Kaufmann, directeur de santésuisse.

Du point de vue des assureurs-maladie, quelles conditions la future loi sur la prévention doit-elle remplir ?

Les objectifs de la loi et les compétences doivent être clairement définis. C’est sur cette base que repose la stratégie – largement soutenue – de la promotion de la santé et de la prévention des maladies (prévention primaire). Il ne s’agit pas de demander plus d’argent, mais d’utiliser les moyens disponibles de manière plus ciblée et plus judicieuse pour obtenir un meilleur rapport coûts/bénéfice. C’est pourquoi, la prévention devrait être fondée sur les preuves. A l’heure actuelle, la loi sur la prévention répond-elle à vos attentes ?

L’exigence d’une stratégie fixée et coordonnée à l’échelle nationale est remplie par la loi. En revanche, il est regrettable que tous les domaines de la prévention ne soient pas mis dans le même « pot » et régis par la même loi, ce qui affaiblit la coordination globale de la prévention. Autre point négatif : l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a donné beaucoup plus de poids à la prévention secondaire (dépistage) qu’à la promotion de la santé et à la prévention des maladies. Or, du point de vue des assureurs, la prévention secondaire est déjà

réglée par la loi sur l’assurance-maladie (LAMal) et d’autres lois spécifiques. En outre, elle ouvre toutes grandes les portes à de nouveaux coûts à la charge de l’assurance-maladie. Que pensez-vous d’un nouvel Institut national chargé de la coordination future de la prévention ?

Un nouvel institut est inutile. Nous avons déjà les structures nécessaires. C’est une stratégie nationale qui a jusqu’ici fait défaut. A quoi devraient servir les 18 millions de francs de contribution des assurés LAMal ?

A la promotion de la santé, car elle doit être renforcée. Notre système n’est pas conçu pour conserver la santé mais pour lutter contre les maladies. Les fournisseurs de prestations ne sont pas payés pour maintenir la santé, mais pour guérir et dépister précocement les maladies. Il faut changer de paradigme : en matière de politique de la santé, les efforts doivent d’abord porter sur la santé, sa promotion et son maintien. Une prévention judicieuse devrait aller au-delà des prestations actuellement offertes telles que les examens préventifs ou de dépistage précoce. Elle devrait commencer là où il est possible de faire échec aux facteurs nuisibles à la santé, que ce soit dans la vie professionnelle, quotidienne ou privée. Les adversaires craignent que la loi mette inutilement les citoyens sous tutelle.

La promotion de la santé ne met pas sous tutelle, elle montre comment acquérir les compétences de santé. Un exemple de succès : la promotion de l’hygiène dentaire dans les salles de classe. La promotion de la santé n’a que faire des interdictions et des contraintes. Quiconque souhaite en tirer profit peut le faire de son plein gré. interview : silvia schütz

5 | Sous la loupe 5/10


Les activités des différents acteurs manquent de coordination

« 22 cantons, un seul programme : une première » Selon Thomas Mattig, directeur de la fondation, Promotion Santé Suisse, il n’existe à présent au niveau national que peu de bases légales pour la prévention et la promotion de la santé. Aussi la nouvelle loi est-elle importante.

Longtemps discutée, la loi sur la prévention semble maintenant sous toit. A votre avis, « enfin » ou « malheureusement » ?

J’approuve la loi sur la prévention. Non seulement elle permet à tous les acteurs d’agir de manière plus ciblée, mais elle permet à la promotion de la santé de gagner en importance. Jusqu’à présent, il n’existait, au niveau fédéral, que quelques bases légales marginales concernant la prévention. Dans quels domaines les buts globaux sont-ils particulièrement importants ?

En matière de prévention, les buts globaux, valables pour tous, font en général défaut. C’est notamment le cas pour la santé mentale : outre nos actions, il existe aussi les programmes de la Confédération et des cantons. Avoir des buts et des stratégies communs permettraient à tous les acteurs de mieux concerter leurs activités. Un nouvel Institut national, qui fonctionnerait comme un centre de coordination, a été proposé pour remédier à ce problème. Qu’en pensez-vous ?

Nous ne partons pas de zéro ; par le passé, des structures ont été créées, qui ont fait leurs preuves et sur lesquelles nous pouvons nous arrimer. Recommencer maintenant avec quelque chose de complètement nouveau reviendrait à annihiler beaucoup de travail. De nombreux acteurs voient les choses ainsi. A votre avis, comment la prévention s’organisera-t-elle à l’avenir ?

La Confédération, les cantons et des tiers élaboreront ensemble des objectifs nationaux pour la promotion de la santé et la prévention. Le Conseil fédéral formulera sur la base de ces buts une stratégie pour chaque tâche et attribuera ensuite aux différents acteurs des domaines clairs pour lesquels ils recevront un mandat.

Les coûts du stress Selon une étude du SECO de 2003, les coûts du stress (coûts médicaux, automédication, absentéisme et perte de production) s’élèvent à 4,2 milliards de francs, soit à 1,2 % du PIB. 42 % sont dus aux frais médicaux et à l’automédication contre le stress.

Promotion Santé Suisse La fondation Promotion Santé Suisse est financée par une contribution des assurés de 2,40 francs prélevée via les primes d’assurancemaladie et, dans une modeste mesure, par les revenus de ses propres prestations de service telles que le label «Friendly Work Space®». Font partie de son Conseil de fondation des représentants des assureurs, des cantons, de la Suva, de la Confédération, du corps médical, des pharmaciens, des scientifiques, des ligues de la santé, des organisations professionnelles du domaine de la santé et des consommatrices et consommateurs.

Autrement dit, l’OFSP devrait abandonner quelques domaines, comme ceux de la prévention du tabagisme et des dépendances en plus de l’alimentation et de l’activité physique. Faut-il s’attendre à des résistances ?

Une décentralisation serait certainement positive pour l’OFSP, qui pourrait ainsi se concentrer sur ses activités principales. La fondation Promotion Santé Suisse est financée par les contributions des assurés. Si de nouvelles tâches lui étaient confiées, recevrait-elle aussi le produit des impôts sur le tabac et l’argent des contribuables utilisé pour la prévention de l’alcoolisme ?

Elargir les tâches sans donner les moyens nécessaires ne peut pas être le but d’une nouvelle loi. Nous sommes cependant convaincus que nous pouvons améliorer l’impact de la prévention en gagnant en efficience. Le but doit alors être de parvenir à faire plus avec les moyens existant. Y a-t-il effectivement un risque que trop peu de moyens financiers soient mis à la disposition de la prévention ?

La part affectée à l’ensemble de la prévention s’élève à 2,3 % des coûts de la santé, ce qui correspond, au niveau fédéral, à 55 millions de francs. La loi sur la prévention prévoit la neutralité des coûts – mais en parallèle, des mesures d’économie sont en préparation au Département fédéral des finances et elles affectent aussi la prévention. Il n’est donc pas étonnant que certains acteurs tirent la sonnette d’alarme. En matière de prévention aussi, les cantons font preuve « d’esprit de clocher », mais il est vrai qu’ils paient de leur poche la plus grande partie des mesures de prévention. La collaboration avec les cantons est-elle de ce fait plus difficile ?

Il existe des incitations pour les cantons dans le cadre de nos programmes cantonaux : plus les cantons mettent en œuvre des programmes standards dans le cadre de projets cantonaux, plus ils reçoivent de l’argent de la fondation. Le système fonctionne. C’est une solution gratifiante pour les deux parties.

6 | Sous la loupe 5/10


Photo : ZVG

Thomas Mattig, Directeur de l’association Promotion Santé Suisse : «Le but doit être de faire plus avec les moyens existants.»

Pouvez-vous aujourd’hui déjà citer des exemples de collaboration réussie ?

Oui,  le programme d’action cantonal pour un poids corporel sain. 22 cantons mettent en œuvre le même programme : une première dans le système de santé. L’ensemble du programme est conçu sur la base de modules, ce qui a contribué à son succès. Les cantons peuvent choisir ce qui correspond à leurs besoins. Certains cantons ont déjà quatre ans d’expérience derrière eux. Les premiers résultats semblent prometteurs. Comment évaluez-vous le soutien apporté par les cantons ?

Pour les cantons, il est important qu’ils aient leur mot à dire sur la définition des objectifs et qu’ils reçoivent une part des ressources de la Confédération. La question de la structure ne figure pas au premier plan pour la CDS (Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé). Elle a clairement mentionné qu’elle pouvait aussi bien s’imaginer la mise en place de la loi avec Promotion Santé Suisse en lieu et place du nouvel institut. Comment chiffrer les économies réalisées grâce à la prévention ?

La preuve du bénéfice économique de la prévention est en règle générale difficile à apporter. Mais il existe d’innombrables études, qui attestent de l’impact de la prévention. Une étude réalisée par l’hôpital cantonal de Coire prouve que l’interdiction de fumer en mars 2008 dans les établissements publics a entraîné dans le canton des Grisons un recul de 22 % des infarctus. Elle corrobore les résultats d’autres études européennes, qui ont évalué l’influence de l’interdiction de fumer dans les lieux publics.

sant à gérer le stress en entreprise. Les premiers résultats sont encourageants. En matière de prévention, y a-t-il encore des domaines qu’il faut de toute urgence prendre en mains ?

Les troubles psychiques sont largement répandus en Suisse. On estime de manière approximative qu’annuellement 2025 % de la population souffrent d’une maladie psychique qui peut être diagnostiquée et que la dépression occupe la place la plus importante. Toutefois, selon le rapport des pays de l’OCDE (2006), la promotion de la santé psychique et la prévention des maladies psychiques sont négligées en Suisse. On pourrait créer des programmes qui permettent aux personnes âgées de rester plus longtemps autonomes et de vivre à la maison. Interview : Silvia Schütz

Prévention du stress Le label « Friendly Work Space® » est attribué aux entreprises qui mettent en œuvre avec succès des mesures visant à l’optimisation des conditions cadres de l’entreprise et qui considèrent la gestion de la santé en entreprise comme partie intégrante de la gestion d’entreprise. 56 000 collaborateurs répartis dans 25 entreprises bénéficient actuellement de ce label. Avec le projet Swing (gestion du stress, effets et bénéfice de la promotion de la santé en entreprise) Promotion Santé Suisse et l’Association Suisse d’Assurances (ASA) mettent à disposition des entreprises des instructions spécifiques pour déceler et éliminer les causes de stress sur le lieu de travail.

Encore plus difficile à chiffrer est le bénéfice de la prévention non basée sur une interdiction légale.

Les déclarations sont surtout possibles pour la promotion de la santé en entreprise. Dans le cadre du projet Swing, nous évaluons l’impact économique des interventions vi-

7 | Sous la loupe 5/10


Financement de la prévention : les différentes sources de financement

Comment est financée la prévention en Suisse ? Comment sont financées la promotion et la prévention de la santé ? Qui paie ? A combien s’élèvent les dépenses dans ce domaine ?

En 2007, la Suisse a investi au total 55,34 milliards de francs dans son système de santé, soit 10,8 % de son produit intérieur brut (PIB). Sur ces 55,34 milliards de francs, 93 % (51 milliards de francs) ont été consacrés à la prise en charge médicale de la population. Les dépenses de la prévention représentaient 2,3 % en 2007 (1,28 milliard de francs). Ce dernier chiffre place la Suisse en dessous de la moyenne de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui est de 3 %. Répartition entre la confédération et les cantons

En 2007, les dépenses totales des acteurs ayant un mandat légal fédéral se chiffraient à 234,8 millions de francs. Une grande partie de ces dépenses ne sont pas financées par le budget de la Confédération. C’est pourquoi, ce chiffre diffère de celui indiqué dans le tableau concernant les dépenses de la Confédération. D’après les chiffres disponibles, les cantons ont investi au total 257,5 millions de francs dans la prévention, la promotion de la santé et la détection précoce. Les fonds concernés sont allés notamment à la santé scolaire, à des projets et à des institutions de prévention et de promotion de la santé (en particulier à des projets portant sur les dépendances) et aux ligues cantonales de santé. Sources de financement des mesures de prévention et de promotion de la Santé

La prévention et la promotion de la santé sont financées de différentes manières : • Les moyens fédéraux généraux et impôts qui sont des crédits de l’OFSP destinés à la prévention.

• Les impôts affectés dont le revenu est attribué à des tâches précises prévues par la Constitution ou la loi. A ce titre, figure l’impôt sur le tabac (sur un paquet de 20 cigarettes vendu 7 francs par paquet, l’impôt sur le tabac représente 56,26 % de ce prix (soit 3,94 CHF) et la TVA 7,06 % (soit 49 centimes). La totalité des revenus de l’impôt sur le tabac, soit 2,19 milliards de francs en 2008, sert à financer l’AVS/AI. Cette somme correspond à environ 5 % du total des recettes de ces assurances.) On trouve aussi l’impôt sur l’alcool consacré à la lutte contre l’alcoolisme, l’abus de drogues, de stupéfiants et de médicaments. • Les taxes qui ont pour but d’influer sur le comportement par le biais d’incitations financières sans but fiscal, et en particulier sans revenus pour la caisse fédérale générale. Une taxe de 2,6 centimes par paquet de cigarettes vendu est ainsi prélevée au profit du fonds de prévention du tabagisme, qui dispose de près de 16 millions de francs de ressources annuelles • Les suppléments de primes qui sont prescrits par la loi mais n’ont pas de compétence spécifique donnée par la Constitution. Par exemple, chaque affilié à l’assurance maladie obligatoire paie une contribution de CHF 2,40 à la Fondation Promotion Santé Suisse (LAMal, art. 20). Mais il existe aussi un supplément de prime de 6,5 % de la prime nette pour l’assurance-accidents pour la prévention des accidents et des maladies professionnels (LAA, art. 87), un supplément de prime de 0,75 % de la prime nette pour la prévention des accidents non professionnels (LAA, art. 88) et un supplément de prime de 0,75 % de la prime nette de l’assurance responsabilité civile des véhicules à moteurs pour la prévention des accidents de la route (loi sur la contribution à la prévention des accidents, art. 1). Le but de la nouvelle loi sur la prévention est d’utiliser à long terme ces ressources existantes de manière plus ciblée et en tenant compte du rapport coûts/avantages. maud hilaire schenker

Dépenses pour la prévention effectuées par les différents contributeurs directs Contributeurs directs

2006 (millions de CHF)

2007 (millions de CHF)

53,3

1601

4,7

12,5

250,5

257,5

21,9

20,1

129

129

11,3

10,1

Assurances sociales, dont LAMAL LAA AVS/AI

298 17,5 122,2 158,3

307 18,7 123,4 164,8

26,1 1,5 10,7 13,9

23,9 1,5 9,6 12,7

Ménages privés

175,3

184,1

15,4

14,4

Autres financements privés

235,2

244,9

20,6

19,0

1141,4

1282,5

100

100

Confédération Cantons Communes

Total

2006 (part en %)

2007 (part en %)

Source : Office fédérale de la statistique, Statistique du coût et du financement du système de santé 2006 et 2007 1 La hausse enregistrée par rapport à 2006 est due, d’une part, à l’achat de vaccins pour combattre une pandémie de grippe (70 millions de francs), et d’autre part, à une modification de la codification des dépenses fédérales,

La prévention est avant tout financée par les cantons, les assurances sociales et les financements privés.

8 | Sous la loupe 5/10


Le graphique du mois

Dépenses pour la prévention : la Suisse en dessous de la moyenne de l’OCDE Le graphique du mois compare les dépenses allouées aux programmes organisés de santé publique et de prévention en 2007 dans les différents pays de l’OCDE. En moyenne, les pays de l’OCDE ont consacré 3 % de leurs dépenses de santé à des activités de prévention. La Suisse est loin derrière avec 2,3 %. Pourquoi ? La Suisse accorderait-elle si peu de crédit à la prévention ?

Un problème de définition

pose, ni à l’échelle cantonale, ni à l’échelle fédérale, de définition homogène des dépenses publiques qui doivent être comptabilisées sous la rubrique « prévention et promotion de la santé », ce qui peut entraîner une distorsion des données statistiques. Il est donc loin d’être évident que les pays s’entendent sur une définition commune. Où s’arrête la promotion de la santé et où commence la prévention ? La prévention englobe-t-elle seulement la prévention primaire (vaccination prophylactique), ou comprend-elle aussi la prévention secondaire (dépistage précoce) et la prévention tertiaire (suivi des malades chroniques) ? Le graphique se limite ici à la prévention primaire, soit aux programmes de vaccination et aux campagnes de santé publique sur l’abus d’alcool et de tabac. En 2008 et 2009, ces dépenses vont certainement exploser sous le coup des vastes campagnes nationales de vaccination contre le HPV (papillomavirus humain) et le virus H1N1.

Ces disparités reflètent premièrement le flou qui règne autour du concept de « prévention ». En Suisse déjà, on ne dis-

Une question d’objectif

En termes de dépenses de santé consacrées à la prévention en 2007, le Canada se classe en première position avec 7,3 %, suivi par la Finlande (5,8 %) et les Pays-Bas (5,1 %). Le Danemark (1,4 %), le Luxembourg (1,1 % en 2006) et l’Italie (0,6 %) ferment la marche. La Suisse figure dans le groupe intermédiaire avec 2,3 %. Qu’est-ce qui justifie de telles disparités ?

Une autre question affleure. Tous les pays mettent-ils l’accent sur les mêmes programmes ? La Suisse par exemple consacre aussi beaucoup de moyens à d’autres projets comme le poids corporel sain ou le stress au travail. Certains cantons développent aussi des programmes de prévention psychique (Zoug), ou de prévention en milieu scolaire (Vaud). Tous ces projets ne semblent pas ici être pris en compte.

DEPENSES ALLOUEES AUX PROGRAMMES ORGANISES DE SANTE PUBLIQUE ET DE PREVENTION, 2007 7,3

CANADA FINLANDE

5,8

PAYS-BAS

5,1

REPUBLIQUE SLOVAQUE

Une question d’organisation

5,0

NOUVELLE-ZELANDE

Les grands écarts s’expliquent aussi par l’organisation nationale des campagnes de prévention. En Espagne, par exemple, ces initiatives sont organisées au niveau des soins primaires. La fonction de la prévention n’est pas saisie séparément et est intégrée aux soins curatifs. En revanche, les pays qui adoptent une approche plus centralisée des campagnes de santé publique et de prévention sont généralement capables de mieux distinguer ce qui relève de la prévention. En Suisse, la prévention est avant tout l’affaire des cantons, qui se chargent de mettre en place les programmes. Or, l’hétérogénéité des structures des comptes publics font qu’il est impossible de comparer précisément les dépenses de prévention et de promotion de la santé des différents cantons. Il est donc difficile d’établir un état des lieux précis des dépenses de santé nationale consacrées à la prévention. On ne peut donc pas conclure que la Suisse ne fait que peu de cas de la prévention. Ce chiffre s’explique en partie par les problèmes de coordination et de consensus national qui existent en Suisse.

4,9

BELGIQUE

4,1

HONGRIE

4,1

ALLEMAGNE

3,7

SUEDE

3,6

ETATS-UNIS

3,3 3,0

OCDE MEXIQUE

2,8

JAPON (2006)

2,4

POLOGNE

2,4

ESPAGNE

2,4

REPUBLIQUE TCHEQUE

2,3

SUISSE

2,3

FRANCE

2,0

COREE

2,0 2,0

NORVEGE AUTRICHE

1,9

PORTUGAL (2006)

1,9

AUSTRALIE (2006/07)

1,7

ISLANDE

1,6

DANEMARK

1,4

LUXEMBOURG (2006)

1,1 0

maud hilaire schenker 2

4

6

8

% DES DEPENSES DE SANTE COURANTES

Dépenses de santé consacrées à la prévention : la Suisse est en dessous de la moyenne de l’OCDE. Les problèmes de coordination et de définition nationale en seraient-ils la cause ?

9 | Sous la loupe 5/10


Etudes sur « le retour sur investissement » : une nouvelle ère méthodologique est née

La prévention est efficace, mais aussi rentable La prévention est-elle efficace ? Et si oui, est-elle rentable ? Oui, si l’on en croit trois études pionnières qui avancent des chiffres concrets : chaque franc dépensé au titre de la prévention contre le tabagisme rapporte à la société la contre-valeur (avantage net) de 41 francs, de 23 francs s’agissant de la prévention contre l’alcoolisme et de 9,40 francs concernant la prévention des accidents de la route. Ces études constituent un premier pas pour chiffrer les coûts et les bénéfices des mesures de prévention.

Des études (portant sur la prévention contre l’alcoolisme, le tabagisme et les accidents de la route) mandatées par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) ont été réalisées par l’Institut de l’économie de la santé de Winterthur (WIG) et l’Institut de recherches économiques de l’Université de Neuchâtel (IRENE). Elles couvrent une période allant de 1997 à 2007.1 Alors que l’efficacité de mesures de prévention ciblées a été démontrée au niveau international, des lacunes subsistent quant à leur rentabilité. Ces trois études ont permis de réduire ces manques. Elles représentent un premier pas novateur dans l’évaluation chiffrée du rapport coûts/bénéfices des mesures de prévention. Leurs résultats, d’ores et déjà réjouis- sants, confirment les avantages des mesures de prévention mises en œuvre jusqu’à présent dans les cantons. Difficultés d’évaluation fondamentales

Photo : Keystone

Les trois études ont aussi mis à jour les difficultés fondamentales d’évaluation des programmes de prévention et de promotion de la santé. Celles-ci résident notamment dans l’absence, en règle générale, d’études contrôlées randomisées comme celles réalisées dans le domaine de la recherche clinique. Les études randomisées font appel à un groupe expé-

rimental et à un groupe témoin. L’attribution des participants de l’étude à l’un ou l’autre groupe se fait de façon aléatoire. La comparaison des résultats du groupe expérimental et du groupe témoin permet de valider ou d’invalider le postulat préalable de l’étude. Une corrélation directe entre les investissements en matière de prévention et le bénéfice net pour la collectivité est impossible à établir compte tenu des conditions de départ. L’efficacité est chiffrée en se basant sur des hypothèses. On a par exemple estimé le nombre de cas de maladies, de blessures ou de décès qui ont été évités grâce à la prévention. Cette estimation a été prise en compte dans le calcul des bénéfices. Les études pionnières ont aussi chiffré tous les coûts déterminants d’une mesure de prévention et ont calculé l’avantage correspondant pour la société. Le bénéfice se compose des coûts directs évités grâce à la prévention (frais médicaux), des pertes de production évitées (pertes de revenu) et des coûts intangibles évités (perte de la qualité de vie liée à la maladie, à l’invalidité ou à la mort prématurée). Il en découle le retour sur investissement (RSI)2 ou plutôt la contre-valeur en francs économisée par la société grâce à la prévention. Bouger donne la « pêche » et réduit l’obésité

L’approche est radicalement différente lors de la réalisation d’études randomisées. Des scientifiques ont par exemple réalisé pour le compte de l’Université de Bâle une étude visant à déterminer l’impact des programmes d’activité physique sur la forme et le surpoids de 504 écoliers suisses du primaire.3 Les écoliers étaient issus de 28 classes choisies au hasard dans 15 écoles primaires suisses. Le résultat est clair : les diverses activités physiques suivies par les écoliers du groupe expérimental dans le cadre des cours ont permis d’améliorer leur condition physique et leur forme. L’obésité de ces enfants a également reculé, contrairement au groupe témoin. Les deux types d’études mettent en lumière les domaines où la prévention est efficace. Elles reposent sur des questionnements et des objets d’étude différents, et ne sont donc pas comparables d’un point de vue méthodologique. Une question récurrente concerne notamment le caractère scientifique de ces analyses évaluant l’efficacité et la rentabilité des mesures de prévention. Une autre problématique tout aussi importante est la manière dont les administrations et autres organismes doivent à l’avenir saisir les données concernant la prévention pour faciliter le travail des scientifiques. Silvia Schütz

Spectra, n° 80, « La prévention est rentable », mai 2010 ; www.spectra.bag.admin.ch ; Evaluation économique des mesures de prévention en Suisse, étude pionnière de l’Institut de l’économie de la santé de Winterthur (WIG), de la Haute école de sciences appliquées de Zurich (ZHAW), de l’Institut de recherches économiques de l’Université de Neuchâtel (IRENE). Rapport mandaté par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), février 2010, consultable sur le site web de l’OFSP. 2 Retour sur investissement : RSI = bénéfice de la prévention – coûts de la prévention / coûts de la prévention. 3 BMJ 2010 ;340 :c785. L’étude est consultable sur http ://www.bmj.com 1

La prévention contre le tabagisme permet à la société d’économiser 41 CHF pour chaque franc investi.

10 | Sous la loupe 5/10


David Fäh, médecin spécialiste en prévention, explique où il faut actionner les leviers pour promouvoir la santé

« Bouger plus vaut mieux que manger moins »  Photo : Silvia Schütz

Le Dr David Fäh travaille à l’Institut de médecine préventive de Zurich. Sa spécialité: les maladies cardiovasculaires et leurs facteurs de risque.

L’impact de la prévention est difficile à prouver. La promotion de la santé est certes une bonne chose, mais la cibler sur quelques groupes de personnes concernées ne suffit pas. L’industrie alimentaire et les politiciens doivent notamment encore faire des efforts.

Les mesures de prévention ont donc porté leurs fruits ?

Peut-être. Mais beaucoup d’autres raisons peuvent expliquer ce revirement, telle que la pression sociale croissante qui incite à avoir un poids « normal ». Cette pression pourrait jouer un rôle avant tout chez les femmes. Pourquoi y a-t-il moins de personnes en surpoids dans le canton de Zurich que dans le reste de la Suisse alémanique ?

Je ne peux qu’émettre des spéculations. Les habitants étant principalement des citadins, ils bénéficient probablement d’une meilleure formation. Les personnes dont le niveau d’éducation est inférieur souffrent plus fréquemment de surcharge pondérale. D’autre part, on peut dire que Zurich, en ayant fait du quai de la Limmat une zone sans voitures, pousse à se mouvoir davantage. Elle a choisi la bonne voie. D’autres mesures consisteraient à aménager un plus grand nombre de pistes cyclables et d’espaces verts, c’est-à dire, à créer des structures qui incitent à bouger au quotidien. Les campagnes de prévention atteignent-elles leur public cible ?

Peut-on prouver les effets des mesures de prévention ?

Il est presque impossible de parvenir à établir avec précision quelle mesure de prévention entraîne quel effet. Vouloir créer un rapport de cause à effet relève, en partie tout au moins, de la spéculation. Que « la promotion de la santé entraîne « quelques » effets est toutefois incontesté ». Dans quels domaines peut-on en prouver les effets ?

Il est par exemple démontré que l’activité physique est saine, quel que soit le poids corporel de l’individu qui la pratique. Il est même plus judicieux de bouger que de maigrir, et cela vaut aussi pour les personnes en surpoids. Peut-on chiffrer les économies générées par la prévention ?

Je peux avancer des chiffres sur l’évaluation des coûts causés par l’obésité. Sur 5,8 milliards de francs au total, deux tiers représentent les coûts directs. Ils résultent à 99 % du traitement et de la prévention des maladies liées au surpoids et à l’obésité telles que l’hypertension, le diabète et autres troubles. 1 % sert au traitement et à la prévention de la surcharge pondérale et de l’obésité. Et le dernier tiers ?

Les coûts indirects résultent de l’absentéisme au travail, de l’invalidité, du décès prématuré. On a récemment lu dans les médias que les Suisses cessent de prendre toujours plus d’embonpoint.

Des études de l’Institut de médecine préventive le confirment. La courbe ascendante fléchit, non seulement en Suisse mais aussi dans d’autres pays européens. Nous disposons même de données qui suggèrent une régression de la surcharge pondérale chez les femmes dans le canton de Zurich. Mais il est encore prématuré de parler d’un renversement fondamental de tendance.

En l’occurrence, le principe suivant reste valable : l’éducation ouvre toutes les portes. Les individus jouissant d’une bonne formation sont aussi ceux qui présentent une surcharge pondérale moindre, même s’ils ne gagnent pas énormément ou exercent une profession typique de la classe moyenne. Je doute que des campagnes d’affichage à grande échelle parviennent à influencer les plus menacés, par exemple les migrants ou les personnes socialement défavorisées. Quels facteurs peuvent induire une modification du comportement humain ?

Mise à part l’éducation, la modification du comportement dépend de facteurs environnementaux, des ressources financières et du temps disponible. Il s’agit là de facteurs externes. Il faut toutefois être bien conscient qu’il est difficile de modifier les comportements. Chez un adulte, il est quasiment impossible de changer les aspects essentiels de la personnalité. Que pensez-vous du fait que les fabricants baissent la teneur en calories des produits alimentaires ?

Beaucoup de bien. De nombreuses boissons mais aussi de yoghourts par exemple contiennent trop de matières grasses et surtout trop de sucre. Il est probable que les consommateurs s’habitueraient – sans même que la plupart ne le remarquent – aux aliments moins sucrés et moins gras. Dans l’idéal, il faudrait que les fabricants prennent d’eux-mêmes l’initiative. A défaut, la Confédération pourrait donner un coup de pouce à ce changement en édictant des lois. Quand la prévention doit-elle être mise en œuvre ?

Très tôt, en ce qui concerne l’activité physique. Si l’on n’encourage pas certaines activités dès la petite enfance, on ne les apprendra plus durant le reste de la vie. interview : silvia schütz

11 | Sous la loupe 5/10


Grâce à une bonne coordination, les groupes cibles ont été atteints

Zoug rend la dépression socialement acceptable Les chiffres nous interpellent : une personne sur deux souffre d’une maladie psychique au cours de sa vie. En Suisse, on compte quatre suicides par jour. En comparaison internationale, la Suisse présente un taux de suicide supérieur à la moyenne.

Les chiffres enregistrés en Suisse sur les troubles psychiques et la dépression ont alarmé la direction de la santé du canton de Zoug, l’incitant à agir. Le canton a fait figure de pionnier en s’engageant dans le projet pilote « Alliance du canton de Zoug contre la dépression », qui a duré deux ans, de 2003 à 2005. Les efforts ont avant tout porté sur la volonté de briser le caractère stigmatisant de la dépression grâce à une large information du public sur le dépistage précoce des dépressions et leur traitement optimal, sur la promotion de la santé et la prévention. Un « Réseau zougois » a été mis sur pied. En outre, Zoug souhaitait encourager d’autres régions de Suisse à agir. La direction de la santé du canton de Zoug, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et « Equilibrium », l’organisation d’entraide fondée par John Kummer pour les malades souffrant de dépression, ont fait office de responsables de l’ « Alliance ». Le financement a été pris en charge par le canton de Zoug (51,5 %), la ville de Zoug (1,5 %), des fondations (18,5 %), l’économie (10 %), le secteur privé (7,5 %), l’industrie pharmaceutique (5 %) et les Eglises (6 %). L’« Alliance contre la dépression » : en terre inconnue

Des campagnes de sensibilisation, de nombreuses manifestations et des exposés ont été menés dans les écoles, les

Combien dépensons-nous pour les troubles psychiques ? Selon une étude de l’Université de Zurich, les coûts des maladies neuropsychiatriques s’élèvent à plus de 15 milliards de francs par an, si l’on inclut les frais indirects, comme les pertes dues aux arrêts de travail et les retraites prématurées. 30 % des coûts, soit environ 4,8 milliards de francs, sont imputables aux dépressions1. La situation est à peu près semblable pour les rentes AI : le nombre de bénéficiaires a plus que doublé entre 1986 et 2008. A l’heure actuelle, environ 40 % des bénéficiaires d’une rente AI (20 % en 1986) la touchent pour des raisons psychiques2. Les cabinets médicaux enregistrent aussi un accroissement des activités psychiatriques : alors qu’en 2007, ils affichaient quelque 8,4 millions de consultations, en 2008, leur nombre s’élevait déjà à 9,3 millions, selon l’Observatoire suisse de la santé (Obsan). Cette augmentation se répercute de fait sur les coûts des caisses-maladie : selon les calculs de santésuisse, les assureurs ont remboursé l’année dernière 1,35 milliard de francs au titre des traitements de troubles psychiques et des médicaments prescrits à cet effet, soit une hausse de 70 millions par rapport à l’année précédente. L’augmentation est due à un accroissement du volume, non à une hausse des coûts des traitements.

Livre : Dépression ! Que faire ? John Kummer, de Zoug, a souffert à plusieurs reprises de dépression. Son livre, riche en conseils pratiques et tests de contrôle utiles, relate son expérience en tant que malade. J. Kummer montre comment reconnaître les signes de la dépression et la prendre au sérieux. L’auteur veut faire passer deux messages essentiels : plus on détecte rapidement une dépression, plus il est facile d’en guérir et il n’y a pas de honte à tomber en dépression – elle peut frapper tout un chacun. Kummer, John/Kamer, Fritz. Depression ! Was tun ? Edition Espera, Unterägeri.

EMS, les Eglises et les salles de conseil. La dépression a ainsi fait l’objet de discussions nourries et spécifiques auprès des différents groupes cibles choisis. Les messages-clés suivants ont été largement diffusés : la dépression peut frapper tout un chacun, elle revêt de multiples visages et peut être traitée avec succès. Conclusion : grâce à une bonne coordination et à la collaboration de différents acteurs, les groupes cibles visés ont été atteints. Le succès est dû pour l’essentiel à l’engagement des responsables. Le thème a suscité un vif intérêt auprès de la population. Le financement s’est révélé être un point crucial : pour l’économie, le thème – considéré comme tabou – était moins attractif que les manifestations sportives ou culturelles, ce qui n’a pas facilité la recherche de fonds. Les cantons de Berne et de Lucerne ont tiré profit des expériences faites par le canton de Zoug et ont également créé des « Alliances ». La promotion de la santé psychique continue

Avec ses programmes d’avant-garde « Santé psychique dans le canton de Zoug 2007–­2012 » et « Dépistage précoce et prévention du suicide dans le canton de Zoug 2010 –2015 », le canton poursuit le travail commencé avec l’« Alliance du canton de Zoug contre la dépression ». Le premier programme sera évalué dans deux ans. Pour l’instant, le bilan des effets de la prévention affiche un recul des suicides aux deux ponts du Lorzentobel grâce à la construction de parois protectrices. Silvia Schütz

Université de Zurich, étude réalisée en 2008 http ://www.mediadesk.uzh.ch/ articles/2008/psychiatrische-und-neurologische-erkrankungen-verursacheneinen-sechstel-der-gesundheitskosten.html 2 Système de santé suisse 2010 – 2012, Survol de la situation actuelle, de Kocher, Gerhard, Oggier, Willy, p. 322 ss. L’ouvrage en allemand sera vendu en librairie fin juin 2010. La version française suivra 1

12 | Sous la loupe 5/10


3x3 questions à Joachim Eder, directeur de la santé du canton de Zoug

« Nous devons prendre au sérieux ces signaux d’alarme » Le canton de Zoug fait figure de pionnier en matière de promotion de la santé psychique. Il continuera sur sa lancée – avec ou sans loi sur la prévention.

tout le monde se connaît joue aussi un rôle. La coordination avec des associations telles qu’Equilibrium, l’Alliance du canton de Zoug contre la dépression, les paroisses, les associations professionnelles, l’économie et le secteur privé est ainsi plus facile qu’ailleurs. Nous investissons délibérément quelque 200 000 francs par an dans la promotion de la santé psychique. Ce qui est et reste déterminant, c’est la conviction qu’ont toutes les instances politiques de mettre l’accent sur ce domaine.

En 2008, durant le « Mois de la santé psychique », pas moins de 47 manifestations ont été proposées dans le canton de Zoug, soit plus d’une par jour. Comment cette performance a-t-elle pu être réalisée ?

La prévention dans le domaine psychique en vaut-elle la peine ?

Une enquête réalisée par Philippe Lehman en 2004 montre que les frais consécutifs aux accidents sont considérables, ils sont suivis par les coûts imputables aux atteintes à la santé psychique. Avec 1400 morts par année, les suicides en Suisse causent quatre fois plus de décès que les accidents de la route. Il serait politiquement irresponsable de négliger ces signaux d’alarme.

En matière de prévention des suicides et de santé psychique, il n’existe pas encore d’étude établissant le rapport coûts/bénéfice net. Le canton procède à une évaluation, disponible en 2012. Mais nous pouvons d’ores et déjà affirmer que les mesures architecturales – chez nous, sur les deux ponts du Lorzentobel – ont eu pour effet de faire reculer les suicides. Si les mesures structurelles apportent beaucoup, à elles seules, elles ne suffisent pas. Elles doivent s’inscrire dans le cadre d’une prévention globale des suicides.

Qu’avez-vous entrepris ?

Avec l’aide d’experts mais aussi de personnes intéressées, nous avons établi le programme d’action « Santé psychique dans le canton de Zoug 2007–2012 » et l’avons mis en consultation dans de larges cercles. La mise en œuvre a débuté par une grande campagne de sensibilisation. Le « Mois de la santé psychique » en faisait notamment partie.

Quand et où la prévention et la promotion de la santé sont-elles les plus efficaces ?

Dans le domaine psychique, l’adage « le plus tôt sera le mieux » se vérifie. L’idéal serait de pouvoir agir déjà dans les centres de consultation pour les parents, au jardin d’enfants et à l’école, au cabinet médical et dans d’autres points de contact. La promotion de la santé et la prévention y sont très efficaces et coûtent extrêmement peu.

Qu’a apporté cette action du mois ?

La projection en matinée du film Les Bipolaires a été un très beau moment. Le réalisateur et quelques acteurs du film y ont participé. De telles actions sont payantes sur la durée : le canton de Zoug compte à l’échelle suisse le plus grand nombre de groupes d’entraide en matière de dépression et de troubles psychiques. L’action du mois a contribué à abaisser le seuil d’inhibition empêchant de parler des maladies psychiques. Une enquête a montré que 50 % des Zougois sont prêts à modifier leur comportement dès qu’ils le jugent nécessaire.

Une loi sur la prévention est-elle vraiment indispensable ?

C’est d’abord une question de volonté politique et elle existe dans le canton de Zoug. Ensuite, la petitesse du canton où

Sur quels points par exemple ? Photo : màd.

Que faut-il pour mettre sur pied un programme de prévention durable ?

A mon sens, il faut que la prévention et la promotion de la santé soient coordonnées au niveau national, c’est incontestable, d’où la nécessité de définir des objectifs de santé nationaux. Il est prévu, et c’est tout à fait juste, que les cantons, les médecins, la fondation Promotion Santé Suisse et d’autres partenaires aient leur mot à dire quant à la fixation des objectifs. Nous soutenons la loi mais elle doit encore être améliorée.

La loi ne doit pas mettre les gens sous tutelle, sinon elle n’a aucune chance. Et il faut laisser tomber l’Institut national prévu par le projet. Que se passera-t-il à Zoug si la loi échoue ?

En cas d’échec de la loi, dans le canton de Zoug, nous continuerons à promouvoir la santé et à faire de la prévention – en matière de tabagisme, d’alcoolisme, de surpoids et de santé psychique. Il s’agit pour nous d’une question de principe, indépendante des éventuels agissements de la Confédération. Joachim Eder, directeur de la santé du canton de Zoug : « La loi ne doit pas mettre les gens sous tutelle, sinon elle n’a aucune chance. »

Interview : Silvia Schütz

13 | Sous la loupe 5/10


Une idée simple qui a fait le tour de la terre

Le Pédibus, ça marche ! Sain, économique, convivial et écologique, le Pédibus est un système qui accompagne à pied les enfants à l’école, sous la conduite de parents. Ce succès romand le prouve : la promotion de la santé peut être efficace et ludique tout en restant simple et bon marché.

L’idée est née en 1991 en Australie. David Engwitch crée un « walking bus » pour assurer l’autonomie et la sécurité des enfants sur le chemin de l’école et dans la circulation en général. En 1999, une idée similaire fait son apparition à Lausanne, le Pédibus. (Voir encadré) A Lausanne, c’est aujourd’hui un réseau de 18 km de transports collectifs « à pied », soit quelque 37 lignes de 575 m de longueur moyenne (la plus courte fait environ 160 m et la plus longue environ 1300m) avec des horaires pour chaque tête de ligne et arrêt. Mais la durée de vie d’une ligne varie fortement (un an, deux ans etc.), au gré de la motivation des parents. 350 enfants profitent actuellement à Lausanne des avantages du Pédibus, même si toutes les écoles ne sont pas desservies. Jusqu’à présent, aucune publicité n’était faite dans les écoles. La Ville ne faisait que répondre aux sollicitations des parents. Le projet était cependant promu lors de manifestations telle que la « semaine de la mobilité ». Mais à partir de cette année, les « parents-référents » (soit les personnes désignées pour une école ou un collège pour renseigner toute personne intéressée par le projet) lanceront une campagne de promotion dans les collèges. Le succès du Pédibus dépasse les frontières lausannoises. Les initiatives se multiplient dans toute la Suisse et dans toute l’Europe. Ce ne sont pas moins de 259 lignes qui sillonnent les chemins des écoles romandes, avec une prédominance

Photo : Keystone

Le Pédibus est une forme particulière de ramassage scolaire qui permet de laisser la voiture au garage et de faire marcher les enfants. Le Pédibus, c’est une « ribambelle » d’enfants qui se rend à pied à l’école, sous la conduite d’un adulte (parents, grands-parents, mamans de jour, etc.). L’itinéraire, les arrêts et les horaires sont programmés par les parents de la ligne de Pédibus. Un Pédibus peut effectuer quatre trajets par jour, quatre jours par semaine, mais il peut aussi fonctionner uniquement le matin pour amener les enfants à l’école ou un seul jour dans la semaine. Cette initiative privée est organisée par les parents, les associations de parents ou les écoles. Marcher pour rester en bonne santé, pour devenir autonome et polluer moins, tels sont les objectifs de cette initiative futée.

Une idée originale qui vient du bout du monde

Le Pédibus, ses six passagers actifs et son chauffeur : un ramassage scolaire convivial, sain et écologique.

14 | Sous la loupe 5/10


pour les cantons de Genève et de Vaud. 250 lignes parcourent la Suisse alémanique.

Interview de Catherine Zaccaria, Coordinatrice Pédibus, Service des écoles primaires et secondaires de la Ville de Lausanne

Aller à pied à l’école pour la santé

Madame Zaccaria est la coordinatrice du Pédibus pour la Ville de Lausanne. Elle fait partie de l’aventure depuis son lancement en 1998. Elle a accepté de répondre à nos questions pour nous présenter cette « success story » lausannoise.

Des chiffres alarmants font sans cesse état du surpoids croissant des enfants. Sont en cause une alimentation déséquilibrée et surtout un manque d’activité physique. Le Pédibus est, certes, un facteur de sécurité et de prise de conscience écologique, mais il est aussi et surtout un moyen de lutter contre l’obésité infantile. Un trajet de pédibus dure entre 10 et 15 minutes. Il permet donc aux enfants de marcher en moyenne 40 à 60 minutes par jour… une façon de bouger, simple, économique et conviviale. L’OMS recommande aussi un minimum d’activité physique de 60 minutes par jour pour les enfants. En Suisse, Promotion Santé Suisse a initié une campagne de lutte contre le surpoids des enfants, un objectif repris dans les cantons. Parmi les mesures proposées, aller à pied et à vélo à l’école. La promotion du Pedibus est donc souvent intégrée aux programmes d’actions cantonaux, permettant notamment la réalisation de projets de mise en valeur du Pédibus (à Genève par exemple). Audelà du trajet vers l’école, l’espoir est que ces bonnes habitudes prises dès l’enfance se répercuteront de manière durable dans la vie d’adulte. Les campagnes « à pied à l’école » menées ces dernières années dans les cantons romands semblent porter leurs fruits. Selon une étude de 20081, le nombre d’écoliers romands se rendant à pied à l’école a fortement augmenté ces dernières années, passant de 42 à 52 %. Sept écoliers du primaire sur dix se rendent à l’école à pied. De plus, l’accompagnement des enfants en voiture est en forte baisse en Romandie en 2005. Et à vélobus ?

Pour les enfants (à partir de 10 –11 ans), il existe aussi le vélobus. Les enfants se rendent à l’école et en reviennent à vélo en groupe encadré par des adultes formés à cet effet. Un parcours, un horaire et des points d’arrêt sont définis. Les atouts du vélobus sont les mêmes : sécuriser le parcours vers l’école, faire du sport, initier les enfants au code de la route et les amener à l’autonomie. L’enfant qui marche ou pédale tous les jours pour aller à l’école, fait de l’exercice naturellement, une stratégie maligne pour augmenter la dépense énergétique et freiner l’embonpoint. maud hilaire schenker

1

Comment est née concrètement l’idée du Pédibus à Lausanne ? En 1998, la première déléguée à l’enfance de la Ville de Lausanne, Madame Monique Skrivan, a été contactée par des habitants du quartier sous-gare, préoccupés par la sécurité routière aux abords des garderies et des écoles. La Ville a alors redoublé d’efforts : création de passages cloutés et de grands panneaux de signalisation, engagement de personnes aidant à traverser les rues etc. Les parents n’ont toutefois pas été convaincus. La déléguée à l’enfance a alors monté avec les parents un groupe de travail qui a donné naissance au Pédibus, dont le nom est une réminiscence de l’enfance : un papa s’est en effet rappelé sa grandmaman lui disant aller à pédibus, autrement dit aller à pied. Comment est subventionné le Pédibus (affiches, matériel, assurance etc.) ? La Ville, coordinatrice du projet, assure le suivi et donne les éléments cadres. En début d’année scolaire, elle organise notamment une journée d’information pour réactiver ou créer des Pédibus. Le bpa (bureau de prévention des accidents), lui, offre à tous les conducteurs de Pédibus une assurance responsabilité civile, utilisée dans toute la Suisse. Sinon, le projet conserve son origine artisanale : les panneaux de signalisation, les badges etc. sont réalisés par les parents et les enfants. Des études ont-elles déjà été réalisées pour évaluer l’impact du Pédibus sur la santé des enfants ? Il existe différentes études sur le sujet (de l’EPFL et de Transitec notamment). Le Pédibus s’inscrit dans un discours sur le bien-être par la marche. Les parents et les enfants apprennent à bouger régulièrement. Le bénéfice est donc évident. De leur côté, les parents découvrent aussi les dangers des « parents-taxi », première cause d’accidents près des écoles. Quelle image ont les enfants et les parents du Pédibus ? Qui sont les plus difficiles à convaincre ? Les enfants sont très contents de pouvoir partager cette expérience avec leurs parents. Les parents quant à eux sont heureux de contribuer à la sécurité de leur quartier et d’appartenir à un collectif. Les parents redécouvrent souvent l’autre. L’obligation d’accompagner les enfants à l’école devient un prétexte pour se rencontrer et instaurer une certaine solidarité et convivialité dans les quartiers. Les parents et les enfants s’impliquent avec fierté dans le projet. Les plus difficiles à convaincre sont souvent les parents stressés qui conçoivent mal comment une telle entreprise leur fera gagner du temps. Madame Zaccaria tire une grande satisfaction de cette initiative, qui a profité d’un immense capital sympathie, notamment grâce au dessin de Burki, à l’enthousiasme et à la collaboration de nombreux services de la Ville. Son but est de convaincre toujours plus de parents de l’utilité du Pédibus. La prochaine étape pour améliorer le concept est de développer le rôle des parents-référents au sein des collèges et des écoles. Mettre en place un Pédibus n’est pas très compliqué, il suffit de se lancer.

Daniel Sauter, « Mobilité des enfants et des adolescents », OFROU 2008, www.astra.admin.ch

15 | Sous la loupe 5/10


Le cabinet de groupe mediX à Zurich octroie une grande place à la prévention

« L’avenir des soins gérés (« Managed Care ») est dans le suivi des malades chroniques » 19 médecins offrent sous le même toit trois types de prévention : le réseau mediX coordonne la prévention et la gestion des soins.

Le médecin généraliste Felix Huber critique certaines mesures préventives

« L’avenir des soins gérés est dans le suivi des malades chroniques » Quelle importance le praticien d’un réseau de soins intégrés accorde-t-il aux trois types de prévention ? Qu’attendent les médecins de la loi sur la prévention ? Comment doit être financé le suivi postérieur au traitement (prévention tertiaire) – nécessitant beaucoup de temps – des malades chroniques ? Le potentiel d’économies dans ce domaine est énorme et peut atteindre des millions de francs.

L’atmosphère du cabinet de groupe mediX, situé Rotbuch- strasse 46 à Zurich, rappelle celle d’une ruche en effervescence. Au quatrième étage, résonnent des bruits de pas martelant le parquet d’un long couloir, qui disparaissent au détour d’une salle de consultation. Ici, la médecine vit. Ici, on investit dans le futur. Felix Huber, président du conseil d’administration et directeur du réseau, est médecin généraliste FMH. Il est l’un des quatre-vingt trois médecins, issus de diverses disciplines, rassemblés au sein du cabinet de groupe mediX de Zurich. Dix-neuf d’entre eux se partagent l’infrastructure de la Rotbuchstrasse. Ici, tout le spectre de la prévention est proposé, depuis la promotion de la santé (prévention primaire), en passant par le dépistage précoce (prévention secondaire), jusqu’au suivi des malades chroniques après leur traitement (prévention tertiaire).

« Les vaccinations sont l’une des méthodes les plus efficaces » Les médecins promeuvent la santé dès lors qu’ils vaccinent, informent sur un mode de vie sain ou donnent des conseils pour un éventuel voyage. « Les vaccinations sont l’une des méthodes les plus efficaces de prévention fondée sur les preuves », précise Felix Huber. La preuve de l’utilité est un principe fondamental, sur lequel mediX ne transige pas. Or, les données scientifiques actuelles ne sont pas probantes pour toutes les vaccinations. A titre d’exemple, selon Felix Huber, la vaccination contre les papillomavirus humains (Gardasil®) a été introduite de manière précipitée (voir à la page 20). Aussi espère-t-il que la future loi sur la prévention

garantira aussi un contrôle minutieux de l’utilité des vaccinations, assuré par une autorité nationale qui ne cèdera pas aux pressions de l’industrie pharmaceutique. En matière de prévention secondaire aussi, les données scientifiques concernant les méthodes de screening sont souvent loin d’être concluantes. mediX met notamment en doute l’utilité du dépistage précoce du cancer de la prostate et du cancer du sein. « Il n’est malheureusement guère possible de discuter encore objectivement de la mammographie. Depuis longtemps, elle est devenue le fer de lance de groupes de pression telles que les organisations de femmes concernées ou de fournisseurs de prestations de mammographie », déclare F. Huber (à propos des discussions autour de la mammographie, voir aussi page 18).

« Le risque existe que l’on mise au niveau national sur des méthodes de screening dont l’utilité n’est pas prouvée.  » D’autres screenings s’avèrent cependant très judicieux. La coloscopie permet ainsi de détecter les polypes bénins du côlon avant qu’ils ne se transforment en cellules cancéreuses malignes ». La coloscopie en tant qu’examen préventif n’est cependant pas remboursée par les caisses-maladie. Une situation regrettable que F. Huber corrigerait volontiers en inversant les choix : « Mieux vaut dépister une fois de plus le cancer colorectal et deux fois moins le cancer de la prostate (test sanguin pour l’antigène spécifique de la prostate PSA) et le cancer du sein (mammographie). » Le tarif de la coloscopie effectuée à titre préventif – une prestation de prévention primaire – dès l’âge de 50 ans permettant de découvrir les polypes précurseurs du cancer colique – devrait être diminué de moitié par rapport à celui de la coloscopie diagnostique. La loi sur la prévention accorde une grande importance au dépistage précoce. F. Huber y voit une chance – un bon dépistage – et un risque – l’excès de zèle. « Il y a des différences entre les cantons au niveau des programmes de screening que je salue. Les cantons pèsent le pour et le contre et y regardent à deux fois. Si les décisions ne se

16 | Sous la loupe 5/10


prennent désormais qu’au niveau national et s’appliquent à tous les cantons, le risque est que des screenings dont l’utilité n’est pas prouvée deviennent obligatoires pour tous », craint F. Huber. Ce ne seraient pas seulement les tests, dont l’utilité n’est pas démontrée, mais aussi les coûts consécutifs qui seraient à la charge des caisses.

« L’avenir des soins gérés est dans le suivi des malades chroniques »

Photos : Silvia Schütz

Parler de coût/bénéfice ne suscite jamais l’enthousiasme : dans le jargon technique, le suivi des malades chroniques s’appelle « éviter des dommages subséquents » ou « diminuer les rechutes, prévenir la récidive ». Ces notions relèvent de la prévention tertiaire. L’idée est d’arriver à ce que les diabétiques, les asthmatiques, les patients souffrant d’insuffisance cardiaque ou d’autres maladies chroniques adoptent le bon comportement face à leur maladie. « Plus la maladie en est à un stade avancé, plus les soins gérés et le suivi des patients sont importants », certifie F. Huber. Les patients doi-

vent apprendre à correctement mesurer et documenter leur cas et, si nécessaire, à réagir de façon appropriée. Pour un patient souffrant d’insuffisance cardiaque, cela consiste par exemple à se peser et, en cas de prise de poids avérée, à adopter la réaction adaptée grâce à un programme échelonné selon la gravité de la situation. « On peut ainsi diviser par deux le nombre des hospitalisations d’urgence », précise F. Huber. Selon le groupe de patients, mediX estime qu’il est possible d’économiser 10 à 40 % des coûts. Le potentiel est d’autant plus considérable que les maladies chroniques à morbidité multiple représentent 80 % des coûts de la santé. Un chiffre circule depuis des années dans la branche de la santé : 500 millions de francs environ sont gaspillés suite au mauvais usage des médicaments et à la mauvaise observance des traitements. Ces chiffres ne concernent pas seulement les malades chroniques. Mais ils révèlent l’importance de l’éducation des patients. Le Bureau d’études de politique du travail et de politique sociale (BASS) a constaté que les personnes ayant de faibles compétences de santé coûtent 1,5 milliard de francs par an au système de santé suisse. Ce chiffre se base sur des évaluations faites aux USA et extrapolées au système de santé suisse. Aux USA, 3 % environ des coûts de santé sont imputables aux faibles compétences en matière de santé. Celles-ci concernent tant la prise correcte de médicaments que les connaissances générales.

Les personnes ayant de faibles compétences de santé coûtent 1,5 milliard de francs par an au système de santé suisse (Etude BASS).

Felix Huber, médecin généraliste et président du conseil d’administration de mediX. Les traitements et dépistages précoces prédominent dans le quotidien du cabinet de groupe.

Felix Huber a une conception claire de l’avenir du suivi des malades chroniques : des programmes spécifiques de gestion des soins destinés aux malades chroniques sont censés leur donner les compétences de santé nécessaires. Les assistantes médicales assumeront un rôle nouveau et important dans l’éducation thérapeutique du patient dispensée au cabinet médical. « Dans le Tarmed, il manque encore une position rémunérant ce nouveau type de prestations. Mais les requêtes nécessaires visant à créer une nouvelle position Tarmed pour les assistantes médicales sont en préparation », selon F. Huber. Cette mesure est essentielle car, chez mediX, chaque médecin est rémunéré à l’acte et, dans le cas d’assurés affiliés à un réseau de soins intégrés, le montant est facturé au réseau. La gestion des soins intégrés destinés aux malades chroniques sera aussi accompagnée d’une analyse permanente des résultats atteints, autrement dit d’une évaluation de la performance. Ainsi, le traitement gagnera encore en qualité. F. Huber souhaite une meilleure rémunération des prestations dont la qualité des résultats est prouvée. Silvia Schütz

17 | Sous la loupe 5/10


Les campagnes de mammographie : avantages et inconvénients

La mammographie au banc d’essai Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent et la première cause de mortalité féminine par cancer. Le cancer du sein étant souvent d’évolution lente, un dépistage précoce permettrait d’infléchir sa progression. Les avis sont toutefois partagés quant à l’efficacité des vastes campagnes de prévention.

Il existe différentes méthodes de dépistage du cancer du sein : la mammographie, l’échographie et l’autoexamen des seins. La mammographie consiste à faire deux radiographies de chaque sein (face et oblique) accompagnées d’un éventuel examen clinique et d’un interrogatoire par le radiologue. Elle est avant tout prescrite aux femmes entre 50 et 74 ans et à celles ayant des antécédents familiaux. Dans 90 % des cas, les mammographies sont normales. En cas d’anomalie, le radiologue procède à une analyse complémentaire (échographie, prélèvement, biopsie) et prévient le médecin traitant qui oriente la patiente dans ses choix. En l’absence d’anomalie, un deuxième avis est demandé (dans le cadre des programmes organisés) pour confirmer la première lecture. Les mammographies sont-elles fiables ?

Il n’existe pour l’heure aucune meilleure méthode. Mais il existe des cancers dits occultes aux rayons, invisibles sur une mammographie (5 % de l’ensemble des cancers). Le degré de sensibilité de la mammographie est de 81 %. Autrement dit, parmi toutes les personnes qui ont un cancer du sein, 81 % de ces cancers seront vus à l’examen radiographique. A l’inverse 19-20 % ne seront pas vus et les femmes seront rassurées à tort. Il existe aussi des « faux négatifs », c’est-àdire que le cancer n’a pas été détecté ou est apparu après la mammographie. Il peut aussi y avoir des « faux-positifs », qui entraînent des examens supplémentaires (échographie, prélèvement, biopsie chirurgicale). Au final, le résultat révèle que l’anomalie était bénigne, mais la patiente a été inquiétée inutilement. Certaines femmes auront aussi une anticipation du diagnostic sans aucun bénéfice. Un cancer du sein particulièrement agressif sera diagnostiqué et, même s’il est détecté de manière précoce, son issue sera fatale. Dans ce cas, la mammographie nuit à la personne à qui on a révélé, un, deux, trois, ou quatre ans avant, l’existence de son cancer. Quels sont les avantages ?

Les programmes de dépistage pour les femmes de 50 à 74 ans présentent différents avantages : • Une meilleure couverture de la population ; • Une meilleure égalité d’accès à toutes (entre 50 et 74 ans), quelle que soit leur situation géographique, professionnelle, socio-économique et culturelle ; • Une assurance concernant la qualité et l’évaluation de l’ensemble de la démarche ;

• Une deuxième lecture des mammographies par un autre radiologue spécialisé ; • Le recours à des traitements moins invasifs, et surtout à des opérations conservatrices sur le sein ; • Une augmentation des chances de guérison. La survie est en effet meilleure si la tumeur mesure moins de 2 cm. Les chances de survie à 5 ans sont de 80 %, alors qu’avec une tumeur avec métastases, les chances de survie à 5 ans sont de 20 % ; • Les femmes ayant un résultat négatif, qui avaient peur d’avoir un cancer du sein, sont rassurées ; • Des études randomisées ont démontré que 30 % de la mortalité par cancer du sein diminuait si un nombre suffisant de femmes participaient régulièrement aux campagnes de dépistage. Des avantages, mais seulement avec des directives strictes

Mais ses avantages ne seront réels que si un certain nombre de conditions sont remplies : • Formation adaptée des radiologues et des manipulateurs ; • Contrôle régulier de la qualité de la chaine mammographique ; • Information claire et objective de la population sur les bénéfices et les inconvénients du dépistage ; • Organisation rigoureuse des programmes ; • Évaluation de tous les résultats pour permettre des actions correctives si les résultats sont inadéquats ou insuffisants. Qu’est-ce qui parle contre la mammographie ?

• La plupart des études en faveur de la mammographie ont été critiquées pour ne pas remplir les critères de « l’Evidence Based Medicine ». Une étude danoise récente1 de Peter Gøtzsche et Karsten Jørgensen du centre Cochrane à Copenhague a démontré que la mammographie chez les femmes de 50 à 69 ans n’avait que peu d’effets positifs et que le taux de mortalité dû au cancer du sein ne dépendait pas des mammographies. Mais cette étude est fortement critiquée pour sa méthode. • Sans mammographie, environ 80 % des cancers du sein sont découverts par les femmes elles-mêmes. La taille moyenne de la tumeur est de 2 cm, et à cette taille 50 % environ ont déjà des métastases. L’examen médical n’améliore pas vraiment ces résultats. • La baisse de la mortalité de 30 % semble impressionnante. Mais en chiffres absolus, cela signifie qu’en Europe, dix femmes sur 1000 meurent d’un cancer du sein entre 50 et 70 ans en l’espace de dix ans. Avec la mammographie, il y en a sept sur 1000, soit 30 % de moins. Donc trois participantes à un programme de dépistage sur 1000 seulement en ont profité pendant dix ans. La situation en Suisse

L’OPAS (art.12e) prévoit le remboursement par l’AOS des mammographies de dépistage « dès 50 ans, tous les deux ans dans le cadre d’un programme organisé de dépistage du can-

18 | Sous la loupe 5/10


cer du sein qui remplit les conditions fixées par l’ordonnance du 23 juin 1999 sur la garantie de la qualité des programmes de dépistage du cancer du sein par mammographie. Aucune franchise n’est prélevée sur cette prestation. » La réalisation est du ressort des cantons, qui en assument la responsabilité. Les conditions ont donc été crées pour un programme national. Toutefois, en raison d’importantes objections, il n’a été introduit pour l’heure que dans les cantons de Fribourg, de Neuchâtel, du Jura, de Genève, de Vaud, du Valais et de Berne (partie francophone). Les cantons de St-Gall, de Berne, des Grisons et de Thurgovie prévoient d’offrir un programme de dépistage du cancer du sein dès 2010. Dans la plupart des autres cantons, c’est la mammographie dite opportuniste qui est proposée. Celle-ci manque de contrôles de qualité importants. Cependant, trois initiatives parlementaires déposées par Yves Guisan, Thérèse Meyer-Kaelin et Bea Heim, et approuvées par les deux commissions de la santé (en 2006 et 2008), revendiquent l’extension des programmes de dépistage du cancer du sein à tout le territoire suisse. La situation en Europe

Depuis 1987, presque tous les pays européens ont mis en place des programmes de dépistage organisé du cancer du sein. La Suède, les Pays-Bas et l’Angleterre ont été les pionniers dans ce domaine. En Allemagne et en France par exemple, les

campagnes sont nationales et prises en charge par l’assurancemaladie. Toutes les femmes de 50 à 74 ans sont systématiquement invitées à passer une mammographie gratuite tous les deux ans. La mammographie peut aussi être prescrite par le médecin généraliste ou le gynécologue sans attendre cette invitation. L’invitation indique la liste des radiologues habilités à faire des mammographies de dépistage (formation et contrôle de qualité). Face à de tels clivages, deux priorités se dégagent : bien informer les femmes sur tous les tenants et les aboutissants de la mammographie et veiller à ce que les mammographies soient réalisées dans des conditions de qualité optimales. maud hilaire schenker

Karsten Juhl Jørgensen, Per-Henrik Zahl, Peter C Gøtzsche, “Breast cancer mortality in organised mammography screening in Denmark : comparative study”, dans le British Medical Journal, 23 mars 2010 Source : Europa Donna Forum France, Coalition européenne pour le cancer du sein ; Forum Louis Jeantet, « Le Cancer du sein : Le dépistage en question ? », 21.11.02 ; Fédération suisse des programmes de dépistage du cancer du sein Siegfried Heinzl, « Screening mammographique », dans Forum Med Suisse 2006 ;6 :849–854 1

D iff érentes modalité s de réalisation des mammog raphies de d é pista g e e x istent en S uisse

Dans le cadre d’un programme cantonal de dépistage organisé

Hors programme cantonal de dépistage organisé

Rythme

Tous les 2 ans

Selon avis du médecin

Remboursement de la mammographie de dépistage

Oui

Non remboursée

Agrément préalable des radiologues et des TRM1

Nécessaire

Non nécessaire

Agrément et contrôles techniques réguliers du matériel

Nécessaire

Non nécessaire

Examen clinique

Non

Selon pratique du radiologue de l’institut

Examen de base

2 clichés par sein

2 clichés par sein

Seconde lecture des clichés

Systématique

Habituellement non

Suivi des bilans complémentaires et de leurs résultats

Par le médecin traitant ou le gynécologue de la patiente et par le programme de dépistage

Par le médecin traitant ou le gynécologue de la patiente

Suivi des traitements éventuels

Par le médecin traitant ou le gynécologue de la patiente

Par le médecin traitant ou le gynécologue de la patiente

Evaluation des résultats des procédures de dépistage

Oui

Non

Délais d’obtention des résultats de la mammographie

10 jours maximum (temps nécessaire pour la réalisation de la mammographie plus la 2e, voire 3e lecture)

Le jour même, sur avis d’un seul radiologue en général

Bilan complémentaire éventuel

Différé, sur avis concordant de 2 radiologues

Le jour même, sur avis d’un seul radiologue en général

TRM =Techniciennes / techniciens en radiologie médicale Source : Fédération suisse des programmes de dépistage du cancer du sein

1

Les critères de qualité diffèrent grandement entre les deux modalités de réalisation des mammographies en Suisse.

19 | Sous la loupe 5/10


A lire. La Piqûre de trop ? de Catherine Riva et Jean-Pierre Spinosa

L’art de la communication ou comment créer un besoin à partir de rien Le livre de Catherine Riva et de Jean-Pierre Spinosa est un ouvrage d’investigation, incisif, qui dévoile les dessous de la vaste campagne de vaccination contre le Papillomavirus humain (HPV). Il décrit comment, en quelques mois, la question de cette vaccination s’est muée en problème de santé publique majeur et en « filon à millions de dollars pour les firmes qui les fabriquent. »

La journaliste y décrie l’arsenal médiatique déployé par l’industrie pharmaceutique pour créer « un marché à partir de rien » et dénonce les conflits d’intérêts qui ont émaillé les procédures de mise sur le marché. Deux manquements majeurs apparaissent : la base scientifique faible attestant de l’efficacité, de l’utilité et de l’économicité des vaccins et l’information incomplète voire biaisée distillée aux femmes pour les pousser à se faire vacciner. L’industrie pharmaceutique, omniprésente, y apparaît sous un visage sombre, calculateur et manipulateur. Le papillomavirus humain (HPV) : qu’est-ce que c’est ?

Le HPV est un virus à ADN. Il existe une centaine de souches. On discerne les souches dites à bas risque comme les types 6 et 11 et ceux dits à haut risque, comme les HPV 16 et 18 impliqués dans le développement du cancer du col de l’utérus. En moyenne mondiale, on estime que les

HPV 16 et 18 sont responsables de 73,9 % des cancers du col de l’utérus. Toutefois, si l’infection à HPV est une raison nécessaire au développement d’un cancer, elle ne suffit pas pour déclencher un cancer. D’autres facteurs entrent en jeu : le nombre de partenaires sexuels, le tabagisme, l’utilisation prolongée d’une contraception hormonale orale, la co-infection avec d’autres maladies sexuellement transmissibles etc. Le virus se transmet généralement par voie sexuelle. 70 à 80 % des individus sexuellement actifs seront porteurs d’une infection à HPV à un moment donné de leur vie. Cependant, cette infection disparaît spontanément dans 90 % des cas et ne persiste que dans les 10 % restants. Or, seule une infection persistante peut entraîner le développement de lésions précancéreuses. Le cancer du col est le deuxième cancer le plus meurtrier chez la femme au plan mondial. Il touche avant tout les pays en développement : plus de 80 % des nouveaux cas.

Position de santésuisse : Efficacité, adéquation et économicité du Gardasil® ? santésuisse n’a aucune influence sur l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament. Elle s’engage toutefois à ce que tout médicament ou vaccin inscrit dans le catalogue des prestations obéissent aux critères EAE (économicité, adéquation et efficacité). Voici les résultats concernant le HPV : Efficacité : L’efficacité n’a pas été démontrée pour la baisse de l’incidence du cancer du col de l’utérus, mais pour des paramètres de substitution, les soi-disant surrogate. L’efficacité dans la prévention du cancer du col de l’utérus n’est donc pas garantie et sa démonstration peut encore prendre des décennies. On manque actuellement de données fiables sur la durée de protection du vaccin. Un rappel après 4 ans au minimum n’est pas exclu. Adéquation : L’adéquation ne peut être évaluée de manière sûre car l’efficacité sur le cancer n’est pas garantie. Le principe de la « vaccination contre le cancer » serait attrayant.

Economicité : Ce qui est problématique à nos yeux est que le vaccin anti-HPV, soit vendu sur un marché à prix fort, analogue aux nouveaux médicaments chers contre le cancer. L’écart de prix par rapport à d’autres vaccinations remboursées par les caisses est considérable. Il faut en effet compter environ 10 francs pour le vaccin contre la grippe voire 140 francs pour le vaccin contre l’encéphalite à tiques. Au moins, dans les négociations de prix avec le fabricant, auxquelles santésuisse a participé comme conseiller, la CDS a pu se mettre d’accord pour un prix « bon marché » de 275 CHF, en comparaison européenne (pour l’immunisation complète c’est effectivement 274.50CHF). Mais le prix reste très haut, comparé à d’autres vaccins. Il est impossible de réaliser une comparaison croisée car il n’existe pas de vaccin similaire. L’évaluation de l’économicité doit inclure le contrôle gynécologique de dépistage du cancer remboursé actuellement par l’assurance de base. Cet examen a donné la preuve de son efficacité et a permis de réduire de manière drastique la morbidité et la mortalité liées au cancer du col de l’utérus. santésuisse et les assureurs-maladie étaient opposés à l’obligation de prise en charge du Gardasil® au prix sollicité.

20 | Sous la loupe 5/10


Des études incomplètes ou biaisées

L’ouvrage révèle qu’il n’existe aucune étude clinique indépendante évaluant l’efficacité et l’innocuité des vaccins anti-HPV. Les seules disponibles sont celles menées par Merck et GlaxoSmithKline (GSK) et encore sont-elles incomplètes. Il en serait de même pour les études pharmacoéconomiques qui examinent le rapport coût-efficacité du vaccin, la réduction attendue du nombre de cas de cancer du col et de la mortalité liée à cette affection, les années de vie gagnées par patientes etc., réalisées dans certains pays par les fabricants eux-mêmes. En Suisse, par exemple, la modélisation aurait été financée par SanofiPasteur MSD. L’industrie pharmaceutique aurait ensuite « fait parler » les chiffres et les statistiques pour vendre un produit à une population en bonne santé, alors qu’il existait déjà une méthode de prévention efficace et reconnue : le frottis cervical avec test de Pap. Une leçon de marketing : le premier vaccin anti-cancer

L’enquête dévoile ensuite comment Merck a savamment utilisé les médias pour faire de son vaccin, le Gardasil® l, un « blockbuster » : les analystes estiment qu’il rapporte chaque année plus d’un milliard et demi de dollars à Merck. Merck s’était fixé quatre objectifs : présenter d’emblée le vaccin anti-HPV comme un vaccin anti-cancer, s’assurer l’appui d’un maximum de sociétés de médecine, éviter que le vaccin ne soit recommandé que pour certains groupes à risques et surtout s’assurer qu’il serait déclaré obligatoire et remboursé dans un maximum d’Etat. Aussi a-t-il d’abord sensibilisé les sociétés de médecins à renforts de séminaires, délivrant des informations lacunaires. Puis, il s’est chargé de l’information du public. Il a donc lancé une vaste campagne médiatique, divers sites Internet et des spots publicitaires « éducatifs ». En Europe, le schéma a été similaire. Pour contourner l’interdiction de faire de la publicité pour les médicaments (notamment en Suisse), l’industrie pharmaceutique a usé du lobbying auprès des politiques. Au final, le Gardasil® est recommandé dans de nombreux pays par les autorités de santé publique et est remboursé par l’assurance-maladie. Combat idéologiques, laxismes de la presse et conflits d’intérêts

Les arguments avancés semblent toujours relever de la conviction, de l’émotionnel et rarement reposer sur des éléments scientifiques. Au printemps 2007, aux USA, certains milieux religieux et conservateurs se sont ainsi montrés réticents au vaccin, y voyant une incitation pour les jeunes filles à avancer l’âge de leur première relation sexuelle. Le vaccin est dès lors devenu un symbole de progrès pour les femmes, longtemps restées parents pauvres de la recherche-développement. L’industrie pharmaceutique, elle, a joué sur la culpabilité des mères en s’appuyant sur des chiffres alarmistes, sortis de leur contexte et repris par la

Position d’Interpharma : Un vaccin utile et important 250 femmes diagnostiquées avec un cancer du col de l’utérus, 90 femmes qui en meurent et 5000 qui suivent un traitement pour des lésions précancéreuses chaque année en Suisse. Ces chiffres méritent notre attention. En dépit des examens de dépistage, le cancer du col de l’utérus demeure la deuxième cause la plus fréquente de décès dus à des cancers (après le cancer du sein) parmi les jeunes femmes en Suisse. C’est la raison pour laquelle, les autorités sanitaires de presque tous les pays européens, ainsi que les Etats-Unis, le Canada et l’Australie recommandent la vaccination anti-HPV pour prévenir les cancers du col de l’utérus et les autres maladies génitales liées aux HPV. Bien que les organismes de 90 % des femmes infectées éliminent l’infection par eux-mêmes, il est également vrai que les HPV sont très fréquents. 70 % des personnes sexuellement actives rencontreront des HPV au cours de leur existence. Les cliniciens ne peuvent prédire quelle infection sera éliminée spontanément et laquelle deviendra pathologique et évoluera finalement vers un cancer. Efficacité, qualité et sécurité d’emploi démontré Gardasil® pourra prévenir à l’avenir presque 70 % des cancers du col de l’utérus à condition que la vaccination par trois injections soit pratiquée chez des jeunes filles et des femmes non encore exposées aux HPV de types 16 et 18. Dans des études cliniques, Gardasil® a prévenu 98 à 100 % de toutes les lésions précancéreuses chez des jeunes filles et des femmes qui n’avaient pas encore été exposées à ces types de virus et qui avaient reçu toutes les trois doses du vaccin selon le calendrier vaccinal défini. Les HPV de types 16 et 18 sont à l’origine de 70 % de l’ensemble des cancers du col de l’utérus en Europe. Gardasil® est un vaccin préventif qui ne peut pas traiter des infections ou maladies préexistantes et qui cible directement les HPV des types 16 et 18. Il n’est donc guère surprenant que l’efficacité contre d’autres types de HPV et contre des infections ou lésions préexistantes soit inférieure à 98-100 % (entre ~50 % et 17 %). Dr. Med. Andrée Montigny, Country Manager Sanofi Pasteur MSD Thomas Cueni, Generalsekretär Interpharma

presse et les experts, sans être préalablement vérifiés. La journaliste énumère ainsi les différentes informations erronées parues dans la presse, comme l’annonce qu’une vaccination à large échelle entraînerait la disparition du cancer du col de l’utérus. Elle cite aussi les experts interrogés, et dénonce leurs liens avec l’industrie pharmaceutique. Le premier vaccin contre le cancer apparaît comme un immense coup marketing. maud hilaire schenker

Catherine Riva et Jean-Pierre Spinosa, La Piqûre de trop ? Pourquoi vaccinet-on les jeunes filles contre le cancer du col de l’utérus ?, éditions Xenia, Vevey, 2010, 245 pages

21 | Sous la loupe 5/10


Introduction du nouveau système d’indemnisation des traitements hospitaliers stationnaires

SwissDRG 2012 : la LAMal n’est pas une loi sur le financement des hôpitaux Depuis 2002, de nombreux hôpitaux décomptent leurs prestations avec le système APDRG, sorte de précurseur du système SwissDRG applicable dès 2012. La seule différence est que le second donne une représentation plus précise des prestations et prend mieux en compte la pathologie des patients et le degré de gravité de la maladie. On pourrait donc croire que tout est parfait.

Or, les critiques concernant le futur système de forfaits par cas fusent de toutes parts. Un amalgame est en effet souvent fait entre « le modèle d’indemnisation basé sur les forfaits par cas » et les adaptations, pour certaines assez drastiques, du financement des hôpitaux – qui n’ont pourtant aucun rapport. Aussi est-il intéressant d’évoquer l’indemnisation des investissements. Dès 2012, les tarifs de l’assurance-maladie devront également inclure l’indemnisation des coûts des équipements et des installations nécessaires pour la fourniture des prestations. Les coûts des prestations hôtelières et l’utilisation des blocs opératoires et des appareils médicaux en font notamment partie. Mais quel montant ces coûts peuvent-ils atteindre ? Un hôpital peut-il les définir sans tenir compte d’un taux d’occupation insuffisant et sans tenir compte des besoins effectifs en matière de soins ? Comment empêcher par exemple que le cofinancement d’appareils onéreux pour la réalisation d’IRM n’augmente encore davantage la densité des appareils ? La loi sur l’assurance-maladie n’est pas une loi sur le financement des hôpitaux

Il est important de rappeler que le but de la LAMAL est de réglementer l’indemnisation des prestations dans l’assurance obligatoire des soins (AOS). Les prestations ne doivent pas seulement être efficaces et appropriées, elles doivent aussi être économiques et répondre à un niveau de qualité requis pour que le fournisseur de prestations puisse prétendre à leur paiement. En revanche, l’objectif de la LAMAL n’est pas d’aider les hôpitaux à couvrir leurs coûts (d’exploitation et) d’investissement résultant d’un faible taux d’occupation ou d’erreurs d’investissement. Ce risque doit toujours être supporté par l’hôpital ou son répondant financier. Dans le cas contraire, l’idée même d’un financement basé sur les prestations n’aurait aucun sens. Le financement sur la base des structures se poursuivrait, ce à quoi le législateur voulait justement mettre un terme.

Par voie d’ordonnance (notamment l’article 10a OCP), le Conseil fédéral a défini les directives de mise en œuvre adéquates. Certes, celles-ci sont contestées par ceux qui raisonnent en termes d’économie d’entreprise. Mais ces derniers doivent aussi prendre conscience que dans un système imposant l’obligation de contracter, les prix deviennent rapidement trop onéreux si des évaluations « nébuleuses » sont prises en compte en lieu et place de valeurs d’acquisition justifiables et si la structure de capital, différente d’un hôpital à l’autre, prend le pas sur une rémunération fixe. La demande de l’association H+ Les Hôpitaux de Suisse, visant une modification des dispositions de l’OCP, doit donc être clairement rejetée. Pas de différenciation des prix de base selon les catégories hospitalières

De même, les hôpitaux universitaires exigent de pouvoir facturer un prix de base plus élevé que les autres hôpitaux pour des prestations identiques. Or, aucun des arguments avancés n’est convaincant : • Degré de difficulté des traitements : les hôpitaux qui soignent des patients plus gravement malades et réalisent des traitements plus complexes bénéficient déjà avec le système SwissDRG d’un forfait plus élevé. Les coûts, liés au traitement, (indice de coûts relatifs x prix de base = montant de la facture) sont en effet plus importants que pour des traitements plus simples. Une prise en compte supplémentaire de ce degré de difficulté par l’intermédiaire du prix de base n’est pas envisageable dans le système. • Prise en compte insuffisante des prestations complexes : l’argument avançant que le système SwissDRG ne prend pas suffisamment en compte les prestations des hôpitaux universitaires ne tient pas la route. Bien au contraire, alors que tous les hôpitaux universitaires mettent leurs données à disposition en guise de base de calcul pour la structure tarifaire, c’est loin d’être le cas pour les autres hôpitaux.

22 | Domaine de la santé 5/10


Photo : Keystone

Les nouveautés suscitent parfois des réticences. C’est souvent une question de temps.

• Prix de revient plus élevés : les hôpitaux universitaires font aussi valoir des coûts plus élevés pour la fourniture des prestations. Ces coûts seraient notamment induits par la part élevée des frais de recherche et d’enseignement (universitaire) ainsi que par les avances sur prestations plus importantes. Or, ces coûts ne peuvent justement pas être pris en charge par l’assurance-maladie. Ils ont un caractère d’intérêt public et doivent donc être financés par le répondant des coûts de l’hôpital ou par les pouvoirs publics. Le seul argument qui pourrait éventuellement entraîner une hausse des tarifs serait la preuve d’une qualité plus élevée des traitements prodigués dans les hôpitaux universitaires. Mais sans mesures de qualité uniformes et fiables dans toute la Suisse et par conséquent sans données transparentes permettant d’étayer cette position, les discussions sont stériles. Innovations et nouvelles prestations

Dans le système DRG, le terme d’innovation est avant tout associé à une forme d’indemnisation supplémentaire, à savoir « l’indemnisation des innovations ». Il est donc sous-entendu que les forfaits par cas basés sur les prestations freineraient de manière générale les innovations. Cette thèse est fausse : • La structure tarifaire DRG indique simplement dans quelles proportions

les moyens financiers doivent être répartis, mais elle ne précise pas le montant de ces moyens. • Les innovations n’entraînent pas forcément une hausse des coûts, elles peuvent même provoquer l’effet inverse voire améliorer la qualité. • L’innovation n’est pas forcément gage de qualité. Or, une prestation ne peut être financée au titre de l’AOS que si son efficacité, son adéquation et son économicité ont été démontrées. Il est essentiel de délimiter clairement les innovations et la recherche. • Les forfaits par cas permettent de financer un « paquet » de prestations individuelles (diagnostic, intervention, soins, etc.). Une innovation concernant l’un de ces éléments doit être évaluée en tenant compte de ses répercussions sur les autres composantes. • Le volume de coûts concerné est minime (de l’ordre de 1 à 2 %). Il convient d’en tirer les conclusions suivantes : • Le terme d’innovation reste flou, lorsqu’il s’agit de la tarification des prestations. Il serait donc plus judicieux de parler de « nouvelles prestations ». • Les nouvelles prestations doivent également satisfaire aux critères EAE. • Le simple fait, par exemple, qu’une nouvelle méthode de traitement existe

ne signifie pas forcément qu’elle soit mal indemnisée. • La LAMal exige l’indemnisation des traitements stationnaires sur la base de forfaits. Ce principe doit aussi s’appliquer aux nouvelles prestations. En résumé, la question des nouvelles prestations ne peut être résolue de manière adéquate par l’intermédiaire de la structure tarifaire. Les expériences recueillies en Allemagne révèlent que le processus d’indemnisation des nouvelles méthodes d’investigation et de traitement est extrêmement laborieux. Il faudrait donc éviter de mettre en place des processus aussi complexes, qui plus est incompatibles avec les conditions en vigueur en Suisse (pas de négociations budgétaires, pas de liste positive des prestations). Depuis l’entrée en vigueur de la LAMal en 1996, les prestations stationnaires sont indemnisées au moyen de forfaits sans que cela n’ait entravé d’une quelconque manière les innovations. Il n’y a donc aucune raison de penser qu’un nouveau système de forfaits, qui garantit de surcroît une bien meilleure répartition des moyens financiers que les systèmes précédents, soit préjudiciable dans ce domaine. Beat Knuchel

23 | Domaine de la santé 5/10


12e Forum suisse de l’assurance-maladie sociale : l’épineuse question du catalogue des prestations

Catalogue des prestations et « casco total » : l’impossible équation ? Les coûts de la santé ne cessent de croître et entraînent des hausses de primes dans leur sillage. Au banc des accusés de cette évolution délétère figure entre autres le catalogue des prestations. Est-il devenu un « selfservice » comme d’aucuns le prétendent ? Comment d’autres pays ont-ils résolu ce problème ?

Pour être admis dans le catalogue des prestations, une prestation ou un médicament doit remplir les critères EAE, autrement dit apporter la preuve de son efficacité, de son adéquation et de son économicité. En affirmant que « toute prestation fournie par un médecin doit être payée », Tilman Slembeck, de la Haute école des sciences appliquées de Zurich, veut dire que les critères EAE sont réputés démontrés dans 90 % des cas, sauf en cas de litige. Le fait que des prestations discutables soient évaluées de manière systématique ne constitue pas un problème en soi. Or, ce n’est pas le cas en Suisse. Les critères d’évaluation des prestations ne sont pas assez pertinents. S’y ajoutent les problèmes fondamentaux de l’évaluation des prestations médicales : les assureurs et les autres acteurs concernés ne sont pas incités à exercer un contrôle et n’ont pas envie de s’attirer les foudres des milieux politiques et des médias. Un catalogue politique

En Suisse, l’évaluation scientifique d’une prestation et la décision de financement ou non de cette dernière ne sont pas confiées à des instances séparées. Le catalogue des prestations est un catalogue politique, estime Werner Widmer, directeur de la Fondation Diakoniewerk Neumünster. Le comité de décision est en effet composé pour moitié de médecins et de pharmaciens, l’autre moitié étant constituée de représentants de l’industrie pharmaceutique, d’assu-

Pour Niklaus Brantschen, philosophe, «la santé n’est pas tout. Etre malade apporte souvent une pause nécessaire avec soi-même.»

reurs, de représentants des cantons et d’autres personnes. Pour Erika Ziltener, présidente de la Fédération suisse des services aux patients, ce n’est pas le catalogue des prestations qui pose problème, mais les fournisseurs de prestations et les patients. Selon elle, 30 % des interventions sont superflues ou réalisées au mauvais moment. Et les patients contribuent à l’explosion des coûts avec leur demande en soins, forts du principe que « si déjà je paie des primes élevées, je veux au moins en profiter ». En guise de solutions, Tilman Slembeck propose l’adoption de budgets nationaux et cantonaux de la santé, une évaluation indépendante des prestations assortie de possibilités de recours ainsi qu’un processus transparent. OFSP : « La balle est dans le camp des acteurs du système de santé »

Sandra Schneider, responsable de la division prestations de l’OFSP à qui incombe la responsabilité politique et économique de l’aménagement du catalogue des prestations, répond à ces critiques : elle allègue que celles-ci portent sur l’adéquation de prestations dans certains cas particuliers, autrement dit

sur le bien-fondé de la fourniture de certaines prestations. Or, ce problème ne peut pas être résolu efficacement par des catalogues ou des listes. Il faut revoir les conditions cadres systémiques et les habitudes des acteurs de la santé. Responsabiliser davantage les patients

La solution ne peut venir que des patients et du marché si l’on en croit Werner Widmer, directeur de la fondation Diakoniewerk Neumünster. C’est en effet le mode de financement qui fait grimper les coûts, selon lui. Il propose un nouveau modèle de réforme : les patients choisissent leur catalogue de prestations et leur catégorie de risque parmi plusieurs variantes, et paient une prime en fonction de ce choix. Le catalogue des prestations serait alors dicté par les mécanismes du marché. En résumé, si la responsabilité individuelle des assurés était davantage mise à contribution jusqu’à un certain pourcentage du salaire, ceux-ci renonceraient à consulter pour des broutilles, ce qui est aujourd’hui fréquent dans la mesure où elles sont couvertes par l’assurancemaladie. L’assurance de base (AOS)

24 | Domaine de la santé 5/10


ne doit intervenir qu’en complément de la responsabilité personnelle et de l’initiative privée. La problématique des changements de caisse n’est toutefois pas prise en compte dans ce modèle. Pays-Bas : un médicament remboursé par groupe de substance active

Faut-il suivre l’exemple nordique ?

Beat Kappeler, commentateur de la NZZ am Sonntag, a des attentes précises vis-à-vis des autorités bernoises et demande que l’on renonce à la langue de bois dans les commissions d’experts : « Je demande aux fonctionnaires de se montrer « militants » et de prendre des mesures claires pour endiguer les coûts. L’administration qui a le pouvoir de définir le catalogue des prestations de base par voie d’ordonnances et d’imposer des réductions de coûts – en clair le Conseil fédéral – manque totalement de courage. C’est une honte », affirme Beat Kappeler. Les fournisseurs de prestations ne sont pas épargnés non plus : « Les appels nébuleux à la collectivité ne servent à rien. Ce sont toujours les intérêts des fournisseurs de prestations qui priment. Les assurés n’ont même pas lu le catalogue des prestations. S’ils savaient ce qu’il contient... » Beat Kappeler n’en accorde pas moins davantage de crédit au savoir-faire professionnel et à l’éthique des médecins qu’aux lois savamment détaillées.

Urs. P. Gasche, journaliste, conseille de prendre exemple sur les pays du Nord : « Les Suédois et les Norvégiens sont en aussi bonne santé que nous, mais à des coûts moindres. Un Romand coûte 25 % de plus qu’un assuré de Suisse orientale. Il faut étudier ces phénomènes et agir. » Le fait que les patients puissent se rendre directement chez les spécialistes fait aussi grimper les coûts, selon lui. Niklaus Brantschen, fondateur et responsable du projet « Institut Lasalle », a tenté de calmer le jeu : « Ne stigmatisez pas les malades ! », a-t-il exhorté ses collègues. « Les malades doivent pouvoir prendre le temps de se soigner. La société ne permet pas de quitter le processus de travail. » silvia schütz

Le communiqué de presse, les présentations des orateurs et les photos du congrès de l’Association des petits et moyens assureurs-maladie (RVK) sont consultables en ligne sous www.rvk.ch.

Photos : Silvia Schütz

Après ce bref tour d’horizon helvétique, jetons un coup d’œil par delà nos frontières pour voir comment les Hollandais gèrent ces problèmes. L’une des différences fondamentales par rapport à la Suisse réside dans le fait que les caisses ne sont tenues de rembourser qu’un seul médicament par groupe de substance active. Elles sont libres de choisir ce médicament et de négocier avec le fabricant. Depuis l’entrée en vigueur de cette réglementation, les prix des génériques ont plongé de 60 %. Une autre différence essentielle est que la commission chargée de l’admission des prestations dans le catalogue y afférant ne compte pas de représentants des différents groupes d’intérêts.

Haro sur le Conseil fédéral

Beat Kappeler en plein discours : « J’attends des fonctionnaires des mesures claires pour endiguer les coûts. »

25 | Domaine de la santé 5/10


Photo : Keystone

Mois Image

Suivre la Coupe du monde tout en restant en bonne santé Jouer au football permet de brûler plus de graisse et de développer plus de muscles que de faire du jogging : tel est le résultat d’une étude danoise réalisée en 2007. La situation est radicalement différente pour les fans rivés à leur écran de télévision, suivant fiévreusement la Coupe du monde de football se jouant actuellement : ils vivent un stress énorme. De plus, la bouteille de bière, le paquet de chips et le cervelas consommés quotidiennement ont un impact direct sur la balance, le ventre ayant « gonflé » de 3 à 4 kilos. A l’excès de nourriture s’ajoute le manque d’exercice, les supporters de football ne quittant leur fauteuil que pour aller chercher un supplément de nourriture au frigo durant la pause. Du point de vue médical, la Coupe du monde de football est une catastrophe pour les amateurs de fastfood et de bière vissés à leur siège. Mais il existe des moyens pour y remédier : les légumes ou les fruits à grignoter du bout des doigts et les salades sont des aliments idéaux pour prévenir la prise de poids et ne pas surcharger le métabolisme. Selon une enquête faite par des médecins britanniques, regarder un tir de onze mètres lors d’une retransmission télévisée augmente le risque d’infarctus. Là aussi, il est possible de recourir à des solutions simples : • pratiquer l’auto-conviction, qui a des effets bénéfiques au niveau du stress ; • faire baisser la pression, en tapant par exemple du poing sur la table (en ayant pris soin d’enlever au préalable les verres de bière) ;  • se distraire en s’adonnant à d’autres activités brèves et ponctuelles – et éventuellement changer définitivement de chaîne si l’équipe suisse doit encaisser un pénalty.

26 | Service 5/10


La Commission européenne a octroyé des ressources financières à hauteur de 21 millions d’euros à deux nouveaux projets de recherche sur le cancer. Tous deux étudient les modifications du génome humain se produisant lors de nombreuses formes de cancer – soit la génétique de tout le corps humain. En 2007, le cancer a fait 7,5 millions de victimes dans le monde. (AIM)

Stratégie européenne contre Alzheimer & co Des chercheurs de pointe de tous les pays d’Europe se sont réunis à Stock­ holm afin de développer une stratégie européenne de recherche sur les maladies neurodégénératives, telles que la maladie d’Alzheimer et de Parkinson. Ces déficiences sont fortement liées à l’âge ; or, la population européenne vieillit rapidement. En 2006, le traitement des maladies neurodégénératives a coûté, selon les estimations d’institutions européennes de santé, environ 72 milliards d’euros. (AIM) Renseignements : http ://www.neurodegenerationresearch.eu/news/

25 % des résidents en EMS sont dépendants des psychotropes

Service

Nouvelles du monde UE : Nouveaux programmes de recherche sur le cancer

Bonnes relations familiales = consommation d’alcool moindre Plus de 200 scientifiques provenant de près de 30 pays se sont récemment rencontrés à Lausanne afin de présenter les derniers résultats issus de la recherche sur l’alcool. Le Symposium annuel de la Kettil Bruun Society (KBS) est l’un des plus importants du monde consacré aux problèmes liés à l’alcool, notamment à ses causes, sa diffusion, ses conséquences sociales, sa prévention et son traitement. Une contribution suisse traitait de la consommation d’alcool des jeunes. Béat Windlin a ainsi étudié le rapport entre activités familiales en commun et habitudes de consommation des jeunes de 13 à 16 ans. L’analyse de l’étude représentative de 2006 sur les élèves montre qu’un comportement peu sujet à problèmes est davantage lié à la qualité des activités au sein de la famille qu’à leur fréquence. Les jeunes ayant rarement l’occasion de vivre de telles activités sont plus enclins à fumer, boire de l’alcool ou consommer du cannabis et ce, quel que soit leur sexe et leur groupe d’âge. Une autre présentation était consacrée aux nouvelles technologies dans le domaine de la recherche sur l’alcool. Ainsi, l’utilisation du téléphone portable, qui permet aux jeunes adultes de répondre en ligne, le plus rapidement possible, à un questionnaire sur leur consommation d’alcool, s’avère prometteuse. La contribution d’Emmanuel Kuntsche, d’Addiction Info Suisse, porte sur le standard de téléphonie mobile UMTS, Universal Mobile Telecommunications System, et sur la manière dont il peut être utilisé à des fins de recherche.

L’UE investit 500 millions dans les nouvelles technologies Voici quelques exemples parmi d’autres des travaux de recherche européens dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) : le développement de mains artificielles intelligentes pour les amputés, les neuroprothèses venant en aide aux personnes souffrant de vertiges, de raideurs ou d’autres troubles de l’équilibre, les possibilités de connaître comment notre cerveau réagit lors de processus d’apprentissage. L’Europe joue un rôle prépondérant, en investissant 500 millions d’euros dans la recherche sur l’étude des futures technologies de l’information et de la communication présentant des risques importants. (AIM) Photo : Prisma

Selon le British Medical Journal (BMJ), ce chiffre a été publié dans un rapport sur l’addiction de la Deutsche Hauptstelle für Suchtfragen e.V. (DHS) (Office central allemand des questions de toxicomanie). La DHS recommande au personnel soignant des homes de développer des « modèles d’intervention non médicamenteux » afin de résister à la tentation de résoudre les problèmes des personnes âgées uniquement à l’aide de médicaments. (AIM)

27 | Service 5/10


 Â? Â?  ­ Â? € Â?

 � �

Â? Â?

Â?Â? Â

 ­

  Â‡

ˆ ˆ  � …

€ ƒ ­ ‰  Â? Â? Â? Â… Â?  ÂŠ ‹

� €

 Â? ‚ ƒ „

 Â? Â…

†  Â? Â

ÂŽ Â Â? Â? Â? Â?Â? Â?

Â? Â? ÂŒ ƒ Â… ÂŽ Â… Â

Zurich HelpPoint

Der Schweizerische Versicherungsverband SVV ist die Dachorganisation der privaten Versicherungswirtschaft, der ßber 70 grosse und kleine, national und international tätige Erst- und Rßckversicherer angeschlossen sind. Im Zuge einer Nachfolgeregelung sucht die Geschäftsstelle in Zßrich eine/n

Fachspezialistin/en Kranken- und Unfallversicherung – teamorientiert, kompetent, eigenständig – Aufgabe und Verantwortung Als Interessensvertreter beobachten und analysieren Sie die Entwicklung im Bereich der Kranken- und Unfallversicherung und erarbeiten zusammen mit den relevanten Projekt- und Arbeitsgruppen Stellungnahmen in Vernehmlassungsverfahren, Grundlagen- und Positionspapiere. Sie pflegen regelmässige Kontakte zu Dach-, Partnerverbänden und AufsichtsbehĂśrden und nehmen im Sinne einer zukunftsorientierten Weiterentwicklung der Kranken- und Unfallversicherung Einfluss auf die politische Diskussion. Im Weiteren stellen Sie die Umsetzung der erarbeiteten Schwerpunkte sicher und sind fĂźr die Informationen und Dokumentationen an die Mitgliedgesellschaften zuständig. Anforderungen • Hochschulabschluss (Uni/FH) oder gleichwertige Aus- und Weiterbildung • Fundierte Kenntnisse im Bereich der Kranken- und Unfallversicherung und mehrjährige Tätigkeit bei einem Krankenversicherer. • Souveräne VerhandlungsfĂźhrung und hohe Kommunikationskompetenz • Unternehmerisch denkende und handelnde PersĂśnlichkeit • Analytische und konzeptionelle Fähigkeiten • Hervorragendes mĂźndliches und schriftliches AusdrucksvermĂśgen Wir bieten eine interessante und vielfältige Aufgabe, sehr gute Anstellungsbedingungen in einem teamorientierten und modernen Umfeld. Haben wir Ihr Interesse geweckt? Dann freuen wir uns auf Ihre Bewerbungsunterlagen an folgende Adresse: [m.a.g.] management consulting Micheline Aebersold-Golay Gotthardstrasse 21 8002 ZĂźrich

info@mag-consulting.ch www.mag-consulting.ch Tel. + 41 43 497 28 80


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.