infosantesuisse Nr 09/2009 français

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info santĂŠsuisse

PĂŠnurie de personnel de santĂŠ

Le magazine des assureurs-maladie suisses


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Que faire contre la grave pénurie de professionnels de santé qui menace ?

Ursina Trummer – Portrait d’une étudiante du Centre de formation professionnelle de la santé du canton de Berne

Visite au centre pour personnes âgées de Wengistein, à Soleure

Sommaire Sous la loupe 4 Que faire contre la grave pénurie de professionnels de santé qui menace ? 6 Ursina Trummer – Portrait d’une étudiante du Centre de formation professionnelle de la santé du canton de Berne 8 Vieillissement démographique et pénurie de personnel : double défi pour les organisations Spitex 10 Visite au centre pour personnes âgées de Wengistein, à Soleure 13 Organisations de patients et médecins de premier recours : comment voient-ils le problème ? 14 Entretien avec Christian Schär, directeur du centre de formation Careum 16 Etude de l’Obsan et de Careum : d’ici 2030, le système de santé devra recruter un nombre de professionnels équivalent aux effectifs actuels 18 La qualité des soins de premiers recours en France est-elle vraiment meilleure malgré un nombre plus restreint de médecins ? 20 Graphique du mois de novembre : des femmes d’un certain âge peu diplômées – la réalité des professions de soins ? Domaine de la santé 22 Comparaison des systèmes de santé suisses et néerlandais : partie I de III 24 Nouvelle étude de l’EPF-Zurich : les Suisses veulent des outils d’évaluation des fournisseurs de prestations 26 Rapport annuel 2008 de l’Institution commune LAMal : tous les assureurs sont solvables 27 Image du mois : les vrais « durs » En bref 28 Prestations de l’assurance de base : questions pratiques Service 29 La Suisse, un modèle pour les Etats-Unis 29 www.famsanti.ch : nouvelle plateforme d’information sur l’assurance-maladie 30 Euro Health Consumer Index 2009 : cinquième place pour la Suisse 30 Nouvelles du monde 31 Manifestations 31 Mr Raoul

No 9, novembre 2009 Paraît dix fois par an prix de l’abonnement 69 fr. par an, 10 fr. le numéro Éditeur et administration santésuisse, Les assureurs-maladie suisses, Römerstrasse 20, case postale, 4502 Soleure Responsable de la rédaction Nello Castelli, Département Politique et Communication, Case postale, 4502 Soleure Rédactrice : Maud Hilaire Schenker, Téléphone : 032 625 42 49, Fax : 032 625 41 51, Courriel : redaction@santesuisse.ch production : Rub Graf-Lehmann AG, Murtenstrasse 40, 3001 Berne Conception de la mise en page  Pomcany’s mise en page  Henriette Lux administration des annonces Toutes les annonces – les offres d’emploi y compris – sont à adresser à : « infosantésuisse », Römerstrasse 20, case postale, 4502 Soleure courriel : redaction@santesuisse.ch Administration des abonnements Téléphone : 032 625 42 74, Fax : 032 625 41 51 Portail : www.santesuisse.ch Page de titre : Heiner Grieder, Langenbruck (BL) ISSN 1660-7236


Pénurie de personnel dans le domaine des soins : la Suisse doit résoudre seule le problème La demande de prestations de soins augmente. Parallèlement, une grande partie des professionnels de santé partiront à la retraite durant les deux prochaines décennies. Aussi, d’ici 2030, la Suisse devra-t-elle recruter entre 120 000 et 190 000 nouvelles forces de travail dans le secteur des soins. Les domaines de la santé et de la formation doivent relever un sérieux défi. D’ici peu, il faudra, à l’évidence, former sensiblement plus de professionnels que jusqu’à présent. Quelle sera réellement la demande supplémentaire en soins ? Personne ne le sait exactement et divers scénarios sont possibles. Mais des mesures existent pour pallier la pénurie qui s’annonce : • La demande future en prestations de soins dépendra fortement de l’état de santé et de l’intégration sociale des personnes âgées. C’est pourquoi il faut accorder une attention particulière au développement de la promotion de la santé et de la prévention chez les aînés. • Plus les organisations d’aide et de soins à domicile (Spitex) reprendront des tâches jusqu’ici assumées par les EMS, meilleure sera la qualité de vie des personnes tributaires de soins. Ainsi, les besoins en personnel diminueront dans leur ensemble. • Les professions soignantes doivent gagner en attrait. Plus de responsabilités, une meilleure formation axée sur la pratique, une image plus positive et des salaires plus élevés peuvent contribuer à accroître le nombre de personnes embrassant une profession soignante et à diminuer le nombre de personnes quittant la profession. • Un simple renforcement de l’aspect académique de la formation initiale ou continue n’est pas désirable, tant le champ d’activités varie selon le secteur de soins et la position hiérarchique. • Les horaires de travail flexibles, tenant compte des nécessités familiales, jouent aussi un rôle capital : les soins étant principalement prodigués par du personnel féminin, la souplesse des horaires évite qu’une grande partie des infirmières ne se retirent de la profession après avoir fondé une famille. La solution jusqu’ici retenue pour remédier à la pénurie de personnel – à savoir le recrutement à l’étranger – pourrait bien ne plus fonctionner à l’avenir. Pratiquement tous les pays européens sont confrontés au même problème : ils chercheront donc plus systématiquement qu’aujourd’hui à empêcher la fuite de leurs forces de travail vers l’étranger. C’est à la Suisse de trouver une solution. Ce numéro propose quelques pistes.

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Felix Schneuwly Chef du Département Politique et Communication de santésuisse


Photo : Keystone

La pénurie de professionnels de santé n’est pas inéluctable. Les moyens pour la combattre existent.

Plusieurs études confirment les faits et montrent la voie à suivre

Que faire contre la grave pénurie de personnel de santé qui menace ? En 2030, il manquerait au moins 25 000 collaborateurs dans le secteur des soins. Toutefois, les études sont très claires : il ne s’agit pas simplement de s’accommoder de cette situation et d’en prendre acte avec fatalisme. Des solutions de prévention existent.

La fondation Careum, qui s’engage dans le domaine de la formation professionnelle au sein du système de santé, tire la sonnette d’alarme : d’ici 2030, la Suisse devra recruter entre 120 000 et 190 000 nouveaux professionnels de santé. Il s’agira pour une bonne part de remplacer le personnel parti à la retraite ou ayant quitté le métier. Le vieillissement de la population joue aussi un rôle. Selon Careum, les besoins supplémentaires en professionnels de santé pourraient atteindre 25 000 à 80 000 collaborateurs. Le chiffre varie selon deux inconnues : l’état de santé général des personnes âgées et les gains de productivité des hôpitaux, EMS et soins à domicile ? La fondation Careum n’est d’ailleurs pas la seule à faire ces prévisions. Nombre croissant de personnes âgées = demande croissante de soins ?

L’Observatoire suisse de la santé (Obsan) a publié en février 2009 une étude similaire. Selon le scénario retenu, l’Observatoire chiffre les besoins supplémentaires en professionnels de santé entre 25 000 et 48 000 collaborateurs d’ici 2020, imputables pour une bonne part à la demande croissante en soins de longue durée. Selon l’Office fédéral de la statistique, le nombre de personnes âgées de plus de 80 ans pourrait passer de 350 000 à l’heure actuelle à 625 000 en 2030. Mais d’après l’Obsan, le vieillissement de la population n’est qu’un facteur parmi d’autres déterminant les besoins futurs en soins de longue durée. La demande effective en soins, la situation socio-économique des personnes âgées ainsi que le nombre de proches faisant office de soignants sont tout aussi importants. L’Obsan constate que l’état de santé des personnes âgées joue un grand rôle. S’il s’améliore, l’Obsan estime

qu’en 2030 les soins de longue durée coûteront quelque 16 milliards de francs par an. S’il reste constant, les dépenses pourraient atteindre 20 milliards. Le transfert de certaines prestations fournies par les homes au secteur des soins à domicile recèle un potentiel d’économies s’élevant à plus de trois milliards de francs par an. On ignore cependant dans quelle mesure ces économies entraîneraient aussi une réduction des besoins en personnel soignant. Les études de l’Obsan montrent en tout cas nettement que la demande croissante en prestations de soins n’est pas seulement une conséquence inéluctable du vieillissement démographique. Entrent en jeu d’autres facteurs, qui peuvent, au moins en partie, être influencés par la politique et la société. Vieillissement du corps médical (médecins de famille) : une réalité

La pénurie se profile non seulement au sein du personnel soignant mais aussi, et c’est un phénomène connu, chez les médecins généralistes. L’Obsan estime que, d’ici 2030, jusqu’à 40 % des consultations souhaitées auprès d’un médecin de famille ne seront plus garanties. Outre le vieillissement de la population, le vieillissement du corps médical pose aussi fortement problème. Bon nombre de médecins de premier recours aujourd’hui en activité prendront leur retraite d’ici 2030. Une partie d’entre eux ne trouvera pas de successeur. Selon l’Obsan, l’effectif des médecins de famille pourrait baisser de 12 %. La proportion de femmes exerçant dans ce domaine continuant à augmenter – et avec elle la part du travail à temps partiel – il pourrait y avoir en 2030 une baisse de capacité d’environ 30 % chez les médecins de famille – à supposer que rien ne soit entrepris. Cependant, selon l’Obsan, la pénurie de médecins de famille n’a rien d’inévitable. Si l’état de santé de la population s’améliore et que de nouvelles formes d’organisation des soins de base se généralisent, le déficit escompté de médecins pourrait être réduit de moitié. Par « nouvelles formes d’organisation », l’Obsan entend d’une part les réseaux de soins gérés (« mana-

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ged care ») et, d’autre part, le transfert de certaines tâches assumées par les médecins de famille à un personnel soignant spécialement formé à cet effet. Si, de surcroît, plus de jeunes médecins sont incités à entreprendre la carrière de généraliste, il sera tout à fait possible de remédier à la pénurie de médecins dans ce secteur. Pour l’Obsan, le succès d’une telle démarche dépend avant tout de la revalorisation de la formation pré- et post-graduée des médecins de famille. Agir, une « priorité nationale »

Ce qui est valable pour les médecins de famille l’est également pour le personnel soignant : la pénurie attendue n’est pas gravée dans le marbre. Outre le vieillissement démographique, de nombreux autres éléments déterminent la demande future. L’état de santé des personnes âgées joue un rôle majeur : meilleur il sera, moins la pénurie de professionnels de santé sera dramatique. Il n’est donc guère étonnant que les experts de l’Obsan accordent une grande valeur à la promotion de la santé et à la prévention chez les personnes âgées. Ils constatent que le soutien en matière de promotion de la santé des aînés est pratiquement inexistant – alors que ce domaine présente un fort potentiel inexploité. L’Obsan estime qu’une véritable prévention et promotion de la santé des aînés permettrait des économies de plus de deux milliards de francs par an jusqu’en 2030. Les experts demandent même d’en faire une « priorité nationale », tous les acteurs – personnes âgées, fournisseurs de prestations, assureurs, autorités – étant dans le même bateau. C’est à cette seule condition qu’il sera possible d’exploiter ce potentiel encore en friche. Les cantons de Berne, Soleure, Zoug et Zurich testent déjà la procédure d’établissement du profil de santé. En collaboration avec leur médecin de famille et à l’aide de questionnaires ad hoc, les personnes âgées non encore tributaires de soins peuvent dresser leur propre « profil de santé ». Elles identifient ainsi leurs risques individuels et leur médecin de famille les conseille de manière ciblée. La ville de Berne a introduit dans les années 90 un programme similaire. Les évaluations scientifiques de tels projets ont montré une réduction possible de 34 % des entrées en EMS.

Où trouver le personnel soignant ?

En dépit de ce beau succès, selon l’Obsan et la fondation Careum, les mesures suivantes doivent être prises pour accroître le nombre des professionnels de santé : • Les professions soignantes doivent devenir plus attrayantes. A ce titre, les mesures fréquemment évoquées concernent des salaires plus élevés, la prise en charge de certaines tâches effectuées jusqu’ici par les médecins de famille et des horaires de travail flexibles. Selon l’Obsan, il est d’autant plus important d’agir qu’une grande part du personnel formé quittera la profession après quelques années. Des horaires de travail flexibles permettraient avant tout aux femmes de travailler davantage, tout en assumant leurs tâches familiales. • La fondation Careum réclame en outre une amélioration de la formation. Elle doit être mieux axée sur la pratique et plus intéressante pour les apprenants. • Peter Marbet, directeur du Centre de formation professionnelle de la santé du canton de Berne, mentionne un troisième point : selon lui, la profession de soignant est sousestimée par le public. Il faudrait donc mieux faire connaître la diversité et les perspectives de cette profession ou, pour être bref, en améliorer l’image. Le recrutement du personnel soignant provenant d’autres pays – une option à laquelle on recourt volontiers aujourd’hui – ne constitue pas une solution à long terme pour l’Obsan et Careum. Tout d’abord, miser sur le recrutement de professionnels de santé à l’étranger est une vision à court terme, car cet afflux peut tarir à n’importe quel moment. Ensuite, pour la fondation Careum, il est contraire à l’éthique d’agir de la sorte, car nous exportons le problème à l’étranger au lieu de le résoudre. Quant aux soins prodigués par les proches, il ne faut pas trop en attendre. Aujourd’hui déjà, ceux-ci fournissent une contribution importante qu’il sera difficile d’augmenter encore à l’avenir (voir l’encadré). peter kraft

Soins prodigués par les proches en Suisse Selon diverses études réalisées en Allemagne, 72 % des personnes tributaires de soins sont soignées principalement par leurs proches. La situation ne devrait pas être très différente en Suisse. Nous ne disposons de chiffres que pour Genève et Zurich : 51 % des malades atteints de démence sont soignés à domicile. Comme il s’agit en l’occurrence de régions urbaines, le taux à l’échelon national est, selon toute vraisemblance, sensiblement plus élevé. On sait qu’en Suisse 4 % des personnes actives vivent avec une personne nécessitant des soins. Les soins dispensés par les proches jouent donc déjà un rôle essentiel. Il paraît donc illusoire de miser sur leur développement afin de compenser la pénurie future de personnel soignant. S’y ajoute qu’une grande part des soins prodigués par les proches est assumée par les femmes, au

détriment de leur vie professionnelle. Durant les prochaines décennies, cette disponibilité va plutôt aller en diminuant qu’en augmentant. Que faut-il donc faire pour qu’à l’avenir la part des soins dispensés par les proches ne s’amenuise pas ? Et que l’écart entre la demande et l’offre ne s’accroisse pas davantage ? Les proches soignants ont besoin de conseils professionnels et de soutien en cas de difficultés et dans l’organisation de la vie quotidienne. De telles offres existent déjà en Suisse mais elles émanent du secteur privé et sont à ce jour financées par les proches soignants. Ne serait-ce pas aux pouvoirs publics de prendre en charge ces coûts de conseil et de soutien aux proches ? Ces personnes assument en fin de compte une tâche qui, sans leur aide, devrait être intégralement financée par la communauté.

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Ursina Trummer – Portrait d’une étudiante du Centre de formation professionnelle de la santé du canton de Berne

« Dans le secteur des soins, on a besoin de la tête, des mains et du cœur » Qui est mieux à même de défendre avec ferveur la profession de soignante qu’une étudiante enthousiaste en fin de formation ? Ursina Trummer termine ses études d’infirmière ES (école supérieure) au Centre de formation professionnelle de la santé du canton de Berne. Cette jeune femme de 21 ans vient de commencer la dernière année des trois années que dure la formation. Elle a de l’assurance, parle spontanément et avec beaucoup de clarté et on réalise immédiatement qu’elle sait ce qu’elle veut. Elle a fait sciemment le choix de devenir infirmière et elle est pleinement convaincue d’avoir fait le bon choix.

On entend souvent dire que les soignants n’auraient plus assez de temps pour leurs patients. Est-ce vraiment le cas ?

Qu’est-ce qui vous a motivée à choisir une profession de soignante ?

Il faut offrir un plus grand nombre de postes à temps partiel et les institutions doivent mieux planifier les horaires de manière à ce que le personnel employé à temps partiel ait toujours les mêmes jours de travail. Les hôpitaux doivent disposer de bonnes crèches, ouvertes aussi durant la tranche horaire du soir. Il ne sert à rien que la crèche ferme à six heures, si l’horaire de travail va jusqu’à 11 heures.

Je voulais à tout prix exercer une profession dans le domaine de la santé. J’ai donc commencé un apprentissage professionnel en tant qu’assistante en soins et santé communautaire (ASSC) – avec la ferme intention de devenir par la suite infirmière. Je pouvais choisir entre une école du degré de diplôme et l’apprentissage ASSC, voie que j’ai suivie parce que je suis plutôt une pragmatique. En tant que telle, comment vivez-vous votre formation actuelle ?

Nous avons toujours un semestre de pratique et un semestre d’enseignement, ce qui me convient parfaitement. La formation en tant qu’assistante en soins et santé communautaire donne une bonne base pour un professionnel de santé. La profession d’ASSC est, il est vrai, très variée : j’ai travaillé dans les secteurs de l’économie domestique, de la logistique, de l’administration et des soins. Il y a malgré tout un désavantage : on touche à tout et on sait faire un peu de tout – mais, comme dit le proverbe, on est bon à rien. La formation à la haute école spécialisée est en revanche beaucoup plus approfondie. L’idée que vous vous faisiez de la profession a-t-elle été confirmée par votre apprentissage et les stages pratiques ?

Sur le fond, oui. Bien entendu, je vois maintenant certaines choses un peu différemment. Mais c’est normal quand on est plus au courant de la profession. Ursina Trummer est aussi confrontée, par sa formation, à des destins humains – souvent tristes. Comment une personne si jeune gère-t-elle cette situation ? Il est important de trouver un bon équilibre entre proximité et distance, précise-t-elle. Le thème des situations difficiles est certes abordé au cours des études. Mais pour Ursina Trummer, deux autres démarches aident beaucoup. D’une part, les réflexions personnelles : qu’est-ce que la situation a déclenché en moi ? Qu’est-ce que j’ai fait de juste – et qu’est-ce que je dois changer la prochaine fois ? Et d’autre part, les discussions avec d’autres collègues. Il est bon de savoir comment elles ont vécu et réussi à maîtriser des situations analogues.

Nous pouvons répondre aux besoins des patients. Mais il est aussi vrai que nous devons prendre en charge et traiter plus de patients dans un laps de temps plus court. Il y a parfois des choses que je ferais encore volontiers mais qui ne sont pas possibles, comme prendre un peu de temps pour examiner un problème de manière plus approfondie. De nombreuses femmes quittent la profession d’infirmière après avoir fondé une famille. Que pourrait-on faire pour éviter ces départs ?

Les hôpitaux offrent-ils ce service ?

Beaucoup d’entre eux disposent de crèches – mais le plus souvent les heures d’ouverture ne sont pas très adaptées. Combien de temps resterez-vous personnellement dans le domaine des soins ?

C’est difficile à dire. J’aimerais rester dans la profession mais aussi, le jour venu, fonder une famille. On ne peut pas se permettre de faire une longue pause professionnelle. Celle qui abandonne son activité est vite hors jeu et le retour après une interruption est difficile. Il faudrait des cours et des programmes spéciaux de remise à niveau. Je ne sais pas encore dans quelle direction je me spécialiserai. Je verrai comment les choses se présentent. Mais je peux très bien concevoir de rester longtemps dans le secteur des soins. Comment peut-on motiver les jeunes à embrasser la profession d’infirmière ?

Par des conditions de travail et de salaire plus attractives. Mes études durent deux fois trois ans. D’autres personnes faisant des études aussi longues gagnent beaucoup plus que moi. Personnellement, cela me suffit – mais je vois qu’une grande partie du personnel travaillant dans les soins n’est pas satisfait du salaire versé. Il ne faut pas oublier que nous portons une grande responsabilité et sommes soumises à des contraintes sévères. Cela dit, je ne modifierais pas la profession de fond en comble uniquement pour recruter plus de monde. Celle ou celui qui se décide à travailler dans le secteur des soins le fait sciemment, parce qu’il le veut vraiment, et cela doit rester ainsi. On discute de la reprise par les infirmières et infirmiers de certaines tâches effectuées jusqu’ici par les médecins

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de famille, afin d’atténuer la pénurie dans ce secteur. Qu’en pensez-vous ?

Je trouve cette perspective très attrayante. Nous travaillons toujours au chevet du patient, nous avons les connaissances nécessaires et l’approche qui convient. Mais personnellement, cela ne me tente pas. Cette solution fait appel à des soignants qui ont de l’expérience et une formation postgrade correspondante. De même, il est évident que nous ne remplaçons pas le médecin de famille et que nous ne serions en mesure de reprendre qu’une partie de ses tâches. Il faudrait qu’en cas de besoin, nous puissions adresser les patients à un spécialiste ou à un médecin de premier recours. Il faut également veiller à ce que le secteur des soins ne soit pas privé de trop de forces de travail qui lui feront ensuite défaut. Qu’avez-vous comme autres possibilités de carrière dans la profession d’infirmière ?

Photo : Peter Kraft

Je peux devenir experte en soins infirmiers, effectuer une formation en gestion, travailler comme enseignante ; je peux aussi étudier les sciences infirmières, aller dans la recherche et me spécialiser.

Parmi ces possibilités, lesquelles vous attireraient ?

Je me vois plutôt comme spécialiste dans un certain domaine ou comme quelqu’un assistant les apprenants – mais pas comme une étudiante en sciences infirmières. Dans son activité professionnelle, les plus beaux moments vécus par Ursina Trummer sont ceux passés avec les patients, même s’ils sont en soi peu spectaculaires : situations amusantes, bons échos en retour, gestes attestant la reconnaissance de la valeur des soins fournis. Les situations sans issue constituent le revers de la médaille. Les possibilités médicales sont épuisées et tout tourne autour de la mort. Pour Ursina Trummer, il est triste aussi de voir les patients tout à coup arrachés à leur cadre de vie quotidien – en sachant qu’ils perdent une partie de leurs aptitudes et ne pourront plus jamais vivre comme avant. C’est particulièrement dur pour les patients âgés. La pensée lui vient parfois qu’elle pourrait être à leur place. Est-ce aussi votre tâche de transmettre aux gens de si tristes nouvelles ?

Non. C’est l’affaire des médecins. Ce sont eux qui ont établi les diagnostics et savent en détail quelle est la situation du patient. Nous sommes plutôt compétentes pour veiller au bienêtre du patient, l’assister, le soigner. Il est aussi important de collaborer avec les proches. Qu’est-ce que cela signifie ?

Nous discutons de questions telles que le retour à la maison et comment continuer une fois rentré chez soi. Les médecins s’en préoccupent peu et le contact avec les organisations Spitex, l’information concernant les offres de soutien passent plutôt par nous. Nous les orientons par exemple vers les institutions sociales organisant des réadaptations ou des séjours en EMS. Notre tâche est de trouver, en collaboration avec les proches, les solutions les plus optimales pour les différents patients. Pourquoi recommanderiez-vous à une jeune femme de choisir la profession d’infirmière ?

Je la lui recommanderais chaudement. La formation est déjà ancrée au niveau académique. La profession est donc bien établie au niveau tertiaire tout en présentant un côté très pratique. Elle apporte chaque jour de nouveaux défis et n’est jamais ennuyeuse. Les exigences requises sont variées, on a besoin de la tête, des mains et du cœur. La profession de soignante est extrêmement attrayante pour toute personne s’intéressant au domaine de la santé, à la médecine et aux relations humaines. peter kraft

Ursina Trummer : « Qui abandonne sa profession est vite hors jeu. Le retour après une interruption est difficile »

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Aide et soins à domicile : problèmes d’aujourd’hui et de demain

Vieillissement démographique et pénurie de personnel : double défi pour les organisations Spitex

Le terme Spitex (abréviation de « spitalexterne Hilfe und Pflege »), depuis longtemps utilisé en Suisse alémanique, correspond en français à « l’aide et aux soins à domicile ». Les prestations-clés proposées sont les soins infirmiers (évaluation et conseil, examen et traitement, soins de base), le soutien pour les tâches domestiques et l’accompagnement social. Les services complémentaires fournis varient d’une organisation à l’autre, mais recouvrent les repas à domicile, l’accompagnement de mourants et de leurs proches, la coiffure à domicile etc. Les prestations offertes par Spitex constituent une alternative au séjour dans un home ou dans un hôpital, tant que des soins en milieu hospitalier ne sont pas indispensables. Elles permettent aux personnes concernées de vivre plus longtemps dans leur environnement familier en leur garantissant une certaine qualité de vie. En Romandie, dans le Nord de la Suisse et dans les Grisons, où l’aide et les soins à domicile sont vivement encouragés, le nombre de résidents en EMS est par exemple plus faible que dans le reste de la Suisse.

Photo : Keystone

L’aide et les soins à domicile (Spitex) doivent relever un double défi : satisfaire la hausse constante de la demande dans une société vieillissante et rendre attrayantes ces professions méconnues, qui permettent à des milliers de personnes de vivre plus longtemps dans leur environnement familier.

des infirmiers libéraux et des organisations privées proposant des services similaires agréés par les assureurs-maladie. Leur offre de soins est en général plus étendue et comprend notamment des services de nuit. Les prestations y sont plus chères pour la clientèle, les prestataires privés n’étant pas subventionnés par les pouvoirs publics. L’assurance-maladie, elle, rembourse au tarif des services d’aide et de soins à domicile d’utilité publique. L’aide et les soins à domicile privé représentent 5 à 8 % du marché total. D’autres formules permettent aussi à un plus grand nombre de personnes nécessitant des soins de vivre chez elles : « Heimex », des homes qui proposent des prestations ambulatoires, les EMS qui offrent des séjours de durée limitée et les foyers de jour.2

Organisation

Quelque 28 000 collaborateurs prennent en charge 205 000 patients (46 % ont 80 ans et plus). 1,2 milliard de francs ont été consacrés aux prestations d’aide et de soins à domicile, (dont 427 millions de francs pour les prestations prises en charge par les caisses-maladie, soit 2 % de l’ensemble des coûts de l’assurance-maladie).1 La Suisse compte vingt-six associations cantonales d’aide et de soins à domicile, auxquelles sont rattachées six-cents organisations locales, toutes à but non lucratif. En suisse alémanique, la majorité des organisations Spitex sont soutenues par des associations de droit privé au niveau communal. En Romandie et au Tessin, les services d’aide et de soins à domicile à but non lucratif sont essentiellement organisés en associations ou en fondations régionales ou cantonales. Les exigences croissantes de réduction des coûts et de rationalisation du travail, mais aussi de garantie de la qualité poussent à la concentration du nombre d’organisations, supprimant les doublons et diminuant les coûts d’infrastructure.

Une demande en constante progression

Plusieurs raisons laissent à penser que l’augmentation de la demande de prestations d’aide et de soins à domicile se poursuivra, en substitution ou en complément des soins stationnaires. D’abord, les petits et très petits ménages se multiplient : les personnes tributaires de soins vivent avec leur partenaire ou seule. Ensuite, les personnes âgées souhaitent davantage rester chez elles. L’allongement de la durée de vie exempte de handicaps accroît le besoin de prestations d’aide et de soins à domicile. Beaucoup de personnes âgées peuvent en effet faire face aux besoins quotidiens, mais des problèmes physiques les contraignent à recourir ponctuellement aux prestations d’aide ménagère et de soins. Enfin, la réduction des temps de séjour à l’hôpital et l’augmentation des interventions médicales ambulatoires jouent également un rôle non négligeable. Mais le risque est de détourner davantage l’attrait de la profession notamment s’il n’y a pas d’allongement du temps à disposition pour s’occuper des cas complexes.

Concurrence

Dans la grande majorité des cas, les soins infirmiers et les soins de base sont dispensés par les services d’aide et de soins à domicile d’utilité publique. Parallèlement, il existe

Recrutement difficile

Dans un article de NOVAcura 10/08, Markus Kopp, chef de Spitex dans le canton d’Obwalden, énumère à ce propos les

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Les organisations Spitex gagneront en importance. Mais leur demande en personnel augmentera également.

problèmes rencontrés en raison du manque de personnel qualifié. Il évoque notamment combien le personnel atteint souvent ses limites face à la croissance de la demande et se trouve insuffisamment préparé face à certains cas difficiles. Le recrutement devient ardu. L’Obsan estime qu’à productivité constante, l’évolution du nombre total de clients Spitex pourrait entraîner d’ici 2020 une hausse du nombre de postes à pourvoir d’environ 20 % par rapport à 2006. Mais, en parallèle, la population des 20 à 64 ans, qui sera le bassin de recrutement pour ce personnel, va pour sa part peu augmenter durant la période examinée. Le nombre de personnes à employer pourrait être réduit si l’on parvenait à limiter la demande, en diminuant la morbidité de la population âgée et ses besoins en services Spitex. Cependant, cette éventualité risque d’être contrecarrée par le raccourcissement des durées d’hospitalisations, qui augmentera les besoins en soins à domicile Exigences croissantes pour le personnel

La réduction croissante des durées d’hospitalisation devrait en effet entraîner une augmentation des cas complexes. De plus, la hausse des cas de démence causera une confrontation accrue à des troubles cognitifs, souvent liés à des difficultés comportementales d’ordre émotionnel affectif. Cette évolution nécessitera donc une formation et une formation continue particulière du personnel soignant. La multiplication des cas lourds peut constituer un défi pour le personnel qualifié et ainsi accroître l’attrait du domaine des soins ambulatoires. Mais elle peut aussi décourager et laisser moins de temps pour des soins moins techniques, tout aussi importants (accompagnement, soutien…). Le personnel se trouve toujours plus sollicité.

quelques années, la Suisse vieillit : d’une part, le nombre de personnes âgées augmentent et, d’autre part, leur proportion par rapport à l’ensemble de la population va également croissant. L’arrivée à l’âge de la retraite des années caractérisées par un grand nombre de naissances (baby-boom) accélère le phénomène. En même temps, le nombre potentiel de mères diminuent et les mères ont moins d’enfants. En 2015, une personne sur cinq domiciliée en Suisse aura atteint l’âge de la retraite, ce qui suppose une hausse exponentielle possible de la demande auprès de spitex, mais les effectifs en personnel suivront-ils ? Le rôle des familles

On peut en tous les cas imaginer que la complexité accrue des cas conjuguée au manque de personnel entraînera une implication encore plus grande des proches dans les gestes quotidiens. Selon une étude de l’Office fédéral de la statistique, les aides informelles régulières reçues de la part des proches s’élèvent déjà à 9 % des soins et des services fournis à domicile en Suisse, alors que le recours à des professionnels représente 2,5 %. Dans sept cas sur dix, ce soutien non institutionnel fourni par des proches va de pair avec celui des professionnels. Mais cette aide informelle ne remplacera pas l’aide professionnelle, surtout pour les personnes très âgées, lorsque la polymorbidité augmente. maud hilaire schenker

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www.spitexch.ch Büro für arbeits- und sozialpolitische Studien Bass AG, Aide et Soins à domicile : analyse du milieu, du marché et de la concurrence, Berne, mai 2007, 32 pages

Le vieillissement démographique n’arrange rien

75 % des bénéficiaires de Spitex ont atteint l’âge de la retraite. L’avenir des services d’aide et de soins à domicile est donc largement lié au vieillissement démographique. Or, depuis

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Visite au centre pour personnes âgées de Wengistein, à Soleure

« Les homes sont toujours désavantagés » La pression économique sur les homes pour personnes âgées et les EMS s’est accrue. Pour le personnel, cela signifie une plus grande charge de travail sans qu’il s’ensuive une hausse de salaire. Dans ces conditions, comment attirer une main-d’œuvre jeune dans les homes ? Nous avons rendu visite au home pour personnes âgées de Wengistein, à Soleure. Tout d’abord, Hansruedi Moor, directeur du home, nous fait part de ses soucis économiques et des perspectives d’avenir. Puis, Katharina Zirn, responsable des soins et du suivi des malades, parle du point de vue des employés et des résidents.

Il existe des individus qui n’ont pas de proches, sont socialement isolés, ne peuvent plus guère quitter la maison – ils sont malgré tout considérés comme indépendants. Je doute que ces personnes soient dans tous les cas mieux servies par les organisations d’aide et de soins à domicile. Bien sûr, pour une bonne part elles bénéficient de prestations hôtelières et pourraient vivre sans problème à la maison – mais elles sont néanmoins en lieu plus sûr dans un home. Nous avons beaucoup de demandes de ce segment intermédiaire, dont les rangs vont continuer à grossir à la suite de la disparition de la famille au sens large et du boom des ménages à une personne.

Quelle est la pression économique pesant sur les homes pour personnes âgées et les EMS ?

Comment réagissez-vous à cette pression économique ?

Elle s’est fortement accrue durant ces dix ou quinze dernières années. Les petits homes de vingt à trente résidents ont toutes les peines du monde à résister et doivent se regrouper ou fusionner. Les prestations offertes par les homes ont massivement augmenté ces derniers temps, les exigences de confort se sont modifiées. Mais les indemnisations n’ont de loin pas suivi le même rythme, ce qui conduit inéluctablement à une pression toujours plus forte à faire des économies. S’y ajoutent de nouveaux systèmes de garantie de la qualité et de saisie des soins. Nous y sommes en principe favorables – mais en fin de compte, trois personnes en moyenne ne s’occupent chez nous que de la saisie des soins. Autant de ressources en moins dans le secteur des soins proprement dit, car nous n’avons pas les moyens d’engager du personnel supplémentaire. Une donnée complique encore les choses : pour les cas de soins lourds, nous recevons un montant forfaitaire plus élevé. Mais si un tel patient décède et qu’il est remplacé par un cas moins lourd, nous avons des pertes de revenu. Comment voulez-vous établir un budget dans ces conditions ? Nous n’avons pas le droit de faire des provisions pour de tels cas. Voilà pourquoi certains homes luttent systématiquement pour obtenir des cas lourds. Il n’y en a pas suffisamment pour tous les homes. Ce n’est pas si grave ! Les cas lourds vont dans les EMS, les cas plus légers sont suivis à domicile par les organisations spitex (aide et soins à domicile), et ce dans l’intérêt de tous.

Cette évolution a déjà commencé et va se renforcer. Nous voyons un problème pour le segment intermédiaire. Il n’est pas concevable qu’à l’avenir les soins résidentiels soient réservés uniquement aux personnes tributaires de soins lourds.

Nous devons être encore plus rapides, encore meilleurs et encore plus efficients. Nous ne pouvons plus nous permettre de pertes dues à un mauvais fonctionnement. Tous les employés doivent avoir un rendement à pleine capacité. Il n’est pratiquement plus possible de conserver une personne qui, en raison de son âge, est moins efficace qu’une personne de 20 ans. Vous pouvez vous imaginer ce que cela signifie dans une profession caractérisée par des contraintes physiques et psychiques très lourdes. Il y a dix ans encore, on prétendait que la personne quittant le domaine des soins aigus pour travailler auprès des personnes âgées tournait le dos au stress et s’apprêtait à mener une vie plus tranquille. Ces temps sont définitivement révolus. Dans quelle mesure la pression économique influencet-elle la qualité des soins ?

Nous pouvons être à la pointe dans tous les autres domaines – si la qualité des soins n’est plus assurée, l’institution est mauvaise, un point c’est tout. S’y ajoutent les principes éthiques et moraux interdisant la baisse de qualité des soins. Jusqu’à présent, nous avons pu maîtriser ce problème. Nous faisons des économies là où les résidents ne le remarquent pas. Nous avons par exemple taillé dans les frais administratifs ou éliminé des prestations ne relevant pas des soins. Maintenant, ce n’est plus une soignante qui coupe les cheveux des résidents mais la coiffeuse, payée par les résidents ou leurs proches. Avez-vous de la peine à recruter des infirmières et des infirmiers ?

Le problème est que nous payons les infirmières diplômées 200 à 300 francs de moins que ne le font les hôpitaux de soins aigus. Celles notamment qui achèvent une formation supérieure ne veulent pas prodiguer des soins de base pour un salaire moindre, quand l’hôpital leur offre un job bien payé et passionnant. Les homes sont toujours désavantagés. Par chance, jusqu’à présent, il n’y a pratiquement pas eu de départs à remplacer – mais nous constatons une diminution des candidatures spontanées, en particulier pour la tranche d’âge des 30 – 40 ans.

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Photos : màd.

Hansruedi Moor: « Les compromis au niveau de la qualité des soins sont interdits. »

et jusque-là, les résidents ont le temps. Mais beaucoup préfèrent se retirer dans leur chambre après le souper. Ils ont eu assez de compagnie et souhaitent rester seuls. La garde de nuit prend la relève après 22 heures. Elle a souvent beaucoup à faire : de nombreux résidents doivent aller aux toilettes, ont des douleurs ou ne peuvent pas dormir. Pour Katharina Zirn, les contacts étroits avec les résidents, la reconnaissance qu’ils expriment ainsi que l’intime conviction de pouvoir aider et être utile constituent les côtés lumineux de la profession. Les zones d’ombre résident dans le fait de devoir sans cesse prendre congé de personnes avec qui des liens affectifs ont été créés, d’être confronté à la douleur et à la mort – mais aussi de supporter des contraintes psychiques et physiques élevées. Afin de pouvoir convaincre plus de jeunes à choisir une profession soignante, Katharina Zirn est d’avis qu’il faut une meilleure rémunération, une charge de travail raisonnable et des horaires de travail plus souples. La pression économique a-t-elle aussi des aspects positifs ?

Katharina Zirn: «Les prétentions des résidents augmentent – tout comme la pression due au manque de temps.»

Katharina Zirn décrit le travail quotidien des soignants. Il a bien changé : pression accrue par manque de temps, plus de tâches à effectuer avec des ressources inchangées, plus d’administration qui occupe jusqu’à 30 voire 40 % du temps de travail d’une infirmière diplômée. K. Zirn et son équipe sentent dans leur travail quotidien les modifications de la société : les prétentions des résidents augmentent, les proches souhaitent être mieux associés que par le passé aux décisions. La première tranche horaire commence le matin à sept heures. Lever, habiller, dispenser les soins du matin, déjeuner – il y a beaucoup à faire tôt le matin. De plus, il faut planifier la journée des résidents : qui a une visite médicale, qui doit aller chez le dentiste… Durant la journée, les résidents peuvent participer à diverses activités. Tout est facultatif : celui qui ne veut pas bricoler, chanter ou faire de la gymnastique n’est pas obligé de le faire, tout comme il ne doit pas se coucher tôt. La tranche horaire du soir se termine à 22 heures

Oui, il y en a toujours. Le déroulement des opérations s’est amélioré et a gagné en efficience, les doublons ont pratiquement été éliminés, la pression économique a donné une impulsion à de nombreuses innovations. L’effectif du personnel s’est réduit sans pour autant qu’il s’ensuive des pertes de qualité. Nous sommes maintenant un fournisseur de prestations stationnaires avec des coûts très avantageux – ce qui est de toute façon le cas si l’on nous compare aux hôpitaux. C’est bien ainsi – mais comme cela a été dit, il y a aussi des perdants dans une telle évolution. Ce sont avant tout les collaborateurs âgés qui sont parfois dépassés par le rythme des changements. Comment évolueront les EMS à l’avenir ?

Nous vivrons une période de concentration, ce que je ne trouve en principe pas mauvais. C’est un non sens que de tout petits homes aient leur propre administration et leur propre directeur. Je pense aussi qu’à l’avenir il y aura plus de concertation entre les homes pour s’entendre par exemple sur la question de savoir quel home héberge quel type de résidents. Les centres pour les malades atteints de démence seront plus grands – un pour la ville de Soleure par exemple – et chaque home n’exploitera plus sa propre division. Les homes offriront aussi des soins ambulatoires – comme les hôpitaux le font déjà aujourd’hui. Séjours temporaires, hospice où l’on vient mourir : nous élargirons et en même temps spécialiserons notre offre. Et nous devrons nous affirmer face à d’autres alternatives de soins aux personnes âgées. Il est concevable qu’elles se regroupent, fassent transformer leur appartement ou maison pour répondre aux besoins liés à l’âge et engagent en commun une infirmière. Au centre pour personnes âgées de Wengistein, la division des personnes atteintes de démence a bonne allure. Le local de séjour est aéré et clair, avec une jolie vue sur la campagne environnante. Les parois sont décorées de bricolages confec-

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Photo : Keystone

Tout le monde peut, personne ne doit : les activités sociales offertes par les EMS n’ont rien d’obligatoire. Elles sont censées faire plaisir.

tionnés par les résidents. La bibliothèque est bien garnie, il y a des tables pour s’asseoir tous ensemble et des fauteuils pour se reposer. De la musique en vogue est diffusée en sourdine. On ne remarque parfois pas que les résidents sont malades. Et pourtant, ils le sont, comme le dit K. Zirn. Ils ne s’y retrouveraient pas hors de ce cadre protégé. De plus, le risque de conflit avec les autres résidents du home est assez grand, car les malades atteints de démence ont perdu tout sens de la distance : ils disent exactement ce qu’ils pensent. Tout est d’abord tranquille durant le repas que nous prenons en commun avec les malades souffrant de démence. Ce n’est d’ailleurs pas l’habitude, nous dit K. Zirn – mais les résidents observent d’abord qui est le nouveau ayant pris place à leur table. Deux dames se décident enfin à rompre la glace. Alors que la première est tout sourire face au visiteur, la seconde raconte qu’elle est originaire d’Italie. Elle nous fait voir sa montre spéciale qui donne l’heure quand on presse sur un bouton. « Il faut avoir cette montre quand on est presque aveugle ». Et de continuer qu’aujourd’hui plus personne ne doit perdre la vue – les médecins ont maintenant des piqûres qui guérissent tout. « Autrefois, chez moi, ce n’était pas encore le cas », dit-elle avec un accent italien typique – et elle vide le verre de vin rouge qu’on lui a donné pour son repas. On n’a pas l’impression qu’il règne une ambiance triste dans cette division. La joie de vivre ne se perd pas aussi vite que les facultés cognitives.

Quelles sont vos attentes vis-à-vis des assureurs-maladie ?

J’attends d’eux qu’ils montrent plus d’ouverture et de souplesse. Voici un exemple : nous aurions pu prendre en charge le traitement d’un paraplégique de Nottwil. Mais la caissemaladie n’a pas voulu financer les équipements d’une valeur de 20 000 francs environ, parce que la convention tarifaire ne le prévoyait pas. L’homme doit donc poursuivre sa thérapie à Nottwil – à un coût quatre fois supérieur à ce qu’il aurait été chez nous. Une plus grande ouverture dans les négociations tarifaires est également nécessaire. Il existe notamment des fausses incitations nuisibles aux deux parties : pour l’instant, nous sommes pénalisés quand nous fournissons des soins de qualité. Si nous parvenons à rendre un résident moins dépendant grâce à notre bon travail et qu’il passe ainsi dans un niveau de soins inférieur, nous touchons un tarif moins élevé et avons donc moins de recettes. Un système tarifaire dépendant de la qualité des résultats ou un système de bonus récompensant le classement des personnes dans un niveau de soins inférieur serait plus judicieux – et en l’occurrence un très bon indicateur de soins durables. Il doit bien y avoir la possibilité et la volonté de discuter au moins une fois de telles idées. INTERVIEW : PETER KRAFT

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Prises de position des patients et des médecins de premier recours

Nécessité de nouveaux profils professionnels pour les soins et la prise en charge sanitaire de base

La pénurie de personnel n’est pas un phénomène nouveau ou inconnu. L’important n’est pas de savoir à quel point la pénurie sera dramatique dans trente ans, mais quelles sont les propositions susceptibles de la combattre. Aujourd’hui, les profils professionnels traditionnels dominent la prise en charge sanitaire de base. Les besoins individuels des patients et des proches sont relégués à l’arrière-plan. Nous exhortons les patients à exiger des soins de santé de qualité élevée, répondant à leurs besoins, et à se faire traiter dans les institutions adéquates, par du personnel compétent. La recherche en matière de médecine des aînés montre comment ils pourraient être pris en charge. Par des mesures simples, nous pouvons rendre les personnes handicapées aptes à maîtriser ellesmêmes les difficultés de la vie quotidienne : il suffit de mettre à leur disposition des locaux où l’on peut circuler en chaise roulante, de prévoir des circuits obligés de promenade pour les personnes atteintes de démence ou d’éliminer systématiquement tous risques de chute. L’avenir appartient à la prise en charge sanitaire intégrée. Le patient, ses besoins individuels et la qualité de la prise en charge doivent être au centre des préoccupations. Et la médecine de famille continuera, encore et toujours, à jouer un rôle essentiel.

Photo : màd.

Notre invitée, Erika Ziltener, présidente de l’association « Dachverband Schweizerischer Patientenstellen » (association faîtière suisse des patients), le dit très clairement : les profils professionnels traditionnels du secteur des soins doivent faire place à d’autres modèles et les besoins des patients placés au centre des préoccupations. E. Ziltener propose des mesures simples pour augmenter l’autonomie des patients. Werner Bauer, représentant des médecins de premier recours, plaide aussi en faveur de nouveaux profils professionnels : selon lui, « il est contreproductif de maintenir en vie des mythes ».

Parallèlement, nous devons adapter l’ensemble des profils professionnels aux réalités actuelles et encourager la collaboration interdisciplinaire. Une patiente dans un EMS, victime d’une attaque, aura besoin de moins de soins, si elle peut réapprendre à marché grâce à l’étroite collaboration de la physiothérapeute, de l’ergothérapeute et de l’infirmière. Et surtout, sa qualité de vie s’en trouvera améliorée. Les conditions cadres s’appliquant au personnel doivent être modifiées. Les professions sont certes en train de changer de visage, mais les nouveaux types d’horaire de travail ou d’activité se heurtent souvent, dans un premier temps, au refus. L’introduction du médecin spécialiste d’hôpital en est la parfaite illustration. Bien que cette nouvelle activité soit connue depuis quelques années, mise en pratique par différents hôpitaux et que son utilité pour les patients ait été prouvée, il n’est guère possible de gommer l’image négative qu’elle véhicule, souvent à cause des médecins eux-mêmes qui y sont opposés. Enfin, les soins et l’assistance aux personnes malades sont prodigués à 80 % par les femmes. Sans une répartition équitable des tâches – au moins partielle – entre les deux sexes, il sera impossible de remédier à la pénurie de personnel. erika ziltener

Médecins de famille : plaidoyer pour un nouveau profil professionnel Werner Bauer, médecin et président de la Fédération européenne de médecine interne (European Federation of Internal Medicine, EFIM), s’est exprimé sur l’avenir de l’approvisionnement sanitaire de base lors d’une journée de réflexion du Conseil suisse de la science et de la technologie. Il a notamment mentionné les raisons pour lesquelles la relève dans le secteur de la médecine de famille risque de ne pas être assurée : la position effective des généralistes dans le système de santé n’est pas claire et, de surcroît, elle est attaquée. La reconnaissance de leur statut ainsi que leurs revenus sont comparativement peu élevés. Les jeunes médecins envisagent de moins en moins d’ouvrir leur propre cabinet médical. Ils préfèrent être salariés et travailler en équipe. Les contraintes liées à l’exploitation d’un cabinet individuel sont élevées. Des formations postgrades structurées et des modèles de travail modernes font défaut. Mais la profession de médecin de famille offre aussi des avantages. Werner Bauer cite l’indépendance, le large spectre des patients et des maladies traitées, le suivi sur le long terme des patients et les relations étroites que le médecin tisse avec ses patients ainsi que, de manière générale, la di-

versité de l’activité médicale. Que faire pour surmonter cette impasse ? Werner Bauer plaide en faveur d’un nouveau visage de la profession de médecin de famille : « Il est contreproductif de maintenir en vie des mythes ». Avec l’évolution démographique et les ressources financières restreintes, la demande en généralistes continuera d’augmenter. Une chance pour les médecins de famille, précise Bauer, mais « assumer la fonction de gestionnaire de soins ne pourra se faire que dans le cadre de modèles d’assurance et de cabinets médicaux structurés en conséquence ». W. Bauer affirme tout aussi ouvertement qu’il n’y a pas besoin d’un médecin pour chaque rhume. D’autres groupes professionnels pourraient très bien prendre en charge certaines tâches telles qu’assister et suivre les patients. De meilleures conditions de travail, tel est le maître mot. En font partie l’amélioration des possibilités de formation postgraduée, des modèles de cabinet impliquant une charge de travail raisonnable, la revalorisation de la position de médecins de famille assumant une fonction de pilotage et de contrôle et « un revenu correspondant aux qualifications professionnelles et à la responsabilité assumée ».

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Entretien avec Christian Schär, médecin, directeur du centre de formation Careum et président de l’Association suisse des centres de formation professionnelle de la santé et du social

« La plupart des directeurs de soins ont commencé par être infirmière ou infirmier » Christian Schär, directeur du centre de formation Careum à Zurich, affiche un optimisme prudent : les études de l’Obsan et de Careum ont, selon lui, alerté les responsables des domaines de la santé et de la formation qui s’attaquent enfin au problème de pénurie de personnel dans le domaine des soins. C. Schär estime qu’il faut agir avant tout au niveau de l’image de la profession, de sa reconnaissance par la société et des conditions de travail.

La fondation Careum a récemment lancé un appel visant à contrecarrer la menace d’une pénurie de professionnels de santé. Que font concrètement les centres de formation dans ce domaine ?

A mon sens, il est faux de penser que seuls les centres de formation sont responsables du problème et qu’il leur suffit simplement de recruter suffisamment de personnes. Les hôpitaux et les homes – qui collaborent avec nous – portent la principale responsabilité. La fondation, elle, œuvre au niveau de l’amélioration de l’image, en participant notamment au projet de communication de l’association faîtière OdaSanté. Ce faisant, nous cherchons à positionner les professions de la santé au niveau national et à leur donner une image positive. Chaque centre de formation est en relation avec les Oda cantonales et lance des campagnes. Celui de Berne, en collaboration avec le canton, a procédé à la distribution de dépliants dans la rue. Nous participons à toutes les foires de formation professionnelle, organisons des journées d’initiation et menons des actions communes avec les entreprises offrant des stages. Le canton de Zurich a créé un site en ligne, puls-berufe.ch, qui donne des informations sur le contenu, les exigences et les possibilités des professions de la santé. De nombreux cantons envisagent d’augmenter le montant des indemnités de stage pour les étudiants. De telles incitations financières ont aussi leur importance. Pourquoi les jeunes choisissent-ils une profession soignante ?

Prodiguer des soins est un travail qui donne du sens à la vie, c’est une activité sociale, un service à la collectivité. Les étudiants peuvent combiner ces aspects aux possibilités de carrière qu’offrent indiscutablement les professions de la santé. Il existe des études postgraduées en soins intensifs, d’urgence ou d’anesthésie ainsi que des formations à la gestion. Le détenteur d’une maturité professionnelle a aussi accès à une Haute école spécialisée. Dans le domaine des soins également, il est donc possible de gravir un à un les échelons permettant de faire carrière. En Suisse, la plupart des directeurs de soins ont commencé par être infirmière ou infirmier.

Les experts partent de l’idée qu’à l’avenir les aptitudes en matière d’économie d’entreprise, de traitement électronique des données ou de gestion de la qualité auront une importance accrue. Quelle est votre réaction face à une telle évolution ?

Nos étudiants apprennent en naviguant eux-mêmes sur une plateforme Internet. S’agissant des technologies de l’information, ils sont donc de toute façon censés disposer de bonnes connaissances. Les autres compétences mentionnées, ils les acquièrent lors de leur stage pratique où la saisie des prestations de soins fait partie de leur tâche quotidienne. Toutefois, je ne pense pas qu’à l’avenir les infirmières et infirmiers fourniront avant tout un travail bureaucratique. Au contraire, ils retourneront à leurs tâches premières. L’OFFT (Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie) a interrogé des hôpitaux et des homes de toutes catégories pour savoir en quoi consistaient les tâches fondamentales des professions soignantes. Dans leur réponse, ils ont classé en tête de liste les soins, les méthodes de soins et la communication avec les patients et les proches, l’organisation et le matériel de documentation figuraient en fin de liste.

« La spécialisation va encore s’accroître dans les professions de la santé et des soins » La formation d’infirmier, d’infirmière ES (Ecole supérieure) propose aux étudiants le choix entre différentes options de spécialisation. Que pensez-vous de ces possibilités supplémentaires offertes ?

La spécialisation va encore s’accroître dans les professions de la santé et des soins. Certains pays étrangers sont plus avancés que nous dans ce domaine. Voyez par exemple les « practitional nurses » – personnel soignant reprenant certaines tâches des médecins de famille. Nous aurons à l’avenir une demande plus élevée en soins gériatriques et oncologiques. Des formations continues correspondantes existent déjà. La spécialisation doit s’effectuer durant la formation continue – et non lors de la formation initiale. Mais il existe déjà des spécialisations offertes par les écoles professionnelles supérieures…

Oui, mais toujours dans le cadre d’une formation générale. On doit être capable de tout faire chez nous, et on peut se spécialiser par le biais de stages. Travailler dans un home, dans un hôpital pour enfants, dans une organisation spitex – tout est possible. Mais la formation de base est la même pour tous.

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Soigner est une profession féminine classique. Comment parviendra-t-on à l’avenir à convaincre les femmes de rester dans la profession ?

personnel soignant. Leur nombre va donc augmenter. Mais pour l’essentiel, ce sont les diplômées des écoles professionnelles supérieures qui travailleront au chevet des patients. La part des diplômées des hautes écoles spécialisées sera sensiblement moindre. En Suisse romande, la situation est tout à fait différente : il n’y a pas d’écoles professionnelles supérieures pour les soins, uniquement des hautes écoles spécialisées, auxquelles on ne peut accéder qu’avec une maturité générale ou professionnelle. Mais en Suisse romande, le taux de personnes titulaires d’une maturité est presque deux fois supérieur à celui de la Suisse alémanique. Cette situation s’explique par les traditions différentes en matière de formation de ces deux parties du pays.

Il s’agit là d’un grand défi pour les hôpitaux, les cliniques et les EMS. Les possibilités de faire carrière et une culture d’entreprise reconnaissant à sa juste valeur la charge de travail des soignants jouent à cet égard un grand rôle. Il est aussi primordial de tenir compte des besoins des femmes ayant des enfants. Il faut prévoir des temps de travail flexibles et accroître le nombre de postes à temps partiel. Le travail de nuit doit être organisé de manière à pouvoir concilier vie professionnelle et vie familiale. Certes, beaucoup d’hôpitaux disposent déjà de crèches pour les enfants des employés, mais elles sont très coûteuses. Il faut aussi de bons programmes pour les femmes désirant réintégrer la profession après quelques années d’interruption. La situation salariale ainsi que les possibilités de formation et de perfectionnement ont aussi leur importance. Il existe beaucoup d’institutions très avancées dans ce domaine, jouissant de ce fait d’un avantage concurrentiel considérable. Les hôpitaux, les cliniques et les EMS devront toujours mieux tenir compte des besoins de leur personnel, pour l’essentiel féminin.

Vous avez tout à l’heure évoqué le transfert possible aux infirmières et infirmiers de certaines prestations fournies jusqu’ici par les médecins de famille. Certains craignent que cette mesure atténue la pénurie de médecins de premier recours mais augmente la demande (et la pénurie) de soins infirmiers ? Qu’en pensez-vous ?

Si ce transfert devait devenir une réalité en Suisse, il ne fonctionnera qu’avec le soutien des médecins, des hôpitaux et des associations d’infirmières et infirmiers. Nous aurions alors de nouvelles possibilités de carrière, de nouveaux barèmes de salaires et même de nouvelles professions de la santé. La motivation à choisir une profession soignante et à ne pas la quitter augmenterait. Aussi, je ne crains pas qu’une telle évolution aggrave la pénurie de personnel.

Quelle sera selon vous la demande future d’ASSC, de diplômés en soins des ES et des HES ?

Photo : Christine Blaser, compétence

Les hôpitaux commencent maintenant à engager plus d’ASSC, car c’est la seule façon d’arriver à recruter suffisamment de

Vous proposez quelques mesures pour faire face à la menace d’une pénurie de personnel de santé. D’après vous, certaines d’entre elles sont déjà mises en œuvre. Devons-nous donc vraiment avoir peur pour l’avenir ?

Il est prématuré de parler aujourd’hui de pénurie de l’offre de soins. La plupart des places de travail sont occupées, même si c’est plus difficile qu’il y a quelques années. Mais nous devons faire très attention à ce que nous ne soyons pas, dans quelques années, face à un sérieux problème de pénurie. Les études de l’Obsan et de Careum sont arrivées à point nommé pour nous faire prendre conscience de cette situation. J’ai bon espoir que la Suisse fasse ce qui sera nécessaire. De plus, il n’est pas absolument certain que l’accroissement du volume des prestations et le vieillissement de la population produisent réellement les effets escomptés sur la demande. Dans les années 80, la question du sida avait fait craindre une pénurie analogue de personnel – aujourd’hui les patients atteints par le VIH peuvent vivre de manière relativement autonome grâce aux nouveaux médicaments et thérapies. interview : peter kraft

« Beaucoup de cantons envisagent d’augmenter les indemnités de stage. »

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D’ici 2030, le système de santé devra recruter un nombre de professionnels équivalent aux effectifs actuels

Pénurie de personnel dans le domaine de la santé : facteurs de risques et solutions Récemment, divers rapports et déclarations ont attiré l’attention sur l’importante pénurie à venir en personnels de santé. Notre pays manquera non seulement de médecins, mais aussi et surtout de collaborateurs qualifiés pour les soins de longue durée. 190 000 nouveaux professionnels de la santé doivent être recrutés, soit l’équivalent des effectifs actuels.

Le secteur de la santé est une branche en pleine croissance. Son degré de performance et de qualité est en étroite corrélation avec le nombre de professionnels de la santé et leurs qualifications. Le personnel constitue donc la ressource la plus importante de cette branche. En 2006, sur les 330 000 salariés1 employés dans le domaine médical et des soins, au moins 190 000 travaillaient dans les principaux secteurs que sont les hôpitaux (60 %), les homes pour personnes âgées, les EMS (30 %) et les organisations d’aide et de soins à domicile (10 %). Des besoins en personnel accrus

Depuis des années, les professionnels de la branche tirent la sonnette d’alarme et attirent l’attention sur la « précarité dans le domaine des soins » et la « pénurie de médecins de premier recours ». A chaque fois, des solutions ont été trouvées pour compenser les carences de personnel annoncées : offres de formation plus nombreuses, recours à l’immigration et aux transferts de personnel. Jusqu’à présent, l’équilibre entre la demande et l’offre en personnel a toujours su être conservé. Mais des tendances inquiétantes se profilent actuellement. Le nombre de jeunes diplômés dans le secteur médical et des soins est en effet en baisse et de nombreuses personnes quittent la branche. S’appuyant sur les analyses effectuées dans d’autres pays de l’OCDE, l’Observatoire suisse de la santé (Obsan) a publié ses prévisions sur les besoins jusqu’en 20202. Plusieurs hypothèses ont incité Careum à étendre ces prévisions jusqu’en Soins dispensés aux proches Diverses évolutions font que davantage de tâches de soins doivent à nouveau être réalisées par la famille ou l’entourage  : • le nombre d’adultes et d’enfants souffrant de maux chroniques augmente. Ces « maladies incurables » exigent des soins tout au long de la vie • les personnes qui prennent de l’âge veulent conserver leur autonomie et repoussent le moment d’entrer dans un home pour personnes âgées ou un EMS • de nombreuses prestations d’assistance et de soins indispensables ne relèvent pas de la LAMal et ne sont pas financées par les caisses • la pénurie prévisible des personnels de la santé fait que la demande d’une assistance professionnelle ne peut pas être satisfaite. Les proches doivent donc mettre la main à la pâte pour les tâches quotidiennes. Dispenser des soins efficaces aux proches exige avant tout que des accords soient passés entre les entreprises et les salariés.

20303. Des changements d’ordre qualitatif sont par ailleurs attendus et les mesures permettant d’augmenter les capacités mettent plus de dix ans à déployer leurs effets. 190 000 professionnels de la santé sont nécessaires – la Suisse n’en forme qu’un tiers

Même si de nombreuses inconnues subsistent, le résultat des analyses est clair : dans vingt ans, la Suisse devra recruter 190 000 nouveaux professionnels de la santé, soit l’équivalent des effectifs totaux actuels des hôpitaux, des EMS et des organisations d’aide et de soins à domicile. Les prévisions dépassent de loin les capacités de formation actuelles. D’ici 2030, quelque 66 000 soignants et médecins devraient être formés, soit un tiers seulement des besoins. Les évolutions étant similaires dans tous les pays industrialisés, il est illusoire et même amoral de miser sur l’immigration. Il convient donc de faire un énorme effort dans le domaine de la formation, tant pour accroître le nombre de formations offertes que pour améliorer les contenus. Comparativement, le nombre de médecins supplémentaires requis est relativement faible. De nouvelles études confirment le risque de pénurie

Les besoins croissants en professionnels de la santé sont imputables aux facteurs suivants : • Départs à la retraite : le taux représente actuellement 1 % de l’ensemble des salariés par an. Il augmentera rapidement à 2 % (« ageing workforce ») à partir de 2020. Autrement dit, même avec des calculs très prudents, la moitié du personnel de santé devra être remplacé d’ici 2030. Les départs anticipés à la retraite sont fréquents dans la branche. La part des plus de 54 ans est comparativement faible. L’hypothèse actuelle (travailler jusqu’à l’âge de la retraite) ne s’applique pas dans le système de santé. De plus, la sta tistique globale du personnel maquille la réalité : les hôpitaux ont du personnel plus jeune, tandis que les EMS et les organisations d’aide et de soins à domicile emploient des personnes plus âgées. En 2030, 60 % du personnel des EMS et des organisations d’aide et de soins seront à la retraite (contre 39 % pour les hôpitaux). Les soins de longue durée sont donc tout particulièrement touchés par ce phénomène de « main-d’œuvre vieillissante » (ageing workforce). • Hausse de la demande : dès 2020, la proportion des personnes de plus de 80 ans augmentera sensiblement, ce qui exigera 50 à 80 000 personnes qualifiées supplémentaires. 90 % de ces professionnels de la santé devront être recrutés pour les soins de longue durée (homes pour personnes âgées/EMS et organisations d’aide et de soins à domicile). Or, la base de recrutement se rétrécit, en effet, le nombre de diplômés diminue de 1 à 2 % par an. Le secteur de la santé doit donc lutter contre la concurrence d’autres branches – un défi qui ne sera pas facile à relever compte tenu des fréquentes déclarations autocritiques émanant de

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ses rangs. Les hausses de productivité sont minimes dans le secteur de la santé. Les nouvelles technologies exigent davantage de personnel doté de nouvelles compétences. Les patients sont transférés dans d’autres secteurs, ce qui, au regard des besoins en personnel, ne change absolument rien, car ils ont besoin de soins plus complexes et plus intensifs dans les EMS et les organisations d’aide et de soins à domicile. • Drop outs : la main-d’œuvre migre vers d’autres branches et secteurs d’activité au cours de la formation ou après quelques années d’expérience professionnelle. Bon nombre vont travailler dans d’autres systèmes de santé (à l’étranger, dans la médecine complémentaire, dans le domaine du bien-être) ou quittent la vie active pour être femmes au foyer. L’Obsan évalue avant tout les facteurs quantifiables (départs à la retraite et besoins accrus) et indique des facteurs susceptibles de réduire les besoins (comme la prévention). En revanche, les prévisions ne tiennent pas suffisamment compte du risque d’abandon de carrière. Par conséquent, Careum juge les prévisions de l’Obsan très prudentes et n’entrevoit les effets positifs (la prévention) qu’après 2030. Les facteurs sociologiques sont également peu pris en considération, comme par exemple les modes de vie privilégiant un travail à temps partiel ou des emplois multiples. Par ailleurs, des études récentes démontrent qu’un nombre très élevé de jeunes femmes médecins travaillent moins de 50 %4. Si la pénurie de personnel devait s’aggraver, les conditions cadres défavorables du secteur de la santé entraîneront des effets néfastes au niveau de l’approvisionnement médical. En effet, les budgets très serrés, les conditions de salaire peu flexibles dans les emplois publics ainsi que le travail de nuit et les week-ends rendent le secteur de la santé moins attrayant que d’autres branches. Compte tenu de la pénurie généralisée de personnel, les incitations à quitter le secteur de la santé et les démissions devraient augmenter. Or, si les meilleurs partent, le savoir-faire et la qualité des soins en pâtiront.

Soins prodigués par des « cliniciens » non médecins Le monopole des médecins en matière de diagnostics et de prescriptions diffère d’un pays à l’autre. Dans les « nurse-led-clinics », des personnels de santé hautement qualifiés effectuent des examens cliniques, prescrivent des médicaments et des moyens auxiliaires (à partir d’une liste limitée) et assurent le suivi à long terme de personnes souffrant d’insuffisance cardiaque, de plaies, de diabète ou de cancer. En Suisse, il serait facile de permettre à des personnels de santé hautement qualifiés de fournir de manière autonome les prestations de soins ou de physiothérapie définies dans l’OPAS. Le principe est celui du transfert en lieu et place de la délégation : la prescription médicale et le suivi médical sont élargis au moyen d’une répartition interprofessionnelle des compétences. Ce transfert est aussi utile compte tenu de la démographie médicale. Des études prouvent qu’un tel suivi, dans le cadre d’offres de prestations définies, est mieux adapté aux besoins des patients, plus efficace et surtout moins cher que celui prodigué par les médecins.

Modifier les structures et les compétences

Etant donné que le personnel représente 70 % des coûts de la santé, certains y voient un potentiel d’économies considérable. Or, les mesures ne doivent pas aller trop loin. Bien plus que l’argent, ce qui intéresse les professionnels de la santé, c’est de pouvoir apporter leur aide dans un environnement social intéressant, de disposer d’une plus grande flexibilité au niveau des temps partiels, d’être reconnus et appréciés pour leur travail. La pénurie prévisible des personnels de santé exige des mesures plus fondamentales. Le système doit être remanié en profondeur, si la Suisse veut se doter dans 15 ou 20 ans d’un système de santé de première qualité. Les vrais potentiels résident dans les changements de structures et de processus, c’est-à-dire qu’il faut repousser les limites et redéfinir les rôles, les exigences, les compétences et la répartition du travail. Il faut notamment que le monopole des médecins en matière de diagnostic et de prescription soit aboli. Grâce aux nouveaux profils de compétence des personnels de santé proposés dans les hautes écoles spécialisées, la Suisse sera parée pour faire face à de nouvelles formes d’approvisionnement dans lesquelles des « cliniciens » non médecins assureront une partie des soins de premier recours et travailleront main dans la main avec des médecins. Beat Sottas 5

Selon les résultats du dernier recensement des effectifs de l’OFS (septembre 2008), le système de santé s’est énormément développé ces dernières années. La hausse des effectifs atteint 10 %, soit plus que la moyenne de l’économie suisse de 7,4 % (NZZ 30.9.09 : 27). 2 Jaccard Ruedin, H. et al., 2009. Personnel de santé en Suisse - Etat des lieux et perspectives d’ici 2020. Observatoire suisse de la santé : Neuchâtel. 3 Jaccard Ruedin, H., Weaver, F. 2009. Ageing Workforce in an Ageing Society. Wieviele Health Professionals braucht das Schweizer Gesundheitssystem bis 2030  ? Careum Working Paper 1, Careum, Zurich 4 Stamm, M. Klaghofer, R., Buddeberg-Fischer, B. 2009. Geschlechtstypische Karrierewege von Ärztinnen und Ärzten. Swiss Public Health Conference, 27/28 août 2009 5 Beat Sottas est membre du conseil de fondation et membre du comité directeur de Careum à Zurich. Cette fondation s’engage depuis 130 ans en faveur de la formation dans le domaine de la santé et s’occupe de manière proactive des défis concernant le personnel selon le slogan « Imaginer le monde de la santé de demain » .(Die Gesundheitswelt der Zukunft denken) 1

D’ICI 2030, 120’000 A 190’000 PERSONNES DOIVENT ETRE RECRUTEES POUR DEUX RAISONS 1/3 SUITE A LA HAUSSE DES BESOINS (POPULATION VIEILLISSANTE)

2/3 POUR REMPLACER DES DEPARTS A LA RETRAITE (MAIN-D’ŒUVRE VIEILLISSANTE)

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Analyse des soins primaires en France

La qualité des soins primaires est-elle meilleure en France avec un nombre moindre de médecins ? Lors du « Interdisziplinäres Zürcher Symposium », l’ancien ministre de la santé, Pascal Couchepin a affirmé que les soins de premier recours français étaient d’égale qualité, même si le voisin gaulois comptait moins de médecins. Cette remarque n’a évidemment pas laissé l’auditoire indifférent. Fait fondé ou simple provocation ?

Aucune preuve tangible ne permet d’attester ou d’infirmer que le système français est meilleur que le système suisse. Il existe bien des classements, mais les experts critiquent souvent la pertinence des indicateurs et la difficulté d’accès aux données. Aussi l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a-t-elle abandonné cette tâche depuis 2000, jugeant l’opération trop ardue. Lors de ce classement, la France figurait à la première place et la Suisse à la 20e. L’Euro Health Consumer Index 2009 positionne la Suisse à la 5e marche et la France à la 7e. Au fond, ce qui est intéressant n’est pas tant de savoir quel est le meilleur système, que de voir que les deux pays, malgré des différences de structures (fédéralisme/centralisme), d’échelle (7,7 millions/64 millions d’habitants) et de proportions (41 290 km2/632 834km2 1), se ressemblent. Tous deux ont des systèmes de premier recours professionnel non hiérarchisé,2 appelés à un profond remaniement. Parallèlement, un même problème les assaille : le vieillissement de la population médicale conjugué à l’inégale répartition de l’offre de soins sur le territoire. Système de soins primaires : un modèle professionnel non hiérarchisé…

L’organisation des soins ambulatoires en France est largement déterminée par le libre choix du médecin par le patient, le respect absolu du secret professionnel, le droit à des honoraires pour tout malade soigné, le paiement direct par l’assuré, la liberté thérapeutique et de prescription et la liberté d’installation. Les professionnels libéraux, qui regroupent à la fois des médecins généralistes et spécialistes, représentent la majorité des professionnels de santé. S’y ajoutent toutefois d’autres structures de soins ambulatoires. Elles sont généralement organisées sur une base territoriale, soit à l’échelle municipale comme les services de soins infirmiers à domicile et une partie des centres de santé, soit à l’échelle départementale comme la Protection maternelle et infantile (PMI). Ces structures peuvent également se retrouver en milieu hospitalier, comme les consultations hospitalières de spécialités et les services d’urgences hospitalières, ou dépendre d’institutions spécifiques comme les centres d’examens de santé des caisses primaires d’assurance maladie ou les organisations de type SOS médecins. Les soins ambulatoires sont diversifiés et largement développés en France. Ils sont cependant peu hiérarchisés, et inégalement répartis sur le territoire. De fait, la coordination des soins est loin d’être optimale.3

… qui tend à un profond remaniement

Aussi, depuis plus de vingt ans, les réformes successives visent-elles à rationaliser l’organisation des soins de premier recours. En 2004, la réforme du médecin traitant (gatekeeper) et du parcours de soins, qui incite fortement les assurés à s’inscrire auprès d’un médecin de leur choix, a ainsi introduit un principe de hiérarchisation de l’accès au système de soins. Le récent projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) s’attache également à définir les soins de premiers recours et reconnaît les missions des médecins généralistes. Mais à la différence des systèmes finlandais, suédois et catalan, les médecins en ambulatoire ne sont pas salariés au sein de centres de santé4. Ils restent des travailleurs indépendants. La convention nationale régit toujours leur relation avec l’Assurance maladie. De plus, les médecins spécialistes sont toujours très présents dans le secteur ambulatoire, facilitant ainsi l’accès à une offre de soins spécialisée, limitée dans les autres pays aux hôpitaux. Le système tend progressivement à se territorialiser avec notamment la création des unions régionales de médecins libéraux (URML) et l’organisation de la permanence des soins. La définition des normes relatives à l’organisation des soins de premiers recours est régionalisée. Les agences régionales de santé (ARS) sont chargées de l’organiser, c’est-à-dire de définir les objectifs et les services à rendre aux populations et de réguler les soins de premiers recours par l’intermédiaire de contrats passés avec les professionnels de santé. Toutes ces réformes veulent pallier à la pénurie imminente de médecins et à l’inégale répartition sur le territoire. En France, près de 2,6 millions de personnes connaissent déjà de sérieuses difficultés pour trouver un médecin. La démographie médicale

La France compte 199 736 médecins en activité régulière, soit 2 % de moins que l’année précédente. Si la densité moyenne est de 312 médecins pour 100 000 habitants, de fortes disparités régionales existent. Ainsi, la Picardie dénombre 250 médecins pour 100 000 habitants, alors que la région Provence Alpes Côtes d’Azur affiche 409 médecins pour 100 000 habitants.5 En comparaison, la Suisse compte 29 653 médecins. La densité y est de 385 médecins pour 100 000 habitants. Sur ce point, Pascal Couchepin avait raison, la Suisse possède proportionnellement plus de médecins que la France. Mais elle connaît aussi de fortes inégalités : en Appenzell RhodesIntérieures, on trouve un médecin pour 625 habitants et à BâleVille, un médecin pour 111 habitants6. Le problème est accentué par le vieillissement de la population médicale. Avec un âge moyen de 51 ans parmi les médecins en activité, le nombre de médecins retraités va continuer d’augmenter dans les années à venir. En Suisse, environ 9000 médecins, en particulier dans le domaine ambulatoire, ont entre 49 et 64 ans. Il faut donc trouver des solutions pour garantir la relève et pallier à l’inégale répartition sur le territoire.

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Photo : Prisma

Comment améliorer la répartition sur le territoire ?

A cet effet Roselyne Bachelot, la Ministre de la santé, a soumis diverses propositions. La première consiste à rendre la formation initiale de médecin généraliste plus attractive et de faire connaître cette discipline aux étudiants en médecine. Dès 2006, un stage en médecine ambulatoire auprès de médecins généralistes a ainsi été intégré dans le cursus de médecine. Partant du principe que les médecins s’installent souvent à proximité de leur lieu de formation, la Ministre souhaite aussi moduler le numerus clausus en fonction des besoins des régions et de la démographie médicale. Elle table également sur le regroupement des professionnels de santé avec la création de maisons de santé pluridisciplinaires, qui favorisent l’échange des pratiques et la mutualisation des moyens. Elles permettent aussi de consacrer davantage de temps à la formation et de mieux concilier vie familiale et professionnelle. Mais leur nombre reste encore insuffisant. Pour inciter les médecins à exercer dans les zones déficitaires, des aides, privilégiant les regroupements de professionnels et aidant les professionnels isolés à trouver des remplaçants en les rémunérant mieux, ont été mises en place. Les honoraires sont par exemple majorés, d’au moins 20 %, sous forme forfaitaire. Un médecin généraliste installé dans les zones concernées percevra pour une consultation 24 euros au lieu de 20. Cette rémunération supplémentaire sera directement prise en charge par l’assurance-maladie. De leur côté, les collectivités locales peuvent aider à l’installation ou encourager l’exercice en zones sous médicalisées en mettant à disposition des locaux professionnels ou un logement. Il existe aussi une prime à l’installation ou une prime d’exercice forfaitaire. En contrepartie, les professionnels s’engagent à exercer dans la zone pendant au moins trois ans. Malgré tout, l’Atlas démographique 2009 montre la persistance des inégalités. A l’heure actuelle, la question n’est pas tant le classement que la résolution des problèmes qui se profilent avec le vieillissement de la population médicale. Veiller à la pérennité de la qualité des soins de premier recours et alléger le sacerdoce du médecin de famille, tels sont les défis de la France et de la Suisse. maud hilaire schenker

En comptant la France métropolitaine et les départements d’outre-mer infosantésuisse 8/09 p.18-19 3 Yann Bourgueil, Anna Marek, Julien Mousquès (Prospere*/Irdes), « Trois modèles types d’organisation des soins primaires en Europe, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande », dans Questions d’économie de la santé, no141, Avril 2009 4 Voir infosantésuisse 8/09 p.18-19 5 Source  : Atlas de la démographie médicale 2009 6 Source  : FMH, statistique 2008 1 2

Disparités régionales, trop peu de médecins de famille : en matière de santé, les problèmes de la France ressemblent aux nôtres.

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Graphiques du mois de novembre

Des femmes d’un certain âge peu diplômées : la réalité des professions de soins ? Le sujet est trop complexe pour être « réduit » à deux ou trois graphiques du mois tant les questions sont nombreuses : quelle est la composition du personnel des hôpitaux, des EMS et des organisations d’aide et de soins à domicile ? Où trouve-t-on les universitaires et les auxiliaires ? Dans quels domaines travaillent les femmes et les hommes ? Quel est leur âge et quelles sont les conséquences pour l’avenir ? Une chose est sûre : il faut inciter les femmes à travailler dans le domaine des soins en leur offrant des conditions de travail compatibles avec une vie de famille et de bonnes opportunités de carrière.

La composition des effectifs des hôpitaux, des EMS et des organisations d’aide et de soins à domicile est très variée. Le graphique 1 révèle que 80 % du personnel soignant ayant une formation de degré tertiaire1 travaille dans les hôpitaux. En revanche, ces derniers n’emploient que 33 % des professionnels disposant d’une formation de base et 21 % du personnel auxiliaire. Ces deux catégories professionnelles travaillent majoritairement dans les établissements médico-sociaux (43 % à 60 %). Dans les homes pour personnes âgées et les EMS, la part des femmes est par ailleurs nettement plus élevée (92 %) que dans les hôpitaux (78 %). On peut donc en conclure que dans le système de santé, les postes à responsabilité et de direction sont avant tout occupés par des hommes. EMS : beaucoup de femmes et peu de diplômés de l’enseignement supérieur

Les graphiques 2 et 3 confirment cette impression. Dans les homes pour personnes âgées et les EMS, la part des hommes et des diplômés du degré tertiaire est beaucoup plus faible

que dans l’ensemble des hôpitaux, des homes/EMS et des organisations d’aide et de soins à domicile. Autrement dit, les homes pour personnes âgées et les EMS emploient essentiellement des femmes avec un diplôme du degré secondaire2 ou sans formation spécialisée dans les soins. Aussi le nombre des employés à temps partiel et les départs volontaires y sont-ils très élevés. Le vieillissement du personnel touche avant tout les homes et les EMS

Mais les graphiques 2 et 3 représentent avant tout la répartition des personnels soignants en fonction de l’âge. Il est frappant de constater que le personnel des homes pour personnes âgées et des EMS est nettement plus âgé que la moyenne du système de santé global. Les personnes de 40 à 54 ans sont majoritaires dans les homes pour personnes âgées et les EMS, tandis que la moyenne d’âge cumulée des personnels des hôpitaux, des homes/EMS et des organisations d’aide et de soins à domicile est de 29 à 43 ans. Le vieillissement du personnel soignant et la pénurie de personnel toucheront ainsi plus rapidement et plus durement les soins de longue durée. En 2020, 30 % des employés actuels des homes pour personnes âgées et des EMS seront à la retraite. La situation deviendra encore plus problématique en 2030, lorsque 60 % du personnel actuel sera à la retraite. Dans les hôpitaux en revanche, 15 % « seulement » du personnel sera retraité en 2020, et environ 39 % en 2030. Selon le scénario le plus optimiste, à savoir que tous les employés actuels travailleront dans le système de santé jusqu’à l’âge légal de la retraite, il faudra remplacer près de la moitié du personnel d’ici 2030. Cette hypothèse ne tient pas compte des départs volontaires et des besoins accrus en personnel. La faible proportion de personnes de plus de 60 ans dans les graphiques 2 et 3

SANS FORMATION (9%)

40%

PERSONNEL AUXILIAIRE (21%)

21%

NIVEAU SECONDAIRE II (12%)

Les hôpitaux occupent sensiblement plus de professionnels bien formés que les homes et les organisations Spitex.

37%

23%

60%

33%

20%

43%

NIVEAU TERTIAIRE A ET B (58%)

23%

79%

0%

10%

20%

HOPITAUX

30%

40%

HOMES ET EMS

14%

50%

SOURCE: CAREUM/OBSAN

GRAPHIQUE 1: LIEU DE TRAVAIL DES PERSONNELS DE SANTÉ SELON LEUR NIVEAU DE FORMATION

60%

70%

80%

90%

7%

100%

SERVICES D'AIDE ET DE SOINS A DOMICILE

20 | Sous la loupe 9/09


SOURCE: CAREUM/OBSAN

GRAPHIQUE 2: PERSONNEL DE SANTÉ DANS LES HOMES ET LES EMS EN 2006 65 + 60 – 64 55 – 59 50 – 54 45 – 49

La répartition par âge des professionnels de santé correspond à peu près à celle de l’ensemble de la population. La part des hommes par rapport à la totalité des professionnels de santé est faible.

FEMMES SANS FORMATION HOMMES SANS FORMATION

40 – 44

FEMMES – PERSONNEL AUXILIAIRE

35 – 39

HOMMES – PERSONNEL AUXILIARE FEMMES – NIVEAU SECONDAIRE

30 – 34

HOMMES – NIVEAU SECONDAIRE

25 – 29

FEMMES – NIVEAU TERTIAIRE HOMMES – NIVEAU TERTIAIRE

20 – 24

FEMMES AVEC UN DIPLOME UNIVERSITAIRE

15 – 19

HOMMES AVEC UN DIPLOME UNIVERSITAIRE

- 20%

- 15%

- 10%

- 5%

0%

tend à démontrer que les départs anticipés à la retraite sont très fréquents dans cette branche. La profession de soignant doit devenir plus attrayante

Que faut-il faire pour y remédier ? Dans le présent numéro, nous exposons une foule de solutions pour éviter une pénurie des personnels soignants. Les conséquences directes du vieillissement des soignants ne peuvent être atténuées que si les départs volontaires et les retraites anticipées sont réduites au maximum et si suffisamment de jeunes soignants sont recrutés. Pour ce faire, les conditions de travail sont décisives. Etant donné que les femmes sont majoritaires dans le système de santé, il faut tenir compte en priorité de leurs besoins. Il faut privilégier les solutions permettant de mieux concilier travail et famille – comme des crèches sur le lieu de travail, des horaires de travail flexibles et de meilleures opportunités de carrière. Les graphiques du mois révèlent très clairement que les hommes occupent la plupart des postes de cadres dans le domaine de la santé. Les perspectives de carrière jusqu’alors plutôt modestes pour le personnel soignant féminin en sont l’une des raisons. De nombreux jeunes

5%

10%

15%

20%

– tant les femmes que les hommes d’ailleurs – sont sans doute découragés de se lancer dans une telle carrière. L’Institut du travail et de la technique de Gelsenkirchen en Allemagne réalise actuellement un essai pilote avec la collaboration de soixante cliniques afin d’évaluer dans la pratique l’efficacité de mesures améliorant les conditions de travail des femmes. Le chef de projet, Josef Hilbert, est convaincu qu’elles rendront les professions de la santé plus attrayantes. Il souligne par ailleurs que les exigences sont de plus en plus diversifiées : la gestion d’entreprise, l’informatique, l’organisation et le management de la qualité occupent actuellement déjà une place importante dans les professions de la santé. Les organismes de formation doivent à présent, selon Hilbert, présenter les avantages des professions de la santé au grand public, afin de pouvoir former suffisamment de personnel dans un proche avenir. peter kraft

1 2

Université, haute école spécialisée, école supérieure Apprentissage

GRAPHIQUE 3: PERSONNEL DE SANTÉ DANS LES HOPITAUX,

SOURCE: CAREUM/OBSAN

LES HOMES ET LES SERVICES D’AIDE ET DE SOINS A DOMICILE

59 + 54 – 58 49 – 53

Les employés des homes et des EMS sont sensiblement plus âgés. La proportion des hommes y est encore plus faible.

44 – 48 FEMMES – PERSONNEL AUXILIAIRE

39 – 43

HOMMES – PERSONNEL AUXILIAIRE

34 – 38

FEMMES – NIVEAU SECONDAIRE

29 – 33

HOMMES – NIVEAU SECONDAIRE FEMMES – NIVEAU TERTIAIRE

24 – 28

HOMMES – NIVEAU TERTIAIRE

19 – 23

FEMMES AVEC UN DIPLOME UNIVERSITAIRE

14 – 18 - 20% - 15% - 10%

HOMMES AVEC UN DIPLOME UNIVERSITAIRE

- 5%

0%

5%

10%

15%

20%

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Dossiers : comparaison entre les systèmes de santé suisse et néerlandais

Première partie : Présentation du système d’assurance néerlandais Les trois prochains numéros d’infosantésuisse consacreront une double page au système de santé néderlandais*. Le premier article le présentera, le deuxième le comparera avec celui de la Suisse et le dernier examinera les enseignements à tirer de l’expérience néerlandaise. La presse américaine tend à comparer les deux modèles. Elle y voit deux possibles sources d’inspiration pour la politique de santé du président Barack Obama. Cette mise en parallèle estelle légitime ?

Le système de santé néerlandais est essentiellement privé. Il s’organise autour de médecins libéraux (généralistes et spécialistes) et d’hôpitaux ou cliniques qui appartiennent à des organismes à but non lucratif, lointain héritage des institutions caritatives du Moyen âge. Les soins primaires sont au centre du système de santé, le médecin généraliste y a une fonction de gatekeeper. Les objectifs premiers du système sont de promouvoir la qualité des soins, l’efficience, l’accessibilité et leur économicité. Dès les 15e et 16e siècles, apparaissaient aux Pays-Bas les rudiments d’une assurance-maladie, organisée par des guildes, des groupes de citoyens partageant des intérêts communs. Malgré cette grande précocité, il a fallu attendre la Seconde Guerre Mondiale pour voir l’introduction d’un système social d’assurance-maladie étendu. L’occupant allemand a alors établi les fondements du système de santé, resté en vigueur jusqu’au 1er janvier 2006 : il initiait l’obligation d’assurance pour les deux tiers de la population en dessous d’un certain seuil de richesse, comme dans le système de santé allemand. Le tiers restant, plus fortuné, pouvait volontairement opter pour une assurance privée. Depuis le 1er janvier 2006, cette distinction est abolie. La loi sur l’assurance soins de santé (Zorgverkeringswet – ZVW) a en effet profondément modifié le système de santé néerlandais en mettant en place un système universel d’assurance-maladie.

L’obligation d’assurance

Structure du financement

Depuis le 1er janvier 2006, toute personne résidant aux Pays-Bas doit contracter une assurance auprès d’un assureur-maladie. L’affiliation d’office est remplacée par une obligation pour les résidents de prendre eux-mêmes une assurance. Dans l’ancien système, environ 2 % de la population n’était pas assurée. La nouvelle assurance prévoit aussi la prise en charge d’un catalogue de soins dits de base, fixé au préalable par l’Etat. Dans le même temps, un assureur ne pourra plus, comme c’était le cas auparavant, refuser d’admettre une personne en se basant sur les risques liés à son état de santé. Les assureurs devront accepter toute personne qui souhaite souscrire une assurance. L’assuré peut choisir parmi différents types d’assurance : la police « en nature », pour laquelle l’assureur passe directement des contrats avec les fournisseurs de soins (liberté de contracter) et paie directement les factures aux professionnels de santé (tiers payant). L’assuré, quant à lui, doit s’adresser aux professionnels de santé ayant passé un contrat avec l’assureur (restriction du choix du fournisseur de prestations). Dans la police « contre remboursement », l’assuré choisit lui-même son prestataire de soins (libre choix), paie les factures et se fait rembourser ensuite par son assureur (tiers garant). La police d’assurance peut aussi mêler les deux systèmes. En complément de l’assurance de base, il existe des assurances complémentaires prenant en charge les prestations ou les parties de prestations ne faisant pas partie du catalogue de soins.

Le système d’assurance maladie peut être divisé en trois volets couvrant chacun des prestations de soins particulières et obéissant à des modalités d’assurance spécifiques : • Le premier volet comprend les « risques extraordinaires ». Il a été défini dans la Loi sur les dépenses médicales exceptionnelles (AWBZ), qui couvre toute la population pour les frais de longs séjours. La prime est un pourcentage du revenu avec un plafond maximum. • Le deuxième volet représente le catalogue de soins de base et rassemble les soins courants comme les consultations chez les généralistes, les médicaments, les hospitalisations, etc. Chaque citoyen néerlandais est obligé de contracter cette assurance auprès de l’un des assureurs-maladie privés en concurrence. Les primes sont en partie des primes nominales et en partie des prélèvements sur le revenu. • Le troisième volet est constitué par les assurances complémentaires. Ce troisième bloc est moins régulé et les primes sont normalement liées aux risques. Il n’est pas obligatoire de souscrire à une assurance complémentaire. Un financement ayant quelques similitudes avec la Suisse

Dès 18 ans, toute personne est redevable d’une cotisation nominale pour le catalogue de soins de base. La cotisation est identique par type de police d’assurance, quel que soit l’âge, le sexe, Valeur (année)

Indicateur Dépenses publiques en  % du total des dépenses de santé Dépenses publiques de santé en  % du total des dépenses publiques Paiements directs en  % des dépenses privées de santé

64,9 (2005) 13,2 (2005) 21,90 (2005)

Dépenses publiques de santé par habitant (au taux de change officiel de l’US $)

2311,0 (2005)

Total des dépenses de santé par habitant (au taux de change officiel de l’US $)

3560,0 (2005)

Dépenses privées en  % du total des dépenses de santé

35,1 (2005)

Financement des assurances privées en  % des dépenses privées de santé

55,5 (2005)

Total des dépenses de santé en  % du PIB Source : Statistique de l’OMS 2006

22 | Domaine de la santé 9/09

9,2 (2005)


Foto: Keystone

Habile mélange d’intervention de l’Etat et de loi du marché : les Pays-Bas passent aujourd’hui pour avoir le système de santé le plus satisfaisant d’Europe du point de vue des patients.

l’état de santé ou le montant de revenus. Une partie de la prime nominale peut être remboursée si l’assuré a peu ou n’a pas du tout recours aux services de santé. A côté de la prime nominale, les cotisations fixées en fonction du revenu, destinées à couvrir 50 % de la charge financière globale du régime, sont prélevés par les services fiscaux. Le plafond annuel est de 30 000 euros environ. Cet impôt est remboursé à l’assuré par son employeur et dans certains cas par l’organisme débiteur de sécurité sociale. Enfin, l’Etat prend en charge une partie des primes pour les enfants de moins de 18 ans et il peut également se substituer à une compagnie d’assurance maladie et assumer les engagements financiers que celle-ci a été dans l’impossibilité d’honorer. Les cotisations calculées en fonction du revenu et les montants versés par l’Etat financent le Fonds d’assurance maladie, administré par l’Office de l’assurancemaladie. Les ressources du fonds sont utilisées, en partie, pour compenser la pénalisation que subissent les compagnies d’assurances sur le plan financier

du fait qu’elles doivent accepter toute personne ayant l’obligation de souscrire une assurance (c’est donc l’équivalent de l’Institution commune LAMal suisse chargée de gérer la compensation des risques). Pour garantir à tous un accès à l’assurance, des allocations sont aussi prévues par le gouvernement pour aider les personnes au paiement de la prime nominale, au cas où ce montant serait disproportionnellement élevé par rapport à leurs revenus. La concurrence régulée

Le système de santé repose sur une concurrence régulée basée sur le libre choix. Les consommateurs peuvent choisir leur assureur, logiquement selon le critère du meilleur rapport qualité/ prix. La concurrence s’applique tant entre les assureurs-maladie, qu’entre les fournisseurs de prestations. Les assureurs-maladie concurrents passent en effet des contrats avec certains prestataires de soins. L’accès aux soins est assuré par des contrats annuels et l’obligation d’assurance. Ce système vou-

drait combiner ce qu’il y a de meilleur dans la loi du marché et la règlementation étatique : autrement dit, le marché pousserait le système de santé à plus de compétitivité, d’efficacité et d’adaptation à la demande, alors que le gouvernement régulerait et contrôlerait la qualité et l’équité. Bien que de nombreux changements aient déjà été introduits, beaucoup reste à faire. Mais les Pays-Bas semblent sur la bonne voie, en témoigne leur première place à l’Euro Health Consumer Index (EHCI) en 2009 et l’avis partagé par de nombreux experts faisant du système de santé néerlandais un des meilleurs du monde. maud hilaire schenker

* Les trois articles s’appuieront sur le livre de Robert E. Leu, Frans Rutten, Werner Brouwer, Christian Rütschi et Pius Matter, The Swiss and the Dutch health care systems compared, Gesundheitsökonomische Beiträge, Band 53, NOmos, 2008

23 | Domaine de la santé 9/09


Services en ligne dans le domaine de la santé : une étude de l’EPF-Zurich révèle un grand potentiel

Les Suisses veulent des outils d’évaluation des fournisseurs de prestations L’Institut « Chair for Technology and Innovation Management » de l’EPF Zurich a réalisé une étude sur le potentiel des services en ligne (e-services) dans le système de santé suisse. Elle a de quoi nous interpeler : les patients et les payeurs de primes ont manifestement des besoins dans ce domaine, loin d’être encore satisfaits en Suisse, en particulier en ce qui concerne les instruments d’évaluation des fournisseurs de prestations.

L’Internet et son adoption rapide par la population ont déclenché une véritable révolution de l’information. Plus de 70 % des Suisses utilisent maintenant régulièrement Internet. La Suisse figure ainsi parmi les vingt pays au monde affichant le plus fort taux de connexion au web. Depuis 20 ans environ, Internet offre des prestations de service (appelés e-services) utilisables par une grande partie de la population. La littérature spécialisée ne permet pas le moindre doute : les services en ligne se sont généralisés dans différentes branches industrielles et leur importance devient toujours plus grande pour les entreprises. En utilisant judicieusement ces techniques, elles peuvent conquérir de nouveaux marchés, se procurer des avantages concurrentiels, réagir plus rapidement aux besoins des clients et augmenter leur efficience. La banque en ligne, la réservation de voyages et de vols ou la publicité par le biais de moteurs de recherche constituent d’excellents exemples. En dépit de ce succès énorme, la généralisation des e-services ne progresse pas dans toutes les branches à la même vitesse – même lorsque les perspectives de succès paraissent bonnes, comme dans le secteur de la santé. Il n’existe guère d’études en Suisse sur l’utilisation des services en ligne dans ce secteur ou sur leur acceptation par les partenaires. Pourtant, leur utilité potentielle est multiple : meilleure vue d’ensemble des traitements et thérapies, meilleure commu-

nication, implication des patients dans la gestion de leur santé et soutien des réseaux de santé, pour ne citer que quelques exemples. Première grande étude suisse sur l’acceptation des e-services dans le domaine de la santé

L’étude de Louise Muhdi (Chair for Technology and Innovation Management, ETH Zurich) examine pour la première fois de manière scientifique le niveau d’acceptation des e-services de santé par un segment de la population suisse. Dans un premier temps, elle a cherché à savoir, en interrogeant dix-huit dirigeants d’assurance-maladie de grande et de moyenne taille, quels étaient les instruments de cybersanté (e-health) présentant à leurs yeux une certaine importance à l’avenir. Dans un second temps, l’auteur a demandé à 12 446 étudiants de l’EPF-Zurich, âgés pour la plupart entre 18 et 30 ans, quel était leur avis sur les e-services de santé les plus fréquemment nommés. Elle a reçu 2775 réponses. Il est évident que les étudiants de l’Ecole polytechnique ne sont pas représentatifs de la population suisse. Mais le choix d’enquêter auprès de ce groupe présente des avantages. Ce sont des individus ouverts aux technologies de l’information, qui savent les utiliser et sont donc en mesure d’anticiper les tendances futures (« early adopters »). Taux d’approbation élevé

L’auteur a interrogé les étudiants sur une série de services de cybersanté et a obtenu les taux d’approbation suivants : • Health Wiki (lexique de santé sur Internet) : 78,9 % • Instrument d’évaluation des fournisseurs de prestations : 66,8 % • Online health account (dossier électronique du patient) : 64,2 % • Informations sur le style de vie : 61,3 % • Forums de discussion sur Internet : 60,7 % • Réseaux de patients : 46,2 % • Discussion en direct (chat) avec un conseiller en santé : 39,2 %

• Informations de firmes : 34,5 % • Discussion en direct (chat) avec un agent d’assurance : 28,0 % Il est frappant que les quatre e-services les plus appréciés sont tous des instruments à sens unique où un échange direct d’informations entre personnes n’a pas lieu. Les forums de discussion et les réseaux de patients, dans lesquels s’expriment avant tout des groupes, se situent dans la tranche du milieu. L’échange direct entre deux personnes (live chat) n’est que modestement apprécié dans le domaine de la santé. La majorité des étudiants interrogés est plutôt contre ce genre de e-services. Informations taillées sur mesure, en tout temps et en tout lieu

A part la communication à sens unique, les quatre instruments les plus appréciés partagent une autre propriété commune : tant les lexiques en ligne que les outils d’évaluation, les comptes électroniques et les informations sur le style de vie sont déjà offerts dans d’autres branches et très bien acceptés. L’auteur impute ce succès au fait que ces instruments mettent à disposition des informations et des prestations de service taillées sur mesure, disponibles en tout temps et en tout lieu. Le fait que les forums de discussion sur le net et les réseaux de patients rencontrent également une certaine faveur tient peut-être au caractère tabou de bon nombre de thèmes de santé. Dans ces réseaux, il est possible de rester anonyme tout en échangeant des expériences avec les personnes concernées par le même problème. Dans les discussions en direct (chat), l’anonymat n’est plus toujours préservé.

24 | Domaine de la santé 9/09


Photo : Prisma

La Suisse paraît être très ouverte à la cybersanté.

Du point de vue des assureurs-maladie, mais aussi et surtout des patients, les outils d’évaluation des fournisseurs de prestations présentent un intérêt particulier. Un grand nombre de personnes se plaignent du manque de valeur du libre choix du fournisseur de prestations, du fait que les critères, qui permettent aux patients de faire leur choix, font défaut. On note quelques efforts en Suisse tendant à mesurer, comparer et rendre transparente la qualité des fournisseurs de prestations, mais le succès de ces démarches est jusqu’ici peu convaincant. Les outils d’évaluation en ligne pourraient peut-être contribuer à ce que des progrès soient faits dans ce domaine. Ces outils ont reçu l’approbation de 66,8 % des étudiants interrogés. L’auteur de l’étude a analysé plus en détail ce taux élevé. Evaluation des fournisseurs de prestations : la demande d’outils est pressante

60,9 % des sondée utilisent Internet comme une de leurs sources principales d’information et sont simultanément favorables aux outils d’évaluation des fournisseurs de prestations. Pour ceux qui s’informent moins via Internet, le rapport en faveur de ces outils passe de 5,9 % à 3,8 % (voir tableau). Autrement dit, plus le rôle d’Internet est grand dans la fourniture d’informations, plus les personnes interrogées sont ouvertes aux outils d’évaluation en ligne. Il en va de même en ce qui concerne les expériences déjà faites avec les e-services de santé. Les personnes interrogées ayant déjà un compte santé en ligne sont favorables à 73,8 % aux outils d’évalua-

tion des fournisseurs de soins. Il s’agit là d’un taux nettement supérieur à celui obtenu chez les personnes qui n’ont pas de compte de santé en ligne. 42,5 % des sondés cherchent des informations de santé de préférence sur Internet et souhaitent en même temps disposer d’outils d’évaluation en ligne. Il est particulièrement intéressant de constater que 24,3 % des sondés ne s’informant pratiquement pas sur Internet en matière de santé sont malgré tout positifs à l’idée de disposer d’outils d’évaluation en ligne. Il existe donc manifestement une demande qui n’a jusqu’à ce jour pratiquement pas été satisfaite en Suisse. La comparaison entre partisans d’outils d’évaluation et ceux qui ont un compte bancaire en ligne donne un tableau comparable. 44,9 % sont à la fois partisans et titulaires d’un compte bancaire en ligne. 22 % des personnes ne disposent pas d’un compte bancaire en ligne, elles souhaitent néanmoins utiliser les possibilités d’un outil d’évaluation. Résumé et perspective

L’étude de Louise Muhdi démontre que les e-services du secteur de la santé sont relativement bien acceptés – surtout lorsqu’ils fournissent des informations et des prestations de service indépendantes du temps et du lieu. Cela vaut en particulier pour les outils d’évaluation en ligne des fournisseurs de prestations. L’étude révèle une réelle demande des clients, qui n’a guère été sa-

tisfaite en Suisse jusqu’à ce jour. L’étude prouve aussi que les e-services misant sur une communication de masse ou de groupes plutôt que sur l’échange personnel rencontrent plus de succès auprès des clients. Mais l’étude recommande d’être nuancé dans l’interprétation des résultats. Les patients âgés continueront, aujourd’hui comme demain, de préférer une communication personnelle. Eux aussi ont besoin d’offres correspondantes (virtuelles et non virtuelles). L’auteur lance un appel aux fournisseurs de prestations, assureurs, organisations de patients et assurés à travailler ensemble au développement des services de santé en ligne. Pour les patients, la source (et donc la crédibilité) des e-services revêt la plus grande importance. Enfin, l’étude déconseille d’introduire trop d’offres dans un bref laps de temps. Elles sont mieux acceptées lorsque les sondés ont déjà pu se familiariser avec d’autres prestations de service analogues. C’est pourquoi il est plus judicieux d’introduire les offres l’une après l’autre – afin que la population puisse progressivement les accepter. peter kraft

Etude : L’article est basé sur l’étude à paraître de L. Muhdi and R. Boutellier (2010). « Diffusion of potential health-relates e-service an analysis of Swiss health insurance customer perspectives. » Journal of Management and Marketing in Healthcare, special issue January 2010 (forthcoming)

FAVORABLE A L’EXISTENCE D’UN OUTIL D’EVALUATION DES FOURNISSEURS DE PRESTATIONS

TABLEAU EN %

INTERNET COMME SOURCE PRINCIPALE D’INFORMATION RECHERCHES EN LIGNE CONCERNANT LA SANTÉ POSSEDE UN COMPTE BANCAIRE EN LIGNE POSSEDE UN COMPTE DE SANTÉ EN LIGNE

OUI

OUI

NON

60,9

29,4

NON

5,9

3,8

OUI

42,5

16,6

NON

24,3

16,6

OUI

44,9

21,4

NON

22

11,8

OUI

73,8

26,2

NON

25 | Domaine de la santé 9/09


Rapport annuel 2008 de l’Institution commune LAMal

Tous les assureurs sont solvables L’Institution commune LAMal gère, pour le compte des assureursmaladie, la coordination de l’entraide internationale en matière de prestations, le règlement des prestations en lieu et place des assureurs insolvables ainsi que la compensation des risques. En ce qui la concerne, le volume de répartition de la compensation des risques entre les assureursmaladie a de nouveau fortement augmenté – de presque 10 %.

En 2008, le secrétariat de la fondation occupait 66 personnes (54 postes à temps plein), soit deux de plus que l’année précédente. En 2008, l’Institution commune LAMal a fourni dans 123 734 cas une entraide en matière de prestations pour un montant total de plus de 156 millions de francs (130 millions de francs l’année précédente). 34 % des cas et 48 % des coûts concernent des ressortissants des Etats de la CE/AELE séjournant à titre provisoire en Suisse. Dans le cadre de la mise en œuvre de la libre circulation des personnes et de l’accord révisé de l’AELE, l’Institution commune LAMal assume aussi bien des tâches d’organe de coordination que d’entraide internationale dans le do-

maine de la maladie, de la maternité et des accidents non professionnels. Fonds d’insolvabilité : 71 millions de francs

Afin de pouvoir prendre en charge les coûts des prestations légales en lieu et place des assureurs insolvables conformément à l’art. 18 al. 2 LAMal, le conseil de fondation de l’Institution commune a décidé, le 2 juillet 1997, de constituer un fonds d’insolvabilité censé atteindre 50 à 60 millions de francs. A la suite du dépôt de bilan de la caissemaladie de Zurzach, le conseil de fondation a approuvé la proposition de l’OFSP de rassembler un fonds d’au moins 100 millions de francs. La dernière augmentation du fonds d’insolvabilité remonte au 30 juin 2008. Il s’agit en l’occurrence d’une contribution versée au fonds pour l’année 2007, fixée à deux francs par personne au bénéfice de l’assurance de base. Au 31 décembre 2008, le fonds d’insolvabilité atteignait un montant d’environ 71 millions de francs (54 millions de francs l’année précédente). S’agissant des cas d’insolvabilité des trois caisses – Zurzach, Accorda et KBV – des prestations légales d’environ 94 millions de francs ont été financées par le fonds

REPARTITION DES VOLUMES DANS LA COMPENSATION DES RISQUES FINALE 1600

18

1400

16 14

1200

12

1000

10 800 8 600

6

400

4

200

2

0

0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

REPARTITION EN MILLIONS DE FRANCS EVOLUTION EN %

En matière de compensation des risques, le volume de répartition entre les assureursmaladie a pratiquement doublé depuis l’an 2000.

Organes de la fondation Conseil de fondation Président : Markus Moser, docteur en droit Vice-président : David Queloz, médecin Autres membres : Guido Klaus, Urs Roth, Roland Zurflüh Secrétariat : Rolf Sutter, directeur

jusqu’à la fin de 2008. L’expérience a prouvé que ces prestations à financer par le fonds d’insolvabilité sont plus élevées que ce que les assureurs non solvables et l’OFSP avaient prévu. Aucun indice concret ne permet de supposer qu’une autre caisse-maladie risque d’être insolvable. Nouvelle augmentation du volume de répartition

La statistique de la compensation des risques montre que le volume de répartition entre les assureurs-maladie n’a cessé de croître, parfois même par àcoups (voir le tableau), depuis l’entrée en vigueur de la LAMal. S’il s’élevait initialement à 530 millions de francs, il a déjà atteint 1323 millions de francs en 2007 pour culminer en 2008 à 1445 millions de francs. A la fin de 2008, six recours étaient encore pendants au Tribunal fédéral. Comme il ressort des chiffres-clés de la compensation des risques, quelque 7,6 millions de personnes étaient obligatoirement assurées en 2008 auprès de 88 assureurs-maladie, soit 1 % ou 85 000 assurés de plus qu’en 2007. Dans l’assurance de base, les coûts ont augmenté en 2008 de 5 % par rapport à l’année précédente, atteignant 22,66 milliards de francs. Par personne assurée, la hausse ne représente toutefois que 3 %. Un assuré a coûté en 2008 en moyenne 2981 francs (contre 2861 francs en 2007). La participation aux coûts a également augmenté de 3 %. Chaque assuré a payé en moyenne 433 francs en 2008 (2007 : 419 francs) de sa poche au titre de sa participation aux coûts des soins de l’assurance de base. Joseph Ziegler

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Les nombreux vigoureux seniors (hommes et femmes) prouvent que grand âge ne rime pas toujours avec personnes malades ou atteintes de démence. Les hommes sur la photo ont en tête un tout autre projet qu’une simple ascension du Rigi ou une excursion au Tessin. Ils veulent participer au marathon le plus dur du monde. Le marathon de Sibérie a lieu chaque hiver à proximité de la ville d’Omsk, qui compte plus d’un million d’habitants. Ils sont quelque deux-cents coureurs à prendre le départ. Seule une poignée d’entre eux terminera la course. Les températures durant cette épreuve atteignent régulièrement moins 30 ou moins 40 degrés. Un participant américain raconte au Spiegel pourquoi il a dû interrompre le marathon après onze kilomètres : « J’avais des glaçons qui pendaient aux paupières, mon œil gauche était pratiquement gelé et mon col, une construction spéciale pour protéger la respiration, était devenu un bloc de glace autour de mon cou. J’étais tout simplement à bout, je n’en pouvais plus. » Nous ne savons malheureusement pas si nos seniors ont terminé la course, et dans quel état. Peut-être ont-ils réussi cet exploit – et se moquent maintenant gentiment des « durs » d’Hawaii et de leur course ridicule à des températures de rêve permettant de dormir dehors.

27 | Domaine de la santé 9/09

Image

Mois

Photo : Prisma

Oubliez les marathons traditionnels – voici les vrais « durs »


Un chiropraticien peut-il prescrire un traitement d’ergothérapie ?

• prestations physiothérapeutiques.

En Suisse, un chiropraticien ne peut pas prescrire de traitement d’ergothérapie. L’art. 4 de l’OPAS (Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins) est parfaitement clair : L’assurance prend en charge les analyses, les médicaments, les moyens et appareils diagnostiques ou thérapeutiques et les examens par imagerie suivants, prescrits par les chiropraticiens : • analyses : en application de l’art. 62, al. 1, let. b, OAMal, les analyses sont désignées séparément dans la liste des analyses ; • médicaments : les spécialités pharmaceutiques des groupes thérapeutiques 01.01 Analgetica et 07.10. Arthrites et affections rhumatismales de la liste des spécialités, pour autant que l’office suisse de contrôle compétent ait spécifié comme mode de vente pour ces spécialités la vente en pharmacie sans ordonnance médicale (C) ou la vente en pharmacie et droguerie (D) ; • moyens et appareils : 1. les produits du groupe 05.12.01. Minerve cervicale de la liste des moyens et appareils, 2. les produits du groupe 34. Matériel de pansements de la liste des moyens et appareils lorsqu’ils sont utilisés pour la colonne vertébrale ; • examens par imagerie : 1. radiographie du squelette, 2. scanner (CT) du squelette, 3. résonance magnétique nucléaire (IRM) du squelette axial, 4. scintigraphie du squelette. Nouvellement, depuis le 01.07.2009 :

Je viens de lire, dans la revue Saldo, que santésuisse a déposé auprès de l’OFSP une requête visant à supprimer le remboursement des bandelettes-tests par l’assurance de base. Je suis diabétique de type I depuis 31 ans et je n’y comprends plus rien.

Cet article n’est pas correct en tous points. Il est la cause de peurs inutiles et de craintes chez les patients traités à l’insuline. En particulier, il ne fait pas clairement la distinction entre patients insulinodépendants et non insulinodépendants. Ce qui est vrai : l’assurance de base rembourse à tous les diabétiques les bandelettes-test (à ceux qui ne sont pas dépendants de l’insuline 400 par an au maximum). En ce qui concerne les diabétiques dépendants de l’insuline, la prise en charge obligatoire des bandelettes-tests par l’assurance-maladie n’est pas contestée, ce qui est également l’avis de santésuisse. Ce qui est faux : affirmer que santésuisse a déposé une requête auprès de l’OFSP demandant de biffer de la liste des moyens et appareils les bandelettestests servant à mesurer le taux de glycémie. En ce qui concerne les diabétiques non dépendants de l’insuline, l’efficacité du contrôle du taux de glycémie au moyen de bandelettes-tests est contestée. Les résultats de différentes études sont contradictoires. Nous sommes en mesure de tranquilliser les lecteurs inquiets qui bénéficient d’une thérapie à l’insuline. Personne – et santésuisse également – n’est d’avis que l’assurance de base ne doit plus prendre en charge les bandelettes-tests. Photo : Prisma

bref

Prestations de l’assurance de base : questions pratiques

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La Suisse, un modèle pour les USA En Suisse, le débat sur la réforme de la santé fait rage. Aux USA, le système de santé suisse est présenté comme un « bon » modèle. Outre-Atlantique, articles explicatifs, reportages en Suisse, éditoriaux et tribunes d’opinion font grand cas du système de santé suisse. L’ambassade de Suisse à Washington explique qu’il n’y a aucune stratégie concertée, seulement des questions ou des sollicitations ponctuelles. Début octobre, le Los Angeles Times accueillait dans ses pages une tribune de l’ancienne présidente de la Confédération Ruth Dreifuss, qui y expliquait comment la Suisse a réformé son système de santé. La même semaine, le New York Times présentait un très long article – chiffres à l’appui – sur le modèle suisse. Un journaliste s’était rendu à Zurich pour mener son enquête. Le quotidien vantait la couverture universelle, l’existence d’assureurs privés, le libre choix du consommateur et un Etat qui se contente de superviser. En août, toujours dans le New York Times, Paul Krugman, le Prix Nobel d’économie 2008, consacrait sa célèbre tribune hebdomadaire au système helvétique. Défenseur d’une option étatique dans la réforme actuellement débattue, il reconnaissait néanmoins que le modèle suisse de couverture universelle serait déjà un immense progrès. D’autres médias ont aussi évoqué l’exemple suisse et toujours de manière positive. Si certains observateurs estiment qu’il ne faut pas forcément imiter la Suisse,

ils pensent que les Etats-Unis ont toutefois beaucoup à apprendre de ce pays. Même un des célèbres présentateurs de la chaîne conservatrice Fox News, Bill O’Reilly, en a appelé à un modèle suisse. De nombreux blogs spécialisés sur les questions de santé ont aussi mis en avant la spécificité suisse, allant parfois jusqu’à évoquer le « meilleur système au monde ». Sur le blog politique le plus lu aux Etats-Unis, « Huffington Post », c’est la présidente des démocrates en Suisse et membre de la direction nationale du parti aux Etats-Unis, Caitlin Kraft Buchman, qui chantait récemment ses vertus. En août dernier, une délégation du Congrès américain s’était même rendue en Suisse pour rencontrer des experts de l’Office fédéral de la santé (OFSP). Son directeur, Thomas Zeltner, a lui-même eu des contacts avec l’administration Obama. Il donnera d’ailleurs une conférence sur le sujet début novembre à Washington. Cet engouement tient notamment au fait que l’une des spécialistes les plus reconnues du système de santé américain, Regina Herzlinger, professeur à la Harvard Business School, a étudié en profondeur le système suisse. Dans de nombreux articles, elle le définit comme un « excellent modèle pour les Etats-Unis ». Elle en parle dans son best-seller Who Killed Health Care ?, paru en 2007. L’intérêt des USA pour le système de santé suisse n’est pas tout récent.

Service

Revue de presse américaine

www.famsanti.ch : désormais en ligne

Nouvelle plateforme d’information sur l’assurance-maladie La nouvelle brochure d’information B.A.-BA de l’assurance-maladie est maintenant en ligne. Elle donne de manière simple et rigoureuse des informations de base essentielles sur le système d’assurance-maladie. En tapant www.famsanti.ch, vous pouvez vous procurer, de manière ludique, tous les renseignements nécessaires. Trois générations de la famille Santi vous aident à trouver les réponses aux questions correspondant à votre tranche d’âge et à votre situation. Le tout est conçu comme une banque de données des informations utiles. Connectez-vous vite ! La version française sera diponible prochainement.

29 | Service 9/09


Euro Healthcare Consumer Index 2009 : 5e place pour la Suisse La Suisse figure parmi les meilleurs systèmes de santé d’Europe, selon l’Euro Health Consumer Index (EHCI) 2009. La Suisse obtient la 5e place sur trente-trois pays avec un total de 788 points sur 1000. Elle gagne deux places par rapport à l’année précédente. Les Pays-Bas caracolent largement en tête pour la deuxième année consécutive avec 863 points, suivis par le Danemark (819), l’Islande (8111), une nouvelle venue, et l’Autriche (795). L’Index place la Suisse devant l’Allemagne et la France, mais derrière l’Autriche. La Suisse obtient un bon score en termes de durée d’attente pour recevoir un soin, d’accès aux médicaments et de résultats des traitements. Les pays en tête ont commencé à mettre en place des systèmes d’informations et impliquent le patient dans les décisions. En fin de classement se trouvent beaucoup de pays figés dans un système de santé dépassé, très hiérarchisé et manquant de transparence. Ce fossé défie les principes européens d’égalité et de solidarité. Cet index se fonde sur trente-huit critères, répartis en six domaines : droit des patients et information, e-Health, temps d’attente pour un traitement, résultat des traitements, étendu et accès aux services et aux médicaments. De manière générale, la plupart des pays classés se sont améliorés, sans compter l’Espagne et la Grèce qui continuent de chuter. La plupart des pays de l’Est et de l’Europe centrale semblent, quant à eux, toucher par la crise financière. Le rapport détaillé est disponible sous : http ://www.healthpowerhouse. com/index.php ?option=com_content&view=category&layout =blog&id=36&Itemid=55 Top 10 Euro Health Consumer Index 2009 Rang 1

pays pays-bas

Evolution -

2

danemark

3

Islande

-

4

autriche

-1

5

suisse

+2

6

allemagne

1ère participation

-

7

france

+3

8

suede

-3

9

Luxembourg

-5

Norvege

-2

10

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Nouvelles du monde

Service

Parution du nouvel Euro Healthcare Consumer Index 2009

La Californie, paradis du chanvre : Depuis que la Californie a autorisé la consommation de marihuana pour raisons médicales, les magasins de chanvre poussent comme des champignons. Rien qu’à Los Angeles, on en compte déjà presque 1000. Les cafés Starbucks sont beaucoup moins nombreux. Le véhicule n’obéit pas au conducteur pris de boisson : En Californie, celui qui est surpris en état d’ébriété au volant doit désormais faire installer dans sa voiture un alcootest. C’est seulement lorsque l’appareil donne des valeurs acceptables que le conducteur peut faire démarrer sa voiture. La Mecque doit attendre : Le gouvernement tunisien a défendu à ses citoyens de participer au grand pèlerinage de la Mecque de cette année. L’interdiction a été prononcée par le ministère des affaires religieuses. Il craint que la grippe porcine ne se propage si les Tunisiens prennent part au pèlerinage avec deux millions d’autres Musulmans. Ambiance ou qualité ? Le ministère de la santé britannique procède nouvellement à des réductions de budget des hôpitaux lorsque les patients y séjournant estiment que l’ambiance n’est pas satisfaisante. Alors que l’on travaille avec diligence à rendre les intérieurs attrayants, les listes d’attente ne se réduisent pas. Les associations de médecins concernées ont violemment protesté.


Manifestations Organisateur

Faits particuliers

Date/Lieu

Pour plus d’informations

Sujet : Système de santé global – défis nationaux

12–13 novembre Radisson Blu Hôtel, Aéroport de Zurich

www.careum.ch

Congrès Careum 2009 La Fondation Careum

SGGP Stakeholder Plattform 2009 Société suisse pour la politique de la santé

Sujet : Objectifs de santé nationaux pour la 2 décembre www.sggp.ch Suisse Hôtel Kreuz à Berne

Journée de la santé Hôpital cantonal de Saint-Gall Sujet : Sécurité des patients

20–21 janvier 2010 Halles de l’Olma à Saint-Gall

www.fachsymposium.ch

Négociations tarifaires dans les SwissDRGs Institut de Droit et de pratique juridique de l’Université de Saint-Gall

Discours de Michael Jordi (CDS), Simon 26 janvier 2010 Hölzer (SwissDRG AG), Otto Bitterli Swissôtel à Zurich (Sanitas), Stefan Meierhans (Surveillant des prix), Stefan Kaufmann (santésuisse)

www.irp.unisg.ch

Dessin : Marc Roulin

Informez-nous de vos manifestations : redaction@santesuisse.ch  Plus d’informations sur www.santesuisse.ch

31 | Service 9/09


Le Tout-A-Savoir et le B.A.-Ba de l’assurance-maladie B.A.-Ba, l’assurance-maladie en bref Accessible à tous, clair et concis, le B.A.-Ba de l’assurancemaladie vous aide à mieux comprendre notre système de santé.

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exemplaire(s) de Tout-A-Savoir – Faits et chiffres de l’assurance-maladie, édition française

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Ex. «Plus2» – Zahlen plus Fakten zur obligatorischen Krankenversicherung, deutsche Ausgabe

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exemplaire(s) du B-A-BA de l’assurance-maladie, édition française

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Exemplar(e) «1x1 der Krankenversicherung», deutsche Ausgabe

_____

esemplare(i) di «1x1 L’assicurazione malattia», edizione italiano

Prénom / Nom Rue / No NPA / Localité


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