infosantésuisse Nr.03/2007 français

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infosantésuisse Magazine des assureurs-maladie suisses N° 3, mars 2007

Une journée dans un cabinet HMO

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Entretien avec Andreas Wildi, responsable de la section Médicaments à l’OFSP page 20

SOUS LA LOUPE :

Les soins gérés


SOMMAIRE

infosantésuisse  No 3, mars 2007

SOUS LA LOUPE 4 6 8 10 12 14 16 18

Managed care – l’éternel modèle prometteur mais peu répandu ? Entretien avec le Dr Kurt Hess, membre du « Forum Managed Care », médecin et consultant de santé HMO et réseaux de médecins : les limites sont floues Nouvelles perspectives pour les services de garde Une médecine en toute science et conscience – visite d’un cabinet HMO Entretien avec le Dr Adrian Wirthner, directeur du cabinet « MediX-Gruppenpraxis Bubenberg » à Berne La desserte intégrée dans les pays voisins Pour la première fois, plus d’un million d’assurés avec un modèle alternatif d’assurance

Paysage des soins gérés en Suisse : un panorama page 8

ASSURANCE-MALADIE 19 Deux nouvelles expertes diplômées en assurance-maladie

DOMAINE DE LA SANTÉ 20 22

Entretien avec Andreas Wildi, responsable de la section Médicaments à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) Fournisseurs de prestations en réseau – patients responsables : réaction à l’article « Malades chroniques »

SERVICE 4 2 24 24 25 25

Nouvelles perspectives pour les services de garde

Nouvelles du monde Le nombre des assureurs-maladie reste stable Carte d’assuré suisse dès 2009 Manifestations

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Entretien avec le Dr Adrian Wirthner, directeur du cabinet « MediX-Gruppenpraxis Bubenberg » à Berne page 14

No 3, mars 2007, paraît dix fois par an

Mise en page : Henriette Lux et Felix Bosch

Prix de l’abonnement : 69 fr. par an, 10 fr. le numéro

Administration des annonces : toutes les annonces – les offres d’emploi y compris – sont à adresser à  : « infosantésuisse », Römerstrasse 20, case postale, 4502 Soleure

Editeur et administration : santésuisse, les assureurs-maladie suisses, Römerstrasse 20, case postale, 4502 Soleure Responsable de la rédaction : Nello Castelli, département politique et communication, case postale, 4502 Soleure, téléphone 032 625 42 49, téléfax 032 625 42 70

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ISSN 1660-7236

Page de titre : Heiner Grieder, Langenbruck


ÉDITORIAL

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Les soins gérés sont promoteurs d’une médecine optimale

L Hans-Ueli Regius Membre du Conseil d’administration de santésuisse

a population attend à bon droit de tous les responsables du système de santé qu’ils prennent les mesures adéquates pour assurer en tout temps une médecine optimale. Cette dernière est fournie lorsqu’un patient sait qu’il recevra les meilleurs traitements et que leur financement est garanti. Malheureusement, aujourd’hui, les incitations financières poussent au chiffre d’affaires et non pas à l’utilité du traitement. Le Parlement, pour cette raison, tente de corriger le tir par la révision en cours de la loi sur l’assurance-maladie. Le cœur en est une nouvelle réglementation du financement des hôpitaux qui doit promouvoir la concurrence entre les fournisseurs et augmenter l’intérêt pour les modèles alternatifs d’assurance (soins gérés). L’objectif est que tous les participants s’axent davantage sur la qualité et l’économicité du traitement. Il est important, dans ces réformes, que soient corrigées les incitations visant à modifier les comportements. Plusieurs assureurs-maladie ont prouvé au cours des dix dernières années qu’une bonne desserte médicale, à des prix économiques, peut être obtenue en travaillant en étroite collaboration avec les fournisseurs de prestations. Ce sont en particulier les modèles d’assurance alternatifs qui offrent des conditions adéquates pour que tous les participants – assurés, fournisseurs de prestations et assureurs-maladie – se tournent vers l’efficacité du traitement, ce qui se traduit aussi positivement par la suite sur les coûts. Trois facteurs se sont révélés de première importance :

• Promotion de tous les diagnostics et mesures de traitement vers une médecine optimale par l’application conséquente de la meilleure pratique. • Coordination au sein de la chaîne de traitement par un gestionnaire de soins. • Incitations financières de tous les participants qui renforcent la responsabilité personnelle et freinent la consommation. C’est le Parlement qui est responsable des conditions cadres. Les fournisseurs de prestations et les assureurs-maladie ont investi beaucoup, au cours des dernières années, dans les mesures en faveur des soins gérés et obtenu des succès probants. Un nouveau pas en avant sera fait aussitôt que le Parlement aura mis en place les conditions cadres visant à une médecine optimale.


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Modèles de soins gérés : ils recueillent toutes les faveurs – pourquoi n’arrivent-ils pas à s’imposer ?

Soins gérés – l’éternel modèle prometteur mais peu répandu ? Si tous les partenaires du domaine de la santé vantent avec zèle les avantages et les mérites du managed care (soins gérés), ces modèles peinent à s’imposer au niveau politique. Lors de la dernière session d’hiver, le Conseil des Etats a certes approuvé le projet de managed care mais les critiques ont aussitôt fusé : il s’agit là d’une modification de loi insignifiante qui n’apporte aucune utilité supplémentaire. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Que reste-t-il à faire pour que les réseaux de soins gérés ne restent pas des modèles prometteurs mais peu répandus ?

L

a loi fédérale du 18 mars 1994 sur l’assurance-maladie a créé les bases légales nécessaires aux formes particulières d’assurance. D’entente avec leur caisse-maladie, les assurés peuvent renoncer au libre choix des fournisseurs de prestations ou tout au moins le restreindre. L’assureur choisit des prestataires de soins efficaces et avantageux du point de vue des coûts et peut en contrepartie offrir un rabais de prime aux assurés qui optent pour un tel modèle.

Conseil fédéral veut améliorer les conditions cadres de tels modèles. Il estime que la liberté de contracter, conjuguée à des incitations plus fortes, constitue le moyen approprié d’encourager les modèles de soins gérés. Les conventions conclues entre parties ne doivent pas, dans la mesure du possible, être fondées sur des prescriptions légales mais sur la libre concurrence.

Instrument de maîtrise des coûts et de gain d’efficacité

Lorsque le Conseil des Etats a traité ce thème durant la dernière session d’hiver, dans le cadre de la révision en cours de la LAMal, tout le monde était d’accord sur un point : en réussissant à convaincre un nombre accru de patients à se faire traiter en recourant à des modèles de soins gérés, on enregistrera à tout le moins une victoire partielle dans la lutte difficile contre l’explosion des coûts.

Les formes alternatives d’assurance telles que les Health Maintenance Organizations (HMO) et les modèles de médecin de famille permettent de garantir une prise en charge médicale économique et efficace tout en améliorant la qualité des traitements – et cela en particulier pour les maladies chroniques. Les modèles de soins intégrés conviennent mieux à la mise en œuvre des critères d’efficacité, d’économicité et d’adéquation, et cela pour trois raisons : premièrement, les patients sont accompagnés et suivis pendant toute la durée du diagnostic et du traitement ; deuxièmement, les assureurs et les fournisseurs de prestations assument conjointement la responsabilité financière de l’ensemble du traitement et, troisièmement, des mesures de qualité, comme par exemple des cercles de qualité, font en règle générale partie intégrante des modèles.

Le Conseil fédéral entend promouvoir les modèles de managed care Conformément à son message du 15 septembre 2004 relatif au managed care, le

Le Conseil des Etats agit avec circonspection

Voici en bref les décisions du Conseil des Etats : • A l’avenir, les assureurs-maladie peuvent conclure avec les assurés des contrats d’une durée de trois ans au lieu de un an seulement. La durée du contrat étant actuellement limitée à un an, il est fréquent qu’en cas de longues maladies les assurés concernés reviennent vers une forme conventionnelle d’assurance. Pourtant, les réseaux de soins intégrés ne déploient leurs effets modérateurs sur les coûts et d’amélioration de la qualité des soins qu’en cas de séjours prolongés à l’hôpital et de maladies chroniques. La nouvelle réglementation incite les assureurs à offrir davantage de modèles alternatifs.

• Dans le cadre d’un processus de traitement défini, les modèles de soins intégrés peuvent désormais offrir des prestations qui vont au-delà des prestations obligatoires de l’assurance de base fixées par la loi. Mais les fournisseurs de prestations doivent alors assumer, à hauteur de ce qui a été convenu par contrat, la responsabilité financière de la prise en charge médicale des patients. • Les assureurs-maladie doivent pouvoir continuer à accorder des rabais de primes aux assurés qui ont opté pour un modèle de soins gérés. Le Conseil des Etats refuse d’accorder une quote-part plus faible aux assurés dans les modèles de soins gérés. • Le transfert d’une partie de la responsabilité financière aux fournisseurs de prestations travaillant dans les réseaux de soins intégrés n’a pas été admis. Ces propositions suffisent-elles pour encourager l’offre et la demande de modèles attractifs ? On reproche au Conseil des Etats d’avoir adopté une loi sans dents qui ne crée pas d’incitations concrètes. Ces critiques sont-elles justifiées ? Que reste-t-il à faire pour que les modèles de soins intégrés s’imposent dans la pratique et ne restent pas seulement vantés pour leurs qualités ?

Créer des systèmes incitatifs appropriés… L’objectif principal de la révision en cours de la LAMal doit être de juguler la hausse des coûts et des primes. Pour y parvenir, il faut notamment renforcer les éléments de concurrence et, par conséquent, créer de meilleures incitations économiques pour tous les partenaires du système de santé. Les formes particulières d’assurance repré-


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Les talents doivent être encouragés – les soins gérés ne font pas exception.

sentent un instrument efficace pour obtenir une meilleure maîtrise des coûts et des gains d’efficacité tout en maintenant la qualité de la prise en charge. Mais il ne suffit pas seulement de mentionner et de définir les réseaux de soins intégrés dans la loi pour améliorer réellement leurs conditions cadres : encore fautil procéder à des réformes concrètes dans ce domaine. Le succès des modèles de soins gérés repose essentiellement sur les conditions cadres suivantes : • Suppression du financement direct des établissements (objet) dans le domaine stationnaire (financement des hôpitaux et des EMS), indemnisation liée aux prestations au lieu de couverture des déficits : cette exigence semble être remplie par l’actuelle révision du finance-

ment des hôpitaux. A long terme, il est également nécessaire de créer des règles de financement uniformes pour le secteur hospitalier ambulatoire et stationnaire. • Liberté dans la création de modèles d’assurance alternatifs : ° Réglementation souple des admis­ sions ° Possibilité de conclure des contrats de longue durée (jusqu’à 3, 4 ou 5 ans) mais sans en définir la durée minimale dans la loi Liberté de passer des conventions ° avec ou sans responsabilité budgétaire Liberté de conclure des contrats d’ex° clusivité ° Pas de prescriptions de l’Etat concernant la « mise en réseau », le « pilo-

tage » et la forme juridique des fournisseurs de prestations et des réseaux. Pas d’obligation de capitation (forfaits par tête). • Assouplissement de l’obligation de contracter dans les secteurs ambulatoire et stationnaire. Aussi longtemps que tous les fournisseurs de prestations admis à pratiquer à charge de l’assurance-­maladie auront droit à la rémunération de leurs prestations à des tarifs garantis, ils ne seront guère incités à collaborer dans des réseaux imposant une responsabilité budgétaire et des exigences particulières concernant le caractère économique et la qualité des prestations. En principe, la loi ne devrait pas être trop restrictive et corseter l’évolution de ces modèles. Il est plus important que les ­assurés et les assureurs aient le choix entre des réseaux et une prise en charge conventionnelle et que les partenaires contractuels aient la marge de manœuvre nécessaire pour tirer les leçons de leurs expériences et optimiser en permanence les modèles offerts. Il s’agit de régler par contrat – et non par la loi – les points les plus importants de la collaboration entre assureurs et fournisseurs de prestations d’une part (formes d’indemnisation, responsabilité budgétaire, garantie de la qualité) et entre assureurs et assurés d’autre part (modalités d’affiliation et de résiliation, incitations financières).

… pour que les modèles de soins gérés s’imposent Théoriquement, il y a peu d’arguments en défaveur des soins gérés et la plupart des partenaires voient de gros avantages dans les réseaux de médecins et les modèles de soins intégrés. Pour les fournisseurs de prestations et les patients, les ­aspects qualitatifs sont certainement prioritaires alors que pour les assureurs­maladie et les assurés, l’effet modérateur de ces modèles sur les coûts est déterminant. Si l’on parvient à mettre en place des incitations appropriées, les soins gérés ne resteront pas l’éternel modèle prometteur mais peu répandu, mais joueront un rôle central dans notre système de santé : ils contribueront à modérer la hausse des coûts et à améliorer la qualité des prestations médicales. Matthias Schenker


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Entretien avec le Dr Kurt Hess, membre du « Forum Managed Care », médecin et consultant de santé

« La desserte sanitaire doit être pilotée par des incitations adéquates » Comme médecin, consultant indépendant de santé et membre du comité directeur du « Forum Managed Care », Kurt Hess connaît le système de santé sous divers angles. Il n’attend rien des contraintes étatiques mais bien d’incitations fortes. Il compte atteindre trois objectifs : la mise en place d’une assurance-qualité, une situation meilleure en matière de données et, évidemment, la promotion des soins gérés.

infosantésuisse : En 2007, la part des assurés avec un modèle d’assurance alternatif est montée à 16 %. Etes-vous satisfait de cette évolution ou peut-on faire mieux ? Dr Kurt Hess : Si quelqu’un me l’avait prédit il y a 15 ans, j’aurais été enthousiaste. Lorsque nous avons fondé la première HMO de Suisse en 1990, ce fut un véritable parcours du combattant. Le scepticisme du corps médical face à de pareils modèles était incroyable. Aujourd’hui, la part des assurés en soins gérés pourrait être nettement supérieure. Les expériences ont été faites, le potentiel de modération des coûts est évident ainsi que l’amélioration de la qualité. C’est pourquoi je crois que les soins gérés vont s’étendre. Le prochain pas consistera à améliorer les réseaux verticaux, c’est-à-dire au-delà des spécialistes vers le domaine stationnaire et même la réadaptation.

« Lorsque nous avons fondé la première HMO de Suisse en 1990, ce fut un véritable parcours du combattant. » Qu’est-ce qui déclenché, à la première phase, un pareil scepticisme face aux HMO ? Le corps médical craignait qu’un quelconque groupuscule alternatif ne soit arrivé pour étatiser la médecine. Or, c’est l’inverse qui était vrai. Les HMO ont été un des premiers éléments d’économie de marché du système de santé. On était également sceptiques pour ce qui est de la qualité et on nous supposait une tendance à la sélection des risques. Ces préjugés sont tombés les uns après les autres. Pour ce qui est de la sélection des risques, des études ont montré que nous faisons encore

des économies substantielles quand on compare les coûts sans prise en compte des risques. Quelles conditions faut-il pour les soins ­gérés ? Faut-il des obligations ou des ­incitations plus fortes ? Ou le marché  va-t-il en fin de compte se charger de l’extension des soins gérés ? Le marché doit jouer son rôle mais il faut un cadre. Le fait que ça ne fonctionne pas quand on laisse faire est démontré par l’assurance-qualité. Depuis 1996, elle est prévue dans la LAMal mais il n’y a pas encore de programme consistant. Pour que les modèles de soins gérés puissent se développer, il faut des standards mesurables, transparents pour les assurés. C’est ce que l’Etat doit mettre au point, évidemment de concert avec les gens concernés. Je n’aime pas les décisions allant de haut en bas, à moins qu’il n’y ait pas de propositions des gens concernés. La deuxième tâche de l’Etat, je la vois dans l’élaboration des incitations : on peut penser par exemple à des participations personnelles différenciées. Il faut aussi des incitations pour les fournisseurs. Lorsqu’un réseau fait la preuve de sa qualité, il faut que les médecins soient récompensés. Faudra-t-il attendre longtemps pour disposer des conditions cadres sur la qualité ? Le délai, en 1996, avait été fixé à 1999 ! Grâce à la motion déposée par la conseillère nationale Bea Heim en 2005, le Conseil fédéral est chargé d’assumer une tâche de coordination et de créer une plate-forme nationale d’assurance-qualité. Quelque chose est-il en train de se passer ? Les signes ne sont pas évidents…

Je ne peux pas vous le dire. A mon avis, il faut maintenant que l’Etat s’y mette sérieusement. Il doit jouer un rôle de médiateur dans la discussion. Il doit trouver les moyens d’un consensus entre les parties et rendre des solutions cohérentes possibles.

« Toutes les informations sur les actes médicaux devraient être dirigées vers un gestionnaire de soins ou un médecin de premier recours, évidemment avec garantie de la protection des données. » Les soins gérés sont bien plus qu’un simple modèle alternatif d’assurance. Quelle est votre définition ? Les soins gérés, c’est une idée un peu floue. J’utilise parfois une définition mathématique en disant que les soins gérés c’est « 1 moins le laissez-faire ». Autrement dit : les soins gérés, c’est l’utilisation d’impulsions directrices. Ce sont des modèles comme les réseaux médicaux et les HMO et des instruments comme les médecins de premiers recours, la gestion des cas, la gestion de la maladie ou d’autres formes de rémunération. Les soins gérés, c’est donc un concept large qui englobe le pilotage de la qualité et des coûts. Où voyez-vous les discontinuités les plus lourdes de conséquences dans le système de santé suisse ? Certainement dans le manque de réseaux verticaux : il y a de nombreuses coupures critiques entre secteurs ambulatoire et stationnaire. Il se peut que cela s’améliore avec les DRG mais il y a un pro-


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blème qu’ils ne résoudront pas : une maladie ne peut pas être suivie du début à la fin dans tous ses coûts. De nombreuses informations sont perdues le long du traitement.

gérés, la vision est déjà un peu plus large. Mais lorsqu’un patient est transféré dans un hôpital universitaire, nous ne savons pas bien, même dans une HMO, ce qui se passe. Nous n’avons pas besoin d’une médecine parfaitement surveillée mais d’un standard minimal en matière d’informations. Le coût de collecte doit être raisonnable tout en fournissant toutes les données utiles. Le même équilibre devrait être tenu en matière de mesure de la qualité. Nous avons besoin d’indicateurs qui soient précis mais maniables.

Quelles informations et données faudraitil pour piloter véritablement le système de santé ? Nous avons besoin de statistiques sur les groupes importants de maladies. Il devrait être avant tout possible de suivre un cas de bout en bout. Toutes les informations sur les actes médicaux devraient être dirigées vers un gestionnaire de soins ou un médecin de premier recours, évidemment avec garantie de la protection des données. Dans les modèles actuels de soins Photo : Peter Kraft

A propos d’informations : comment une desserte intégrée devrait-elle fonctionner dans le désert de données qu’est le système de santé suisse ? Pour l’heure, la situation est insatisfaisante en matière de données. Nous sommes un pays en voie de développement à cet égard. C’est aussi pourquoi la Suisse n’a pas de stratégie de desserte et de santé :

nous n’avons simplement pas les informations nécessaires pour ce faire.

« De nombreuses informations sont perdues sur le parcours du traitement. »

Nous avons aujourd’hui en Suisse des rémunérations à la prestation et, dans le domaine ambulatoire, rien ne changera à moyen terme. Est-ce que cela ne pousse pas à travailler seul et empêche la desserte intégrée ? Le tarif à l’acte pousse à multiplier tant que possible les prestations. Je pense néanmoins que la grande majorité des médecins fait une médecine bonne et raisonnable et ne cède pas à cette tentation – mais elle est là. Lorsqu’un médecin fait preuve d’un certain niveau de qualité, il devrait pouvoir bénéficier d’une valeur de point supérieure à celle d’un médecin qui ne l’atteint pas. La pression des patients pourrait être une bonne incitation ; lorsqu’on demande souvent à un médecin pourquoi il n’est pas dans tel ou tel modèle, il va être poussé à se joindre à un réseau. Les incitations pour les patients et les assureurs sont donc indirectement aussi des incitations pour les fournisseurs de prestations. Les soins gérés et la mesure de la qualité vont ensemble. Etes-vous partisan de comparaisons obligatoires de qualité pour les médecins ? Il ne faut pas submerger les médecins de systèmes obligatoires. Je m’y opposerais moi aussi. Ces derniers temps, le corps médical a commencé à présenter lui-même des concepts de mesure et d’assurance de qualité. La crainte maintenant se fait jour que des instruments invasifs soient imposés d’en haut. Je suis toutefois d’avis que l’assurance-qualité doit passer par des incitations et non pas par la contrainte. Un modèle imposé d’en haut produirait un appareil administratif énorme et se heurterait certainement à un manque d’acceptation. Interview : Peter Kraft


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Paysage des soins gérés en Suisse

HMO et réseaux de médecins : les limites sont floues Une HMO n’est pas pareille à une autre HMO tout comme un réseau de médecins ne ressemble pas à un autre. Le paysage des soins gérés en Suisse étant le fruit des initiatives des assureurs et des fournisseurs de prestations, les modèles sont aussi différents que ceux qui les ont fondés. Il n’est donc pas facile d’avoir une vue d’ensemble de l’offre actuelle – nous tentons cependant d’en établir un état des lieux.

L

e paysage des soins gérés en Suisse est dominé par deux modèles : les HMO et les réseaux de médecins. Au sein de ces deux catégories, on trouve différentes formes et organisations de HMO et de réseaux de médecins si bien qu’au final notre système de santé dispose d’un large spectre de modèles alternatifs de prise en charge. Il n’est pas toujours aisé de classer un modèle particulier dans la catégorie des réseaux de médecins ou dans celle des HMO.

HMO : qui est derrière cette forme d’organisation ? Les centres HMO ont pour objectif de réaliser un bénéfice sur la santé de leurs patients et non pas sur leurs maladies. Ils conviennent avec les responsables financiers d’un forfait par tête (tenant compte des risques) par assuré inscrit. Le budget de la HMO se compose de la somme totale de ces forfaits. Si les coûts effectifs sont inférieurs au budget, le centre HMO enregistre un bénéfice. Sont facturés aux HMO non seulement leurs propres coûts mais aussi ceux qui résultent du fait que les patients ont été adressés à des spécialistes ou à des hôpitaux. En principe, les conditions d’engagement des médecins qui travaillent dans une HMO sont de deux sortes : soit ils perçoivent un salaire fixe – dans ce cas, la HMO en tant qu’organisation porte exclusivement la responsabilité budgétaire. Ou alors les médecins participent au bénéfice ou à la perte du centre HMO – dans ce cas, ils ont eux aussi une responsabilité budgétaire personnelle. En Suisse, la plupart des centres HMO fonctionnent selon le premier principe énoncé. Pour les HMO appartenant aux médecins, une forme mixte est répandue : les méde-

cins sont certes des employés qui reçoivent un salaire fixe mais ils ont la possibilité de participer au résultat d’exploitation par l’acquisition facultative de participations à la société anonyme. A l’inverse de ce qui se passe aux USA, en Suisse les HMO réunissent principalement sous un même toit des médecins de premier recours. Des spécialistes externes sont appelés à collaborer à la prise en charge médicale. Quelques HMO offrent en complément des prestations de physiothérapie et de médecine complémentaire. En Suisse, les HMO sont nées de l’initiative des assureurs d’une part et de celle des prestataires de soins d’autre part. C’est pourquoi il existe différentes formes de propriété : • Les HMO qui appartiennent aux assureurs : ces centres sont exploités par des assureurs-maladie, les médecins qui y travaillent sont en fait des employés de la HMO. Citons par exemple les centres de santé SWICA, les cabinets HMO Xundheit et le plan de santé HMO (nouveau : MECONEX), géré par la caisse-maladie ÖKK et des assureurs partenaires. • Les HMO exploitées par une organisation de soins gérés : différents assureurs-maladie font partie de l’organisation de managed care mais celle-ci est une entreprise indépendante qui défend ses propres intérêts économiques et mène des négociations contractuelles avec les assureurs-maladie. L’exemple le plus connu en Suisse est sanacare. • Les HMO qui appartiennent à des médecins : ces cabinets de groupe sont des sociétés anonymes dont les propriétaires sont les médecins qui y travaillent. Les cabinets de groupe de l’association de

médecins MediX sont l’exemple le plus connu en Suisse.

Réseaux de médecins : initiatives des prestataires de soins La plupart du temps, les réseaux de médecins sont le fruit de l’initiative des prestataires de soins. Ceux qui y participent sont moins fortement liés que dans une HMO. Ils continuent souvent à exploiter leur propre cabinet. Mais ils travaillent en étroite collaboration : cercles de qualité organisés régulièrement, échange exemplaire d’informations entre eux, achat en commun de prestations de service, exploitation commune de certaines infrastructures et coopération réglementée avec des spécialistes et des hôpitaux conduisent à des gains d’efficacité et de qualité. Dans l’idéal, les médecins de famille appartenant à des réseaux de médecins gèrent l’ensemble du processus de traitement de leurs patients (case management ou disease management). Les ­réseaux de médecins concluent avec les assureurs des conventions qui revêtent des formes différentes en ce qui concerne la responsabilité budgétaire : • Pas de responsabilité économique : un budget est certes prévu dans la


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la totalité de leur budget avant la fin de l’année. Si le budget est dépassé, le réseau est en déficit et doit s’acquitter d’un montant défini contractuellement. Selon med-swiss.net, l’association faîtière des réseaux de médecins suisses, cinq réseaux travaillent actuellement en Suisse selon ce modèle. • Budget versé : les assureurs versent le budget négocié au réseau de médecins, lequel prend également en charge le contrôle des factures et le trafic des paiements. Le réseau paie aussi les spécialistes externes et il est responsable de la constitution de réserves. D’après medswiss.net, un seul réseau de médecins travaille en Suisse selon ce modèle. Les réseaux de médecins sont inégalement répartis selon les régions. En Suisse romande, ils sont peu nombreux – le plus connu est le Réseau Delta. En Suisse alémanique, les réseaux de médecins sont beaucoup plus répandus, surtout dans les cantons de Zurich, Saint-Gall, Argovie et Thurgovie. L’association faîtière medswiss.net réunit actuellement sous sa bannière 38 réseaux de médecins de Suisse alémanique.

Distinction de plus en plus difficile à faire

Les limites entre HMO et réseaux de médecins s’estompent de plus en plus.

convention mais le réseau de médecins n’endosse aucune responsabilité financière. En cas de dépassement du budget, les médecins du réseau n’ont donc rien à payer à l’assureur. L’engagement contractuel des médecins appartenant au réseau porte essentiellement sur le gatekeeping dont le contrôle leur incombe. Cette forme du modèle

du médecin de famille est la règle en Suisse. • Capitation virtuelle : les assureurs établissent un budget avec des forfaits par tête mais ce budget n’est pas versé aux réseaux de médecins. Le contrôle des factures et le trafic des paiements reste aux mains des assureurs. Il n’y a donc pas de risque que les réseaux épuisent

Les limites entre HMO et réseaux de médecins s’estompent de plus en plus : l’association de médecins MediX dispose de grands centres HMO mais des cabinets individuels lui sont également affiliés. Les assureurs-maladie concluent des contrats avec MediX, parfois sous l’enseigne HMO, parfois sous le titre de modèle du médecin de famille. Kurt Hess, du Forum Managed Care, confirme cette impression : les variantes de modèles sont si nombreuses qu’à l’avenir son organisation ne fera plus une distinction stricte entre HMO et réseaux de médecins. Enfin, dans le cadre de modèles d’assurance alternatifs, des centres d’appels donnant des conseils médicaux assument parfois des tâches de gatekeeping. Il existe aussi bien des services de télémédecine d’importance nationale (medi24, medgate) que des services régionaux qui sont exploités par les médecins eux-mêmes. Toutefois, ces prestations de service jouent un rôle plus important en ce qui concerne l’organisation efficace des services d’urgences (voir pages 10 et 11) que le domaine des soins gérés proprement dit.  Peter Kraft


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Les médecins s’organisent – les autorités préparent des mesures

Nouvelles perspectives pour les services de garde Les soins gérés offrent une solution à l’un des plus sérieux problèmes de notre système de santé : les fournisseurs de prestations commencent à mieux organiser entre eux les services de garde et d’urgence. Ils sont soutenus par les autorités. La Confédération et les cantons ont présenté des mesures qui devraient permettre d’assurer à l’avenir des services de garde efficaces.

L

’organisation des services de garde est réglée de manières très différentes en Suisse, de canton à canton et même de région à région. Alors que dans certains cantons ce sont les sociétés médicales qui coordonnent le service, ce sont, dans d’autres, des régions et des groupes de médecins qui s’en occupent. Les régions diffèrent par leur organisation, leur étendue, le nombre des patients et celui des médecins de service. Une enquête de Georg von Below montre que si, dans certains périmètres, la charge est partagée ­entre 200 médecins, il n’y a théoriquement dans d’autres qu’un seul médecin de piquet. Le nombre des habitants par périmètre oscille encore davantage, soit d’environ 1000 à 340 000. Le problème n’est pas le grand nombre d’habitants par aire considérée mais le petit nombre des médecins de service. C’est ce nombre qui conditionne finalement le temps de présence à accorder au service de garde.

Nombreux problèmes Outre leur organisation disparate et certainement pas optimale, les services de garde sont encore confrontés à d’autres problèmes. La structure des âges des actuels médecins généralistes et les problèmes connus de succession pourraient bien conduire dans un avenir proche à une diminution significative du nombre des médecins participant aux gardes. La charge de chacun d’entre eux augmenterait et l’intérêt de la profession de généraliste diminuerait encore. Aujourd’hui déjà, de plus en plus de médecins généralistes se font exempter du service de garde, ce qui ne fait qu’aviver le problème. La rémunération trop faible, selon les médecins, l’offre trop restreinte de formation spécifi-

que, les exigences croissantes de la population et les problèmes de paiement font le reste : c’est ce qu’a constaté un groupe de travail commun de la Confédération et des cantons.

Recherches de solutions Divers acteurs du système de santé ont cherché des moyens de sortir de cette situation préoccupante. Dans les centres urbains, des cabinets de garde ont été mis en place qui peuvent être consultés sans interruption 24 heures sur 24. Ces permanences ne se heurtent pas seulement à un manque d’intérêt, elles n’ont pas fait la preuve que les médecins de famille et les urgences ont été déchargés. Les opinions divergent sur le fait de savoir si les permanences correspondent aux besoins des patients et des médecins ou ne représentent qu’une offre de bas niveau qui pousse les coûts à la hausse. Certaines régions en sont arrivées à déléguer le service de garde à l’hôpital le plus proche. L’hôpital remplace le médecin en cas d’urgence – ce qui est un renversement du principe qui veut que le médecin de garde, cas échéant, adresse le patient à un hôpital. Il y a là un problème. Premièrement, les conséquences financières ne sont pas claires et, secondement, les médecins généralistes abandonnent de ce fait une de leurs compétences majeures. Cela n’aide pas à renforcer la profession. Le fait que les urgences peuvent être de la compétence des médecins généralistes est prouvé par une étude du canton d’Argovie : 80 % de tous les cas urgents arrivés aux hôpitaux cantonaux auraient tout aussi bien pu être traités par le médecin de premier recours. D’autres régions ont collaboré pour mettre en place un numéro unique de garde. Après les heures de consultation, le mé-

decin de garde peut être appelé par un seul numéro de téléphone. Le généraliste est ainsi mis à contribution périodiquement de manière intensive par une centrale mais il est en revanche déchargé pour les jours suivants. Des solutions semblables ont également été mises en œuvre par des réseaux comme le réseau romand Delta. Les cabinets HMO simplifient en-


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core le service de garde : le numéro du cabinet – c’est le cas des centres sanacare – est en même temps le numéro de garde, relié au téléphone portable du médecin de service. Le cabinet MediX Bubenberg de Berne fait encore un pas de plus. A la fermeture, les appels sont déviés sur un centre médical d’appel qui fait le tri des cas et, si nécessaire, renvoie au médecin de service au cabinet.

Importance des centres d’appel Les bureaux téléphoniques de tri prennent de plus en plus d’importance, soit comme premier recours dans les modèles alternatifs d’assurance soit comme relais dans les cas d’urgence. Il y a des sociétés actives dans tous les pays mais aussi des centres locaux soutenus par les sociétés locales de médecine. L’exemple le plus connu est Medphone, à Berne. A la différence du numéro de garde qui relie directement au médecin, il y a là un tri des appels par du personnel formé. Se-

lon les données des centres d’appel, près de la moitié des appels peuvent être réglés par le centre lui-même – notamment par des conseils sur la façon de se soigner soi-même. Le médecin de service doit être consulté pour les autres cas. Un des grands avantages des centres par rapport à la délégation à des hôpitaux ou permanences est qu’ils déchargent les médecins de premier recours et laissent la compétence des gardes aux médecins de famille.

mais bien organisés et exploités par les médecins eux-mêmes. Confédération et cantons demandent une organisation uniforme : les règlements de garde devraient être au moins unifiés au niveau des cantons. Les centres téléphoniques de tri, toujours plus actifs, devraient eux aussi – selon le groupe – pouvoir être atteints par un unique numéro. Pour la Confédération et les cantons, l’adaptation, c’est-àdire l’agrandissement des périmètres est nécessaire : les interventions sont certes plus nombreuses mais le temps de présence est réduit. Pour le groupe de travail, la garde est liée étroitement avec la médecine de famille. C’est pourquoi il s’impose de promouvoir l’attrait de la profession de généraliste. Les moyens évoqués sont une meilleure formation, davantage d’assistants de cabinet, moins de tâches administratives, une meilleure rémunération, notamment sous forme d’une valeur de point particulière.

La Confédération et les cantons cherchent des issues L’automne dernier, la Confédération et les cantons ont publié un rapport sur la desserte en matière de service de garde en Suisse. Ils y font des propositions en vue de services plus efficaces et moins lourds. Les centres d’appel sont considérés comme des solutions tout comme les cabinets de garde – toutefois pas comme des prestations détachées des services médicaux Photo : Prisma

De bons exemples à l’étranger

Les interventions des médecins de garde sauvent des vies mais surchargent les médecins de premier recours.

Ce ne sont là que des propositions et des directions. Une nouvelle organisation des services de garde n’est pas encore en vue en Suisse. Des exemples intéressants peuvent être trouvés à l’étranger. Il y a aux Pays-Bas, depuis 2000, des régions de garde avec des populations de 100 000 à 500 000 habitants et un rayon de 30 km au plus. Chaque région exploite un centre des urgences dont la direction incombe aux généralistes. Ces centres se trouvent à proximité d’hôpitaux, sans toutefois leur être intégrés. Ils ne sont ouverts qu’en dehors des heures de consultation. Les généralistes sont tenus de faire périodiquement des services de 6 à 9 heures. Hors de cette période, ils ne sont pas dérangés. Les centres peuvent être atteints par un numéro régional qui permet d’ailleurs un premier tri. Les expériences faites avec l’organisation hollandaise ressemblent à celles des centres d’appel suisses. Environ la moitié des appels peuvent être réglés par le service de tri ; 35 % sont dirigés vers les centres de garde et 15 % impliquent une visite à domicile. Pour les médecins, l’expérience est positive : la charge de garde a passé de 20 heures à 4 heures par semaine. Avec plus de 80 % d’avis favorables, la satisfaction des patients atteint un niveau considérable. Peter Kraft


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Visite d’un cabinet HMO

Une médecine en toute science et conscience Bien que la part des assurés en soins gérés soit en hausse, le cabinet HMO reste pour beaucoup un inconnu. Le préjugé d’une médecine bon marché, standardisée et impersonnelle n’a pas disparu. infosantésuisse a eu l’occasion de passer une journée dans les coulisses du cabinet « sanacare » à Lucerne. Résultat : ceux qui ont une mauvaise opinion des cabinet HMO peuvent l’oublier.

E

n entrant dans le cabinet HMO de « sanacare », rien ne saute aux yeux, tout est semblable à un cabinet « normal ». En regardant mieux, toutefois, on remarque que tout est un peu plus grand : au lieu de deux ou trois portes, ce sont plusieurs portes qui s’ouvrent devant les trois assistantes. L’habituel et le nouveau que remarque tout de suite le visiteur des cabinets médicaux se manifestent dès la salle d’attente. Il y a là les journaux, les revues et les jouets pour les petits patients, une grande fenêtre et une couleur claire qui rend l’atmosphère amicale. Mais le nombre des chaises est cependant un plus peu élevé que dans un cabinet habituel. Les sièges, dans le cours de la journée, ne seront pourtant pas tous occupés. Manifestement les patients ne doivent pas attendre longtemps.

Chacun a son médecin de famille C’est dans la consultation du Dr Bernhard Studer, médecin-chef du cabinet « sanacare » de Lucerne, que se confirme l’impression d’ordinaire. La pièce est « normale ». Ses patients sont habitués à cette pièce comme tous les autres patients sont habitués au cabinet de leur médecin : les assurés HMO ont leur médecin de famille, comme tous les autres assurés. Evidemment, il est possible d’en changer au sein du cabinet, selon Studer. Généralement, tant que possible, les patients consultent toujours le même médecin. Il en résulte une relation de confiance et une continuité importantes pour la qualité du traitement. Cette continuité, affirme Studer, est encore plus importante dans un cabinet HMO qu’ailleurs. Les patients sont adres-

sés à un spécialiste ou une clinique par les médecins du cabinet. Les soignants ultérieurs font rapport au médecin de premier recours. On est ainsi sûr que les informations ne se perdent pas et que les patients reçoivent ce dont ils ont besoin. La HMO choisit elle-même ses partenaires avec lesquels la collaboration fonctionne bien. Ce qui importe d’abord à Studer, c’est l’autonomie avec laquelle il peut mener son cabinet. Il est libre du choix du personnel et n’est pas tenu à une médecine avec des directives rigides. Le but est un traitement centré sur le patient mais aussi « basé sur les évidences » et applicable. Selon le mandat de prestation de « sanacare » aux cabinets HMO, le maintien de la qualité a une importance majeure.

Se défaire des préjugés Bernhard Studer estime que l’intérêt pour le modèle HMO est à la hausse chez ses collègues. La première raison en est l’incertitude économique et les longs temps de travail et de présence liés à la tenue d’un cabinet individuel. La seconde raison est que les préjugés des médecins contre les HMO sont en recul. Studer se considère d’ailleurs comme un promoteur en la matière : il explique sans cesse à ses collègues qu’il peut faire une médecine axée sur les patients et n’est pas soumis à des diktats économiques. Les coûts, ou plutôt les économies, sont reliés au modèle HMO. Les centres de « sanacare » ont une responsabilité budgétaire. Ils disposent d’un certain montant annuel par assuré. Les coûts influencent les bénéfices ou les pertes du cabinet. Comment est mis en place un système qui garantit qu’une

médecine optimale – et non pas minimale – soit pratiquée ? D’une part, affirme Studer, la responsabilité du budget ne touche pas les médecins : ils touchent un salaire mensuel fixe. D’autre part existe entre les cabinets « sanacare » une compensation interne des risques fondée sur la structure des assurés. L’objectif d’un cabinet HMO n’est dès lors ni la multiplication des actes ni la baisse des coûts mais bien la satisfaction des clients. Des sondages auprès des patients ont montré que les cabinets HMO « sanacare » ont le vent en poupe.

Collaboration plutôt que bureaucratie Pour Studer, il y a encore un autre avantage : moins de travaux administratifs


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Photo : Peter Kraft

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decins. On regrette souvent que les médecins généralistes ne puissent se préparer comme il faudrait à leur profession pendant leurs études et les stages. Un cabinet HMO, en revanche, offre des conditions idéales aux assistants qui peuvent ainsi faire connaissance avec le métier. La Dresse Christine Marty accomplit actuellement une formation de six mois au cabinet de Lucerne. Pour elle, l’expérience est très positive : le travail lui laisse une qualité de vie qu’elle n’a pas connue lors de ses stages en hôpitaux ; elle est confrontée, de plus, au travail de médecin de famille. Christine Marty sait qu’elle est privilégiée : tous les jeunes médecins n’ont pas la possibilité d’aborder leur métier de cette manière. Elle est convaincue qu’il faut davantage d’assistants de cabinet – et qu’ils vont d’ailleurs se multiplier, le manque de médecins de famille se faisant pressant. Selon Christine Marty, le manque de médecins de famille dans les périphéries est aussi un problème culturel et social : un cabinet dans une vallée reculée n’est pas très intéressant, ni économiquement ni géographiquement. C’est aussi pour cette raison que le modèle des soins gérés va gagner de l’attractivité. Christine Marty imagine fort bien travailler un jour dans une HMO.

Pas de médecine uniformisée

Un laboratoire comme dans n’importe quel autre cabinet – une HMO n’a rien d’extraordinaire.

par rapport à un cabinet conventionnel. Ils sont largement pris en charge par le siège central de « sanacare » et la direction du cabinet. Les médecins, en revanche, prennent beaucoup de temps pour échanger des informations. Lors de séances régulières, les problèmes quotidiens sont traités, tout comme les « incidents critiques » – c’est-à-dire les situations critiques lors de traitements. L’ambiance pendant les séances est à la confiance et à l’ouverture – et il vaut la peine que les décisions du personnel ne soient pas « dictées d’en haut ». Le Dr Daniel Ess apprécie ces échanges : les problèmes peuvent être discutés avec les collègues ou de manière informelle et l’on n’est donc pas seul. Ainsi, il est possible dans une

HMO de faire une médecine en toute science et conscience sans avoir à penser à sa situation économique personnelle. Daniel Ess attend des assureurs un soutien sans faille du concept de soins gérés. Les infractions aux règles HMO doivent être relevées ; il arrive trop souvent que des factures de spécialistes soient payées alors qu’ils ont été consultés à la seule initiative des assurés.

La HMO renforce la médecine de premier recours Les cabinets HMO renforcent la médecine généraliste parce qu’ils accordent un rôle central aux médecins pendant tout le traitement. En outre, ils peuvent contribuer fortement à la formation des jeunes mé-

En conclusion, Bernhard Studer a souligné une nouvelle fois que la liberté de traitement était essentielle : la HMO lui laisse la possibilité de faire une médecine axée sur le patient. En serait-il autrement qu’il serait très difficile pour les institutions de soins gérés de trouver des médecins vraiment motivés. Le fait que les centres HMO ne servent pas au triage est illustré par l’exemple lucernois suivant : une assistante de santé travaille avec Pia von Wyl, offrant aux patients de la HMO des conseils sanitaires et diététiques. L’exploitante de la HMO ne peut facturer à personne ces prestations mais elles sont néanmoins offertes dans la perspective d’une optimalisation des soins. Pia von Wyl est en quelque sorte exemplaire de la philosophie HMO. Tout comme elle va à l’encontre des affections de ses patients avec sa thérapie globale de « polarité », l’équipe HMO n’entend pas suivre ses assurés qu’un petit bout sur le chemin du traitement, mais bien de A à Z. Peter Kraft


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Entretien avec le Dr Adrian Wirthner, directeur du cabinet « MediX-Gruppenpraxis Bubenberg » à Berne

« Nous faisons un profit lorsque les patients recouvrent la santé » Adrian Wirthner est un médecin HMO convaincu et dirige le « MediX-Gruppenpraxis Bubenberg » à Berne. Pour lui, il est clair que les soins gérés et les cabinets de groupe ne sont pas seulement en mesure de résoudre le problème des coûts de la santé mais encore de mieux assurer les soins, d’ouvrir de nouvelles perspectives à la médecine générale, de limiter les risques personnels et d’offrir de meilleures conditions de travail.

infosantésuisse : Lorsque vous avez passé de votre propre cabinet à une HMO, avezvous abandonné des libertés ou en avezvous gagnées ? Adrian Wirthner : Si la liberté signifie que je peux faire précisément ce que je veux, alors oui, j’ai certainement perdu des libertés. Je fais partie d’une organisation et d’une équipe où je m’intègre. Si la liberté veut dire que je suis déchargé de tâches professionnelles, alors j’en ai gagné un peu. Avant d’arriver chez MediX, j’avais un cabinet à Conches (VS). Le temps de présence était énorme et les urgences pouvaient être très lourdes : accidents de motos sur les cols, routes fermées l’hiver… J’ai vécu des choses folles. Ici, dans un cabinet avec onze médecins, les charges sont réparties sur plusieurs personnes. L’organisation est également plus légère, tout comme le risque économique personnel. Mais je ne veux en aucun cas confronter l’un et l’autre travail. Dans une ville, les conditions sont complètement différentes de celles de la périphérie. Pour des conditions diverses, il faut des structures diverses et des solutions adaptées.

« Nous pouvons exercer une médecine plus efficace avec ces patients – et non pas avec les assurés qui de toute manière n’occasionnent pas de coûts. » C’est justement dans les régions rurales que le manque de généralistes menace. Que faut-il faire ? Il faut des conditions de travail plus attrayantes, notamment des valeurs de point plus élevées, une décharge des tâches administratives, des indemnités de garde et divers autres facteurs. La quantité de travail varie selon les saisons et le service des

urgences est parfois très considérable. Une des solutions serait la coopération avec des centres d’appel médicaux ou des régions d’intervention plus grandes pour pouvoir réduire les temps de piquet. Sur la page de garde du cabinet Bubenberg, vous vous donnez pour objectif « les meilleurs soins possibles plutôt que les soins les plus chers ». Quels mécanismes garantissent que les cabinets avec responsabilité des budgets restent axés sur les patients et non pas les bénéfices ? A mon avis, il est légitime que nous fassions des bénéfices. Lorsque je peux éviter une opération inutile à 20 000 francs, je mérite aussi quelque chose. Mais les incitations jouent également dans une autre direction : si nous faisons en sorte que les patients soient en bonne santé, nous y gagnons aussi. Lorsque nous négligeons quelque chose pour leur guérison, les coûts qui s’ensuivent augmentent et nous nous pénalisons. Dans un cabinet de groupe, l’accent est fortement mis sur la qualité. Premièrement, nous avons la possibilité de consulter un collègue si quelque chose n’est pas clair. Deuxièmement, nous nous rencontrons toutes les deux semaines dans un cercle de qualité : c’est là que les situations complexes ou difficiles sont discutées en équipe. Troisièmement, nous avons le label de qualité EQUAM. Cela veut dire que nos procédures sont de haute qualité, que les patients sont contents et que nous savons où nous en sommes par rapport à d’autres cabinets. En plus, ce que nous voulons éviter, précisément, c’est d’avoir la réputation de ne pas fournir assez de soins. Une mauvaise réputation nous coûterait immédiatement beaucoup de clients. Chac­un peut sortir du système HMO, contraire-

ment à ce qui se passe aux Etats-Unis où les patients sont pour la plupart assurés automatiquement par leur employeur. Mais il y a là effectivement un problème car nous souffrons également de préjugés négatifs.

« Ce que nous voulons éviter, précisément, c’est d’avoir la réputation de ne pas fournir assez de soins. » Quelles sont les réactions des patients ? Comment vous comparez-vous avec un ­cabinet médical habituel ? Ils apprécient beaucoup que le dialogue soit un élément majeur. Dans le système habituel, on gagne aussi en faisant une radiographie inutile ou avec la prescription de médicaments d’utilité douteuse – or nous, nous économisons en évitant l’inutile. C’est pourquoi je prends beaucoup de temps pour discuter : c’est toujours au centre du diagnostic. Un patient avec des maux de tête peut être envoyé à l’IRM pour savoir s’il a quelque chose de grave. Or, avec assez de temps, un dialogue approfondi et un examen complet, je peux parvenir avec une grande probabilité à exclure une tumeur. Qu’est-ce qu’une bonne structure d’assurés ? Avez-vous vraiment une grande part de jeunes et de personnes en bonne santé, comme on le prétend souvent ? Cela dépend de l’assureur. Les assureurs avec une mauvaise structure de risques amènent également beaucoup de patients qui ont besoin de soins. Comme cela est compris dans le forfait par personne, ce n’est pas un problème pour nous – au contraire. Nous pouvons exercer une médecine plus efficace avec ces patients –


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et non pas avec les assurés qui de toute manière n’occasionnent pas de coûts. Par ailleurs, les gens en bonne santé tombent un jour ou l’autre malades. Est-ce que des cabinets à médecin unique peuvent aussi faire partie du réseau MediX ? Oui, mais ils sont tenus de faire partie du cercle de qualité, d’obtenir la certification EQUAM, de présenter notre logo et d’offrir notre palette de services.

La part des assurés avec modèle alternatif a passé à 16 % en 2007. Jusqu’où cette part peut-elle monter dans les conditions actuelles ? Faut-il des incitations supplémentaires dans la LAMal ? Ce serait une bonne idée que de mettre la participation personnelle à 20 % et de la laisser à 10 % pour les soins gérés. Avec Photo : màd.

Qu’est-ce qui différencie votre cabinet des autres centres HMO ?

lement en partie actionnaires. Elles sont, de manière générale, très estimées chez nous. Elles forment une section spécifique, disposent d’un budget propre et décident de la composition de leur équipe. Une des leurs siège même à la direction.

Que faudrait-il pour que les médecins changent d’opinion ? Le cabinet conventionnel se révèle être de plus en plus dans une impasse : le contexte devient plus complexe et les conditions plus mauvaises. Malgré tout, les façons de penser semblent ne pas changer. Le corps médical manque un peu d’esprit d’innovation alors que les attitudes défensives sont répandues. Les soins gérés ne font pas non plus du tout partie des études de médecine. Et la tendance de plus en plus forte à la spécialisation ne rend pas les choses plus simples pour les soins gérés. A propos de formation : les médecins­assistants de cabinet sont-ils pour vous une question à examiner ? Absolument. La Suisse est le seul pays en Europe dans lequel on peut devenir généraliste sans avoir travaillé une minute dans ce domaine. C’est un paradoxe. L’OFSP et la CDS ont élaboré des projets pour le financement des médecins-assistants de cabinet. La charge devrait être partagée entre les médecins, les cantons et, éventuellement, les assureurs. C’est là un projet d’avenir.

« Nous économisons en évitant l’inutile. »

Nous sommes propriétaires de notre cabinet et nous avons un contrat avec les assureurs-maladie. Ces contrats sont négociés avec chaque assureur, ce qui augmente notre indépendance. Les collaborateurs qui le désirent peuvent devenir actionnaires. Cela crée un lien supplémentaire à l’entreprise – et une incitation supplémentaire car une bonne marche laisse des dividendes. Les assistantes de cabinets sont éga-

ce ne serait pas un désavantage car eux aussi pourraient choisir leur partenaire contractuel parmi les assureurs. Pourtant, le Conseil des Etats a refusé une pareille solution et j’attends de savoir si le National va reprendre la balle. Les assureurs ne donnent pas non plus que des signaux positifs. Les pseudo-modèles de médecins de famille sont pour nous un problème parce qu’ils n’agissent en rien sur les coûts. Il y a aussi les caisses bon marché, meilleur marché que les modèles de soins gérés. Ces dispositifs nous enlèvent des assurés et, à l’échelle de tout le système, l’économie des coûts est annulée. La solution de ce problème serait une meilleure compensation des risques.

la participation différenciée pour les médicaments, il est devenu clair qu’une pareille mesure peut avoir un gros effet. Il est possible que des assurés malades passent aussi à un modèle alternatif. De ce fait, la discussion sur l’obligation de contracter tomberait : si la majorité choisit un modèle dans lequel il n’y a de toute façon pas d’obligation de contracter, le problème est résolu. Pour les médecins en réseaux,

La FMH ne s’est pas mise d’accord sur la façon de promouvoir la médecine de premier recours et sur les sacrifices à demander aux spécialistes… Cette impression est fausse : il y a un large accord. Au lieu de s’en tenir au vieux principe de n’admettre à aucun prix une ­ division, les médecins généralistes devraient se lancer dans la politique et ­lutter résolument pour défendre leurs ­intérêts.  Interview : Peter Kraft


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La desserte intégrée dans les pays voisins

La Suisse est-elle une île pour les soins gérés ? La Suisse, avec les Pays-Bas et les pays scandinaves, passe pour pionnière en matière de soins gérés en Europe. Mais où nos voisins en sont-ils ? Leurs systèmes, généralement organisés par l’Etat, sont-ils en mesure de promouvoir une desserte intégrée ou, pour le moins, une collaboration entre les fournisseurs de prestations ?

O

n tente depuis longtemps, en Allemagne, de créer de meilleures conditions cadres pour les soins gérés – mais les résultats sont maigres. L’Autriche a fait, il y a peu, quelques pas en direction de la promotion d’une desserte intégrée. La France vise à étatiser les réseaux existants. L’Italie, enfin, a bien un système de médecins de famille mais qui ne servent que de premiers recours et ne coordonnent pas les éventuelles diverses phases des traitements.

Allemagne : les incitations font défaut Depuis 1997, il est légalement possible de passer des contrats de soins gérés entre fournisseurs de prestations et assureursmaladie. De fait, sont apparus des réseaux de médecins mais ils ont disparu rapidement, faute d’incitations. Des réformes ont encore été menées en 2001. C’est ainsi que des programmes de gestion des maladies ont été introduits dans l’assurance-maladie légale pour certaines maladies graves. Les premières évaluations ont montré, dans certaines régions, que les résultats étaient positifs. Le fait que la loi ne prévoie pas l’échange de données entre les secteurs ambulatoire et stationnaire pose des problèmes. La réadaptation et les soins sont ainsi complètement exclus de la gestion des maladies. A cela s’ajoute que la rémunération, dans les programmes de gestion des maladies, n’est pas définie de manière fixe par cas. Il existe donc une forte incitation à la multiplication des prestations. Les programmes de gestion des maladies ne sont donc pas, de l’avis unanime des experts, conçus de manière optimale. En 2001, les conditions cadres légales ont été posées pour plusieurs modèles de fourniture intégrée des soins. C’est ainsi que la possibilité de versements de bonus a

été créée en faveur des assurés lorsqu’ils choisissent un médecin de famille. Des centres de soins, semblables à nos HMO, peuvent compter sur une aide au financement de départ. Néanmoins, les deux formes de soins gérés n’ont que peu d’envergure par rapport à la Suisse. Les raisons en sont, d’une part, les incitations trop faibles pour les assureurs et fournisseurs de prestations et, d’autre part, un élément de direction propre au système de santé allemand : les budgets globaux qui font une stricte distinction entre le médecin de famille, le spécialiste et le domaine stationnaire. Une condition préalable aux soins gérés, à savoir le rapide passage entre ces divers domaines, ne peut pas être remplie. En résumé, les conditions légales sont présentes mais ce qui manque, ce sont bien les incitations adéquates et les échanges entre secteurs stationnaires et ambulatoires. Des sondages ont montré que tant les assurés que les fournisseurs de prestations, en Allemagne, envisagent positivement les programmes de soins gérés.

France : pilotage par l’Etat et non pas par les soins gérés La France connaît un système de santé étatisé, lequel est donc fortement dirigiste. Mais le pilotage n’en est pas encore arrivé à l’idée de soins gérés. On tente de contenir les coûts par le biais de fortes participations personnelles de l’ordre de 30 %. C’est pourquoi près de 90 % des Français ont souscrit des assurances complémentaires qui couvrent les risques subsistants. Le système originel de modération des coûts ne fonctionne donc plus. Au cours des années 80, les fournisseurs de prestations ont fondé les premiers réseaux à titre expérimental. Au cours des années 90, ils se sont renforcés et ont conclu de plus en plus de


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est largement endetté. Il existe en conséquence des plans qui devraient permettre de réunir tous les étages de traitement dans un grand réseau étatisé.

Autriche : les soins gérés sont quasiment inconnus Pour le moment, le système de santé autrichien se distingue par l’absence totale de coopération instituée entre les divers groupes de fournisseurs de prestations. Il n’y a que quelques initiatives particulières. C’est ainsi que la caisse maladie régioPhoto : santésuisse

contrats avec les villes. L’Etat central a réagi en encadrant ces réseaux avec des normes légales, les enserrant dans des corsets. La France dispose en premier lieu d’un modèle de médecin de famille, mais sans obligation. Ceux qui s’y tiennent profitent toutefois d’une participation aux coûts sensiblement réduite. En raison de la large diffusion des assurances complémentaires, cette incitation ne joue toutefois que peu : pas même la moitié des Français ne recourent au médecin de famille. Le système de santé français

nale de Haute-Autriche entend développer pour certaines maladies des « programmes structurés de soins » par le biais desquels les médecins de famille accompagnent les patients le long du processus de traitement. En 2005, certaines réformes ont été décidées qui, selon le gouvernement, doivent permettre de dépasser la stricte séparation entre les divers secteurs de la santé. C’est ainsi que sont mises sur pied, au ­niveau des régions, des plates-formes de santé » et, au niveau fédéral, une « agence de santé ». Les deux institutions ont des compétences en matière de planification et doivent permettre une meilleure coordination et un meilleur pilotage lors de la fourniture des prestations. Par ailleurs, des moyens « pour les domaines de coopération » sont mis à disposition de manière à financer, entre autres, des projets pilotes de planification et de desserte intégrées. Depuis le début de l’année, et à l’échelle du pays, c’est une « documentation sur les diagnostics et les prestations dans le domaine hospitalier ambulatoire et stationnaire » qui a été introduite.

Italie : un système de médecins de famille et de budgets globaux

La Suisse est une île pour les soins gérés. Dans les pays voisins, la desserte intégrée n’en est encore qu’à ses balbutiements.

En Italie, tout comme dans notre modèle avec médecin de famille, les patients doivent d’abord s’adresser à un médecin de famille librement choisi. Ces médecins de premier recours sont rémunérés par des forfaits par assuré soigné. Il n’y a toutefois pas de collaboration structurée entre les secteurs ambulatoire et stationnaire, ni entre les généralistes et les spécialistes, ni entre médecins de famille. Il n’y a pas d’organisation privée de soins gérés dans le système de santé étatisé italien. C’est par des budgets globaux régionaux que l’on vise à maîtriser les coûts. Les régions sont largement autonomes dans l’emploi de cet argent et la façon dont ­elles l’utilisent n’est pas très claire. Ce manque de discipline est pour le moment compensé par la disposition du gouvernement central à prendre en charge les déficits des régions. Les discussions sur la politique de la santé en Italie tournent essentiellement autour de la hausse des coûts et de la qualité discutable de la desserte. La coordination entre les fournisseurs de prestations ou la gestion des soins sont des sujets largement ignorés. Peter Kraft


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Pour la première fois, plus d’un million d’assurés avec un modèle alternatif d’assurance

Les soins gérés ont la cote Pour la première fois, plus d’un million de Suisses sont assurés selon un modèle alternatif. Mais d’où vient cette faveur ? Que faut-il pour que cette évolution réjouissante continue ?

L

es modèles alternatifs ont une nouvelle fois, en 2007, connu une forte hausse. La part des soins gérés est estimée maintenant à 16 %. De ce fait, plus d’un million de Suissesses et de Suisses ont une telle assurance. La tendance se poursuit donc qui s’était dessinée déjà au cours de 2005/2006 (cf. graphique).

Les soins gérés deviennent encore plus intéressants

Source : santésuisse

Les modèles alternatifs, grâce à cette évolution, ne deviennent pas seulement plus intéressants pour les assurés mais ils deviennent encore davantage une raison pour de nombreux fournisseurs de prestations de se joindre à un réseau ou une HMO, le marché étant en expansion. Pour les assureurs également, les soins gérés sont un terrain toujours plus important : toutes les grandes caisses offrent une palette plus ou moins large de solutions alternatives. Il existe actuellement chez nous 101 produits d’assurance alternative, soit 39 de plus qu’il y a un an. Il est signifi-

catif, selon Comparis, que les caisses qui ont gagné le plus d’assurés en 2007 soient celles qui ont pu offrir des modèles de soins gérés.

Les soins gérés avancent dans les régions périphériques En novembre dernier déjà, Comparis avait noté un intérêt croissant pour les modèles alternatifs dans les cantons de Suisse centrale, à Glaris, au Tessin, Soleure, Fribourg, Valais, Neuchâtel et dans le Jura. Les soins gérés sont donc en passe de s’étendre des zones urbaines à tout le pays. De plus en plus de réseaux de médecins et même des cabinets HMO se constituent dans les régions rurales. Sanacare, notamment, exploite une HMO à Altdorf.

Le mouvement continuera-t-il ? Divers indices indiquent que l’intérêt pour les soins gérés continue. Les sondages montrent que la population est disposée à prendre plus de responsabilités pour influencer le niveau des primes.

Chaque hausse des coûts de la santé va renforcer cette disposition. Aussi bien les ­assureurs-maladie que les fournisseurs de prestations devront satisfaire mieux qu’aujourd’hui cette modification de la demande. Nombre d’experts voient d’ailleurs dans les soins gérés un moyen de remédier à la diminution du nombre des médecins de famille. L’intérêt parmi les acteurs de la santé devrait profiter aussi de la récession des préjugés : les HMO et les réseaux de médecins deviennent d’actualité. Il y a là une occasion à saisir car une information objective contribuera à corriger l’image d’une médecine à bon marché. Les sondages montrent également que les assurés ne veulent en aucun cas d’une réduction de la qualité. Là est le passage clé : si les Suissesses et les Suisses peuvent être convaincus que les soins gérés n’offrent pas seulement la même qualité mais encore une qualité supérieure, alors l’intérêt pour les soins gérés ne fera qu’augmenter. Peter Kraft

Part des assurés dans les modèles alternatifs d’assurance, 1999–2007 18 % 16 % 14 % 12 % 10 % 8% 6% 4% 2% 0% 1999

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ASSURANCE-MALADIE

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Troisième édition des examens de diplôme fédéral

Deux nouvelles expertes diplômées en assurance-maladie

S

antésuisse a dû adapter ses règlements de formation en raison de modifications de la loi sur la formation professionnelle (LFPr) au 1.1.2004. Au printemps 2004 déjà, santésuisse avait déposé un règlement remanié et modifié de manière correspondante la formation au diplôme fédéral (DF). Comme il est de coutume pour les formations à ce niveau, les principales nouveautés consistent à intégrer le thème « management » et le travail de projet. Trois participants au cours au maximum peuvent constituer un groupe pour traiter le travail de projet et élaborer ensemble une solution. Cependant, afin qu’il soit possible de contrôler de manière approfondie les connaissances de chaque candidat, ceux-ci sont interrogés individuellement sur le travail de projet lors des examens oraux. Les autres dispositions du règlement d’examen n’ont pratiquement pas changé : il y a deux examens écrits qui durent chacun trois heures et trois examens oraux à 30 minutes chacun. A cela s’ajoute l’interrogation orale d’une demi-heure que nous avons déjà mentionnée sur le travail de projet. La moyenne des notes doit au minimum être de 4,0. Il ne doit pas y avoir plus d’une note au-dessous de 4,0 et aucune au-dessous de 3,0.

Cours de formation et examen Pour la troisième fois, les documents mais aussi les enseignants ont été mis à l’épreuve : nous avons tenu compte et intégré les remarques des participants aux cours ayant eu lieu précédemment. La troisième édition de ces examens de DF s’est également déroulée sans accrocs. Cela n’a été possible que grâce à l’important engagement du secrétariat, de la direction des examens et aussi des experts : dans notre système de milice, il aurait été impossible de mettre sur

Photo : Martina Wolf

L’année dernière, plusieurs personnes ont à nouveau suivi une formation en parallèle à leur activité professionnelle et se sont présentées aux examens de diplôme fédéral (DF). Au cours de la cérémonie de remise des diplômes qui s’est déroulée à Lucerne, deux nouvelles candidates ont reçu leur diplôme fédéral et ont ainsi obtenu le titre d’experte diplômée en assurance-maladie.

Perspectives

Faute d’un nombre suffisant d’inscriptions en 2006, nous faisons une pause d’une année en ce qui concerne les cours de formation au DF et pouvons ainsi nous consacrer entièrement à la révision déjà sur rails des cours de préparation au brevet fédéral (BF). santésuisse s’occupe également de séminaires à caractère médical et de la mise sur De gauche à droite : Yvonne Hebeisen, pied d’un nouveau cours pour les colDaniel Wyler, président de la commission laborateurs spécialisés. Nous adaptons d’examen, Annik Güntert. aussi le cours de formation de base et le cours de perfectionnement aux condipied de tels cours et examens sans leurs eftions changeantes du marché en tenant fort supplémentaires. En comparaison des mieux compte du matériel pédagogique années précédentes, les participants ont électronique et en effectuant des tests ineu cette fois plus de peine à rédiger les termédiaires pour vérifier les connaissantravaux de projet. Les solutions proposées ces à disposition ou acquises. Selon l’Ofétaient plutôt pragmatiques et par consé- fice fédéral de la formation professionquent moins créatives. Mais dans leur en- nelle et de la technologie (OFFT), notre semble les participants ont néanmoins jugé règlement concernant le BF est accepté. En que les questions étaient passionnantes et collaboration avec la commission d’exaparfaitement adaptées au niveau et qu’el- men, il faudra encore élaborer durant le les concernaient des problèmes difficiles premier semestre 2007 de nouvelles insqu’ils ont eu du plaisir à traiter. tructions afin que le règlement puisse entrer en vigueur au 1.1.2008 et que les exaFête de remise des diplômes mens puissent avoir lieu selon le nouveau Au cours de la séance de la commission mode prévu. d’examen, il a été constaté que deux per- Les employeurs sont toujours très préoccusonnes avaient réussi l’examen en 2006, ce pés de disposer d’un personnel dont la forqui correspond à un taux de réussite de mation est aussi proche que possible des 40 % (50 % en 2005). La disposition pré- problèmes rencontrés dans la pratique. Il voyant que seule une note insuffisante sur est donc parfaitement juste de faire appel sept pouvait être admise s’est révélée être à des intervenants de la pratique qui asfatale pour plusieurs participants. sument leurs tâches de formation dans le Au cours de la petite fête de remise des di- cadre de notre système de milice. Nous plômes à Lucerne, le président de la com- souhaitons remercier ici les assureurs qui mission d’examen, Daniel Wyler, a féli- mettent leurs collaborateurs à disposition cité les deux lauréates, Annik Güntert et afin qu’ils puissent suivre une formation Yvonne Hebeisen, toutes deux de Helsana. de base, des cours de perfectionnement ou Elles sont désormais titulaires du diplôme même des séminaires spécialisés. fédéral d’experte en assurance-maladie. Daniel Wyler


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DOMAINE DE LA SANTÉ

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Entretien avec Andreas Wildi, responsable de la section Médicaments à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP)

« Les demandeurs ont besoin d’une plus grande marge de manœuvre » Andreas Wildi, responsable de la Section Médicaments à l’OFSP, attend des effets positifs des dernières mesures de réduction des prix des médicaments. Il affirme toutefois que la réglementation doit encore être améliorée. S’agissant de la formation des prix, Wildi souhaiterait renforcer la position de l’acheteur par rapport à celle du fabricant.

infosantésuisse : Il y a peu, l’Association des entreprises pharmaceutiques suisses a fait une déclaration intéressante lors d’un point de presse : les baisses de prix de médicaments introduites par les autorités et l’industrie en 2006 ont eu un effet certain. Partagez-vous cette opinion ? Andreas Wildi : Oui. De fait, les chiffres de détail ne sont pas encore connus mais la période de juillet 2006 à juin 2007 est contrôlée. Nous apprendrons d’une part quels effets ont eu les mesures et, d’autre part, nous allons tenter de savoir quelle part des économies revient à la participation personnelle différenciée et laquelle est due aux baisses de prix. Pensez-vous que ces mesures auront un effet durable ? Faut-il s’attendre à des augmentations de prix qui restent néanmoins modérées ? L’acceptation des génériques s’est certainement étendue. Le modèle doit toutefois être encore affiné sinon le marché ne sera pas suffisamment poussé vers une optimisation des prix et l’utilisation des génériques.

« Lorsqu’un achat libre conduit à une participation personnelle durablement plus basse, les originaux et les génériques plus chers sont mieux placés. » A quelle adaptation pensez-vous ? Pour le moment, un médicament original peut être acheté dans le cadre de la participation personnelle différenciée. Lorsque son prix descend au niveau du générique, il reste pendant longtemps libéré

de la participation personnelle, même si, pendant ce temps, les prix du générique continuent de baisser. Ce mécanisme n’est pas des plus adéquats car, lorsqu’un achat libre conduit à une participation personnelle durablement plus basse, les originaux et les génériques plus chers sont mieux placés. La détermination des prix par la Commission des médicaments (CFM) et, en fin de compte, par l’OFSP, est souvent critiquée. Y a-t-il des plans pour que cette situation change ? Nous devons nous décider entre une fixation par un groupe de spécialistes, comme aujourd’hui la CFM en est un, et un processus complètement réglementé et quantifiable. Si nous abandonnons le premier au profit du second, nous créons aussi beaucoup plus de possibilités de recours. Je ne suis pas sûr que, dans ces conditions, des évaluations scientifiques et éthiques indépendantes soient plus aisées. Pourquoi seuls les fabricants ont-ils un droit de recours pour la liste des spécialités et non pas ceux qui assument les coûts ? Le cadre juridique actuel de la liste des spécialités n’est pas idéal. Nous sommes sans cesse en train de développer ce cadre de telle manière qu’il tienne compte en permanence des faits clairement établis. Il s’agit de garder en vue les intérêts des patients à obtenir des médicaments innovants aussi sûrs et bon marché que possible. La détermination des prix se fonde notamment sur des comparaisons avec l’étranger. Nos voisins relativement bon marché

comme l’Autriche, la France et l’Italie ne sont pas pris en compte. Pourquoi, exactement ? Lorsque le groupe des pays de référence a été établi, l’idée a prévalu que les pays sans recherche industrielle pharmaceutique n’étaient pas comparables à la Suisse. Evidemment, l’équation « industrie pharmaceutique = prix élevés » ne tient pas. Mais le principe vaut en Suisse que nous ne voulons pas de sous-enchère sur la propriété intellectuelle. C’est pourquoi on s’est décidé en faveur d’une comparaison avec des pays ayant des intérêts économiques semblables.

« Nous devrions pouvoir, à l’avenir, sans contrainte et en permanence, pouvoir créer un nouvel état de fait lorsque l’indication est élargie. » Mais un pays comme la France… Pour nous, l’élargissement du nombre des pays n’est pas urgent mais ce n’est pas un tabou. Le groupe de référence devrait représenter largement l’Europe. A mon avis, il devrait comprendre les pays voisins. Une fois établis, les prix des médicaments sont en Suisse relativement stables pendant la durée de protection par brevet. Pourquoi les prix des médicaments ne sont-il pas adaptés, lors d’un changement des conditions cadres, par exemple en cas d’élargissement de l’indication ? Fondamentalement, les adaptations de prix étaient possibles avec la LAMal : les conditions d’acceptation (dont l’économicité fait partie) doivent être respectées pendant toute la durée de figuration sur


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Photo : màd.

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la liste des spécialités. Comme les décisions de la LS sont des dispositions particulières, les voies de droit adéquates peuvent être utilisées lorsqu’elles sont modifiées. Ces procédures peuvent durer des années. Tout le problème est d’accorder une protection du brevet et de l’innovation sans aller au-delà de ce qui est nécessaire. En ce sens, nous devrions pouvoir, à l’avenir, sans contrainte et en permanence, pouvoir créer un nouvel état de fait lorsque de nouvelles connaissances sont disponibles et, par exemple, lorsque l’indication est élargie. En fin de compte, c’est une assurance étatique qui finance l’achat de médicament. Aujourd’hui, en revanche, la volonté du fabricant de pouvoir vendre son produit à un prix fixé est sensiblement dominante. Du point de vue de ceux qui financent le système de santé, nous devrions passer plus nettement à un marché dirigé par la demande. Le but n’est pas d’avoir un système de forfait comme en Allemagne mais bien une détermination différenciée du prix des médicaments. Le directeur de l’OFSP a déclaré il y a quelques mois que la LS pourrait être réduite de quelque 20 %. Une réduction de la LS est-elle envisageable dans un avenir prévisible ? Nous sommes en train de traiter la question de l’optimisation de la Liste des spécialités. Mais des questions de fond se posent : voulons-nous simplement biffer tous les médicaments bon marché ? Ou les médicaments contre les affections bagatelles ? Ou les médicaments à caractère préventif ? Aucune de ces voies n’est la meilleure et facilement praticable. Une réduction de la LS doit être différenciée car, au sein d’un même principe actif, les médicaments diffèrent par certains aspects. L’assainissement de la liste des spécialités n’est pas un projet que l’on peut commencer et terminer, mais un processus dynamique.

« Le cadre juridique actuel de la liste des spécialités n’est pas idéal. »

Où voyez-vous une nécessité d’agir, à court et long terme, en matière de politique des médicaments ? L’OFSP veut que les médicaments modernes et utiles soient disponibles pour tous les patients. Il veut pouvoir décider comme un demandeur doit pouvoir le faire, c’està-dire avec une marge de manœuvre plus large. Interview : Peter Kraft


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infosantésuisse  No 3, mars 2007

Réaction à l’article « Malades chroniques : notre système de santé correspond-il à leurs besoins ? » ; infosantésuisse 11/06

Fournisseurs de prestations en réseau – patients responsables Herman Hotz est pharmacien retraité et malade chronique. Notre article sur la fourniture de soins aux patients chroniques (novembre 2006) l’a amené à prendre une position intéressante, celle de quelqu’un directement concerné. Ses thèses sont les suivantes : plus de responsabilité chez les malades chroniques n’abaisse pas seulement les coûts mais encore augmente leur qualité de vie. La collaboration entre fournisseurs de prestations doit par ailleurs être améliorée. Trop souvent, une information lacunaire anéantit les efforts médicaux, écrit H. Hotz. Ci-dessous, en résumé, sa prise de position.

J

’ai lu avec intérêt votre article sur les malades chroniques. Je suis, moi aussi, un « chronique » (arythmies cardiaques, fibrillations auriculaires) et je surveille moi-même mon traitement. Généralement, les patients au long cours devraient être peu dépendants des médecins parce que le contrôle des données est assuré techniquement ; dans mon cas, il s’agit des paramètres sanguins, du poids et des arythmies. Pour les diabétiques, on sait depuis longtemps que le maintien d’une bonne qualité de vie passe par un contrôle personnel, avec ajustement des doses. Cette tâche, qui n’est pas simple, demande de la discipline et de la rigueur. Les patients deviennent ainsi des assurés majeurs et responsables, conscients du fait que leur comportement est décisif pour leur qualité de vie. Même si, pour d’autres pathologies, ce n’est pas la cécité qui menace ou l’amputation d’orteils voire de la jambe, l’exemple du diabète montre ce qu’on peut faire pour gagner en qualité de vie et, par le même mouvement, ce qui peut être économisé sur les coûts.

Trop de combattants solitaires D’un point de vue professionnel, la collaboration entre les fournisseurs de prestations dans l’intérêt des malades et des bien portants – qui n’en paient pas moins – est très lacunaire : on citera les médecins, les pharmaciens, les chiropraticiens, les sages-femmes, les personnes et les or-

ganisations qui travaillent sur mandat d’un médecin, les laboratoires et les fabricants de matériel médical qui sert aux traitements ou aux diagnostics, les hôpitaux, les institutions de soins partiellement stationnaires, les EMS et les bains. Pour la plupart d’entre eux, ils se voient comme concurrents : les médecins de famille reprochent aux spécialistes de vouloir se faire envoyer les patients et les spécialistes prétendent qu’ils peuvent tout aussi bien faire office de généralistes. Beaucoup de médecins se plaignent de n’avoir pas de successeur, aussi bien dans les vallées reculées que dans les agglomérations avec trop de médecins. Cet état de fait explique pourquoi il y a trop peu de collaboration dans le domaine de la santé ; trop de gens travaillent d’abord pour leur revenu et, en second lieu seulement, contre les maladies. Les patients sont désécurisés, suivent mal les indications thérapeutiques et les médecins de famille ne doivent pas savoir que leurs patients, de leur propre décision, vont voir un spécialiste. Il n’est donc pas étonnant qu’un patient sur cinq arrive en urgence, urgence précédée par une longue période de souffrances à domicile avec des coûts considérables.

Les patients aussi sont invités à agir Les patients devraient être conscients du fait qu’ils ne peuvent obtenir le succès de leur traitement que s’ils y collaborent. La

transparence complète en fait partie. La recherche d’un spécialiste doit être partagée avec le généraliste et tous les deux doivent connaître le problème médical en question. Le patient doit s’efforcer d’être au clair à propos de sa maladie et de son traitement et il doit suivre soigneusement et sur le long terme les prescriptions. S’il suit les indications thérapeutiques qui lui ont été recommandées et en vérifie les effets, il peut faire beaucoup pour son propre bien-être ; l’assurance-maladie pourrait y contribuer et le récompenser en pre-


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Photo : Prisma

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dans l’intérêt de la population, par le biais des dispositions légales sur l’assurance-maladie. Les ordonnances, prescriptions et mesures administratives devraient suffire. L’obligation faite aux fournisseurs de prestations de fournir les données des patients en traitement de longue durée permettrait à ces derniers d’avoir ces données à leur disposition en permanence. Il en résulterait encore un contrôle de qualité plus étendu puisque tous ceux qui doivent compléter ou modifier ces données s’efforceraient de ne pas faire d’erreur puisqu’ils ne sauraient pas à qui le patient va présenter ses données par la suite. Si un pharmacien, par exemple, commet ou ne remarque pas une erreur lors du traitement d’une ordonnance (erreur à régler avec le médecin), il est alors responsable des conséquences de la négligence qu’il aurait dû remarquer. Il en va de même avec les fournisseurs de prestations. Les incidents deviendraient de même statistiquement saisissables.

Informations lacunaires

L’échange d’informations entre les patients et les fournisseurs de prestations est essentiel à la desserte médicale des malades chroniques.

nant en charge, par exemple, les frais des tensiomètres, glycomètres ou autres appareils nécessaires. Outre ses pièces d’identité, toute personne devrait avoir avec elle les données relatives à sa santé, ses problèmes génétiques ou acquis, ses affections chroniques et présentes, ses résultats de laboratoire, ses traitements et ses médicaments. C’est de cette manière qu’elle serait le mieux protégée en cas d’accident ou de maladie à l’étranger ou lorsque son médecin est absent. L’éternelle problématique de la protection des

données serait ainsi résolue. Qui ne serait pas en mesure de gérer lui-même ses données pourrait les confier à une personne de confiance, médecin ou parent, pour leur mise à jour. La mutation de simple « patient » à assuré responsable et patient agissant ne devrait pas être un acte forcé mais bien procéder d’une conviction.

Une meilleure collaboration entre fournisseurs de prestations Le devoir de collaborer devrait être imposé aux fournisseurs de prestations,

Les malades dits chroniques ont beaucoup moins besoin d’aide médicale lorsqu’ils sont en mesure de surveiller euxmêmes leur état de santé. Mais ils ont alors besoin de données qu’ils ne peuvent pas eux-mêmes obtenir. La prise en charge des appareils, des tests et des examens ne représente qu’une partie de ce que coûtent, aujourd’hui, les urgences et autres démarches dues aux erreurs commises par les fournisseurs de prestations. Les effets sur les traitements médicaux peuvent être graves lorsque des informations manquent aux médecins consultés, y compris les ophtalmologues, les dentistes, les pharmaciens et les naturopathes. Je suis bien conscient que le choix et l’estimation des incitations ne sont pas simples pour l’assurance. Nous n’avancerons toutefois que lorsque les fournisseurs de prestations seront légalement obligés, dans l’intérêt de la population, de travailler de manière coordonnée. Il ne faut donc pas que des ordonnances ou autres dispositions légales ou administratives viennent contredire ce principe. Hermann Hotz, pharmacien retraité, Küsnacht ZH


service Ni dissolution ni création de nouvelles entités

Le nombre des assureurs-maladie reste stable Nouvelles du monde Obligation de s’assurer en Californie : Arnold Schwarzenegger, gouverneur de la Californie, envisage d’introduire une assurance-maladie obligatoire dans l’Etat de Californie. En parallèle, il veut interdire aux assureurs-maladie de procéder à la sélection des risques. Un nombre toujours plus grand de politiciens des Etats-Unis militent, au niveau national, en faveur d’une assurance-maladie obligatoire. L’OMS ne reçoit plus de ­virus : l’Indonésie a décidé de ne plus mettre à disposition de l’OMS des virus de la grippe aviaire à des fins de recherche et de contrôle. Au lieu de cela, le pays ne veut vendre les agents pathogènes de la maladie qu’aux fabricants du vaccin seulement. Plaintes de patients : le Service national de santé (NHS) de la Grande-Bretagne est confronté à un nombre toujours plus important de plaintes de patients pour cause d’erreurs de traitement. A ­elles seules, les dix plaintes les plus onéreuses ont coûté l’année dernière au NHS environ 170 millions de francs suisses. Bébé servant de gage : un hôpital serbe refuse de restituer à une femme son nouveau-né parce qu’elle ne peut pas payer sa facture d’hôpital. La jeune mère n’a pas de couverture d’assurance. Son bébé sert de gage à la clinique depuis deux mois déjà.

En 2007 comme en 2006, 87 assureurs offrent l’assurance-maladie obligatoire. Il n’y a eu ni réduction ni apparition de nouveaux assureurs. L’assainissement des structures a été massif surtout au début de

l’introduction de la LAMal : entre 1996 et 2000, le nombre des assureurs-maladie a chuté de presque un tiers en passant de 145 à 101. A partir de cette date, le marché semble s’être stabilisé. Jusqu’en 2005, le nom-

bre des assureurs-maladie a accusé une légère tendance à la baisse. En 2006, il a même augmenté pour la première fois par rapport à 2005 (85) pour atteindre le chiffre de 87 assureursmaladie

santésuisse se félicite de l’introduction rapide de la carte d’assuré à l’échelle nationale

Carte d’assuré suisse dès 2009 A partir de 2009, toutes les patientes et tous les patients devront présenter leur carte d’assuré s’ils veulent obtenir des prestations médicales et être remboursés par l’assurance-maladie. C’est le Conseil fédéral qui l’a décrété. Les données administratives des assurés figureront obligatoirement sur la carte. Il est possible d’y ajouter, à titre facultatif, des données relatives à la santé telles que le groupe sanguin, les allergies ou des maladies dont souffre actuellement l’assuré.

santésuisse se réjouit de l’introduction de la carte d’assuré : les assureurs en attendent une simplification des processus administratifs et une amélioration de la qualité du système de santé. Toutefois, la date d’introduction – prévue dans le courant de l’année 2008 – ne paraît pas réaliste. D’une part, le nouveau numéro d’assurance sociale ne sera pas encore connu à cette date. D’autre part, l’introduction d’une carte d’assuré au milieu de l’année n’a que peu de sens. Le dé-

lai de résiliation pour l’assurance de base échoit à fin novembre – ce n’est donc qu’à ce moment que peut débuter la production de cartes. santésuisse propose donc pour la livraison de la carte un délai transitoire jusqu’à mars 2009. Les assureurs sont très réservés en ce qui concerne la possibilité d’enregistrer des données médicales sur la carte d’assuré. Cette possibilité ne doit pas compliquer et renchérir le processus d’introduction de la carte.


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SANTÉSUISSE – SERVICE infosantésuisse  N 3, mars 2007 o

Manifestations Organisateur

Fait particulier

Date/lieu

Renseignements

Thèmes : Desserte de base, système cardiovasculaire, douleurs et dopage

21–22 mars KKL Lucerne

www.trendtage-gesundheit.ch

Notamment : Comment procéder en cas d’arriérés de primes ?

27–28 mars Hôtel Arte, Olten

www.santesuisse.ch

Thème : Mesurer la qualité, oui – Publier les résultats : une réelle nécessité ?

28 mars Hôtel Arte, Olten

www.vereinoutcome.ch

Thème : Un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée – une plus-value pour les entreprises et les collaborateurs

29 mars Université de Saint-Gall

www.bgf-tagung.ch

Thème : L’avenir de la télémédecine

8 mai Hôtel Hilton, Bâle

www.medgate.ch

10 mai Maison des Congrès, Zurich

www.rvk.ch

3. Luzerner Trendtage Gesundheit Forum Gesundheit Lucerne Séminaire d’actualité santésuisse Symposium 2007 Association Outcome

Journée nationale de la promotion de la santé dans l’entreprise Seco et Promotion Santé Suisse

4 e Symposium de Medgate Medgate

RVK

Le patient au centre des préoccupations – entre autres, exposés de Thierry Carrel et de Peter Indra

Dessin : Marc Roulin

9 e Forum suisse de l’assurance-maladie sociale


Unser Mandant ist eine im Grossraum Zürich domizilierte, mittelgrosse, zukunftsorientierte und erfolgreiche Krankenversicherung. Wir suchen Sie als

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Sie verfügen über die entsprechende Ausbildunag als eidg. Dipl. Buchhalter/Controller (eidg. Fachausweis für Buchhalter) oder haben eine HWV abgeschlossen und können sich über eine erfolgreiche Praxis in der Krankenversicherung ausweisen. Weiter sind Sie zweisprachig und bringen die Kentnisse von Excel, Sesam und anderer PC-Software mit. Führungserfahrung ist eine Bedingung.

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Risikoabklärung und Beurteilung im Bereich Neuaufnahmen/Versicherungsänderungen Fallbesprechungen mit Vertrauensarzt Erledigung von Spezialfällen Verfügungen, Wiedererwägungen Sicherstellung der fristgerechten Antrags- und Mutationsabwicklung Personelle und fachliche Führung von 4 Mitarbeiter/Innen Fachspezifische Unterstützung des unterstellten Personals Ausarbeiten von Weisungen und Beschlüssen der Geschäftsleitung Mitarbeit von Projekten

Um diese vielseitige, anspruchsvolle und weitgehend selbständige Position zu übernehmen, haben Sie eine fundierte Aus- und Weiterbildung (Fachausweis der sozialen Krankenversicherung oder der Sozial- oder Privatversicherung) abgeschlossen und bringen die notwendige Führungsverantwortung mit. Sie sind zwischen 30–50-jährig, sprechen Deutsch und Französisch. Möchten Sie gerne mehr erfahren? Lassen Sie uns Ihre vollständigen Bewerbungsunterlagen zugehen, wir nehmen mit Ihnen Kontakt auf. Nicole Schmid, Personalberatung, Dahlienstrasse 3, 9205 Waldkirch


Annuaire de l’assurance-maladie suisse L’annuaire de l’assurance-maladie suisse paraîtra probablement au mois d’avril / mai 2007.

L’édition 2007 comprend dans sa partie administrative : • les chiffres concernant l’assurance-maladie sociale en Suisse • la liste des autorités fédérales et des commissions • la liste de santésuisse (conseil d’administration, collaborateurs de la direction de Soleure, secrétariats régionaux et cantonaux) • la liste des équipes d’assureurs chargés de la collaboration au sein de l’association et des commissions paritaires de santésuisse • les institutions affiliées • les instances cantonales compétentes en cas de litige impliquant l’assurance de base ou l’assurance complémentaire • la liste des membres de santésuisse avec des informations détaillées • les groupements d’assureurs-maladie • les statuts et règlements de santésuisse • le tableau des prestations aux accouchées

La partie législative contient, entre autres, les lois et ordonnances suivantes : • ordonnance sur la limitation de l’admission des fournisseurs de prestations à pratiquer à la charge de l’assurance-maladie obligatoire • ordonnance sur le calcul des coûts et le classement des prestations par les hôpitaux et les établissements médico-sociaux dans l’assurancemaladie (OCP) • loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) • ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales (OPGA) • loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) • ordonnance sur l’assurance-maladie (OAMal) • ordonnance sur les prestations de l’assurance-maladie des soins (OPAS) • loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA) • ordonnance sur l’assurance-accidents (OLAA) • loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA) • loi sur la protection des données (LPD)

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