Mémoire de master en Architecture soutenu le 23 janvier 2018 ● Promotion 2016-2018 Séminaire Architecture/s et Paysage/s ● Thématique de séminaire Environnement, Territoire
Du Provisoire au Permanent L’Architecture Participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah Deunet N° 2 0 1 3 0 0 9 7
● Sous la direction de : Catherine Zaharia, Catherine Szanto, Rosa De Marco, Corinne Luxembourg, Jean-Paul Robert. Avec le suivi collégial de Nicole Valois ● En échange à : Kyūshū University, Faculty of Human Environnement, Department of Architecture and Urban Design, de septembre 2016 à septembre 2017, suivi par Kaoru Suehiro, professeur titulaire ● Mots-clés : Architecture participative, système d’habitations d’urgence, maisons temporaires, camp, catastrophe naturelle, reconstruction, provisoire, permanent, Japon
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Je souhaite vivement saluer l’ensemble des enseignants de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris La Villette grâce auxquels j’ai pu rassembler les éléments nécessaires à la réalisation de ce mémoire. Tout particulièrement les
professeurs
référents
qui
ont
suivi
l’avancement de mon travail : Catherine Zaharia, Catherine Szanto, Rosa De Marco, Corinne Luxembourg et Jean-Paul Robert. L’équipe enseignante du Workshop Architecture and Urban
Design
Studio
2016,
Alternative
Emergency Housing System for Natural Disaster organisé par l’Université de Kyushu ; et plus particulièrement Suehiro Sensei professeur de suivi de mémoire lors de mon année d’échange au Japon à Fukuoka.
Je tiens également à remercier de tout cœur mes camarades et amis
pour tout leur
soutien, leur bienveillance, et leur bonne humeur dont j’ai pu bénéficier durant ces études d’architecture.
2
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Résumé Le Japon est un des pays qui subit le plus l’aléa naturel, la fréquence de ces aléas l’a obligé à se doter d’un système de gestion post-catastrophe le plus efficace du monde. Pour ne pas laisser à la rue les milliers de sinistrés, le gouvernement met à disposition des séries d’habitations temporaires préfabriquées. Ces camps génèrent de nombreux enjeux : notamment la question de l'exclusion et de la temporalité : Où s’arrête le provisoire ? L’objectif de cette étude était de comprendre la place qu’occupe l’Architecte dans ce système, du Provisoire jusqu’au permanent, des maisons temporaires jusqu’à la reconstruction du territoire. D’étudier l’importance et l’impact des démarches participatives dans ses ensembles. La problématique est par conséquent la suivante : Quel rôle l’architecte peut-il avoir dans la reconstruction d’un territoire après une catastrophe naturelle ?
Pour répondre à cette problématique Cette étude se base sur une chronologie des étapes de la reconstruction dans une double temporalité : le temporaire et le permanent. Tout d’abord un diagnostic in situ des camps japonais a été mené ainsi que des recherches sur la mise en place et le fonctionnement de ces camps. De ces observations, plusieurs enjeux sont décelés, tout d’abord l’existence isolée des sinistrés vivant dans ses ensembles désincarnés, mais également l’exclusion totale de l’architecte dans le processus de conception. Toujours dans le provisoire, cette étude s’intéresse aux initiatives d’architectes à vouloir être intégré dans la démarche officielle. Ces différents projets basé sur une démarche participative, replace l’homme au centre du processus de conception et à la différence du gouvernement japonais, vise une résilience communautaire plutôt qu’individuelle. Des projets comme Home For All interroge la prise en compte du territoire, le questionnement de la forme architecturale de nos jours et la hiérarchie entre les acteurs dans le processus de conception et construction.
Pourrait-on cela dit reconstruire par l’Architecture Participative ? Puisque les 3 systèmes d'habitations d'urgence sont par essence sensé être provisoire cette étude pose la question du permanent. En s’appuyant sur la théorie de Tokyo Ito et
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Pourrait-on cela dit reconstruire par l’Architecture Participative ? Puisque les systèmes d'habitations d'urgence sont par essence sensé être provisoire cette étude pose la question du permanent. En s’appuyant sur la théorie de Tokyo Ito et ces réflexions sur la reconstruction des villes détruites par le tsunami de 2011, ce mémoire compare cette approche à celle qui correspond à la réalité de la reconstruction où les architectes ne sont pas inclus. Les plans des nouveaux territoires tournent uniquement autours de l'ingénierie, et la question de la sécurité, justifiables après une si grande catastrophe mais qui d'une certaine façon perpétue cette idée de standardisation de la construction et des modes de vie que l'on pouvait déjà trouver dans les maisons temporaires. La reconstruction s’heurte également à de nombreux enjeux, tout d'abord administratifs avec des procédures très lourde, mais principalement économique : baisse des subventions de l'état, non flexibilité des gouvernements locaux à gérer leur budget comme ils l'entendent… Il existe un désintérêt de la question de la reconstruction des zones sinistrées notamment dû à la situation économique du Japon et de ses autres projets qui monopolise le budget de l'état (coupe du monde de rugby, jeux olympiques etc.).
En se heurtant à cette réalité de la reconstruction, la démarche participative ne pourra peut-être pas reconstruire un territoire physique seule. Mais particulièrement dans le cas où les individus des camps de 2011 y vivent toujours depuis 7 ans au lieu de 2 à cause de la lenteur de la reconstruction, la démarche participative des systèmes d'habitations d'urgence prend tout son sens. Pour les sinistrés vivant dans des habitations obsolètes leur infligeant des problèmes de santé, d’exclusion, ces projets sont absolument nécessaires pour leur qualité de vie: Elle offre l'opportunité de se retrouver en tant que groupe autour d'un projet et offre un espace, dans le cas de Home For All, où les sinistrés peuvent penser à l'évolution de leurs propres conditions et s'organiser. D'une certaine façon cette approche participative apporte une idée de pérennité dans un système qui est censé être provisoire. Sans reconstruire physiquement elle renforce le lien social et reconstruit la communauté. Ce qui est essentiel pour le futur de ses territoires.
4
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Introduction/P10 Partie I : Fonctionnement des systèmes d’habitations d’urgence : Enjeux et limites/P16 1) Construire dans l’urgence : Mise en place d’un système d’habitations d’urgence au Japon, exemple de Kumamoto
/P17
Le Japon et l’aléa sismique /P17 La gestion des risques au Japon : les enjeux des habitations d’urgence/P20 Acteurs publics dans la mise en place des habitations d’urgence/P25 Mise en place des maisons temporaires/P26
2) Fonctionnement d’un système d’habitations d’urgence au Japon : exemple de Kumamoto
/P32
Le module de maison temporaire préfabriquée /P32 Le camp de maisons temporaires /P42
3) Le camp comme lieu d’exclusion : Enjeux et limites perceptibles dans les camps planifiés
/P46
La durabilité des systèmes de maisons temporaires préfabriquées/P46 Une exclusion physique et psychique/P50
5
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Partie II : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence : Le camp comme nouveau lieu de vie/P56 1) L’architecture participative : la volonté d’une construction engagée De la résilience individuelle à la résilience communautaire
/P57
/P57
L’Architecture Participative, une volonté des architectes à participer aux systèmes d’habitations d’urgence/P60 Dispositifs de petite échelle : Le projet Kasei à Kumamoto/P62
2) Home For All, Conception et description du projet
/P68
La naissance de Home For All/P68 Rikuzentakata, revivre après le traumatisme/P72 Processus de conception : la fusion des esprits/P74 La mémoire du lieu/P77
3) Home For All, une nouvelle vision de l’Architecture
/P88
Réinterroger la place des acteurs de la construction /P88 Réinterroger l’architecture actuelle /P92 Un mouvement de grande envergure
P95
6
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Partie III : De l’éphémère au permanent : l’enjeu de la reconstruction/P100 1) Reconstruire par l’architecture participative Reconstruire différemment
/P101
/P101
Approche « Top Down » et « Bottom Up »
/P103
Reconstruire par l’Architecture Participative
2) La réalité de la reconstruction
/P106
/P112
Le grand absent du processus de reconstruction du territoire: l’architecte Une reconstruction qui stagne
/P117
Des financements qui limite les champs d’action des communes
3) L’obsolescence des maisons temporaires de Tohoku
/P118
/P125
Un désintérêt du gouvernement à propos de la reconstruction /P125 Obsolescence des maisons temporaires/P128 La réponse participative, une réponse utopiste ?
7
/P131
/P112
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Conclusion/P136 Bibliographie
/P142
Table des Figures Annexes
/P146
/P152
8
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
9
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
10
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui est rythmé par les aléas naturels qui entrainent à toutes les échelles des mouvements de population. Dans le contexte du réchauffement climatique, le nombre de ces catastrophes s’accroit: en effet, le dérèglement du climat entraine une multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes. Selon les climatologues du GIEC les catastrophes naturelles frappent de façon de plus en plus fréquente avec des intensités de plus en plus fortes suite à l’augmentation de la température sur la terre et dans les océans. Il s’agit d’une évolution significative qui inquiète les experts depuis les années 1980 : selon eux, 9 catastrophes sur 10 sont désormais liées au dérèglement climatique de notre planète, depuis 30 ans le monde serait touché par 615 catastrophes en moyenne par an, laissant plus de 66 000 victimes et près de 95 milliards de dollars de dégâts matériels par an (1).
Ces aléas causent donc la destruction partielle voire totale de certains territoires sur l’ensemble du globe, les gouvernements et associations concernés proposent dans l’urgence des solutions d’abris de manière à offrir un toit aux sinistrés ayant tout perdu. Une catastrophe a de nombreuses répercussions dans la vie des sinistrés, elle va impacter tout le fonctionnement d’un territoire : de son activité économique (zones d’activité détruites), à son système d’éducation en passant par _____________________
(1) Chiffres du GIEC, Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, Site internet IPCC Intergovernmental Panel on Climate Change http://www.ipcc.ch, 2017
11
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
l’habitat. Que cela soit dans la mise en place d’abris ou dans un contexte de reconstruction du territoire un des plus grands enjeux reste en effet celui du logement : Bruce Archer écrit en 1965:
Nous construisons des maisons pour conserver un climat constant à l'intérieur, et pour que dehors restent les pillards (2)
L’habitat a par définition un rôle de bouclier, sa première fonction la plus primitive est de protéger le corps : Depuis toujours la façade constitue avec la toiture ce que l’on peut appeler la peau du bâtiment : une épaisseur étanche et isolée qui nous protège des éléments extérieurs indésirables tels que les intempéries et les variations de température. Elle bénéficie ainsi d’un statut primordial puisqu’elle joue le rôle de barrière pour le corps humain qui ne se suffit pas à luimême pour lutter contre ces perturbations.
L’habitat est donc dans un premier temps un élément de survie, primordial à notre protection. Mais il ne se limite pas à juste un abri protecteur, Cyrus Mechkat et Hossein Sarem-Kalali écrient :
La disposition d’un habitat représente indéniablement un frein contre la pauvreté et l’exclusion, un élément de stabilité, de prévention contre les conflits, un instrument de paix. (3)
_____________________
(2) Bruce Archer, Systematic Methods for Designers, Ed. Council of Industrial Design, 1965, 39p. (3) Cyrus Mechkat et Hossein Sarem-Kalali, De l’habitation d’urgence et de la reconstruction au développement, Ed. Le Globe, 1999, p 161-186.
12
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
En effet le logement possède également une valeur symbolique : en plus de sa fonction protectrice, L’habitat est un facteur essentiel de qualité de vie, il offre un gage de sécurité et de confort mais garanti aussi une certaine intégration sociale dans la collectivité.
Pourtant à l’échelle du monde, le modèle d’habitat le plus commun généré par les catastrophes naturelles est le campement. Aujourd’hui plus de quinze millions de personnes dans le monde vivent dans des camps de réfugiés ou de déplacés, suite à des catastrophe climatiques mais aussi à des crises politiques. Directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement et directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, l'anthropologue Michel Agier écrit Un monde de camps, livre qui dresse un portrait de la situation des camps dans le monde. Il explique :
Environ 6 millions sont installées dans des camps gérés par une organisation internationale, autant sont déplacées à l'intérieur de leur propre pays et vivent elles aussi dans des camps. […] C'est devenu un domaine d'études à part entière, que nos collègues de langue anglaise appellent " camp studies ". Au-delà des chiffres, qui sont toujours sujets à caution et très changeants, cette répétition de l'encampement, qu'il soit sous domination humanitaire, administrative ou sécuritaire, doit nous amener à nous interroger. D'abord sur son sens politique comme forme globale, comme une des formes du gouvernement du monde. Et puis, bien sûr, sur la grande diversité de ces lieux de mise à l'écart. (4)
_____________________
(4) Michel Agier, Un monde de camps, Ed. La Découverte, 2014, 422p.
13
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Le japon, étant situé sur la rencontre de 4 plaques sismiques, est tristement célèbre pour la fréquence et l’intensité des aléas qu’il subit depuis le début de son histoire. Nous avons tous en mémoire le grand séisme de Tohoku (plus communément appelé la catastrophe de Fukushima dans les pays de l’Ouest) survenu en 2011, une série de tremblements de terre suivie d’un tsunami et de graves répercussions sur l’activité nucléaire de la côte Est du Japon. Sa violence inouïe a laissé de profonds stigmates dans les esprits et dans le paysage même 6 ans après la catastrophe. L’archipel Japonais a développé son savoir architectural sur l’idée de la reconstruction perpétuelle parfois de quelques habitations, de quartiers voir de territoires entiers dans le cas du tremblement de terre de 2011. Il s’agit d’une reconstruction matérielle, celle des villes détruites, mais aussi mentale et sociale : comment réintégrer les individus qui habitaient dans ses espaces maintenant dévastés dans la société?
Tremblements de terre, typhons et parfois tsunamis, le Japon devenu expert dans la gestion des risques et des sinistrés. Contrairement au reste du monde, le gouvernement a développé particulièrement après le séisme dévastateur qui a touché la ville de Kobe en 1995 un système d’habitations d’urgence d’une grande efficacité qui représente une part conséquente du budget national. Il s’appuie sur une triple temporalité : des abris provisoires dans un premier temps puis des logements temporaires en modules préfabriqués agencés pour constituer un objet particulier : le camp. Puis dans un 3ème temps, .un retour à la normalité et à des habitations permanentes.
Ces situations génèrent des enjeux de taille, comment gérer les milliers de sinistrés ? Comment penser la reconstruction d’un territoire ? C’est là qu’intervient la question du rôle de l’architecte dans ce processus. Si l’on consulte le dictionnaire Larousse, l’architecture se définit comme « l’art de construire des bâtiments ». En effet l’architecte par essence dessine, conçoit des édifices, aménage des espaces, tout cela en manipulant des notions autant techniques qu’esthétiques. Cette explication, très concise permet tant bien que mal de dresser un portrait général de la profession. Or, nous savons que l’Architecture est un domaine bien plus complexe, qui ne peut se 14
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
réduire à un champ unique : Interdisciplinaire, l’architecture connecte et fait interagir autant des domaines analogues que contrastés. Enfin, cette définition très sommaire ne suffit pas, particulièrement dans ce contexte puisqu’elle ne répond en aucune façon aux questions les plus primordiales de toutes : L’Architecture, Comment ? Par qui ? Et surtout : Pour qui ?
Quel rôle l’architecte peut-il avoir dans la reconstruction d’un territoire après une catastrophe naturelle ?
15
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Fonctionnement des systèmes d’habitations d’urgence : enjeux et limites
16
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
I.A
Construire dans l’urgence : mise en place d’un système
d’habitations d’urgence au Japon
Nous allons dans un premier temps essayer de comprendre les enjeux auxquels le Japon doit faire face aujourd’hui concernant son exposition aux aléas naturels et quelle réponse il met en place dans un contexte d’urgence.
Le Japon et l’aléa sismique :
Comme nous l’avons évoqué, les études sur le réchauffement climatique prévoient la multiplication de catastrophes naturelles. Cependant, le mot de catastrophe est employé pour désigner des situations bien plus diverses que les événements naturels qui touchent les sociétés humaines comme les séismes ou les inondations : catastrophes économiques, catastrophes sanitaires, catastrophes humanitaires, catastrophes environnementales. De manière générale, on peut définir une catastrophe comme une série d’événements qui affectent l’ensemble d’un groupe et que l’on considère comme particulièrement néfastes. Le japon lui, si des systèmes d’habitations doivent se mettre en place il s’agit d’une réponse aux nombreux aléas naturels qu’il subit. L’Archipel Nippon est tout d’abord un archipel volcanique, situé sur la « ceinture de feu du Pacifique » à la rencontre de la plaque eurasienne à l'ouest, de la plaque philippine au sud, de la plaque pacifique à l'est et de la plaque d'Okhotsk au 17
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
nord. Cette localisation créé un réel contexte d’instabilité sismique. Pour comprendre l’ampleur de l’exposition du japon à l’aléa sismique, il faut savoir que le pays subit 20% des secousses les plus fortes du monde, et jusqu’à 1000 séismes par an ce qui équivaut à environ 3 par jour.
Japon
20%
3
Des secousses les plus fortes du monde (5) Nombre de tremblement de terre de magnitude 6+ sur l’échelle de Richter (1998-2008) : Monde : 1018 Japon : 212
Tremblements de terre par jour soit 1000 par an
Figure 1 : Probabilité d’occurrence de Séismes 6 et + d’ici 30 ans, Headquarters for Earthquake Research Promotion, http://www.jishin.go.jp, 2014
18
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
De plus il ne s’agit pas d’un phénomène qui décroit, bien au contraire : même s’il reste difficile de prédire l’arrivée d’un séisme en amont, la côte ouest du Japon serait la plus exposée aux aléas. Ayant déjà subi les dégâts du tremblement de terre de Tohoku en 2011, sur une période de 30 ans il y a 100% d’occurrence de séismes de magnitude 6 minimum sur la côte (Figure 1). Le reste de l’archipel ne reste pas à l’abri non plus avec une probabilité dans certains territoires situés au cœur du pays oscillant dans les 25%.
Figure 2 : Etat des lieux des aléas hydrographiques sur les côtes japonaises, Le système de Gestion des risques aux Japon, Rapport de l’Ambassade du Japon, 2010, 38p.
19
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
En plus de l’aléa sismique, le Japon est fortement exposé à l’aléa lié à l’hydrographie : que cela soit lié aux hautes marées ou aux tsunamis, une vague géante dont l’ampleur peut atteindre la taille d’un immeuble et infliger des dégâts d’une grande violence … la quasi-totalité des zones côtières japonaises soit 35,000 km sont fortement exposées. (5)
La gestion des risques au japon : les enjeux des habitations d’urgence
Lors de mon année d’échange à l’étranger à Fukuoka, au Japon, j’ai pu observer de plus près la sensibilisation des architectes à la gestion des catastrophes naturelles. Cette dernière passe dans un premier temps par des principes constructifs : l’étude de la résistance des structures, les systèmes nécessaires aux bâtiments parasismiques… Puis bien sûr par le développement d’habitations d’urgence appelées kasetsu lorsqu’un désastre a eu lieu. Ces cours autant théoriques que pratiques sont très répandus dans les universités japonaises, parce qu’ils participent d’une certaine façon aux savoir-faire nécessaires au quotidien d’un architecte ou d’un ingénieur au Japon.
Comme nous l’avons évoqué plus tôt, l’Histoire du Japon est rythmée par l’idée d’une reconstruction perpétuelle qui est générée par des catastrophes naturelles de plus ou moins grande ampleur. Dû à la forte fréquence de ce type de désastres de nombreuses agences d’architectes, associations humanitaires, organismes privés et publics travaillent ensemble pour répondre à ses questions. La somme de ces acteurs participe à un système aux rouages de plus en plus huilé, perfectionné d’années en années pour en améliorer l’efficacité.
_____________________
(5) Takanori isogai, Le système de Gestion des risques aux Japon, Rapport de l’Ambassade du Japon, 2010, 38p.
20
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Nous devrions tout d’abord essayer de définir ce qu’est construire dans l’urgence. Comment ce système se met-il en place et en quoi cela diffère des infrastructures « classiques » ?
Comme son nom l’indique l’habitation d’urgence intervient dans le cas d’une situation particulière, lorsque la demande de logement subit une augmentation alarmante dans une courte période. Le système proposé doit répondre aux besoins primaires des sinistrés et leur permettre d’accéder d’une part à une structure ayant un maximum de confort, d’efficacité dans sa conception (mise en œuvre, matériaux choisis etc...) Mais d’autre part qui leur apportera un élément nécessaire pour se réintégrer dans la société. C’est dans la pluralité disciplinaire de ces enjeux (Economiques, écologiques et sociaux) que l’on comprend l’importance du développement d’un système efficace et de qualité.
On peut considérer l'hébergement d'urgence comme un devoir d'assistance à personne en danger, Les gouvernements et associations concernés peuvent décider de mettre en place ce type d’habitats pour de multiples raisons. Cela peut faire suite à la destruction partielle ou totale d’habitations due à des catastrophes naturelles. Il peut s’agir également d’une solution à court terme pour loger des individus évacués de leurs habitations d’origine en réponse à des catastrophes sanitaires.
L’Habitation d’urgence est donc le premier habitat, en urgence, d’une chaîne d’actions devant conduire au relogement pérenne de chaque famille. On peut dissocier trois étapes fondamentales dans l'action du secours d'urgence :
21
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Etape 1 : L’abri de premier secours / Secours immédiat juste après la catastrophe Il s’agit de la première étape de gestion des risques, les sinistrés seront logé dans un premier temps dans des infrastructures souvent quelques heures après la catastrophe. On peut discerner deux catégories : les équipements publics ayant survécu à la catastrophe comme les gymnases, écoles…) puis les structures à montage rapide dans le cas échéant (tente, halles etc..).La temporalité de cette situation va varier selon l’ampleur de la catastrophe et des logements détruits ; dans le cas où il est nécessaire de construire des logements intermédiaires avant le relogement pérenne des familles, les abris de premier secours peuvent être mis généralement à disposition de 4 à 5 mois dans l’attente de la construction de ce logement.
Figure 3 : Paper Partition, Projet de Shigeru Ban pour les sinistrés du tremblement de terre de Tohoku, The Humanitarian Work of Shigeru Ban, www.archidaily.com, Rapport de l’Ambassade du Japon, 2014
22
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Cette attente peut générer des situations assez dramatiques, dans le cas du séisme qui avait frappé la région de Kumamoto le 16 avril 2016, le 13 juillet soit 3 mois après la catastrophe 4870 personnes dormaient encore dans les gymnases mis à disposition par la commune où des rectangles de carton servent de parois entre les familles. En effet, Selon le magazine The Japan Times la construction de maisons temporaires n’avait pu satisfaire toutes les demandes en même temps : 2 mois après la catastrophe dans la préfecture de Kumamoto, 1300 habitants de la ville de Mashiki avaient effectué une demande de logement temporaire pour un premier lot de 976 unités disponibles. Les responsables de la ville ont déclaré que la construction prévue de 1 200 logements n'est toujours pas suffisante, puisque plus de 4 700 maisons à Mashiki ont subi des dommages importants. Le gouvernement préfectoral de Kumamoto a réservé des fonds pour aider à couvrir les coûts de construction de 4 600 logements temporaires (6).
Etape 2 : L’abri temporaire / Réorganisation et stabilisation de la situation
Les sinistrés ayant été pris en charge dans les gymnases et autres abris préfabriquée ont la possibilité de faire une demande de maison temporaire si leur ancienne maison n’est plus habitable. Le temps d’attende dans les abris vont dépendre de la rapidité de construction de ces maisons. Il n’est pas envisageable d’attendre la construction finie de toutes les unités d’habitations, elles sont du coup livrées par lot. Les sinistrés peuvent ainsi quitter les abris dès lors qu’ils reçoivent leur logement. Cette étape est la plus longue avant d’atteindre la phase du relogement puisqu’elle dépend indéniablement de la rapidité de la reconstruction. Dans l’organisation des systèmes d’habitations d’urgences Japonais, les sinistrés peuvent résider en théorie sur une période de deux ans en maison temporaire. Cette dernière sera ensuite détruite après le temps écoulé. Nous reviendrons plus longuement sur la composition de cet habitat d’urgence à la suite de cette recherche. _____________________
(6) Kyodo, “Quake-hit town in Kumamoto opens first batch of temp housing units”, The Japan Times www.japantimes.co.jp, 14 juin 2016
23
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
➊ Abris provisoires et sécurité De 4 à 5 mois
Figure 4 : Refuge mis en place dans la région de Kumamoto par le gouvernement, Le Monde 05, 08,2016
➋ Logement temporaire, stabilité 2 ans
Figure 5 : Maisons temporaires dans la région de Kumamoto par le gouvernement, www.daiwalease.co.jp 24
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Etape 3 : Reconstruction / Retour progressif à la normalité Il s’agit au retour à une situation normale et stable. Après ces deux types d’habitations d’urgence (de premier secours et temporaire) les sinistrés peuvent réintégrer un logement à durée illimité et réintégrer la société.
Acteurs publics dans la mise en place des habitations d’urgence
Plusieurs acteurs interviennent dans la mise en place de ses habitations temporaires, tout le système est basé sur un dialogue entre ses acteurs et sur les retours d’expériences des précédents systèmes mis en place. Il faut savoir qu’au Japon il existe 3 échelons administratifs (7) :
_____________________
(7) JPB Japan Bosai Platform, Provision of emergency temporary Housing, www.bosai-jp.org 2016
25
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Chaque échelons va avoir un rôle différent à jouer dans la gestion des risques ; L’état ou plus particulièrement le premier ministre ou le « Ministre chargé de la gestion des risques » (poste été créé en 2001 pour promouvoir la coordination des mesures au sein du Gouvernement), va être garant de la Protection du territoire, de la population et des biens et va être chargé de la Coordination de la gestion sur le plan national. Il y aura ensuite une coordination de la gestion sur le plan départemental, géré par les 47 départements, puis enfin à l’échelle communale, les 1700 maires seront responsables de l’exécution du plan de la gestion des risques naturels.
Mise en place des abris temporaires
Comme nous l’avons tout juste évoqué les abris temporaires sont théoriquement la deuxième et dernière étape avant le relogement pérenne des familles sinistrées. Il semble intéressant désormais de s’intéresser aux détails de livraison de ses logements, la plupart des informations développées ici sont tirées de la Japan Bosai Platform, ou JPB (8) , Il s’agit d’ une organisation japonaise créée le 4 juin 2014 composée de membres de l'industrie, du monde universitaire et du gouvernement, qui vise à répandre dans le monde ses connaissances et savoir-faire sur la question de la prévention et à la gestion
des catastrophes. Le gouvernement Japonais verse
régulièrement des aides pour contribuer à l’amélioration de la réduction des catastrophes naturelles dans les pays émergents d’Asie. Le Japon partage ainsi sa technologie de pointe et ses connaissances cultivées par les expériences passées, particulièrement après la catastrophe de Tohoku de 2011. Plusieurs dossiers font référence à la gestion des abris temporaires et indiquent quelles industries sont impliquées dans le processus.
_____________________
(8) JPB Japan Bosai Platform, Provision of emergency temporary Housing, www.bosai-jp.org 2016
26
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Les logements temporaires d’urgence sont prescrits comme un devoir administratif de l’Etat par « la Disaster Relief Act »que l’on peut traduire comme la loi sur le secours en cas de catastrophe. Depuis qu’elle a été promulguée en 1947, le gouvernement injecte donc régulièrement de l’argent dans un budget spécialement prévu pour ces habitations. Ce plan met l’Etat et les gouvernements locaux comme acteurs principaux dans la question de la gestion du secours en cas de catastrophe. Il a pour objectif de protéger les sinistrés et de rétablir l’équilibre social. En prenant en compte les mesures préventives de base liées aux catastrophes naturelles, l’Etat va pouvoir mettre en place des maisons temporaires et apporter des aides et indemnisations particulières aux communes et victimes des désastres naturels. (Figure 6)
Dans un second temps cet argent va être partiellement reversé aux départements qui vont se coordonner ensuite avec les communes pour dialoguer avec les constructeurs de préfabriqués. Ces derniers sont des compagnies privées sous contrat préalable avec les départements pour réaliser les infrastructures nécessaires en cas de catastrophe. Il s’agit de la JPA : Japanese Prefabricated Constructions suppliers and manufacters Association, une Association japonaise des constructeurs préfabriqués (composés de fournisseurs et de fabricants), qui joue ici un rôle clé dans l’approvisionnement de logements temporaires d'urgence.
Tout en restant en accord sur les constructions proposées avec le département, cette association va dans un second temps mettre en contact plusieurs constructeurs et ingénieurs rassemblés en plusieurs comités: comité de constructions préfabriquées, comité du logement et comité de la construction standardisée pour faire parvenir ses instructions à une entreprise.
_____________________
(9) JPA Japanese Prefabricated Constructions suppliers and manufacters Association, Orgazitional structure, http://www.purekyo.or.jp 2017
27
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Plusieurs sociétés industrielles sont impliquées dans la livraison des abris temporaires, celle ayant tout de fois le plus de commande auprès des communes Japonaise est la Daiwa Lease corporation, entreprise spécialisée dans les bâtiments préfabriqués, créée en 1959. Cette dernière va suivre les directives stipulées par les différents comité de la JPA pour construire le nombre de maisons nécessaires, puis va les livrer en lot aux communes qui seront charger de les distribuer à chaque sinistré ayant fait la demande d’un logement. (Figure 7)
Figure 6 : Mise en place d’abris temporaires post-catastrophes naturelles : le rôle de l’Etat
28
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Etat
Entreprises de construction
Figure 7 : Mise en place d’abris temporaires post-catastrophes naturelles : Diagramme des relations
29
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
L’industrialisation des techniques constructives a été choisie ici comme moyen le plus efficace pour livrer les abris temporaires. En effet on considère que la construction préfabriquée permet d’ériger des bâtiments de qualité fiable et cela rapidement. Les maisons temporaires Japonaises font partie des plus coûteuses du monde : un montant t entre 5, 750,000 à 6, 520,000 Yen (soit environ 42,900 à 48,700 Euros environs) par unité. (10)
Figure 8 : Comparaison de SHU par prix au m2 et par le nombre de mois nécessaires à sa mise en place www.sumaimachi-center-rengoukai.or.jp 2011 _____________________
(10) Federation of Housing and Community Centers, Guideline on Acceptance and Listing of Proposals for Emergency Temporary Housing Using Imported Materials, www.sumaimachicenter-rengoukai.or.jp 2011
30
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
L’histogramme (Figure 8) compare le prix au mètre carré d’un module d’habitation d’urgence et les nombres de mois nécessaire pour sa mise en place de plusieurs autres projets mis en place dans le monde. Nous pouvons en effet constater que celui du japon est certes le plus cher, avec un prix au m2 d’environ 2500 dollars (soit 50 800 à 57 600 USD environs par unité) mais qu’il est également un des plus rapides à mettre en place : 6 mois dans le cas des maisons temporaires mises en place après le séisme de Tohoku 2011.
31
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
I.B
Fonctionnement d’un système d’habitations d’urgence au
Japon : exemple de Kumamoto
Nous allons maintenant nous intéresser au fonctionnement de ses maisons préfabriquées mais également leurs connexions les unes aux autres et comment elles forment un ensemble.
Le module de maison temporaire préfabriquée
Le 16 avril 2016, la région de Kumamoto située sur l’île de Kyushu au sud du Japon a été violemment frappée par des séismes de magnitude oscillant entre 6 et 7, On compte de nombreuses victimes, et plus de 100 000 personnes privées de logement. Selon les chiffres de la préfecture 183 882 personnes avaient été dispersées sur 855 sites d’évacuation dont le dernier a fermé en novembre 2017. Les individus qui n’ont pas pu réintégrer leur foyer ont été placés dans plus de 5000 logements provisoires. (11)
_____________________
(11) Philippe Mesmer, “Japon: à Kumamoto, le décor post-Seisme n’a pas bougé”, Le Monde, www.lemonde.fr, 9 Août 2016
32
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Dans le cadre du workshop que j’ai pu suivre à l’université de Kyushu, intitulé Architecture and Urban Design Studio 2016, Alternative Emergency Housing System for Natural Disaster, nous avons pu travailler sur la question de l’habitation d’urgence à Kumamoto. Les sinistrés ont vécus dans des premiers abris de 4 à 5 mois puis devrait vivre dans des maisons temporaires pour théoriquement une durée de 2 ans, les sinistrés de la région de Kumamoto sont toujours dans cette période de transition, il est donc possible à l’heure d’aujourd’hui d’en voir le fonctionnement et de le questionner. Nous avons par ce workshop eu l’occasion de visiter les camps, de rencontrer les sinistrés et ainsi de pouvoir imaginer la réalité qu’est de vivre dans ses maisons temporaires.
Figure 9 : Maisons temporaires fournies à Kumamoto par Daiwa Lease Co www.daiwalease.co.jp 2016 33
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
La taille des unités de logement préfabriquées va varier selon la taille des ménages ayant fait une demande de logement temporaire: l’unité minimale pour une personne ou pour un couple est de 6.30m de long sur 3.64m de large soit environ 23 m2 de superficie. Ce module est composé d’une salle principale, appelée salle de tapis (composée par les dimensions d’un tatami) qui sert également de chambre, elle est d’une surface de 9m2. On peut trouver également une petite cuisine dans le couloir d’entrée, elle est
équipée d’un évier et d’une plaque de cuisson. Les ménages
disposent également d’une salle de bain de 4m2, et aucune zone de stockage à proprement dit, juste un placard de 1,5m2.
Figure 10 : Intérieur des maisons temporaires fournies à Kumamoto par Daiwa Lease Co www.daiwalease.co.jp 2016
34
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Il existe des variations de superficie où une deuxième, voir troisième pièce de tapis peut être ajoutée pour les ménages composés de plus de deux personnes. Les superficies peuvent ainsi osciller entre 34m2 à 38m2, la cuisine peut alors être incluse dans une des salles de tapis mais la dimension des rangements, de l’unique salle de bain et du balcon ne sera pas modifiée.
On peut remarquer une certaine volonté de conserver des principes d’organisation de l’espace typiquement Japonais, tout d’abord l’utilisation des dimensions du tatami. Il s’agit un agencement modulable de nattes en paille de riz tressée (12). Les dimensions sont standardisées si bien que la surface d'une natte est devenue, au Japon, l'unité de mesure des surfaces. On confectionne à partir de la mesure d’un tatami une grille de référence où se poseront les parois les épaisseurs fonctionnelles etc... On notera cela dit que la dimension des tatamis a servi à dessiner l’agencement du module (ex : La salle de tapis est composée de 4 tatamis) mais le revêtement tatami en couche de paille de riz n’est pas utilisé. Certainement pour des raisons de coûts financiers trop élevés, les constructeurs ont optés pour un revêtement plus abordable comme du linoléum.
Figure 11 : Différentes possibilités d’agencement des Tatamis Japonais, halshs.archives-ouvertes.fr 2007 (12) Agencement utilisé dans les maisons temporaires.
_____________________
(12) Mizuki Cruz-Saito, Masatsugu Nishida, Philippe Bonnin, Le tatami et la spatialité japonaise ; Un des aspects de la spatialité japonaise : le tatami module-mesure ; Laboratoire Architecture,Ville, Urbanisme, Environnement, Ecole d'architecture Paris-Malaquais, Ecole d'architecture ParisBelleville, halshs.archives-ouvertes.fr, 2007, 82p.
35
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 12 : Plans de Maisons temporaires 36 Modèle 1, Kyushu University
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 13 : Plans de Maisons temporaires 37 Modèle 2, Kyushu University
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 14 : Plans de Maisons temporaires 38 Modèle 3, Kyushu University
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 15 : Coupes et élévations de Maisons temporaires Modèle 1, Kyushu University
Coupes et élévations maison temporaire modèle 1 : 23m2
Coupes et élévations maison temporaire modèle 2 Figure 16 : Coupes et élévations de Maisons temporaires Modèle 2, Kyushu University
Coupes et élévations maison temporaire modèle 3 Figure 17 : Coupes et élévations de Maisons temporaires Modèle 3, Kyushu University
39
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Autre élément de l’architecture traditionnelle Japonaise repris dans le plan des Kasetsu : les habitants disposent tous d’un Engawa, il s’agit d’une bande suspendue généralement en bois et se trouvant juste devant la fenêtre à l’arrière. Cet espace peut être considéré comme un petit balcon du point de vue de la culture occidentale même si dans le cas présent il s’agit plus d’un espace fonctionnel (pour étendre le linge par exemple) qu’un espace extérieur de détente à proprement parlé.
Les maisons sont déjà livrées avec des préparations pour les consommations d'électricité, de gaz et d'eau. Les habitations sont également équipées en chauffage et climatisation. On notera la présence de tirants jaunes à l’extérieur de l’habitation pour apporter une résistance structurelle supplémentaire en cas de récidive de catastrophes naturelles durant la période transitoire.
Il existe une possibilité de modifier les maisons temporaires d’urgence après leur construction. En effet, Les résidents ayant un handicap physique ont été par exemple identifiés, ce qui rend possible la transformation des unités. Des rampes peuvent être incorporées dans certaines maisons pour personnes âgées, et leurs unités sont choisies pour offrir une proximité des routes d'accès principales et des zones publiques (figure 18).
Des modifications telles que les balcons ont également été autorisées, afin de permettre un certain niveau de personnalisation pour les résidents (figure 19). Ces modifications sont cela dit limitées à des petits travaux, qui sont plus de l’ordre de la décoration (s’ils ne sont pas pour faciliter l’accès à l’habitation). Les extensions, ou les étages ne sont pas autorisés par exemple.
_____________________
(13) Grealle Gretti, « Elements, The Engawa », Archiscapes, archiscapes.wordpress.com, 15 Janvier 2015
40
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 18 : Rampe pour personne à mobilité réduite, Edra Belga, Rethinking Resilience in Emergency Housing: Mashiki-Machi Transient Housing (Kumamoto, Japan), memangmameng.weebly.co m,Février 2017
Figure 19 : Personalisation de l’Engawa, Edra Belga, Rethinking Resilience in Emergency Housing: Mashiki-Machi Transient Housing (Kumamoto, Japan), memangmameng.weebly.co m, Février 2017
41
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Le camp de maisons temporaires :
Pour des raisons d’approvisionnement et de soins évidents il a été choisi de rassembler ses habitations dans un unique et même endroit. Il s’agit également de contrôler l’exode des populations en sécurisant la zone sinistrée et de faciliter sur le long terme la reconstruction du territoire. Ce module d’habitation que nous venons de décrire va servir à confectionner un ensemble particulier : le camp. La localisation du camp par rapport aux anciennes habitations va dépendre de l’ampleur de la catastrophe.
Dans le cas de la préfecture de Kumamoto, les maisons temporaires avaient été réparties sur plusieurs sites aux alentours. La plupart sont basés sur des anciennes terres agricoles choisies par la commune (ex : Komari Dai-ni), L’état achète ainsi les terres agricoles aux propriétaires en question pour y installer les maisons temporaires. Il peut également avoir d’autres figures de cas par exemple le camp de Mashiki-Machi qui était en réalité une installation industrielle. Il reviendra théoriquement à sa fonction d'origine une fois la période de deux ans expirée (14). Certaines habitations peuvent également prendre place sur des parkings, des cours d’école etc… Chaque solution dépendra de la volonté de la commune.
Le site a été conçu comme une communauté résidentielle réduite avec parfois (dans le cas de Komoridai-Ichi par exemple) des composants tels qu’un magasin de premières nécessités, une clinique, des aires de stationnement et parfois d’un arrêt d'autobus. S’il n’existe déjà aucun autre service à disposition telle qu’une école, un édifice religieux etc… sur le site en question, il ne saura pas prévu d’en mener la construction.
_____________________
(14) Edra Belga, Rethinking Resilience in Emergency Housing: Mashiki-Machi Transient Housing (Kumamoto, Japan), Site internet memangmameng.weebly.com, Février 2017
42
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Le Fonctionnement classique des systèmes d’habitations d’urgence japonais se base sur un nombre spécifique
d'unités
de
regroupées
par
bloc
logement et
la
multiplication de ce même module. Il s’agit d’une juxtaposition simple des maisons les unes à côté des autres, avec parfois un espace entre elles pour faciliter le déplacement dans le camp.
Figure 20 : Maisons temporaires dans la région de Kumamoto par le gouvernement, www.daiwalease.co.jp
43
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 21 : Localisation des camps de maisons temporaires par rapport à la ville de Kumamoto, sur les terres agricoles de Hishihara, Google Earth 2016 Figure 22 : Plan de zonage avant la construction des camps de maisons temporaires (camp de Komoridai-Ichi) sur les terres agricoles, (industries en périphérie) Kyushu University
Site de construction prévu pour les logements temporaires
44
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 23 : Camp de MASHIKI-MACHI TEKUNO-A, Kyushu University
Magasin de premières nécessitées + Clinique
Figure 24 : Camp de MASHIKI-MACHI TEKUNO-C, Kyushu University
45
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
I.C Le camp comme lieu d’exclusion : Enjeux et limites perceptibles dans les camps planifiés
Après avoir éclairci la mise en place et le fonctionnement du système d’habitations temporaires au Japon il est maintenant nécessaire de s’interroger sur sa pertinence et des questionnements qu’il engendre.
La durabilité des systèmes de maisons temporaires préfabriquées
Le plan d’ensemble par la juxtaposition de modules préfabriqués génère un modèle autour duquel gravitent de nombreux enjeux. En effet, même s’il apparait comme
un
remède
inévitable
dans
ses
situations
d’urgence,
beaucoup
d’anthropologues, sociologues, ou même architectes se penchent sur les nombreux effets secondaires qu’il engendre. Le principal reproche qui est fait de nos jours sur ces systèmes concerne la question de la durabilité.
46
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Pourquoi une maison temporaire mise en place dans le cadre d’une situation d’urgence devrait être durable ? Un des objectifs absolus de notre millénaire est le développement durable. Nous avons pris conscience que les ressources que nous disposons sont limitées, de ce fait il est nécessaire d’en réduire l’usage et de faire preuve d’une plus grande lucidité et efficacité dans leur mise en œuvre. Plus que jamais il est nécessaire de concilier les enjeux, contraintes et aspirations du développement durable de manière à aider les générations futures.
Poser la question de la durabilité est ici d’autant plus justifié puisqu’il s’agit de maisons temporaires. Ces dernières, faisant parties d’un système très organisé, ont une durée de vie définie avant même leur construction : 2 ans seulement après la catastrophe. Elle traduit l’idée d’une situation provisoire organisée, qui projette sur le court terme et non sur la permanence. On pourrait penser qu’Il est ainsi nécessaire de s’interroger sur la relation entre la durée de vie d’un bâtiment, avec les ressources impliquées dans sa mise en œuvre. Le temps d’utilisation des maisons d’urgence est ici en théorie très bref, la gestion des moyens mis en place doit être régulée différemment que dans le cas d’une maison ordinaire.
RESSOURCES IMPLIQUEES
DUREE DE VIE
Figure 25 : La relation entre durée de vie et les ressources impliquées dans un projet : Une relation importante pour la durabilité d’un projet
47
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
De plus parler de durabilité ne concerne
pas
uniquement
le
domaine
écologique. En effet ce dernier s’appuie sur 3 piliers : Economique, Ecologique et enfin social. Développée dans les années 1970, cette idée concerne la gestion des ressources mais s’interroge également sur la notion d’équité humaine. Tout en trouvant des compromis avec les besoins des acteurs économiques du territoire, la construction se doit dans un sens de
S O C I A L
mettre l’Homme au centre de sa réflexion.
DURABILITE EEEE VIABLE E N V I R O N M E N T
Cela est d’autant plus véridique lorsque l’on construit dans le cadre d’un
E C O N O M I Q U E
système,
d’habitation
d’urgence.
Il
s’agit
d’élaborer un nouvel abri pour des individus Figure 26 : Les 3 pilliers du développement durable
ayant tout perdu. Le logement prend ici alors une toute autre symbolique, il va servir d’élément de transition, de « tremplin » dans la résilience des personnes touchées par la catastrophe.
Par le workshop Architecture and Urban Design Studio 2016, Alternative Emergency Housing System for Natural Disaster, nous avons eu l’occasion de se rendre sur place dans des camps de sinistrés. Notre premier travail consistait à mener une analyse faisant le bilan des enjeux présents dans le camp. Actuellement le système Japonais, que cela soit à Kumamoto ou autres régions touchées par des catastrophes naturelles, se heurte à de nombreux enjeux.
48
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Dans les systèmes d’habitation d’urgence mis en place par le gouvernement Japonais, la loi stipule que ces habitations sont temporaires. Ces maisons sont mises en place pour une durée de vie limitée : 2 ans avant que les familles touchées soient relocalisées dans des habitations permanentes, ou réintègrent leurs anciennes habitations si les dommages subis ont pu être réparés. Ce qui est mis en œuvre pour une habitation ne sera utilisé que pour cette unique maison. Il n’existe aucun système actuellement proposant la réutilisation d’une structure, après les deux ans d’utilisation l’unité d’habitation est théoriquement tout simplement détruite. Cela a bien évidemment des conséquences économiques puisque le prix de la mise en œuvre d’une maison temporaire a des coûts très élevés. Le Japon subi de nombreuses catastrophes naturelles (de type séisme, tsunami, typhons…), la mise en place de ce genre d’habitat reste ponctuel mais à une forte fréquence. Penser théoriquement à développer des structures démontables, réutilisables et donc durables mènerait à une mise en place plus rapide et efficace du système ; et également à une réduction des coûts faramineux engendrés par les systèmes d’habitation d’urgence japonais.
La question de la gestion des ressources nous amène bien évidemment à nous interroger sur ses conséquences sur le territoire. Comme évoqué plus haut, aucune Initiative de réutilisation des matériaux n’a été menée à ce jour. Certaines des maisons se basent sur un modèle préfabriqué. Il s’agit donc d’éléments engendrés par une conception industrielle : structure métallique, toiture en tôle, panneaux préfabriqués. Penser à l’utilisation d’une production locale ou en tout cas une construction faisant intervenir plusieurs concepteurs et constructeurs locaux ne seraitelle pas plus judicieuse dans un contexte ou l’activité économique du territoire doit être relancée ?
49
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Une exclusion physique et psychique
Evidemment un des piliers essentiel à prendre en compte particulièrement à l’issu d’une catastrophe naturelle est l’Humain. Comme nous l’avions évoqué, L’emplacement du camp est déterminé par l’espace disponible dans la région sinistrée : cet emplacement doit pouvoir permettre la construction d’unités d’habitation nécessaire à loger toutes les familles touchées, mais il doit également garantir la sécurité de ces dernières en cas de récidive de catastrophes naturelles. Or, dans la plupart des cas ces espaces se trouvent dans des secteurs isolés loin des villes loin des anciennes habitations. Dans la conception des camps aujourd’hui, il existe un réel problème de connexion avec l’extérieur ce qui créé tout d’abord de lourd problème d’autonomie dans un premier temps, mais aussi ce qui entraine un sentiment d’exclusion dans un second temps. Les sinistrés sont arrachés de leur ancienne communauté: En effet, lorsqu’ils
font une demande d’habitation temporaire, les
industries de préfabriqués les fournissent en lot, les sinistrés ayant reçus leurs logements peuvent ainsi quitter les abris provisoires. Les individus emménagent le plus vite possible, famille par famille, et si dans certains cas la distribution des maisons peut correspondre plus ou moins à village, rien ne peut garantir que d’anciens voisins se retrouvent.
Cette destruction de la communauté peut paraitre assez paradoxale dans le sens où traditionnellement le Japon attache une grande importance à l’esprit de groupe. Nous pouvons ainsi soulever un deuxième enjeu concernant le manque considérable d’espaces communs mis à disposition des sinistrés. Des espaces de vie commune, où les habitants peuvent partager des activités telles que cuisiner, jardiner, ou tout simplement échanger et se retrouver… Ils sont très rarement mis en place et lorsqu’ils le sont, cela n’est jamais suite à une volonté de l’Etat mais plutôt une initiative locale ou par le biais d’associations isolées. Il est important de comprendre que tout ce qui relève de l’espace privé est du ressort de l’Etat, donc du domaine public et au contraire tout ce qui aura un impact sur les espaces extérieurs sera du domaine privé par le biais d’associations. Le gouvernement préfère privilégier uniquement les 50
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
habitations individuelles, ce qui dans un sens permet aux sinistrés de retrouver un « chez soi », mais aucune connexion entre ces unités fait l’objet d’étude approfondie. Le plan masse d’un camp de sinistrés est donc simplement la multiplication de la même unité à l’infini en fonction de la place que le site choisi offre. Cette conception des choses est seulement basée sur l’addition et non sur la connexion : cela provoque un réel frein dans le développement d’un sentiment de communauté et d’appartenance.
Géré par l’Etat
Logements (Espaces privés)
(Domaine public)
Gestion Associations humanitaires
Espaces extérieurs
(Domaine privé)
(Espaces public)
Figure 27 : Gestion de différent type d’espace par des acteurs différents
L’anthropologue Michel Agier, explique dans un entretien avec le journal Le Monde: Tous les camps, quelle que soit leur forme, présentent à des degrés divers trois points communs : l'extraterritorialité, le régime d'exception et l'exclusion sociale. _____________________
(15) Michel Agier, " Le camp, lieu de mise à l'écart, est aussi un lieu de vie ", entretien avec le journal Le Monde Propos recueillis par Maryline Baumard, http://www.lemonde.fr/, 18 Avril 2015
51
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
C'est ce qui définit la forme-camp, le modèle théorique en quelque sorte. L'extraterritorialité est évidente lorsqu'on s'arrête sur les zones d'attente, mais elle est vraie partout dans la mesure où le camp est un hors lieu qui figure à peine sur les cartes. (15)
En effet, au Japon mais comme partout, le camp est par définition un objet spatial particulier, un lieu en dehors d'un territoire, souffrant de problèmes de connexion avec le reste du monde mais qui en est pourtant complètement dépendant pour les questions de soins et de ravitaillement. Par faute de temps et de moyens, le relogement des sinistrés se fait en développant des quartiers complètement décontextualisés. Comme nous l’avons vu dans le cas du camp de Mashiki – Machi Tenuko (A) de 2016 à Kumamoto, des magasins de premières nécessitées de type Kombini ainsi qu’une clinique avait été mis en place à l’intérieur du camp.
Figure 28 : Allée dans le camp de maisons temporaire de Mashiki – Machi Tenuko (A), photo personnelle octobre 2016
52
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Il s’agit d’un dispositif assez rare, car la plupart du temps dans les systèmes mis en place par le gouvernement Japonais il n’existe aucune partie commune où les sinistrés peuvent interagir et se retrouver (par exemple les camps de Tohoku 2011). Ce nouvel espace souffre d’un manque d’identité dans la mesure où il aurait pu être placé avec la même configuration n’importe où, les individus perdent leurs marques car ils perdent la notion de communauté. Joanna Faure Walker et Catherine Anna Crawford, chercheuses à l’IRDR (Institute for Risk & Disaster Reduction) à l’université Londonienne UCL écrivent à propos des maisons temporaires japonaises:
La critique de l'approche des abris de transition est souvent confondue avec la critique de l'utilisation des abris préfabriqués; les kits d'abris préfabriqués sont souvent appelés «abris de transition», même si ces abris ne sont peut-être qu'un élément d'une réponse transitoire. En conséquence, une critique a émergé pour faire valoir qu'ils sont intrinsèquement limités: à l'échelle parce qu'ils sont chers, donc limités en nombre, [..] problématique pour les personnes qui préfèrent ne pas «faire la transition» et qui cherchent des alternatives transitoires, par exemple, un logement locatif ailleurs. Cet accent critique sur l'objet d'abri signifie que la transition est également concentrée sur l'objet plutôt que sur les personnes affectées par la catastrophe (16)
Il s’agit d’un modèle basé sur une perception individuelle puis collective, ayant tendance a créé des ensembles désincarnés, générant ainsi
deux types
d’exclusion : une exclusion physique mais également psychique.
_____________________
(16) Joanna Faure Walker et Catherine Anna Crawford, Cash in a housing context: Transitional shelter and recovery in Japan International Journal of Disaster Risk Reduction, Volume 24, September 2017, Pages 216-231
53
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Exclusion psychique
Exclusion physique -
-
Ensemble désincarné et décontextualisé Pas de prise en compte de l’histoire du lieu Création d’un Non-lieu Problèmes de connexion Absence de centralités et d’espaces communautaires
-
Perte du sentiment d’appartenance et de communauté Frein à la résilience
Figure 29 : Deux types d’exclusion
Il est également important de prendre en compte les autres composantes qui participent à ce sentiment d’exclusion. En effet dans un contexte post-catastrophe c’est toute l’organisation sociale qui est perturbée : ce ne sont pas que les habitations qui sont détruites, mais également des familles ou encore des lieux d’activités. Le lieu de travail est par exemple un lieu de sociabilité très important dans la vie d’un individu, le chômage participe à créer un sentiment d’exclusion.
Il est nécessaire de s’interroger ainsi sur le modèle existant des camps car il semble être une solution immédiate pour reloger les sinistrés, mais semble détériorer les liens sociaux existants et les exclure autant physiquement que psychologiquement.
54
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
De part cette première partie nous avons pu comprendre que construire dans l’urgence repose sur des enjeux de taille que cela soit pour la mise en place d’abris transitoire ou sur le fonctionnement même de l’ensemble après sa construction. Enjeux qui oscille sur plusieurs champs de compétences, Du social à l’économique en passant par l’environnemental et le politique. Dans ce processus transitoire on remarque un grand absent parmi les pouvoirs locaux et les constructeurs : L’architecte.
Quelle démarche alternative peut-on suivre pour améliorer le système du camp au Japon? Quelle place l’architecte peut-il avoir ?
Figure 30 : Espace entre deux maisons temporaires du camp de Mashiki – Machi Tenuko (A), photo personnelle octobre 2016
55
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence : Le camp comme nouveau lieu de Vie
56
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
II.A
L’Architecture Participative : La volonté d’une architecture
engagée
Comme nous avons pu le développer précédemment, La gestion « classique » des crises au japon se penche principalement sur les dégâts à réparer, plutôt que de se pencher sur la capacité de la communauté à se reconstruire ou à retrouver un équilibre. Ce qui nous amène vers la question de la résilience, et plus particulièrement celle de la résilience communautaire.
De la résilience individuelle à la résilience communautaire
Tout
d’abord,
Qu’est-ce
que
la
résilience?
D’un point
de
vue
étymologique, le mot vient du latin resilio qui signifie : sauter en arrière, rebondir mais aussi se reculer vivement, renoncer. En français, on parle de « résilience » et de « résiliation ». La résilience est un terme emprunté à la physique caractérisant la déformation ou non d'un matériau ou plus exactement sa capacité à absorber de l'énergie quand il se déforme sous l'effet d'un choc (17).
_____________________
Figure 31 : Maisons temporaires à Aizuwakamatsu, Prefecture de Fukushima, mainichi.jp, 10 mars (17) Henriette Bloch,2017. Roland Chemama, Eric Dépret, Le grand dictionnaire de la psychologie, Ed. Larousse, 1999
57
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 31 : Maisons temporaires à Aizuwakamatsu, Prefecture de Fukushima, mainichi.jp, 10 mars 2017.
Le concept de résilience était également présent dans certaines réflexions psychologiques plus précisément en psychotraumatologie : il s’agit de la faculté à vaincre des situations traumatiques. De manière générale, on l’utilise à propos des personnes, à l’échelle individuelle et non communautaire. En observant le cas de la gestion des sinistrés au Japon, nous pouvons remarquer qu’en effet l’individuel est toujours mis en avant pour ensuite servir au collectif.
Mais il est nécessaire de s’intéresser à la pertinence de la transposition de cette notion de la sphère de l’individu à celle du groupe. En effet, outre la résilience individuelle, il est nécessaire de prendre en compte celle de la communauté entière. Selon une recherche étudiante du CERES sur la notion de résilience (18), une _____________________
(18) Quentin Badolle, Victor Moinard, Maike Salazar Kämp, Catastrophe et traumatismes à l’échelle du groupe et de l’individu, Recherche étudiante du CERES, http://www.environnement.ens.fr, 2015
58
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
catastrophe peut se traduire sur les individus du groupe touché par un ensemble de troubles psychiques, que l’on regroupe sous le terme de traumatisme. Face à une même catastrophe, ce groupe peut se remettre de manière particulièrement efficace, limitant le traumatisme : ils sont alors dits « résilients ».
Concept appliqué également aux sciences sociales, la résilience sociale ou également résilience communautaire est la capacité d'une communauté de continuer à vivre, fonctionner, se développer et s'épanouir après un traumatisme ou une catastrophe. Une communauté résiliente est un groupe de personnes structuré et organisé pour s'adapter rapidement au changement, surmonter un traumatisme, tout en maintenant sa cohésion et des relations ouvertes avec le reste des autres communautés. Elle s'efforce d'améliorer son quotidien en tissant à nouveau du lien social, en misant davantage sur la solidarité.
« L'homme est un animal social » (19) ce qu’il signifie que sa survie dépend de la survie de son groupe. Il est étroitement lié à son entourage, qui se développe et s'organise en communauté. L’homme, bien qu’il puisse être exposé à des traumatismes d'ordre personnel, dans le cas de catastrophes naturelles. Il s’agit d’événements extérieurs, qui affecte directement sa communauté. Ainsi son autonomie au sein de la société se trouve fragilisée : L’individu dépend de l’approvisionnement des énergies, des biens et des services qui peuvent être mis en place uniquement au sein d’une communauté organisée.
_____________________
(19) Aristote, traduction par Pierre Pellegrin, Les Politiques, Ed. GF, 1997
59
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
L’architecture Participative, une volonté des architectes à participer aux systèmes d’habitations d’urgence
Développer la résilience collective passe donc par le développement de l'autonomie du groupe et par un travail de dépassement du traumatisme, au niveau personnel et collectif. La résilience individuelle est donc par conséquence étroitement liée à la résilience collective. Une communauté peut être considérée comme résiliente en trouvant un équilibre entre tradition (son histoire) et innovation (comment surmonter la crise), stabilité (retrouver la vie menée avant le traumatisme) et mouvement (penser à des perspectives de développement pour le futur). En effet, les individus vivant dans les maisons temporaires vivent dans une situation provisoire : ils espèrent retrouver une situation stable dans les années à venir, l’existence qu’ils mènent dans ces camps est motivée par l’idée qu’elle n’est que provisoire et que quelque chose peut se reconstruire derrière. Se retrouver et penser au futur est donc absolument nécessaire pour atteindre la résilience d’un groupe. Il est faut ainsi favoriser les espaces où cette communauté peut se trouver et se reconstruire et penser à leur avenir commun. Le développement d’une résilience collective peut se faire par le biais d’infrastructures où une vie en communauté est possible. Ce travail de conception et parfois de construction est par essence établi sur un échange entre les constructeurs et les personnes visées. Il faut privilégier ainsi des constructions communautaires qui peuvent permettre de créer de nouvelles centralités.
Cela génère plusieurs questions : tout d’abord, Quels dispositifs concrets peuvent être mis en place ? Puis dans un second temps Quel rôle l’architecte peut-il jouer?
Comme nous l’avons évoqué en fin de première partie, le problème des systèmes mis en place au japon (Dans la région de Kumamoto par exemple) est qu’ils n’offrent pas la possibilité aux sinistrés de se retrouver, ni de partager des activités collectives. L’architecte est exclu du processus de mise à disposition de maisons 60
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
temporaires, les départements et communes s’adressent directement aux industries et ces dernières possèdent leur propre comité de constructeurs. Pourtant L’architecte est par définition un concepteur et un constructeur qui fait interagir de nombreux domaines de compétences.
Dans le domaine pratique, l’architecture d’urgence est un exercice qui se place à part. Il nécessite de développer une grande lucidité pour proposer un système efficace et réalisable avec des moyens limités dans un temps donné limité. Il s’agit de répondre à des besoins précis pour une communauté précise, de ce fait il n’est pas envisageable de concevoir comme on concevrait un projet architectural « classique ». Le dialogue entre les acteurs est ici essentiel, c’est par ce dialogue que l’architecture devient architecture participative.
La revue Métropolitiques, une revue électronique française animée par des enseignants-chercheurs et des praticiens issus de la plupart des disciplines de l’urbain, avait consacré un article sur l’architecture participative, selon l’auteur, les architectes qui s’investissent dans ce type d’opérations ont un profil d’architectes militants :
Leur investissement est beaucoup plus important pour ce type de projet que pour une opération « ordinaire », notamment en temps de travail. Ils consentent aussi, outre le risque d’être mal rémunérés, l’effort de s’engager dans une collaboration parfois tumultueuse avec la communauté, d’imaginer des méthodes de travail différentes, souvent d’outrepasser bénévolement les missions traditionnelles du concepteur. (20)
_____________________
(20) Véronique Biau, « Les architectes de l’habitat participatif, entre militance et compétence », Métropolitiques, www.metropolitiques.eu, le 30 Janvier /2012
61
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Il existe en effet une réelle distinction entre architecture et architecture participative, Lucien Kroll, architecte Belge, explique qu’il existe deux mouvements, celui des commandants, orientés vers l’objet, et celui des commandés, orientée vers le sujet (21). L’architecture participative est orientée-sujet et tend donc à effacer la hiérarchie, la séparation qui existe dans la construction aujourd’hui afin d’établir une vision globale de l’existant et de ses besoins.
Il existe au Japon plusieurs associations d’ordre privé participant à l’amélioration du des habitations d’urgence déjà mis en place : des collectifs d’architectes mais aussi d’étudiants en architecture qui souhaitent agir. Toutes les initiatives sont nées de ce constat : il existe des insuffisances dans le système mis en place, il est nécessaire de contribuer à une amélioration des conditions de vie par la mise à dispositions de nos propres aptitudes. Cette volonté va générer plusieurs projets de plus ou moins petite échelle mais qui peuvent avoir des répercussions insoupçonnées sur le quotidien des sinistrés.
Dispositifs de petite échelle : Le projet Kasei à Kumamoto
Pour illustrer le travail de la petite échelle dans l’architecture participative dans les abris temporaires nous pouvons citer le travail réalisé par KASEI (Kyushu Architecture Student supporters for Environmental Improvement). Soutenu par les étudiants en architecture de l’île de Kyushu, encadré par les professeurs et architectes praticiens, cette association créée en 2016 mène des activités d’améliorations de l’environnement de la zone résidentielle temporaire construite dans la zone de Kumamoto (22).
_____________________
(21) Lucien Kroll, Pierre Bouchain, Construire autrement, Ed. Actes sud, 2006, 192 p. (22) Informations concernant Kasei Project, Kyushu Architecture Student supporters for Environmental Improvement, kasei.kumamoto.jp
62
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Elle regroupe de nombreuses étudiants notamment de l’Université de Yamaguchi, Institut technologique de Kyushu, Université municipale de Kitakyushu, Université de Kyushu, Université de Fukuoka, Université de Kumamoto…) Ils effectuent des activités de soutien pour chaque logement temporaire et travaillent directement avec les résidents durant tout le processus de conception. L’objectif est ici de réellement développer un esprit de communauté et de remettre l’humain au cœur des améliorations des systèmes existants. En effet l’importance de l’humain se retrouve dans toutes leurs directives de projet jusque dans Les dossards que portent les étudiants et les professeurs de KASEI. Conçus par M. Asuo Erio (un designer qui a travaillé pour l'emblème des Jeux Olympiques et Paralympiques de Tokyo en 2020) le logo est une combinaison des caractères "personne » 人. Ce dernier créé un ensemble qui "résonne" et qui émerge uniquement lorsque ces caractères se touchent et forment une unité.
« Personne »
Figure 32 : Explication du Logo de Kasei Project, Asuo Erio, Kasei.kumamoto.jp
63
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Les actions de Kasei Project sont de plusieurs ordres et sont toujours dans l’idée de faciliter la vie des sinistrés vivant actuellement dans des habitations d’urgence. Cela va se concrétiser à travers la mise en place d’espaces partagés conviviaux, par exemple par la création de mobiliers urbains extérieurs construits par les étudiants afin de créer des espaces communautaires où les sinistrés peuvent se retrouver. Cette démarche s’est développée autour de la création d’un jardin partagé, ou plutôt d’un potager où les résidents peuvent faire pousser des fruits et légumes. C’est une activité qui dans un premier temps va rassembler les membres de l’association Kasei et les sinistrés autour d’un projet commun, ce qui a pour avantage de réintégrer ces derniers dans une communauté et de renforcer une certaine cohésion sociale basée sur l’échange et le partage. Dans un second temps, le projet sera bénéfique pour l’autonomie et l’embellissement du camp, en effet les individus qui jardineront ensemble auront la possibilité d’obtenir des fruits et légumes qu’ils auront eu même fait pousser et ces plantations participeront à rendre le camp moins désincarné et hostile.
Source : kasei.kumamoto.jp
Figure 33 : Projet de Jardin partagé dans les camps de Kumamoto, Kasei.kumamoto.jp
64
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
L’idée principale ici est de rendre le quotidien dans un camp plus facile et agréable, et donner des outils pour que chaque habitation trouve une identité. L’association Kasei Project avait alors mis en place plusieurs workshops avec les enfants vivant actuellement dans les abris temporaires pour créer et peindre différents pots de fleurs à disposer dans les allées du camp devant les maisons (figure 34 et 35). L’association organise ainsi régulièrement des réunions avec les sinistrés des différents camps de la région de Kumamoto pour avoir un retour sur les installations précédentes mais aussi trouver de nouvelles idées de projet. Il existe une multitude d’actions de petites échelles générées par la demande des habitants :
Il a été évoqué plusieurs fois comme problème qu'il n'y a pas de terrain de jeu pour les enfants ce qui fera l’objet certainement d’un futur projet. Nous aimerions continuer à "dynamiser" les camps temporaires à l'avenir à travers la création de ce genre d’espaces, de sorte que les résidents vivant dans ces complexes puissent voir leur quotidien s’améliorer encore. (23)
_____________________
(23) Kasei Project, Kyushu Architecture Student supporters for Environmental Improvement, propos reccueilli sur kasei.kumamoto.jp
65
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 34 : Atelier créatif avec les enfants des camps de Kumamoto, Kasei.kumamoto.jp
Figure 35 : Embellissement des camps de Kumamoto, Kasei.kumamoto.jp
66
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 36 : Mise en place des actions dans les abris temporaires: Diagramme des relations
L’association Kasei est une jeune association née en 2016 après le drame de Kumamoto, sont terrain d’action est donc limité aux nombreux sites d’habitations temporaires présent dans la préfecture. Leur travail, bien qu’il ait été généré suite à une initiative personnelle des professeurs et étudiants en architecture de l’île de Kyushu reste en corporation avec les gouvernements locaux. Les municipalités et la préfecture de Kumamoto soutiennent financièrement les différents projets mis en place par Kasei et suivent les avancements de ces derniers.
L’association Kasei vise donc à « réparer » les abris temporaires, il s’agit de projets à petite échelle mais qui ont de grands impacts. Si ces initiatives ne génèrent pas de véritables constructions architecturales à proprement parler, elle complète celles d’une association qui a de grande répercussion sur la vie des sinistrés dans les camps : Home For All
67
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
II.B Home For All, Contextualisation du projet : histoire et mémoire du lieu
Nous allons à présent détailler les travaux réalisés par l’association Home For All, dont les travaux sont encadrés par l’architecte Japonais Toyo Ito, et comprendre la démarche adoptée et les objectifs de ce projet.
La naissance de Home For All
La catastrophe de 2011 est l’évènement qui a tristement rendu célèbre la région de Fukushima, elle nous a montré à quel point ce genre d’aléa laisse des stigmates sur l’environnement et dans les esprits. Suite à un séisme de magnitude 9, suivi d’un tsunami d’une hauteur de 15 mètres, et de l’incident de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, le bilan est lourd : près de 20.000 morts, 160.000 personnes officiellement victimes des fuites radioactives, 1 700 cancers mortels directement liés à la catastrophe nucléaire selon les statistiques du ministère de la Santé japonais (24),
_____________________
(24), By Will Ripley, Junko Ogura, James Griffiths, Fukushima: Five years after Japan's worst nuclear disaster CNN, edition.cnn.com Fevrier 2016
68
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Chiffres d’ailleurs jugés comme "sous-estimés", à en croire plusieurs ONG. Sans évoquer le coût financier de la catastrophe qui s’élèverait à plus de 22.600 milliards de Yen (soit environ 188.5 milliards d’euros.)
Les gouvernements et autorités locales ont comme obligation d’apporter sûreté et sécurité aux personnes qui ont tout perdu. Mais comme nous l’avons explicité en première partie, les sinistrés placés En maisons temporaires ont perdus leur ancienne communauté et vivent dans une existence isolée. Les logements sont petits donc insociables, il n’existe aucune structure dans le plan d’urgence de l’Etat pour échanger et vivre avec ses voisins. Pour ne serait-ce que discuter il faut sortir sur les allées de gravier. C’est de ce constat que Toyo Ito, architecte Japonais développe l’idée de construire des petites maisons pour tous. Il écrit le 5 mai 2012 :
Immédiatement après le tremblement de terre, j’ai décidé de proposer un projet connu sous le nom de « Home-For-All » : une tentative de fournir des endroits où ceux qui ont perdu leur maisons dans le Tsunami peuvent apprécier une accalmie – Un endroit pour se rencontrer, pour discuter, manger et boire ensemble. (25)
_____________________
(25) Toyo Ito, Kumiko Inui, Sou Fujimoto, Akihisa Hirata, Naoya Hatakeyama et autres, Architecture Possible here ? « Home-for-All » Ed. ToTo , 2013, p20
69
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 37 : Maisons temporaires, maisons communautaires : Deux actions parallèles
Home For All est une association offrant une base pour ceux ayant perdu leurs maisons. Elle développe des espaces où les gens peuvent se réunir et créer une nouvelle vie communautaire. Cette association a été créée initialement dans les semaines qui ont suivis le tremblement de terre du Grand Est du Japon de mars 2011. Il s’agit d’une organisation bénévole dirigé par Toyo Ito, Kazuyo Sejima et Riken Yamamoto, travaillant avec des architectes plus jeunes pour aider à faire la différence et construire des maisons communautaires dans la zone sinistrée.
Comme nous l’avons évoqué, les dispositifs mis en place qui relève des espaces collectif sont des démarches liées aux associations privées qui s’appuient sur un modèle économique différent des constructions lié à l’habitation à proprement parlé. Les premières petites maisons pour tous avaient été générées à Sendai sur le modèle d’une petite cabane en bois financée par des investisseurs et sponsors privés. Il s’agit 70
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
d’un petit module construit identiquement dans des camps différents, qui a le mérite d’offrir dans un premier temps un foyer pour la communauté. Ces petites cabanes sont nées à la suite du tremblement de terre de Tohoku en 2011 et peuvent être depuis considérées comme la première étape du travail de Toyo Ito : elles sont conçue très simplement, elles représentent un coût assez bas de production, et étant fait de bois elles sont rapidement et facilement construites par des travailleurs locaux.
Ces maisons ont été par exemple mises en place dans les camps à Kumamoto en 2016 et servent de base pour de plus petites associations comme KASEI pour réaliser des projets avec les habitants. C’est dans ces maisons d’ailleurs que toutes les réunions avec les résidents des abris temporaires prennent place. Donc il s’agit du seul lieu actuellement dans ces camps qui peut générer des discussions, des débats. Ces rassemblements sont alors un véritable tremplin qui libère la parole des habitants sur leurs propres conditions de vie mais aussi sur ce qu’ils aspirent pour le futur. De part ce travail, une autre question a alors émergé chez Toyo Ito : Les petites maisons pré-dessinées avaient révélé des enjeux bien plus grands que leur échelle. Peut-on concevoir un objet architectural qui aurait un impact encore plus grand tout d’abord dans la vie des sinistrés puis dans la résilience de tout un territoire ?
Figure 38 : Maison communautaire Home For All à Kumamoto, photo personnelle, 2016
71
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Rikuzentakata, revivre après le traumatisme
Epicentre du séisme Rikuzentakata Zone inondée par le tsunami Intensité du séisme
Figure 39: Séisme et Tsunami de 2011, Architecture Possible here? « Home-for-All » Ed. Toto, 2013, p15
La zone de Rikuzentakata va être le déclencheur d’une toute nouvelle conception architecturale pensée par Toyo Ito. Il s’agissait d’une ville portuaire située dans la préfecture d’Iwate. En 2008, sa population recensée était de 23 687 pour une densité de 102 habitants par km², en 2014 la population était estimée à 19 449, une densité de 83,7hab / km2 (26). En effet, le 11 mars 2011, après avoir été endommagé par le tremblement de terre de Tohoku, la quasi-totalité de la ville a été dévastée par les eaux. Après le passage du Tsunami, on relève plus de 900 victimes. Les digues anti-tsunamis mis en place par le gouvernement Japonais n'ont été d'aucun secours face à des vagues bien plus hautes que ce qu'avaient prévu les scientifiques. Rikuzentakata est la ville japonaise ayant perdu le plus d'habitants depuis cet évènement, avec une baisse de 16 % de sa population (26). _____________________
(26) Joseph Heyffat Tsunami Japon: Rikuzentakata, cité portuaire anéantie en quelques secondes, www.allboatsavenue.com, 12 mars 2011
72
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 40: Rikuzentakata après la catastrophe de 2011, photo par David Guttenfelder
Site des maisons temporaires Osumi.
Site de Home For All
Figure 41: Photo aérienne de Rikuzentakata montrant l’emplacement du camp d’habitations temporaires Osumi et l’emplacement de la maison communautaire Home for All. Architecture possible here ? « Home For All » Ed. Toto p38. 73
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Les différents Architectes de l’association Home For All choisirent ce site pour développer une nouvelle maison communautaire pour les sinistrés déjà placés en logement transitoire. Lors d’une première visite du camp Osumi situé dans les hauteurs au-dessus de la ville détruite, qui à l’époque n’avait même pas encore d’espace pour échanger, Toyo ito, frappé par la réalité des modes de vie où aucune connexion ne semble possible entre les résidents des habitations temporaires. Il se demande alors : Est-ce qu’il y a un besoin d’Architecture ? Est-ce qu’il y aurait quelque chose que l’Architecture peut atteindre ? « L’Architecture est-elle possible ici ? » Cette dernière question va être une sorte de fil rouge directeur dans le travail de Home for All, si bien que le carnet de bord suivant l’élaboration de ce projet sera lui-même nommé ainsi : Architecture. Possible Here ? « Home for All ». Cet ouvrage rassemble toutes les pensées de Toyo Ito mais aussi des différents architectes ayant travaillé sur le projet : leurs avancées dans la conception et la construction de la maison à Rikuzentakata, mais aussi leurs points de vue sur le rôle de l’architecte, leurs frustrations et espoirs concernant la reconstruction des territoires touchés par la catastrophe.
Processus de conception : la fusion des esprits
L’association « Home for All » de Toyo ito, est fortement investie dans la question de la réintégration des sinistrés dans la société japonaise. La résilience des personnes touchées par la catastrophe est d’une certaine façon le pilier qui a généré le développement de la maison communautaire.
L’essence du projet se base sur la fusion des esprits : selon Toyo Ito, Kumiko Inui, Sou Fujimoto, Akihisa Hirata et Naoya Hatakeyama, architectes principaux du projet, Home for All est la Rencontre entre le designer, les Constructeurs locaux, les Etudiants ainsi que les sinistrés dans un projet commun de construction.
74
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Cet échange va prendre place à différentes échelles avec le croisement de différents acteurs. Les premiers concernés sont bien sûr les résidents des habitations temporaires eux même. Puisque le produit final sera pour eux il n’était pas envisageable pour Toyo Ito et son équipe de ne pas les intégrer dans le processus de conception. Plusieurs visites du camp ont donc été nécessaires pour organiser des rencontres avec les sinistrés, ces derniers ont été considérés comme la voix ayant le plus de poids dans chacune des décisions concernant la fonction ou même la forme du projet ; Les architectes ont en effet basé toute la conception sur l’écoute. Tout d’abord l’écoute de leurs recommandations et souhaits sur des éléments purement liés au programme de la maison communautaire : quels genres d’espaces sont par exemple nécessaires pour améliorer leur quotidien ? Mais mis à part la relation commanditaires / constructeurs il s’agit avant tout d’un échange d’expériences, d’une rencontre humaine. Quel est la réalité des camps d’habitations d’urgence ? A quoi peut-on encore aspirer lorsque l’on doit recommencer son existence de zéro ? Quelle vie avaient-ils? Quels sentiments peuvent émerger après la violence inouïe d’une telle catastrophe ?
Figure 42: Kumiko Inui et Toyo Ito présentant des maquettes conceptuelles du projet aux habitants du camp Osumi Fevrier 2012 Architecture possible here ? « Home For All » p43
75
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Dans leur journal de bord, C’est avec émotions que les architectes évoquent ces rencontres qui non seulement ont contribué d’une façon inimaginable à l’avancement et à la qualité du projet, mais qui constitue une expérience humaine des plus précieuses. Toyo Ito écrit le 26 janvier 2012 :
Nous avons écouté les récits de Madame Sugawara et autres femmes locales en partageant des verres autours du poêle à l’intérieur de la tente » (ndlr : cette dernière servant d’espace communautaire, mise en place par Madame Sugawara avant la construction de la maison Home For All un peu plus tard dans l’année) « Elles nous ont parlé de la vie de tous les jours, de la tragédie, et plusieurs différentes choses qu’elles ont pu vivre dans son sillage. Elles ont raconté pour nous des histoires faisant sourire la plupart du temps, mais je ne pouvais penser à l’immensité des choses qu’elles ont laissées derrière elles. Nous ne pouvons pas réellement comprendre ce que les gens ont traversé. Nous pouvions, cependant, sentir le poids profond de leurs expériences qui ont marqué leurs visages gais. Alors que notre bus de retour s'éloignait de la tente, nous pouvions voir de nos fenêtres les silhouettes de Mme Sugawara et des autres qui nous faisaient sans cesse des signes, car il n'y avait rien dans la zone pour bloquer notre champ de vision. Nous aussi avons continué à agiter notre main pour dire au revoir. C'était une scène que je n'oublierai probablement jamais. (27)
Les habitants se retrouvent ainsi autours d’un même projet commun de la conception (6 mois) jusqu’à la construction (5 mois) ce qui participe dans un premier temps à la réintégration de chacun au sein d’une communauté. De plus, la maison communautaire permet de créer une centralité dans le campement pour accueillir des activités collectives ce qui renforce le sentiment d’appartenance et donc la résilience sur le long terme. _____________________
(27) Toyo Ito, Kumiko Inui, Sou Fujimoto, Akihisa Hirata, Naoya Hatakeyama et autres, Architecture Possible here ? « Home-for-All » Ed. ToTo , 2013 p45
76
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
La mémoire du lieu
Le processus de conception a fait l’objet de nombreuses recherches formelles principalement par maquette cela pendant 6 mois. Le travail s’est ainsi développé autour de deux grandes questions majeures :
➊
Qu’est-ce que signifie pour les individus de se rassembler? Ce qui interroge les styles de vie, après mais aussi avant la catastrophe. Si l’on veut construire un espace communautaire pour les sinistrés il faut alors s’interroger à ce qui définit ce groupe de personne comme communauté : leurs habitudes, comment et dans quel contexte se regroupent t’ils ? Pour quelles activités ?
➋
Comment prend place l’origine de la forme architecturale? Par cette première question se pose ensuite celle de la réponse architecturale adéquate qui doit être proposée. Ce que nous avons évoqué en première partie comme limite des systèmes d’habitations d’urgence au Japon était son caractère désincarné qui était engendré par une décontextualisation totale du modèle du camp.
Dans le travail de recherche formelle les architectes de Home For All attachent une Importance particulière à l’histoire du lieu. Selon eux générer un bâtiment qui incarne l’esprit d’un lieu, son histoire, les habitudes des gens qui y vivaient, permettrait aux résidents d’une part de s’y projeter plus mais également de s’y reconnaitre.
Figure 43: Recherche formelle pour la maison communautaire Home For All Rikuzentakata Architecture possible here ? « Home For All » p46 77
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 44: Etudiants de l’Université de Miyagi et sinistrés enlevant l’écorce des cèdres utilisés pour la construction Architecture possible here ? « Home For All » p61
Figure 45: Recherche formelle pour la maison communautaire Home For All Rikuzentakata Architecture possible here ? « Home For All » p50 78
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
En effet dans un contexte post-catastrophe, L’appartenance au territoire est considéré comme primordial : Julien Grisel, Architecte Belge (Bunq architecture) et enseignant à l’université de Lausanne présente le lieu comme « une composante identitaire de la collectivité » (28). Il y a dans les premiers temps de la reconstruction, tout un enjeu culturel à ne pas négliger selon lui : considérer le rapport que les habitants entretiennent avec le lieu à rebâtir. Dans le cas de Home for all, la maison communautaire en plus de sa fonction qui pourrait améliorer grandement le quotidien des sinistrés à également une nature symbolique : Toyo Ito et les autres architectes travaillant sur ce projet veulent par ce dernier satisfaire le besoin de commémoration des habitants.
Malgré la violence de la catastrophe, et le fait qu’il s’agisse d’un lieu où les aléas naturels sont très forts, les gens souhaitent tout de même retourner sur ce terrain. Il existe plusieurs explications à ce phénomène : Souvent l’emplacement de l’ancien habitat est fortement lié à la profession exercée et un déplacement dans des zones plus sûres, souvent éloignées du site touché par la catastrophe est un problème considérable. Il y a également tout un enjeu sentimental à prendre en compte : s’éloigner de ce lieu peut également signifier s’éloigner de ses propres repères, de sa communauté… Paradoxalement certains sinistrés, du Japon ou d’ailleurs, préféraient rester au même endroit et prendre le risque qu’une catastrophe réapparaisse.
L’enracinement d’un groupe ou d’une communauté dans son territoire ou son espace de vie est la manifestation la plus tangible de l’existence de ce groupe. Le territoire produit l’identité en même temps qu’il en est le produit. (29)
_____________________
(28) Julien Grisel, Le processus de projet dans la reconstruction urbaine suite à une catastrophe, Thèse à l’EPFL, infoscience.epfl.ch, 2006/2010 (29) Cambrézy, Réfugiés et exilés.Crise des sociétés, crise des territoires, Ed. des archives contemporaines, 2001 422p
79
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 46 : Visite d’un potentiel site de projet pour la maison Home For All de Rikuzentakata Architecture possible here ? « Home For All » p30
Le questionnement de l’emplacement de la maison pour tous est étroitement lié à la mémoire collective du lieu. Un groupe s’approprie l’espace selon ses besoins et ses styles de vie, l’image du lieu avant la catastrophe prend une place prédominante dans la conception de ce projet. C’est pour cela que trouver le site dans un premier temps a été un enjeu de taille, Enfin une vaste plaine au pied de la montagne où le tsunami avait tout balayé, un espace laissant une vue dégagée sur l’océan s’est révélé comme le parfait endroit pour construire quelque chose. A 30minutes à pied des camps de maisons temporaires, Le site choisi pour y installer cet espace communautaire est légèrement surélevé par rapport à l’ancienne ville de Rikuzentakata, il s’agit ainsi d’un lieu symbolique, où l’on peut admirer la nature en belvédère et avoir une vue sur l’ancienne ville ravagée, ou plutôt une vue sur la nouvelle ville en venir.
80
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
.
Figure 47: Recherche formelle pour la maison communautaire Home For All Rikuzentakata Architecture possible here ? « Home For All » p50
81
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Avant la catastrophe de 2011, les habitants de Rikuzentakata entretenaient une très forte relation avec la nature environnante. En effet la forêt de cèdres était un lieu où les gens appréciaient venir s’y retrouver et échanger, malheureusement rien ne subsiste de cette forêt, cette dernière e été complètement balayée par la vague de près de 14m qui a ravagé la côte. Le projet a décidé d’intégrer les troncs de cèdres inondés par la catastrophe comme piliers structurels, ce qui dans un premier temps permet d’éviter le gaspillage de matériaux mais aussi qui a une très forte valeur symbolique et émotionnelle pour les habitants.
Une partie de l’idée a été inspirée par un commentaire de M. Hatakeyama, un photographe qui a accompagné l’équipe d’architectes tout au long du processus de construction, qui a fait remarquer que La structure de pilier unique de la Maison pour Tous de Rikuzentakata rappelle en quelque sorte les flotteurs utilisés dans le festival local de Tanabata célébré chaque année dans la ville . Tous ces éléments qui composent l’histoire du lieu et des styles de vie qui y prenne place se sont réunis et ont donné au bâtiment sa forme. Toyo Ito considère que ce n’est pas les architectes qui ont dessiné la maison, mais cette dernière prenait forme seule, petit à petit à mesure où les styles de vie ressurgissaient lors des réunions de conception avec les sinistrés.
Figure 48: Tanabata festival à Rikuzentakata isittakata.com, 2005
82
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 49: Construction de la maison communautaire Home For All Rikuzentakata https://fr.wikiarquitectura.com 83
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
La structure verticale a été construite avec 19 troncs de cèdre débarrassé de son écorce. Ceux-ci ont été donc choisis parmi des arbres déracinés par le tsunami dans une ancienne réserve naturelle, la forêt de Takata- Matsubara. La construction finale atteint une hauteur de 9.75m et offre une superficie intérieure de 29,96 m², répartis sur plusieurs niveaux ou se faufile tout un parcours extérieurs par le biais de balcons en bois. Des volumes intérieurs et extérieurs semblent en effet être mis en suspension par les éléments verticaux.
La maison pour tous n'est cela dit pas une maison au sens traditionnel : On peut trouver en effet ce côté « intime » du chez-soi au niveau de l'échelle de la construction et de la division des pièces, mais la maison communautaire n’a pas pour but d’être habitée. Au lieu de cela, il fonctionne comme un point de rencontre pour la communauté. Ito le décrit comme «une tentative de fournir des endroits où ceux qui ont perdu leurs maisons dans le tsunami peuvent se rencontrer et profiter d'un peu de répit».(30)
Figure 50 : Cuisine commune de la maison communautaire Home For All Rikuzentakata wikiarquitectura.com _____________________
(30) Toyo Ito, Kumiko Inui, Sou Fujimoto, Akihisa Hirata, Naoya Hatakeyama et autres, Architecture Possible here ? « Home-for-All » Ed. ToTo , 2013 p32
84
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
陸前高田のみんなの家
Home For All, Rikuzentakata
Architecte Toyo ItoKumiko InuiAkihisa HirataSou Fujimoto
Rikuzentakata Documents :
Entreprise de construction
❶ Rez-de-chaussée Figure 51
Shelter
❷ Coupe Figure 52
Année de Construction
❸ R+1 Figure 53
2012 - 2013
❹ R+2 Figure 54
Superficie 29,96 m² Emplacement Rikuzentakata, Iwate, Japon.
_____________________
Figure 51, 52,53,54 : Documents graphiques, Toyo Ito, Kumiko Inui, Sou Fujimoto, Akihisa Hirata, Naoya Hatakeyama et autres, Architecture Possible here ? « Home-for-All » Ed. ToTo , 2013 p32
85
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
❶
86
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
❷
❸
❹
87
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
II.C Home For All, L’approche participative, une nouvelle vision de l’Architecture
Nous allons à présent analyser les éléments du projet Home for All qui participent à l’élaboration d’une nouvelle façon de concevoir. Comment réinterrogent la place de l’architecte ? Comment l’architecture participative devient architecture et peut aider la reconstruction de tout un territoire ?
Réinterroger la place des acteurs de la construction, l’architecte comme médiateur
Comme nous l’avons évoqué précédemment l’association Home For All propose un travail participatif avec les entreprises, constructeurs locaux ainsi que les sinistrés eux même pour mettre en place des maisons communautaires dans les campements. L’ensemble du projet se base donc sur un dialogue entre les différents acteurs qui fait ressurgir ainsi l’histoire, la main d’œuvre locale et les matériaux disponibles selon chaque site touché par une catastrophe. Le travail réalisé à Rikuzentakata a servi de base ou de tremplin à tous les projets de Toyo Ito, et de ses architectes, qui ont suivis. Chaque maison communautaire générée par la suite pour les sinistrés vivant en maisons temporaires a suivi le même processus, elles sont ainsi 88
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
toutes uniques et très fortement liées à l’histoire de chaque lieu étudié. La conception de chaque maison communautaire va dépendre des ressources disponibles dans la région touchée, de la main-d’œuvre locale, et de son histoire : si tous les bâtiments restent à une petite échelle, on peut voir une grande différence dans le traitement de la forme architecturale. Voici quelques exemples de ce que l’association appelle les « Tohoku House » :
Figure 55 : Maison communautaire de Soma HOME-FOR-ALL, 相 馬 こ ど も の み ん な の 家 , www.archdaily.com, Koichi Torimura 2015
Figure 56 : Maison communautaire de Heita HOME-FOR-ALL, 釜 石 市 平 田 の
みんなの,
www.archdaily.com, Koichi Torimura 2012
89
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Tohoku Houses
Figure 57 : Maison communautaire de Tsukihama HOME-FOR-ALL,宮 戸 島 月 浜 の み ん な の 家 www.archdaily.com, Koichi Torimura 2014
Figure 58 : Maison communautaire de Miyatojima HOME-FOR-ALL, 東 松 島 市 宮 戸 島 の み ん な の 家 www.archdaily.com, Koichi Torimura 2012
90
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
La maison communautaire construite à Rikuzentakata a été récompensé de la plus haute distinction de la biennale de Venise de 2012 : le Lion d’or. Toutes les recherches formelles, les questions générées sur l’architecture ont été ainsi exposées dans un pavillon ouvert au public. Ceci a donc permis de rendre ce travail mondialement reconnu et de sensibiliser un plus grand nombre à la question de la construction en urgence mais aussi de la place de l’architecture en général.
Par ce travail participatif Toyo Ito et son équipe ont démontré que les catastrophes ne doivent pas être perçues que négativement et traitées en conséquence. Elles peuvent générer un processus de changement et d'évolution dans la structure sociale, dans l'économie, dans l'environnement, et dans la forme de la construction et de l'habitat.
Dans cette conception partagée, le sinistré n'est plus une charge mais devient plutôt une ressource où les architectes puisent leurs savoirs et leurs inspirations. Cela a de grande répercussion sur la pratique du métier d’architecte mais aussi un effet positif dans la résilience des sinistrés des maisons temporaires japonaises. Procéder ainsi permet de questionner la hiérarchie présente dans la construction aujourd’hui. Construire avec les personnes pour qui l’on construit permet tout simplement de concevoir un espace plus adapté aux styles de vie de cette communauté. Plutôt que de dépendre des constructions standardisées à l’échelle de l’Etat, Il faudrait plutôt promouvoir la mémoire des habitants, les ressources et savoirfaire locaux : cela permettrait de relancer la production des matériaux de construction de la région d’une part, et permettrait également d’'encourager une construction plus autonome qui inclut chaque corps de métier.
91
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Réinterroger l’architecture actuelle
L’architecture réparatrice génère de forts impacts dans la vie des sinistrés, il s’agit de leur fournir, par rapport à leurs souhaits, une réponse spatiale. C’est là que le rôle de l’architecte est nécessaire, il doit être le médiateur qui met ses connaissances de l’espace au service des autres en déterminant leurs besoins. Les projets considérés comme participatif sont souvent financés par des dons ou des organisations caritatives privées ce qui diminue leur taille et capacité.
Giancarlo De Carlo, architecte et théoricien de l’architecture italien, était très engagé dans la question du Genius Loci (génie du lieu).
Il écrit le livre en 1972 An
architecture of participation où il explique l’importance d’inclure tous les acteurs dans la conception architecturale afin de proposer une structure adéquate. il explique:
La participation, c'est une question de désaliénation réciproque. Un architecte doit réviser complètement ses idées au contact des habitants et de la réalité (31)
Il faut être capable ainsi d’atteindre les populations exclues et leur offrir la possibilité de s’exprimer. Cette participation peut être un moyen de reconstruction du tissu social après une catastrophe telle que celle de Fukushima en 2011. Akihisa Hirata, architecte ayant participé au projet de la maison pour tous à Rikuzentakata s’exprime lors de la conférence "Architecture After 3.11" (32):
_____________________
(31) Giancarlo De Carlo, An architecture of participation, Ed. Melbourne architectural papers, 1972, 54p.
(32) "Architecture After 3.11" conférence organisée par l'Institut d'architecture du Japon, Fukutake Hall de l'Université de Tokyo, 25 septembre 2012
92
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
J'ai toujours cherché une nouvelle approche de l'architecture, j'ai essayé de la repenser en termes abstraits d'où elle a commencé et s'est terminée. Mais avec Rikuzentakata, l'endroit lui-même débordait de symbolisme. Notre mission était de restaurer les liens entre les personnes qui avaient été coupées par la catastrophe. J'ai senti que notre bâtiment était le début d'une communauté, ainsi que le début de l'architecture.
La maison pour tous de Rikuzentakata est peut-être de petite échelle mais est pourtant hautement significative. Dans la préface de Architecture possible Here ? (33) Toyo Ito explique que cette construction interroge la forme que l’architecture doit prendre dans l’ère moderne. Il exprime tout au long de l’ouvrage une certaine critique à l’égard de l’architecture contemporaine, qui selon lui « est la plus reconnue uniquement pour son originalité individuelle » (34)
Figure 59 : Le pavillon d’exposition à la biennale de Venise « Home for All, Architecture possible here ? » http://www.wochikochi.jp Naoya Hatakeyama,2011 _____________________
Le pavillon d’exposition à la Sou biennale de Venise de Hirata, 2011 , Naoya « HomeHatakeyama for All, Architecture possible (33) Toyo Ito, Kumiko Inui, Fujimoto, Akihisa et autres, here ? » Source : http://www.wochikochi.jp (Photo: Naoya Hatakeyama) Architecture Possible here ? « Home-for-All » Ed. ToTo , 2013, Préface p7 (34) Architecture possible here ? , communiqué de presse de la conférence de l’exposition à la biennale de Venise, Pavillon du Japon 5 mai 2012.
93
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Selon lui les questions les plus primordiales sont : Pourquoi un bâtiment est-il fait? Et surtout pour qui? Ont tendance à être oublié de nos jours. Un bâtiment d’architecture ne peut être qu’une œuvre d’art, car l’architecte a un rôle sociétal : Il considère qu’une zone sinistrée où tout a été détruit offre l’occasion idéale de jeter un regard neuf sur l’architecture et ses méthodes de conception. « L'architecture contemporaine est devenue un outil pour visualiser le capital dans une économie mondiale. Maintenant, nous devons être libres d'utiliser l'architecture comme un outil, et comme je l'ai mentionné dans ma réponse à votre question précédente, c'est le moment où nous devons reconsidérer ce que l'architecture devrait être. » (35)
Sou Fujimoto, faisant également partit de ce processus, répond lorsqu’on lui demande si sa vision de l’architecture a évolué depuis ce projet (36):
L'exposition de Venise présente le processus de conception du «Home-forAll» de Rikuzentakata, mais ce processus était loin d'être simple. Cela nous a conduits à la question primordiale "qu'est-ce que l'architecture?" […] l'exposition représente plusieurs couches de temps - le passé, le présent et le futur. Le Pavillon contient en effet les différents éléments d'une ville, dans sa juxtaposition du concret à l'abstrait, de l'individuel à la société, du bâtiment à la communauté dans son ensemble. Les éléments impliqués dans la fabrication d'un seul bâtiment sont multiples. Je pense que c'est ça l'architecture. Dans l'ensemble, le projet nous a offert la curieuse expérience de voir un bâtiment prendre forme tout seul. La structure en piliers distincte du «Homefor-All» de Rikuzentakata, par exemple, était déjà présente dans le premier modèle de M. Hirata. Le matériel réel a été inspiré par l'histoire des bosquets de cèdres japonais détruits par le tsunami et par les chars utilisés dans le festival local tanabata. Tous ces _____________________
(35) Toyo Ito, Toyo Ito: Re-building from disaster, entretien avec Maria Cristina Didero, www.domusweb.it, 26 January 2012 (36) "Architecture After 3.11" conférence organisée par l'Institut d'architecture du Japon, Fukutake Hall de l'Université de Tokyo, 25 septembre 2012
94
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
différents éléments se sont réunis et ont donné au bâtiment une forme tangible. Avant le démarrage du projet, j'étais aussi incertain à ce sujet que Mme Inui l'était. Je n'étais pas sûr d'être prêt à penser à l'architecture après le grand tremblement de terre de l'est du Japon. Mais à un certain moment, j'ai réalisé que «l'architecture» existait à Rikuzentakata, comme cela a toujours été le cas. Je n'oublierai jamais ce moment où le brouillard dans mon esprit s'est éclairci et j'ai entrevu la vraie nature de l'architecture.
L’architecture ne peut pas résoudre tous les conflits liés à l’exclusion mais dans le cas de Rikuzentakata, elle a permis de préserver et de renforcer le lien social entre les résidents des habitations d’urgence de Osumi. Prendre soin de ce sentiment d’appartenance et de communauté, c’est permettre une meilleure résilience sociale pour les sinistrés. La conception architecturale était une réponse appropriée pour construire le bon endroit répondant à des attentes complexes. « Home for All n’est pas seulement un générant de la joie ou de la relaxation, il s’agit d’une nouvelle appréciation de la puissance de l’architecture. » (37)
Un mouvement de grande envergure
Si nous devions résumer le travail de Toyo Ito et de son équipe, nous pourrions expliquer que ce projet se base sur 3 objectifs/ directives :
_____________________
(37) Toyo Ito, Kumiko Inui, Sou Fujimoto, Akihisa Hirata, Naoya Hatakeyama et autres, Architecture Possible here ? « Home-for-All » Ed. ToTo , 2013, p21
95
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Source : www.home-for-all.org
Source : www.home-for-all.org
96
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Il s’agit donc un projet qui s’inscrit dans un troisième temps dans une conception plus globale de ce qu’est la reconstruction. Home For All est également en étroite collaboration avec « Archi Aid », il s’agit d’une association établie le 30 septembre 2011 suite au grand tremblement de terre de Tohoku, elle est définitivement l’association
ayant le plus de poids dans le dialogue entre architectes et
Gouvernement. Il s’agit d’un collectif d’architectes japonais et acteurs de l'architecture en général qui agissent pour soutenir activement les zones touchées, les personnes toujours en période transitoire et surtout l’effort à la reconstruction.
97
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
À cette fin, nous avons créé un réseau de soutien à la reconstruction des architectes, appelé ArchiAid, et proposons un effort conjoint et coopératif pour la relance des zones sinistrées. Pour que ce type d'aide fonctionne efficacement, il faut une collaboration étroite avec les acteurs locaux. […] les fonds collectés seront mis à profit pour construire et mettre en service une plateforme pour soutenir les efforts de reconstruction dans les zones sinistrées; vers la relance de l'éducation au design qui a été endommagée par le tremblement de terre; et vers l'accumulation et l'illumination des connaissances relatives au désastre. Nous espérons ardemment que la reprise de cette catastrophe sera l'occasion de reconstruire la culture architecturale et l'éducation dans les zones sinistrées.
Si dans un contexte d’urgence, les pouvoirs locaux ne se tournent pas directement vers les architectes, ce collectif souhaite changer les choses et montrer l’importance de leur consultation dans ce processus. En mars 2013, ArchiAid comptait 300 personnes engagées dans l'effort de reconstruction et de régénération à long terme dans les zones sinistrées, y compris de nombreux éducateurs et architectes éminents du Japon, tels que Kazuyo Sejima et Kengo Kuma ou encore Shigeru Ban.
_____________________
(38) Comité ArchiAid, An Appeal for Participation in ArchiAid, an Architects’ Network to Support Reconstruction Following the Tohoku Earthquake, site official archiaid.org, septembre 2011
98
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
99
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
De l’éphémère au temporaire : l’enjeu de la reconstruction
100
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
III.A Reconstruire par l’architecture participative Après avoir explicité les impacts que l’architecture participative pouvait avoir dans le quotidien des sinistrés vivant dans les logements temporaires, Il est désormais nécessaire de s’intéresser à ce qui pourrait être accompli en transposant ce processus de co-design à l’échelle du territoire. Qu’est-ce que signifie reconstruire par l’architecture participative ?
Reconstruire différemment
La violence de la catastrophe de Tohoku de mars 2011 a rendu tout le paysage côtier de l’Est du Japon à reconstruire de zéro. En effet, un désastre d’une telle envergure marque indéniablement le territoire, la catastrophe est faite d’un avant et d’un après. Il s’agit d’un évènement brutal qui marque également un tournant, un point de non-retour dans l’histoire du lieu.
Lorsque la question de la renaissance de ce territoire se pose et sur sa reconstruction pérenne, elle amène forcément à un questionnement sur la situation passée, la mémoire du lieu et la vie des communautés qui peuplaient se territoire ; la situation actuelle concernant l’ampleur des dégâts et comment les soigner ; mais aussi
101
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
la situation que l’on peut projeter pour le futur. Comment reconstruire ? Doit-on reconstruire à l’identique dans l’espoir que les rescapés reprennent leurs anciens rythmes de vie ? Ou au contraire doit-on faire table rase de ce qui subsiste dans les mémoires collectives et reconstruire sur un nouveau modèle ?
Julien Grisel, Architecte et urbaniste Suisse et professeur à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) écrit dans le cadre d’un Programme doctoral Architecture et sciences de la ville en 2010, une thèse sur Le processus de projet dans la reconstruction urbaine suite à une catastrophe
Dans ce travail, il
développe l’idée qu’ « une catastrophe, bien qu’il s’agisse d’un évènement d’une violence inouïe, peut être une opportunité au renouveau du territoire. » (39)
Figure 60 : Ishinomaki sebastienlebegue.com, Le Begue, 2011 _____________________
(39) Julien Grisel, Le processus de projet dans la reconstruction urbaine suite à une catastrophe, Thèse à l’EPFL, Programme doctoral Architecture et sciences de la ville Faculté de l'environnement naturel, architectural et construit Institut d'architecture et de la ville, infoscience.epfl.ch, 2006/2010
102
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Repenser la reconstruction de toute une ville peut être un prétexte au développement de nouvelles idées, de nouveaux principes spatiaux ou même techniques. La catastrophe va permettre d’imaginer de nouveaux scénarios de vie, d’utilisation de l’espace : ces derniers seront parfois utopistes et ne seraient peut-être pas imaginable dans une situation normale.
Peut- on imaginer une reconstruction qui diffère de la construction classique ? Qui réinterroge la place des acteurs de la construction, des rescapés aux concepteurs ? Nous avions vu dans le cas des projets visant à l’amélioration des habitations temporaires, que privilégier une approche incluant les sinistrés dans le processus de conception améliore grandement la justesse du projet final auprès de leurs utilisateurs. Ne serait-il pas de même pour ce qui concerne la reconstruction globale d’un territoire ? Il semble que si les habitants ne sont pas actifs dans le processus de planification de la zone à reconstruite, il est probable qu'il ne convienne pas à leurs besoins et soit donc inadapté.
Approche “Top Down” et “Bottom Up”
Nous pouvons discerner deux approches théoriques dans la conception d’un projet (40) : l’approche descendante qu’on appelle communément l’approche « Top Down » et l’approche ascendante appelé « Bottom Up ». Ces approches caractérisent le principe général de fonctionnement d'une démarche. On les distingue sur leurs perceptions différentes de la mise en place d’une procédure : L’approche ascendante part par définition du détail, c’est-à-dire du « bas », Elle part de l'échelle la plus fine, pour ensuite élargir son sujet à un échelon plus large. L’analyse descendante part au contraire de l'ensemble puis le décompose en éléments plus détaillés, pour aboutir à un état des lieux de l'objet étudié. _____________________
(40) Approche Ascendante et descendante, Wikipédia https://fr.wikipedia.org/
103
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Par extension, dans le domaine de la reconstruction la différence de ces approches va être basée sur la hiérarchie qui est mise en place entre les acteurs du processus. (41)
L’approche « Top Down »
désigne un pilotage directif
descendant qui est basé sur la hiérarchie. Les échelons subordonnés vont exécuter les consignes prescrites par les échelons supérieurs.
Plus concrètement, cette
approche est née lors du développement de la construction préfabriquée dans les années 1970-1980. L’habitat est ici d’une certaine façon standardisé par les techniques de production en série. Ce système malgré sa rapidité de mise en œuvre n’est pas à l’écoute des populations qui vont dans le futur l’utiliser : en effet sur le plan des besoins des sinistrés ainsi que l’aspect social, cette approche se révèle largement incomplète puisqu’elle ne met pas en place un dialogue et est limitée à un échange unilatéral. Elle a souvent besoin d’être complétée par des dispositifs générés par des associations humanitaires extérieures.
Figure 61 : Approche Top Down ou Approche descendante _____________________
(41) Paulo J. da Sousa Cruz, “Different Approaches for Disaster Housing”, Structures and Architecture: New concepts, applications and challenges books.google.fr, 27 juin 2013 p938
104
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
L’approche « Bottom Up »,
au contraire de l’approche
« Top Down » ne développe aucune réponse standardisée, mais plutôt une diversité de dispositifs qui va s’adapter à chaque communauté et à chaque sinistré. Ce processus implique la participation de divers et multiple acteurs. Elle va préférer partir de la petite échelle pour développer ensuite quelque chose de plus grandes envergure. Ce genre d’approche est actuellement souvent un complément des approches «top down », dans le processus de reconstruction d’un territoire de façon à inclure plus grandement la petite échelle. On peut traduire ce processus par une démarche participative qui permet en effet d’établir un dialogue avec la population touchée par une catastrophe naturelle de grande envergure. Elle peut de cette façon mieux identifier les enjeux, besoins et revendication de cette population mais aussi développer une meilleure approche spatiale pour y répondre. En d’autre terme l’approche descendante génère une meilleure coalition entre sinistré et les organisations ce qui permet une plus grande efficacité et une plus grande justesse du projet final. La participation implique également celle des constructeurs locaux, ces derniers pourront ainsi utiliser plus justement des ressources locales. La participation renverse l’idée de hiérarchie il s’agit plus d’apprentissage des échelons entre eux. Il n’a aucune contrainte des organisations imposant un système spatial.
Figure 62 : Approche Bottom Up ou Approche ascendante 105
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Reconstruire par l’architecture Participative
De la même façon que ce que préconisait Toyo Ito, Il est important de ne pas considérer les victimes uniquement comme des victimes, mais comme des acteurs importants de la reconstruction. Comme nous l’avions dans la partie précédente, le projet Home for All se basait sur 3 directives : La résilience communautaire, Une nouvelle vision de l’architecture et enfin la reconstruction du territoire. Ce 3ème objectif est une projection dans l’avenir : puisque la petite maison communautaire de Rikuzentakata a eu des impacts plus grands que son échelle, pourrait-on imaginer ici un projet qui pourrait participer à la reconstruction de tout un territoire ? Est-ce que cette structure pourrait être la première étape d’un plan de reconstruction du territoire ?
Toyo Ito a été en collaboration en tant que simple consultant avec le comité de reconstruction de la ville de Kamaishi également violemment affectée par la catastrophe de 2011. Le cas de Kamaishi est assez exceptionnel puisqu’Il se trouve que le Maire de la ville et son équipe sont assez ouverts aux projets d’écoute de la population et essaye, malgré de nombreuses difficultés, de les concilier avec les consignes du gouvernement (42). Très investi dans cette question, Toyo Ito a pris l’initiative de dialoguer avec les anciens habitants en organisant des ateliers à propos des nouveaux programmes urbains. Ces derniers ont comme directive principale « la sécurité avant tout », ce qui dans le cas de Rikuzentakata se traduit formellement par une délocalisation des quartiers résidentiels dans les hauteurs, théoriquement à l’abri des tsunamis. Le projet de reconstruction élaboré par la municipalité avant la fin de 2011 est un plan d’occupation des sols pour les 22 différents secteurs de la ville de Kamaishi à partir d’une simulation basée sur la hauteur d’un tsunami (42).
_____________________
(42) Toyo Ito, L’Architecture du jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles,2012 190p.
106
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Il se trouve que, toujours en étroite corrélation avec cette idée de mémoire du lieu, les individus concernés par ce déplacement se disent plus favorables à retourner vivre au même endroit. En effet, en prenant en compte le fait que la plupart du temps leurs ancêtres ont vécu au même endroit malgré les tsunamis successifs ils voulaient continuer à y vivre même dans la possibilité qu’un tsunami puisse frapper de nouveau. Toyo Ito et ses collaborateurs ont pris la décision de soumettre des propositions indépendantes, plus visuelles, à base de croquis, plans et maquettes etc… Sans rentrer dans un plan d’urbanisme pour autant, ces recherches devaient servir aux habitants à mieux se projeter dans leur future ville. Plusieurs propositions ont alors été faites sur des typologies d’habitat collectif qui pourrait permettre de vivre en proximité immédiate des anciens secteurs d’habitations et reconstruire les anciens voisinages d’avant la catastrophe.
Figure 63 : Principe d’évacuation des immeubles adossés à la montagne
Figure 64 : Habitat collectif, Architecture du Jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles 2012. P49 107
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Plusieurs recherches formelles ont été faites avec l’idée d’un bâtiment qui s’adosse à un mur de soutènement et qui connecte donc un sentier bas et un sentier haut, ce qui en cas de catastrophe pourrait permettre une évacuation plus rapide (Figure 63 et 64).
Un peu d’une façon similaire à la démarche des maisons communautaires Home For All, il était important de suivre cette démarche participative et de la traduire par une figure qui parle aux individus. En juxtaposant dos à dos le plan des immeubles adossés au mur de soutènement, un autre module d’habitation a alors été généré rappelant fortement le style Gasshô-Zukuri en « mains jointes » (42). Il s’agit d’un type de maisons japonaises de forme triangulaire avec une toiture en forte pente typique de Shirakawagô dans la préfecture de Gifu ou de Gokayama dans la préfecture de Toyama. Il était également nécessaire d’inclure dans le projet des espaces de vie commune qui pourraient s’articuler à l’intérieur du bâtiment et où les habitants pourraient se retrouver et échanger.
Figure 65 : Habitat collectif, Architecture du Jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles 2012. P51
Figure 66 : Maison de style GasshôZukuri i.pinimg.com 108
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Une des caractéristiques de ces propositions s’appuie sur l’idée de redynamiser le territoire et son activité économique : Par exemple, la rue commerçante du centreville de Kamaishi a été fortement endommagée par la catastrophe, Toyo Ito a donc développé des esquisses conceptuelles réutilisant des bâtiments industriels désaffectés pour créer une halle couverte. Dans cette démarche, il ne s’agit en aucun cas de minimiser les dispositifs liés à l’ingénierie, au contraire il s’agit ici de les « dynamiser ». Les digues anti-tsunamis qui génère des aménagements lourds allant parfois jusqu’à 15m pourrait être requalifié et fournir à la ville plusieurs équipements paysager : comme un grand parc en hauteur qui faciliterait également l’évacuation en cas de catastrophe ou encore un stade de rugby dont les gradins viendraient s’intégrer dans les talus des digues (43).
Figure 66 : Esquisse pour un stade de rugby, Architecture du Jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles 2012. P56 _____________________
(43) Toyo Ito, L’Architecture du jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles, 2012 p56-57
109
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 67 :, Esquisse de l’allée des cerisiers : terre plantée qui permettrait de renforcer la protection anti-tsunamis qui génère également un parc Architecture du Jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles 2012. P55
Figure 68 : Marché provisoire installé dans une usine désaffectée, Architecture du Jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles 2012. P54
110
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Ce système se présente comme une proposition alternative au plan de reconstruction proposé par le gouvernement. Toyo Ito persiste sur la nécessité d’inclure les habitants dans le processus de conception du plan d’urbanisme : l’architecte doit servir de médiateur entre les modèles de vie des habitants et les outils de la construction.
Mais la reconstruction implique de nombreux acteurs, de ce fait il semble difficile d’avoir une réelle synergie entre toutes les personnes impliquées. Il existe également une réalité économique et administrative dont il est dur de se défaire La reconstruction par l’architecture participative est-elle une utopie ?
111
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
III.B La réalité de la reconstruction du territoire Japonais Nous allons à présent nous interroger sur ce qu’est réellement le système de reconstruction Japonais en prenant l’exemple de la situation actuelle des territoires ravagés par le tremblement de terre et le tsunami de mars 2011. Comment est planifiée la reconstruction d’un territoire au Japon ?
Le grand absent du processus de reconstruction du territoire: l’Architecte
Panasonic Corporation, est un grand groupe japonais spécialisé dans l'électronique grand public basé à Osaka, qui a été intégré dans le processus de construction de la région de Tohoku. Cette société a été d’ailleurs le fournisseur principal d’électricité, de chauffage des maisons temporaires et d’autres équipements technologiques liés à la production d’énergie, aidant les communes à la gestion post catastrophe. Sur le site internet Panasonic dans les rubriques concernant cet effort de reconstruction du territoire de Rikuzentakata, les développeurs expliquent les différents plans d’urbanisme aujourd’hui en cours de conception.
112
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 69 : Investissement du Groupe Panasonic dans la gestion de l’energie dans une situation post-catastrophe, https://panasonic.net/ 2013 Selon le groupe Panasonic, pour soutenir la reconstruction des communautés, les trois préfectures comprenant la région de Tohoku ont planifié un réaménagement des terres pour 51 « districts » (44), À la fin de septembre 2013, 46 districts (soit 90%) auraient atteint le stade du lancement d'un projet et 20 districts (39%) seraient au stade de préparation du site. En ce qui concerne la reconstruction et l'amélioration de la zone centrale de la ville de Rikuzentakata, Le projet consisterait à déplacer les anciennes zones résidentielles vers les hauteurs sur le flanc de la montagne et de former un nouveau centre-ville sur des terres surélevées par un système de dalle urbaine protégé par des digues. Le but serait de créer une ville _____________________
(44) Group Panasonic Challenges in Tohoku Reconstruction, Panasonic’s Solutions, site official https://panasonic.net/ 2013
113
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
compacte entièrement équipée de multiples mesures de prévention des catastrophes. Sur la base de ce plan, le gouvernement municipal prévoit une population de plus de 25 000 habitants.
Après avoir été approuvé en tant que projet de réaménagement des terres pour la reconstruction post-séisme, des travaux de préparation du site ont commencé dans une partie des districts de Takata et d'Imaizumi. Le développement d'un nouveau centre-ville, impliquant un projet de génie civil à grande échelle pour aménager des terrains à plus haute altitude, entraînera des changements importants dans les environs et le paysage de la communauté. Les citoyens inquiets de la hauteur du terrain surélevé prévu et de la façon dont leur vie sera affectée par cette relocalisation avaient demandé une explication plus précise aux communes et aux bureaux d’études impliqués dans le projet. Ces dernières ont alors fait appel à Panasonic pour mettre en place un système de planification de paysage Panasonic VR (réalité virtuelle) afin de faciliter la compréhension du projet.
Figure 70 : Hauteurs de Takata « district », village résidentiel https://panasonic.net/ 2013
114
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 71 : Centre-ville surélève Takata « district », village résidentiel https://panasonic.net/ 2013
Par ces images traduisant une grande abstraction que cela soit du contexte ou même du projet lui-même, se dégage une grande frustration auprès des architectes qui souhaitent s’investirent dans la question de la reconstruction. Toyo Ito considère que ces plans de reconstruction devraient suivre le même principe que le travail d’une maison communautaire, donc projet de moindre échelle. Il s’agit d’une critique de ce qu’il appelle « l’abstraction du XXe » (45), où l’architecture visant un espace abstrait ou une fin uniquement « conceptuelle » ou uniquement orienté sur l’ingénierie coupe la compréhension des aspirations des habitants.
Il parait légitime d’orienter les plans de reconstruction vers une dimension plus scientifique et structurelle, notamment dans ce qui concerne les aménagements anti-tsunami ou parasismiques. Particulièrement quand on prend en compte l’inefficacité de la plupart des dispositifs qui avaient été mis en place avant la catastrophe de mars 2011. Cela étant dit, est-il concevable de se limiter uniquement à cette dimension-ci ? Peut-on axer la renaissance de tout un territoire seulement sur _____________________
(45) Toyo Ito, L’Architecture du jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles, 2012
115
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
la notion de sécurité? Est-ce que cela justifie le détachement de l’histoire, des styles de vie de toute une communauté ?
Il exprime lui-même dans son livre L’architecture du jour d’après une certaine frustration à l’égard des collectivités locales concernant les plans de reconstruction des villes touchées après la catastrophe de 2011. En effet nous pourrions penser que lorsqu’un architecte comme Toyo Ito est impliqué dans un projet d’aménagement urbain il pourrait être chargé de la conception du plan d’urbanisme, mais ce n’est pas le cas. Le projet de reconstruction est essentiellement mené par l’administration et des consultants en travaux publics, le rôle des architectes est uniquement consultatif. Le plan de reconstruction est sensiblement le même quel que soit la commune visée, le plan généré est selon l’architecte japonais très « abstrait et approximatif, même avec des explications il ne permet pas aux habitants de se faire une idée de leur future ville. […] l’ensemble est très insuffisant sans aucune vision d’avenir. » (46)
Lors d’une interview réalisée avec le Web magazine Domus lorsqu’on lui demande son ressenti sur la proposition de reconstruction du gouvernement des villes ayant été complètement détruites par la catastrophe naturelle, il répond :
Habituellement, dans des cas comme celui-ci au Japon, les spécialistes du génie civil dirigent le processus de planification, et l'architecte n'a aucune chance d'être invité à concevoir le plan directeur. Par conséquent, les plans conçus manquent d'humanité et deviennent uniquement de l’ingénierie. En tant qu'architecte, je m’efforce d'écouter autant que possible la voix du citoyen et d'incorporer ses pensées dans le plan. (47) _____________________
(46) Toyo Ito, L’Architecture du jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles, 2012 190p. (47) Toyo Ito, Toyo Ito: Re-building from disaster, entretien avec Maria Cristina Didero, www.domusweb.it, 26 January 2012
116
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Une reconstruction qui stagne
A quoi ressemble concrètement la ville six ans plus tard? Quelle réalité existe derrière le projet de reconstruction ? Le Japan Times avait consacré un reportage sur l’avancement des travaux de reconstructions(48). La ville pour construire le remblai de terre du nouveau centre-ville de 124,2 hectares et de plus de 12 mètres de haut, accumule des milliers de tonnes de terre prélevées sur des terres plus élevées. De nombreuses villes côtières détruites par le tsunami construisent actuellement des digues de défense contre les tsunamis, celles de Rikuzentakata sont de loin les plus grandes et les plus coûteuses : En effet, ce projet coûterait plus de 118,2 milliards de yens, financé principalement par le gouvernement.
Il est difficile cela dit de déterminer d’après Reiji Yoshida, journaliste du Japan Times,
si les villes reconstruites retrouveront leur vigueur des époques
précédents le tsunami. En effet plusieurs facteurs sont à prendre dans le développement du projet : tout d’abord la population vieillissante et leur déclin rapide.
La population des 31 villes côtières frappées par le tsunami dans les préfectures d'Iwate, de Miyagi et de Fukushima aurait diminué de 5,47% à 1,32 million en 2016 contre 1,4 million en 2010, selon les chiffres obtenus par The Japan Times. Il parait ainsi difficile d’atteindre les 25 000 habitants que préconisé le projet de Panasonic et les différents comités à la reconstruction. Ce phénomène prend des proportions de plus en plus importantes en mesure que la reconstruction tarde. D’après Reiji Yoshida :
_____________________
(48) Reiji Yoshida Tsunami-hit Rikuzentakata rebuilding on raised ground, hoping to thrive anew, The JapanTime www.japantimes.co.jp, 7 mars 2017
117
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
L’Université d'Iwate a souligné que la population est en déclin à l'échelle nationale, et la catastrophe de 2011 n'est pas la seule raison de la récente baisse de Tohoku. Mais il est également vrai que la catastrophe a accéléré le déclin de la population à Tohoku, ce qui pose de sérieux problèmes aux régions touchées par les catastrophes. Rikuzentakata fait partie d'un certain nombre de villes touchées par le tsunami qui font face à des problèmes de réaménagement. Par exemple, Otsuchi, préfecture d'Iwate, au nord de Rikuzentakata, avait prévu de créer une nouvelle ville de 21000 habitants en créant une zone surélevée près de la côte, tout comme à Rikuzentakata. Mais en décembre, le bureau de la ville a constaté que seulement 11350 résidents prévoyaient de déménager dans la zone nouvellement créée, soit seulement la moitié du chiffre initialement prévu.(49)
Des financements qui limitent les champs d’action des communes
Il existe également un paramètre très important à prendre en compte qui est celui de l’économie des communes. Le gouvernement aurait commencé à réduire son budget spécial pour la reconstruction post-catastrophe. De la période allant de 2011 à 2015, le gouvernement a injecté 25 500 milliards de yens pour venir en aide aux régions sinistrées, dont 10 000 milliards de yen pour les travaux de construction. Mais d’après le Japan Times pour la période 2016-2020, le budget de la catastrophe de Tohoku sera réduit à 6,5 billions de yens, dont seulement 3,4 billions iront aux travaux publics. Cette forte diminution a bien évidemment de forte conséquence sur l’ampleur et la vitesse des travaux de la ville de Rikuzentakata.
_____________________
(49) Reiji Yoshida Tsunami-hit Rikuzentakata rebuilding on raised ground, hoping to thrive anew, The JapanTime www.japantimes.co.jp, 7 mars 2017
118
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Qu’est ce qui a été réalisé depuis 6 ans ? Dès les premiers mois qui ont suivis la catastrophe, beaucoup d’individus avaient participés à l’effort de la gestion post catastrophe en aidant à déblayer les vestiges des anciennes habitations détruites. En effet d’après un article réalisé par Plus de 20 millions de tonnes de débris ont été rapidement nettoyés. D’après cet article, il existait un réel espoir sur ce que le futur pourrait apporter à la ville de Rikuzentakata. Des planificateurs auraient déjà pensé par des esquisses des projets de nouvelles villes alimentées par des énergies renouvelables. Il a été même question de penser la reconstruction du nord-est comme solution pour sortir le Japon de sa stagnation économique.
La réalité a été pourtant décevante : la reconstruction prend du temps et beaucoup d’infrastructures de service n’étaient toujours pas disponible en 2015 soient 4 ans après la catastrophe de Tohoku. Tout le long de la côte, beaucoup d’équipements publics n'ont pas été remplacées, selon the Economist et seulement un sixième des nouvelles constructions prévues de logements sociaux ont
été
achevés (50).
Les comparaisons d’images satellites (1,2,3) montrent cette réalité. Les travaux n’ont pas réellement été entrepris et les actions mises en place aujourd’hui sont toujours de l’ordre de la préparation du terrain. « La ville est seulement au stade de déplacer la terre d'une montagne voisine pour remplir la terre qui a coulé d'un mètre pendant le tremblement de terre » La reconstruction est quelque chose qui se fait dans la durée, mais la lenteur des financements publics et de la mise en place de plan d’urbanisme concret créé de nombreux frustrés dans les communes concernées.
Figure 72, 73,74 : Images satellite n°1, 2,3, respectivement 2010, 2011,2014, Google Earth _____________________
(50) Redaction de the Economist, Japan after the tsunami: Grinding on, The Economist, www.economist.com 7 Fevrier 2015
119
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
❶
❷
❸ 120
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 75: Plaine de Rikuzentakata, où était situé l'ancien centre-ville de la commune Mars 2013 http://www.liberation.fr Le Journal Libération, avait également consacré en 2013 un article qui se présente sous forme d’entretien avec Futoshi Toba, maire de Rikuzentakata. Dans cette entretien Futoshi Toba explique que « très peu, pour ne pas dire rien, n’a réellement été entrepris », cela est dû d’après lui à une procédure administrative très lourde qui doit être préalablement menée avant les débuts de la Construction.
Cette dernière pour être considérée comme légale oblige les communes un temps d’attente qui dans le cas de Rikuzentakata aurait été de deux ans, « Cette _____________________
(51) Arnaud Vaulerin Japon : après le tsunami, «très peu a été réellement reconstruit écrit, www.liberation.fr, 10 mars 2013 (Article en intégralité en Annexe/interview 1)
121
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
procédure a été précédée d’une phase de planification où tout devait être évalué, préparé et validé. C’est là que nous avons perdu beaucoup de temps et d’énergie. » (52) Les responsables municipaux reprochent en partie à la bureaucratie de Tokyo de retarder la reconstruction. Selon le maire d'Ishinomaki, il a fallu six mois au ministère de l'agriculture pour autoriser le rezonage des rizières en tant que terrain pour un nouveau quartier de la ville. Celon The Economist, ce sont souvent les patrons des entreprises de construction, plutôt que les autorités locales ou le gouvernement central, qui choisissent ce qui est construit. « Lorsque le gouvernement municipal de Rikuzentakata a récemment demandé aux entreprises de soumissionner pour la construction d'une nouvelle école secondaire, les promoteurs ont déclaré que le budget était un tiers trop bas, et le projet a échoué. Une conséquence est que les banques locales débordent de l'argent du gouvernement qui n'est pas dépensé. » (53)
Cette interview nous permet de comprendre cette frustration mais met également en lumière un autre enjeu de la reconstruction : l’autonomie d’action des communes. En effet lorsqu’Arnaud Vaulerin pose la question, Futoshi Toba répond :
L’argent nous a été attribué avec des recommandations, des stipulations précises. Cette somme doit être dépensée selon des règles strictes qui fixent ce qu’on peut faire et ne pas faire. Mais cela nous entrave dans nos projets de reconstruction. Ainsi, les fonds d’urgence qui nous ont été attribués par l’Etat [110 milliards de yens pour 2013-2014 (environ 880 millions d'euros), ndlr] ne peuvent pas être utilisés pour reconstruire le gymnase, la bibliothèque ou le musée de la ville détruits en 2011. C’est frustrant. Les lois actuelles stipulent que les impôts municipaux seront utilisés pour rebâtir ce que les fonds gouvernementaux ne prennent pas en charge. Mais nous _____________________
(52) Arnaud Vaulerin Japon : après le tsunami, «très peu a été réellement reconstruit écrit, www.liberation.fr, 10 mars 2013 (Article en intégralité en Annexe/interview 1) (53) Redaction de the Economist, Japan after the tsunami: Grinding on, The Economist, www.economist.com 7 Fevrier 2015
122
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
sommes une petite commune rurale où les taxes locales, peu élevées, ne nous permettront jamais d’entreprendre de grands chantiers de reconstruction. Nous n’avons pas arrêté de le dire au gouvernement. Donc, ce système doit maintenant changer. (54)
Il critique une certaine bureaucratie qui entrave toutes actions autonomes des communes par des procédures administratives. De plus, les individus chargés de la question de la reconstruction sont de grands absents, aucun ne s’est déplacé à Rikuzentakata. Il existe ainsi une réelle déconnexion entre les acteurs, ce qui limite les champs d’action et une réelle compréhension des enjeux.
Travail d’élévation du sol à Rikuzentakata Mars 2017 www.japantimes.co.jp
Figure 76: Travail d’élévation du sol à Rikuzentakata Mars 2017 www.japantimes.co.jp _____________________
(54) Arnaud Vaulerin Japon : après le tsunami, «très peu a été réellement reconstruit écrit, www.liberation.fr, 10 mars 2013 (Article en intégralité en Annexe/interview 1)
123
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Ils ne sont jamais venus nous voir, se rendre compte sur le terrain comment nous vivions, quels étaient nos besoins. Leurs projets sont peut-être séduisants sur le papier, mais ils ne correspondent pas à la réalité. 24 heures ne signifient rien pour un député, un politique à Tokyo. Pour un survivant du tsunami, c’est une éternité. Je ne peux pas m’empêcher de penser que si la catastrophe avait frappé Osaka ou Tokyo, la reconstruction aurait été beaucoup plus rapide […] Le gouvernement a créé l’Agence de la reconstruction censée venir en aide aux communes sinistrées, mais elle a alourdi la charge de travail. Nous devons non seulement frapper à la porte de chaque ministère mais, en plus, établir un rapport de nos activités à l’Agence. On doit revoir ce système sinon la reconstruction continuera à prendre un temps fou. (55)
_____________________
(55) Arnaud Vaulerin Japon : après le tsunami, «très peu a été réellement reconstruit écrit, www.liberation.fr, 10 mars 2013 (Article en intégralité en Annexe/interview 1)
124
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
III.C
L’obsolescence des systèmes d’habitations d’urgence
Japonais, la réponse de l’Architecture Participative
Nous allons à présent nous intéresser à l’impact que les limites de la reconstruction peuvent avoir sur les habitations d’urgence elles-mêmes, mais aussi si la conception de Toyo Ito vis-à-vis de l’architecture participative peut toujours reconstruire le territoire.
Un désintérêt du gouvernement à propose de la reconstruction
Comme nous l’avons vu, la reconstruction peine à avancer et même des années après, la ville de Rikuzentakata est toujours au stade de l’attente et de la préparation. Cette lenteur a bien sûr des conséquences dramatiques sur les sinistrés selon le Japan Times qui avait consacré un article sur la situation actuelle (56) au moment du sixième anniversaire de la catastrophe. La loi de 1947 stipule que les résidents ne resteront pas dans ces unités plus de deux ans, pourtant presque 7 ans _____________________
(56) Philip Brasor et Masoko Tsubuku, Temporary disaster housing has an unforeseen permanence, 2 avril 2017, www.japantimes.co.jp
125
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 77: Une femme rend visite à son fils, qui vit toujours dans un logement temporaire à Ofunato, dans la préfecture d'Iwate, www.japantimes.co.jp2 Avril 2017
Après, pas moins de 174 000 personnes sont toujours hébergées dans des logements toujours considérés comme provisoires. Par exemple à Ishinomaki, une ville de la préfecture de Miyagi où 3 700 habitants se sont noyés lors du tsunami, seulement 150 ménages ont emménagé dans de nouveaux logements permanents, avec 12 700 personnes dans des logements provisoires. (57)
Pourtant, d'autres priorités nationales semblent l'emporter sur la reconstruction de la région. En effet, la diminution des subventions de l’état contraste avec les montants astronomiques dépensés a l’approche des Jeux Olympiques de _____________________
(57) Redaction de the Economist, Japan after the tsunami: Grinding on, The Economist, www.economist.com 7 Fevrier 2015
126
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
2020 prévu à Tokyo, The Economist écrit : « Les habitants se demandent pourquoi la capitale construit un stade ostentatoire pour les Jeux olympiques de 2020, quand les pauvres et les personnes âgées qui ont perdu leurs maisons dans le tsunami ne sont toujours pas relogés. Takuya Tasso, gouverneur d'Iwate, l'une des préfectures les plus touchées, affirme que le gouvernement perd de l'intérêt pour la région.» (58)
Le 10 mars 2017 la chaîne de télévision NHK avait diffusé un documentaire sur les personnes qui vivaient encore dans des logements kasetsu. Ces individus ont perdus leurs maisons lors de la catastrophe, certains ont également perdu leurs terres, car le tsunami a balayé le sol et jusqu'à ce que la terre soit prête, il leur est impossible de continuer à exercer leur travail. Le reportage montre un homme de 75 ans vivant dans une unité temporaire à Kamaishi, dans la préfecture d'Iwate, devant son poste de télévision en train de regarder les préparatifs des Jeux olympiques de Tokyo à la télévision. Il attend que sa propriété soit restaurée par le gouvernement local pour qu'il puisse construire une nouvelle maison, mais le travail effectué est continuellement retardé et il ne sait pas quand il sera terminé. En effet, les matériaux de construction et les travailleurs sont actuellement très prisés au Japon, La NHK laisse entendre que la reconstruction de la région de Tohoku semble avoir été reléguée aux Jeux Olympiques.
_____________________
(58) Redaction de the Economist, Japan after the tsunami: Grinding on, The Economist, www.economist.com 7 Fevrier 2015 (59) NHK Newsline Tokyo, Backstories - the facts behind the news, 229,000 Still in Temporary Housing, Mars 2015 www3.nhk.or.jp
127
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
L’obsolescence des maisons temporaires
Or les maisons de transitions sont par définition conçues et construites pour une situation temporaire et ne sont pas destiné à vivre sur le long terme. « Une grande partie de cet échec est liée à la loi de 1947. Soixante pour cent des gouvernements locaux dans la zone touchée disent que les règlements gouvernementaux sont le principal obstacle à la reconstruction. La taille des unités de fortune et la durée du séjour, toutes deux prévues par la loi, sont inappropriées. » (60) Selon le Japan Times cela a bien évidemment une conséquence sur les conditions de vie des sinistrés.
Le risque de développer un syndrome métabolique serait 1,29 fois plus élevé chez les individus vivant en maisons temporaires, selon une enquête menée par l'université de Tohoku. "C'est peut-être parce que ces personnes sortent moins souvent qu'avant d'emménager dans un logement temporaire", a déclaré Atsushi Hozawa au Japan Times , professeur à la Tohoku Medical Megabank Organization de l'université. "Des mesures pour les empêcher de développer des maladies liées au mode de vie doivent être prises." (Higher risk of metabolic syndrome linked to 3/11 housing damage 3 Février 2017, www.japantimes.co.jp) L'enquête a couvert environ 63 000 adultes dans les préfectures d'Iwate et de Miyagi de 2013 à 2016. Le taux d'hommes atteints du syndrome métabolique était de 25,4% dans les zones côtières frappées par le tsunami Figure 78: Camp de Higashi-Matsushima, Prefecture de Miyagi, septembre 2015 www.japantimes.co.jp _____________________ Camp de Higashi-Matsushima, Prefecture de Miyagi, septembre 2015 www.japantimes.co.jp (60) Philip Brasor et Masoko Tsubuku Temporary disaster housing has an unforeseen permanence, The Japan Time www.japantimes.co.jp 2 avril 2017,
128
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Le risque de développer un syndrome métabolique serait 1,29 fois plus élevé chez les individus vivant en maisons temporaires, selon une enquête menée par l'université de Tohoku. "C'est peut-être parce que ces personnes sortent moins souvent qu'avant d'emménager dans un logement temporaire" a déclaré Atsushi Hozawa au Japan Times, professeur à la Tohoku Medical Megabank Organization. "Des mesures pour les empêcher de développer des maladies liées au mode de vie doivent être prises." (61). L'enquête a couvert environ 63 000 adultes dans les préfectures d'Iwate et de Miyagi de 2013 à 2016. Le taux d'hommes atteints du syndrome métabolique était de 25,4% dans les zones côtières frappées par le tsunami Il a également indiqué que le taux de personnes présentant des signes de dépression était de 27,8% sur la côte.
Il existe un réel problème d’obsolescence des maisons temporaires : ayant étaient prévues que pour 2 ans, les matériaux sollicités vieillissent mal. La pollution par les moisissures dans les logements temporaires cause de graves problèmes de santé aux survivants de la catastrophe de 2011 : tels que des difficultés respiratoires provoquées par le dépôt de particules dans les poumons et la gorge. L’équipe du Japan Press Weekly (62) a rencontré Higuchi Toshio, âgé de 66 ans, vivant dans une unité d'hébergement temporaire dans la ville d'Ishinomaki dans la préfecture de Miyagi. Cet homme a commencé à éprouver des difficultés à respirer au cours de l’année 2013, ses symptômes sont devenus de plus en plus sévère. Une équipe d'étude du ministère de la santé et du bien-être a mené une enquête sur les logements temporaires dans la ville la même année. L'équipe a détecté une concentration extrêmement élevée de moisissure dans de nombreux appartements temporaires.
_____________________
(61) Redaction du Japan Time, Higher risk of metabolic syndrome linked to 3/11 housing damage, The Japan Time www.japantimes.co.jp 3 Février 2017,
(62) Redaction du Japan Press Weekly, Mold pollution at temporary housing facilities causes serious health damage to survivors of 2011 Disaster, Japan Press Weekly http://www.japan-press.co.jp 5 Mars 2015,
129
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Ces appartements ont des niveaux de spores de moisissure 50 fois à 100 fois plus élevés que dans les appartements ordinaires. Cette enquête a aidé à diagnostiquer les symptômes de Higuchi Toshio comme symptômes allergiques causés par l'exposition aux moisissures. Watanabe Maiko, expert en microbiologie à l'Institut national des sciences de la santé, qui dirige l'équipe d'enquête, a déclaré: «Les logements temporaires sont sensibles à la condensation qui entraîne une croissance excessive des moisissures. Plus les victimes de 2011 vivent dans des unités de logement temporaires, plus elles ont de problèmes de santé à cause de la moisissure. " […] Miura Kazutoshi, membre du Parti communiste japonais Miura, a déclaré le 3 mars à l'assemblée: «Le milieu de vie malsain des logements temporaires porte atteinte aux droits de l'homme fondamentaux.» Il a exhorté le gouverneur Murai Yoshihiro à enquêter sur l'état de santé des mesures visant à améliorer leur cadre de vie. (63)
La situation est d’autant plus alarmante qu’elle empire avec le temps, cette enquête du ministère de la santé avait été réalisé en 2013, soit 2 ans après la catastrophe, Il est possible qu’en 2018, soit 7 ans après, la situation se soit encore plus détériorée. La loi du « Relief Act » de 1947 devrait être révisée et prendre en compte l’évolution des situations jugées comme provisoire. Elle ne semble que souligner les obligations du gouvernement jusqu'à l'étape des habitations temporaires; mais reste incomplète sur la question de la reconstruction ou de de la manière dont les victimes doivent continuer à vivre après. Ces dernières devront encore vivre quelques années dans ses logements insalubres avant de pouvoir être accueilli dans une autre structure permanente : « En ce qui concerne les personnes évacuées, le véritable délai pour leur relogement pourrait se situer en 2020, dit Satoru Ito, qui a créé une organisation à but non lucratif pour aider les habitants de Rikuzentakata » (63) _____________________
(63) Redaction du Japan Press Weekly, Mold pollution at temporary housing facilities causes serious health damage to survivors of 2011 Disaster, Japan Press Weekly http://www.japanpress.co.jp 5 Mars 2015, (64) Philip Brasor et Masoko Tsubuku Temporary disaster housing has an unforeseen permanence, The Japan Time www.japantimes.co.jp 2 avril 2017,
130
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
L’architecture Participative, une réponse utopiste?
L’Architecture Participative comme base à la reconstruction est-elle toujours une idée valable, ou relève-t-elle de l’utopie ? En effet, Alicia Sliwinski, Professeur agrégée à l’Université Wilfrid Laurier, met en garde contre une idéalisation des mots tel que « communauté » et « participation ». Selon elle, la participation donne au projet de reconstruction « un cadre théorique moralement légitime, mais son impact dans une application pratique reste trop faible. » (65) Il faut en effet prendre en compte que les décisions prisent s’insère un contexte politique et économique qui dépasse le cadre de la catastrophe. Sans assistance de l’Etat, il est difficile d’imaginer des avancements possibles ni de façon officielle ni dans le sens d’une démarche participative. D’autant plus que cette dernière nécessite plus de temps, et de financements qu’une approche non participative.
Figure 79: Home-for-All I, maison communautaire de Rikuzentakata Naoya Hatakeyama archpaper.com 2013 _____________________
(65) Alicia Sliwinski The politics of Participation, Involving communities in Post-disaster Reconstruction, rebuilding after disasters, from emergency to Sustainability, G. Lizarralde, C. Johnson, C Davidson, Ed. London Spon Press download.xuebalib.com, 2010, p23
131
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Nous avons vu que la participation est définie comme la création d’un espace de dialogue entre les différents acteurs qui composent un projet. Le rôle de l’architecte dans un tel projet est celui de médiateur entre les différentes parties. Ce processus est plus long et plus compliqué. Cependant cette approche répond à un enjeu de taille qui est l’appropriation du projet par les usagers. L’intégration de ces derniers dans la reconstruction aura pour effet de renforcer le lien qu’ils entretiennent avec le projet et entre eux.
Le projet de maison communautaire à Rikuzentakata de Home For All était un projet d’architecture réparatrice basé sur un principe de co-conception, que le caractère désincarné des maisons temporaires avait fait naitre, plus que d’une réelle proposition de plan de reconstruction. Toyo Ito avait cependant démontré comme nous l’avions vu précédemment, l’importance de la participation dans le processus de construction car elle permettait de renforcer les communautés locales et favoriser leur autonomisation. La reconstruction après un désastre est un processus social qui implique des notions symboliques, politiques et économiques. L’aspect social de la réponse à la catastrophe devient donc un élément important de la reconstruction. La participation tout comme la reconstruction est un processus complexe qui va évoluer au cours du temps. Une grande flexibilité des projets est donc toute fois importante et doit exclure toute solution standardisée.
On pourrait alors considérer deux reconstruction lorsqu’on fait face à une situation post-catastrophe : Tout d’abord une reconstruction physique du terrain, qui concerne les infrastructures nécessaires à l’idée de pérennité d’une ville. Puis une reconstruction mentale et culturelle, qui passe dans le renforcement de l’esprit de communauté. Cette reconstruction culturelle doit considérer la relation que les gens ont entre eux mais aussi avec l'endroit à reconstruire. Cela correspond au besoin de commémoration et fait référence au lieu en tant que composante identitaire de la communauté. Ces deux types de reconstruction sont indéniablement connectées l’une à l’autre, le fait qu’une reconstruction mentale des sinistrés ne soit pas accompagnée par une reconstruction plus rapide et adapté du lieu peut avoir des conséquences sur l’effritement de la communauté. 132
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Les camps « temporaires », particulièrement dans le cas de Tohoku, se situe entre l’éphémère et la permanence, il est donc impossible de déterminer avec exactitude leur durée. Aujourd’hui en 2018, les sinistrés de la catastrophe du 3 mars 2011 continuent à vivre cette existence isolée dans des habitations de plus en plus obsolète : la démarche participative dans les systèmes d’habitations d’urgence prend alors encore plus de sens. Dans un cadre de vie se dégradant et qui renforce une idée d’exclusion de plus en plus forte avec le temps, des projets comme Home For All sont absolument nécessaires : Ils offrent l’opportunité de se retrouver en tant que groupe autour d’un projet et offre un espace (dans le cas de Home For All) où les sinistrés peuvent se retrouver, penser à l’évolution de leurs propres conditions et s’organiser.
D’une certaine façon cette approche participative apporte une idée de pérennité dans un système qui était censé n’être que provisoire. Dans le projet à Rikuzentakata, cette structure ne sert peut être pas de trame de base à la reconstruction comme l’espérait Toyo Ito, mais en 2018 elle subsiste toujours et rend la réalité du « provisoire » moins douloureuse.
133
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 80 : Un homme à vélo dans les camps d’Ishinomaki, The Japan Time, 2013
134
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
135
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
136
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Les conséquences de la catastrophe sont nombreuses. La destruction n’est pas seulement physique, mais elle détruit aussi les communautés. Comme nous l’avons vu, la gestion des sinistrés après une catastrophe ou encore le processus de reconstruction sont des processus complexes qui engagent un grand nombre de variables. Comment construire après un cataclysme ?
Dans un contexte de crise où il est nécessaire d’agir de manière efficace et rapide, il semble difficile de trouver une solution alternative que cela soit pour ce qui concerne le provisoire (les systèmes d’habitations temporaires) ou pour le permanent (les plans de reconstruction). Le japon met systématiquement en place ces habitations préfabriquées qui ont le mérite d’offrir un abri avec un minimum de confort aux sinistrés. L’archipel a par son histoire et particulièrement après la catastrophe de Fukushima de 2011, développé une réelle préparation technique mais aussi psychologique par le biais
de l’éducation et les différentes actions du
gouvernement ; et reste donc l’un des pays le mieux préparé à l’aléa sismique.
Or la question de la durabilité de ses ensembles et de la réintégration des victimes de catastrophes naturelles restent un enjeu. En effet sur le long terme les ensembles généré par la phase transitoire, uniquement composés du même module peuvent paraitre désincarnés et constituer un réel frein à la résilience de chacun. Pour ce qui concerne la réalité de la reconstruction, les plans d’ingénierie axés uniquement sur la question de la sécurité sont justifiables après une telle catastrophe, mais perpétue d’une certaine façon cette idée de standardisation de la construction et de la 137
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
négation des modes de vie que l’on pouvait trouver déjà dans la conception des maisons temporaires.
Il existe également de nombreux enjeux qui paralysent l’avancement de la reconstruction : tout d’abord, un enjeu administratif avec des procédures trop lourdes, mais principalement économiques. La situation économique difficile du Japon et d’autres projets qui monopolisent le budget de l’Etat, tel que la coupe du monde de Rugby ou encore les jeux Olympiques de 2020, freine la reconstruction en général. Ces enjeux ne font que ralentir les subventions de l’Etat, et réduisent la marge de manœuvre des collectivités locales. Ainsi après tant de temps après la catastrophe, on peut se demander à quel moment bascule-t-on de la situation d’urgence à la situation de stabilité :
Ou s’arrête le provisoire et où commence le permanent ?
Comme nous l’avons vu, dans le cas des systèmes d’habitations d’urgence des régions touchées par la catastrophe de Tohoku, la frontière est ténue : les habitations temporaires sensées être habitables 2 ans se rapprochent du permanent en existant toujours 7 ans après la catastrophe. Cette incertitude sur la durée de vie des camps pose un dilemme aux responsables tenus à mettre en place des structures provisoires qui très vraisemblablement vont durer encore longtemps. Est-il possible de réaliser avec des moyens limités un habitat qui soit provisoire tout en répondant aux critères de durée pour un temps indéterminé ? Peut-on imaginer des ensembles provisoires qui peuvent devenir de façon viable permanent ? (Annexe 2)
En se heurtant à cette réalité où la démarche officielle reste difficile à suivre, il est durement envisageable d’imaginer une alternative participative. Pourtant, dans ce contexte difficile se pose la question de la place de chaque acteur dans cette réalité : celle des sinistrés, des constructeurs, mais aussi celle de l’architecte. Ce 138
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
dernier se retrouve systématiquement écarté des projets officiels ou est relégué au rôle de simple consultant dans le meilleur des cas. Pourtant de nombreux noms de tête d’affiche de l’architecture Japonaise tels que Toyo Ito, Shigeru Ban, Sou Foujimoto … et autres participants du mouvement Archiaid croit au pouvoir de l’Architecture, et plus particulièrement dans le cas de Toyo Ito au pouvoir de l’Architecture Participative.
L’architecte doit être la main qui va d’une certaine façon concrétiser les attentes de toute une population que cela soit dans un premier temps dans les systèmes d’habitations d’urgence que dans le plan d’urbanisme de reconstruction. La tâche n’est pas aisée car la coopération avec les autorités reste difficile, l’architecte doit trouver tout de même un moyen de faire entendre les besoins des sinistrés et de partager une place centrale dans la reconstruction du territoire avec l’ingénierie. La société japonaise d’une façon générale a tendance à privilégier des constructions « modernes » ou conceptuelles qui ne tiennent pas en compte les véritables besoins des individus, mais il est nécessaire de faire du cas par cas. Il importe de considérer chaque site touché comme une entité unique, c’est-à-dire un espace avec une histoire et des caractéristiques qu’ils lui sont propres.
L’approche participative peut offrir cette idée de permanence à des individus souffrant d’un système provisoire qui n’évolue pas. Sans reconstruire physiquement tout un territoire, la démarche participative renforce le lien social et peut aider à reconstruire l’esprit de communauté ce qui est absolument essentiel pour le futur de ses territoires.
Figure 81 (Page de droite) : Un homme promenant son chien dans les camps d’Ishinomaki, The Japan Time, 2013 139
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
140
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
141
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Par ordre alphabétique d’auteur :
(4) Michel Agier, Un monde de camps, Ed. La Découverte, 2014, 422p. (15) Michel Agier, " Le camp, lieu de mise à l'écart, est aussi un lieu de vie ", entretien avec
le
journal
Le
Monde
Propos
recueillis
par
Maryline
Baumard,
http://www.lemonde.fr/ , 18 Avril 2015 (2) Bruce Archer, Systematic Methods for Designers, Ed. Council of Industrial Design, 1965, 39p. (19) Aristote, traduction par Pierre Pellegrin, Les Politiques, Ed. GF, 1997 (18) Quentin Badolle, Victor Moinard, Maike Salazar Kämp, Catastrophe et traumatismes à l’échelle du groupe et de l’individu, Recherche étudiante du CERES, http://www.environnement.ens.fr, 2015 (14) Edra Belga, Rethinking Resilience in Emergency Housing: Mashiki-Machi Transient Housing (Kumamoto, Japan), Site internet memangmameng.weebly.com, Février 2017 (20) Véronique Biau, « Les architectes de l’habitat participatif, entre militance et compétence », Métropolitiques, www.metropolitiques.eu, le 30 Janvier /2012 (17) Henriette Bloch, Roland Chemama, Eric Dépret, Le grand dictionnaire de la psychologie, Ed. Larousse, 1999 (56)
Philip Brasor et Masoko Tsubuku, Temporary disaster housing has an
unforeseen permanence, 2 avril 2017, www.japantimes.co.jp (60) (64) Philip Brasor et Masoko Tsubuku Temporary disaster housing has an unforeseen permanence, The Japan Time www.japantimes.co.jp 2 avril 2017, 142
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
(29) Cambrézy, Réfugiés et exilés.Crise des sociétés, crise des territoires, Ed. Des archives contemporaines, 2001 422p (12) Mizuki Cruz-Saito, Masatsugu Nishida, Philippe Bonnin, Le tatami et la spatialité japonaise ; Un des aspects de la spatialité japonaise : le tatami module-mesure ; Laboratoire Architecture,Ville, Urbanisme, Environnement, Ecole d'architecture ParisMalaquais, Ecole d'architecture Paris- Belleville, halshs.archives-ouvertes.fr, 2007, 82p. (41) Paulo J. Da Sousa Cruz, “Different Approaches for Disaster Housing”, Structures and Architecture: New concepts, applications and challenges books.google.fr, 27 juin 2013 p938 (31) Giancarlo De Carlo, An architecture of participation, Ed. Melbourne architectural papers, 1972, 54p. (50) (53) (57) (58) the Economist, Japan after the tsunami: Grinding on, The Economist, www.economist.com 7 Fevrier 2015 (16) Joanna Faure Walker et Catherine Anna Crawford, Cash in a housing context: Transitional shelter and recovery in Japan International Journal of Disaster Risk Reduction, Volume 24, September 2017, Pages 216-231 (10) Federation of Housing and Community Centers, Guideline on Acceptance and Listing of Proposals for Emergency Temporary Housing Using Imported Materials, www.sumaimachi-center-rengoukai.or.jp 2011 (1) GIEC, Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, Site internet IPCC Intergovernmental Panel on Climate Change http://www.ipcc.ch, 2017 (13)
Grealle
Gretti,
« Elements,
The
Engawa »,
Archiscapes,
archiscapes.wordpress.com, 15 Janvier 2015 (28) (39)
Julien Grisel, Le processus de projet dans la reconstruction urbaine suite à
une catastrophe, Thèse à l’EPFL, infoscience.epfl.ch, 2006/2010 (26)
Joseph Heyffat Tsunami Japon: Rikuzentakata, cité portuaire anéantie en
quelques secondes, www.allboatsavenue.com, 12 mars 2011
143
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
(5) Takanori Isogai, Le système de Gestion des risques aux Japon, Rapport de l’Ambassade du Japon, 2010, 38p. (32) (36)
Toyo Ito "Architecture After 3.11" conférence organisée par l'Institut
d'architecture du Japon, Fukutake Hall de l'Université de Tokyo, 25 septembre 2012 (42) (45) Toyo Ito, L’Architecture du jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles, 2012 190p. (43) Toyo Ito, L’Architecture du jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles, 2012 p56-57 (34) Toyo Ito Architecture possible here ? , communiqué de presse de la conférence de l’exposition à la biennale de Venise, Pavillon du Japon 5 mai 2012. (35) (47) Toyo Ito, Toyo Ito: Re-building from disaster, entretien avec Maria Cristina Didero, www.domusweb.it, 26 January 2012 (33) Toyo Ito, Kumiko Inui, Sou Fujimoto, Akihisa Hirata, Naoya Hatakeyama et autres, Architecture Possible here ? « Home-for-All » Ed. ToTo , 2013, Préface p7 (37)
Toyo Ito, Kumiko Inui, Sou Fujimoto, Akihisa Hirata, Naoya Hatakeyama et
autres, Architecture Possible here ? « Home-for-All » Ed. ToTo , 2013, p21 (30) Toyo Ito, Kumiko Inui, Sou Fujimoto, Akihisa Hirata, Naoya Hatakeyama et autres, Architecture Possible here ? « Home-for-All » Ed. ToTo , 2013 p32 (27) Toyo Ito, Kumiko Inui, Sou Fujimoto, Akihisa Hirata, Naoya Hatakeyama et autres, Architecture Possible here ? « Home-for-All » Ed. ToTo , 2013 p45 (25) Toyo Ito, Kumiko Inui, Sou Fujimoto, Akihisa Hirata, Naoya Hatakeyama et autres, Architecture Possible here ? « Home-for-All » Ed. ToTo , 2013, p204 (62) (63) Japan Press Weekly, Mold pollution at temporary housing facilities causes serious health damage to survivors of 2011 Disaster, Japan Press Weekly http://www.japan-press.co.jp 5 Mars 2015, (61) Japan Time, Higher risk of metabolic syndrome linked to 3/11 housing damage, The Japan Time www.japantimes.co.jp 3 Février 2017, (9) JPA Japanese Prefabricated Constructions suppliers and manufacters Association, Orgazitional structure, http://www.purekyo.or.jp 2017
144
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
(7) (8) JPB Japan Bosai Platform, Provision of emergency temporary Housing, www.bosai-jp.org 2016 (22) Kasei Project, Kyushu Architecture Student supporters for Environmental Improvement, kasei.kumamoto.jp (21) Lucien Kroll, Pierre Bouchain, Construire autrement, Ed. Actes sud, 2006, 192 p. (6) Kyodo, “Quake-hit town in Kumamoto opens first batch of temp housing units”, The Japan Times www.japantimes.co.jp, 14 juin 2016 (3) Cyrus Mechkat et Hossein Sarem-Kalali, De l’habitation d’urgence et de la reconstruction au développement, Ed. Le Globe, 1999, p 161-186. (11) Philippe Mesmer, “Japon: à Kumamoto, le décor post-Seisme n’a pas bougé”, Le Monde, http://www.lemonde.fr, 9 Août 2016 (59) NHK Newsline Tokyo, Backstories - the facts behind the news, 229,000 Still in Temporary Housing, Mars 2015 www3.nhk.or.jp (44) Panasonic Group Challenges in Tohoku Reconstruction, Panasonic’s Solutions, site official https://panasonic.net/ 2013 (24) Will Ripley, Junko Ogura, James Griffiths, Fukushima: Five years after Japan's worst nuclear disaster CNN, edition.cnn.com Fevrier 2016 (51) (52) (54) (55) Arnaud Vaulerin Japon : après le tsunami, «très peu a été réellement reconstruit écrit, www.liberation.fr, 10 mars 2013 (Article en intégralité en Annexe/interview 1) (40) Wikipédia, Approche Ascendante et descendante, https://fr.wikipedia.org/ (48) (49) Reiji Yoshida Tsunami-hit Rikuzentakata rebuilding on raised ground, hoping to thrive anew, The JapanTime www.japantimes.co.jp, 7 mars 2017
145
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 1, p16 : Probabilité d’occurrence de Séismes 6 et + d’ici 30 ans, Headquarters for Earthquake Research Promotion, http://www.jishin.go.jp, 2014 Figure 2, p17: Etat des lieux des aléas hydrographiques sur les côtes japonaises, Le système de Gestion des risques aux Japon, Rapport de l’Ambassade du Japon, 2010, 38p. Figure 3, p20 : Paper Partition, Projet de Shigeru Ban pour les sinistrés du tremblement de terre de Tohoku, The Humanitarian Work of Shigeru Ban, www.archidaily.com, Rapport de l’Ambassade du Japon, 2014 Figure 4, p22 : Refuge mis en place dans la région de Kumamoto par le gouvernement, Le Monde 05, 08,2016 Figure 5, p22: Maisons temporaires dans la région de Kumamoto par le gouvernement, www.daiwalease.co.jp Figure 6, p26: Mise en place d’abris temporaires post-catastrophes naturelles : le rôle de l’Etat Figure 7, p27 : Mise en place d’abris temporaires post-catastrophes naturelles : Diagramme des relations Figure 8, p28 : Comparaison de SHU par prix au m2 et par le nombre de mois nécessaires à sa mise en place www.sumaimachi-center-rengoukai.or.jp 2011 Figure 9, p31: Maisons temporaires fournies à Kumamoto par Daiwa Lease Co www.daiwalease.co.jp 2016 Figure 10, p32 : Intérieur des maisons temporaires fournies à Kumamoto par Daiwa Lease Co www.daiwalease.co.jp 2016 Figure 11, p33: Différentes possibilités d’agencement des Tatamis Japonais, halshs.archives-ouvertes.fr 2007 (12) Figure 12, p34: Plans de Maisons temporaires Modèle 1, Kyushu University 146
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 13, p35: Plans de Maisons temporaires Modèle 2, Kyushu University Figure 14, p36: Plans de Maisons temporaires Modèle 3, Kyushu University Figure 15, p37: Coupes et élévations de Maisons temporaires Modèle 1, Kyushu University Figure 16, p37: Coupes et élévations de Maisons temporaires Modèle 2, Kyushu University Figure 17, p37: Coupes et élévations de Maisons temporaires Modèle 3, Kyushu University Figure 18, p39: Rampe pour personne à mobilité réduite, Edra Belga, Rethinking Resilience in Emergency Housing: Mashiki-Machi Transient Housing (Kumamoto, Japan), memangmameng.weebly.com,Février 2017 Figure 19, p39: Personalisation de l’Engawa, Edra Belga, Rethinking Resilience in Emergency Housing: Mashiki-Machi Transient Housing (Kumamoto, Japan), Figure 20, p41 : Maisons temporaires dans la région de Kumamoto par le gouvernement, www.daiwalease.co.jp Figure 21, p42: Localisation des camps de maisons temporaires par rapport à la ville de Kumamoto, sur les terres agricoles de Hishihara , Google Earth 2016 Figure 22, p42 : Plan de zonage avant la construction des camps de maisons temporaires (camp de Komoridai-Ichi) sur les terres agricoles, (industries en périphérie) Kyushu University Figure 23, p43: Camp de MASHIKI-MACHI TEKUNO-A, Kyushu University Figure 24, p43: Camp de MASHIKI-MACHI TEKUNO-C, Kyushu University Figure 25, p45 : La relation entre durée de vie et les ressources impliquées dans un projet : Une relation importante pour la durabilité d’un projet Figure 26, p46: Les 3 piliers du développement durable Figure 27, p49 : Gestion de différent type d’espace par des acteurs différents Figure 28, p50 : Allée dans le camp de maisons temporaire de Mashiki – Machi Tenuko (A), photo personnelle octobre 2016 Figure 29, p52: Deux types d’exclusion 147
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 30, p53: Espace entre deux maisons temporaires du camp de Mashiki – Machi Tenuko (A), photo personnelle octobre 2016 Figure 31, p56: Maisons temporaires à Aizuwakamatsu, Prefecture de Fukushima, mainichi.jp, 10 mars 2017. Figure 32, p61: Explication du Logo de Kasei Project, Asuo Erio, Kasei.kumamoto.jp Figure 33, p62 : Projet de Jardin partagé dans les camps de Kumamoto, Kasei.kumamoto.jp Figure 34, p64: Atelier créatif avec les enfants des camps de Kumamoto, Kasei.kumamoto.jp Figure 35, p64: Embellissement des camps de Kumamoto, Kasei.kumamoto.jp Figure 36, p65: Mise en place des actions dans les abris temporaires: Diagramme des relations Figure 37, p68 : Maisons temporaires, maisons communautaires : Deux actions parallèles Figure 38, p69 : Maison communautaire Home For All à Kumamoto, photo personnelle, 2016 Figure 39, p70 : Séisme et Tsunami de 2011, Architecture Possible here ? « Homefor-All » Ed. ToTo , 2013, p15 Figure 40, p71: Rikuzentakata après la catastrophe de 2011, photo par David Guttenfelder Figure 41, p71: Photo aérienne de Rikuzentakata montrant l’emplacement du camp d’habitations temporaires Osumi et l’emplacement de la maison communautaire Home for All. Architecture possible here ? « Home For All » Ed. Toto p38. Figure 42, p73: Kumiko Inui et Toyo Ito présentant des maquettes conceptuelles du projet aux habitants du camp Osumi Fevrier 2012 Architecture possible here ? « Home For All » p43 Figure 43, p75: Recherche formelle pour la maison communautaire Home For All Rikuzentakata Architecture possible here ? « Home For All » p46 Figure 44, p76: Etudiants de l’Université de Miyagi et sinistrés enlevant l’écorce des cèdres utilisés pour la construction Architecture possible here ? « Home For All » p61 148
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 45, p76: Recherche formelle pour la maison communautaire Home For All Rikuzentakata Architecture possible here ? « Home For All » p50 Figure 46, p78: Visite d’un potentiel site de projet pour la maison Home For All de Rikuzentakata Architecture possible here ? « Home For All » p30 Figure 47, p79: Recherche formelle pour la maison communautaire Home For All Rikuzentakata Architecture possible here ? « Home For All » p50 Figure 48, p80: Tanabata festival à Rikuzentakata isittakata.com, 2005 Figure 49, p81: Construction de la maison communautaire Home For All Rikuzentakata https://fr.wikiarquitectura.com Figure 50, p82 : Cuisine commune de la maison communautaire Home For All Rikuzentakata wikiarquitectura.com Figure 51, 52, 53, 54, p83-85: Documents graphiques, Toyo Ito, Kumiko Inui, Sou Fujimoto, Akihisa Hirata, Naoya Hatakeyama et autres, Architecture Possible here ? « Home-for-All » Ed.Toto Figure 55, p87: Maison communautaire de Soma HOME-FOR-ALL, 相 馬 こ ど も の み ん な の 家 , www.archdaily.com, Koichi Torimura 2015 Figure 56, p87: Maison communautaire de Heita HOME-FOR-ALL, 釜 石 市 平 田 の み ん な の , www.archdaily.com, Koichi Torimura 2012 Figure 57, p88: Maison communautaire de Tsukihama HOME-FOR-ALL,宮 戸 島 月 浜 の み ん な の 家 www.archdaily.com, Koichi Torimura 2014 Figure 58, p88: Maison communautaire de Miyatojima HOME-FOR-ALL, 東 松 島 市 宮 戸 島 の み ん な の 家 www.archdaily.com, Koichi Torimura 2012 Figure 59, p91 : Le pavillon d’exposition à la biennale de Venise « Home for All, Architecture possible here ? » http://www.wochikochi.jp Naoya Hatakeyama,2011 Figure 60, p100: Ishinomaki sebastienlebegue.com, Le Begue, 2011 Figure 61, p102: Approche Top Down ou Approche descendante 149
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 62, p103: Approche Bottom Up ou Approche ascendante Figure 63, p104: Principe d’évacuation des immeubles adossés à la montagne Figure 64, p105: Habitat collectif, Architecture du Jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles 2012. P49 Figure 65, p106: Habitat collectif, Architecture du Jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles 2012. P51 Figure 66, p106: Maison de style Gasshô-Zukuri i.pinimg.com Figure 66, p107: Esquisse pour un stade de rugby, Architecture du Jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles 2012. P56 Figure 67, p108:, Esquisse de l’allée des cerisiers : terre plantée qui permettrait de renforcer la protection anti-tsunamis qui génère également un parc Architecture du Jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles 2012. P55 Figure 68, p108: Marché provisoire installé dans une usine désaffectée, Architecture du Jour d’après, Ed. Les impressions nouvelles 2012. P54 Figure 69, p111: Investissement du Groupe Panasonic dans la gestion de l’energie dans une situation post-catastrophe, https://panasonic.net/ 2013 Figure
70, p112:
Hauteurs
de
Takata
« district »,
village
résidentiel
https://panasonic.net/ 2013 Figure 71, p113: Centre-ville surélève
Takata « district », village résidentiel
https://panasonic.net/ 2013 Figure 72,73,74, p118: Images satellite n°1,2,3, respectivement 2010,2011,2014, Google Earth Figure 75, p119: Plaine de Rikuzentakata, où était situé l'ancien centre-ville de la commune Mars 2013 http://www.liberation.fr Figure
76,
p121:
Travail
d’élévation
du
sol
à
Rikuzentakata
Mars
2017 www.japantimes.co.jp Figure 77, p124: Une femme rend visite à son fils, qui vit toujours dans un logement temporaire à Ofunato, dans la préfecture d'Iwate, www.japantimes.co.jp2 Avril 2017 Figure 78 p126: Camp de Higashi-Matsushima, Prefecture de Miyagi, septembre 2015 www.japantimes.co.jp 150
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 79, p129: Home-for-All I, maison communautaire de Rikuzentakata Naoya Hatakeyama archpaper.com 2013 Figure 80, p132: Un homme à vélo dans les camps d’Ishinomaki, The Japan Time, 2013 Figure 81, p138: Un homme promenant son chien dans les camps d’Ishinomaki, The Japan Time, 2013 Figure 82, p140-141: Visite du site du tremblement de terre de Kumamoto, Octobre 2016, photos personnelles Figure 83, p142-143 : Visite du site du camp de sinistrés de Kumamoto, Octobre 2016, photos personnelles Figure 84 p148: Intérieur de la maison NHT dessinée par shigeru Ban, www.daiwalease.co.jp
151
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Photos personnelles Figure 82 : Visite du site du tremblement de terre de Kumamoto, Octobre 2016, photos personnelles
152
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
153
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Figure 83 : Visite du site du camp de sinistrés de Kumamoto, Octobre 2016, photos personnelles
154
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
155
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Interview
Japon : après le tsunami, «très peu a été réellement reconstruit» Par Arnaud Vaulerin, envoyé spécial à Rikuzentakata, 10 mars 2013
Deux ans après la catastrophe du 11 mars 2011, Futoshi Toba, le maire de la commune durement frappée de Rikuzentakata, dans le nord-est du pays critique la lenteur de la reconstruction. Futoshi Toba était maire de Rikuzentakata depuis un mois quand le tsunami a englouti cette commune de 23 000 habitants le 11 mars 2011. Cette commune rurale et maritime de la préfecture d’Iwate (nord-est du Japon) reste l’une des villes les plus frappées par la catastrophe. Deux ans après, elle tente de se relever malgré un deuil qui a frappé presque toutes les familles de la région, à l’image du maire qui a perdu sa femme. Engagée dans de colossaux travaux de nettoyage et de tris de débris, Rikuzentakata se débat pour entamer réellement la reconstruction de son centre-ville ravagé à 90% par la vague boueuse de 14,5 mètres. Etiqueté «fauteur de trouble» et «grande gueule», Futoshi Toba critique la lenteur de la reconstruction. (Photo Kazuhiro Nogi. AFP)
Quelle est la situation aujourd’hui à Rikuzentakata ? Nous avons trouvé 1 556 corps et nous continuons à chercher environ 217 personnes. Tous les 11 de chaque mois, une nouvelle équipe est constituée pour poursuivre ces recherches sur les disparus. Malheureusement, nous n’avons pu retrouver qu’un seul corps l’année dernière. Avant le désastre, nous étions juste sous la barre des 23 000 habitants, nous sommes en ce moment moins de 20 000 à vivre à Rikuzentakata, dont 5 000 dans des abris temporaires. Les pêcheurs et les 156
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
ostréiculteurs ont retrouvé une production équivalente à 60% par rapport à 2011. Depuis sept mois, les eaux et le sous-sol marin ne sont plus contaminés par les radionucléides. En ce qui concerne la reconstruction, nous n’en sommes qu’au tout début. Très peu, pour ne pas dire rien, n'a réellement été entrepris. C’est pourquoi nous voulons maintenant que les choses aillent vite afin que nos citoyens retrouvent l’espoir et voient concrètement que cette reconstruction a enfin démarré.
Qu’attendez-vous de la nouvelle majorité au pouvoir ? De la rapidité. C’est ce qui nous a tant manqué avec la précédente administration qui s’est perdue dans des processus de décision trop lents et compliqués. Le Parti démocrate du Japon a généré une énorme déception. L’équipe de Shinzo Abe [le Premier ministre depuis décembre dernier, ndlr] semble vouloir accélérer la reprise économique, la reconstruction, nous voulons en profiter tout de suite.
Deux ans après le tsunami, vous dites que «très peu, pour ne pas dire rien, n'a réellement été entrepris». Aucun chantier, même symbolique n’a démarré ? Jusqu’à maintenant, nous nous sommes concentrés sur toute la procédure administrative à suivre pour lancer le chantier de la reconstruction. Nous espérons vraiment que cette année marquera le début des travaux visibles.
Une procédure administrative qui dure deux ans… Oui, hélas. Nous devons malheureusement travailler dans le cadre légal japonais qui nous a en effet pris deux ans. Cette procédure a été précédée d’une phase de planification où tout devait être évalué, préparé et validé. C’est là que nous avons perdu beaucoup de temps et d’énergie.
Mis à part la rapidité, comment doit agir le nouveau gouvernement ? Par exemple, l’argent nous a été attribué avec des recommandations, des stipulations précises. Cette somme doit être dépensée selon des règles strictes qui fixent ce qu’on peut faire et ne pas faire. Mais cela nous entrave dans nos projets de 157
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
reconstruction. Ainsi, les fonds d’urgence qui nous ont été attribués par l’Etat [110 milliards de yens pour 2013-2014 (environ 880 millions d'euros), ndlr] ne peuvent pas être utilisés pour reconstruire le gymnase, la bibliothèque ou le musée de la ville détruits en 2011. C’est frustrant. Les lois actuelles stipulent que les impôts municipaux seront utilisés pour rebâtir ce que les fonds gouvernementaux ne prennent pas en charge. Mais nous sommes une petite commune rurale où les taxes locales, peu élevées, ne nous permettront jamais d’entreprendre de grands chantiers de reconstruction. Nous n’avons pas arrêté de le dire au gouvernement. Donc, ce système doit maintenant changer.
La bureaucratie japonaise est en fait votre principal problème. Ce n’est pas un problème uniquement japonais, mais ceux qui déterminent les politiques font ça depuis leur bureau à Tokyo. Ils ne sont jamais venus nous voir, se rendre compte sur le terrain comment nous vivions, quels étaient nos besoins. Leurs projets sont peut-être séduisants sur le papier, mais ils ne correspondent pas à la réalité. 24 heures ne signifient rien pour un député, un politique à Tokyo. Pour un survivant du tsunami, c’est une éternité. Je ne peux pas m’empêcher de penser que si la catastrophe avait frappé Osaka ou Tokyo, la reconstruction aurait été beaucoup plus rapide.
Quand les règles auront été abrogées, quels sont les chantiers qui pourront être lancés ? Nous savons quels sont les édifices qui doivent être reconstruits et de quelle manière mais nous ne pouvons pas le faire tant que les règles n’ont pas été changées. Pour compliquer le tout, il n’y pas une seule instance qui donne son approbation pour utiliser les fonds et lancer les travaux, mais une multitude d’entités. Pour tout ce qui relève de l’éducation ou de la culture, il faut s’adresser au ministère de l’Education, de la Culture et des Sports et dans le même temps au ministère des Finances qui verse les fonds. Pour la seule construction d’une caserne de pompiers, d’un poste de police et d’un bloc de logements sociaux, il a fallu attendre quatorze mois pour le premier coup de pioche. Le gouvernement a créé l’Agence de la reconstruction censée venir en aide aux communes sinistrées, mais elle a alourdi la charge de travail. Nous devons 158
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
non seulement frapper à la porte de chaque ministère mais, en plus, établir un rapport de nos activités à l’Agence. L’équipe Abe doit revoir ce système sinon la reconstruction continuera à prendre un temps fou.
Envisagez-vous de rebâtir une digue ? Oui. Nous espérions qu’une digue de 12,5 mètres de hauteur serait construite cette année, mais en fait, cela prendra certainement trois ans. Nous voulions une barrière de 15 mètres puisque le tsunami atteignait 14,5 mètres de hauteur à Rikuzentakata. Nous avons élaboré un plan en le soumettant aux autorités qui ont rejeté notre projet et décidé arbitrairement que le mur ne dépasserait pas 11,5 mètres. C’est finalement la préfecture qui a pris en charge ce projet en nous accordant un mètre supplémentaire au terme d’une longue discussion et d’énervements. C’est une débâcle totale et pour nous beaucoup de temps perdu.
159
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Article
Japanese prefab tiny homes could change the way we think about disaster housing Par Sophie Knight, Journaliste Quartz, 9 juillet 2015
Figure 84 : Intérieur de la maison NHT déssinée par shigeru Ban, www.daiwalease.co.jp
160
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
Not knowing when a natural disaster might strike can make it difficult to create an efficient and fast way to produce large volumes of shelters at a moment’s notice. Japanese prefabricated building maker Daiwa Lease has solved this conundrum by setting up a production line in emerging Asian countries that can be efficiently diverted to make temporary housing units for Japan when a disaster strikes. The “New Temporary House” (NTH) was designed by architect Shigeru Ban, who won the Pritzker prize for his innovative and low-cost shelters for disaster survivors, including recyclable paper tube houses used by refugees and evacuees from Rwanda to Turkey, to India, to Japan.
Survivors of natural or manmade disasters are often stuck for months in cramped and unsanitary mass shelters, where disease, and disillusionment spread quickly. After the massive tsunami that struck Japan’s northeast coast in March 2011 for example, many evacuees slept on cold gymnasium floors for months as the country’s prefab makers struggled to complete enough temporary housing units. Daiwa’s new plan may be have been developed just in time. Scientists warn that a tremor of magnitude eight or above along the Nankai trough, a fault line that runs the length of Japan’s south coast, could leave hundreds of thousands dead and even more homeless. Daiwa Lease, which supplied a tenth of the 53,000 temporary housing units after the 2011 tsunami, was worried that simply scrambling to find spare temporary units and factory capacity after a disaster has already happened would not be sufficient in the event of such a quake.
Meanwhile, demand for weather-resilient and sanitary low-cost housing in emerging Asian nations is rising, but local homebuilders continue to focus on the expanding middle class rather than those at the bottom of the ladder. Realizing disaster housing and low-cost housing shared many requirements—inexpensive, quick and easy to construct, suitable for families—Daiwa Lease realized the potential in making a single unit that could serve both needs.
161
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
“We are matching the two markets together. There’s huge demand for low-cost housing in emerging nations, but the governments aren’t doing anything and private companies there are only focused on high-end housing, where there’s bigger profits,” Hideto Kobayashi, general manager of Daiwa Lease’s overseas development planning division, told Quartz.
Daiwa Lease is hoping to bring its housing units to markets across Asia including the Philippines, where the population is rapidly growing and there is a shortage of almost four million low-cost homes. The Filipino NTH unit is estimated to cost around 300,000 pesos, the upper limit for accommodation classified as “low-cost” housing in the region. The company is also conducting a feasibility study in Indonesia and would like to expand across other emerging Asian nations with a deficit of inexpensive housing. In each, it will use local construction firms and local laborers to manufacture and construct the houses.
One of Daiwa Lease’s big selling points is the durability of their products, which are meant to be used long-term and are therefore of higher quality than existing disaster housing. The units supplied to evacuees of Japan’s 2011 tsunami for example were only designed to last two years and are now molding and falling apart as the search continues for land on which to build more permanent housing.
“The living conditions in the current emergency housing are not good, it has to be said. However, they were built with the aim of supplying shelter as quickly as possible, not providing the best living environment possible. The most important thing was speed,” notes Kobayashi.
The NTH units, in contrast, should last for at least 20 years and include features like wall panels are built with Fiber Reinforced Plastic (FRP), that Ban says is a light but
162
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
sturdy material that is also a good insulator, meaning that houses will be less likely to develop mold.
Although the NTH has a floor space of just 30 square meters, just over the legal minimum for temporary housing in Japan, its spacious feel demonstrates its architect’s expertise in providing comfort within strict constraints. The residents who lived in temporary housing units fashioned out of stacked shipping containers designed by Ban for the tsunami-damaged town of Onagawa, are reportedly healthier and happier than evacuees in standard-issue units elsewhere.
Japan’s prefab industry is one of the most efficient and sophisticated in the world, and high seismic standards ensure many of its houses are disaster-proof. Daiwa Lease’s next goal is to create a network of suppliers that could quickly respond to disasters when they happen, wherever they are in the world.
“We’re aiming at an international network of disaster housing. After typhoon Haiyan in the Philippines last year, we didn’t have enough equipment or funds to respond,” Kobayashi says. “If another country made a request, we would of course respond. But if we had some kind of prior agreement we could get moving immediately after a disaster.”
163
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
164
Du Provisoire au Permanent : L’Architecture participative dans les systèmes d’habitations d’urgence au Japon
Sarah DEUNET/ 2017-2018/ ENSAPLV
165