Histoire génerale des voyages et conqvestes des Caftillans dans les Ifles

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1523. C H A P I T R E

X X I

armée des Avaria part, qui amene à Seville les cinq Navires des Indes. l'Empereur commande que l'on emprunte trois cent mille ducats,

L

'Empereur eut un grand reffentiment d e la p e r t e des deux caravelles & du Navire que les R o c h e lois avoient prifes ; ce qui le fit encore plutoft refoudre à donner ordre de faire préparer en diligence l'armée des Avaris ; & que d'abondant dans ce mefme temps l'on avoit receu nouvelles qu'il eftoit entré dans le pors d'Angra en l'Ifle Tercera, cinq navires des I n d e s , dans lefqnels il y avoit plus de trois cent paffagers , & entre eux le Maiftre des Comptes Pierre d'Yfafaga, le licencié Figneroa , Efpinofa Alcalde Major de Caflille d e l'or, & qu'ils apportoient pour le Roy & pour des particuliers plus de fix cent mille poids d'or,deux mille cinq * Ârrobas font cinq cent marcs de perles, quinze mille A r r o b a s * d e v i n g t - c i n q livres pefant cha- fucre , cinquante quintaux de caffe, à cent livres pour cune. q u i n t a l , & dix mille peaux de vaches ; & qu'ils avoient tout déchargé à terre , en attendant quelque armée pour les efcorter , parce qu'ils avoient ordre de cela. E t d'autant que par la relation du f a d e u r Iean d'Aranci a le Roy avoit fait interdire le Maiftre des Comptes Iean Lopez de R e c a l d e de fon Office, pour luy faire Des richeffes r e n d r e c o m p t e , & qu'il fembloit qu'eftant occupé à c e qui eftoient dans la flote qui la il ne pourroit pas foigner aux depefches d e l'armée, venoit des In- le R o y manda au Comte d'Oforno Prefident de Seville, des. qu'il fift toutes les diligences poffibles pour la tenir prefte , conjointement avec les Officiers de la Maifon , & DeputeZ d e la Contractation, en levantau fol la livre, fur le Roy , & fur tous les intereffez, pour les frais de l'armée. Enfin fon frère D o n Pedro Maurique,fut nomL'armée des Avaris fort de mé pour General de cette a r m é e , qui eftoit cinq Naviseville, res bien fournis d'artillerie & de munitions, avec trois

t'Empereur ord o n n e que l'on apprefte en dil i g e n c e i'afmée des Avaris,


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cent cinquante hommes bien a r m e z , fans compter les 1523. gens de mer , & d'autres particuliers qui s'y voulurent embarquer, lis eftoient à la folde, & bien garnis ; il y avoit de la p o u d r e , de la p o i x , des eftoupes, & autres chofes neceffaires pour radouber les cinq Navires des Les Navires de portugal vont Indes ; avec ordre , que s'ils jugeoient à propos que l'on aux A ç o r e s armait encore quelques caravelles Portugaifes qu'ils en pour efcorter la en prifent puis qu'il y en avoit dans les Ifles des Açores flote qui venoit d e C a l i c u t pour venir de conferve avec l'armée que le Roy de Portugal envoyoit aux Ifles, pour efcorter les Navires de Calicut. Et pour ce fujet l'Empereur en écrivit au R o y de Portugal, afin qu'il mandait, à fes Capitaines qu'ils le M e n t . E t l'on ordonna aux Officiers de la maifon d e C o n t r a d a t i o n que les cinq Navires eftant arriveZ, avant que de toucher à l'or & aux perles lors que le tout fe~ roit dans la maifon , l'on envoyait au Roy les Regiftres, & qu'ils fuffent advertis que lors que les Navires arriveroient, l'onprift garde qu'on luy avoit fait entendre qu'il y venoit beaucoup de chofes qui n'avoient point efté enregiftrées ; Et que dorefnavant l'on envoyait les dépefches de la Contractation entre les mains du Secrétaire Samano qui demeuroit avec l'Evefque de Burg o s , parce que François de los Cobos alloit ailleurs avec l'Empereur. Et fur ce fujet il fut pourveu pour le Confeil des Indes du Docteur Diego Beltran de Medina del Le Docteur Diego Beltran C a m p o , & pour Treforier de la maifon de C o n t r a d a - eft du C o n f e i l tion Nuno de Gumiel en la place du Docteur Sancho des Indes. d e M a t i e n ç o , de la valée de Mena. D o n Pedro de Maurique eftant arrivé aux Ifles Açor e s , fit embarquer l'or, & le refte qu'avoient apporte ces Navires, & s'en vint de compagnie à bon port à Se- Les N a v i r e s des Indes arriville. Le Roy ayant appris leur arrivée , il manda d e r e - vent à bon c h e f que l'on ne touchait point à l'or ny aux perles, p o r t . mais feulement que l'on pelait le t o u t , & marquer de quel carat il eftoit, & q u e l'on delivraft le fucre, la caffe & les cuirs à ceux à qui cela appartenoit. L'Empereur eftoit alors occupé à lever une armée pour aller contre le Roy de F r a n c e , à quoy il avoit employé beaucoup

A a a ij


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d'argent ; & qu'outre les gens de pied & de cheval q u e 1522. l'on avoit levez en Caftille, il avoit encore d é b a r q u é C i n q mille Al- au paffage de Guipufcoa cinq mille Alemans qu'il avoit l e m a n s débarfait venir de Flandres ; & pour foudoyer cette armée, & quent au paff a g e de Guipuf- les autres frais qu'il y falloir faire il avoit ordonné que l'on engageaft de fes rentes & droits Royaux a faculté de rachapt en perdant quelque chofe deffus, & demanda du fecours à fes vaffaux , qui luy prefterent de bonnes fommes de deniers. Mais quoy que tout cela n e fuffift p a s , & qu'il n'eftoit pas jufte qu'il quittait une entreprife qui eftoit déjà fi bien commencée qui regardoit l'honneur de ces R o y a u m e s , il trouva à propos d e fe fervir de cet or & des perles des Marchands 6c des perfonnes particulières qui eftoient arrivez des Indes, Le Roy prend montant à la fomme de trois cent mille ducats. Il en efl'argent des I n - crivit donc au Comte d ' O f o r n o , & aux Officiers de la des pour s'en maifon de Contractation , à ce qu'ils fiffent en forte d e fervir à la guerle faire agréer à ces perfonnes-là , & que pour y lacisre contre les françois. faire, que chacun prift un droit à faculté de rachapt, à raifon de quatre mille Maravedis le milier , fi tué où chacun en particulier le délirerait , afin qu'il joüift de la rente dés le premier j o u r de Ianvier de l'année fuivante de 1514. Et que ce à quoy monterait la part 6c portion de ladite r e n t e depuis le jour que l'on recevrait l ' o r , jufques à la fin de cette année, cela leur ferait payé du mefme or que chacun donnerait. E t que s'il y en avoit quelques-uns dont leurs privilèges requiffent que l'on leur portait dans Seville expédiez & feellez , q u e Fon envoyait auffi-toft les c e d u l e s , avec les noms des perfonnes & la quantité de deniers à quoy la fournie monterait avec la quittance au dos , qu'elles leur feraient auffi-toft envoyées, afin que les parties n'y perdiiTent rien,& fans faire les frais pour aller en Cour pour les faire expédier. Et que fi quelques perfonnes ne voulaient prendre des rentes & qu'ils aimaffent mieux d e prendre des ordonnances pour pareille quantité pour le fervice du Roy comme en ce temps-là beaucoup l'avoient offert dans le R o y a u m e , & dans les Cours de


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Valladolid , que l'on les en affuraft, & qu'ils en feraient fatisfaits dans les quartiers & termes accouitumez ainfi qu'il feroit convenu , avec l'intereft des fommes que chacun d o n n e r o i t , à commencer des le jour de la délivrance des deniers d'un chacun , à raifon de quatorze pour cent par a n n é e , ou mieux fi faire fe pouvoir Et que de toutes ces choies l'on en donnait à chacun telle affurance qu'il le requerroit en vertu du pouvoir Royal qu'il leur envoyoit ; Q u e s'il y en avoit quelques-uns qui ne voulurent pas recevoir, ny droits , ny o r d o n n a n c e s , mais qui vouluffent eftre payez en deniers , félon leur volonté, & en leur maifon, ou dans Seville l'on convinft avec eux pour les payemens , & que l'on prift les plus longs-termes que l'on pourrait, en deux ou trois payemens , en obligeant leurs perfonnés & biens d'accomplir ce qui fe promettrait, & de l'accomplir ponctuellement ; Q u e fi-toft que l'on auroit la fofdite fomme de trois cent mille ducats, que l'on travaillaft: à faire battre de la onnoye, & l'envoyer inceiîamment en Cour ; Qu'afin que les chofes fe fiffent avec plus de diligence l'on les départift dans les maifons de la monnoye de T o l e d e , de Segovie , &de Burgos, & que l'or fuft marqué félon le carat ; Q u e fi l'on trou voit quelques Marchands qui vouluffent acheter les perles, que l'on les vendift pour faire de l'argent, & que l'on traitaft avec ceux à qui elles appartenaient du mieux que l'on pourroit & le tout avec beaucoup de douceur. Et d'autant que par ces commiffions que l'on donnoit au Comte d'Oforno , il pouvoit prendre de là occafion d e s'entremettre d'autres chofes de la maifon de Contractation ; il luy fut fait deffenfe par la mefme voye de s'en mefler en aucune façon que ce fuit;& que de cet argent qui fe leveroit il en demeuraft fix mille d u c a t s , qui feraient mis en referve pour les neceffitez qui pourraient fur venir à la maifon ; & que puis qu'ils avoient des Ordonnances que l'on ne peuft ny qu'on ne laiffaft point charger aucunes marchandifes pour les I n d e s , à aucun Eftranger, quelles fe gardaffent ; Et que A a a iij

1523.

Le Roy fait battre de la m o n noye pour cét effet.


390 1523. Des provifions que l'on o r d o n ne pour l'ifle Fernandine.

Le R o y a foin de la fabrique des Eglifes.

L'Evefché de la ville de l'Affbmption eft transféré à la ville d e faim Iacques.

Histoire

l'on prift garde fur tout que les navires qui alloient aux lndes dorefnavant, n'entraffent dans aucune Ifle. Q u a n t aux chofes de l'Ifle Fernandine, afin que l'on travaillaft avec plus de diligence aux Eglifes, & qu'elles luttent ornées c o m m e il convenoit ; que le faine Sacrement fuft tenu avec la vénération & décoration requife ; que toutes choies y fuffent en bon ordre pour la célébration du culte divin, & que l'ifle en fuit, plus refpectée & annoblie ; le R o y fit don à ces Eglifes de la troifiéme partie des difmes qui leur appartenoient a u t a n t de temps qu'il luy plairoit ; Et afin q u e la fabrique des Eglifes fuft fecouruë des neceffitez irequifes, le Roy ordonna encore q u ' i l feroit payé pour c e t effet la dixième partie des briques & des tuilles 6c d ' a a t r e s matériaux qui fe feraient ; Et afin que les Chanoines & les Preftres qui eftoient dans la ville de faint Iacques vefcuffent plus honorablement , & ne frequent affent pas avec les feculiers ; qu'il leur fuft donné des lieux à part proche de l'Eglife Cathédrale de la ville pour y baftir leurs maifons. Et dautant que dans la Bulle qui fut concédée à cet Evefché, l'on ordonna d'eriger l'Eglife Cathédrale en la ville de l'Affomption, & que le lieu n'eftoit pas fain ny convenable , l'on fupplia le Pontife Adrien V I . de donner la permiffion d'ériger PEglife Cathédrale & de la transférer en la ville de faint I a c q u e s , pour eftre la principale place & le plus renommé lieu de toute l'lfle Fernandine ; ce que fa Sainteté avoit accordé avec le confentement du R o y intervenu là deffus, en ces termes , Sa Ma jefté attendu les fufdites

caufes eut ce changement pour agréable , à caufe

dequoy il en donna la permiffion. Et dautant que le R o y fut informé que certaines perfonnes Ecclefiaftiques qui refidoient dans cette Eglife contre le droit de P a tronage Royal à fon préjudice & contre la eoullume , qui s'obfervoit en l'obtention des provifions des digni, tez , Chanoinies, & autres bénéfices dépendant de l'Evefché, eftoient entrez en poffeffion de certaines d u gnitez , Chanoinies & bénéfices, fans avoir première-


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ment pris la prefention Royale ny la collation de 1523 l'Evefque ; Et quoy que de fa part ils euffent efté requis de les quitter, & qu'ils n'en auroient voulu rien faire , & qu'il avoit envie de les punir ; IL manda à Diego Velafquez & aux autres officiers R o y a u x de P i l l e , qu'ils preftaffent main forte à l'Evefque toutes fois & quantes qu'ils en feroient requis pour les en exclure. Et dautant que l'on a veu par expérience, que depuis que l'on a commencé le négoce des fucres dans l'Ifle Fernandine, le profit augmente toujours de plus en plus, d'où l'on pouvoit conjecturer que le revenu en feroit grand pour les habitans du lieu : ce qui a donné de l'émulation à plufieurs de vouloir faire des engins. Mais parce que l'édifice courte braucoup devant qu'ils foient en eftat d'y pouvoir travailler ; outre ce qu'il faut encore pour les entretenir ; 6c que les habitans font dans l'impoffibilité de le pouvoir faire, ny par confequent faire valoir ce négoce, fi fa Majefte ne leur faifot prefter quelque argent, L e R o y , fuivant cet avis , ordonna que l'on preftaft. aux perfonnes de mérite & de p r o b i t é , q u i voudroient fe méfier de ce trafic , la fomme de quatre mille poids Le Roy fait prêd ' o r , de fon revenu, en donnant à chacun félon la t e r de l'argent ceux qui vouneceffité qu'il auroit, en retirant d'eux une obligation, àloient travailler qui portaft que cet argent leur eftoit prefté, à condi- aux fucres. tion qu'il feroit employé à cet effet, & qu'ils reftituè'roient le preft en dedans deux ans. Fin du quatrième Livre,


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H I S T O I R E GENERALE DES VOYAGES E T C O N Q V E S T E S des Caftillans dans les Ifles & Terre- ferme des Indes Occidentales. LIVRE

CINQVIESME.

C H A P I T R E De

l'ordre

P R E M I E R .

qui fut envoyé à Fernand Gouvernement de la nouvelle

Cortés pour Efpagne,

le bon

PRÈS

que le Roy eut envoyé à Fernand Cortés le titre de G o u v e r n e u r , & Capitaine General de la nouvelle A Efpagne , on luy envoya incontinent après I'inftruction , qui fut expédiée dans Valladolid le fixiéme de Iuin de cette année ; par laquelle fa Majefté difoit en premier lieu , qu'il le réjouïffoit de la découverte de la nouvelle Efpagne , & avoit rendu grâces à Dieu d'avoir appris tant par les Relations du mefme Cortés que par d'autres perfonnes , que ces Indiens eftoient plus c a pables & plus habiles à recevoir lafoy , & vivre com-

me


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m e de véritables Chreftiens que ceux de la Caftille de 1523 l'or, & des ifles & terres qui jufques alors a voient elle découvertes , puifque c'eftoit la véritable intention. Le Roy en çhar ge fur tout la Et dautant qu'ils eftoient tous obligez de les affiftier converfion des en ce r e n c o n t r e , & de travailler tous à la vigne du Indiens. Seigneur il leur enchargeoit autant qu'ils le pourroient d'avoir un foin tout particulier de leur converfion, & de les en doctriner, puisqu'ils eftoient fous leur domination , & que de toutes leurs forces, laiffant à part tous interefts, ils travaillaient autant qu'il leur feroit poffible de les convertir a noftre fainte Foy Catholique , afin qu'ils yefcufTent comme Chreftiens, & fe fauvaffent ; Et que comme l'on fçavoit fort bien qu'à caufe qu'ils eftoient fujets à leurs Seigneurs , & tellement enclins de les fuivre en tout & par tout ; il fem- Pieté du Roy envers les Inbloit que pour faciliter ce faint ouuvrage, il faloit com- diens,. mencer par les mefmes Seigneurs , & les inftruire du mieux que l'on pourroit. Et dautant que l'on prefuppofoît qu'il n'eftoit pas à propos défaire tout d'un coup beaucoup d'inftances avec ces peuples, parce que cela leur pourroit donner un dégouft , & les épouvanteroit d'abord ; mais que l'on s'y comportait modeftenient conjointement avec des Religieux & des gens de bonne vie qui refidoient en ces lieux , & que l'on converfaft avec eux avec beaucoup de ferveur ; Et que puifqu'il fembloit que ces Indiens avoient allez d'induftrie & de capacité pour vivre politiquement & dans un bon ordre dans leurs peuplades que l'on fift en forte de les y faire refoudre , & perfeverer dans cette refolution , leur enfeignant de bonnes couftumes, & à vivre chreftiennement. Et parce que l'on fçavoit auffi qu'ils avoient des Idoles, qu'ils facrifioient des hommes , qu'ils les mangeoient , & qu'ils faifoient d'autres chofes abominables du tout contraires à nôtre fainte F o y , & toute raifon naturelle , qu'ils avoient des guerres entre eux , qu'ils tuoient & mangeoient ceux qu'ils captivoient, dont Dieu en eftoit fort offenfé ; qu'ils leur declaraffent qu'ils ne le fiffent plus

Bbb


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1523. le ne

R o y de

fendre

ordonleur de

déman-

g e r la

chair

hu-

maine

fous

de

grandes

L'on

tra

Cour

fur

partages

peines.

tes des

Indiens.

l ' o n ordonne qu'ils foient libres.

H I S T O I R E

& le leur défendiffent fous de griefves peines , en exerçant envers eux toutes les meilleures voyes poffibles ; en leur reprefentant que ce qu'ils faifoient eftoit contre toute forte de Loy divine & humaine $ Et que pour éviter qu'ils ne mangeaffent plus de chaire hum a i n e , & qu'ils en euffent d'autres pour les fuftenter, fa Majefté avoit ordonné que l'on y tranfportaft des troupeaux de toute forte ; & que Fernand Cortés euft foin d'eftablir un tel ordre en la nourriture d e ces beftes, qu'elles multipliaffent en quantité ; & qu'il leur oflaft leurs Idoles & leurs Temples publics & fecrets,en les admoneftant plufieurs fois,& chaftiant les defobeïffans par des peines publiques , quoy qu'avec modération. Et dautant que l'on avoit veu par expérience que pour avoir fait des partages d'Indiens , fous la charge des Caftillans , ils eftoient beaucoup diminuer en d'autres lieux ; pour remedier à cet inconvénient , & fatisfaire principalement à ce que fa Majefté dévoie au fervice de Dieu , dont il recevoit tant de biens tous les j o u r s , & pour accomplir auffi le commandement, du faint Pere porté par la Bulle de la donation touchant ces nouvelles découvertes, l'on avoit o r d o n n é à ceux du Confeil de s'affembler là-deffus, conjointement avec des Théologiens Religieux, & des perfonnes doctes & de fainte vie qui s'eftoient rencontrez à la Cour. Surquoy il avoit elle o r d o n n é de ne point faire de partages d'Indiens dans la nouvelle Efpagne, par recommandation, ny en depoft ; mais que l'on les laiffaft en l'eftat qu'ils eftoient alors, jufqnes à ce q u e le Confeil euft avifé à ce qui feroit le plus utile & convenable. Et que fi lorfque cet ordre feroit a n i v é il y avoit quelques partages d'Indiens de faits , qu'ils fuffent auffi-toft remis en liberté ; & fur tout faire en forte de les retirer du vice & des abominations ou ils avoient vefcu ; en leur faifant entendre la faveur qu'on leur faifoit en cela , & le deffein qu'avoit le R o y qu'ils fuffent bien traitez , afin d e les faire pluftoft


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approcher de la connoiffance de la Foy Catholique ; 1523. qu'ils ferviffent fa Majefté, & vefcuffent avec les Caftillans en bonne amitié. Et dautant qu'il fembloit que c'eftoit une chofe jufte & raifonnable que les I n diens fiffent envers fa Majefté quelque acte de reconnoiftance du domaine 6c Seigneurie comme des vaffaux le dévoient , & q u e l'on fçavoit bien qu'entre eux ils avoient de couftume de reconnoiftre leurs Seigneurs par quelque forte de tributs ordinaires ; L e R o y avoit ordonné que les officiers des droits Royaux L'on ordonne eftant arrivez, qu'ils s'informaffent tous enfemble des que les Indiens le droit tributs qu'ils payoient ordinairement, & qu'eftant af- payent de vaffeage. furez de cela , qu'ils cherchaffent l'invention d'impofer aux Indiens pour fa Majefté pareil droit qu'ils payoient à leurs Seigneurs. Que s'ils reconnoiffoient qu'ils ne payoient rien , ils ne laiffaffent pas de leur affeoir un droit de vaffelage & de reconnoiffance qu'ils dévoient à fa Majefté, comme à leur Seigneur fouverain , ce qu'ils jugeroient à propos qu'ils pourroient payer annuellement ; Q u e l'on s'informaft auffi des falines , des mines , des pafturages, & autres chofes publiques de la terre. O r le meilleur moyen pour faire condefcendre les Indiens en cela, eftoit l'exemple qu'ils dévoient prendre fur les Caftillans, & faire en forte entre eux & les Indiens , ils euftent un trafic & commerce univerfel, & volontaire enfemble au gré & contentement des parties, en achetant 6c t r o q u a n t les uns avec les autres les chofes qu'ils a u roient. Et défendre fur de grandes peines qu'aucun Caftillan prift de violence aux Indiens quelque chofe que ce fuft contre leur volonté ; mais avec un trafic Défenfe aux Caftillans d'uhonnefte & libre d'une chofe pour l'autre qui eftoit fer de violence le véritable payement, qu'ainfi c'eftoit le vray moyen envers les I n d'attirer 6c les Seigneurs & les Indiens avec beaucoup diens. d'amour & d'affection ; qu'il faloit procurer fur tout de ne point manquer de parole à ceux à qui l'on auroit promis quelque chofe , parce que la promeffe devoit d i r e inviolable , & que c'eftoit le vray moyen de B b b ij


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faire que les Indiens auroient plus de confiance a fa, foy des Chreftiens ; que l'on ne confentift point que l'on leur fift la guerre , ny aucun m a l , & que l'on ne prift rien d'eux fans payer, de crainte que cela ne les troublaft, & ne les fift foûlever. Mais qu'au contraire l'on chaftiaft ceux qui leur donneroient fujet de fafc h e n e , afin que par cette voye ils afrectaffent la converfation des Caftillans, qui eftoit le véritable moyen de les attirer à la connoiffance de la foy Catholique ; ; & c'eftoit auffi. le principal deffein du R o y ; parce que par cette voye on en convertiroit pluftoft cent mille, que mille par une autre. Et en cas qu'ils ne vouluffent point obeïr par cette voye, & que l'on fuft contraint de leur faire la guerre , que l'on ne la leur fift pas pour cela ; mais que s'ils eftoienr les agre ffeurs , & qu'ils euffent fait quelque tort aux Chreftiens ; & que mefme ils euffent commis quelque excès , avant que de rompre avec e u x , il leur faloit premièrement faire Que l'on ne fift point la guerre les fommations cy-devant déclarées qu'ils eu fient à aux Indiens obeïr au Roy , une , deux & trois fois, ou plus felon que l'on n'y que Fernand Cortés le jugeroit à propos ; leur faifant fuft forcé. entendre par des Chreftiens qui fçeuffent leur langue, puifqu'ils en avoient, combien il eftoit important pour eux de fe mettre fous l'obeïffance du Rôy ; Scies torts qui pourroient refulter de la guerre qu'on leur feroit, parce que ceux qui feroient prifonniers de guerre devoient eftre efclaves. Et afin qu'ils n'en pretendiffent caufe d'ignorance , le Roy ordonnoit qu'on leur fift cette déclaration ; parce que pour les pouvoir prendre comme des efclaves , & que les Chreftiens s'en ferviffent en cette qualité, cela ne fe pouvoit faire en b o n n e confcience avant que de leur faire toutes les fommations requifes & neceffaires en ce renconte. Et dautant que les Chreftiens fouhaitoient bien pluftoft de dompter les Indiens par la force , afin de les affujettir , que de les attirer à une paix volontaire , il faloit prendre garde que les fufdits Chreftiens ne donjaaflent pas fujet de la faire ; & leur défendre d'ac1523


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tenter a leurs femmes, à leurs filles, ny aux fervantes 1522. qu'ils auroient en leurs maifons fous quelque prétexte que ce fuft, fous de grandes peines 6c les exécuter promptement fur les Èftrangers. Q u e Cortés , avec les officiers Royaux conjointement impofaffent des noms à toute la terre , aux P r o vinces, aux Villes ; aux peuplades ; Que l'on canfideraft bien les fituations des lieux que l'on vouloit C o m m e l'on d e v o i t baftir les baftir ; & premièrement en quels endroits ils dévoient peuplades. eftre fituez pour la feureté & commodité de la navigation en la cofte de la m e r , & enfuite pour la feureté de la terre ; & que ceux qui s'eftabliroient pour la feureté de la navigation fuffent baftis en tels lieux que les navires qui iroient de deça y t r o u v a i e n t ce qu'ils auroient befoin ,. tant pour l'eau que pour les autres chofes neceffaires pour le voyage, que la fituation fuft faine, de non marefcageufe , que l'air y fuft bon , proche des bois & de terres labourables, & o ù l'on lé pourroit fervir de la mer pour la charge & décharge des vaffeaux, fans beaucoup de fatigue & de frais pour porter les marchandifes. Et fi pour quelques raifons l'on eftoit obligé de baftir en dedans le p a ï s , que l'on prift garde que ce fuft en lieu où. par Je moyen de quelque rivière l'on peuft tranfporter les chofes que l'on y envoyeroit de deça depuis la mer jufques à la peuplade ; parce que n'ayant pas encore des beftes de charge en ces lieux-là , ce feroit beaucoup de travail de les porter fur le dos des hommes; Quapres avoir choifi les lieux pour les peuplades , on divifaft les places pour baftir les maifons , félon les qualitez des perfonnes, en divifant les rues par ordre, laiffant des places pour les Eglifes & pour les places. Et que jufques à ce que le Roy donnait les Gouvernemens de chaque peuplade, Fernand Cortés ordonnaft qu'en chaque Communauté l'on nommaft pour les offices Ordre pour la trois perfonnes conjointement avecque l u y , 6c qu'il police. eleuft entre eux pour chaque office celuy qu'il jugel e k le plus capable, & que l'on repartift auffi les heB b b iij


1523. Des departemens des places pour baftir.

398 HISTOIRE ritages , tant pour les gens de pied que de cheval, échéant: en parcage du bon & du mauvais à tous félon la qualité des perfonnes , & le fervice qu'ils a u roient rendu , & en quoy ; & que celuy qui refideroit cinq ans dans l'apartement qui luy auroit elle donn é l'auroit pour toute fa vie ; obfervant fur tout que ceux qui feroient eftablis dans les fufdits lieux leur demeuraffent en propre , afin d'avoir toujours l'intention & le defir de perfifter dans les peuplades où ils fe feroient eftablis, & l'inconvénient qu'il y auroit de ces lieux pour aller demeurer en d'autres.

C H A P I T R E

II

Le Roy envoyé d'autres ordres à Fernand Cortés, De l'Ordonnance des habits. Le R o y o r d o n ne de chercher le détroit qu'il y avoit de la mer du N o r t ,à celle du Sud.

Le Roy d o n n e les dixmes poux

C

omme le R o y avoit receu des avis qu'en la cofte plus avant de la terre ferme il y avoit un détroit pour paffer de la mer du N o r t à celle du S u d , & qu'il eftoit neceffaire de le faire fçavoir, il manda à Cortés qu'il fift diligence de le faire chercher, & que les gens qu'il y envoyeroit, en raportaffent une ample relation ; & tout d'un temps ce qu'il y avoit en la mer vers la partie du Sud en cette terre , où il couroit un bruit qu'il s'y rencontreroit de grands fecrets , & des chofes en quoy Dieu y feroit férvy & ces Royaumes beaucoup agrandis E t ordonnoit que pour cet effet l'on y envoyait des gens fages & pofez pour les découvrir ; Et que pour ce qui concernoit les revenus du R o y , que l'on s'y gouvernail felon les inftructions que les Officiers R o y aux portoient , aufquels il avoit enchargé, qu'ils fuffent d'un bon a c c o r d , & qu'il fifl en forte auffi de fa part qu'ils fiffent tous la mefme c h o f e , parce qu'autrement les chofes qui dependoient de fon férvice ne feroient pas bien conduites. L e Roy ordonna encore par mefme moyen que les


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INDES

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difmes des nourritures des troupeaux qui luy appartenoient par la donation Apoftolique, & qu'elles fe recouvraffent tout ainfi qu'en l'Efpagnolle , en attendant qu'il en fuft ordonné a u t r e m e n t , & que par ce moyen les confciences de tous en feroient déchargées ; Q u e de ces difmes l'on en pourveuft les Eglifes de Chapelains & de perfonnes idoines , & de bonne vie qui les deferviffent, & tous les ornemens & chofes neceffaires pour le fervice du culte divin, en forte qu'elles fuffent bien pourveuës & fervies ; Q u e vu la fuffifance & experience que le Pere Benoift Martinez avoit de ces lieux, & ce qu'il avoit fait pour la pacification de la terre , le R o y le nommoit, & luy donnoit la charge de l'Eglife de Mexique , pour autant de temps qu'il voudroit, qu'il y dift la Méfie, & y adminiftraft les Sacremens & les autres chofes neceftaires pour le falut des ames pour recompenfe de la provifion qui avoit efté faite pour fa perfonne qui n'avoit pas forty fort effet comme il a efté dit cy-devant. Il ordonna auffi q u e l'on fift Pierre Alvaro de Ordas , Preftre , dans la grande Eglife de Segura de la Frontera. Que lors que les foldats qui eftoient dans ces quartiers iroient à la guerre par le commandement du Gouverneur, ils fuffent payez des revenus du R o y , un M é d e c i n , un Chirurgien, & les médecines qui feroient neceffaires durant le temps d e la guerre ; Q u e tous les habitans de la nouvelle Efpagne , ou quelques autres perfonnes qui de l'Efpagnolle on des autres Ifles voudroient faire paffer des troupeaux de vac h e s , de porcs, de brebis, & d e chèvres dans la nouvelle Efpagne , le puffent faire fans en recevoir aucun empêchement&Q u e les Officiers de la maifon de Contra&ation de Seville priffent un foin exact, d'envoyer dans la nouvelle Efpagne des Laboureurs & des artifans le plus qu'ils pourraient ; Et qu'ils envoyaient auffi à fernand Cortés quantité de plantes, d'arbres, & de femences dans les faifons & les temps propres pour eftre plantez fi-toft qu'ils arriveroient-là ; Q u e toutes les amendes qui feroient ordonnée dans les Tribunaux des

1523. fervir au divin.

cuite

Le R o y d o n n e à Benoift M a r tinez la charge d e l ' E g l i f e deMexique.

L e R o y ordonne d'envoyer d a n s la n o u v e l le E f p a g n e destroupeaux, des p l a n t s d ' a r b r e s & des femences.


400 H I S T O I R E villes & villages peuplez , & qui fe peupleroient de 1523 Chreftiens, pendant le temps de dix ans, fe d o n n a i e n t aux habitans qui les peupleroient, dont le Roy leur faifoit largeffe pour eftre dépenfez à accommoder les chemins, & pour faire des ponts, & les chauffées neceffaires pour le trafic de la terre ; Q u e les fufdits Officiers de la maifon d e Seville fiffent publier tout de nouveau & exécuter l'Ordonnance qui contenoit ; qu'aucun Maure, ny Iuif ny fils , ny neveu de converty , jufques au quatrième degré , peuffent faffer aux Indes , fur de certaines-petnts ; Q u e d'autant que la nouvelle Efpagne eftoit une terre nouvellement découverte, & non peuplée, 6c qu'il s'eft vu par experience qu'à caufe qu'il y avoit paffe des a v o c a t s & des Procureurs dans les nouvelles terres conquifes, il y avoit de grands differens & procès ; pour vivre dorefnavant en paix le R o y ordonna de ne point confentir qu'il y euft de Procureurs ny d'Avocats pour exercer la chicane , & que s'il y en avoit que l'on leur D e s f a v e u r s que deffendift de plaider. L'on confirma auffi tout de noul e R o y fait à veau que tous les Chreftiens habitans de ces lieux qui ceux qui o n t c o n q u i s & q u i auroient e u , & qui auroient encore à l'avenir des enpeuplent dans fans de femmes Indiennes qu'ils auroient efpoufées ou l a n o u v e l l e Efautrement , il leur fuft permis de paffer en Caffille ; Q u ' a u x premiers habitans qui avoient peuplé & pacifié la terre, qu'au lieu des Indiens qu'ils euifent pû avoir en partage pour recompenfe de leurs travaux & fervices, il leur fuft donné à chacun un fonds de terre, tant pour baftir que pour des heritages en la campagne dans quelques villes ou villages qu'ils voudroient choifir , & que les ayant mis en valeur ou autrement il leur fuft loifible de les v e n d r e , & en difpofer comme d'une chofe à eux appartenant, tout ainfi que s'ils y eftoient demeurant, quoy qu'ils n'y euffent pas demeuré le temps qui leur auroit efté preferit.

Pour éviter les grands frais & dépenfes que l'on avoit déjà commencé à faire dans la nouvelle Efpagne en habits , & principalement en foye & broderie ; & afin que ce que les hommes acqueroient avec tant de travaux:


DES I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv. V . 401 & f a t i g u e s , fuft e m p l o y é à d e s chofes qui l e u r fuffent plus profitables ; l'on deffendit à t o u t e p e r f o n n e q u ' e l l e q u ' e l l e fuit, d e p o r t e r a u c u n v e r t e m e n t d e d r a p d'or o u d ' a r g e n t , d e f o y e , d e c a m e l o t d e f o y e , d e toile d e f o y e , d e v e l o u r s , n y de t a f f e t a s , en f o u r e a u x n y e n p e n d a n t s d ' é p é e s ; e n brides n y felles d e c h e v a l ; e n efcarpins n y e n f o u l i e r s , n y en a u c u n e autre c h o f e ; qu'ils n e p o u r r o i e n t auffi p o r t e r d e b r o d e r i e e n f o y e , ny b r o c h e z d ' a r g e n t ny d ' o r , au m a r t e a u ; filé n y tiffu, ny d e q u e l q u e a u t r e f a ç o n q u e c e foit ; q u o y q u e l'on a c c o r d a i t q u e l e s p e r f o n n e s d e la n o u v e l l e E f p a g n e q u i auroient d e s Immeubles o u des h é r i t a g e s , m o n t a n t j u f q u e s à la v a l e u r de m i l l e C a r t i l l a n s , e u x & leurs enfans qui a u r o n t a t t e i n t l ' â g e d e q u a t o r z e ans p o u r r o n t p o r t e r d e s p o u r points & c a p u c h o n s b o r d e z de g a l o n 6c d e paffe-poil o u piftagues d e f o y e d e q u e l q u e c o u l e u r q u e c e foit, p o u r v e u q u e fur la r o b b e , ou autre v e f t e m e n t , il n'y ait pas plus d ' u n e b o r d u r e , & q u e c e t t e b o r d u r e n ' e x c è d e pas e n p i f t a g u e , o u a u t r e m e n t , la l a r g e u r e d'un p o u l c e ; & q u e c e s b o r d u r e s & piftagues ne puffent pas eftre appliq u é e s au bas des r o b b e s ; mais qu'ils p o u r r o i e n t p o r t e r u n paffe-poil d e v e l o u r s o u d e taffetas , & d e s c a p u chons d e c a m p a g n e f o u r r e z 6c garnis d e m e f m e 5 Q u e les cuiraffes p o u r r o i e n t eftre garnies d e t a f e t a s ou a u t r e f e m b l a b l e é t o f f e , b o r d é e s d e m e f m e , le c a f q u e , l e s b a r b u t e s , les b r a f f e l s , & les cuiffots ; Q u ' i l s p o u r r o i e n t g a r n i r d e f o y e les couffins des g e n e t s d ' E f p a g n e q u e les Femmes d e c e s fortes de perfonnes qui a u r o i e n t v a l a n t mille C a r t i l l a n s , & leurs filles , eftant à m a r i e r p o u r r o i e n t p o r t e r des h o n g r e l i n e s , des cors d e c o t t e , ou d e s braffieres , fur lefquelles ils p o u r r o i e n t p o r t e r d e s b a n d e s d e f o y e d e d e u x aulnes d e l o n g f e u l e m e n t 6c n o n p l u s , & les veftir & c h a n g e r q u a n d b o n leur f e m b l e r o i t , & q u e tous les autres v e f t e m e n s fuffent d e d r a p g a r n y d e b a n d e s de trois doigts d e l a r g e u r , a v e c u n b o r d d e f o y e f e u l e m e n t ; Q u e fur d e femblables h a r d e s l'on n ' y put pas e m p l o y e r a u c u n paffement d ' o r , n y trait, Ccc

1523Ordonnance pour les vertemens.


402

H I S T O I R E

ny tiffu ; mais feulement la bordure ou piftague, ou bande de foye de la largeur cy-deffus fpecifiée , tant aux hardes de foye que de drap , & pour le t o u r , comme pour les couftures- Q u e la mefme chofe feroit obfervée pour les garnitures des felles & des fangles ou brides de m u l e t , & qu'il n'y fuft employé aucune foye , ny fur les draps dont les felles feroient couvertes y de que les filles ou femmes qui les monteraient ne pourroient porter de petits manteaux de foye , ny de robbes qui en fuffent fourrées , le t o u t fur de grandes peines qui leur furent impofées. L'on écrivit au Gouverneur , que fuivant que l'on avoit eu avis , que l'on avoit tiré le Quint qui appartenoit au R o y , de l'or , des joyaux , & autres chofes L ' o n demande que l'on avoit pris en guerre fur les ennemis, & qu'on l'information des p a r t a g e s q u i l'avoit difperfé entre les gens de guerre, chacun felon o n t efté faits ce qui luy pouvoit écheoir fuivant leurs qualitéz & e n t r e les g e n s attendu qu'ils n'avoient eu aucune folde dede g u e r r e , d e s actions joyaux qui a p - puis tout le temps qu'ils avoient fervy. Et quoy que p a r t e n o i e n t au fa Majefté fuft fuppliée d'avoir pour agréable le parRoy. tage qu'en avoit efté fait ; neantmoins defirant fçavoir de quelle façon l'on s'y eftoit comporté , l'on mandoit que l'ordre en fuft envoyé afin qu'ayant efté veu au Confeil, fa Maiefté en ordonnait ce que bon luy fembleroit ; Et tout cela ne fe faifoit que par le moyen des envieux du bon heur de Cortés ; qui reprefentoient toujours fes actions comme autant de crimes , & qui pour participer aux bonnes grâces d e quelques-uns , écrivoient en Cour tout ce qui leur venoit en la fantaifie, 1523.


DES INDES O C C I D E N T A L E S ,

Liv.V.

403 1523

C H A P I T R E

III.

Le Roy promet de ne point aliéner de la Couronne Royale les Provinces de la nouvelle Efpagne ; & des autres faveurs

F

qu'il fit aux peuplades

de cette

terre.

Rançois de M o n t e j o , & Diego de O r d a s , a u nom de la nouvelle Efpagne, fupplierent le R o y qu'en confédération de la fidélité de cette Province ; & les travaux que l'on avoit foufferts pour la réduire à l'obéiffance de fa Maieflé , & la peupler ; 6c qu'afin qu'elle s'agrandift & fe peuplaft davantage, il luy pleuft de ne la point aliener de la Couronne de Caftille ny aucune de les parties ; Le Roy confiderant la bonne volonté de fes fujets de la nouvelle Efpagne , tant pour fatisfaire au contenu de la Bulle Apoftolique de la donation qui luy en avoit efté faite , que pour avoir iure & promis de conferver & maintenir les Royaumes & Seigneuries de Caftille & de Léon ; ainfi qu'il le fit lorfqu'il fut receu & proclamé Roy & Seigneur d'iceux , il n'eftoit point befoin d'une nouvelle affurance. Mais que neantmoins, afin que les habitans & pacificateurs de la nouvelle Efpagne en fuffent plus affurez , il fit expédier de nouvelles provifions , par lefquelles il declaroit & entendoit que c'eftoit fa vol o n t é , & que l'on y aioûtaft foy, comme fi c'eftoit un Précepte de L o y , & de Pragmatique Sanction, tout ainfi que fi elle avoit efté faite & enterrinée dans les Cours générales , & pour l'effet defquelles il promit & donna fa foy & fa parole Royale , que de quelque façon que ce fuft la nouvelle Efpagne ne feroit iamais aliénée de la Couronne Royale de Caftille & de Léon , ny par luy ny par fes héritiers &fucceffeurs ; mais qu'elle y demeureroit toûiours incorporée. Ces provifions furent données à Pamplune le vingt-deuxiéme d'Octobre de cette année. Il concéda auffi à ces C c c ij

Le Roy promet de ne jamais aliener de la Couronne de Caftille la nouvelle Efpagne.


404

H I S T O I R E

habitans de la nouvelle Efpagne , que dans les deux premières années ils ne payeroient que la dixième partie de l'or qu'ils recueilleroient des mines ; dans la t r o i l l é m e , la neufiéme ; & dans la q u a t r i è m e , la huitième ; & ainfi en defcendant iufques à ce qu'ils arrivaffent au Q u i n t , & continuer de là en avant ainfi ; Que pendant le temps de fix ans , ils ne payeroient aucune chofe de ce qu'ils mangeroient & dépenferoient D e s privilèges que le Roy don- dans la fufdite t e r r e , & dans fes Provinces ; Q u e l'on na aux premiers donnait, la permiffion à quelques perfonnes que ce fufCaftillans qui avoient peuple f e n t , q u i voudroient pourvoir & fournir de provifions la nouvelle E- la fufdite t e r r e , fans que pour cela ils fuffent obligez fpagne. de payer aucuns impofts, ny autres droits qui puffent appartenir à fa Maiefté, pendant le temps de huit a n nées ; Que l'on ne demandait aufdits habitans aucuns droits ny fublides , ny aucunes impofitions , de c e qu'ils vendroient, achèteraient , o u troqueraient, iufques à ce que le R o y en ordonnaift autrement. E t dautant que fa Maiefté eftoit informée que plufieurs des Seigneurs de la terre avoient des efclaves qu'ils captivoient en g u e r r e , & les gardoient pour manger devant leurs Idoles, & quefi l'on donnoit la permiffion aux neuveaux habitans de les pouvoir tirer par devers eux , l'on éviterait par ce moyen ces abominables Sacrifices ; & de manger ainfi la chair humaine ; Et fa Maiefté les voulant encore gratifier de cela , attendu que c'eftoit pour empefcher ces abominations , il le leur accorda ; quoy que depuis cela fuft reformé, ordonnant que l'on ne prift point des eftropiats, des bielfez , des malades, & des vieillards. Sa Maiefté fit encore des faveurs à ces nouveaux l e Roy remet habitans , & autres perfonnes qui fe trouvoient dans les difmes paffées pour une la nouvelle Efpagne , que pour les difme, qu'ils poucertaine f o m voient devoir de ce qu'ils avoient recueilli & amaffé, me. depuis la première fois qu'ils y entrèrent, iufques à la fin de l'année paffée de mil cinq cens vingt-deux , afin qu'ils euffent la confcience plus libre , à caufe qu'ils n'avoient rien payé , ny que mefme l'on n'avoit pu en 1523.


DES I N D E S

OcciDENTALES,

Liv. V.

405

tenir compte , à caufe de la quantité de guerres , & 1523. des travaux qu'ils avoient foufferts pour pacifier la terre , que l'on compofaft avec eux pour telle fomme que le Gouverneur le jugeroit à propos, & que la compofition eftant faite & payée , ils demeuraffent libres & déchargez de cette dette ; mais que dorefnavant ils payaffent les difmes qui feroient deuês de tous les labourages, & de toutes les nourritures qu'ils auroient faites des volailles, troupeaux & autres chofes, & q u e de ces difmes l'on en pourveuft les Eglifes des chofes qui leur eftoient neceffaires , & que l'on en payaft les Chapellains, les Preftres & les perfonnes de bonne vie ainfi qu'il avoit déjà elle ordonné. Et que l'on donnaft avis de toutes ces chofes & comme l'on s'y comporteroit , attendu que comme c'eftoit une chofe qui regardoit le fervice divin l'on en chargeoit fur tout la confcience du Gouverneur. O n leur donna auffi la permiffion d'aller découvrit de nouvelles terres , & des Ifles circonvoifines ; avec Le Roy ordonordre au Capitaine General de donner l'inftruction à ne de faire de déceux qui iroient faire ces découvertes comme ils s'y nouvelles couvertes, dévoient comporter , & d'y mettre une perfonne au nom du Roy pour la perception de fes droits, Et dautant que le Roy eut avis que plufieurs Caflillans de ceux qui eftoient fous Fernand Cortés , lorfqu'il faifoit la guerre aux Indiens eftoient demeurez eftropiez, de forte qu'ils ne pouvoient gagner leur vie ; Il ordonna qu'ils fuffent entretenus en leur baillant une certaine quantité d'or fuffifamment pour les nourrir & veftir. Et que les eftroL'on donna encore la permiffion à tous les premiers piats foient e n habitans qui avoient découvert & pacifié la nouvelle tretenus. Efpagne, de porter des armes offenfives & défenfives par tous les lieux de ces Royaumes, & des Indes,des Les premiers Ifles & terre-ferme de la mer Oceane , où ils iroient habitans de 1s & fejourneroient ; en baillant caution , qu'en portant nouvelle E f p a g n e ont privile. les fufdites armes , ils n'en offenferoient perfonne ; ge de porter des mais qu'ils les porteroient feulement pour la garde & armes offenfives & defenfidéfenfe de leur perfonne. L'on ordonna auffi que l'on ves. C c c iij


406

HISTOIRE

envoyait autant d'or de d'argent, comme ils a v o i e n t 1523 fait la dernière fois, qu'ils envoyèrent à l'Efpagnole,du mefme alloy & prix, parce que faute de cela le commerce fe r u i n o i t , de les rentes Royales diminuoient beaucoup , en trafiquant avec l'or en maffe ou en poudre. Sa Maiefté écrivit auffi à Fernand Cortés , de luy fit fçavoir les grandes de continuelles dépenfes qu'il avoit faites depuis fon élection à l'Empire, & particulièrement depuis qu'il eftoit allé prendre poffeffion l e R o y écrit à Cortés , & luy de la Couronne Impériale, à caufe des grandes altérademande de tions qu'il y avoit eu en fes Royaumes pendant fon largent. abfence ; & mefme par l'entrée que le Roy de France dans le mefme temps avoit faite dans la N a v a r r e , s ' é tant faifi de ce Royaume ; & qu'encore qu'il avoit efté recouvert incontinent après l'armée des Caftillans, on y avoit fait de grandes dépenfes. Q u ' o u t r e toutes ces chofes, il avoit encore des guerres continuelles de tous coftez contre le Roy de France , & qu'il eftoit occupé à lever des armées confiderables, & par mer de par terre pour recouvrer Fontarabie que les François avoient prife pendant fon abfence ; A caufe dequoy il il faloit qu'il trouvait de grandes fommes de deniers, parce qu'il en eftoit en grande neceffité , à caufe des grandes dépenfes qu'il avoit faites comme nous le venons de dire. De forte que comme il le tenoit pour un ferviteur fidèle ; qu'il connoiffoit fa bonne volonté le R o y e m prunte de l'ar- à luy rendre fervice comme il l'avoit déia témoigne ; g e n t de la nou- Qu'il avoit enchargé à François de M o n t e i o , de luy velle efpagne. témoigner cela de fa p a r t , & le priaft qu'il y donnait ordre promptement , de le fecouruft de quelque o r , tant de celuy qui appartenoit au R o y que de celuy qu'il pouvoit avoir en propre , ou de quelques autres perfonnes qui en euffent , d'en envoyer le plus qu'il p o u r r o i t , & que de tout ce qu'il recevroit des autres perfonnes de de celuy qu'il prefteroit , il luy feroit rendre incontinent après, du premier o r , & des emolumens qui procederoient de ces quartiers-là ; Et qu'il


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O C C I D E N T A L E S , Liv.V.

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mandoit la mefme chofe aux Officiers Royaux qui gouvernoient fes revenus d'y fatisfaire. Le Roy ayant auffi eu avis qu'il croiffoit dans la nouvelle Efpagne de lagraine d'écarlate, & en abondance, &qu'eftant tranfportée en Caftille cela rapporteroit un grand profit pour les rentes Royales , il manda au Gouverneur d'en avoir foin, de la faire cueillir&de prendre garde fi cela eftoit véritable , & qu'il luy fembloit que l'on en pourroit faire trafic. Et d'autant qu'il eftoit à propos d'eftablir les nouvelles peuplades & communautés , & leur donner une forme politique , afin qu'ils fuffent bien régis & gouvernez , le R o y ordonna que dans Mexique il y euft douze Gouverneurs de Police , & en chacune des autres Villes & Bourgades de la nouvelle Efpagne qui eftoient peuplées, il y en euft fix ; & fit par mefme moyen François de Montejo Lieutenant de la Forcereffe de la Fera Cruz, & luy fit bailler un gouvernement de police. Il donna auffi à Alonfe Hernandez P u e r t o - C a r r e r o l a Lieutenance de la ville de Segura de la Frontera ; & à Diego de Ordas un Gouvernement de police de la mefme ville. Il confirma à Diego d'Aguilar celuy qu'il poffedoit déjà. Il en donna un autre à Alonfe de Venavides. Il donna le Greffe de la Couronne de la Ville de Mexique à Pedro del Caftillo ; & un office d e Greffier des comptes de la mefme V i l l e , à H e r n a n Perez. Et parce que par les Loix & Ordonnances de ces Royaumes , l'on avoit mandé que les Sénats des Villes -, & bourgades pourroient connoiftre en cas d'appellation des procez qui feroient intentez dans les luftices pour des fommes qui n'excederoient pas trois mille maravedis ; Et que l'on avoit mandé auffi que les appellations qui arriveroient dans les Indes pour pareille quantité de maravedis , allaffent pardevantles luges de l'audience de l'Efpagnole,dont les Commnnes de la nouvelle Efpagne en recevoient une n o table p e r t e , à caufe de leur trop grand éloignement ; ce qui eftoit caufe que le plus fouvent l'on ceffoit d e

1522.

Le Roy donne. des Offices,


4o8

H I S T O I R E

pourfuivre les procez ; Il fut ordonné que les peuples des Villes & bourgades pourraient appeller chacun en fa Iurifdiction dans le Senat qui y eftoit eftably jufOrdre pour l'appellations ques à la quantité de cent poids d'or ; E t que toutes des procez, les cailles qui monteraient jufques à la quantité de mille poids d'or fuffent vuidées & terminées pardevant le Gouverneur & fes Lieutenans, ou luges de la Iurifdi&ion, fans eftre obligez d'avoir recours au Confeii des Indes ; Et que les Iuftices commmuniquaffent les caufes aux Officiers de la Cruzade , fçavant en droit qui en jugeroient conjointement , quoy qu'ils declinaffent de Iurifdiction. Mais encore que ces choies s'exécutèrent pour un temps, il y a eu puis après des altérations en de certaines chofes. Les Procureurs de la nouvelle Efpagne pour annoLe Roy donne blir davantage les villes 6c bourgades, fupplierent le des armes aux Villes de la n o u - Roy de leur donner des armes. Celles qu'il accorda velle Efpagne. pour la ville de Mexique furent un champ d'azur de couleur d'eau au milieu de l'Efcu,reprefentant les lacs dans lefquels cette ville eft bafties avec un chafteau d'or au milieu, & trois ponts de pierre de taille qui vont rendre au chafteau ; deux defquels ne touchent pas au chafteau , & à chacun de ces bouts de ponts qui ne touchent pas au chafteau un Lyon rampant ayant les pieds fur les ponts, & les pattes de devant tenant le chafteau, en forte qu'ils euffent les pieds fur les ponts & les griffes fur le chafteau , pour marque de la victoire que les Chreftiens emportèrent fur les Indiens ; & pour orle dix feuilles de Tuna verdes avec fon fruit, que les EfFignier. pagnols appellent Higos, qui croiffent dans cette Province, en champ d'or. A la Veilla Rica il donna au miArmes de la lieu de l'Efcu à la partie d'enhaut, un chafteau d'or en Ville Rica, champ verd, & en la partie d'embas deux colomnes blanches qui eftoient la devife du Roy en champ d'azur avec ces mots, Plus ultra ; & au haut de PEfcu une croix rouge, & pour orle treize Eftoiles d'azur. A la Ville de Segnra un Efcu en champ blanc .& au milieu un Lion couronné , doré ; & pour orle huit croix en fautoure 1523.


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fautoure, dorées en champ d'azur. A la Ville de M e - 1523. dellin le champ blanc dans l'Efcu, & au milieu un Aigle couronné, le bec & les-pattes dorées, & pour orle , huit Celles de M e Taons d'azur en champ d'or. A la Ville Del Efpiritufan- dellin & Del Ef; pi.itu Santo. eto, le champ blanc, & au milieu un arbre appelle Cacao, dont le fruit en ce païs-là tient lieu de monnoye qu'ils appellent Almendra*, 6c deux Tigres au pied tout droits ayant les pieds de devant en l'arbre, & pour orle neuf tourteaux d'azur en champ doré. A Diego de Ordas qui reprefenta les fervices qu'il avoit rendus en la pacification de la nouvelle Efpagne, & particulierement pour avoir reconnu le Vulcan de M e x i q u e , & où les Indiens n'ofoient monter ; & pour avoir efté découvrir des mines & les fecrets de la terre ; pacifié une Province ; la découverte de celle de Coazacoalco, & l'avoir réduite à l'obeïffance ; ce qu'il fit eftant logé dans le Temple Major de Mexique avec deux cens cinquante Caftillans ; le combat qu'il foûtint au pont de Iacuba avec les Indiens, où on luy tua quelques Caftillans, & où il fut bleffé en quatre endroits, dont il demeura manchot de la main droite de l'une de ces bieffeures ; & les rencontres où il s'eftoit trouvé dans toutes les autres batail- Armes de D i e les qui fe livrèrent en cette guerre ; il luy fut donné pour g o d e O r d a s . armes outre celles qu'il avoit de fa maifon, au milieu de l'Efcu à droit, un Roy couronné en champ r o u g e , qui eft celuy de Coazacoalco, & dans le mefme cofté, au deffousunChafteau. d'où fortoit un pont en champ rouge ; & dans l'autre moitié de l'Efcu, une montagne couverte d e nege en champ v e r d , dont il fort de la cime certaines flammes de feu fignifiant le V u l c a n , & au haut de l'Efcu un Heaume fermé avec fon timbre. Apres quoy Erançois de Montejo & Diego de Ordas partirent pour repaffer à la nouvelle Efpagne,

pdd


410

H i s T o i r e

1523

C H A P I T R E Des Ordres que l'Empereur

A

IV.

donna pour l'ifle

Efpagnolle.

Près que l'on eut donné tous ces ordres que nous venons dédire pour la nouvelle Efpagne , le Roy s'occupa pour régler les affaires de PEfpagnolle , & ordonna premièrement qu'attendu que les Auditeurs d e l'Audiance Royale de cette Ifle ne devoient plus avoir d'Indiens en partage , & que leurs gages ne fuffifoient pas pour les entretenir , outre les cent cinquante le Roy augme- mille Marauedis qu'ils avoient eu par le paffé , il leur en t e les g a g e s deS fuft donné encore a u t a n t , en forte qu'ils euffent par an Auditeurs de trois cens mille Marauedis ; que lors qu'il feprefenteroit-Efpagnolle. quelques Offices du Domaine du Roy ou d'Alcaydies, cependant que Sa Majefté en pourvoiroit de quelques autres, que l'Audience fift affembler les plus notables pour en élire d'autres, tels qu'ils le trou veroient à p r o pos , pour exercer lefdits Offices ou garder la Fortereffe. Et dautant que les habitans & ceux qui peuploient dans les Indes eftoient beaucoup lezez de fe tranfporter au Confeil fupréme avec les appellations pardevant les luges qui y prefidoient, les caufes eftant quelquesfois de peu d'importance, & la diftance des lieux fort grandes il fut ordonné que toutes les appellations qui interviendroient pour des cas d'appel d'une juftice parOrdre pour la devant des luges fuprémes jufques à fix cens poids d'or, police. & en defcendant, allaffent à l'Audience & à la Chancellerie de PEfpagnolle, afin que les caufes y fuffent vuidées de terminées ; que toutesfois & quantes q u e ceux de l'Audience Royale de cette Ifle s'affembleroient pour traiter des affaires touchant l'Office de V i fîteur des droits Royaux qu'exerçoit Chriftofle de Iap i a , il y fuit appelle pour y eftre prefent, afin que les chofes dont eftoit queftion s'accommodaffent avec plus ce facilité ; que des amendes confifcations qui appar-


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V.

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tenoient au Roy , il en fuit pris deux cens cinquante 1523 mille Marauedis entre les Communes de l'Ifle pour aider à reparer les chemins , veu la neceffité où ces Communes le trouvoient : quel'on envoyait huit Religieux de l'Ordre de S. François, quatre dans l'Efpagnolle, & les quatre autres dans la Ville de M e x i q u e , & que le paffage leur fuft donné franc, & tout ce dont ils auroient affaire aux dépens des revenus du Roy. Il fut pourveu Francifco de à l'Office de Procureur fifcal & de Procureur de la lu- Prado eft n o m m e Procureur flice dans l'Audience de l'Efpagnolle & des autres Au- fifcal de REFPAdiences , & Tribunaux de l'Admirai du Licencié Fran- gnolle, Roy ordoncifco de Prado. Il fut ordonné auffi que les gens mariez Le ne que les gens feroient venir à l'Efpagnolle leurs femmes le pluftoft mariez y menét que faire fepourroit, & furent impofees de griefves pei- leurs femmes. nés à ceux qui ne le feroient pas, & que l'on payaft chaque année trente mille Marauedis à un Précepteur de Grammaire font les revenus du Roy. Sa Majefté ayant eu avis que le Licencié Rodrigue de Figueroa ayant gardé long-temps le gouvernement de RIFLE Efpagnolie ; qu'il avoit efté luge des appellations, & enfuite Auditeur de l'Audience Royale ; outre qu'il avoit encore fervy dans d'autres affaires où il Payait o c cupe , & que travaillant toujours dans l'exercice de ces charges avant qu'il euft achevé le temps qui luy eftoit prefcrit, ny mefme que le Confeil des Indes y eût fongé ; pour fe tirer de tous ces tracas d'affaires, il fe chargea de l'Office d'Affeffeur de l'Admiral, Viceroy & Gouverneur de l'ifle Delas Binoras,&des autres places de fes limites ; & que dans une Audience & Tribunalq u e l'Admiral avoit inftitué tout d e nouveau, pour Plaintes -contre connoiftre des cas de Cour & d'autres chofes qu'il pre- le Licencié Fitendoit luy appartenir, fondé fur une Déclaration de gueroa pour avoir violé la lufes privilèges que l'Empereur avoit faite il y avoit trois rifdictio Royale. ans dans la Coruna ; le fufdit Licencié Figueroa avoit confeillé de certaines chofes qui avoient apporté du trouble dans la Iurifdiction & prééminence Royale au préjudice & au mépris d'icelle. O r quoy que l'on eût une entière connoiffance de cette affaire par des témoins D d d ij


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H I S T O I R E

irréprochables qui fe prefenterent au Confeil ; neant1523 moins Sa Majefté en écrivit à l'Audience , O r d o n n a n t que l'on en fift une information tres-ample, de qu'on l'envoyait Cependant Figueroa voyant que l'on informoit contre luy, refolut de venir à la Cour pour fe deffendre. Le Licencié Lucas Vafquez, d'Ayllon y vint auffi pour avertir de ce qui fe paffoit touchant l'Audience R o y a l e , de faire rapport de ce qu'il avoit fait contrei l - v i e n t e n C o u r le Licencié Figueroa ; lequel eftant arrivé à Seville le a v e c le L i c e n c i é Confeil luy manda qu'il lignifiât à Figueroa qu'il eût à fe V a f q u e z d'Aylprefenter , de que l'on prift prifonnier un Sergent de ion. l'Admiral qui eftoit venu dans le mefme Vaiffeau ; parce qu'ayant eu avis des chofes qu'il fçavoit bien eftre préjudiciables au R o y , il avoit deû s'y oppofer & fe pourvoira l'encontre. C a r outre qu'il n'eftoit pas bien confeîilé par ceux qu'il avoit avec luy , les rancunes & les anciennes inimitiez n'eftoient pas encore tout à fait Le Treforier amorties, de le Treforier Paffamonte qui eftoit le Chef P a f f a m o n t ennemy de l'Ad- de ceux qui ne luy vouloient guere de bien dans cette miral,• Ifle & qui ne pou voient fouffrir que des perfonnes d e qualité égale avec lefquels ils peuffent vivre avec moins de refpect ; n'avoit ceffé de continuer fes actions ordinaires. Apres donc que le Confeil eut tout veu de con— fideré , & oûy les parties adverfes de l'Admiral, on o r donna deluy mander ; Qu'il avoit mal-fait dinnouer tant de chofes contre la lurifdiction & Audience- Royale , & partiCe que l'on éculièrement de s'eftre ingéré de vouloir connoiftre des chofes de crita l'Admirai touchant les ex- la Cour, en faifant fortir les Vaffaux de leur propre domicile en cez que l'on p r e tendon qu'il eut première infiance par la voye des caufes qui appartiennent à ladite Cour & non a, luy ; & quoy qu'il euft efté requis par l'Audience de ne le pas faire , parce que c'eftoit choquer entièrement l'authoritè du Roy , à caufe de fa Souveraineté dans l'Audience, dont il n'avoit tenu compte ; mais qu'au contraire il avoit expédié autant de caufes qui s'eftoient prefentées à luy qui dévoient eftre renvoyées a la Cour , dans l'Audience qu'il tenoit pour cet effet à la mefme heure que les Auditeurs s'affermbloient dans leur Chancellerie pour expédier les affaires, les uns & les autres expédiant les provifions en forme de Lettres


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Royaux à la confufion de la Iurifdiction , qu'il avoit de 1523 nouveau fait publier que nul ne pourroit appeller de fes Sentences dans pas un Tribunal de ces quartiers mais par devant luy même par Requête. Et en effet il refufoit les appellations que l'on interpofoit de luy par Requefte dans l'Audience publique, nonobflant que les Auditeurs luy euffentfait fçavoir que c'eftoit contre les Ordonnances Royaux , & la poffeffion en laquelle cette Au dience Royale eftoit ; Qu'il avoit eftably de nouveaux Alcaldes demer & des Lieutenans pour connoiftredes appellations qui leur eftoient interpofêes par les fufdits Alcaldes , dont les Lieutenans appelloient pardevant l'admiral ; qu'il recevoit ces appellations ; & que depuis l'introduction de cette Audience, quoy qu'on l'eut adverty qu'il fe méloit de beaucoup de chofes qui eftoient audeffus de fa puiffance, afin qu'il s'en abftinft, il ne l'avoit pas voulu faire ; & particulierement pour avoir levé les difmes des chofes qui ne le touchoient point , comme de mettre un Lieutenant de Viceroy qui faifoit les mefme s'expéditions que luy ; a faire des provifions d'Indiens , fe vouloir mêler de leur Jurifdiction ; à pourvoir d'Offices & de chofes qui n'appartenaient qu'à la perfonne Royale , ou à ceux qui eftoient porteurs de fes commiffions ; à lever des droits des anchrages des Navires , les habitans eftant privilégiez & exemps de ces tributs. Et pour ce fujet comme perfonne ne pouvoit faire ces chofes dans les Royaumes de Sa Majefté fans fa permilîîon,& que pour l'avoir fait contre les deffenfes, les publications, & les peines que l'Audience Royale avoit impofees a l'encontre ; & qu'encore que par les deffenfes générales portées par la Déclaration de la Coruna l'on avoit pu déclarer qu'il pouvoit faire ces chofes , ou quelques-unes d'icelles ; il eftoit pourtant jufte & raisonnable qu'il le confultât premièrement à Sa Majefté, c'eft pourquoy il fut ordonné , Qu'en confervant à l'Au- O r d r e q u e l'ondience la poffeffion de fes anciens Privilèges & Ordonnances, d o n n e à l ' A d on luy rétabliffoittout ce quel Admiral y avoit innoué & chan-m i r a l for l e s p l a i n t e s f a i t e s àgé en luy confervantfes droits, la poffeffion & la propriété ; luy l ' e n c o n t r e d e enchargeant & à fes Officiers de révoquer incontinent ce qu'il yl u y . avoit innoué, fans s'émanciper davantage, qu'il ne faifoit lors de la Déclaration de la Coruna, & le laiffant dans le mefmeD d d iij


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le Roy ordonne à l'Admiral de revenir en Camille.

Louis de Figueroa eft fait Prélat de la Conception , & Prefident de l'Audience.

H I S T O I R E

qu'il efloit alorS , & de conferver a, la Couronne Royale à l Audience fon ancienne autheritè &poffeffion. Ces chofes luy furent enchargées d'accomplir felon le mandement cy-deffus, fans confulter fa Majefté pour l'exécution, n y d'en efperer d'autre ordre, fur peine de perdre tous les privilèges , titres & faveurs qu'il tenoit de l u y & tous fes biens. E t afin que le fufdit Admirai n e pretendift caufe d'ignorance d e c e que deffus l ' o n o r d o n n a a u x Auditeurs, qu'ils le fiffent publier dans toute fa Iurifdic t i o n , & de ne pas confentir q u e l'Admiral ny f e s Lieutenans & Officiers allaffent à l'encontre ; mais d e m e t tre en exécution cette O r d o n n a n c e , nonobftant q u e l que fupplication que l'Admirai peuft faire ; & qu'il m a n daft à toutes les V i l e s de Bourgades d e cette l u r i f d i clion d'y obéir fans a u c u n e contradiction. Et l'on écrivit auffi-toft à l'Admiral que p o u r donner ordre à l a de-? claration des chofes fufdites & p o u r travailler à l a reformation de ces quartiers, & traiter de la confervation d e s Indiens, que fa perfonne eftoit neceffaire en Caftille, parce que cela le touchoit plus qu'à un autre pour l a grande expérience qu'il en avoit, & qu'abandonnant toutes les affaires de l'Ifle , il fe mift auffi-toft en chemin pour venir à la Cour , fans attendre d'autre ordre. D a n s ce mefme temps l'on envoya appeller frère Louis de Figueroa, Prieur de la Mejorada d'Olmedo de l'Ordre d e S. Hierofme qui avoit efté dans le gouvernement de l'ifle Efpagnolle , auquel l'on donna l'Evéché de la Conception & l'Abbaye de Iamayca , quoy que le Docteur Sancho de Matienço eût été déjà nommé à cette Abbaye par la mort du Licencié André Lopez d e Frias Protonotaire Apoftolique, auquel on donna l'Office de Président de cette Royale Audience ; au moyen dequoy les émulateurs de l'Admiral vinrent à bout d e leur intention après l'avoir beaucoup folicitée. Ils firent auffi inftance que l'on mandait Garcias d'Aguilar Secrétaire de l'Admiral , & H e r n a n d o de Berrio Greffier du Confeil & de la Ville de S, Dominique, pour rendre raifon e n vertu dequoy ils contre-fignoient les breeftat


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vêts & provifions que l'Admiral expedioit comme Vice- 1523 R o y , tout ainfi que les Secrétaires du Roy les contre-fignoient ; & que ne le pouvant faire apparoir, ils fuffent pris prifonniers ; que leurs biens fuffent faifis ; que Garcias d'Aguilar fuft envoyé prifonnier en Caftille, & que pour Hernando de Burrio il fût dépoffedé de fon Greffe & de fes Offices ; que le Procureur fifcal l'aceufaft & procédait à Pencontre de luy tout ainfi qu'il le trouveroit par voye de Iuftice ; & qu'il fift la mefme chofe à Pencontre de quelque perfonne que ce fuft qui euft contre-figné les fufdites provifions que l'Admirai fous le nom de Sa Majefté & comme Vice-Roy auroit expédiées. L'on donna auffi commiffion au Licencié Lucas L'on demande compte à An Vafquez qu'il fift refidence à l'Ifie de S. Iean & qu'il exa- letoine de Seminât les comptes des Officiers de cette Ifle. Et dautant deno que l'on avoit mandé au Treforier Antoine Sedenode donner caution de quatre mille poids d'or, & fe prefenter dans l'ifle d e S . Iean pour rendre fon compte ; il fut ordonné au Licencié Lucas Vafquez de la recevoir dans fon Navire & l'amener avec luy. L'on fit auffi don an Bachelier Alonfe de Cattro habitant de la Conception, de la foffe de Licer que le tour de la rivière forme en cet endroit en forme d'héritage, parce qu'il difoit qu'il y avoit planté dix mille poids de caffe, d'où l'on en pouvoit apporter en ces Royaumes une telle quantité , qu'il Les Offciers. Royaux de la ne feroit pas neceffaire d'en prendre d'ailleurs. Et à la nouvelle Efpamy-Septembre les Officiers des droits Royaux parti g n e partent de Seville. rent de Seville pour paffer à la nouvelle Efpagne.

C H A P I T R E

V,

François de Garay part avec fon armée de tlfle de lamayca pour aller à Pannco. Ce qui fe pajfa entre Garay & les Capitaines de Fernand Cortés. Lt naufrage du Licencie Zuazo.

F

r a n ç o i s de Garay fondé fur les dépefches qui luy furent expédiées dans Burgos en l'an 1521. & foli-


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H I S T O I R E

cité par fes ennemis arma en diligence , fe confiant 1523. quelles luy dévoient produire une auffi bonne fortune qu'à Fernand Cortés ; & c'eft ce qui anima la plus part de ceux qui l'accompagnèrent, efperant d'entreprendre des chofes nouvelles. Et fans fçavoir que Cortés avoit une commiffion du R o y , par laquelle il eftoit fait deffenfe à François de Garay d'entrer dans la rivière de Panuco , ny d'approcher de Mexique ; parce que lors que l'on luy délivra fes dépefches l'on ne içavoit pas en Caftille que Panuco eftoit fi proche de Mexique , ny que Cortés eftok entré dans cette t e r r e , qu'il avoit pacifié & en avoit pris poffeffion. Il arma donc neuf N a vires & deux Brigantins dans lefquels il mit cent quarante-quatre chevaux, huit cens cinquante Caftillans & quelques Indiens de Iamayca où il équipa fa Flotte. Il avoit beaucoup d'artillerie, deux cens efcoupetes & trois cens arbalètes ; & comme il eftoit riche il y mit Armée de Frarquantité de munitions & de marchandifes d e mercerie rCuisde.Çaray.. & autres chofes de valeur. Il avoit avec luy quantité des plus fignalez Capitaines des Indes amis de Diego Velafquez & qui tenoient fonparty. Avant que de partir il forma comme une manière de Colonie, à laquelle il impofa le nom de Garay , & nomma pour Alcaldes Alonfe de Mendoça & Hernando de Figueroa ; & pour Commiffaires Gonçalo d ' O u a l l e , Diego de Cifuentes & Villagran. Il eftablit un Sergent Major, & tous les autres Officiers neceffaires pour une femblable armée. Il leur fit prefter le ferment à tous qu'ils ne l'abandonneraient point & luy feroient fidèles, & partit ainfi le 26. jour de luin de la prefente année de Iamayca. Il paffa à Xaragua qui eft un Port de l'Ifle de Cuba , où il apprit que Fernand Cortés avoit peuplé P a n u c o , & pacifié cette t e r r e ; qu'il y eftoit entré en perfonne, ce Confeil de D i e qui luy rabatit beaucoup de fon deffein, & eut deffein g o Velafquez à François de Ga- de traiter d'accommodement avec Cortés ; & Diego •tav. Velafquez à qui il avoit écrit fur ce fujet, luy avoit confeillé de le faire, parce que c'eftoit un homme fage & bien intentionné quoy qu'il ne fuft pas heureux. Il fit }


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âppeller le Licencié Alonfe Z u a r o , lequel s'eftoit déjà 1523. offert d'aller traitter avec C o r t é s , & ainfi ils partirent cous deux pour faire leur voyage. François de Garay a r r i v a i la rivière de Las Palma un jour de S. Iacques âpres avoir foufFert de grandes tempeftes ; ou. ayant fui- IL arrive à la ride Las Palvy il envoya en remontant la rivière Gonçale d'Ocampo vière mas. avec un Brigantin pour reconnoiftre la difpofition de la terre. Ocampo remonta plus de quinze lieues & vit quantité rivières qui entroient dans celle-là, & r e vint au bout de quatre jours. Il dit que ia terre eftoit fort maigre & deftituée d'habitans mais quoy q u ' O campo ne dit pas la vérité, François de Garay ne laiffa pas de le croire & ftt defcendre à terre les chevaux , & quatre cens Infants, & commanda que Tannée fous la Garay fait defcharge du Capitaine g ê n e r a i , menaft Iean de Grihalua eendre des g e n s à tene. d e cofte en çofte&;&luy s'en alla par terre à Panuco ; il chemina trois jours dans les lieux marefeageux & inhafcitezj il paffa à nage & fur des radeaux une rivière qu'ils appellent M o n t a l t o , parce qu'elle defcendoit des hautes montagnes. Il entra dans un grand village dépeuplé où il trouva quantité de mayz & de vivres. Il tournoya un grand Lac & par le moyen de certains Indiens de Chila qu'il prit qui entendoient la langue Caftillane, il envoya à un autre village pour requérir d e paix ceux de dedans ; c e qu'ils firent & luy fournirent du mayz, des fruits & des oyfeaux qu'ils prenoient dans ce Lac. Dans ce mefme lieu les foldats de Garay fe voulurent Les Soldats de Garay fe veulét mutiner, à caufe qu'il leur empefchoit le pillage. Ils mutiner. pafferent plus avant, mais dans le paffage d'une autre civière ilfe noya huit chevaux. Ils entrèrent dans de certains marais ou. ils penferent tous périr, & s'il y euft e u la moindre refiftance du cofté des Indiens, il n'en eut échapé aucun. Apres tous ces travaux & beaucoup de faim qu'ils foufFrirent, outre l'importunité des coufins 6c d'autres animaux qui les piquoient & leur laiffoient des marques comme de punaifes, 6c qui caufent le plus fouvent des fièvres ; & des chauve-fouris qui les ofrençoient beaucoup parce qu'elles font g r a n d e s , car elles Eee


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H I S T O I U

piquoient ôc fuçoient le fang du nez de ceux qui dof1523. moient, des o r e i l l e s d e s mains des pieds ou de quel que autrepartie du corps qu'ils trou voient defcouverte. Enfin ils arrivèrent à Panuco lieu qu'ils avoient tant fouhaité ; mais à caufe des guerres que Fernand Cortés y avoit faites, la terre eftoit toute ruinée & ils n'y trouvoient rien à manger ; & parcs auffi que les Soldats de Cortés qui eftoient de l'autre cofté de la rivière en avoient enlevé tous les vivres. D e forte d o n c , tant à caufe de cela&que parce que les Vaiffeaux tardoient trop à venir où eftoient les vivres de l'armée, les Soldats fe refpondirent de tous coftez pour chercher leur vie. Cependant François de Garay envoya Gonçale d ' O campo , pour fçavoir quelle intention avèrent les foldats G a r a y e n v o y é deCortesqui eftoient dans la Ville de San Eftevan del prendre langue puerto. D'ailleurs le Licencié Alonfe de Zuazo fuivit fa des g e n s de navigation depuis le Cap de S. Antoine de l'Ifle de CilCortés. la ; mais les mauvais temps le perfecuterent de telle forte , que le Pilote de la Caravelle perdit fa route , & arriva tout égaré à La Bineras , o ù les Tiburous les loupsmarins devorerent quelques h o m m e s mais les autrès vefeurrent de chair de tortues qui eftoient grandes comme des boucliers & encore plus. Quelques-uns difent qu'il y en avoit de fi grandes que ia feule conque d'une pouvoit contenir fix hommes deffus, & quelle ne laiffoit pas de cheminer avec cette charge ; & quelles pofent à terre plus de cinq cens œufs qui ne font pas gros , dont les foldats fe fubitantoient & les mangeoient eruds faute de feu. Ils partirent de cette Ifle du mieux Naufrage d'Aqu'ils purent abordèrent à un autre, où ils furent pkrtonf; ZUKZO. fieurs jours qu'ils ne vivoient que d'ovfeaux cruds , & de leur fang pour boiffon ; car ils fouffroient beaucoup par la foif & parla grande chaleur qu'il faifoit ; mais enfin ils tirèrent du feu de certains bâfrons, ainfi qu'en ufoient les Indiens,, qui leur fervit beaucoup. Ils pafferet à une autre Ifle où ils trouvèrent de l'eau, & quelquesuns difent que ce fut par miracle , à caufe des larmes qu'ils refpandoient par leurs dévotions , & par l'invo,

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cation de la Vierge,& qu'ils bruflerent dubois qu' eftoit 1523. tout couvert de pierre. Leur caravelle s'eftant brifée ils firent une petite barque du bois qu'ils en tirèrent, dans laquelle iean d'Arenas, Gonçale Gomez, 6c Fran- Iean d'Arenas Gonçale Goçois Ballefter, qui au milieu de la plus grande tourmen- & mez vont à la te avoient fait vœu de chafteté, & un Indien pour jetter nouvelle EfpaPeau de la barque s'expoferent avec beaucoup de pé- gne dans une barque. r i l , & entrèrent dedans pour aller à la nouvelle Efpagne , chercher quelque remède & pour eux 6c pour c e u x qui reftoient dans l'Ifle fort affligez ; où. après s'eftre veûs fouvent à deux doigts de la mort, Dieu per- Ils arrivent à la mit qu'ils arrivèrent à Aquihauftian}&de là à la Vera,Vera Crus. Cruz, en fuite à Medellin. Le Gouverneur de ce l i e u , qui eftoit Diego d'Ocampo, ayant aperçeu cette barque de loing, y envoya u n navire pour voir ce que c'eftoit, dans lequel entra Alonfe Zuazo , & ceux qui eftoient avecque luy, & s'en allèrent à Medellin avec beaucoup de joye de fe voir libres de tant de travaux. Fernand Cortés à qui Diego d'Ocampo avoit donné avis de cela, agréa cette courtoifie , & envoya .un lien ferviteurà Medellin four attendre Alonfe Z u a z o , & pour le régaler & fervir. Il y eu a qui ont dit qu'il luy envoya dix mille Caftillans, & quantité d'habits & des montures pour le mener à M e x i q u e , où il le reçeut magnificmement, & le regala. Cependant Cortés fut adverty des forces que François de Garay avoit préparées , avec lefquelles il rodoit ces mers, & craignant qu'il ne fe faifift de Panuco, avant qu'il arrivait en cette terre il envoya occuper las ybueras, à caufe de la grande réputation de l'or qui s'y renc o n t r o i t , & de la bonté de la terre ; & pour découvrir auffi s'il ne fe trou veroit point quelque pacage pour aller à la mer du Sud , car le Roy eftoit fort en peine de cela, & le faifoit chercher par tout pour éviter les mauvais rencontres des Portugais Mais par la dilgence dont ufa François de Garay , Cortés craignant de perdre l'anuco , il refont de quitter las Ybueras pourfonger au refte qui eftoit plus proche. Lors qu'il apprit que Garay apEee ij &


420 1523

Fernand Cartés veut aller en personne contre Alonfe Zua-

zo.

H I S T O I R E

p r o c h o i t , i l eftoit occupe à mettre des gens en ordre pour envoyer à. Pierre d'Alvarado pour pacifier quelques peuplades vers T e c o a n t e p e c , & à faire de rigonreufes Ordonnances pour le bon traitement des Ind i e n s , & pour les mines d'or ; parce que les Patentes du R o y , par lefquelles il le declaroit Gouverneur & Capitaine gêneral dont François de las Cafas, & R o drigue de P a z , qui en eftoient les porteurs , eftoient arrivées. Il travailloit auffi pour amaffer de l'argent , & à pacifier la Province de Quaftlavaca,qui eft proche d e M e x i q u e par le moyen d'André d e T a p i a , qui le fit en fort peu de temps. Il avoir auffi envoyé Gonçale d e Sandoval à Colima , où Villa-fuerte avoit efté, qui avoit ruiné la t e r r e , qu'il pacifia fans guerre , & s'en retourna. Cortés avoit envoyé cependant fon parent François Cortés vers Xalifco pour le mefme effet. Enfinaprès s'eftre occupé jufques au mois d'Aouft à difpofer de toutes chofes, quoy qu'il ne fuft pas entièrement guery d'un bras qu'il s'eftoit rompu à une fefte de r e joüifianee,il refolut de partir, le mois de Septembre & d'aller en perfonne pour refifter à François de Garay, quoy qu'Alonfe Z u e z o ne fuft pas encore arrivé à M e xique , s'imaginant que fe méfiant de cette affaire il en viendroit plûtoft à bout. Comme il eftoit fur fon d é p a r t , il eut avis qu'il eftoit arrivé à la Vera Cruz, qui apportoit les patentes du R o y , avec le Brevet cy-defius fpecifié ; par lequel il deffendoit à François de Garay de s'entremettre en aucune façon , ny d'entrer en la rivière de Panuco, ny en aucuns des lieux que Cortés auroit pacifié & peuplé. A caufe dequoy eftant déjà efloigné de dix lieues de Mexique , il jugea à propos de s'en retourner , s'imaginant que par le moyen d e fon bievet toutes chofes dévoient eftre en affurance d e ce cofté-là. Mais nonobftant cela il ne laiffa pas d'envoyer quatre Capitaines , avec chacun un nombre d e gens égal pour refifter à Garay, & luy notifier la teneur de fon brevet Royal , qui eftoient Pierre d'Alvarado, Rodrigue R e n g e l , François de las Cafas, & Diego d e


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Soto , avec ordre qu'en cas qu'il fe falut feparer, qu'ils 1523 le fiffent, & que Diego d'Ocampo qui eftoit dans M e dellin prift la charge de la luftice, parce qu'il eftoit fçavant ; avant mefme qu'il converfaft avec les gens de Cortés enveye gens contre Garay. Ces Capitaines eftant arrivez proche de M e - des Garay, dfellin , apprirent que ceux de Garay s'eftoient difperfez par tout-là aux environs pour chercher dequoy vivres à caufe dequoy Alvarado s'avança & fe mit dans le chemin , d'une peuplade appellée de las Cafas & les autres s'allèrent pofter dans une autre , appellée Yxicuyan, parce qu'ils n'avoient pas ordre de s'approcher de ceux de Garay pour éviter quelque combat. Mais Gonçale & d'Ovalle, Capitaine de Garay ayant trouvé Pedro d'Al- Alvarado Gonçale d'OVarado dans la peuplade de las Cafas ; & comme il eftoit valle s'accoraccompagné de vingt-deux Cavaliers qui alloient de vi- dent enfemble. lage en vilage faifant des dégafts, ils s'accordèrent entreux de ne fe point nuire les uns aux autres;& de maintenir la terre en paix, ce qui fut fait, parce que Cortés leur avoit recommandé de procéder avec toute forte de modeftie.

C H A P I T R E

VI.

François de Garay s'accorde avec les Capitaines de Cortés. Ses gens le quittent pour fe mettre du party de Cortés.

L

E Capitaine Gonçale d'Ocampo , qui eftoit allé pour François de Garay , fçavoir l'intention de ceux de San Eftevan del Puerto , retourna , & dit qu'elle eftoit b o n n e , & qu'il y pouvoit aller , ce qu'il fit. Mais il fembla à quelques-uns qu'il ne le devoit pas faire,difant qu'il avoit trop de confiance, & qu'il ne fe fouvenoit pas qu'il avoit déclaré hautement parmy les Indiens , qu'il alloit chaftier les foldats de Fernand Cortés , à caufe des maux qu'ils leur faifbient,ce qui les exeitoit à faire des infolences, & irritoit les gens de Cort é s , & les advertiffoit d e ce qu'ils dévoient faire. Ils E e e iij

Garay a trop de confiance contre le fentiment des fiens.


4 2 2

1523

Pierre de Vallejo f o m m e Grijalua de le laiffer entrer dans le p o r t , & fa feponfe.

D e u x Navires de Garay puf fent du cofté

Cortés,.

H I S T O I R E

forcirent donc de San Eftevan, & comme des gens qui connoiffoient la terre ils arrivèrent fans eftre aperceus dans un vilage appelle Nachapalan, eftoit fort grand, furprirent la Cavalerie d e Garay qui y eftoit l o g é e , & prirent l'un de fes Capitaines avec quarante autres Castillans , difant qu'ils eftoient des ufurpateurs de la terre , & du bien d'autruy,dont Garay eut un grand reffentiment ; O u t r e que fon armée eftant arrivée à Panuco, il y avoit en quatre Navires de perdus, ce qui le mit tout à fait en mauvaife pofture, & confiderant d'ailleurs la bonne fortune de Cortés, & le peu de faveur qu'il en recevoit. Nonobftant cela il ne laiffa pas que d'envoyer dire à Pierre de Vallejo qui gouvernoit dans San Eftevan del Puerto,qu'il luy rendift fes foldats &r fes chevaux , puis qu'il allait pour peupler des terres en vertu de certaines provifions Royales dont il eftoit porteur. Pierre de Vallejo luy dit qu'il luy fift voir fes provifions ; & requit neantmoins Iean de Grijalva qu'il peuft entrer dans le port avec l ' a r m é e , de crainte que la tourmente ne le perfecutaft comme elle avoit déjà fait, ou qu'autrement il auroit fujet de les tenir pour des Corfaires s'ils ne voitioient pas laiffer furgir les amis lors qu'ils en eftoient r e quis. Il fit reponfe qu'il feroit ce qu'il feroit convenable. O r i l y avoit déjà long-temps que Pierre deVallejo avoit fait fçavoir à Cortés l'arrivée de François de Garay,luy demandant du fecours , ne penfant pas que dans Mexique on euft fi toft apris ces nouvelles ny que l'on les fçeut en fi peu de temps A caufe dequoy Cortés envoya François d'Orduna fon Secrétaire, & que nonobftant les ordres qu'il avoit donnez à Pierre d'Alvarado & à Diego d'Ocampo , il procurait d'accommoder l'affaire , & cependant il traitoit fecretement avec les Capitaines des Vaiffeaux ; lefquels confiderant la mauvaife condition des Navires qui eftoient tout vermoulus, eftoient très mal fatisfaits Puis citant retournez faire de nouvelles fommations à iean de Grijalua avec des proteftations , il leur repondit avec fartillerie. Mais Marttn de Saint Iean G.fipuzcano & Caftro-mocho qui


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eftoient gagnez donnèrent leurs Navires à Pierre de 1523 Vallejo. Neantmoins Iean de Grijalua fut fommé pour la troifiéme fois, & voyant que les autres Navires entroient dans le port, & que l'artillerie des deux autres premiers s'apreftoient pour tirer l'artillerie contire luy, il entra dans la rivière avec la Capitaine ffe. Diego d ' O campo cependant qui eftoit venu avant que cela arrivait ; & s'eftant vu avec François de Garay luy notifia le brevet du Roy. Mais Garay luy dit que la terre luy appartenoit, & que puis que le Roy la luy avoit donnée par fes provifions, qu'il la luy devoir laiffer libre. Diego d'Ocampo luy fit réponfe, qu'il devoir obeïr, puis que fa Majefté par un autre brevet pofterieur au fien , luy deffendoit d'y e n t r e r ; & comme les Navires vinrent à e n t r e r , Iean de Grijalva envoya Vincent Lopez,Greffier , pour s'informer de ce qui fe paffoit-,lequel retourna auffi-toft avec la nouvelle de l'arrivée du brevet du Roy & de tout le refte. C'eft pourquoy Iean de G r i jalua ne voulut pas refifter davantage , & fe mit dans l'obeïffance ; mais comme il fe trouva tout feul, parce que fes gens avoient quitté Ion party pour fuivre celuy de C o r t é s , Pierre de Vallejo fe faifit de fa perfonne , â L'armée de caufe de fa defobeïffance ; & toutefois Diego d'Ocam- Cortés fe d o n ne à Cortés po le tira de prifon, & demeura par ce moyen maiftre de fon armée ; ainfi François de Garay demeura deftitué de tout fecours, & fes gens mal contens de luy defreux de jouir des richeffes du party contraire. & fe plaignoit de Gonçale d'Ocampo de ce qu'il luy avoit fait un faux rapport de la rivière de las Palmas , & des Officiers de la Commune , & des Capitaines , qui ne l'avoient pas voulu laiffer peupler-là ainfi qu'il en avoit l e deffein , la terre eftant fi bonne. Cependant Pierre d'Alvarado & les autres Capitaines de Mexique, dés les logemens où ils eftoient traitoient d'accommodement avec les foldats de Garay ; ils leur difoient qu'il valoit bien mieux aller à Mexique , terre fertile & agréable, & fervir Cortés, qui eftoit un Capitaine heureux & libéral, plûtoft que de fe tuer Caftillans contre Caftillans»


4 2 4 1523

François de Garay s'accorde

avec les CAPItaines de C o r -

t e s gens de Gafay ne veulent pas fuivre da-

vantage.

H I S T O I R E

pour des chofes o ù François de Garay n'a voit n'y Iufticé ny raifon , de les laiffer ainfi mourir de faim. D'ailleurs les foldats d e Cortés leur deffendoient de prendre aucuns vivres ; outre que les Indiens tuoient ceux qui fe débandoient pour en chercher. Ainfi toutes ces follicications firent perdre aux foldats de Garay le refped qu'ils luy dévoient, & pour fuivre le party de Cortés. Diego d'Ocampo fe voyant maiffre de l ' a r m é e , efcrivit tout de nouveau à François de G a r a y , qui eftoit à douze lieues d e l à , dans un autre village ; que Cortés n'ayant pu. venir pour communiquer avec luy, luy avoit envoyé fon pouvoir , touchant ce qu'il y avoit à faire, François de Garay s'en alla auffi-toft trouver l'Alcade Major ; lequel accompagné de Pierre d'Alvarado & de Pierre de Vallejo , luy monftra derechef le brevet Royal. Et quoy que François de Garay monftraft auffi les provifions qu'il portoit, comme ils luy perfuadoient d e s'accommoder avec Cortés , ou qu'il s'en allait peupler les rives de la rivière de las Palmes , puis q u e la terre en eftoit auffi bonne que celle de Panuco ; & luy offrirent pour cet effet d e luy rendre fes Navires , fes gens , & les vivres qu'il auroit befoin, avec les armes qui luy manquoient. Il accepta cette offre ; & fe confiant en ce que le licencié Alonfe Zuazo auroit négocié pour l u y , dont il avoit eu nouvelles qu'il eftoit allé à Mexique , il manda cet accord à Fernand Cortés, & refolut de s'en aller à la rivière de las Palmas , à condition qu'on luy rendift fes g e n s , & les armes qui fe trouveroient avoir efté vendues. Auffi-toft après l'on fit un ban par lequel il fut ordonné aux gens de Garay d'entrer dans les Vaiffeaux fur peine du fouet,&cà l'homme d e pied & au Cavalier de perte d'armes & de chevaux quoy qu'ils fuffent vendus. Là-deffus les foldats commencèrent à murmurer ; les uns fe fçauvoient dans le païs, dont il y en eut plufieurs qui tombèrent entre les mains des Indiens, qui n'en revinrent pas ;d'autres fe cachoient ; & les autres fe plaignoient de ce que les Vaiffeaux eftoient pourris ; & mangez de v e r s , & qu'ils n'eftoient


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. V .

425

ftoient pas obligez de fuivre François de Garay que jufques à Panuco , & qu'ils s'eftoient acquitrez de leur obligation. Luy d'ailleurs les prioit de n e le point abandonner. Il leur reprocha leur fermens ; mais eux fe débandoient la nuit par cinquantaines. Enfin Garay fe voyant affligé de ia forte,refoiut d'envoyer Iean Ochoa, & Pierre Caxo à Mexique, pour recommander à Cortés fa vie, & fon honneur , dont ayant eu réponfe , il s'y en alla luy mefme, 6c fut bien régalé & fervi le long du chemin par l'ordre de Cortés.

C H A P I T R E

1523. Les g e n s d e G a r a y n e le veulent pas fuivre d a v a n t a g e .

VII.

Fernand Cortés envoyé fon armée fous la conduite de Chru ftofle d'Olid, pour découvrir le long de la mer du nort, & four peupler les Ybueras. donne ordreilauffique l'on découvre par le Sud. La fin qu'eut François de Garay, Ortés voyant que les affaires de Panuco ne luy pouvoient plus donner d'inquiétude, il tourna fes penfées à celles de Honduras pour fatisfaire au commandement de fa Majefté. E t dautant que l'on croyoit qu'un dégorgement de mer qui fe fait dans le port de Terminos ,entroit fi avant dans le p a ï s , que l'on y pouvoit paffer pour aller à l'autre m e r , ou que du moins il y avoit peu de terre à traverfer au bout ; Et que les Indiens affirmoient que la terre de honduras eftoit t r e s b o n n e , riche, abondante & fort peuplée , & dont les gens avoient auffi bon raifonnement que ceux de Mexique ; Il nomma pour Capitaine de cette entreprife Chriftofle d'Olid, Pun des plus grands amis qu'il euh:,, & en qui il avoit beaucoup de confiance, lequel l'ayant fuivi dans toutes fes occafions , il l'avoit toujours reconnu très-fidèle & vaillant. Il luy donna cinq navires & un brigantin , bien munis d'artillerie & de munitions , quatre cens Caftillans, & trente chevaux II luy ordonna d'aiier à la Fiavana, où il avoit déjà enFff

C

Raifons pourquoy, Cortés envoya peupler les Ybueras.


H I S T O I R E

426

1523.

chriftofle d'Olid part pour aller aux Ybue-

ras.

G r a n d e cherté de denrées dans la H a n a v a .

voyé Alonfe de C o u t r e r a s , & Alonfe de Lerena-, fes domeftiques , avec fepc mille poids d'or pour lever davantage de foldats,& acheter des chevaux,des armes & des vivres. Il luy enchargea de reconnoiftre le d é t r o i t , & de peupler las Ybuera; & Et ordonna que Diego Hurtado de Mendoça fon neveu , allaft auffi coftoyer depuis las ybueras jufques à D'arien. Chriftofle d'Olid fortit donc de Calechicoca avec cette armée; & commanda auffi que deux autres brigantins cogto y affent depuis Panuco infques à la Floride, & que les brigantins allaient par l'autre mer de Zacatula à B a n a m a c h e r chant le détroit. Mais cela ne fe pur pas faire, parce que lorfque cet ordre arriva , ils avoient efté brillez par une difgrace. Ce foin que l'Empereur avoit d'envoyer t a n t d'armées pour chercher ce d é t r o i t , h'eftoit que p o u r éviter les procez qu'il euft pu avoir contre les Portugais en la navigation des Moluques ; Et Pierre Arias Davila ne rofdoit ces mers que pour ce fujet, lequel envoya cette mefme année François H e r n a n d e z de Cordoüa à Nicaragua, feignant d'aller pour cet effet, afin qu'il peuplait en cette terre avant que Gilles G o n cales y retournait , ainfi qu'il devoit faire , félon le bruit qui couroir. Chnftofle d'Olid continuant fa route pour paffer à la Hanava , rencontra François de Montejo qui retournoit en Caftille , avec lequel il euft une longue converfation , comme a m i s , & luy témoigna d'avoir un mécontentement de Fernand Cortés. Eftant arrivé à la Hanava, il chargea ce que les ferviteurs de Cortés avoient acheté allez cherement, parce que la mine de mays avoit coufté deux poids d'or ; celle de fafcols quatre ; & celle de pois neuf , vingt cinq livres d'huile, trois, autant de vinaigre, quatre ; vingt-cinq livres de chandelles de fuif, neuf ; autant de jambon , le mefme prix ; un quintal d'eftoupes, quatre poids d'or ; autant de fer, fix ; une botte d'ail, deux ; une lance , un poids d ' o r trois poignards, huit ; une é p é e , vingt ; une arbalefte , vingt ; une efcoupete , cent poids d'or ; une paire de fouuers, un poids d'or ; une peau de v a c h e s , ;


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.V.

427

douze. Vn Maiftre de navire gaignoit huit cens poids 1523. chaque mois ; & neantmoins nonobftant cette cherté, C o t e s , ne laiffa pas de lever cette armée , & encore Les amis de d'aitres ; Mais en celle-là feulement il dépenfa trente Diego Velafquez tafchtnt mille Caftillans. Et le bruit courut qu'André de Duero de lécourner & Iean Ruano , amis de Diego Velafquez & de fon Olid du fervice pAÏS ; Le B. chelier Parada , & le Provifeur Morens, de C o a c s . connoffant l'intention de Chriftofle d'Olid , leur achet a , de les confirmer en l'opinion de defobeïr à Corrés. Lorique François de Garay partit pour aller à M e xique, Diego d'Ocampo confiderant qu'entre les gens de François de Garay il y avoit plufieurs Capitaines, & des Seigneurs de bonne mine , amis & parens de Diego Velafquez , dont les principaux eftoient Iean de Grijalua, Gonçale de Figueroa , Alonfe de Mendoç a , Antoine de la Cerda , Laurens d'Vlloa, Jean D a vila , & Iean de Médina, lefqueis fe voyant fans Chef feroient capables de faire révolter les p e u p l e s , quoy qu'il y euft là l'un des fils de François de Garay, Pour donc sulfurer, il fit faire un cry, par lequel il ordonna que tous les gens de Garay eu fient à fortir de faint Iean ciel Puerto, ce qui donna fujet aux foldats de Mauvais c o n feil de Diego fe d é b a n d e r , allant par les villages desindiens, o ù ils d ' O c a m p o faifoient des defordres, ainfi que font ordinairement les gens de guerre , fans conduite & fans Chef. Les habitans des environs voyant le peu de retenue qu'avoienc ces gens, feparez & fans guide , prirent de là occafion de s'affembler & de leur donner la chaffe ; quatre cens Caftillans. Dans un feul village appelle Tanquinitl, il y en fut tué cent. Ceux qui fe purent affembler, voyant ce foûlevement, & le péril, fe d é fendirent vaillamment contre les Indiens , & fe ramafferent & conferverent iufques à ce qu'il leur arriva du frours. Diego d'Ocampo fut fort blafmé de ce defordre ; parce qu'il fuffifoit, s'il euft appréhendé les C h e f s , de les divifer, & retirer les foldats, fans donner lieu aux defordres qu'ils avoient commis pour les Eff

ij


428

1523. Les Indiens a t taquent & preffent la Viile de fan Eftevan.

l i s brûlent quarante Infans Caftillans , & q u i n z e chevaux.

Cortés envoyé G o n ç a l e de Sandoval Con tre les Indieas de P a n u c o .

H I S T O I R E

faire ainfi périr miferablement ; Et donner fujet aux Indiens de s'enorgueillir iufques à tel point , qu'ils eftoient capables puis après d'attaquer la Ville de San Eftevan , & la réduire ainfi qu'ils firent en eftat de fe perdre. Mais c o m m e fes habitans eurent lieu de fortir à la c a m p a g n e , q u o y que fatiguez pour avoir combatu plufieurs fois , ils ne laifferent pas de m e t t r e les I n diens en déroute , & d'en tuer quantité ; mais ils ne le p o r t è r e n t pas loin ; parce que les Indiens refolus d e fortir à la campagne auffi pour détourner la guerre d'auprès d ' e u x , quarante infans & quinze chevaux eftant demeurez u n e nuit dans Tuzetuco, n'ayant bien pris garde à leurs affaires , les Indiens mirent le feu dans leur l o g e m e n t , de telle forte qu'ils furent tous b r u f l e z , fans qu'il en reftaft un feul en vie. A peine François de Garay eftoit-il arrivé à M e x i q u e , que C o r t e s r e c e u t des nouvelles de tout ce qui s'eftoit paffé ; lequel, pour appaifer tous ces troubles, & pour l'amour de François de G a r a y , qui eut beaucoup de regret de la difgrace qui venoit d'arriver aux fiens , envoya G o n ç a l e de Sandoval, prudent & vaillant C a p i t a i n e , avec cent Infans, cinquante c h e v a u x , & deux Seigneurs Mexiquains avec trente mille I n diens , & quatre pièces d'artillerie. T o u t e s les fois q u e les Indiens alloient à la g u e r r e , ils avoient de couftume de mener leurs femmes avec eux, ou leurs a m i e s , & n'y alloient point fans elles ; & cette fois là pour les y engager de bonne grâce , Cortés leur defigna quelques Indiennes pour faire leur pain , & leur rendre d'autres fervices neceffaires. Sandoval chemina à grandes journées ; il fecourut les gens de Garay , & çombatit par deux fois contre les I n d i e n s , m o y e n n a n t q u o y il put entrer dans Santiftevan, où il n'y avoit plus que vingt-deux chevaux & cent lnfana ; & s'il euft tardé un peu d a v a n t a g e , il ne les euft pas trouvez en vie, t a n t faute de vivres, que pour eftre affiegez forteftroiternent par les ennemis. Après quoy Sandoval fit ce qu'il put pour r e m e t t r e les Indiens de la terre à l'o-


bis

INDES

OCCIDENTALES,

LIV. V.

429

beïffance par la douceur ; Mais comme il vit que fes 1522. exhortations ne fervoient de rien , il divifa ion armée en trois corps, & entra dans le païs,faifant la guerre, & chaftiant avec le fer 5c le feu. Il prit foixante Sei- Du chaftiment gneurs de vaffaux , & quatre cens hommes des plus qu'il exerça fus riches & principaux, fans une infinité de gens du com- eux. mun. Il procéda à l'encontre d e u x , & les ayant trouvez coupables par leur propre confeffion , il les condamna au feu. Mais avant que de mettre la fentence, il la confuita premièrement avec Cortés , lequel luy manda de faire brufler trente Seigneurs en la prefence des a u t r e s , afin de leur ofter l'envie une autre fois de fe révolter ; & que leurs biens & leurs vaifaux fuffent donnez à leurs enfans & héritiers. Q u a n t au refte, qu'il leur pardonnaift, après luy avoir prefté ferment d'eftre fidèles à la Couronne de Caftille & de Léon ; Ce que Sandoval exécuta ponctuellement ; puis ayant ravitaillé la Ville de Santifievan, & mis les habitans en repos, il s'en retourna à M e x i q u e D a n s ce mefme temps François de Garay commença à traiter de fes affaires avec Fernand Cortés par l'entremife du Licencié Alonfe de Zuazo , qui eftoit leur ami commun ; & demeurèrent d'accord que le Accord de Feffils de François de Garay épouferoit Catherine Pizarro, nand C o r t é s fille de Fernand C o r t é s , encore jeune , & non légiti- avec François m e , & que Garay iroit peupler la rivière de las Palmas, de Garay5c que Fernand Cortés luy fourniroit pour cet effet ce qu'il auroit befoin , ainfi qu'ils en demeurèrent d'accord, 5c confirmèrent par ce moyen leurs anciennes amitiez: ainfi Garay fut régalé & chéri dans Mexique par Fernand Cortés. Mais comme il attendoit fes dépefches iufques à ce que l'on fuft revenu de la Meffe de mit-nuit ; car c'eftoit la veille de N o ë l de cette année , & après avoir bien déjeuné , l'air à la fortie de l'Fglife luy ayant donné de l'appétit , il luy furvint une douleur d e c o f t é , d o n t il mourut,pauvre, Mort de F r a n & en maifon e m p r u n t é e , après-s'eftre veu fort r i c h e , ç o i s de Garavpour ne s'eftre pas voulu contenter de fa bonne forF f f iij


430

1523.

H I S T O I R E

tune qui luy eftoit echeuë à Iamayca , d o n t il eftoit Gouverneur. C'eftoit un h o m m e de bonne conditions & ami de contenter tout le monde, il fur I un de ceux qui pafférent aux Indes au fécond voyage de l'Admiral Chriftofle Colou , & qui reconnoiffoit toûjours le bien qu'il avoit receu de luy.

C H A P I T R E

VIII,

Pierre d'Alvarado & autres Capitaines entrent dans le païs. Cortés refout d'aller en perfonne contre Çhriftofle d'Olid.

A

Pierre d'Alvarado va à Gua teenala avec une année.

Près la deftruction de la Ville de Mexique ,ceux de &quahutenullac, & maintenant Guatemala, & ceux d ' v l a t l a n , de thiapa , de Soconufco , & d'autres peuplades de la cojfte du S u d , s'eftoient déclarez amis de C o r t é s , & luy avoient envoyé des Anibaffadeurs avec des prefens. Mais comme c'eftoient des gens inconftans, ils firent la guérie à d'autres , parce qu'ils perleveroient en l'amitié des Caftilians. P o u r les appaifer , & penfant trouver dans ces quartiers des terres nches , & des gens effranges , Cortés y envoya Pierre d'Alvarado. Il luy donna trois cens Caftilians, à fçavoir , cent arquebufiers, cent foixante cavaliers, quatre pièces d'artillerie, ex quelques Seigneurs M e x i q u a i n s , avec des gens de guerre 6c de fervice Indiens, p a r c e que le chemin eftoit l o n g . Il partit le fixieme de Décembre de c e t t e année , & alla par Tecnantepec & par Soconufco. Il pacifia plufieurs peuplades par la d o u c e u r , & d'autres par la rigueur ; & d'autres qui ne .voulurent pas fe ranger à l'obeïffance, méprifant t o u tes fortes de femonces , il les rendit efclâves. Nous traiterons du refte de cette campagne en l'année fuiyance , parce que le fucces en r é p e n d . Il v avoit encore d'autres Provinces qui s'eftoient r e v o l t é e s , p r o c h e de la Ville del Efpiritu fanto & pour


D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv. V.

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tes ranger dans le devoir Gortés y envoya le Capitaine 1523. Diego de G o d o y , a v e c trente cavaliers & cent Infans, deux pièces de c a n o n , & quantité d'Indiens alliez. Il Diego de Godoy va à la Protic luy bailla pas davantage de foldats Caftillans , à vince où eftoit caufe que cette terre eft entre chiapa & Guatemala ,où la Ville del Ef, Pierre d'Alvarado alloir , qui le pouvoir fecourir en piricu Santo. cas de befoin ; & parce auffi que Chriftofle d'Olid s'imaginoit qu'il auroit envie fur Ibueras Diego de G o doy fortit le huitième de Décembre de cette année. Il obferva fort bien fa route , mais ayant trouvé la province révoltée, il y fit des courfes. Il arriva acharnemolla,bonne peuplade., & Capitale de la Province. il l'affiegea , quoy que les chevaux , à caufe de la hauteur & afpreté du lieu n'y pouyoient monter ; elle avoit une muraille de trois toifes de haut , dont la moitié eftoir de pierre & de terre, & l'autre de cloifonage. Il la bâtit deux jours durant avec de grandes fatigues, mais enfin il entra dedans , parce que les habitans fe voyant preffez emportèrent leurs hardes & prirent la fuite. Au commencement de l'affaut ils jetterent un lingot d'or par la muraille aux Caftillans, en fe moc- Les Indiens requant de leur folie & de leur avarice, leur difant qu'ils prochent aux Caftillans leur e n t r a i e n t dans la Ville, & qu'il y avoit beaucoup de folie & leur ce metail. Pour fe fauver plus f e c r e t t e m e n t , ils ap- avarice. puyerent contre la muraille quantité de lances , afin que les Caftiilans ne fe douraffent point de leur fuite, mais nonobflant cela leur finefle fut découverte avant leur fortie, & ainfi la place fut prife, & il y fut pris & tue quantité d'Indiens. Le pillage ne fut pas g r a n d , mais ils trouvèrent beaucoup de vivres. Leurs principales armes eftoient des lances, & boucliers entourrez de cotton filé , avec lefquels ils fe couvroient tout le corps ; ils les routaient lorfqu'ils cheminoient , & les déplioient lorfqu'ils combatoient. Plafieurs des ZapoLes Zapotecas teca ,& Miftecas, qui font de grandes Provinces, & les,.& Mifte cas Ce hommes vaillans & fauvages , comme il a déjà efté dit, rebellent. fecouërent auffi le joug de l'obeïffance de Cortés , & donnèrent fujet encore à d'autres peuplades de fe re-


1523. Le Capitaine R a n g e l en eft maltraité.

Cortés infor-

MÉ du roule-

m e n t de Chri ftofle d ' O l i d , refont d'aller c o n t r e luy.

4 3 2 H i s t o i R E b e l l e r , dont il s'en enfuivit beaucoup de morts Se de maux. Fernand C o r t é s leur envoya le Capitaine R o drigue R a n g e l , lequel n'ayant point mené de chevaux, parce que la terre o ù il alloit ne leur eftoit pas p r o pre , & qu'on ne les pouvoit d o m p t e r , à caufe de la q u a n t i t é d'eaux qu'il y avoit ; & ayant perdu quelques Caftillans, ce qui en orgueillit les Indiens encore davantage , il fut contraint de fe retirer, & par cette retraite cela leur d o n n a lieu de piller Se maltraiter plufteurs peuplades voiftnes & alliées des Caftilians , qui ne manquèrent pas de fe venir plaindre à C o r t é s , & luy demander fon aftiftance. D a n s ce mefme temps auffi il s'en eftoit fui quantité d'efclaves noirs de chez les Z a p o t e c a s , & faifoient des dégats dans le païs ; & p o u r faire entendre que c'eftoient les Chreftiens qui c o m m e t t o i e n t ces excès , ils avoient planté quantité d e croix dans tous ces lieux-la. Mais s'eftans laffez eux-mefmes de vivre fans fubjection, ou qu'ils appreIiendaffent le c h a f t i m e n t , ils fe rangerent dans le d e voir peu à p e u , & retournèrent chez leurs Maiftres. D a n s ce mefme temps e n c o r e , qui eftoit la fin de cette a n n é e , C o r t é s avoit eu avis du mauvais deffein de Chriftofle d'Olid ; & quoy qu'il fuft arrivé à Y b u e ras, il s'eftoit d é c l a r é , dont C o r t é s eut un grand reff e n t i m e n t , parce qu'il avoit beaucoup d'amour pour l u y , car il avoit efté l'un des Capitaines qui avoit eu les plus grands emplois dans fes Conqueftes. E t parce qu'il le tenoit pour homme vaillant , & qu'il a p p r e hendoit que ce foulevement ne prift beaucoup de racines , par les confeils q u e les amis de Diego Velafquez luy avoient donnez. loint qu'il s'imaginoit encore que tous enfemble fe pourroient j o i n d r e avec luy ; il j u gea à propos d'aller en perfonne remédier à ce deford r e , puifque déja les Officiers Royaux eftoient arrivez à Mexique , & qu'ils pourroient donner les ordres pendant fon abfence à cecte grande V le & aux terres des environs. Mais avant toutes choies ,il fit apprefter une armée de mer , p o u r envoyer contre Chriftofte D'OLID,


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. V .

433

d ' O l i d , & donna avis au R o y de ce qui fe paffoit & de la 1523 mort del'Adelantado François de Garay. Laurens de Garrebod grand Maiftre d'Hoftel de l'Empereur eut la permiffion de faire paffer quatre mille Efclaves noirs hommes & femmes dans les Indes pendant le temps de huit ans, comme il a déjà efté dit cyd e v a n t , mais cela caufant beaucoup de trouble aux Procureurs de ces quartiers, comme l'experienee l'a- Le R o y révoque le d o n qu'il voit affez fait voir pendant quelques années que le avoit fait au Grand-Maiftre avoit joüy de c e don ; neantmoins veu Grand - Maiftre de fa maifon. laneceffité que l'on avoit d'avoir des Efclaves dans les I n d e s , & les raifons que l'on apportoit à l'encontre, quoy que l'Empereur euft fait encore la mefme faveur à Laurens de Garrabod pour huit autres années ; il la révoqua & permit feulement que l'on menaft, à l'Efpagnolle quinze cens N è g r e s , hommes & femmes autant d'un que d'autre ; à l'ifle Fernandine trois cens ; à l'Ifle Ordres pour l'Efpagnolle & d e s . c i n q cens ; à celle de S, Iacques appellée Ia- les autres Ifls. mayca trois cens ; à Caftilla del Oro cinq cens ; fi bien que cela faifoit en tout quatre mille perfonnes, tant hommes que femmes ; & pour recompenfer le G r a n d - M a i f t r e , à c a u f e de cette revocation de don qui luy avoit eflé fait, l'Empereur luy donna le revenu de ce qu'apporterait le profit des cinq cens Negres de l'Efpagnolle. E t d'autant qu'il ne faloit pas qu'il y euff. dans ces ifles plus de Nègres que de Chreftiens ; veu qu'ils s'efloient Perfonne ne pouvoit avoir déjà foulevez & qu'il en pourroit encore n a î t r e quel- un N è g r e qu'il ques defordres, il fut ordonné que perfonne ne pour- n'euft 3. Chrevoit avoir de Nègres qu'il n'euft la troifiefme partie da- ftiens chez luy, vantage de Chreftiens & qu'ils fuffent bien munis d'arm e s , & faire en forte qu'il y euft toujours les trois parts de Chreftiens pour une de N è g r e s . L'on manda auffi q u e l'on n'employait point d'or à faire des chaînes, ny d'autre façon d'ouvrage en or, & particulièrement avec de lafoudure ,& fi l'on y eftoit contraint que ce fut fort peu , & cependant le temps des fontes & en prefenec du On ordonne de Vifiteur defdites fontes ; que l'on coupait, quantité de couper force Brefil dans l'EFBrefil dans l'Efpagnolle durant le temps le plus propre , pagnolle,


4 3 4

1523.

Ordre à l'Evef que ds S. Iear p o u r avoir de Préfères dans so Èvefché.

D o n du R o y au Monaftere des Dominiquains de S. Iean.

H I S T O I R E

& q u e l'on en envoyait dans chaque N a v i r e qui repafferoiét en Caftille en la maifon de Contractatio de Seville, E t parce que lors que l'on peupla en l'Ifle de S. Iean la Ville de S. H e r m e n t , à caufe que c'eftoient des Indiens de g u e r r e , il fut neceffaire de la fituer à l'endroit où elle eftoit alors , qui eftoit un lieu mal fain & q u e l'eau de la mer entroit en de certains temps dans les maifons de la Ville ; joint qu'elle eftoit entre des marefcages & u n e valée fort humide & bâtie fur du fable mort ; l'on donna permiffion de la tranfporter en un lieu plus propre pour la fanté & pour le négoce des habitans, les Offices publics de la Ville demeurant toujours au mefme eftat qu'ils eftoient, & joùiffant de leurs héritages. Lors q u e l'Evefque fut pourveu de l'Evefché d e c e t t e Ifle de S. Iean , l'on accorda avec luy d e luy donn e r toutes les difmes de fon Evefché qui appartenoient au R o y ; à condition que dans tous les lieux & eftenduë de l'Evefché il y pourveut de Preftres, & de perfonnes neceffaires pour le culte divin. E t parce que l'on apprit depuis que le fufdit Evefque ne faifoit pas ce à quoy il eftoit obligé , on luy écrivit fur ce fujet afin qu'il y remédiait; ou qu'à faute de le faire, que l'on y pourvoiroit ; & à l'inftance de Frère Antoine Montefmo Vice-Provincial de l ' O r d r e de S. D o m i n i q u e , Sa M a jefté fit don & aumofne de quatre mille poids d'or à cet O r d r e , pour eftre employé en la Fabrique du Monaftere que l'on bâtiffoit dans cette mefme Ifle, qui pouvoit monter à cinq cens ducats de r e n t e par an.

ANNÉE.

1524.

C H A P I T R E

IX.

De ce que firent les Capitaines Diego de Godoy & Pierre d'Avarado danns les voyages que Cortés leur ordonna. Pres que le Capitaine Diego de G o d o y , comme nous avons dit dans le Chapitre p r é c è d e n t eut pris Cbamolla, il travailla à pacifier la Province qui eftoit

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toute remplie de vilages , où les habitans fe faifoient des 1524 guerres continuelles les uns contre les autres. Il envoya appelle les Seigneurs par des Indiens d e l à t e r r e , mais pas un ny voulut venir quoy qu'il les euft attendu deux jours, & qu'il leur euit faitoffre de la paix. A caufe dequoy le fïxiefme jour d'Avril il refolut d aller à Canacantean, parce qu'il feinbloit que fi ces vilages fe rebeil o i e n t a v e c l a mefme facilite qu'ils s'appaifoient, c'eftoit perdre le temps que de fe tenir là. Mais auffi-toft après il eut efperance qu'il pourroit faire davantage de fruit,parce qu'il arriva des peuples de quantité de grandespeupladespour demander la paix. L'on apprit dans Canacantean que François de Medina avoit cité caufe du foulevement de ces Provinces, & pour ce fuiet D i e go de Godoy fe faifit de fa perfonne, dreffa les informade . tions à Rencontre deluy , & l'envoya à Fernand Cortés Voyage doy p o u r pacipour eftre chaftié. L'onziefme d'Avril il refolut de for- fier 1a terre tir de Canacantean, & fut accompagné du Seigneur de ce lieu, qui luy donna des vivres & des Indiens pourluy ouvrir le chemin. Il alla repofer à trois lieues de là, ou quantité de gens le venoient vifiter & luy racontoient plufieurs chofes des fecrets de la terre. Le lendemain il entra dans la Province d'Apanafclan dont les peuples s'eftoient autrefois déclarez pour amis. Ils apportèrent un peu d'or, & un carquois avec des fers de flèches, & dirent que ce qu'ils en faifoient effoit par l'ordre de Pierre d'Alvaraclo qui eftoit entré dans Vtlatlan à fept journées de là, &, à trois de Chiapa. Il arriva encore là des gens d'autres vilages qui apportoient de l'or à Diego de G o d o y , & il envoya avec ces mefmes gens deux Caftillans pour reconnoiftre la terre. Ayant cheminé trois lieues au delà ils trouvèrent certaines logettes, & le chemin o u v e r t , où il parut une homme de bonne mine ,qui dit eftre le Seigneur de Capitula , & que c'eftoitluy qui avoit fait ces logettes & y avoit p o u r v e u de vivres & ouvert le chemin jufques à fa terre, parce que ces lieux eftoient tellement afpres & difficiles à obferver qu'il eftoit impoffible d'y cheminer fans fon aide. Ggg

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Les Caflillans eftant arrivez dans ce lieu, le Seigneur 1524. donna un bon prefent d'or & de plumes à Diego d e Godoy , & des vivres fuffifamment pour lu y & pour fes gens. Ils y demeurèrent q u a t r e jours pour attendre les Caftillans qu'il avoit envoyez à Zutempau, jufques à c e que certains Indiens vinrent dire que l'on ne les a t t e n d i t pas là , & qu'ils alloient fortir par un autre endroit, & que pour témoignage de cela ils apportoient u n bonnet Caftillan qu'ils leur avoient donné. Il arriva encore la quelques Indiens Zapotecas qui eftoient Continuation fortis d e chiapa pour aller demeurer à Quicula.Ils a p du voyage de portèrent des vivres qu'ils donnèrent g r a t u i t e m e n t , & dirent qu'ils venoient voir fi on leur vouloit commander quelque chofe. D e là les Caflillans payèrent à Pilult, & depuis là ils fuivirent la pifte d'un ruiffeau qui defcendoit entre des m o n t a g n e s , & allerent aborder à un vilage fitué à la rive de ce ruiffeau, ayant trouvé le chemin préparé ; car s'il ne l'euft pas efté,- il euft efté impoflible d'y pouvoir cheminer. Ils furent fort bien r e ceus par les Indiens ; mais une pluye continuelle furven a n t , le ruifleau s'agrandit beaucoup , ce qui fut caufe que les Caflillans ne purent pas paffer o u t r e , & les Indiens s'en allèrent tous fans qu'il en reftaft a u c u n , ny fans que l'on peuft fçavoir la caufe ne leur en ayant donné aucun fujet. D e là Diego de Godoy alla à Pagnayaya, peuplade de cinq cens maifons en traverfant le ruiffeau plufieurs fois avec d'incroyables t r a v a u x , à caufe de la rapidité de l'eau qui entrainoit quantité d e pierres. C e t t e peuplade eftoit dans une bonne affiette, & la terre cultivée entre des montagnes, mais non pas D i e g o de Go- fi hautes que les précédentes ; & le lendemain elle fut doy p a c i f i e la toute dépeuplée fans qu'il y reffaft une a me. D e là ils terre félon fa pafferent à d'autres lieux que Pierre Caftellar avoit en commiffion. partage. C e fut icy ou le Capitaine Diego de G o d o y acheva fon voyage, après avoir paffé toute la terre q u e l'on luy avoit o r d o n n é , & la laiffa pacifique. Pierre d'Alvarado fortit de Mexique fur la fin d e l'année paffée, comme il a efté dit cy-devant apres


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avoir fait dans Teloantepec & dans Socomifco, ce que nous 1524 avons déjà dit. Il combattit plusieurs fois contre ceux Ce qui arriva, a de ZepatuUn, grande peuplade & forte, ou plufieurs Pierre d'Aiva-rado. Caftillans furent bleffez & quelques chevaux ; & beaucoup d'Indiens de part & d'autre de tuez. D'icy ils pafferent en trois jours dans la Province d'vtlatlan ; il falut paffer la première journée deux rivières avec beaucoup de peine & de fatigue ; dans la féconde , un deftroit de montagne fort afpre qui dura cinq lieuës , & trouverent facrifice de dans un autre une femme & un chien facrifiez, qui félon Le chics eftoit une ce qu'en dirent les Guides & les Interprètes,étoit un d é - marque de défi fi. Il combatif proche d'une maifonette plus de quatre encre les indies. mille Indiens ennemis, & plus ayant dans une pleine plus de trente mille, & les mit tous en déroute ; car fi-toft qu'ils voyoient un cheval proche d ' e u x , cela les épouventoit de telle forte qu'ils fuyoient tant qu'ils pouvoient ; après qu'ils fe furent remis de cette première afpouvante,ils feraffemblerent & combatirent encore une fois aupres d'une fontaine,ou Alvarado les vainquit encore une fois ; mais nonobftant tout cela ils fe raffemblerent pour la troifiefme fois à la pante d'une monta- T r o i f i é m e c o m gne , & tanterent encore la fortune avec de furieux bat entre les incris & un grand courage ; parce qu'il y eut quantité diens. d'Indiens qui attendoient un & deux chevaux pour les invertir. D'autres qui pour bleffer les Cavaliers, fe p r e noient à la queue des chevaux ; mais enfin l'efcoupetefie & les chevaux leur fît prendre la fuite. Les Caftillans leur baillèrent la chaire & en tuèrent beaucoup , & & entr'eux un Seigneur de quatre qu'il y avoit dans cette Province d'Vtlatlan , qui eftoit Capitaine gêneral de l'Armée. Il y mourut auffi quelques Caftillans, mais il il y en eut plufieurs de bleffez & des chevaux auiffi. L e lendemain Pierre d'Alvarado entra dans Quazaltenalco o ù il ne trouva perfonne. Il y rafraîchit fes gens & fe mit à faire des courfes dans le païs , & le fïxiéme jour il parut une grande armée de cette peuplade de des envi- A l v a r a d o l i v r e rons qui venoient à deffein de combattre. Pierre d'Al- b a t a i l l e a u x I n yarado avec quatre-vingt c h e v a u x , deux cents infants, dt liaenn,sq u i df'oVntt l ad-é faits. G g g iij


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& un bon efcadron d'Indiens Mexiquains, choifit un 1524. lieu propre pour fe caper & livra la bataille aux ennemis dans un fi bon o r d r e , qu'il les mit en déroute & les pourfuivit plus de deux lieues tuant continuellement; & l'Infanterie en fit un grand carnage au paffage d'une rivièr e ; les Seigneurs & Capitaines qui les conduifoient fe retirèrent vers une montagne, ou ils furent pris prifonniers en fe deffendant vaillamment, & il y en eut quelques uns d e tuez. Enfin ceux de cette Province ce voyant ainfi mal-traitez ne perdirent pas courage pour cela , ils aimèrent mieux s'affujettir à leurs ennemis, afin qu'ils les aidaffent que de fe r e n d r e . Ils c o n v o q u è r e n t auffi tous leurs amis & tous enfemblent firent une puiffante armée R e n v o y è r e n t dire à Pierre d'AlvaraL e s I n d i e n s rafdo , qu'ils vouloient eftre fes amis & obeir à l'Empereur, femblent une puiffante a r m é e . & que pour traiter de paix il s'en allait à vtlatlan, fi bien que croyant qu'ils difoient la vérité ii s'y en alla.

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X.

Des progrès quefit Pierre d'Alvarado dans Guatemala, Ette Ville de Guatemala efl tres-forte, les rues font eftroites & les maifons fort preflees, il n'y a que deux p o r t e s , dont il faut monter pour entrer par l'une dans la Ville trente d e g r e Z ; pour l'autre l'on y entre par une chauffée. Pierre d'Alvarado eftant arrivé proche de ce l i e u , aperçeut que la chauffée eftoit rompue en plufieurs endroits & ny vit point de femmes. Il reconnut la Fortereffe de la place & reconnut la tromperie ; & quoy qu'il euft deffein de fe retirer, il ne le peut pas faire fi-toft qu'il ny reçeuft beaucoup de perte. Il diffimula neantmoins leur rufe & traita avec les Seigneurs , & les affeura par des careffes & de belles paroles & les prit. Mais nonobftant tout cela la guerre ne laiffa pas d e fe c o n t i n u e r , & il faloit combatre pour avoir du bois & de l'herbe. Les Caftillans ne pouvoient

C d ' A l v a r a d o diffimule

trompe-

rie q u e luy fait les

avoit

Indiens.


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faire des courfes aux environs pour faire le dégaft, à 1524. caufe des profondes fondrières qu'il y avoir dans la camgne. A caufe dequoy Pierre d'Alvarado refolut de faire brûler les Seigneurs qu'il avoir p r i s , s'imaginant terminer la guerre par ce moyen. Il menaça auffi de brûler la place , & pour cet effet afin de voir la bonne volonté de ceux de Guatemala, il leur demanda du fecours. IlsC e u x d e G u a t e luy envoyèrent quatre mille hommes, avec lefquels il m a l a d o n n e t d i s ferra les ennemis de fi prés qu'il les chaffa de leur terre ; fr ea cdoou. r s à A L V E - . & auffi-toft après ceux de la Ville vinrent demander p a r d o n , rejettant la faute fur les Seigneurs qui avoient cité brûflez -, ce qui eftoit véritable ainfi qu'ils l'avoient confeffé avant que de mourir. Alvaradoleur pardonna & leur fit prêter ferment de fidélité. Il donna la liberté à deux fils de ces Seigneurs morts, & les remit dans les Eftats de leurs pères ; de forte que par ce moyen c e t t e terre fut affuiettie & peuplée comme devant. Le T r e forier qui accompagna Alvarado en ce v o y a g e , qui eftoit Baltazar de Mendoce , leva le Q u i n t qui appartenait au R o y de tout le butin que l'on fit. Cette Province eft abondante en peuple & eft remplie de quantité de peuplades fort grandes. Elle abonde auffi en vivres , & d'une certaine liqueur qui eft comme de l'huile. A l v a r a d o p a c i Il y a de tres-bon fouphre dont les Caftillans en firent fie l a t e r r e . de fort bonne p o u d r e , fans avoir efté premièrement affiné. Enfin cette guerre prit fin le 25. iour d'Avril d e cette année ; & le prix des fers à cheval munta iufques à tel excès , que la douzaine valoir cent cinquante poids d'or. Pierre d'Alvarado entra dans Guatemala, où il fut Il e n t r e dans fort bien reçeu & logé. Il y avoit à fept lieues de là u n e Guatemala. Ville fur la rive d'un lac qui faifoit la guerre à Guatemala , à Vtlitlan & à d'autres peuplades. Alvarado les envoya prier de nepoint faire de mal à fes a m i s , & les r e quit de vouloir entendre à la paix. Mais ces gens fe confiant à la force du lieu à caufe de l'eau & de la q u a n tité de canos qu'ils avoient, tuèrent les deux Meffagers que Cortés y avoit envoyez. À caufe dequoy Alvarado


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HISTOIRE

y fut avec quatre-vingts chevaux & cent cinquante Infants Caflillans, & grand nombre d'Indiens. C o m m e il fe fut prefenté devant la Ville ils ne luy voulurent pas parler. Il s'avança fur la rive du lac avec t r e n t e c h e vaux vers une roche qui eftoit dans le lac & qui eftoit peuplée ; il aperçeut un efcadron de gens armez. Il les attaqua & les contraignit de prendre la fuite. Il les pourfuivit le long d'une chauffée fi eftroite que l'on ny pouvoit aller à cheval, ce qui contraignit les Caftillans de mettre pied à t e r r e , &. fuivant toujours les Indiens ils entrèrent avec eux dans la R o c h e . Auffi-tofl après fuivit le reffe de l'armée & gagnèrent ainfi cette R o c h e par la mort d e quantité d'Indiens de c e u x qui eftoient d e d a n s , les autres fe fauvant à nage dans une M e t t e qui n'en eftoit pas fort éloignée. Apres que les Caftillans eurent pillé les maifons ils entrèrent dans des terres e n femenfées d e m a y z , où ils pafferent cette nuit. L e l e n demain ils trouvèrent la Ville vuide d'habitans dont ils furent fort eftonnez, mais cela ne procedoit que d e v o i r p e r d u la R o c h e , en laquelle ils mettoient toute leur confiance. Alvarado fit des courfes dans cette t e r r e , & prit quelques Indiens par le moyen defquels il envoya offrir la paix aux Seigneurs, lis firent réponfe que leur t e r r e n'avoit jamais efté affujettie par la force jufques alors ; mais que puifque les Caftillans l'avoient fait avec tant d'adreffe octant de valeur ils vouloient eftre leurs amis ; & dans le mefme temps ils retournèrent & touchèrent dans les mains d'Alvarado & demeurèrent pacifiques. Enfuite dequoy il s'en retourna à Guatemala, T o u s les p e u p l e s du lac d e m a n - où arrivèrent quantité de gens de tous les vilages des dent la p a i x à environs du lac avec des prefens durant trois j o u r s , d e Alvarado. mandant la paix. Et parce qu'ils dirent que ceux d e l à Province d'yzquintepec n e vouloient pas laiffer paffer par leur terre pas un amy des Chreftiens, il y alla avec tout e l'armée. Il dormit trois nuits dans la c a m p a g n e , après cela il entra dans les limites de la Province , ou faute d'y négocier il n'y avoit point de chemins ouverts ; il n'y avoit que de petits fentiers d'hommes fort eftroits &

1524

entre


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entre des bocages fore touffus. Mais nonobstant toutes ces difficultez , il arriva à la Ville avec tant de diligence & fi fecrettement, qu'il ne fut point apperçu; & parce qu'il pleuvoir , les habitans s'eftoient mis à couvert dans leurs maifons, & par ainfi ils n'eurent pas le temps de s'armer ny de s'affembler. C o m m e ils le virent furpris de la forte , les uns prirent la fuite, les autres tinrent bon dans de certaines maifons, d'où Ils tuoient des Indiens alliez , & blefferent mefme quelques Caftillans. Alvarado voyant cela , mit le feu à la Ville , & menaça le Seigneur de faire la mefme chofe dans les terres de Mays s'ils n'obeïffoient ; ce qui fut caufe qu'ils revinrent tous. Alvarado y demeura huit iours, pendant lefquels ils le vinrent reconnoiftre, & tous ceux de la c o n t r é e , & fe rendirent vaffaux de l'Empereur. D e là Pierre d'Alvarado paffa à Cuctipar , qui eft une Province où l'on parle différent langage , & enfuite à Tatixco, & à Neceudettan ; Et parce qu'ils avoient tué quantité d'Indiens alliez qui cheminoient à l'arx i e r e g a r d e , qui avoient efté plus pareffeux que les autres , & qu'ils avoient pris une partie du bagage, o ù eftoit la ficelle pour les arbaleftes & pour faire des fouliers de corde , & les fers pour les chevaux , qui eftoit une perte notable ; Alvarado envoya George d'Alvarado fon frère après les ennemis avec quarante chevaux ; mais quelque diligence qu'il puft faire, il ne les put atteindre. Ces Indiens eftoient de Neceudeilan, qui portoient tous en combatant des fonnettes en leurs mains. Il demeura huit iours dans cette peuplade pour tafcher d'attirer les habitans à quelque forte d ' a c c o m m o d e m e n t , mais il ne put. Il s'en alla à Pazyco, y ayant efté appelle par les habitans , & trouva dans le chemin quantité de pointes de baftons fort a i g u s , fichez dans la terre de travers, & qui paffoient hors de la terre deux ou trois doigts de forte que venant à chopper ou marcher deffus , cela pouvoit caufer beaucoup de m a l Cependant ces peuples en Hhh 5

1 5 2 4

Alvarado perd une partie de fon bagage.

Stratagême Indiens

offenfer les ftillans.

des

pour Ca-


442 1524.

Alvarado com b a t c o n t r e le$ Indiens.

Eftrange m a niere d'armes des Indiens.

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avoient mis en plufieurs endroits avec beaucoup d'artifice , & cette invention caufa beaucoup de maux ; parce qu'ils croifoient ces baftons les uns avec les autres , & les lioient avec des herbes fi empoifonnées, que s'y eftant blette, & qu'il en fortift une goutte de f a n g , celuy-là ne manquoit pas dans d e u x , t r o i s , ou le feptiéme iour d e m o u r i r , enrageant d'une foif m o r telle. Et il y avoit à l'entrée du village de certaines perfonnes qui mettoient un chien par quartiers , qui félon la couftume de ces Indiens eftoit un témoignage d'inimitié & de guerre. Il découvrit en mefme temps des gens armez ; il combatit contre eux pour les attirer hors du village, & en tua plufieurs. D e là il alla à Mopicalauco, & à Cayacoatl, fitué fur les r i ves de la mer du Sud ; mais avant que d'y arriver, il trouva la campagne pleine de gens armez, qui eftoient en grand eimpatience de le combatre. Il pafla tout p r o che d'eux-, & quoy qu'il euft avec luy deux cens cinquante Caftillans d'infanterie, fie cent de cavalerie, & fix mille Indiens, il ne voulut pas les attaquer , parce qu'ils eftoient en grand n o m b r e , & bien difpofez au combat. Mais comme ils vinrent à paffer, les Indiens vinrent fondre fur eux , & de fi prés qu'ils tenoient les eftriers des chevaux & leurs queues. Mais l'armée des Caftillans fit face, & les foûtint de telle forte que la plufpart furent défaits, parce qu'ils combatirent inceffamment fans reculer ; Et parce que les armes qu'ils portoient eftoient fi pefantes, qu'ils ne pouvoient ny fuir, ny le relever lorfqu'ils eftoient tombez ; c'eftoient des manières de facs, qui avoient des manchesfie leur alloient jufques aux pieds, de cotton tors & d u r , de trois doigts d'épaiffeur ; & comme les facs eftoient blancs & de couleurs différentes , cela ne leur fceoit pas mal. Outre cela ils eftoient ornez de quantité de plumes. Ils portoient de longues flèches, & des lances auffi extraordinairement longues. Plufieurs Caftillans furent bleffez cette journée-là ; & Pierre d'Alvarado y fut eftropié d'une j a m b e , dont il fut boiteux le refte


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de fa v i e , parce que par cette beffure elle demeura 1524. plus courte que l'autre de quatre doigts. Il combatit encore contre une plus grande armée de plus perilleuf e , parce que les lances eftoient encore plus longues que les précédantes , de les fers frottez de poifon ; mais cette armée fut encore défaite entièrement. D e là il alla à Mautlan, & puis après à Lechuan , o ù ceux de Cuitlachan fe vinrent offrir à luy en apparence ; mais en effet pour les décevoir, & tafcher de les fur- A r t i f i c e d e s I n prendre au d é p o u r v e u , afin de facrifier les Caftillans. d i e n s pour d é evoir les C a pierre d'Alvarado ayant appris leur intention , il les cftillans. requit de vouloir entendre à la paix ; mais ils abandonnèrent la V i l l e , & furent obftinez dans leur refol u t i o n , & attaquèrent les Caftillans, dont il y eut onze chevaux de tuez, qui furent payez par les prifonniers que l'on fit , qui furent vendus pour efclaves. Les Caftillans ayant demeuré là vingt jours, fans pouvoir attirer ces gens à quelque accord, ils s'en retournèr e n t à Guatemala ; fi bien qu'en quatre cens lieues que Pierre d'Alvarado fit en cette traite , il y fit peu de butin ; mais il pacifia plufieurs Provinces. Il fouffrit beaucoup de faim , & de grands travaux , & paffa des rivières fi rapides , qu'elles n'eftoient pas agreables. Et comme il trouva la terre de Guatemala agréable, il refolut d'y demeurer ; parce que tous les hommes en gêneral ont toujours de l'ambition pour le commandement ; fi bien qu'il commença à y peupler, félon l'inftruction que Cortés luy en avoit donnée, Il j e t t a les fondemens d'une Ville, & l'appella Santiago A l v a r a d o f o n d e de Guatemala. Il y nomma des Magiftrats, & des lu- l a V i l l e d e S a n ges , de tous les autres Officiers neceffaires pour la tmi aa gl ao . d e G u a t e police de cette Ville. Il baftit une Eglife, à laquelle il impofa le mefme nom, Il recommanda plufieurs villages aux habitans & Conqucrans ; de rendit compte à Fernand Cortés de tout ce qu'il avoit fait, qui approuva fon deffein ,& luy envoya deux cens Caftillans, & dit beaucoup dechofesde luy au Roy,afin qu'il luy donnaft ce Gouvernement.

Hhh

ij


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1524.

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XL

Des particularitez de Guatemala. Rodrigue Rangel affujettit les Zapoteques. Goncale Davila donne avis au Roy qu'il va à las Ybueras, & ce qu'il luy demande. Pedrarias ordonne à François Hernandez de Cordouë d'aller à Nicaragua , & luy donne la qualité de Capitaine.

Du nom de Guatemala, & ce qu'il fignifie.

Fertilité d e la terre.

Efpece d e fruit c o m m e d e s avelines.

L

ES Indiens appellent Guatemala,

Quantemallac

, qui

fignifie arbre pourri. Et la Ville de Santiago eft fituée entre deux montagnes de feu , qu'ils appellent Vulcans, l'une proche de la Ville, & l'autre en eft à deux lieues, qui eft une montagne fort haute & ronde, du faille de laquelle forcent de la fumée , des flammes, des cendres, & de groffés pierres ardentes. Cette montagne tremble fort & fouvent, il en fort des éclairs , & il y tonne aux environs furieufement. E t cependant cette terre eft faine, fertile , riche, & abondante en pafturages : & ainfi il y a maintenant force troupeaux ; d'une mine de mays, ils en recueillent cent ,& iufques à deux cens., & mefme cinq cens dans les campagnes qu'ils arroufent ; elle eft fort agreable à la veuë , & gracieufe pour la quantité de vergers qu'il y a avec fruits & fans fruits. Les cannes du mays font fort grandes, & les tuyaux fort grenus. Il y a q u a n t i t é de cacao , qui eft une grande richeffe , parce que c'eft une monnoye courante par toute la nouvelle Efpagne, & en beaucoup d'autres terres. Il y a force cotton , du baume Se une certaine liqueur comme de l'huile, comme nous avons déia dit cy-devant. Il y a du foup h r e qui fans l'affiner fert de poudre à canon. Les femmes y font de grandes fileufes, & fort refpectueufes ; mais les hommes font fort groffiers, & neantmoins fort adroits à tirer de l'arc. Ils manogeoient de la chair humaine avant que les Caftillans les euffent d o m p t e z , & idolaitroient comme ceux de Mexique, D u r a n t que


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Pierre d'Alvarado eftoit dans cette Province elle fut 1524. en grande profperité. Les Indiens qui habitoient proche des Zapoteques , & qui eftoient amis des Caftillans, avoient recours à Fer- Rodrigue Ran nand Cortés , à caufe des torts que l'on leur faifoit ; gel va contre les Zapoteques, E t pour éviter ces defordres & refrener l'infolence des & les chaftiè. Zapoteques, il y envoya le Capitaine Rodrigue Rangel ; croyant qu'à caufe qu'il connoiffoit cette terre il en viendrait mieux à bout que d'autres , quoy qu'il n'y réüffift pas bien la première fois. Mais comme il s'imaginoit que pour acquérir meilleure réputation , il y apporteroit toute forte d'artifice pour reparer la faute ; Il luy bailla cent cinquante Infans Caftillans, & point de cavalerie , à caufe que cette terre eft fort montueufe. C o m m e il fut arrivé en ce lieu , il lit plufîeurs fommations aux Zapoteques ; mais comme il vit qu'ils ne le vouloient point écoufter, il leur déclara la guerre , & la commença de fi bonne forte qu'il en tua & captiva quantité qu'il vendir pour efclaves. Apres quoy il s'en retourna à M e x i q u e , charg é de butin , d'or & de hardes, & les Indiens alliez qui l'avoient a c c o m p a g n é , riches & fatisfaits, & les Zapoteques chaftiez de telle forte , qu'ils ne fe font pas émancipez depuis de faire de tels remuëmens. Gilles Gonçales Davila qui avoit apporté quantité d'or à l'Efpagnole par les courfes qu'il avoit faites à N i c a r a g u a , a v e c celuy qui eftoit encore venu d'autres endroits des Indes à la Ville de faint D o m i n i q u e , if s'occupa à équiper cinq navires pour paffer en Caftill e , dont il donna la Capitainie à Iean Perez de Rezaval. Il fut chargé dans ces vaiffeaux prés de cinquante mille poids d ' o r , de toute f o r t e , qui eftoient les quints I l p a r t d e l'Esagnole une du R o y , quatre cens quatre vingt-huit marcs de perles pflotte de cinq communes & de petites,& fix cens dix de perles choifies, ;n a v i r e s p o u r quantité de fucre, de cuirs,& de cafte. Gilles Gonçales C a f t i l l e . après avoir dépefché ces vaiffeaux, fongea à retourner à fon entreprife, qui eftoit de découvrir quelque d é troit & paffage pour aller de la mer du N o r t à celle H h h iij


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HISTOIRE

du Sud ; & fur cela en écrivit au R o y , le requérant de 1524. le favonfer du Gouvernement de la terre & Provinces de la mer du Sud qu'il avoit découvertes, & des lfles, D i a n a , de de Gilles G o n ç a l e s terres & codes de la mer Douce ; & que cette donaau R o y . tion fuit expliquée par N o r t - S u d , pour la terre de la mer du Sud à la mer du N o r t . Et de là au P o n a n t , jufqu'à la dernière qu'il avoit fait découvrir par la mer du Sud, jufques aux montagnes, que l'on appelloit de Gilles G o n ç a l e z , qui font au dixième degré & demy , en prenant de là la route de la mer du Sud à celle du N o r t , fans toucber à la defcente de la mer du N o r t , en tirant vers le L e v a n t , qui eftoit découverre jufqu à la rivière de San Pablo , proche du Golfe de las Ybueras. Il demandoit que ce Gouvernement s'étendifb depuis la fufdite rivière de San Pablo le long de la cofte de la mer du N o r t , jufques à la plage du Golfe de Cofa , N o r t - Sud. Il demandoit outre ce Gouvernement encore d'autres chofes, & de certaines conditions , & promettoit d'acquérir de grandes richelîes pour la C o u r o n n e Royale. Il difoit que le defr fein qu'il avoit de peupler dans le Golfe de las Ybueras , eftoit à caufe qu'il j u g e o i t , par ce que l'on avoit déjà veu Se d é c o u v e r t , que ce Golfe devoit eftre l'entrée pour paffer à la mer du Sud, & il prenoit fa r o u t e par ce Golfe , prétendant s'y eftablir. Il prioit que l'on ordonnaft à l'Audience de l'Ifle Efpagnole & aux autres Gouverneurs de ces codez l à , de ne point nuire ny inquiéter ceux qui voudroient aller où il feroit, & que s'il eftoit dû quelque chofe au R o y , l'on transportait, cette dette à fon G o u v e r n e m e n t , afin que les Officiers Royaux le r e ç u r e n t ; & que l'on y puft tranfporter des troupeaux de toute forte , & les autres chofes neceffaires pour l'eftabliffement d'une peuplade. Enfin Gilles Gonçalez envoya fes dépefches avec fes cinq navires ; puis partant avec le plus de gens qu'il put amaffer, il paffa à las Ybueras le plus promptement qu'il put , parce qu'il avoit a p p o r t é des richeffes fuffifamment pour pourvoir aux chofes neçef-


D E S I N D E S O C C I D E N T A L L E S , LiV. V .

447

faires & ainfi il trouva des gens qui le fuivirent. Q u o y 1 5 2 4 . que c'en foit, fon intention eftoit de chercher le d é troit pour paffer de la mer du N o r t à celle du S u d , G i l l e s G o n ç a l e s & ne le pouvant t r o u v e r , prendre quelque p o f t e , o u va à l a s Y b u e cas. lieu affuré pour paffer par terre de l'une a l'autre mer. Et dautant qu'il fçavoit bien q u e Pedrarias devoir entrer dans cette terre qu'il avoit d é c o u v e r t e , à caufe du récit qu'on luy avoit fait des richeffes qui s'y eftoient rencontrées , il faifoit ce qu'il pouvoit e n vers le Roy pour qu'il luy envoyait, en bref les c o m miffions pour cet effet. Pedrarias qui ne perdoit pas un moment pour taf- P e d r a r i a s e n voyé à l'Efpacher de le prévenir , à caufe du mauvais bruit qu'il g n o l e . avoit dans Captille de d'or, envoya le Capitaine H e r r e r a â l'Ifle Efpagnole pour lever des gens & des chevaux, pour occuper les Provinces de N i c a r a g u a , avant que Gilles Gonçalez y arrivaift ; & le Capitaine Herrera perfuada de telle forte Iean de Bafurto , qu'il follicitaft Pedrarias de pouffer fon entreprife à b o u t , qu'il le fit aller à Panama pour cet effet, emmenant quelques gens de guerre,& des chevaux. Mais ayant plus tardé que Pedrarias ne l'euft bien déliré, il trouva qu'il avoit pris pour l'exécution de cette entreprife François Hernandez de Cordoue le Crpitaine de fa garde ; que les Capitaines Gabriel de R o j a s , de Sofa , André de G a r a b i t o , & Soto alloient avec luy ; & qu'ils s'appreftoient pour aller à Nicaragua ; ce qu'ils firent en effet dans des navires que H e r n a n d o de Luq u e , Francifco Pizarro & Diego d'Almagro avoient fait préparer, dont Iean de Bafurto eut un grand reffentiment. Mais Pedrarias voulant fatisfaire à la bon- P e d r a r i a s offre ne volonté qu'il avoit euë d'avoir fait ce voyage, luy lad u Recouverte Birù à Iean offrit la commiffion d'aller découvrir la mer du Sud d e B a f u r t o , qui vers le Levant , ce qu'il accepta de bon c œ u r , fur l ' a c c e p t e . 1 efperance qu'il avoit de trouver des terres tres-riches de ces coftez-là ; parce que Pafcual d'Andagoya , Vifireur des Indiens avoit tenu cette route en l'an mille cinq cens vingt-deux, & du Golfe de faint M i c h e l , &


H I S T O I R E avoit paffe à la Province de Cochama ,où il apprit -que certaines gens de la Province appellée Birù , alloient 448

1524 Pafcual d'Andagoya monte la rivière d e Biru.

A n d a g o y a fubj u g u e les I n d i é s & la t e r r e d e Biru.

Il p r e n d c o n noiffance de Cufco.

dans des canos faire la guerre fur la mer , toutes les pleines Lunes , dont ils a voient fi grand'peur qu'ils n'ofoient aller pefcher, parce q u e c'eftoient des h o m mes forts & vaillans. D e forte qu'à la fufcitation de ceux de Cochama il refolut de découvrir cette Province de Birù, o ù il entra par une rivière en remontant prés de vingt lieuës. Il y trouva plufieurs S e i g n e u r s , & des peuplades , & fur les limites d'une fortereffe à la rencontre de deux rivières , quantité de femmes & d'enfans ramaffez , avec des gens qui les g a r d o i e n t , armez de lances c o u r t e s , & de mantelets forts grands. Enfin Pafcual d'Andagoya les attaque , les b â t i t , & entra dans la fortereffe. C e t t e victoire fut caufe que fept Seigneurs firent la paix avec les Caftillans, d o n t il y en avoir un que les autres refpectoient comme un R o y , & rendirent obeïffance à la Couronne de Caftill e , & par le moyen des Interprètes l'on apprit de quelques Marchands toutes les particularitez de la cofte, & de tout ce qui fe découvrit depuis jufques à Cufco. L ' o n tient auffi que d'icy prit le nom de P é r o u , comme ii a efté dit cy-devant. E t cela s'explique de la f o r t e , lorfqu'en l'an mil cinq cens quinze le Capitain e Gafpar de M o r a l e s , accompagné de Francifco Piz a r r o , arriva en cette terre , & auparavant luy Vafco N u n e z d e Balbon. Pafcual d'Andagoya defcendit la rivière à la c o d e , d'où par une certaine dïfgrace d'un e cheute dont il fut edropié trois ans d u r a n t , i l s'en retourna à Panama avec les Interprètes , & rendit compte à Pedrarias de ce qu'il avoir veu. Et dautant q u e lean de Bafurtone pouvoit rencontrer dans Panama les chofes dont il avoit befoin, il s'en retourna à l'Efpagnole, & m o u r u t à Nombre

de Bios , ce qui r é -

veilla les efprits de quelques habitans de Panama pour prétendre à cette découverte.

C H A P .


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. X I I .

449 1524.

C H A P I T R E

XII.

Brancifco Hernandez de Cordouë peuple Grenade gua , ce qui Cepaffa entre fes gens & Gille Davila de Cordoue.

en NicaraGonçalez

Rancifco H e r n a n d e z fortit de Panama, avec l'ar- Pedrarias prétend avoir démée que Pedrarias luy avoit donnée en intention couvert Nicarad'aller peupler N i c a r a g u a , difant que cela luy apparte- gua avant Gille n o i t , parce qu'il avoit découvert cette terre avant Gille Gonzalez. Gonçalez. Et il eft vray qu'il avoit découvert jufques au Golfe de faint Lucar. Il peupla une ville dans le d é troit foubçonneux qu'il appella Bruxelles dans le territoire d ' Y r u t i n a , qui avoit d'un cofté les plaines, d'un autre la m e r , & d'un autre la montagne & les mines. Il paffa trente lieues au delà dans la Province de Neguecheri, où il fonda la nouvelle ville de Grenade fur la rive du Hernandez peuple Grenalac, & bâtit un Temple fort fomptueux & une fortereffe. d e . Car encore que jufques là il euft gagné des victoires en plufieurs rencontres contre Les Indiens, à caufe que la terre eft fort peuplée, il eftoit neceffaire de les tenir en b r i d e , & jufques là il n'eftoit pas neceffaire de peupler dans la Province de Nicaragua. Il paffa de Grenade à la Province d'Ymabite, laiffant celle de Mafaya au milieu, qui eftoit grande & bien peuplée. Il fit porter un brigantin en pièces qu'il faifoit raffembler lors qu'il faloit paffer quelque rivière , & avec lequel il fit découvrir & boucher tout le l a c , puis il trouva un I l t r o u v e l e d é dégorgement qui alloit rendre à une rivière par où gl aocr g de em e nN ti c a r du ail fortit, mais il ne put naviger plus avant à caufe de g u a . quantité de pierres, & de deux torrents ou çheutes d'eau qui tomboient de fort h a u t , mais quoy que c'en foit, il fut confirmé en l'opinion qu'il avoit que cette eau alloit tomber dans la mer du N o r t . Il envoya un Capitaine avec quelques gens, il chemina quatre- vingt lieuës dans le païs & la trouva fort p e u p l é e , remplie d'arbres de di-

F

Iii


450 H i s T o i r e verfes fortes. H e r n a n d e z avoit mené quelques R e l i 1524. gieux qui s'employèrent avec beaucoup de zeleà prefcher ces peuples par le moyen des interprètes, & à faire les exercices Catholiques qui eftoient neceffaires, plantant des Croix par tous les lieux o ù ils le jugeoient à p r o Miracles arrive ; pos. Et ce qui émeut le plus les Indiens fut que s'état ocà Nicaragua. cupez de toutes leurs forces à vouloir abatre une Croix. qui eftoit dans un vilage , jamais ils ne la purent arracher ny brûler, & de ce que les gens de ce lieu mouroient Q u a n t i t é d'Intous de pefte. Ce miracle avec d'autres que l'on voyoit diens arrivent p o u r ê t r e b a p r i - de jour en j o u r , caufa tant d'admiration aux Indiens de la C o n t r é e , qu'il y en arriva une infinité pour demander des Croix & pour fe baptifer ; & il arriva dans de certains Temples o ù le figne de la Croix n'avoit point encore entré ny pofé des Images, que le foudre y tomba 6c le brûla ; à caufe dequoy tous les peuples demandoient d'eftre baptifez & des Images de N o f t r e - D a m e . O r comme il y avoit peu de Prefires, les mefmes I n diens à leur imitation fejettoient de l'eau les uns aux autres. H e r n a n d e z rendit compte de toutes ces chofes à Pedrarias, avec Sebaftiende Benalcaçar, & luy d o n n a avis qu'il avoit découvert que certains Caftillans r o doient autour de cette t e r r e , & que jufques là il ne fçavoit pas qui ils eftoient ; mais qu'il faifoit t o u t ce qu'il pouvoit pour les fçavoir. Les peuples de cette terre difoient qu'ils eftoient defcendus des Mexiquains ; & leur gefte & leur langue eftoient prefque femblables. Les femmes eftoient bien veftuës. Ils tenoient leurs marchez dans des places où ils negocioient avec du cacao pour monoye. Il y avoit quantité de belles femmes, & leurs pères avoient de couftume lors qu'elles eftoient en eftat d'eftre mariées D e s m a r i a f e s de les envoyer gagner leur vie;ainfi ils les envoioient p u des i e u n e s Elles. bloqueraient par toute cette terre, & lors qu'elles avoient amaffe ce qu'elles avoient befoin, ils les marioient ; & leurs maris leur eftoient tellement fujets, que s'ils leur d o n n a i e n t quelque fujet de m é c o n t e n t e m e n t , elles les chaffoient du logis jufqu'à les b a t t r e , & les tenoient ain-


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.V. 451 fi comme des ferviteurs,& pour faire leur paix ils avoient 1524 recours aux voifins pour préparer l'efprit de leurs femmes à les vouloir recevoir en grâce. Ils obfervoient enc o r e que la première nuit de leurs époufailles, le fouverain Preftre qu'ils appelloient P a p a , couchoit avec la mariée. Ils tenoient cette maudite couftume de facrifier des hommes & des femmes ; ils fe difciplinoient auffi en fe tirant du fang de la langue, dont ils frotoient les I d o les en luy offrant de fang. Ils confeffoient à ce Papa les C e s I n d i e n s fe chofes qu'ils tenoient pour des péchez , au moyen de- c o n f e f f o i e t v e quoy ils pretendoient en eftre abfous. Il y a dans cette c a l e m e n t . Province des V u l c a n s , dont le principal eft. celuy de Mefaya dont il a efté parié cy-devant, o ù les Indiens alloient offrir de jeunes filles dans de certains temps, & les jettoient dedans s'imaginant appaifer ce feu p a r c e m o y e n , de crainte qu'il ne confommaft, la terre, & ces pauvres filles y alloient joyeufement. Apres que Gille Gonçalez Davila eut apris les particularitez de cette t e r r e , & qu'il euft amaffé des vivres aGr ir lilvee à GHo noçnadl eu zneceffaires dans l'Ifle de faint D o m i n i q u e , il prit la rou- r a . te de Hondura pour traverfer à Nicaragua fans en eftre détourné par Pedrarias. Il arriva à Guaymura, qui eft le n o m de la première Province delas Ybucras, & ne pouvant furgir à Puerto de Cavallos qui eft un excellent abord pour les Navires ,& le meilleur Port de toutes les defcouvertes que f o n avoit faites jufques-là , à caufe du mauvais t e m p s , dont il fut obligé de j e t t e r quelques chevaux dans la m e r , d'où ce nom luy eft demeuré ; & ce mauvais temps le fit defcendre jufques au Golfe Dulce. E t comme il nereconnoiffoitpas la terre ferme qui luy paroiffoit fort a fpre & montueufe,il refolut de peupler un lieu qu'il appella faint Gille de Buena-Vifta ; & les Indiens de là autour defirant qu'il ne s'arreflaft pas là, luy montroient la terre de Honduras , qu'ils luy reprefentoient riche & fpacieufe, Il refolut de s'y aller camp e r , car c'eftoit fon intention, & fe mit entre le Cap de Camaron & celuy de Truxillo, en laiffant quelques gens dans faint Gille fous la conduite de francifeo Rigueilii

ij


452 1524.

Gille &

Gonçalez

Soto

r e n t l'un

l'autre.

c o m b a contre

H I S T O I R E

ma.Il entra par terre dans le païs penfant trouver la mer du Sud ; & entrant dans la valée d'Vlancho il apprit des nouvelles de François H e r n a n d e z de C o r d o u é , & que fes gens n'eftoient pas bien éloignez delà. C e p e n d a n t comme François H e r n a n d e z eut appris qu'il y avoit des Caftillans qui rodoient vers la partie du N o r t , il envoya le Capitaine Soto avec quelques foldats pour les efpier. Mais Gille Gonçalez qui eftoit logé dans Toreba , les furprit de nuit & les attaqua , difant, Saint Gille , il faut que les traiftres meurent. Le C a p i taine Soto fortit avec fes gens & fe b â t i r e n t , dont quelques uns moururent. C o m m e Gille Gonçalez combat o i t , il dit à haute voix. Ha Seigneur Capitaine, paix, paix, pour l'Empereurs ; & Soto croyant que ces paroles fedifoient fans malice, retira fes gens, quoy qu'ils luy dirent que Gille Gonçalez eftoit un adroit,, 6c q u e ce qu'il en difoit n'eftoit que pour attendre davantage de m o n d e , i l ne les voulut pas croire ; & ils furent néantmoins quelques j o u r s , & les uns & les autres fans rien faire. Pendant cet intervale Soto donna avis à François H e r n a n d e z que c'eftoit Gille Gonçalez le Capitaine qui rodoit dans cette t e r r e , & la façon dont il avoit agy. D'ailleurs il arriva davantage de foldats à Gille G o n ç a lez ,avec lefquels fans refpect de la paix qu'il avoit dem a n d é e , il attaqua les gens de Soto & les pilla., Il leur prit entr'autres chofes cent trente mille poids d'or bas qu'ils avoient. D a n s cette intervalle comme François H e r n a n d e z eut appris que Gille Gonçalez faifoit des courfes dans cette terre , pour ne luy pas donner le loifir d'y entrer bien a v a n t , il s'approcha plus prés de luy 6c peupla au milieu de la Province d'Ymabite, une Ville qu'il appella Leon & y fit baftir un Temple & une F o r t e refTe, tant pour refifler à Gille G o n z a l e z , que pour la deffenfe des Indiens, parce qu'il y avoit dans les Fauxbourgsde cette Villequinze mille habitans. Gille G o n çalez ne croyant pas eftre en feureté quoy qu'il euft defarmée les gens de Soto, appréhendant François Hernandez délivra les prifonniers & les laiffa là avec leurs


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. V .

453

compagnons, & prenant tout, l'or qu'il leur avoit pillé il s'en retourna a Puerto de Cavallos, parce qu'il eut avis qu'il eftoit arrivé en ces quartiers une autre armée , qui eftoit celle ce Chriftofle d'Olid ; lequel peupla auffi-toft qu'il fut arrivé à quatorze lieues plus bas que la Puerto de Cawallos , la Ville del Triunfo de la Cruz, ayant premièrement pris au nom du Roy la poffeffion de la terre qui fut ce mefme j o u r . Il y eftablit des luges & des D i recteurs de police, & d'autres Officiers neceffaires pour cette Ville, félon que Cortés luy avoit enchargé , quoy que la publication des bans fe fiffent au nom du Roy & de Chriftofle d'Olid ; par où l'on reconnut qu'il commençoit à fecoiier l'obeïffance de Cortés felon l'air dont il traitoit avec tes gens,attirant à luy les uns par la crainte & les autres par des promeffes 6c par les charges ; moyennant quoy il les affujettit à fa volonté. Il envoya plufieurs efcoüades pour reconnoiftre la t e r r e , & luymefme y alloit quelquesfois avec une telle modération, qu'il ne donna jamais la moindre occafion aux Indiens de fe plaindre. Il trouva dans la valée de Naco la meilleure terre de cette Province, qui eftoient de belles plaines fertiles & fpatieufes, entourées de montagnes,garnies de chemins fort larges, avec quantité de fleurs, de fruits & de verdures fort délectables, & prefque femblabfe à Valence. Il apprit auffi que Gille Gonçalez rodoit là autour ; & comme il fçavoit de bonne parties forces qu'avoir Olid, il fit en forte de s'accommoder avec luy pour refifter conjointement à François H e r nandez. Ils eurent quelques démêlez contre luv mais il n'y eut pas beaucoup de perte ny d'un cofté ny d'autre. Cependant Chriftofle d'Olid avoit déjà découvert trente lieues de terre fans avoir donné aucun fujet de mécontentement à ceux du païs.

Iii

iij

1524. Gille

Gonçiles

a

nouvelles

des

de

Chriftofle

d'Olid.

Olid

fonde

Ville del f o d e la

la

TriunCruz,

Il traire h u m a i -

nement les I n diens.


454

H I S T O I R E

1524.

CHAPITRE

XIII.

Chriftofle d'Olid prend François delas Cafas , & Gille Gonçalez Davila ; il eft tue par eux. Le Bachelier Moreno pars de l'Efpagnolle pour aller à las Ybueras.

L

Es nouvelles de la defobeïffance de Chriftofîe d'-olid eftoient déjà venues à fa connoiffance ; parce qu'outre ce que luy en avoit dit François de Montejo on luy en avoit donné avis de Havana ; il bien que fe voyant débaraffé d'autres affaires, il refolut d'envoyer line armée contre luy. Il choifit pour Capitaine François delas Cafas Seigneur de Truvillo, qui eftoit mary d'une fienne coufine germaine. Il luy fit armer deux naCertes envoyer vires à la Vera Cruz & les équippa de cent cinquante François delas Cafas contre foldats, & de quelques chevaux avec tout l'attirail & les and. vivres neceffaires. Eftant arrivé à la Ville du Triomphe de la Cruz de nuit, dans le mefme temps que Chriftofle d'Olid avoit prépare deux caravelles pour aller attaquer la Ville de San Gil de Buena-vifta qui eftoit plus avant fur da mefme cofte ; François delas Cafas prit deux hommes qu'il interrogea, & en mefme temps fit tirer l'artillerie contre cette place. Chriftofle d'Olid qui eftoit homme de cœur & vaillant, s'embarqua auffi-toft dans les deux caravelles avec les gens qui luy reftoient ; car Briones fon Meftre de Camp en avoit pris une partie pour aller en découverte,. Celuy-cy ayant eu avis de la venue de François Cafas, quitta le party de Chri ftofle d'Olid & fuivit celuy de Cortés. Cependant l'artillerie des navires tiroit inceffamment les uns contre les autres, & ne cefferent toute la journée : François delas Cafas déploya une enfeigne de paix ; mais il ne fut pas approuvé. A Il refoud de co- caufe dequoy il fit defcendre les barques à deffein de battre combatre & prendre terre, & l'artillerie continuant toujours de tirer, l'une des caravelles de Chriftofîe d'Oiid coula à fond ; mais tous ceux de dedans furent fau-


DES

INDES O C C I D E N T A L E S , LiV. V .

455

vez & parlerent de paix, efperant que pendant ces p r é - 1524 tendus a c c o r d s , Briones ne manqueront pas de venir avec les autres foldars pour les fecourir. D e forte donc que cependant qu'ils traitaient d'acommodement, Olid déclara qu'il eftoit contant d'obeïr à C o r t é s , pourveu que fa charge luy demeuraft, & encore d'autres conditions. C o m m e ils eftoient fur les termes de conclure foutes chofes, il feleva une fi furieufe tempefte, qu'encore que François delas Cafas fit amarrer les navires, ils ne laifferent pas que d'efchoùer ; il y eut quarante S e s V a i f f e a u x nommes de noyez ; les autres fortirent à nage tout nuds p e r i f f e n t . & mal traitez y au moyen dequoy Chriftofle d'OIid emporta la victoire fans refpandre de fang. Cependant les foldats defarmez & en mauvais équi- t e s S o l d a t s d e page s'eftant raffemblez , & ayant efté habillez & bien las C a f a s p r é t e t ferment à Olid. traitez par Olid, firent un ferment folemnel de le reconnoiftrepour leur Capitaine, Il fit auffi un très- bon traitement à François delas Cafas & le mena en fa maifon, avec D i e g o d'Alvarado, Diego H u r t a d o de Mendoça, Louis de Cardenas, Carcamo & d'autres Seigneurs, en intention de mal-traiter Gille G o n ç a l e z , pour s'eftre efloigné de fa compagnie. Apres qu'Olid eut difpofé de toutes ces chofes, il s'en alla dans la Valée de Naco COal fi da st rena i tfae mdelas aien laiffant dans triomphe de la Cruz quelques-uns des fon. prifonniers & en menant d'autres avec luy ; il apprit que Briones fon Meftre de Camp avoit pris cinquantefix hommes de Gille Gonçalez , & fon Sergent Major, mais qu'il leur avoit auffi-toft donné la liberté , dont il en fut fort fâché. Cependant Gille Gonçalez ayant a p pris ce qui eftoit arrivé à delas Cafas , & voyant qu'il n'avoit pas de forces fuffifantes pour refifter à celles de François H e r n a n d e z , il s'approcha de la marine & s'embarqua dans trois navires qu'il avoit, après avoir laiffé dans la peuplade qu'il avoit commencée dans la Province de Nito, Diego de Armenta avec quelques Caftillans & s'en alla à San Gille de Buena-vifta, où il fit prendre François Riquelme & un Preftre , parce qu'ils s'eftoient foûlevez & avoient commis des excez. D e là il paffa à ;


456 Choloma,

1524 can

R u a n o

Gille Go

F e n d

cales.

Manuel jas

de R o -

d o n n e avis à

l'Efpagnolle guerres delas

ils

des

civiles

Ybueras.

tuent C h r i -

ftofle

d'olid.

H I S T O I R E

ce qu'ayant appris Chriftofle d ' O l i d , il y envoya le Capitaine fean Ruano , lequel l'ayant attaqué de n u i t , le prit & l'emmena à Naco, dont fes gens prétèrent auffi le ferment à Chriftofle d ' O l i d , lequel leur fit le mefme traitement qu'il avoit fait à ceux de François delas Cafas & à Gille Gonçalez. Manuel de Rojas qui gouvernoit en l'lfle de C u b a , ayant appris que ces Capitaines fe faifoient ainfi la guerre e n t r ' e u x , en donna avis à l'Audience de l'Efpagnolle, où il fut arrefté que l'on envoyeroit P e d r o M o r e n o Procureur fifcal pour appaifer ces troubles. Cependant le b o n traitement que Chriftofle d'Olid faifoit aux prisonniers , la feureté en laquelle il vivoit & la liberté qu'il vfoit envers eux leur donna fujet de luy demander plufieurs fois la liberté ; & comme il n'y vouloit pas entend r e , ils l'en importunoient & vfoient mefme de menaces par diffimulation ; mais comme il fe confioit beaucoup en e u x , il ne faifoit pas eftat de leurs paroles ; joint que comme il eftoit vaillant Se courageux & qu'il eftoit aimé des foldats, il n'avoit nulle apprehenfion. Enfin les prifonniers s'accordèrent enfemble de le tuer en foup a n t , lors que le Capitaine de la garde & les autres feroientfortis ; & ayant concerté leur deffein à un Marc h a n d d e la Ville de C i u d a d - R o d r i g o , ils prirent p r e mièrement les armes de la g a r d e , mais François delas Cafas l'attaqua avec un ganif, dont entr'autres bleffures il luy en donna un coup dans la gorge ; & Gille G o n çalez qui eftoit à cofté de luy , luy donna d'autres coups avec une d a g u e , cependant que Mercado le tenoitpar derrière ; & nonobflant qu'il euft receu plufieurs coups, il ne laiffa pas q u e d'échaper de leurs mains. Auffi-toft après il y eut grande r u m e u r , & pour l'appaifer l'on fit un cry au nom de C o r t é s , par lequel on declaroit q u ' O lid eftoit mort ; lequel fe voyant aux abois, fe découvrit à u n Preftre, & le requit de l'efcouter en confeffion. L e Preftre fous la promeffe qu'on luy fit de ne luy faire a u cun t o r t , le denonça. Apres que les homicides eurent appris de fes nouvelles, ils tinrent confeil enfemble pour fçavoir


DES

INDES

OCCIDENTALES

Liv.

V.

457

fçavoir ce qu'ils en feroient, & comme ils eurent c o n fideré que l'homme mort ne pouvoit plus faire la guerre , l'achevèrent ; puis luy ayant fait fon p r o c è s , la Sent e n c e fut prononcée contre luy comme contre un traiflre ; & ayant fait trainer fon corps dans la place t o u t froid, ils luy coupèrent la telle. Voila enfin comment s'acheva la valeur de Chriftofle d'Olid par fa trop grande confiance,Capitaine fameux , & des plus fignalez des I n d e s , fi après tous les grands fervices qu'il avoit rendus il n'euft point fauffé la foy qu'il avoit promife inviolablement à Fernand Cortés. C o m m e par cette mort François delas Cafas fut demeure pacifique, toutes les chofes de cette Province changèrent auffi-toft de face, parce que les foidats de 2fito fecoüerent le joug de Fobeïffance de Diego de  r m e n t a , & nommèrent en fa place Diego Nicto. Ils attirèrent auffi les foldats qu'il avoit confiez à Iuan Ruano , qui eftoit d'un autre cofté, & s'en alla auffi-toft à Cuba. Briones entra dans le païs avec les gens qu'il avoit ; & François delas Cafas pourveut à tous les Offices de cette peuplade à la place de ceux qui y eftoient. Le Procureur fifcal M o r e n o partit de l'Efpagnolle avec ordre particulier défaire en forte que François Hernandez de C o r d o u ë abandonnaft la terre de Nicaragua , & que Gille Gonçalez en prift poffeffion ; & pour mieux accomplir fon voyage il paffa à Cuba. D'ailleurs Fernand Cortés envoya un fecours de vivres & de munitions après François delas Cafas dans le navire de Pedro G o n çalez de Truxillo qui s'en retournoit d'auprès de Puerto de Cavallos pour aller à Panuco affez mal-traité , lequel affirma qu'il eftoit prefque impoffible que François delas Cafas le peuft fauver, à caufe d'une furieufe tempefte qui eftoit furvenuë ; & que luy mefme eut bien de la peine à s'en tirer, quoy qu'il eut alegé fon navire. Q u e l que temps après C o r t é s eut avis de la prifon de François delas Cafas, & de Gille Gonçalez dont il fut fort fâche ; à caufe dequoy il avoit deffein d'aller en perfonne contre Chriftofle d'Olid , & cependant il advertic le

Kkk

1524.

Et luy font fon p r o c e z a p r è s fa mort.

Les foidats o beiffent a D i e g o Nicto.

Le

Fifcal

p o u r las

part Ybue-

ras.

Corsés du

envoye

fecours

François Cafas.

à

delas


458 1524.

H I S T O I R E

R o y de ce foulevement & du voyage qu'il avoit deffein d'y faire. Mais le R o y ne fit pas beaucoup d'eftat de cet avis ; il fe c o n t e n t a feulement d'écrire à Chriftofle d ' O l i d , luy enchargeant d'eftre en bonne intelligence avec C o r t é s , & qu'il vinft rendre compte à fa Majefté de ce qui fe paffoit en cette t e r r e , s'imaginant que cette divifion ne procedoit que du trop grand gouvernement qu'il poffedoit.

C H A P I T R E

X I V ,

Les Officiers Roy aux arrivent à Mexique. De l'avis qu'ils donnent au Roy. Cortés envoyé à Chiapa le Capitaine de Mazariegos,

C

O m m e Cortés eftoit fur les termes d'aller à las Ybueras , le Treforier Alonfé d'Eftrada, le Maiftre R o y a u x arrivée des Comptes Rodrigue d'Albornoz , Gonçale de Salaà Mexique. zar Facteur, & le Vifiteur Peralmendez Chirinos arrivèrent à Mexique. Ils y furent fort bien reçeus & honorez; mais chacun félon fon caprice jugeoit des chofes comme bon luy fembloit , & tous pretendoient avoir pour eux des montagnes d'or. Dans ces diverfes penfées ils s'enqueftoientde l'eftat des chofes de la terre 6c des actions du Gouverneur. Cela donna lieu d'abord aux chimères, aux adulations & aux murmures des mal contens, difant I l s é c r i v e n t a u qu'ils eftoient mal-traitez de Cortez. Ces Officiera ayant R o y a n e f a v a n - receu ces plaintes en ecrivoient auffi-toft au Roy , & t a g e de C o r t e s . luy mandèrent que la ville de Mexique contenoit quatre vingt mille habitans ; & Tezcuco avec fon voifinage cent mille. Ils luy donnèrent avis des mœurs 6c inclinations des Indiens ; la manière de vivre des Caftillans- que la terre eftoit fort riche, & que l'on en pourroit tirer de grands biens, & délirant par ce moyen acquérir plus de bien-veillance envers fa Majefté, ils luy ecrivoient un peu plus qu'il n'eftoit befoin. Et fur tout ils faifoient grande eftime des trefors de Cortés ,& l'opinion que 1 on Les

Officiers


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv. V .

459

avoit qu'il en avoit beaucoup de cachez, & mefme ceux de Montezume. E t comme ils luy portoienr tous grande envie, ils paffoient plus outre & difoient que l'authorité qu'avoit le Gouverneur eftoit fi grande, qu'elle paffoit pour tyranie, donnant par ce moyen des ombrages & faifant entendre les grands inconveniens qu'il en arriveroit,au cas qu'il ceffat de vouloir eftre fidèle à fon Roy. E t le Maiftre des Comptes Albornoz & Gonçale de Salazar expliquoient mai fes penfées. L'on traita de fes comptes à caufe qu'il y avoit quelques debtes ; & particulièrement fur ce que Cortés avoit dépenfé foixante mille écus pour la levée de quelques armées ; & les Officiers reprefentoient au Roy que l'on ne luy en devoir pas tenir c o m p t e , parce qu'il les avoit levées à mauvaise fin. Enfin ces gens avoient deffein de donner des bornes à l'authorité de C o r t é s , à quoy tous les autres Officiers contribuoient pour fe l'attribuer chacun pour foy en particulier, favorifez en cela par la vanité & p r é e m p t i o n du Treforier Eftrada, avec l'aftuce & ambition du Fadeur Gonçale de Salazar , & fécondez par P e ralmendez , parce qu'ils eftoient tous trois ferviteurs de Cobos : mais l'inquiétude de Rodrigue d'Albornoz qui refiftoit à la trop grande eftime que faifoit le Treforier de fa perfonne, fut caufe qu'ils commencèrent à fe divifer éntr'eux & à avoir des differens ,quoy qu'ils fuffent tous unis pour l'avarice & pour écrire contre C o r t é s , lequel fouffroit patiemment, non fans grande inquiétude ces diverfitez d'humeurs, & l'arrogance avec laquelle ils agiffoient. Mais pour cela il ne laiffoit pas d'agir & d e pourvoir à t o u t , & particulièrement pour la confervation du bien acquis, & répondoit a t o u t avec une grande refolution & promptitude. Et comme ii recevait des avis à tous momens de tout ce qui fe paffoit dans les P r o vinces ; ayant appris qu'il y avoit un foulevement dans celle de C h i a p a , & que les naturels du païs ne vouloient pas o b e ï r , il envoya des gens pour la pacifier fous la conduite du Capitaine D i e g o de M a z a r i e g o s , auquel kkk

ij

1524.

Ils v o u d r a i e n t bien limiter l'authorité de Cortes.


460

1524. M a z a r i e g o s va pacifier C h i a p a .

Les ques

Chiapaneluy

refi-

ftent-

M a z a r i e g o s dem e u r e feui d a n s cette P r o v i n c e

H I S T O I R E

il donna cent cinquante foldats & quarente chevaux, outre q u a n t i t é de volontaires , gens de condition qui voulurent eftre de la partie, pluftoft pour s'éloigner des paffions qui commençaient à naiftre dans Mexique qu'autrement. Ce Capitaine y mena auffi grand n o m b r e de Tlafcalteques & de Mexiquains. Il fit rencontre de Pedro P u e r t o - C a r r e r o , que Pedro d'Alvarado avoit fait partir de Guatemala , p o u r le mefme effet. Avant que ces deux Capitaines fe joigniffent, D i e g o d e Mazariegos t r o u v a de la refiftance parmy les chiapancques ; & quoy qu'il vfoit de grande diligence pour tâcher de les ranger dans le devoir par la d o u c e u r , ils fe cantonnèrent dans un lieu t r è s - f o r t , o ù ils fe deffendir e n t quelque temps ; mais enfin après plufieurs combats l'on prit cette place de force. Et neantmoins ceux qui fe fauverent ne laifferent pas de fe raffembler, & de perIlfter dans leur rébellion,. affiftez de quantité d'autres qui tinrent bon dans un autre lieu, o ù ils fe deffen dir e n t avec tant de refolution & d'obftination qu'ils ne pouvoient plus lever les bras. Mais après t o u t c o m m e ils fe virent perdus , la plus-part d'entr'eux prirent: leurs femmes & leurs enfans fur leur dos & fejetterent du haut en bas dans des rochers qui répondoient du c o fté d'une rivière qui paffoit au pied de cette fortereffe qui eftoit bâtie fur le haut de la R o c h e , qui eftoit t r è s haute., o ù il y en mourut t a n t , que d'un grand n o m b r e qu'ils eftoient il n'en refta pas plus de d e u x mille, qui font ceux qui y fubfiftent encore jufques à p r e f e n t , o u leurs defcendans, Enfuite de cette v i d o i r e D i e g o d e M azariegos alla chercher Pedro P u e r t o - C a r r e r o , qui fe maintenoit dans la Province du mieux qu'il pouvoit. Il le trouva dans C o m i l l a n , & le contraignit de quitter cette terre & de s'en retourner à Guatemala, parce qu'il n ' e ftoit pas affez f o r t , pluftoft que de hazarder une bataille. E t d'autant que D i e g o de Mazariegos offrit aux foidats de P e d r o P u e r t o - C a r r e r o , qui voudroient demeurer avec l u y , de partager les terresa v e ceux & avec les fienS, puifqu'il y en avoit affez pour tous, plusieurs paffe-


DES INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.

V.

461

rent de fon cofté qui fut la conclusion de ce voyage & Mazariegos leur tint la parole qu'il leur avoit donnée,& aux uns & aux autres. D e forte donc qu'ayant divifé les terres entre t o u s , ils commencèrent de s'eftablir dans Chiapa ; avec cette différence que l'on les a toujours diftinguez les uns d'avec les autres, d'où l'on croit que font procedées les partialitez de cette Province, Mais il eft pourtant vray que les hommes s'y gouvernent félon le temps 6e comme il leur plaift ; car il s'eft veu des pafflons & des inimitiez e n t r ' e u x , félon que les occafions s'y font prefentées. Diego de Mazariegos demeura quelques mois à faire les partages de cette terre & des p e n plades* Mais les Chiapaneques ne tardèrent guère à fe foulever, & Mazariegos retourna les m e t t r e dans le devoir par le châtiment qu'il fit de quelques-uns. N o u s parlerons cy-apres des particularitez de cette Province en quelque lieu où il y aura plus d'efpace, parce que délirant traiter en bref des affaires de cette a n n é e , il n'y a pas beaucoup de lieu en cet endroit.

Fin du cinquième Livre,

Kkk

IIJ

1524


462

H I S T O I R E GENERALE DES VOYAGES E T C O N Q V E S T E S des Çaftillans dans les Mes & Terre-ferme des Indes Occidentales. LIVRE

C H A P I T R E

SIXIESME.

PREMIER,

Du foin que le Roy avoit pour le fèirituel & le temporel, du Gouvernement des Indes. Par l'arrivée de quelques navites qui viennent de ces quartiers , l'on foliçite l'armée que bon envoyait à l' Efpicerie.

Le Pieté du R o y que pour le culte di- bon vin.

Roy ne dérogeant point à la pieté Catholiqu''il avoit fait toujours paroiftre pour le gouvernement & police , fpirituelle & temporelle ; ordonna de donner deux mille écusau Monaftere de faint Dominique de l'Efpagnolle pour le bâtir ; & commanda à l'Evefque de Mile F e r nandine de refider en fon Eglife, parce que l'adminiftration des Sacremens ne s'y faifoit pas comme il eftoit requis. Il enchargea aux Généraux des Ordres de S. françois & de S. Dominique , d'envoyer des Predica-


DES

INDES

OCCIDENTALES,

LIT. V I .

463

teufs pour la converfion des Indiens. Il ordonna que l'on donnaft une maifon aux dépens des confifcations dans la Ville de S. Iacques de la Fernandine, aux Pères Dominiquains pour faire un Monaftere qui fervift de Séminaire , d'où il en fortift des Religieux pour aller prefcher en d'autres parties des Indes, il demanda à Sa Sainteté un Jubilé pour ceux qui mouroient dans l'Hofpital de S. Iacques de Cuba ; & que puifque les Rois affiftoient avec tant de forces temporelles pour la p r o pagation de l'Evangile, il eftoit juifte que Sa Sainceté favorifaft les Catholiques des fpirituelles. Il fit donner la troifiéme partie des revenus Ecclefaftiques qui luy appartenoient à l'Evefché de la Conception de l'Efpagnolle pour la Fabrique de l'Eglife Cathédrale de S. D o m i n i q u e , & de dix mille Maravedis par an , pour dix ans à l'Hofpital de la Ville de Seville de Iamayca ; & pour les Fabriques des autres Eglifes de Caftille de f o r , il fit de grandes aumofnes, & demanda une autre I n d u l gence pour les Hofpitaux de S. D o m i n i q u e & de Panama. Il enchargea fur tout à Pedrarias d'avoir foin du bon traitement, converfation & doctrine des Indiens, remettant le tout fur fa confcience, l'advertiffant qu'il déchargeoit par ce moyen la fienne;parce qu'il recevoit toujours des avis de ces quartiers que l'on n'y agiffoit pas félon qu'il eftoit requis & neceffaire. Il approuva u n e Declaration que l'Audience de l'Efpagnolle avoit faite, par laquelle elle rendoit libres certains Indiens que l'on y avoit menez de terre ferme, quoy qu'ils euffent déclaré qu'ils mangeoient de la chair humaine, & ordonna que l'on gardait cet ordre jufques à ce que l'on y pourveut autrement parce qu'il fembloit que le meilleur remède pour les attirer à la connoiffance de la Foy & les éloigner de cette abomination, eftoit la douceur. II ordonna qu'à Frère Antoine Montefino, à Frère T h o mas O r t i z , & à dix-huit Religieux Dominiquains qu'ils e m m e n o i e n t , à fçavoir fix pour l'ifle de S. I e m , & douze pour la nouvelle Efpagne, il leur fuft donné dans Seville des habits de Serge j parce qu'ils vouloient que

1524

Le M a r a v e d i s vaut enviton deux deniers.

Le R o y veut q u e l'on t r a i r e d o u c e m e n t les I n diens , quoy qu'ils m a n g e a f fent la c h a i r humaine.


464

1524.

Ordre pour l'inquifition.

Les E s p a g n o l s a p p e l l e n t ainfi l'inquifition.

Divers ordres p o u r les I n d e s .

H I S T O I R E

plus la terre eftoit r i c h e , y vivre avec plus de pauvret. & d'aufterité de vie ; que l'on leur donnaft Je paffage libre , & t o u t ce qu'ils auroient befoin p o u r leur voyage, avec cent ducats dans Seville, & huit cens dans les Indes p o u r les ornemens & culte divin. E t parce que le Cardinal Adrian é t a n t Inquifiteur dans ces Royaumes,avoit d o n n é la charge d'Inquifiteurs dans les Indes à l'Evefque de San Juan , & à Frère Pierre de C o r d o u ë Vice-Provincial de l ' O r d r e de S. D o m i n i q u e qui refidoit dans l'Efpagnolle & qui eftoit decedé ; l ' A r c h e v é q u e de Seville qui eftoit alors Inquifiteur génera] , reprefenta au Roy que parce que les Inquifiteurs eftoient fi éloignez , les affaires du faint Office ne fe faifoient pas c o m m e il faloit ; que les delinquants fouffroient ; dépenfoient beaucoup , outre qu'il n'y avoit p o i n t d'Advocats dans l'Ifle de San Iuan , ny d'autres perfonnes qui aidaffent & folicitaffent pour les parties.. C e confideré il pleuft à Sa Majefté de c o m m e t t r e cet Office à l'Audience de l'Efpagnolle, attendu que c'eftoit la principale & la plus ancienne fituée au milieu des aut r e s , & o ù l'on abondoit de toutes parts pour le trafic ; parce que le Prefident, les Confeillers ou quelqu'autre de c e T r i b u n a l qu'il luy plairoit de c o m m e t t r e , eftant des perfonnes d ' a u t h o r i t é , de fcience & d e c o n feience & capables d'exercer cette c h a r g e , le faint Office auroit plus d ' a u t h o r i t é , & feroit plus craint & refp e & é , & les habitans de ces lieux feroient moins inquiétez & plus en repos. Le R o y ayant délibéré là deffus., & q u e c'eftoit peu faire que d'eftablir une R e p u b l i q u e , fi elle n'eftoit affermie fur des fondemens les plus neceffaires pour la conferver femblable à celle-là ; p o u r v e u t en cette occafion de plufieurs d i g n i t e z , de Prébendes, de Bénéfices Ecclefiaftiques & de q u a n t i t é d'Offices temporels ; Q u e les Magiftrats de police refidaffent. dans S. D o m i n i q u e , parce qu'eftant dans leurs quartiers ils ne pouvoient pas bien exercer leurs c h a r g e s , & que l'Audience ne permift pas que l'on fift aucun t o r t aux Marchands jufques à ce qu'il fut informé de leurs présentions


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. V I .

465

tendons dans la Ville. Il donna une L e t t r e de feureté 1 5 2 4 à Gonçale demandez d'Oviedo , qui avoit efté cydevant Vificeur des fondations de terre-ferme ; parce qu'il apprehendoit D o n a Yfabel de Bavadilla & fes enfans. Il envoya le Licencié Altamirano avec la c h a r g e d'Intendant de la Iuftice dans I'Ifle F e r n a n dine, pour faire rendre compte aux Officiers de l'Adelantado Diego Velafquez , & au Licentié Alonfo Zuafo de leurs actions. E t dautant que fa Majefté O r d r e à Cortés d ' e n v o y e r le Liavoit eu avis de fon entreprife dans la nouvelle Éfpa- centié Zuazo gne , elle manda à Cortés de l'envoyer prifonnier à p r i f o n n i e r à C u b a , pour fe purger des crimes que l'on luy impu- C u b a , toit ; Q u e les habitans Caftillans qui eftoient mariez dans les Indes pourroient aller avec leurs femmes-où bon leur fembleroit; Q u e de là en avant l'on ne menait plus de N è g r e s , tant de l'un que de l'autre fexe dans les I n d e s , que la troifiéme partie feulement de ce que l'on y en envoyoit a u p a r a v a n t , & que ce ne D é f e n f e d ' e n fuffent que des femmes Nègres ; Q u e l'on tranfpor- gv roeyse r d adness l e sIntaft l'or & l'argent de toutes les Provinces dans l'Ef- I n d e s . p a g n o l e , t a n t celuy du Roy que des particuliers, afin que les flotes pûffent eftre envoyées avec plus de feureté ; Q u e l'on envoyait de l'Efpagnole tous les ans cinquante faulcons,& autant de la nouvelle Efpagne pour le Roy. Et dautant que le Licentié Lucas V e lafquez d'Ayllon eftoit demeuré d'accord avec le R o y , Q u e l ' o n e n d'armer dans un an pour aller à la découverte , & vc oo ny sé ddee sla f na uolt- peupler en la partie du N o r t une terre qui eft au v e l l e E f p a g n e trente-cinq ou trente-feptiéme degré du N o r t - S u d , & d e l ' E f p a gnole. à l'oppofite de celle de l'Efpagnole , qui félon fa fituation , & les indices que l'on en avoit devoit eftre fertile, parce qu'il y avoit quantité d'arbres , & des plantes de Caftille , & que les habitans de ces lieux eftoient fort raifonnables & de bon efprit, & plus aifez à vivre dans une bonne police que ceux de l'Ifle E s pagnole ny des autres Ifles qui avoient efté découvertes jufques-là, & que l'on appelloit Chicora. A caufe de laquelle découverte l'on luy avoit accordé les aLII


466

H I S T O I R E

vantages & les commoditez que l'on a de couftume de donner à ceux qui vont en découverte , de qui vont pour peupler de nouvelles terres , Et ce Licentié eftoit occupé à examiner les comptes , & reformer les malverfations des Officiers de r i f l e de San Juin , l'on luy donna encore un autre temps pour l'exécution de fon T r a i t é - L ' o n ordonna auffi de folliciter R o d r i g o de Baftidas habitant de Saint D o m i n i q u e , d'aller peupler le port de Santa Marta , parce qu'outre les chofes que l'on luy avoit a c c o r d é e s , on luy avoit encore d o n n é le titre d'Adelantado ; à condition que les Indiens ne feroient nullement traitez comme des Efciaves , mais c o m m e libres de vaffaux du R o y . D a n s ce mefme temps , qui fut le cinquième de May de cette année , il arriva à S. Lucar de Barrameda cinq navires des Indes , dont l'on donna auffitoft avis au R o y , avec une defcription de ce qui eftoit dedans ; & du voyage de Gilles Goncales à las Ybueras. L e Roy ordonna que l'on donnaft au fadeur de la maifon de Contractation de Seville qui eftoit e n t r é L'on donne ordre de folliciter dans la Certifia,, & qui fe n o m m o i t Chriftofle de H a ro , douze mille ducats , de l'or qu'a voient a p p o r t é les l'armée pour aller à l'Efpice- n a v i r e s , pour payer les gens de guerre du navire de rie. la Victoire , de pour achever d'équiper l'armée qu'il avoit o r d o n n é de lever pour envoyer à l'Efpicerie, de la caravelle que devoir emmener le Pilote Eftienne G o m e z , pour chercher par le N o r t le d é t r o i t pour paffer aux Moluques & au Catay , quoy qu'il ne fift pas beaucoup de diligence pour cela, à caufe des grandes plaintes que le R o y de Portugal faifoit , délirant que l'on fift quelque inftance pour cela , quoy que par la Relation de ceux du navire de la Victoire , le R o y fuft pleinement informé que fes Ifles de l'Efpicerie ne t o m b o i e n t pas dans les bornes de fa navigation. Auffi toft après l'on eut avis qu'il venoit encore trois navires des Indes : Et parce qu'il eftoit arrivé quantité de Corfaires autour de Cadix dans trois navires ; 6c deux galions, qui s'eftoient enquis s'il n'eftoit point 1524.


DES I N D E S

OCCIDENTALES,

Liv.

VI.

467

arrivé de navire des Indes ; & qu'il n'y avoit pas moyen d'armer d'autres navires pour les envoyer efcorter, l'on dépefcha une caravelle pour leur donner avis de n e point fortir des Ifles Açores qu'ils ne fuffent bien accompagnez. Dans ce mefme temps auffi le Licentié Efpinofa eftoit déjà arriué en Cour , qui avoit efté Alcade Major dans la terre-ferme des I n d e s , & comme il y avoit rendu de grands fervices, le R o y entre autres faveurs qu'il luy fit , afin q u e la mémoire de c e t t e lignée fuft confervée : Luy donna pour armes Un Efcu en champ d o r é , & dans la moitié de l'Efcu à main droite un jonc , & une poignée de fléches , qui eftoit la devife des Rois Catholiques ; Et dans l'autre m o i t i é , deux Caravelles, pour marque de ce qu'Efpinofa avoit fervi dans la Caftille del oro , par o ù l'on devoit découvrir les Iffes de l'Efpicerie ; de au deffus de l'Efcu une Eftoille , qui fignifioit le pole Autarcique, & pour orie de l'Efcu, Caftillos y Zeones.

C H A P I T R E

1524. Il r o d e d e s Corfaires aut o u r de C a d i x p o u r efpier l a flore q u i v i e n t des Indes.

Armes q u e le Roy d o n n e Efpinofa.

à

II

Les Officiers Royaux de Mexique continuent à écrire en Cour contre Cortés. Autres affaires des Indes.

C

omme la profperité ne manque jamais de traverfes, ainfi Cortés n'en fut pas plus exempt que les autres , car les Officiers Royaux de Mexique ne L e s O f f i c i e r s R o y a u x de M e ceffoient d'écrire en Cour des chofes de luy qui en x i q u e é c r i v e n t gendroient pluftoft de l'inquiétude dans l'efprit du c o n t r e C o t t e s . R o y , & des foupçons, que de bonne volonté à agréer les fervices qui luy eftoient rendus : Ils difoient que C o r t é s avoit beaucoup d'artillerie , & de munitions & & qu'encore que cela fervift beaucoup en apparence pour tenir les Indiens en fujetion, s'il avoit deffein de changer d'opinion , il feroit bien difficile de luy refifter ; Et que l'artillerie n'eftant aucunement neceffaire contre les Indiens, puifque les arbaleftes & les efcoupettes eftoit ce LII i j


468

1524.

Ils envoyent des perfonnes an Roy porter ces n o u v e l l e s .

H I S T O I R E

que les Indiens craignoient le plus , qu'il fuft défendu d'en fondre davantage , & que celle qui eftoit en eftat fuft mife dans la fortereffe ; & que le Roy nommaft un Alcayde pour cet effet ; Q u e Cortés n'avoit p o r t é aucun refpect aux Mandemens du R o y , & qu'il eftoit neceffaire d'agir avec que luy avec beaucoup de diffimulation , & l e chafter du G o u v e r n e m e n t de la nouvelle Efpagne par adreiïe , & leur envoyer les ordres neceffaires pour c e la, Ils prifoient tant qu'ils pouvaient les grandi revenus du Roy , & difoient que Cortés les divertiffoit par des voyes extraordinaires , & qui n'eftoient connues qua luy mefme ; & que pour ne pouvoir confier les Lettres à perfonne , ils envoyaient Lope de Samaniego, avec une inftrutlion qu'ils avoient arreftée entre eux , & du confentement de tous , qui contenoit en fubftance ; que l'on leur envoyaft des Commif fions du Roy, les noms en blanc, pour attirer des perfonnes à fon fervice ; Que l'on ordonnaft au Gouverneur de ne refaire aucune chofe fans la communiquer premièrement aux Officiers Royaux, ainfi que l'on avoit fait dans la Caftille de l'or ; Que bon donnaft ordre de faire de nou veaux partages d'Indiens , parce que Cortés les avoit mal faits , & qu'on leur permift d'en avoir auffi ; Que l'on envoyaft un Intendant de luftice pour examiner l'affaire de François de Garay, que l'on difoit que Cortes avoit fait mourir, parce qu'il ne craignait ny Dieu ny le Roy ; Qu'il ne tenoit aucun compte des Officiers , & que pour cela il eftoit à propos que l'on leur envoyaft des Lettres , portant permiffion de faire des cris publics au nom du Roy , afin que s'il arrivoit quelque altération , ils puffent élire des Capitaines ; Que l'on leur donnaft auffi la faculté de pouvoir entrer dans les affemblées , & eftre receus dans les Gouvernemens de police , en freftant le ferment comme les autres ; & que les provifions que fa Majeftè envoyeroit parlafient au Gouverneur & Officiers , afin qu'ils ne les puffent pas refufer ; qu'il arrivoit force peuple dans les Indes , & qu'il eftoit à propos d'en empefcher le paffage , parce que la multitude pourroit caufer quelque révolte. Ils trouvoient à redire à l'entreprife de las Ybueras ; Ils défendoient Chriftofle d ' O l i d ; Ils


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.

V.

469

blafmoient fort François de las Cafas , & ceux qui 1524. l'avoient tué ; & demandoient pour ce fujet que l'on envoyait un Commiffaire examinateur, parce que ce I l s v e u l e n t r e n n'eftoit que pour ruiner la terre , n'y ayant pas procédé d r e C o r t é s c o u p a b l e d e la par les voyes ordinaires de Iuifice, & que Chriftofle m o r t d e C h r i d'Olid n'avoit jamais refufé l'obeïffance qu'il devoit ftofle d ' O l i d , au R o y , mais avoit toujours tenu la terre en fon nom , & à fon fervice ; Et qu'en tout cas quand il y auroit eu quelque apparence qu'il euft excède en quelque chofe contre Cortés , il fuffifoit de le tenir prifonnier, luy faire fon procès , & l'entendre. Mais que l'ambition d'avoir quatre cens lieues de terre & plus fous fa domination, , efter l'inquiétude de fon efprit qu'un autre en pofedaft quelque chofe , avoient caufé ce defordre , & les autres chofes cydeffas fpecifiées, ils requeroient que l'on recouvraft les cent trente mille poids d'or que Gilles Gonçales avoit pris à N i caragua , aux gens de François Hernandez de Cordouë , & que l'on foignaft à remédier aux troubles de las H o n d u r a s & de N i c a r a g u a , parce qu'ils pourroient caufer de grandes révoltes , fi l'on ny remedioit en bref. O u t r e tout ce que ces gens avoient é c r i t , Gonçale de Salazar fadeur , difoit que D i e g o d ' O c a m p o G o n ç a l e d e S a portoit en Caftille plus de vingt mille poids d ' o r , & l a z a r é c r i t e n que l'on le luy prift, parce qu'il les avoit dérobez ; que C o u r p a r t i c u lièrement conc'eftoit la créature de Cortés ; & que ce fut luy qui t r e C o r t é s . défit l'Adelantado François de Garay ; Que l'on ne fe fiaft point à ce Diego d'Ocampo, ny à François de Montejo que Cortés envoyait vers le Roy, parce qu'ils n'y alloient qu'à deffein de fuborner ceux du Confeil , & portoient cent trente mille poids d'or que Cortés envoyait à fon pere, outre quatre vingt mille qu'il luy avoit déjà envoyez cy-devant , & que le fifque s'en devoit faifir , puifquil avoit volé trois ou quatre millions d'or , outre trente-fept ou quarante Provinces qu'il avoit prifes pour luy, dont il y en avoit d'auffi grandes que l'Andaloufie. Outre que fans le trefor de Montezume il avoit encore mis dans terre en trois ou quatre endroits quantité d'or, en telle forte qu'il en poffedoit plufque jamais Prince euft poffedé ; & que les navires qu'il avoit L I I iij


470

H I S T O I R E

ordonné de fabriquer en la mer du Sud , ne fe faifoient à autre deffein que four s'échaper par la , & s'en aller Q u ' i l p o f f e d o i t France, II difoit encore qu'il l'avoit perfuadé de quitplus d'or que ter tant de terre qu'il t e n o i t , & autres chofes qui d é jamais Prince pendoient du R o y ; & qu'il n'en avoit voulu rien fain ' a v o i r fait. re. Mais que comme il eftoit hardi & jaloux , il s'imagi?ioit que tout luy devoit fucceder ainfi qu'il en avoit ufé envers Diego Velafquez, & que pour cet effet il n'envoyoit à fa Majefté que des ouvrages de plume & autres chofes femblables de feu de valeur ; outre qu'il femoit de la divifon entre les Miniftres pour mieux jouer fon jeu. Le Maiilre des Comptes Albornoz écrivoit auffi au C o m mandeur François de los C o h o s , que s'il le voulait favorifer avec du papier & de l'encre, il changeront toutes les chofes de delà en or & en perles pour le Roy, tant efteit grande la paffîon & ambition de ces Miniftres , qu'ils ne fongeoient à autre chofe ; ce qui fut caufe des i n c o n v e niens que l'on verra cy-apres ; mais comme ils n'étoient pas bien d'accord enfemble , ils écrivoient mefme les uns c o n t r e les autres, & fe nuifoient beaucoup,

1524.

C H A P I T R E

III.

De l'inftance que le Roy de Portugal fit a l'Empereur, four quil luy laiffift les ifles de l'Efticerie ; & ce que l'Empereur luy envoya dire par le Docteur Jean Cabrera Confeiller d'Eftat, & le Secrétaire Barrofo,

L e R o y de P o r tugal a regret q u e les C a f t i l l a n s a y e n t efté aux Ifles des Efpiceries.

O m m e l'Empereur receut un g r a n d c o n t e n t e ment de la nouvelle découverte des Ifles de l'Efpicerie, le R o y de Portugal en eut d'autant plus de reffentiment, parce qu'il voyoit bien que les armées de Caftille y pourroient aller fans paffer fur fes limites , qui eftoit le plus grand empefehement qu'il y pou voit apporter de fa p a n 5 Et parce que les Rois de ces Ides s'eftoient offerts pour vaffaux du Roy de

C


DEs

INDES

OcciDENTALEs,

Liv. V I .

471

Caftille , & que fes Capitaines luy avoient affirmé 1524. qu'ils avoient elle les premiers qui les avoient découvertes, ceux qui gouvernoient les affaires des Indes L e s C a f t i l l a n s affirment a voit confeilloient le Roy de continuer la navigation & le e f t é les p r e trafic de l'Efpicerie , parce qu'il en devoit tirer un m i e r s d é c o u grand profit, Se le Royaume a u d i , & que cela fe fe- vd ree uMr so l du eqsu eIffés s, roit à peu de frais. Le Roy fuivant ce confeil avoit ordonné de lever promprement une a r m é e , & qu'après que celle-là feroit partie , l'on en levait encore une , & que l'on la tinft toute prefte pour fuivre la première. Le Roy D o n Iean de Portugal qui eftoit toujours dans l'inquiétude , ayant eu avis de tout ce qui fe paffoit , voyant q u e le plus riche revenu de fon Royaume luy alloit échapper - fit quantité d'offres au Roy de Caftille pour le détourner d'envoyer des armées dans les Ifles de l'Efpicerie, jufqu'à ce que l'on euft décidé à qui elles appartenoient, & qu'il ne luy fift point tant de tort que de luy ofter le plus grand r e venu de fon Royaume ; ny de donner fujet aux P o r tugais Se aux Caftillans de s'entretuer les tins les autres , comme ils feroient infailliblement les deux armées venant à fe rencontrer. O r quoy que l'Empereur vift bien que tout ce que le Roy de Portugal en faifoit n'eftoit que pour retarder les chofes, afin que pendant ce temps-là les Portugais euffent le loifir d'entrer dans les Ifles de l'Efpicerie , ainfi qu'ils avoient déjà c o m m e n c é , & que les Caftillans les y t r o u v a i e n t en poffeffion ; & qu'il fçavoit de bonne part que le Roy de Portugal envoyoit des ordres & des gens pour cet effet ; Se ayant déjà efté envoyé plufieurs ambaffades de part & d'autre , & des répliques ; Enfin l'Empereur envoya le Docteur Iean C a brere fon Confeiller d'Eftat , & le Protonotaire Barrofo fon Secrétaire, pour certifier au R o y D o n Iean , que fon intention eftoit de garder la capitulation d e Tordefillas, & qu'il fift en forte de fon cofté de trouver les moyens de répondre a ce qui luy avoit efté propofé.,pour accommoder l'affaire,ou qu'il en p r o -


472

H I S T O I R E

pofaft d'autres qui paruffent plus convenables ; parce 1524. qu'il n'avoit point d'autre deffein que de conferver Le R o y de C a le mefme parentage 6c amitié avec l u y , que les p r e ftille envoye u n e a m b a f f a d e deceffeurs avoient fait, & qu'il aimoit mieux perdre a u R o y d e P o r - pluftoft quelque chofe de fes droits , q u e de gagner. Et tugal. parce qu'il avoit dit, que ceux qui luy reprefentoient ces chofes ne le contentoient pas , & qu'il fouhaitoit qu'il allaft deux, caravelles de chaque cofté pour faire l'alignement des mers, & que cependant perfonne n'envoyaft d'armée a l'Epicerie, il fut dit que l'on en eftoit content , attendu que cela eftoit forte par la capitulation ; & qu'il convinft avec le Roy, ou avec celuy qu'il luy plairoit de commettre , des moyens que l'on devait garder pour cet effet, en obfervant toujours les termes de la capitulation , & que l'on ne concluft rien fans le conjulter premièrement. Q u e quant à ce qui eftoit pendant ce t e m p - l à , Ce q u e l e s A m - de ne p o i n t envoyer d'armées b a f f a d e u r s d o i - cela neftoit pas jufte ny raifonnable, puifque la capivent dire. tulation ne le défendoit pas ; Outre que cela tournerait au préjudice de la, poffeffion naturelle & civile , que la Couronne de Caftille avoit dans les ifles des Moluques , & dans les autres Ifles & terres qui en dépendaient , & que pendant le temps du voyage des deux caravelles , ils pouvaient découvrir leurs armées ; que puifque le Roy Don Iean fçavoit bien que l'Empereur avoit efté receu pour Seigneur des Ifes des Moluques , & que les Rois qui les poffedoient, luy avoient rendu obeïffance de leur franche volonté , fans aucune contrainte , qu'ils l'avoient reconnu pour leur Seigneur naturel, & s'eftoient eux-mefmes confiniez en fon nom pour fes Gouverneurs & confervateurs de la terre ; joint que fes gens avec la plufpart de la marchandée que fon armée y avoit portées eftoient déjà dans ces Royaumes ; il n'eftoit pas raifonnable de vouloir empefcher d'y envoyer d'autres armées , attendu que le Roy Bon Iean ri eftoit en aucune poffeffion de pas une de ces Ifies des Moluques , ny d'aucune autre que les Caftillans avoient découvertes. Et d'autant que l'Empereur ne l'avoit pas adverty qu'il ceffafi de continuer la poffeffion en ce qui touchait Malaca & autres


Des

INDES

OCCIDENTALES,

Liv. V I .

473

très lieux qu'il avoit découverts , quoy qu'ils tombaffent dans les limites de Cartille , comme tout le monde l'affirmait & que les Portugais mefme le difoient hautement , l'on pouvoit reconnoiftrepar là quelle injuftice c'eftoit de demander que l'en ceffaft d'envoyer des armées aux Moluques, & en d'autres terres où l'Empereur eftoit enpoffeffion civile & naturelle, & il eftoit obeïpour Seigneur légitime. Il ordonna à fes Ambaffadeurs que file Roy Don-le an prenait pour prétexte que durant le temps de l'alignement, l'Empereur difoit que Malaca & d'autres ifles par luy prétendues tombaient dans fes limites ; qu'il cefferoit d'envoyer fes navires dans ces quartiers , pourveu quel'Empereur fift la mefme chofe aux Moluques ; ils luy fiffent réponfe que l'on avoit déjà parlé de cela : & qu'en tout cas il eftoit neceffaire de propofer de nouveaux expédients pour parvenir à une fin, & qu'ils luy fignifiaffent qu'il eftoit tout preft de conferver entr'eux leur parentée & aliance par de bonnes œuvres , pourveu qu'elles ne préjudiciaffent pas a fa Couronne , à fon droit depoffeffion & de propriété , ny en la continuation Renvoyer fes armées ; & de traiter l'affaire avec beaucoup deprudence & de douceur , fans luy donner fujet de fait, ny de parole, de douter de l'amour qu'il avoit pour luy ; & de luy faire entendre qu'il condefcendroit de bonne volonté à toutes fortes de moyens juftes,pourveu qu'ils ne fuffent pas à fon préjudice. Cette Ambaffade ayant efté faite avec quantité de répliques de part & d'autre, le Roy de Portugal refolut enfin d'envoyer d'autres Ambaffadeurs à l'Empereur , ne trouvant point de moyen plus convenable que de fe tenir aux termes de la capitulation de Tordefillas, & luy demander avec inftance fon accompliffement.

M m m

1524


474

H I S T O I R E

1524.

C H A P I TRE

IV.

Le Roy de Portugal envoyé des Ambaffadeurs à l'Empereur, ils luy parlent dans pamplune ; & la réponfe qu'il leur fit.

L

Es Ambaffadeurs Portugais eftant arrivez à la Cour qui fe tenoit alors dans P a m p l u n e ; après avoir d o n n é leurs lettres de créance ils requirent l'Empereur de dépurer des gens pour traiter des chofes concernant L ' E m p e r e u r n e - leur Amballade. P o u r c e t effet il fut n o m m é des perm e des p e r f o n fonnes qui eftoient les mieux informées en ce négoce, r e s p o u r acco m o d e r les d i f f é - non foupçonnée d'aucune paffion, Ils virent les capitur e n d s a v e c les lations qui avoient efté faites par les Rois Catholiques, Portugais. & par le Roy D o n Manuel pere du Roy de Portugal, qu'ils avoient entre leurs mains Apres qu'ils eurent confère plufieurs fois fur cette affaire , les Ambaffadeurs C e q u e les A m - Portugais prièrent l'Empereur de l'écouter ; Or le fruit baffadeurs Porde leur Requelle eftoit de luy prefenter les capitulations, & le tugais propoprier de les vouloir garder ; puifque par le moyen de fes Ambafi fent. fadeurs il avoit fignifié que telle eftoit fon intention , & qu'eftant dans la refiolution de les vouloir garder , il luy pleuft mettre au pluftoft le Roy de Portugal en poffeffion des ifles des Meluques, a quoy ils difoient que fa Majeft& eftoit obligée en vertu des capitulations ; affirmant que ces lfles ayant efté découvertes de la part du Roy de Portugal fil l'Empereur prétendait qu'elles luy appartitiffent a caufe qu'elles tomboient dans les limites de fa navigation, qu'il les devoit demander & tes recevoir de fa main & ne les pas occuper d'authorité abfoluë ; & que le Roy de Portugal tenant cela pour confiant ( ce qu'eux mefmes ne pouvaient pas nier , ny ne s'imaginoient pas que cela ne peut pas eftre ) il eftoit dès l'heure mefme tout préparé de les luy donner & l'en mettre en poffeffian félon la teneur de la capitulation de laquelle, audit nom, ils vouloient fie firvir, & requéraient que l'on lagardaft Et pour cet effet comme de chofe que l'on faifoit & traitoit de bonnefoy , tant pour le refipect des perfion-


D E S I N D E S O C C I D E N T A L E s Liv.Vl. 475 nés de fi haute confédération qu'à caufe du parent ave qu'il y avoit entr'elles ; ils ne defiroient fe fervir d'autre droit ny allégation que de fuivre feulement les termes contenus en la fufidite capitulation.

Là deffus il fut répondu par quelques uns du Confeil de l'Empereur, que la volonté & intention avoit t o u jours elle , & eftoit encore de garder les capitulations, & de n'y contrevenir en quelque façon que ce fuit. E t ces paroles eftant entendues felon le véritable fens de la raifon , l'on trouveroit qu'elles faifoient en faveur de la Couronne de Caftille, & que par icelles l'on voyoit clairement l'intention de l'Empereur. Parce que traitant de bonnefoy comme les Amhaffadeurs difoient, il ri eftoit plus quefiion que de voir la teneur de la capitulation & la garder ponBuellement felon ce quelle contenait. Ioint qu'ils trouveraient dans le mefme Chapitre fur lequel ils fe fondoient, qu'il eftoit dit anfi que fi les navires de Caftille trouvaient quelque terre oui Ifles dans la mer Oceane, & que le Roy de Portugal prétendift & allegaft qu'elles auraient efté trouvées dans les limites de fon alignement , les Rois de Caftille fufient obliger à les luy donner & mettre en foffeffion , dont on ne pouvoit prétendre aucune caufe d'ignorance, eftant fpecifié dans un mefme chapitre : qu'ainfi l'on voyoit clairement , que puifque les Ifles des Moluques furent découvertes par des Navires Caftillans & non portugais, comme ils difoient par la mefme capitulation, il les foffedoit juftement jufques a, ce qu'au moins l'on euft rendu un jugement furie véritable alignement, & que le Ray de Portugal , cela eftant, le devait déclarer & demander ; & qu'encore que cela dépendift des limites de fon alignement, le recevoir de la main de l'Empereur ; lequel promettoit de le faire en quelque temps que cefiuft, pourveu que cela fe fift de la forte ; qu'ainfi l'on ne devoit pas douter que les fufdites Ifles des Moluques n'euffent efté premièrement découvertes par fes navires ; parce qu'an n ' a v o i t point encore oüy parler , ny apris aucune nouvelle du contraire. De forte donc que ce que difoient alors les Ambaffadeurs de P o r t u g a l , eftoit une grande nouveauté dont Sa Majefté s'eftonnoit, eftant une chofe fi notable que perfonne rien devoit entrer en doute ny en prétendre caufe d'ignorance ; & que

M m m ij

1524

R é p o n f e d e la part de reur aux gal-

l'EmpePortu-


476

H I S T O I R E

pour preuve de cela , la poffefiton qu'il en avoit eftoit plus que fuffifaute , continuée defa part fans que le Roy de Portugal y contredift, avec fcience, confcience patience & de bonne grace; & que le Roy Don Manuel fon pere l'avoit fouffert : que maintenant Sa Majefté s'eftonnoit que d'une chofe de fi grande importance-, après l'avoir fouffert un fi long-temps, & confenti prefque pendant deux fucceffions , de le vouloir empêcher & troubler, comme fi c'eftoit une chofe nouvellement avenue. Parce que tous ceux qui en entendroient parler, croiroient qu'il le feraitplufloft en intention de vouloir chercher des fujets de trouble dans un temps que Sa Majefté fe trouvoit dans de grandes neceftitez & dans une jufte occupation contre les ennemis de fes Eftats, que par la voye de luftice, dautant qu'il l'avoit peu demander'plitftoft, & que de fa part il s'en raportoit à la bonne foy, que les Ambaffadeurs Portugal allegoient de l'obfervation & intention de la capitulation. Et qu'au cas que l'on ne peuft pas prouver légitimeContinuation ment contre la paifible poffeffipn des fufdites Ifles, l'on d e la r e p o n f e d e l'Empereur. fondoit fon intention fur le paffé de le prefent ; & p a r ticulièrement que le R o y de Portugal fe fondant fur la propriété du t e m p s , c'eftoit à luy à en donner des pren ves baftantes , & confecutivement de ce qui s'en enfuivoit ; Qu'ayant découvert les Ifies & les poffedant comme il les poffedoit, fi le Roy de Portugal pretendoit qu'elles dépendffient de fes conqueftes, c'eftoit à luy a les demander ; & le pouvant prouver ainfi les recevoir de fia main. Et pour le prendre au pied de la lettre de la capitulation, comme les ambaffadeurs le demandoient, & l'obfervant félon la bonne foy qu'ils allegoieut ; & qu'en cas que depuis Malaca l'on en euft eu aucune connoiffance, ou que l'on y euft veu trafiquer aucuns Portugais (ce qui ne fe trouvoit pas ) l'on ne pouvoit pas dire qu'elles avoient efté découvertes par les navires Portugais, comme le requeroit la capitulation ; & qu'ainfi e ftant une chofe de fait, non contenue dans lu capitulation, Sa M ajefié n'eftoit pas obligée ny difposée dy entendre. Et que fuppofé que les navires Portugais les euffent découvertes ( ce qui ri eft pas véritable) on ne pourrait pas pour cela prouver la propriété du temps fur lequel ils fe fondoient, ny ne pouvoient pas dire non plus 1524.


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.

VI.

477

quelles euffent efté découvertes far le Roy de Portugal, ny par fes navires ; puifqu'il eft vray que trouver requiert prife depofifeffion , & que l'on ne pouvoit pas dire avoir trouve une chofe que l'on ne poffedoit pas, ny que l'on n' avoit pas pris , quoy que l'on l'euft veue on découverte. Si bien que confiderantd'une part la détermination de droit, & del'autre, la commune opinion du cofté de l'Empereur laquelle felon la force naturelle de la raifon, comprend & lie ceux qui ne reconnoiffent point de Supérieur, & les oblige tous de la fuivre. La mefme chofe fe prouvait par la capitulation fur quoyl'onJe fondait de part & d'autre ,fans que l'on euft befoin de chercher ailleurs d'autres droits ny allégations ; parce que ce luy qui a découvert terre ou Ifle, dans les limites de l'autre, il eftoit obligé de la luy donnerfélon la capitulation, & il eftoit indubitable que celuy qui l'avoit découverte la devait poffeder le premier ; parce que ne la poffedant pas il ne la pouvoit donner a celuy qui la. luy demandait , allegant qu'elle avoit eftè trouvée eftre dam fes limites ; & que fi l'on difoit autrement, c'eftoitaller au contraire des termes de la capitulation.

C H A P I T R E

1524.

V.

Continuation de la réponce de l'Empereur , & la refolution du Confeil là de(jus. DE

tout cequieft cy-deffus fpecifié , il ne s'agiffoit Continuation que de fçavoir dequoy parloit la capitulation, & d e la m e f m e r é que l'on devoit e n t e n d r e , que l'on devoit prendre ce que p o n c e . l'on trouvoit , & par confequent l'on ne pouvoit pas dire en aucune façon Que les Portugais euffent trouvé les fufidites Ifles, puis qu'ils n'en avoient pas pris poffeffion pour les donner , comme le requeroit la capitulation ; & que par la mefme raifon il eftoit confiant que les Navires Caftillans trouvèrent ces Ifles , puifque la poffeffion en avoit eftéprife en fon nom & qu'il les poffedoit. Si bien que les pouvant livrer en les demandant & tombant dans les limites de l'alignement de Portugal, dont s'enfuivoit que l'Empereur en devoit efire requis de fa part, & demeurant d'accord qu'elles fuffent dans fon aligneM m m iij


1524.

S u i t e d e la m é m e réponfe.

478 H I S T O I R E ment , les recevoir de fa m a i n , & non pas l'Empereur de cette du Roy de Portugal félon la capitulation. Joint que de la part de l'Empereur l'on ne demandoit aucune chofe an Roy de Portugal touchant cela ; ny fa Majejté fe fentant coupable ne voudroit pas fou tenir cette aaction; & partant que s'il defiroit quelque chofe qu'il la demandaft, & que fa M A j e f t é eftoit prefte d'accomplir de bonne foy tout ce qu'il feroit obligé de faire felon la teneur de la capitulation ; & que fuppofe que les Portugais euffent trouvé les fufdites Ifles ( ce qui ri eftoit pas véritable ) & qu'il pretendift qu elles luy fuffent refti tuées, prétendant en avoir efté dépouillé , en les devant demander & recevoir de fes mains ; ou allegant qu'il ne v o u l u f t pas inquiéter fa Majefté, pour la poffeffion et une chofe qu'il ne tenoit pas ; cela faifoit bien voir que ce dont eftoit queftion n'eftoit pas compris dans la capitulation, & qu'il n'y eftoit point décidé , & que cela ne fe devoit entendre que de ce qui y eftoit precifement porté ; & que d'aller au contraire il fembloit que ce fer oit une chofe nouvelle qui devrait eftre décidée par raifon naturelle , ou de droit com, mun.

Ainfi d o n c , comme ce que nous venons de dire n'e ftoit pas compris dans la capitulation , fa Majefté n'eftoit point obligée de la fuivre, & d'abandonner fon droit fi inconsidérément, ny de s'en deffaifir pour puis après le redemander , Ioint que ce feroit une chofe bien difficile a recouvrer après l'avoir reftituée. Et fi la reftitution toute évidente de ce qui avoit efté vfurpé, fe différoit par droit jufqu'à ce que la caufe de propriété fuft décidée ; à combien plus forte raifon fa Majefté eftoit-elle fondée en droit de propriété & d e p o f fe.ffzon par la jufte occupation des Ifles, qui eftoit toute é v i d e n te , ou que du moins on ne pouvait pas nier que fon intention ne fuft fondée fur le droit commun, felon lequel les Ifles & les terres nouvellement trouvées appartenaient a celuy qui le premier les avoit occupées , & on eftoit en poffeffion , appuyé principale meut de l'authorité Apoftolique, à laquelle ou a l ' E m p e reur, félon l'opinion d'autres ton accorde de donner cette faculté feulement. Et puis donc que fa Majefté avait ces fa cultez avec beaucoup plus d'avantage que tout autre, ce qui fe juftifioit par la poffeffion ; il s'enfuivoit de là qu'il fe devoit conferver


D E S I N D E s O C C I D E N T A L E S , Liv. V I . 479 dans fin domaine ; & que fi quelqu'autre defiroit quelque chofe il la luy devoit demander. Si bien qu'il y avoit lieu dans ce jugement a examiner la vertu & la force des titres , propriété & authorité de l'occupation que chacune des parties alléguerait, jufques à ce qu'il f u f t demeuré pour confiant legitimement pardevant qui, & comment il fieroit prouvé que a autres y euffent plus de droit que luy ( ce qui n'eftoit pas croyable) felon qu'il avoit fondé fon intention par droit commun ; q u ' a i n f i il poffedoit juftement les fufidites lfies, puifque fon titre pour y acquerir domaine eftoit jufte & ballant , ce qui caufoit la bonne foy & jufte poffiefsion qu'il en avoit. De forte donc que par ces raifons & par d'autres encore , tant pour la fufdite capitulation, quant à ce qu'il en difpofoit ; que par droit commun & raifon naturelle pour ce qui n'y eft pas compris, ou pour le tout enfemble, l'on voyait clairement la juftice de fa Majefté & fa bonne foy, pour laquelle les fufdits Ambaffadeurs ne demandaient pas juftice , comme ils lavaient cy-devant fait entendre à l'Ambaffadeur Silveyra.

Et parce que le deffein de l'Empereur eftoit de conferver fon ancienne amitié avec le Roy de P o r t u g a l , comme il a déjà efté dit cy-devant, il ordonna à ceux de fon Confeil qu'ils examinaient derechef l'affaire exactement, & d'en faire leur rapport felon Dieu & leurs confciences. Apres donc qu'ils l'eurent bien examinée ils fe conformèrent tous felon ce qu'ils en avoient déjà dit,fans varier en aucune façon du monde ; outre que félon la relation des Cofmographes & des Pilotes qui avoient une entiere connoiflance de la fituation & des degrez en quoy confiftoient les fufdires Ifles, ils tenoient pour tout affeuré qu'elles tomboient dans l'alignement de la navigation de Caftille ; & c'eftoit auffi la plus commune opinion de tous les experts & ainfi la bonne foy & le droit que l'Empereur avoit fur les fufdites Ifles furent confirmez, Mais nonobftant toutes ces raifons cy deffus alléguées, les Ambaffadeurs Portugais ne cefferent de perfifter toujours en la demande des Ifles, difant qu'ils eftoient bien affeurez par une bonne information qu'elles avoient efté découvertes par les

1524.

L'Empeur ord o n n e tout de n o u v e a u de c o fiderer l'affaire.

Prétention Portugais.

des


480 1524

L'Empereur

defire q u e l ' o n farte l'alignement.

H I S T O I R E

navires Portugais ; & comme cette information eftoit faite fans partie 6c avec des témoins fujets du R o y de P o r t u g a l , à qui il importoit & à veux de venir à bout de certe entreprife, c o m m e elle n'avoit pas efté faite dans les formes, & qu'elle ne portoit point de préjudice, on n'y voulut pas adjoûter foy. Parce qu'encore qu'elle faifoit contre le Roy de P o r t u g a l , on ne pouvoit pas eftre forcé de croire qu'elle fût pour luy , n'ayant pas efté p r e fentée felon l'ordre de la Iuftice , ny d'un pouvoir baftant de fa part. Parce qu'encore que de la part de l ' E m pereur l'on avoit d o n n é aux fufdits Ambaffadeurs une autre information plus forte que laf i e n n e ,ils ne l'avoient pas voulu accepter ; outre qu'il fembloit à ceux du C o n feil qu'il n'eftoit pas à propos de chercher des moyens, puifqu'il fu ffifoit d'avoir fatisfait à la teneur de la capitulation , qui eftoit ce que les Ambaftadeurs Portugais dem a n d o i e n t , e u x n e voulant pas la garder- fi bien que pour lors f o n ne traita pas davantage de l'affaire. N o n o b f t a n t t o u t cela , ne prenant pas garde à ces chofes ny au préjudice qui pouvoit arriver en cherchant de nouveaux moyens, Sa Majefté felon la b o n n e v o l o n t é q u ' i l a v o t p o u r l e Roy de Portugal & pour les autres chofes cy-deffus fpecifiées, dit que de bon c œ u r il v o u loit encore remettre l'affaire fur le tapis ; & l'on propofa aux Ambaffadeurs d'agir fans intermiffion au j u g e m e n t des limites & alignement, & que pour y procéder ils euffent à députer des perfonnes félon & au gré de la capitulation & prorogation d'icelle, & ce dans un temps limité & convenable ; c'eft à dire, que l'on ne tinft point t r o p en longueur l'expédition de la n é g a t i v e , ny qu'elle ne fuft pas auffi il précipitée , que l'on fe peuft plaindre de pouvoir conclure la déclaration en fi brief temps ; & que cependant que l'on travailleroit à cela , que pas une des deux parties n'envoyait aucuns navires ny n'inventaft point d'autre n o u v e a u t é ,& que cela fe fift fans p r é judice des p a r t i s , afin que ne fe faifant aucun embarquement de part ny d'autre dans le temps prefcrit, cette route d e m e u r a i t libre à celuy qui auroit le droit de fon


DES INDES OCCIDENTALES, Liv. VI 481 fon cofté. Cette refolution eftant prife quoy que ceux 1524. du Confeil de l'Empereur y t r o u v a i e n t à redire, attendu L e s A m b a l a que cela prejudicioit à la paifible poffeffion qu'il en avoit d e u r s P o r r u g t i s ne veulent de le priver de la continuation de cette navigation, leur p o i n t e n t e n d r e femblant que c'eftoit traiter d'égalité avec fa partie ad- d e r a i f o n . verfe ) l'Empereur voulut qu'elle fuit propofée ; mais à peine les Ambaffadeurs de Portugal la voulurent-ils ent e n d r e , difant qu'ils n'avoient point de commiffion de parler d'accommodement. Et quoy que fur quelques infiances qu'on leur fift ils accorderent d'en efcrire au R o y de P o r t u g a l , ils dirent que la refponfe que l'on leur avoit envoyée , refutoit ce qu'ils pouvoient avoir a c cordé là-deffus. Mais nonobftant que les Caftillans voyo i e n t b i e n que les Portugais ne vouloient pas garder l'ordre de la capitulation, ny accorder les proportions cydeffus, ny à aucun accommodement raifonnable,on leur en propofa encore un a u t r e , qui fut que cependant que l'on donneroit un jugement fur cet alignement , les deux parties fuffent libres d'envoyer leurs N a v i r e s , qui efloit un expédient égal à toutes les deux nations ; & que s'il y avoit aucun préjudice, il eftoit plûtoft du cofté de l'Empereur, puifque de fa franche volonté il leur permettoit d'y aller, parce que c'eftoit contre le droit qu'il avoit en cette poffeffion dont il eftoit en jouiffance. Apres donc que l'on euft requis les Ambaffadeurs du R o y de Portugal de faire élection de l'un ou l'autre de ces deux moyens d'accommodement, ils fe retirerent,difanc que leur commiffion ne portoit pas cela;fi bien que pour achever de les convaincre,il leur fut dit de la part de l ' E m p e r e u r , que puis qu'ils ne fe fondoient pas fur les termes de la Capitulation , ny ne vouloient pas accepter les offres qui leur avoient efté faites, qu'ils en inventaffent d'autres. A quoy ils repliquerent pour troifiefme affirmation,qu'ils n'avoient point d'autre commiffion que de recevoir la poffeffion des Ifles des Moluques. E t pour ce fujet ceux du Confeil de l'Empereur s'imaginant que tout ce qui s'eftoit fait jufques-là touchant cette affaire, eftoient plûtoft des foûmiffions que des complimens,qui

Nnn


482 1524

H I S T O I R E

apportaient piûtoft du dommage que du profit à la n é gociation , l'on abandonna l'affaire, eftant encore dans la première refponfe. C H A P I T R E

VI.

Apres plufieurs conteflations,il fut accordé enfin que l'on nommeroit des luges pour terminer le différent de l'alignement.

L

Es Ambaffadeurs Portugais voyant la refolution Je l'Empereur, & qu'il fembloit eftre fur les terd'ailleurs L e s P o r t u g a i s mes d'abandonner l'affaire ; & confiderant procurent le que le retardement feroit à leur avantage, puis q u ' e r e t a r d e m e n t de puiffans , comme ils eftoient dans les Inc e t t e a f f a i r e , & flant allez pourquoy. des , fans envoyer de nouvelles armées , le Roy de Portugal pourroit facilement venir à bout de fon intention , qui eftoit d'occuper ces Ifles , & s'y fortifier, en chaffant les Caftillans dehors, comme moins puiffans, & dans l'impoffibilité d'eftre fecourus, comme ils avoient déjà fait ; quoy que le Roy de Portugal ne fçeut pas encore au vray ce qui eftoit arrivé au Navire de la T r i n i t é , Se aux Caftillans de T i d o r e , & dont l'on n'avoit pas non plus aucune connoiffance en Caftille, ils demandèrent avec inftance que l'on ne parlaft plus des moyens d'accommodement,quiavoient efté propofez de part & d'autre,& que l'affaire fuft décidée par la voye de luftice ; cette voye ne tendant à autre fin finon que l'on ne fuivift pas les termes de la capitulation que les Caftillans preL ' F m p e r e u r r e - ' t e n d o i e n t , & pour retarder l'affaire. Mais l'Empereur loue de n o m s accorda à cela , pour contenter ceux qui eftoient de m e r des l o g e s contraire opinion , & pour mieux juftifler fa caufe ; E t pour f a j u f t cation fe trouvant alors à Victoria , il fut accordé que les deux parties nommeraient des perfonnes pour accorder de quelle façon fe feroit cet alignement. L'Empereur nomma pour luy le Docteur Mercurino Gatinara , fon Grand Chancelier, Hernando de Vega Seigneur de Grajal Grand Commandeur de Caftille, Don Garcia de Padilia grand Commandeur de Calatrava., & le Docteur s


DEs

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.

VI.

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Lorenço Galindez de Carnajal, du Confeilfupreme des 1524. Indes , qui eftoient cous intervenus en cette affaire. D u cofté du Roy de Portugal il fut nommé Pedro Correa d'Atabia Seigneur de la Ville de Velas, & le Docteur Iean de Faria, de fon Confeil, lefquels furent envoyez, D e s l u g e s qui furent nom& chargez des pouvoirs dû Roy Ieur Maiftre. Apres qu'ils m e z . eurent conféré enfemble par plufieurs fois fur cette affaire , q u ' i l s eurent vu les Bulles de la donation du Pape à la Couronne de Caftille, 6c la capitulation de l'année 1494. il fut arrefté le 19. de Février de cette année 1524. Que chacune des parties prendroient trois Cofmographes & C e q u e les Commiffaires trois pilotes pour faire l'alignement & partage félon la capi- d e s p a r t i e s actulation faite entre les deux Couronnes, & qu'ils s'affemblaf c o r d è r e n t . . fent dans tout le mois de Mars, premier fuivant, ou auparavant , fi faire fe pouvoit dans les confins de Caftille & àdePortugal , entre les villes de Badajos & de Yelves, afin que dans tout le mois de Way premier fuivant, après avoir fait avant toutes chofes un ferment folemnel pardevant deux Notaires nommez de part & d'autre ; & après avoir mis bas tout amour, haine , paffion , & intereft, fans avoir aucun autre refpeft que celuy de faire luftice , ils prendront garde au droit des parties, & refondront félon le fufdit alignement fuivant la capitulation i Qu'ils nommeroient trois Advocats pour chacune des parties , lefquels en dedans le mefme temps & lieu, cy-defius fpecifié après avoir prefié ferment en tel cas requis, plaideront fur le point de la poffeffion, & donneront leur conclufion làdeffus ; en examinant les preuves , les efcritures, les tefmoins , les capitulations, & les droits des parties, qui fe prefenteront devant eux , Et qu'enfin ils fiffent tout ce qu'il leur fembleroit neceffaire pour la fufdite déclaration félon lufiice & équité ; Que des fufdits trois Advocats, le premier nommé en l'exercice de cette commiffion , euft la charge d'affembler les autres depute de fa part , afin qu'ils priffent garde avec pins d'exactitude à l'affaire dont eftoit queffion ; Que dans le fufdit temps aucune des parties n'eufent fi envoyer aux Moluques pour y traiter ny trafiquer. Mais que fi avant la fin de ce temps la poffeffion ou pr prieté eftoit refoluë, la partie en faveur de laquelle le droit appartiendrait , pourvoit en quelque façon que Nnn

ij


484

H I S T O I R E

ce fuft, envoyer traiter & négocier. Et en cas que Ion refoluft la propriété & alignement , que l'on entendift que la queftion de la poffeffion fuft abfolument refoluë & déterminée, Mais que fi l'on refoudoit feulement la poffeffion par les f u f t dits Advocats fans que Ion peuft déterminer la propriété', & que ce qui refterait à décider de cette propriété & de la poffefi fion , demeuraft à déterminer félon la capitulation ; l'on demeuraft en l'eftat ou l'on fieroit,plutoft que de refoudre entièrement ; Le tout fans prejudicier aux droits des parties pour la propriété & poffeffion félon la capitulation ; Que s'il fembloit aux deux Advocats des parties premiers nommez pour ces commiffions , que fous prétexte de quelque prolongation de temps ily euft apparence de refoudre t'affaire,ils pourraient prendre tel temps qu'ils jugeroient à propos, & que pendant cette prolongation, eux & les autres Deputez pourroient agir & connoiftre de l'affaire comme s'ils eftoient dans le temps principal porté par leur commiffion;Que tous les actes fuffent figne des deux Notaires nommez par les parties chacun le fien ; & que chacun écrivift de fon cofé les actes, & l'autre après les avoir collationnez^ les fignaft ; Et que chacune des parties delivraft copie ratifiée des chapitres, en dedans vingt jours premiers fuivans ; Ce qui ayant efté accordé par les Commiffaires fut accomply & finit fion effet félon que les luges l'avoient arrefté. Cet accord ayant efté achevé, pour en venir à l'accompliffement, l'Empereur nomma auffi-toft après pour Les l u g e s n o m - luges depoffeffion le Licencié Iean Vafquez d'Acuna, mez par l ' E m du Confeil Royal ; le Licencié Pedro Manuel , Auditeur pereur pour la de la Chancellerie Royale de Valladolid , le Licencié poiffeffion & propriété. H e r n a n d o de Barrientos,du Confeil des Ordres. Et pour luges de p r o p r i é t é , Don H e r n a n d o Colon , fécond fils du premier Admirai des Indes, & Chriftofîe Colon ; & Simon d'Alcazona Sotomayor , Gentilhomme P o r t u gais qui eftoit au fervice de l'Empereur ; frère T h o m a s D u r a n , le Docteur Salaya, Pedro Ruyz de Villegas , & Je Capitaine Iean Sebaftien del Cano. Pour Procureur fifcal, le Docteur Bernardin de Ribera, Fifcal en l'Audience de Grenade pour Advocat, le Docteur Iean R o driguez de Pifa ; & pour Notaire , Iean Ruyz de Cafta1524.


DES I N D E S

OCCIDENTALES,

Liv.

VI.

485

neda ; aufquels l'Empereur ordonna d'affifter félon l'or1524. dre fufdit. Il ordonna auffi qu'il y eut en cette affemblée d'autres Cofmographes, des Pilotes fçavans pour faire des Cartes de navigation ; des hommes experts en Marematique pour donner des Globes , des cartes Cofmographiques, des aftrolabes, & les autres inftrumens n e ceffaires pour f a i r e voir la fituation des Ifles dont eftoit queftion, & pour conférer & traiter avec eux. Ils furent tous à Badajoz,avec leurs pouvoirs & commiilions qui leur furent donnez. Les autres perfonnes , qui eftoient Sebaftien G a b o t o , Eftevan G o m e z , Iean Vefpucio, D i e - Les luges fe go Ribera , Martin Mendez , Michel de R o d a s , Rodri- plaignent à l'Empereur de go Vermefo, le Bachelier Tarragon , & le Maiftre Alca- ce qu'ils n'er a z , fe plaignirent de ce que les luges ne les appelloient toient pas appas pour affilier à leur affemblée ny ne fe fer voient point peliez à l ' a f t e blée. d'eux en quelque façon que ce fuft furquoy fe voulant excufer,ils firent réponfe qu'ils n'eftoient pas nommez dans la commiffion. L'Empereur ordonna donc qu'ils y fuffent toufiours appeliez & traitaffènt avec eux;qu'ils y euffent leurs voix deliberatives, & fuffent affis comme les autres chacun félon fa qualité pour donner leurs avis ainfi que de raifon. Il fut envoyé auffi a Badajoz douze hommes de ceux qui eftoient venus dans le navire Victoire, pour y eftre prefentez en qualité de t é m o i n s , par le rapport defquels le Docteur Ribera Procureur fifcal prouva extrajudiciairement la poffeffion qui fut prife dans les lfles des Moluques au nom & pour l'Empereur en l'an 1521. Il arriva auffi dans la Ville de Yelves autant de Portugais, ou plus ; parce qu'il vint deux Procureurs fifeaux, & deux Advocats ; & les luges principaux eftoient D i e g o Lopez de Segueyra, Almotazen , qui avoit gouverné dans l'Inde Orientale ; le Licencié Antonio Azevedo ; les Docteurs Francifco Cardofo , & Gafpar Les l u g e s P o s Baez, de la main-levée que l'on avoit faite au Roy, & Pe- t u g a i s . dro Alfonfo d'Aguiar, François de Melo , Simon de T a bira.

Nnn

iij


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H I S T O I R E

1524. C H A P I T R E

VII

Les Commiffaires Caftillans & Portugais fe voyent, & conviennent enfemble du lieu où fe doit faire l'affemblée. ils commencent à traiter fur les points de leurs Commiffions.

E

D u lieu o ù

fe

fait l ' a f f e m b l é e .

Les P o r ; u g a i s recufent deux perfonnes.

L'on commece à c o n f i d e r e r les Globes.

Stant tous arrivez à Badajos & à Y e l v e s , l'on parla du lieu où fe devoit faire l'affemblée, & fut arrefté qu'elle fe feroit au pont de Caya, bafty fur la rivière qui paffe au milieu du chemin , & qui fepare la Caftille d'avec le Portugal. Enfuite dequoy ils s'affemblerent dans Badajoz , mais les commiffions furent premièrement prefentées à Yelves ; ils prefterent tous leferment. Les Portugais recuferent Simon d'Alcazova Sotomayor, difant qu'il eftoit Portugais & qu'il avoit quitté fon païs fans la permiffion de fon Roy, pour paffer en Caftille fervir l'Empereur, & Frère Thomas Duran. Quoy que Simon d'Alcazova niaft ce que les Portugais difoient de l u y , il s'abftint toutefois de fe trouver dans l'aflemblée parle commandement de l'Empereur qui vouloit donner cette fatisfaction aux Portugais. Et d'autant qu'il fembloit eftre plus à propos d'informer & d'alléguer, que d'en venir aux recufations, l'on dit que files Portugais nommoient pour luges le Bachelier Maldonado, & Bernardino Perez , natif de N o y a en G a l i c e , qui eftoient venus avec eux, qu'ils fuffent auffi exclus ; & l'on ne voulut pas tenir Frere Thomas D u r a n pour reeufé, parce qu'ils ne donnèrent pas de fuffifantes caufes de recufation-, fi bien qu'en la place de Simon d'Alcazova il fut pourveu de la perfonne de Maiftre Antoine d'Alcaraz. L'on commença auffi toft à confiderer les G l o b e s , les Cartes & les relations, les uns & les autres n'oubliant rien de ce qui pouvoit fervir à leur caufe pour appuyer leur droit. Les Caftillans s'arreftant au n o m bre des lieues par les degrez du Ciel, tomboient dans je commun vfage des Mariniers de Portugal & DE Caftille


DES I N D E S

O C C I D E N T A L E S , Liv. V I .

487

qui donnent dix-fepr lieues & demie à chaque d e g r e , & feconformoient auffi avec Prolomée, qui donne Soixante & deux milles pour d e g r é , car c'eft la couftume de fçavoir combien il faut de lieues maritimes ou Caftillas

1524. Ils d o n n e n t 17. lieues & d e m i e pour c h a q u e d e

gré.

nés à quatre milles pour lieue pour chaque d e g r é , ainfi ils fe vouloient appuyer de l'expérience : mais comme l'exécution de telle expérience eft difficile, & qu'à caufe de cette difficulté perfonne ne l'a vérifiée ny n'en a peu. parler affirmativement, excepté Pero Ruyz de Villegas qui affure l'avoir mefuré, ce a trouvé dix huit millepieds de Roy en chaque lieuë , qui répondent à dix-fept lieues & demie à chaque degré de la terre ; & que tous les autres Autheurs ne font pas d'un mefme accord , il eft dans l'option du Cofmographe de choifir ce qui luy femblera le plus approchant de la vérité. Ils fe conformoient en cela avec la mefure des Portugais, & difoient que l'on devoir agir en cet alignement en deux façons ; l'une félon les conjectures & les expériences que l'on avoit prifes furies navigations plufieurs fois réitérées par des Pilotes expérimentez, & qui ont efté fuivis par ceux qui ont écrit en matière de Cofmographie: l'autre qui eft plus certaine par l'obfervation des Eclypfes de la Lune, & ces obfervations manquoient alors ; ainfi l'on ne p u t rien vérifier en cela, & ils furent contraints d'appuyer leur fondement en la continuation des navigations. Il fut parlé de trois p o i n t s , dont le premier eftoit -, fçavoir fur quel fujèt l'on vouloit faire l'alignement 3 le L ' o n c o m m é c e l'affeembée. iecond,comment ils placeroient en leur propre lieu les L e s P o r t u g a i s Ifles du Cap-Vert ; & le t r o i f i é m è , d e laquelle des fuf- r e b u t e n t la C a r dites Ifies du C a p - V e r t , l'on devoit c o m m e n c e r a me- t e M a r i n e & fe v e u l e n t fervir d e lurer les trois cens foixante & dix lieues pour l'aligne- l a f o r m e S p h e ment. Les Portugais difoient que la Carte marine n'e- r i q u e . floitpas affez ballante pour y ajouter foy , parce qu'elle ne pouvoit pas montrer la forme du monde comme la Sphère, à caufe des degrez meridionaux & des paraleles. Les Caftillans fecontentoient du corps Spherique, parce qu'il reprefente mieux le monde, les terres & les mers, mais ils ne vouloient pas pour cela eftre privez de l'ufage


488

HISTOIRE

des autres inftrumens, par le moyen defquels ils puffent mieux affeoir & colloquer le point de leur alignement de Mathématiques. Enfin ils furent contraints d'en venir à la confrontation des Cartes les unes avec les autres, & comme il y eut entr'eux jufques à foixante & dix lieues de différence, ils ne voulurent pas non feulement demeurer d'accord de ce que les Cartes Caftillanes faifoientvoir : mais encore que les Caftillans appreuverent Ils n e fe v e u l e n t que celles des Portugais eftoient b o n n e s , & que l'on f e r v i r n y d e l'un e n y d e l ' a u t r e . plaçait les Ifles des Moluques félon leurs Cartes, les P o r tugais n'y voulurent pas confentir, allegant qu'elles eftoient toutes, fauffes & qu'ils n'avoient efté envoyez que pour faire les chofes le plus jufte & le plus certain que faire fe pourroit. Et que partant l'on devoit pofer l'alignement avec les inftrumens Matematiques , les Aftrolabes & les Eclypfes, & I on fut trois jours à contefler furce différend fans vouloir accepter ny fouffrir aucune conclufion. Ils difoient que l'on devoit commencer à mefurer par les 370. lieues depuis l'Ifle la plus Orientale du Cap. V e r t , qui eft celle du Sel, & non par la dernière & plus Occidentale, qui eftoit ce q u e les C a ftillans pretendoient, & qui eft celle de Saint-Antoine, diftante de l'autre de 90. lieues. Les Caftillans prefent e r e n t une Carte aux Portugais pour la leur faire mefur e r , par laquelle le Cap de Saint Auguftin eftoit compris dans la terre du Brefil, qui eft au huitième degré de latitude, quelque peu plus vers la partie du S u d , & de la ligne du partage que l'on compte 370. lieues à l'Occident de l'Ifie de S a i n t - A n t o i n e , quinze d e g r e z , & du mefme Cap à la fufdite Ifle proche de huit degrez ; & il fe voyoit auffi dans la mefme Carte que les Moluques eftoient diftantes de la fufdite Ifle de Saint-Antoine de 181. degrez fort peu plus ou moins à les compter par la partie Orientale,& paffoient l'Equinodial par le milieu des Moluques , excepté quelques Ifles qui reftoient vers le Septentrion , & d'autres encore vers la partie Auftrale ; fi bien que les Caftillans perfuadoient les pretenfion des Portugais de mefurer la fufdite C a r t e , & qu'ils l'approuCaftillans. valfent, Il 1524.


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. V I .

489

Il fut répondu à cela pour les Portugais, qu'ils avoient 1524. expofé une autre C a r t e , par laquelle les Ifles des M o luques paroiffoient de l'autre cofté eftre diftantes de 134. d e g r e z , fur quoy il y eut de grandes conteftations, les Portugais s'excufant toujours de venir au point de la méfure de l'alignement ; & fans vouloir prendre làdeffus aucune refolution , ils dirent qu'ils n'eftoient venus à autre intention que d'accomplir la première capitulation , qui porte que des navires allaffent pofer la ligne des 370. lieues, & que partantelle ne fe devoit point faire là ; il bien qu'il ne s'agiffoit, felon leur d i r e , qu'à donner l'ordre de l'envoy des navires, & d'inftruire les perfonnes qui devoienr aller dedans ; & pour appuyer Prétention des leur d i r e , ils prefenrerenr une prolongation des Rois Portugais. Catholiques, par laquelle ils mandoienr que dans les limites de Caftille & de Porrugal l'on fift une affemblée de perfonnes pour donner ordre à cerre affaire, & en la forme que l'on devoir renir pour l'envoy defdits navires. Les Caftillans firent réponfe qu'il n'eftoit plus R é p o n f e des temps de parler d'envoyer des navires, attendu q u e le C a f t i l l a n s à l a terme porté par la capitulation & prolongation eftoit d e m a n d e d e prolongation expiré ; & que de la nouvelle capitulation qui avoit efté d e s P o r t u g a i s . , faire dans Victoria & des commiffions des Parties,l'on devoit refoudre là de la proprieré fans aucune remife, fans parler de l'envoy des navires ny des perfonnes a i n f i qu'ils propofoient, & que la feule atteftation & cerrirude des Mariniers & des Carres marines fuffifoient, qui alloient & venoient inceftamment aux fufdites lfles du C a p - V e r t , & qui par confequent connoiffoient de certaine fcience la firuation & le lieu ; & que quant à ce qui eftoit de mefurer depuis la première de ces Ifles, & n o n par la dernière, ainfi qu'ils le vouloient perfuader,, que Autre reponfe des Caftillan. ce feroit contrevenir à la capitulation,qui portoit qu'entre ces Ifles & la ligne l'on comprift 370. lieues, & q u e cela ne fe pourroit pas vérifier en comprenant quelques lfles dans les fufdites lieues. D e forte donc que les Caftillans voyant que les P o r - Aftuce des Portugais vouloient détourner l'effet de s'alignement, pour tugais. OOO


490

H I S T O I R E

n'eftre pas obligez à quitter quantité de terres qu'ils pol1524. fedoient, fi elles ne leur appartenoient pas en faifant la feparation du nouveau monde , à caufe de la poffeffion qu'ils en avoient, s'imaginant qu'ils ne manqueroient pas de témoins ny d'écritures. Ils accordèrent & refolurent que la ligne de partage devoit paffer à l'Occident commençant à mefurer 370 lieues à l'Occident depuis ifle de S. Antoine , en forte que dans un grand nombre de lieurs les ifles des MoD é c l a r a t i o n d e s luques tombaient dans il alignement de Caftille , & que la fituaCaftillans. tionn eftoit pas dans la longitude que les Portugais affirmoient ; mais qu'elles tomboientfélon leur déclaration , qu'ils faifoient voir par la Carte , & eftoient diftantes de 156. degrez, a compter depuis la ligne départage par la voye d'Occident , & que depuis la fufdite ligne aux ifles des Moluques il y avoit par la voye d'Orient 23. degrez, & fuivat cela la propriété & Seigneurie des ifles des Moluques appartenaient à la Couronne de Caftille. Les Procureurs de Portugal protefterent de nullité de cette fentence , & firent leurs Cartes en pofant la ligne de partage vers la partie Occidentale qui parle par la bouche de la rivière Maranon , & laiffant toute la bouche à la partie Orientale ils coupoient la c ô t e delos Baxos, & laiffoient el Rio de la Plata du cofté d ' O r i e n t au dedans l'alignement de Portugal ; & pour y c o m prendre cette rivière, ils eftendirent la longitude de la largeur du Pérou ; parce que de Puerto Viejo , qui eft en la c o d e du Sud tout proche l'Equinoctial, jufques au L'alignement Cap de S. Auguftinil n'y a pas plus de 51. degrez de lonq u e f o n t les Porg i t u d e , ainfi que les obfervations des Eclyples Je reprétugais. sentent-, Si les Portugais mettent 55. degrez. O u t r e cela la cofte du Brefil qui s'eftend depuis le Cap de S. Auguftin jufques à la rivière de la Plata, ils la font courir vers N o r t Nordeft , & elle doit aller vers Nordeft-Sudeft ; & par ce moyen , encore qu'ils reprefentent la ligne de f p a r a t i o n ou partage par les 370. lieues plus à l'Occident de l'ifle de faint Antoine, elle vient à paffer Mais la vérité Véritable d e f - par la bouche de la rivière Maranon. cription de l'aliayat été reconnu ë tant par la déclaration des mêmes l u gnement. ges Caftiilans, que par ce que l'on a reconnu depuis par


DES

I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv.VÏ.

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cette ligne de partage, on la reprefente comme un Meridien qui paffe par 22, degrez & un tiers plus à l'Occident de l'ifle defaint Antoine, qui font les 370. lieuës de la capitulation, & qui fe doivent compter dans le paralele qu'eft la fufdite lfle de faint Antoine. Puis ce Méridien vient à couper la code du N o r t du Brefil par la bouche de la rivière Maranon , laiffant toute la bouche de la rivière à l'Occident : & coupe la cofte du Brefil qui regarde l'Orient par la rivière de S. Antoine & los Organos ; & ce Méridien couppe par la partie de l'Orient dans l'Inde parla Ville de Malaca, laiffant toute la Chin e , les Ifles des Moluques & les Philippines dans l'alignement-de Caftille ; moyennant quoy non feulement la rivière de la plata, mais encore toute la coftequi s'eftend depuis la Baye de S. Vincent, jufques à cette rivièr e , tombe dans l'alignement de Caftille ; parce que la ligne de partage tombe vers l'Occident.

CHAPITRE

1524.

VIII.

De la refolution des Commiffairesfur le point de la poffeffion ; enfuite dequoy l'affemblée fut rompue , parce que le terme eftoit expiré.

C

ependant les Portugais faifoient de grandes inftances fur le point de la poffeffion, outre les raifons cy-deffus alléguées qu'ils avoient propofées pour leur deffenfe, s'imaginant les pouvoir facilement prouverpar des témoins ; & faire en forte de prolonger le temps par leurs conteftations , & donner fujet à l'affemblée de rompre fans rien refoudre. Car ils reconnoiflbient fort bien la faure qu'ils avoient faite de demander que l'alignement fe fift par les 3 7 0 . lieues plus avant vers le Ponant des Ifles du Cap-Vert, comme une chofe qui leur eftoit préjudiciable ; parce que les R a i f o n s d e s C a Caftillans faifoient voir clairement que non feulement FTILLANS. les lfles des Moluques tombaient dans le partage de la O o o ij


H I S T OIRE Couronne de Caftille ; mais encore Z a m a t a , Malaca, les Philippines Se la Chine. E t que Magellan , Gonçalo G o m e z d'Efpinofa , Iean Sebaftien del Cano & leurs C o m p a g n o n s , furent les premiers Chreftiens qui les a c quirent & en prirent poffeffion pour leur P r i n c e , ainfi qu'ils le faifoient voir par les Lettres & les prefens qu'Almanzor & les autres Rois avoient envoyez à l'Empereur. Et que fuppofé que les Portugais y euffent efté auparavant ( ce qui ne fe trouvoit pas véritable ) ce ne pouvoit eftre qu'après la donation que le Souverain Pontif en avoit faite aux Rois Catholiques, Se qu'ainfi ils n'y pouvoient prétendre aucun droit. Q u e fi d'ailleurs les Portugais vouloient perfifter de prendre l'alignement par l'Ifle de la Sal, qu'ils le fiffent à la bonne-heure, car de quelque façon qu'ils prendroient leur mefure les Ifles des Moluques tomberoient toujours dans l'alignem e n t de Caftille ; à condition que les Ifles du Cap-Vert appartiendroient à la Couronne de Caftille, puis q u ' e n prenant l'alignement par Lille de la Sal, elles demeuroient dans fon partage. Les Portugais conteftant donc toujours contre c e t article de poffeffion, Diego de Barradas, & le Licencié Alonfe H e r n a n d e z Procureurs fifcaux du Roy de P o r tugal firent inftance devant les luges de poffefïion, à ce qu'ils o r d o n n a i e n t au procureur fifcal de l'Empereur, de dire contre eux ce qu'il voudroit ; & qu'ils eftoient tout prefts à luy répondre. Bernardin de Ribera P r o cureur fifcal de l'Empereur, dit donc que cette affembléeavoit efte faite à la Requefte du Roy de Portugal, fur ce qu'il pretendoit eftre l e z é , & que fes Procureurs propofaffent quel tort ils pretendoient luy avoir efté fait, & qu'il leur repondroir. Les Portugais firent r é ponfe que la capitulation ne faifoit point mention de cela ; mais que l'on s'affemblât pour décider de la poffeffion des Ifles des Moluques. Le Docteur Bernardin de Ribera fit réponfe, qu'il eftoit vray qu'il fembloit q u e la capitulation faifoit mention du débat Se du doute qu'ils faifoient ; mais que cela procédait de ce que le 492

1524

font du f e r -

ils

t i m e n t des

Por-

tugais.

Inftance

des

Procureurs

du

Roy

gal

de

Portu-


DES INDES

OCCIDENTALES,

Liv.VI.

493

Roy de Portugal avoit envoyé fes Ambaffadeurs touchant cette, affaire, & de ce qu'ils avoient propofé là deffus ; & qu'ils dévoient déclarer la mefme chofe , & propoler cela devant les luges ; qu'il concluoit donc par cet article, & fe tinrent à cette mefme conclufion. Le lendemain les Portugais prefenterent une Requefte, par laquelle ils difoient que puifque les luges s'eitoientalTemblez pour accomplir la capitulation , qui eftoit de recevoir des témoins & des preuves fur la poffeffion ; de laquelle il y avoit plus de dix ans que le Roy de Portugal jouiffoit, & qu'il n'eftoit pas à propos que fes Procureurs fourniffent de libele pour cela , il requeroient que l'on commandait au Procureur de l'Empereur, qu'il en fournift un contre eux, & qu'à faute de le vouloir faire,ils demandoient que l'on accomplift la capitulation , & que l'on fift juftice, avec proteftation de ne le tenir pas pour libele, ny eux en ce cas d'eftre reputez pour auteurs. Le Docteur Bernardin de Ribera ayant une copie de cette Requefte, dit pour réponfe, Que les luges dévoient ordonner à l'autre partie qu'elle fift une demande , puifque le Roy de Portugal fe plaignoit devant l'Empereur ; lequel eut pour agréable que Ton députait des luges pour examiner l'affaire & é c o u ter les raifons de part & d'autre. Et que puifque cela eftoit véritable l'on devoit commander à l'autre partie qui avoit provoqué celle cy en jugement, qu'elle dift & allegaft ce qui avoit efté propofé par fes Ambaffadeurs ; & qu'il diroit alors ce qu'il jugeroit à propos ; & que ce n'eftoit rien faire de dire que l'on gardait la capitulation & que l'on en vinftaux preuves ; attendu que cette demande eftoit obfcure, incertaine & générale fans déclarer le remède qu'ils intentoient pour donner une Sentence certaine fur la poffeffion qu'ils difoienr. Parce que de deminder que l'on gardaft la capirularion & que l'ondonnaft Sentence, elle euft été de nulle valeur fans refoudredes chofes que les fufd. Ambaffadeurs dévoient déclarer ouvertement en quoy ils defiroient que l'on gardait, la capitulation , & en quoy ils eftoient lefez, Q o o iij

1524.

Les P o r t u g a l requièrent que l e s C a f t i l l a n s fe r e n d e n t demandeurs.

R e p o n f e des C a ftillans fur ce fujet

Pretenfion

Procureur l'Empereur.

du

de


494 1524

Réplique Portugais.

des

Réponfe du Procureur de l'Empereur.

H I S T O I R E

pour chercher le remede qu'ils jugeoient leur eftre utile & neceffaire ; afin que le Docteur Ribera peuft donner une certaine réponfe, & les luges une Sentence valable & félon le libele. Et que l'on ne devoit pas confentir que fur une requefte incertaine & générale l'on fift un procez en vain. Les Portugais répliquèrent que la propofition des Ambaffadeurs Portugais n'eftoit pas certaine , & que quand elle le feroit ce n'eftoit pas provoquer jugement pour fervir entre deux Princes qui ne reconnoiffent point de Supérieur, finon de convenance qui fe fift entre leurs Procureurspar un compromis entre les députez, afin d'eftre jugé par eux, félon la teneur de la capitulat i o n , & que la provocation fe faifoit entre les parties qui pouvoient eftre contraints à fubir le jugement. Que quanta eux, ils ne faifoient point de demande,qu'au contraire ils avoient dit qu'ils ne vouloient pas procéder par libele, puis qu'ils eftoient en poffeffion ; & que partant ils requeroient que l'on ordonnaift au Procureur fifcal de l'Empereur qu'il prefentaft un libele, ou qu'il dift pourquoy il ne le vouloit pas faire ; & qu'à faute de cela, que les luges cherchaffent des remedes pour fçavoir la vérité , & rendre juftice felon la capitulation. Le Docteur Ribera fit refponfe en repetant ce qui avoit défia efté allégué & dit, que touchant le tort que le R o y de Portugal pretendoit luy eftre fait, qu'il fût pris des arbitres ; lefquels félon Iuftice, ne pouvoient faire autre chofe, que d'entendre par ordre ce que le Roy de Portugal ordonnoit à fes Ambaffadeurs qu'ils diffent ; & ce qui feroit répondu là-deffus,& fuivat cela ordonner ce qui feroit de raifon ,& juger le procès. Et que les parties eftant Princes, comme difoient les Portugais, ils ne feprovoqueroient pas l'un l'autre à Iugement pour fçavoir qui devoit parler devant les arbitres. Il fallait fçavoir qui eftoit le premier qui fe plaignoit de l'autre , & que la où l'on agiffoit de bonne foy, il ne falloit point d'autre examen, & ne fe pas contenter feulement de le f ç a v o i r comme luges. Les Portugais dévoient protefter


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.

VI.

495

de calomnie, & en faire leur declaration ; & en le niant, 1524 s'offrir de le prouver, outre les premières demandes que la partie contraire avoit faites ; qu'elle fift la demandeuse afin que l'acte fuit v u , provoquer à Iugement, & eftre demandeur , & pour cet effet ils dévoient eftre obligez de faire la demande. Mais que puis qu'ils n'apportoient point d'autre raifon, que de dire que le Roy dePortugalétoit en poffeffion ( ce que l'on nioit ) & encore que cela fuit ainfi, ils en dévoient rendre raifen & fe fonder en droit,Comme celuy qui fe dit poffeffeur, peut contraindre l'autre qui demande Iugement fur la poffeffion ; parce que la règle de droit y eft formelle , que nul ne peut eftre obligé fur un Iugement poffeffoire, à demander , ny refpondre en Iugement, pour mettre fon droit au compromis. Enfin les luges firent refponfe qu'ils tenoient ce procès pour conclu, quant à cet article ; & qu'ils euffent à L e s l u g e s t i e n le rapporter le lendemain pour donner Iugement. Si np oe nu tr lec o n cplruo. c è s bien que le Vendredy 22. jour d'Avril, étant dans la gran. de Eglife de Badajoz , le Licencié Antoine d'Azevedo, & les Docteurs Francifco Cardofo, & Gafpar Baez, de la main levée du Roy de Portugal, luges Commiffaires par luy nommez, déclarèrent que les Procureurs des deux parties feroient leur rapport , & prefenteroient leurs S e n t e n c e i n t e r chapitres luridiques en dedans trois jours, pour eftre l o c u t o i r e d e s par eux demandé aux tefmoins qu'ils fuffent prefentez, P o r t u g a i s . & qu'ils pourroient offrir toute forte d'écritures & preuves dont ils pretendoient fe fervir en cette caufe;afin que le tout eftant bien & deuëment examiné, l'on peuft refondre en ce cas fur la poffeffion, en faifant Iuftice. Cette Sentence interlocutoire fut lignifiée aux parties-Et le C e t t e S e n t e n e e mefme jour, dans le mefme lieu, le Docteur Chriftofle eft f i g n i f i é e a u x Vafquez d'Acuna, du Confeil Royal de Caftille ; le p a r t i e s . Licencié Pedro Manuel Auditeur de l'Audience de Valladolid , & le Licencié Hernando de Barrient o s , du Confeil des Ordres ; dirent que les demandes faites devant eux & les autres députez, par les Procureurs fifcaux de Portugal n'eftoient point fondées en


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droit ; qu'ils le prononçoient ainfi ; & qu'agiffant felon le droit & l'équité ainfi qu'ils le dévoient , ils ordonSentence des luges Caftilnoient que les Procureurs fifcaux du Roy de Portugal dilans. roient & allegueroient dans trois jours leurs prétendons ainfi qu'ils le jugeroient à propos. Les Portugais reparR é p l i q u e des tirent à cette Sentence, que puis qu'elle fembloit eftre Portugais. conforme à celle que les Commiffaires de Portugal avoient prononcée en ce qui touchoit d'alléguer fon d r o i t , l'on declaraft fi ce devoit eftre par propofitions ou p a r libelle, & le terme eftoit prefcrit également aux deux parties. A cela le Docteur Ribera fit réponfe, R e f p o n f e d e s que la déclaration que les Portugais demandoient n'aCaftillans.. voit point de lieu, puis que l'acte des Commiftaires Impériaux eftoit clair , lefquels refpondant à la requefte des Portugais, dirent , que puis qu'il eftoit contenu dans fon acte que les demandes faites par leurs libelles n'avoient point de lieu, felon qu'ils eftoient intentez, & qu'ils n'y procedoient point de droit ; que fon acte eftoit clair, & n'avoit point befoin d'autre déclaration. Cette affaire eftant en l'eftat que nous venons de dire, jointe au peu de volonté que les Portugais avoient de conclure l'affaire, comme ils l'avoient demandé & p r o p o f é , retardant toujours l'alignement dont il eftoit queftion, & de la poffeffion,en abrégeant le jugement poffeffoire ; puisque devant la conclufion & fans avoir aul e s Portugais n'ont point cune demande concluante, ils defiroient que f o n reçeuft d'envie d'acheles preuves & les témoins qu'ils "avoient pratiquez 6c ver l'affaire. qu'ils tenoient tout prefts : ce qui faifoit juger que leur Traiter d e la intention n'eftoit pas d'achever ce qui concernoit la poffeffion feulem e n t c ' e f t c o n - propriété , mais feulement de fe tenir à la poffeffion ; ce tre venir à la c a qui repugnoit à la capitulation , & à la bonne foy offerpitulation. te à l'Empereur par les Ambaffadeurs Portugais, puis qu'ils recherchoient ce qui eftoit à leur a v a n t a g e , & n e vouloient pas accorder ce qui faifoit pour la juftification de la caufe de l'Empereur, en m e t t a n t entre les mains d'autruy ce qui luy appartenoit de droit. C a r le Roy de Portugal ne vouloit pas mettre en depoft Malaca , qui appartenoit & qui eftoit dans l'alignement d e l ' E m p e reur, 1524.


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reur , fon but ne tendant que d'avoir la poffeffion, ou du 1524. moins en venir à des preuves fuffifantes ; & détourner p a r c e moyen le jugement de partage , en prolongeant le Les Portugais temps ; allegant quelquesfois que l'on devoit attendre s'exeufent toules Eclypfes de la L u n e , & d'autres fois que félon les jours d ' e n venir à l'alignement. premières capitulations l'on ne devoit pas faire l'alignement par des luges , mais qu'il faloit envoyer fur les lieux qui caufoient le différent. Si bien que ne voulant point te tenir à leur C a r t e m a r i n e , n y à celles des Miniftres de l'Empereur ; & tenant pour une veritable preuve qu'il n'y avoit rien de plus affeuré que la véritable poffeffion, ils n e pretendoient pas que la luftice de leur caufe en ce rencontre fùt lezée de la forte. Enfin comme le terme de Les luges Caftillans remetla commiffion vint à finir , les luges Impériaux ne trou- tent le différent vant point d'autre remède pour terminer le différent, entre les parrefolurent de le remettre aux parties principales,entre ties. lefquelles il y avoit tant de parentage & d'amour ; quoy que l'intention de tous les deux fuft toujours d'en vuider par la voye de la luftice, & de conclure l'affaire. Apres quoy il s'en retournèrent en Caftille.

C H A P I T R E

IX.

De la navigation que fit un navire François qui fortit de Diepe cette année pour faire quelque découverte dans les Indes.

D

Ans ce mefme t e m p s , François I. R o y de France, perfuadé par quelques-uns de fes fujets, à l'imitation de l'Empereur Charles-Quint qui de jour à autre découvroit toujours de nouvelles t e r r e s , poffible à caufe de la montre de quantité de richeffes des Indes donc on luy faifoit voir plufieurs échantillons à fa C o u r , en luy reprefentant que Dieu n'a voit pas créé ces terres pour les Caftillans feulement: Refolut d'y envoyer un Capitaine appelle Iean Berrazano, Florentin , pour faire quelque découverte ; parce que les Cofmographes

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Iean B e r m a n o , Florentin part de France pour aller e n


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de toutes les nations demeuroient tous d'accord qu'il y avoit un autre paffage de la mer du N o r t à celle du Sud, dont les richeffes eftoient en grande eftime. Ce Capitaine partit donc de Diepe le 17. de Ianvier de cette ann é e avec quatre navires. Apres qu'il eut navigé quelque temps en courfe, & qu'il eut équippé de vivres un navire pour huit mois. Il prit la route de l'Ifle de M a d è re ; de là paffant vers le Ponant avec un vent de Levant il fit cinq cent lieues en vingt-cinq jours. Il eut une grande tourmente de m e r , mais eftant appaifée , il continua fon voyage pour le P o n a n t , tournant toujours du cofté du N o r t , & en vingt cinq autres jours il fit encore quatre cent lieues, & découvrit une terre qui jufques alors n'avoit point efté découverte, qui fembloit quelque peu baffe. C o m m e il s'en fut a p p r o c h é , il apperçeut par quantité de feux qu'il vit qu'elle eftoit peuplée, & qu'elle s'eftendoit vers le Sud. Apres qu'il eut navigé le long de la cofte environ cinquante lieues fans trouver de P o r t , & qu'elle tournoit toujours du cofté du S u d , il B a r r a z a n o d é - refolut de retourner au N o r t ; fi bien qu'ayant trouvé un couvre terre & t r o u v e d e s g e n s P o r t , il furgit à la cofte., & vit quantité de gens qui a c qui s ' e n f u y e n t coururent fur la plage. Ayant fait defcendre la Chaloue n les v o y a n t pe en mer pour prendre t e r r e , à mefure que les François approcher. approchoient du rivage, ces gens fuyoient d'eux & fe retournoient de fois à autre pour les regarder 5 mais ceux de la chaloupe les appellant par fignes, ils revenoient pour les admirer, & leur apportoient des vivres. Ces peuples eftoient tout n u d s , excepté leurs parties qui eftoient couvertes de certaines peaux femblables à des M a r t e s , attachées avec une ceinture d'herbe, eftroite & fort bien tiffuë, garnie de queues de plufieurs fortes d ' a n i m a u x , q u i leur tournant à l'entour du c o r p s , atDelacondition tachées ,defcendoient jufques au genoüil. ils portoient de ces p e u p l e s . des guirlandes de plumes d'oifeaux , ; leur couleur eftoir femblable à celle des autres Indiens. Leurs cheveux eftoient noirs & moyennement longs, qu'ils a t t a choient derrière la tefte en façon de queue ou de treffe. Ils avoient les membres bien proportionnez, & eftoient 1524.

découverte & pour chercher u n paffage du Nort au Sud.


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de moyenne f t a t u r e , la face & l'eftomac larges, quoy 1524. qu'il y en euft d'autres qui euffent le corps mieux fut,& dont les geftes eftoient plus agréables. Leurs yeux eftoient noirs ,& avoient un regard pénétrant. Ils ne fembloient pas eftre forts, quoy qu'ils fuffent fort légers & grands coureurs, & avoient bon efprit. L'on ne put pas apprendre beaucoup de leurs coutumes parce que l'on y féjourna peu de j o u r s , parce que le navire eftoit trop éloigné du rivage , & qu'il y eftoit defcendu trop peu de gens. L'on vie le long de la cofte quelques ruiffeaux &e des bras de mer, & que la terre en quelques endroits s'alloit élargiffant qui formoit de belles plaines , & des campagnes remplies de forefts ,fie en d'autres lieux des bocages remplis de plufieurs fortes d'arbres qui faifoient un très-bel afpect ; c'eftoient des palmiers, Les a p p a r e n c e s de cette terre des lauriers, des cyprès & d'autres non connus en Euro- font efperer pe , qui rendoient une très-bonne odeur ; ce qui avoit qu'il y a de l'or d a n s fes entrailbeaucoup de rapporta l ' O r i e n t , &e faifoit efperer qu'il les. y devoit avoir quelques drogues - parce que cette terre, félon fa couleur faifoit juger qu'elle pouvoit produire de l'or. La diverfité des animaux , comme cerfs, lievres, & autres eftoit grande ; & les lacs d'eau vive & la quantité d'oyfeaux de diverfes fortes donnoit de l'admiration. lis trouvèrent que cette terre eftoit au ; 4. d e g r é , que D e la t e m p é r a l'air y eftoit fort fain, & lefroid & le chaud d'une bonne ture de cette température ; parce que les vents -impétueux ne re- t e r r e . gnoient point dans cette région , & que ceux qui font les plus fréquents dans l'Efté font ceux de Nordeft & de P o n a n t . La plus-part du temps le Ciel y eft ferain, & il y pleut rarement ; & lors que par les vents Auftrals il arrive quelques broùillars , ils s'abatent incontinent après à la feule veuë du Soleil & le Ciel devient auffi-toft ferain. La mer y eft toujours en repos ; & quoy que les rivages font bas & fans p o r t s , toute cette cofte eft unie & fans r o c h e s , & jufques à cinq ou fix pas d é t e r r e , la mer y avoit plus de fept à huit braffes de profondeur fans vagues, & dans la haute mer on y pouvoit mouiller l'anP p p ij


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chre fort facilement. Ils n'y rompirent aucuns cables, 1524 parce que les anneaux qui les tenoient eftoient trèsb o n s , & les anchres fe fuffent pluftoft rompus que de Ils p a r t e n t d e lâcher. Ils partirent de ce lieu , & pafferent plus avant c e t t e c o f t e & rele long de la cofte, & trouvèrent qu'elle tournoit vers t o u r n e n t vers Oriant, & ils y découvrirent quantité de feux. O r coml'Oriant. me ils avoient befoin d'eau ils envoyèrent la chaloupe à, terre ; & virent une infinité de gens qui y accoururent pour les v o i r , & qui félon ce qu'ils purent remarquer par les figues qu'ils leur faifoient,eftre pacifiques,& qu'ils eftoient ravis de voir les François. Et parce que la chaloupe ne pouvoit pas aborder à cette plage fans courir rifque de fe p e r d r e , ils envoyèrent un homme à nage, qui leur porta des fonnettes, des miroirs, des couteaux 6c d'autres jolivetez ; mais les ondes s'enflèrent de telle forte, & fi hautes qu'elles le jetterent à la rade prefque l e s I n d i e n s fau- mort. Les Indiens y accoururent,. & le tirèrent de l'eau-, v e n t u n F r a n - & comme il revint à foy, il fe mit à crier de r é p o u v a n t e ç o i s q u i fe n o où il eftoit, & les Indiens crioient auffi pour luy faire yoit. entendre qu'il n'euft point de peur ; & le mettant au Soleil pour le faire fecher , ils le contemploient tout eftonnez de le voir fi blanc. Ils allumèrent du feu pour le chauffer y & comme il eut tout-à fait repris fes efprits, il leur fît fçavoir par fignes qu'il vouloir retourner au navire,& ils l'accompagnèrent avec beaucoup d'amour,, admirant comme il s'en retournoit au vaiffeau Comme ce Marinier fut r e n t r e , ils fuivirent la cofte qui tournoit vers le N o r t , & dans l'efpace de cinquante lieues ils arrivèrent a une autre terre qui paroiffoit eftre trèsbelle , où il y avoit de grandes forefts. il defcendit vingt hommes à terre qui entrèrent jufques à deux lieues dans le païs, dont les peuples les apercevant s'enfuyoient dans les bois. ils prirent une vieille femme qui eftoit acLes François p r e n n e n t u n e compagnée d'une autre de dix-huit ans, lefquelles s'ei n d i e n n e , & la ftoient cachées dans des herbes. La vieille portoit fur q u i t t e n t à caufe fon dos & à fes coffez deux jeunes garçons & une fille, des cris qu'elle ; & la fille menoit trois autres filles allez grandelettes. faifoit. Comme les François les abordèrent elles fe mirent à


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OCCIDENTALES,

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crier, la vieille faifant entendre par lignes que les hom1 5 2 4 . mesavoient pris la fuite. Ils leur donnèrent de leurs vivres qu'ils p o r t o i e n t , que la vieille r e c e u t d e très-bon c œ u r , mais la jeune n'en voulut point prendre & les jetta à terre, ils prirent les garçons pour les mener en France, & comme ils voulurent auffi prendre la fille, qui écoit fort belle & bien-faire , elle s'écria de telle force que les François fe voyant entourez de bois, & qu'ils eftoient éloignez de la mer ils la laifferent là & fe contentèrent d'emmener le garçon Ces Indiens leur parurent plus blancs que les precedens, & eftoient veftus d'une certaine herbe qui s'attache aux branches des arbres qu'ils tiftentavec des cordes de canes, & eftoient comme des fauvages ; car ils avoient les cheveux efpars comme les autres Indiens qu'ils venoient de quitter. Ils vivoient de légumes de différentes couleurs que les noftres, quoy B a r r a z a n o va que fort favoureufes, ils avoient la chaffe & la péche à t o u j o u r s d é c o u fouhait , fe fervant de lacs & de rets, & tiroient auffi de v r a n t p l u s a v a t l'arc, avec des fléches armées par le bout d'os de poiffon ,fort aigus. Ils avoient des canos tout d'une pièce. Les arbres n'eftoient pas fi odorants qu'à la terre qu'ils venoient de quitter , pour eftre plus Septentrionale , mais il y avoit des vignes que la N a t u r e avoit produites, & qui s'attachoient le long des arbres jufques au haut. Ils y virent des Rofès,des L y s , des Violettes & d'autres fortes de fleurs & d'herbes fort odorantes & différentespour des maifons ils n'en virent point. Apres qu'ils eurent demeuré à l'auchre le long de cette cofte trois jours, faute de port ils pafferent encore plus o u t r e , fuivant toujours la cofte entre N o r t & Levant, navigeant de jour & fe tenant la nuit fur les anchres y & comme ils eurent fait encore cent lieues , ils trouvèrent une terre I I r e n c o n t r e u n e fort délectable entre quelques montagnes, à travers des- t r e s - b o n n e terquelles paffoit une grande rivière, d o n t la bouche avoit rpel é &e . b i e n peuune grande profondeur. La chaloupe y e n t r a , & ils virent que la terre eftoit fort peuplée, & les gens femblables aux precedens & eftoient veftus de plumes de différentes couleurs. Ils approchèrent de la chaloupe en s'éPpp

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criant, & montrant par fignes aux François où ils pourroient furgir. C o m m e ils eurent fait environ demy lieuë en remontant la rivière , ils trouvèrent un grand lac qui auoit bien trois lieues de t o u r , dans lequel il y avoit quelques canos qui alloient & venoient. Mais eftant arrive en un moment une furieufe tempefte ils s'en retournèrent au Vaiffeau ; & remarquèrent en cette terre toutes les apparences d'y avoir des mines. D e là ils navigerent vers le L e v a n t , parce que la cofte les obligeoit de fuivre cette route , & à cinquante lieues de là ils découvrirent une Ifle de forme triangulaire, fort grande, I l s r e n c o n t r e n t diftante de la terre-ferme de dix lieues ; elle eftoit fort u n e g r a n d e Ifie, peuplée 6c remplie de verdure 6c de vergers. Ils n'y pri& fort p e u p l é e . rent pas t e r r e , parce que le vent leur eftoit contraire ; mais ils pafferent à quinze lieues de là dans une autre terr e , où ils trouvèrent un bon p o r t , & où il y avoit vingt canos & beaucoup de gens, & qui par des chifflemens s'approcherent à cinquante pas prés du navire, eftonnez de leur fabrique, & des habits & geftes des François. C o m m e ils fe furent un peu famiharifez , ils approchèr e n t encore déplus p r é s , & on leur jetta des fonnettes & d'autres jolivetez , qui leur donnèrent fujet d'entrer D e u x C a c i q u e s dans le Vaiffeau. Parmy ceux qui y entrèrent il y avoit e n t r e n t d a n s l e deux Caciques, qui avoient le corps bien-fait, l'un avoit n a v i r e des Franquarante ans & l'autre vingt. Le premier eftoit veftu çois. d'une peau de cerf fort bien préparée, 6c dont l'ouvrage eftoit fait d'un bel artifice ; il avoit les cheveux treffez & attachez autour de la tefte ; il portoit autour du col une chaîne affez l a r g e , avec des pierres de diverfes couleurs. L'autre eftoit accommodé prefque de la mefme façon ; & les gens qui les accompagnoient eftoient plus affables, mieux faits & de meilleure couleur que ceux qu'ils avoient veu dans toute leur navigation ; & les femmes eftoient fort belles & avoient tres-bonne grâce ; elles eftoient toutes n u e s , excepté les parties honteufes qu'elles couvroient avec de la peau de cerf ; leur tefte eftoit fort bien o r n é e , & leurs cheveux attachez avec diverfes bandelettes, & portoient des pendants d'oreil1524.


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les , des fortes de miroirs ou plaques de cuivre façonnées 1 5 2 4 . qu'ils eftimoient plus que de l'or. Ce qu'ils affectionnoient le plus eftoit les fonnettes & les autres bagatelles de verre que les François leur donnoient qu'elles pendoientà leurs oreilles & au col. Ils faifoient peu d'eftat des veftemens de foye, & autres chofes femblables & mefme du fer & de l'acier. Ils contemploient feulement les armes, & les laiffoient là. Ils regardoient dans des miroirs & fe mettoient à rire en les rendant. Ils donnoient de grand cœur de ce qu'ils avoient. Cependant Q u a n t i r é d'Indiens abordent que toutes ces converfations fe paffoient il furvint une a u n a v i r e des furieufe tempefte, qui obligea le navire d'entrer dans F r a n ç o i s le port. Si toit qu'il y fut entré quantité de canos l'abordèrent , & les Indiens qui eftoient dedans avoient tous le vifage peint de diverfes couleurs, qui apportoient des vivres aux Chreftiens. ils demeurerent là quinze jours, fans ceffer d'eftre vifitez de quantité de gens & qui y m e . noient leurs femmes, quoy qu'ils fuffent fort jaloux, & ne les laifferent jamais fortir des canos pour entrer dans le navire,nonobftant les douceurs & les prefens que les François leur prefenterent. Il y euft un Cacique qui vint fouvent voiries François V n C a c i q u e enavec fa femme , mais il n'approchoit pas du Vaiffeau t r e d a n s le n a avec elle de plus de deux cens pas, & envoyoit au navire v i r e & eft r a v y dire qu'il eftoit là ; puis laiffant fa femme avec fes fui- dç oe ivs o,i r&l else uFr sr a na-vantes, il entroit dans le vaiffeau & s'enqueftoir de plu- c t i o n s . fîeurs chofes, fe réjoùiffant de voir les a&ions & geftes des François, de boire de leur vin & manger de ce qu'ils avoient, & leur offrit toute forte de feureté au cas qu'ils vouluffent demetirer là quelque temps. Leur exercice eftoit de tirer de l'arc, de faire des courfes,à qui fe devanceroit l'un l'autre, & faifoient quelquesfois des r é jouiffances publiques. Les François fortirent à terre quelquesfois, & entrèrent à plus de fix lieues dans le païs, qu'ils trouvèrent paifible & fort fertile ; car ils virent des campagnes qui félon leur jugement avoient bien vingt cinq ou trente lieues d'eftenduë, fans aucun ebftade. Les arbres des forefts & des bois n'eftoient


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que chefnes & cyprès, & quelques autres dont ils n'a1524. voient pas la connoiffance. Ils y trouvèrent des pommes & des noifettes, & quantité d'autres fruits qui leur eftoient auffi inconnus ; & plufieurs animaux femblables à ceux dont nous avons parlé cy-devant. Leurs armes eftoient des arcs & des flèches fort bien faites, & armées Q u a l i t é d'une de pointes de caillou. Leurs maifons eftoient r o n d e s , terre que l e s bâties de bois & façonnées, éloignées les unes des auF r a n ç o i s décou tres & couvertes de milles de paille en façon de natte fort vrirent. déliée , & qui les garantit du Soleil & des pluyes. Ils virent des pierres tranfparantes & de l'albatre, dont il y en avoit quantité vers le rivage. Ils changeoient leurs maifons de lieu quand bon leur fembloit félon la commodité de la place , & pour autant de temps qu'ils vouloient , e n oftant feulement les tuilles qui eftoit le plus difficile , car pour le refte cela fe faifoit en un moment. T o u t e une famille vivoit dans une maifon , & il y en avoit telle qui contenoit jufques à vingt-cinq & trente perfonnes, tant les pères que les enfans- Pour leurs femailles ils o b fervoientle cours de la Lune ,& la naiffance de quelques Et ou les peu- Eftoiles. Ils eftoient rarement malades , & difoient ples ne m o u qu'ils mouroient de vieilleffe. Les François remarquèr a i e n t la pluf rent en eux de la pieté & de la charité , & qu'ils compapart que de vieilleffe. tiffent les uns pour les autres dans leurs travaux. Ils trouvèrent que cette terre eftoit au quarante-unième degré deux tiers, & un peu froide par accident, & non pas par nature. L'emboucheuredu port eft au Sud ; d'où, après avoir fait provifion de ce qu'ils avoient befoin, ils partirent le 5 jour de M a y , continuant toujours leur route le long de la cofte fans perdre la terre de veuë, & navigéant encore cent cinquante lieues ils trouvèrent t o u jours la terre femblable, quoy qu'un peu plus haute à caufe de quelques montagnes. Ils pafferent encore à cinquante lieues au delà en tirant vers le N o r t felon la cofte , & trouvèrent une terre plus h a u t e , où il y avoit de grandes forefts, d'arbres qui s'élèvent dans les lieux froids & les gens différents des precedens, fi ruftiques & fi barbares, que quelque artifice que l'on put apporter


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ter pour les adoucir afin de faire commerce avec eux, 1 5 2 4 . o n n'en put jamais venir à bout. Ils eftoient vertus de peaux d'Ours, de Loups marins & cerviers, & d'au, I l s trouvent u n e très animaux farouches. Ils vivoient de beftes de chaffe, a u t r e terre differente de poiffon & des racines que produifoit la terre, qui n'eftoit cultivée en pas un endroit 3 mais elle paroiffoit toute fterile. Ils ne voulurent jamais rien donner en troc de couteaux ,d'ameçons, & autres chofes qui coupoienr. i l fortit à terre vingt-cinq hommes ; mais les Indiens fe mirent à tirer leurs fleches, chifflant & fuyanc dans les bois ; & les François entrèrent à main armée plus de fix lieues dans le païs ; ou ils ne virent aucune chofe digne de remarque, quoy qu'il deuft y avoir pourtant quelque mine de métal ; car plufieurs portoient quelques pièces de cuivre pendues à leurs oreilles. D e là ils pafferent encore plus avant vers le Nort fuivant toujours la cofte , & la trouvèrent meilleure & moins embaraffée, 6c fans forefts ny bois, & de grandes montagnes plus avant dans le païs. Puis continuant leur route le long de la plage, ils firent encore cinquante lieues, & trouvèrent cinquante deux Ifles proches de terre, fort petites, mais deleclables. D e l à paffant encore plus avant cent B a r r a z a n o defcinquante lieuëS, ils arrivèrent au cinquantième degré. c o u v r e j u f q u e s a u 5 0 . d e g r é du Mais d'autant que les vivres commençaient à leur man- N o r t . quer ils refolurent de s'en revenir en France, après avoir découvert fept cent lieues de cofte, & impoferent le nom de nouvelle France à cette terre.

Qqs


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1524.

C H A P I T R E

X.

Fernand de Cortès refont de faire le voyage delas Ybueras. Il part de Mexique four cet effet. L'ordre qu'il laiffe a cette Ville, Les révoltes qui y arrivèrent pendant fon abfence ; & les travaux qu'il fouffrit en ce voyage,

C o r t e s fe pré-

pare pour aller a las Ybueras.

M o r t de Diego Velafquez.

l e s ges des C o r . tes le veulent détourner

voyage.

du

C

Ortés ayant refolu de faire le voyage delas Ybueras, publia fon deffein, & commença à préparer toutes choies pour cette entreprife, parce qu'il ne pouvoir fe tenir en repos, & ne fe fioit pas beaucoup à la diligence qu'auroit pu apporter Francifco delas Cafas ; & il fçavoit fort bien que Chriftofle d'Olid qui avoir toujours efte vaillant foldat & libéral ,avoit beaucoup d'amis ; & que tous ceux de Diego Velafquez femettroient de fon part y , & particulièrement luy ayant fuccedé en la charge de Cuba par fa mort qui eftoit arrivée en ce mefme t e m p s , Manuel de Rojas qui eftoit de fon païs, & fon par e n t , homme de qualité & de grand crédit ; & marié avec Magdelaine Velafquez fa parente. Les gens de réputation & les principaux Officiers Royaux le prioient de n'entreprendre point ce voyage, luy reprefentant qu'il importoit beaucoup plus de fonger à la feuretè de Mexique qu'à celle delas Ybueras ; Parce que par fon abfence il donneroitfujetaux Indiens de fe fervir de cette occallon defe foûlever, & de tuer le peu de C h r é t i e n s qui y refteroienr. Et de cela il y en avoit déjà de grandes indices, parcequ'ils ne ceffoient toujours de plorer & regretter la mort de leurs pères & de leurs parens, & la prifon de leurs Seigneurs ; & qu'en perdant Mexique l'on perdoit toute la terre. Mata que tous ces mécontentemens eftoient comme interdits parfa feule prefence;parce que les Indiens le craignoient &r le redoutaient plus luy feul que tous les Caftillans enfemble Que pour le châtiment de Chriftofle d'Olid il n'en faloit pas douter, & que le Roy toft ou tard y pourvoiroit , & qu'il fe devoit confier a, Francifco delas Cafas, & qu'il y donner oit bon


DES I N D E S O C C I D E N T A L E S , L i v . V I . 507 ordre ; & qu'outre toutes ces chofes le voyage eftoït fort long, le 1524 chemin difficile, &, la terre ingrate ; & que ceftoit justement donner fujet de former une guerre civile. Cortés répondant La r é p o n f e qu'il

à cela, difoit que s'il ne châtioit cette defobeïffance leur fait. beaucoup d'autres feroient la mefme chofe, & que c'eftoit ce qu'il apprehendoit le plus ; & qu'il y avoit plufieurs Capitaines de diverfes Provinces qui perdoient déja le refpect à l'imitation de Chriftofle d ' O l i d , qu'ils commettroient des excès dans le païs, & cauferoient des alterations parmy les peuples dételle forte que l'on auroit puis après beaucoup de peine à les appaifer. Mais qu'il laifferoit un fi bon ordre avant que de partir , que pourveu qu'on le gardaft, il n'y auroit rien à craindre. C o m m e l'on vit qu'il ne vouloit point changer de refolution , les Officiers Royaux l'en importunèrent & le prièrent inftamment encore davantage, quoy que la plufpart jugeaffent bien qu'il ne feroit rien de ce qu'ils difoient ; mais pour les fatisfaire en quelque façon il leur fît à croire qu'il n'iroit qu'à Guazalcoalco, & à quel- Guazalcoalco. ques autres terres des environs qui s'eftoient foûlevées ; fi bien que par ce moyen , ils cefferent de luy en parler d a v a n t a g e , & l'on commença à fe préparer pour le voyage. L'ordre qu'il commanda d'obferver pendant fon a ab- Ordre de Cortés fence, fut de continuer la converfion des Indiens ; & que pour so voyage toutes les Communes & autres perfonnes qui a voient des départemens fiffent tous leurs efforts d'abatre les Idoles ; & donna des Indiens en partage aux Officiers Royaux, & autres, afin qu'il n'y euft point de mal-contens. Il donna la charge de Capitaine de l'Artillerie, & l'Alcayde des srcenaux où eftoient les brigantins qui eftoient fort bien équipez d'armes & de munitions pour ce qui pouvoit arr i v e r a Francifco de Solis. Il donna la garde de fa maifon & de fon bien à Rodrigue de Paz fon coufin. avec Comme il difla charge de Sergent Major & de Gouverneur de la Vil- pofe des chofes l e , homme plus violent qu'il n'euft eftéàfouhaiter.ilre- dans Mexique durant q u ' i l fera folut de mener avec luy les Seigneurs, & les principaux a b f e n t . de la Nobleffe Mexiquaine, & dont il femefioit le plus. Qqq ij


508

H I S T O I R E

qui pouvoient caufer quelques altérations & particuliè1524. rement Quotimoc & C o n a n a , Chochzin, qui fur Seigneur de T e z c u c o , T e t e p a n q u e z a t l , Seigneur de T l a c o p a r , O q u i z i , Seigneur d'Acapuzalco , X i v a c o a , & T l a c a t l e c , hommes puiffans &; capables de tout entreprendre pour parvenir à une révolution. Et après avoir déclare qu'il Iaiffoit en fa place pour exercer le Gouvernement le Treforier Alonfe d'Eftrada , & le Licencié Alonfe d e Z u a z o ; le Facteur Gonçale de Salazar , & le Vifiteur Feralmindez Chirinos pour n'eftre point fujets au Treforier, s'offrirent, quoy que contre fa volonté, de l'accompagner en ce voyage ; avec lefquels il defiroit auffi d'avoir le maiftre des Comptes Rodrigue d'Alborn o z , qui tomba malade lors qu'il fut queftion de partir. A caufe dequoy le F a d e u r le pria, que puis que Albornoz ne pouvoit pas faire le voyage à caufe de fa maladie , qu'il le laiffaft pour gouverner avec Eftrada & Zuazo , & il fit cette demande par une extrême malice ; parce qu'il fçavoit fort bien que Eltrada & Albornoz n'eftoient pas bien enfemble, d'autant que dans l'intérieur ils fe vouloient du mal l'un à l'autre, & que par ce moyen il trouveroit occafion de prendre pare au G o u vernement , qui eftoit ce qu'il fouhaitoit le plus, quoy qu'il couvrift fon deffein le plus qu'il put. Cortés ne pouvoit fe refoudre à luy accorder fa demande d'abord,parce qu'il connoiffoit fort bien que tous ces gens eftoient fort ambitieux & amateurs de trouble ; & ces difficultés l'inquietoient fort : Neantmoins comme il fe vit beaucoup i m p o r t u n é , & qu'il vouloit complaire â tous ceux Cortés p a r t de qui ne ceffoient de le calomnier,il y confemit. il fortin Mexique. donc de Mexique dans le mefme temps que François de las Cafas partit de las Ybueras ,qui eftoit à la my Octobre pour aller à Mexique par Guatemala, après que C a r tés eut envoyé un brigantin à la Fera ruz qui portoît les nouvelles de tout ce qui fe paffoit, lequel fut perdu D e s g e n s qu'il en ce voyage. Il avoir avec que luy cent cinquante chemena avec que vaux , & autant d'Infans Caftillans bien armez,trois milluy. le Indiens de guerre,quantité de femmes de fervice,quatre pièces d'artillerie avec les munitions neceffaires. Il fît


DIS INDÉS

OCCIDENTALES,

LIV. V I .

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préparer dans la Vera Cruz, plufieurs machines de guerre, 1524. le quantité de vivres qu'il fit mettre dans des Vaiffeaux pour p o r t e r i e long de la cofte, parce qu'il ne p r e t e n doit pas s'éloigner beaucoup de la mer. Il fit mener un troupeau de p o r c s , animaux de grande fatigue , & qui multiplioient beaucoup en cette terre. Avant que Cortés fortift de Mexique il avoit écrit au R o y , pour le remercier de la charge de Gouverneur & de Capitaine gêneral de la nouvelle Efpagne, Et parce qu'il avoit apris que le prefent qu'Alonfe d' Avila,& Antonio de Quinones luy portoient avoit efté perdu , il en avoit préparé un autre femblable au précèdent, de plumes , de poil, de c o t t o n , de perles,. & de joyaux, & l'en- C o r t é sécrifas Roy , & luy e n voya par Diego de S o t o , avec une coulevrine d'argent voyé un autre qui valoit vingt-quatre mille poids d'or fort bien tra- prefent.vaillée, où eftoit un Phoenix de relief, & de certains caractères, qui eftoit une chofe digne d'admiration, pour eftre la première pièce d'artillerie qui fe foit jamais veuë dans le monde de femblable métal. il envoya auffi plus Il luy envoyé defoixante & dix-mille Caftillans d'or , & fuplia le R o y une pièce d ' a r tillerie d ' a r de donner des franchifes & des privilèges aux Villes g e n t . qu'il avoit peuplées, & à celles de Tlafcala , de T e z c u co , & autres peuplades d'Indiens qui avoient rendu de grands fervices dans les guerres. Il paffa cette fois là en Caftille Iean Velafquez de L é o n , Alonfe de Grados, & autres Capitaines pour des pretenfions particulières. & les Officiers Royaux envoyèrent des lettres particulières & en fecret ; par lefquelles chacun expofoit fes véritables deffeins D'ailleurs l'emprifonnement de Francifco de las Cafas, & la Victoire de Chriftofle d'Olid qu'il croyoit eftre encore dans la profperité luy donnoient bien de l'inquiétude, & luy faifoient d'autant plus précipiter fon voyage. Et Francifco de las Cafas ayant laif- D e l a s C a f a s patte à T r u x i l l o fé les chofes de las Ybueras en bon eftat , comme il & r e t o u r n e à avoit d i t , & peuplé les Villes de T r u x i l l o , il ne voulut M e x i q u e . pas fe tenir-là davantage , & partit pour Mexique , en paffant par la Province de G u a t e m a l a , avec Gille G o n calez Davila. Ayant cheminé quelques jours ils trouveQ q q iij


1524.

Le Bachelier M o r e n o arrive a las Y b a e t a s .

510 HISTOIRE rent le Capitaine Briones qui avoit quitté Chriftofle d ' O lid ; & parce que Gilles Gonçalez luy vouloit du m a l , à caufe que ce fut luy qui le prift lors qu'il tomba entre les mains d'Olid ; & que Francifco delas Cafas pretendoit certains héritages fous prétexte de rébellion contre Cort é s , & puis après contre Olid , ils le firent p e n d r e , & continuèrent leur chemin pour Mexique ; q u o y q u e fon intention fuft de l'empêcher de retourner avec les gens qu'il a v o i t , à l a s Y b u e r a s , de crainte de troubler le bon ordre qu'il y avoit eftably. Auffi toft après que Francifco de las Cafas fut party delas Ybueras,le Bachelier Pedro Moreno y arriva , chargé d'une commiffion de l'Audience de l'Efpagnole pour mettre Chriftofle d'Olid dans le devoir ; & Gille Gonçalez dans une Caravelle: où eftant arrivé, il n'y laiffa entrer que quatre ou cinq h o m m e s , fans a r m e s , qui l'en prièrent inftamment à caufe de la grande neceftité de vivres o ù ils eftoient, de veftemens, d'armes, & de ferremens, dont ils le prioient de leur en fournir , & qu'ils s'obligeroient tous de les luy payer. Il leur fit réponfe, qu'il n'eftoit pas venu là à deffein de leur bailler ce qu'ils demandoient, & qu'il ne leur donnerait rien s'ils ne le payoient en or , où en Efclaves : Et dit à tous les Officiers de la Ville , qu'ils receuffent Iean Ruano qui eftoit venu avecque luy p o u r Capitaine, & luy preftaffent ferment au nom de l'Audience Royale de l'Efpagnolle, & qu'ils refifteroient à main armée contre qui que ce fuft qui s'y voudroit o p pofer. Ceux de Truxillo preffez de la neceffité, de crainte de mourir de faim , & de fe laiffer tuer par les Indiens, defarmez comme ils eftoient, ayant perdu leurs armes dans un Navire , lors que Francifco de las Cafas les envoya peupler Truxillo , acceptèrent cette condition. Auffi-toft après que le Bachelier Moreno eut fait recevoir Iean Ruano pour Gouverneur ; que ceux de las Ybueras luy eurent prefté ferment, & qu'il eut change. le nom de la Ville à celuy de l'Affomption ; il en fit faire tous les actes neceffaires, afin qu'elle demeuraft pour l'Audience Royale,& non pour Fernand Cortés, & qu'il


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.VI.

511

les eut pourveus de ce qui leur manquent; il fortit à la 1524. campagne & alla faire des courfes dans le pais,où il prit quantité d'efclaves de Pagagina, & de Papayeca. Delà il L e B a c h e l i e r S'en alla vifiter les autres peuplades qui eftoient le long àM o rFe rnaon c i ef fccor i t de la cofte ; d'où il envoya des Meffagers au Capitaine H e r n a n d e z d e Francifco H e m a n d e z de C o r d o u ë , qui alloit à Nicara- C o r d o u e , & c e q u ' i l luy m a n d e gua, par lefquelles il le prioit de quitter le party de Pedrarias,& qu'il prift celuy des luges de l'Audience Royale de l'Efpagnolle. Ce Capitaine Hernandez fe voyant ainfi courtise en devint plus fuperbe, joint qu'il fe voyoit efloigné de Pedrarias, & dans une grande Province pacifique , avec des troupes de gens de guerre Caftillans ; refolut de quitter fon party , mais à deffein de ne dépendre que du Roy feulement. Cependant le Bachelier Moreno ayant deffein de retourner à las Ybueras avec plus de forces, s'en alla à l'Efpagnolle ; & dans ce mefme C e u x de T r u temps ceux de Truxillo fe faifirent du Capitaine lean x i l o fe faififRuano ; & s'il n'euft efté prudent & aimé , ils l'euffent f e n t d u C a p i pendu ; mais ils l'envoyèrent dans les Ifles, fort faud- t a i n e l e a n R u a no, rait d'eftre fort y de leurs mains à fi bon marché.

C H A P I T R E Gonçale

de $alazat,

XI.

& Paralmmdez vont a Ce qui leur arriva en chemin.

Mexique,

C

ependant que toutes ces chofes fe paffoient Fernand Cortés continuoit fon voyage ; & eftant arrive à neuf heuës de la Ville del Efpiritu fanto il paffa une grande rivière dans des barques ; en entrant dans Guazalcoalco, fitué en la cofte de la mer du N o r t , a cent trente lieuës de Mexique , comme fi Gonçale de Salazar & Peralmindez, euffent deviné ce qui le paffoit dans M e x i q u e , demandèrent à Cortés la permiffion de s'en retourner ; ce qu'il leur accorda , avec commiffion de gouverner dans Mexique avec les autres trois conjointement. Mais il y en eut qui ne manquèrent pas de dire

G o n ç a l e de S a lazar & Peralmindez demandent permiffion à C o r tes de retourner à Mexique.


512 HISTOIRE

que Cortés eftoit ravy démettre de la divifion entre les Officiers Royaux ; Parce que comme il fçavoit combien différentes eftoient les opinions, les mauvais offices qu'ils luy rendoient, il eftoit fort aife de connoiftre les intentions d'un chacun, Car Fernand Cortés n ' e ftoit encore guère efloigné de M e x i q u e , lors qu'eftraD i f f é r e n t e n t r e de & Albornoz commencèrent à contefter l'un contre les Officiers l'autre, & pafferent fi avant qu'ils mirent la main à l'éR o y a u x de M e p é e , dont le différent eftoit d'établir un office de Serxique. gent ; & comme cette paffion alloit plutoft en augmentant qu'en diminuant, les affaires de la Ville en eftoient de mefme, fi bien que cela caufoit beaucoup de fcandale. Les luges en écrivirent à C o r t é s , & Eftrada & Albornoz luy écrivirent auffi, & dans la réponfe qu'il leur fit il les exhortoit de s'accorder enfemble,& que s'ils ne le faifoient, il leur ofteroit leur charge. Mais la prée m p t i o n de l ' u n , & l'arrogance de l'autre, eftant incompatibles enfemble, leur attiroit la haine des peuples ; fi bien que l'on difoit hautement qu'il y falloit mettre ordre ; parce que la pique de ces deux perfonnes par leur imprudence augmentoit toufiours. Cependant t o u t cela fe paffoit fans que le F a d e u r & le Vifiteuren fçeuffent rien, quoy qu'ils euffent demandé la permiffion de retourner à Mexique. Mais fi-toft que cela fuft divulgué dans l'armée , Cortés leur ordonna de partir auffi-toft, & leur donna des commiffions pour chaftier le Threforier & le Maiftre des Comptes ; & qu'ils gouv e r n a i e n t conjointement avec le Licencié Zuazo ; & par ce moyen Goncale de Salazar arriva au comble de fes Salazar, & Peralmiadez redefirs, à condition toutefois que s'il ne les trouvoit d'actournent à Mer cord & bons amis, qu'il ne parlaft point de chaftiment, mais qu'ils gouvernaffent tous enfemble. E t quoy que Gonçale de Salazar, h o m m e r u z é , luy dit qu'il n'eftoit pas à propos de donner tant d'authorité à ces gens là, ny de mettre le Gouvernement entre les mains de tant d e perfonnes, il voulut néanmoins que fa volonté fuft exécutée en cela ; parce qu'il fçavoit de bonne part qu'ils ayoienr, écrit tous unanimement auRoy,en parlant 1524.

mal


D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv. VI.

513

mal de fa perfonne,& il s'imaginoit que s'il pouvoir y 1524. avoir du divorce entr'eux, cela effaceroit toutes les invectives qu'ils avoient écrites contre luy. Mais après tout il ne penfa jamais que ces differens en viendroient jufques à ce point-là. Salazar & Peralmindez eftant arrivez a Mexique, ne tenant compte de ce que Cortés leur avoit ordonné, quoy qu'il trouvaft le Treforier & le Maiftre des Comptes en bonne intelligence enfemble , à caufe qu'ils avoient appris qu'ils venoient ; ils commencèrent à vouloir connoiftre des différents qu'ils avoient eus enfemble ; & effacèrent la provifion qui leur deffendoit de fe mêler des crimes paffez aux cas qu'ils fuffent en paix & bonsamis. Et ayant émeu un grand trouble fur ce fujet L e s q u a t r e M i ils expoferent la caufe en Iuftice, afin que le Licencié m i f t r e s g o u v e r nèrent trois Zuazo donnait fon jugement là deffus ; lequel déclara, m o i s e n p a i x . Que la volonté de Cortés eftoit que tous quatre exerç a i e n t le Gouvernement, pourveu qu'ils fuffent d'accord enfemble ; dont Salazar & Peralmindez furent fi mal-contents qu'ils appellerent de cette Sentence, à deffein de ne pardonner à Zuazo que jufques à ce que Poccafion fe prefenteroit pour luy nuire : Mais nonobflant cette appellation , les quatre ne biffèrent pas d'exercer le Gouvernement & le continuèrent trois mois durant avec quelque peu de repos. D e forte donc que Gonçale de Salazar dont l'efprit eftoit toujours dans l'inquietude, jugeant que par le moyen de l'amitié qu'il avoit contractée avec Rodrigue de Paz,homme puiffant, il pourroit exclure du Gouvernement le Treforier , le Maiftredes Comptes & le Licencié Z u a z o , & de gouverner feul, propofa à ceux-cy de fe faifir de la perfonne de Rodrigue de Paz ,afin qu'eftant prifonnier G o n ç a l e de S a on l'obligeaft en luy rendant la liberté ; mais comme ils l a z a r p r a p o f e ne trouvoient point de fujet en luy pour exercer cette d e p r e n d r e R o drigue de Paz injuftice, le Treforier deffendoit fa caufe, fe doutant p r i f o n n i e r . bien que Salazar n'agiffoit pas de la forte que pour exécuter quelque mauvais deffein. Enfin le Facteur eut tant de pouvoir fur tous les auRrr


514 H I s T o I RE très, que Rodrigue de Paz fut pris prifonnier par le com1524. mandement de tous les cinq Gouverneurs ; parce q u e Eftrada voyant les quatre autres d'un mefme fentiment il ne put pas aller à l'encontre. C e t innocent fut mis II eft empri dans une eftroite prifon les fers aux pieds dans la maifon fonné. du F a d e u r , qui luy montra l'ordre en vertu dequoy il avoit efté pris, & luy dit qu'il verroit par là quel fujet il avoir donné au Treforier, au Maiftre des Comptes & au Licencié Zuazo fes amis, & que s'il euft efté auffi bien fon amy comme il l'eftoit d'eux , ils ne l'auroient pas pris ainfi. Il luy perfuada donc de s'accommoder Il fait l i g u e a v e c avec luy, & que s'il ne le faifoit il couroitrifque d'eftre G o n ç a l e de S a long-temps prifonnier & mal. traité ; mais que s'il voulazar. loit contracter amitié avec luy, il le fortiroit de prifon,& chafferoit les autres du Gouvernement Rodrigue de Paz offenfé de l'affront que fes prétendus amis luy avoient fait, s'accorda avec le Facteur & le Vifiteur, & fe d o n nèrent affeurance d'une amitié réciproque. Ils refolur e n t d o n e d e dépoffeder les autres du Gouvernement, & trouverent auffi toft l'occafion de le mettre en liberté , ce qui fe fit le lendemain ; & pour mieux colorer leur affaire , le Fadeur perfuada aux trois Gouverneurs d'aller tousenfemble communier au Convent de faint François, afin que leur amitié apparente fuft plus n o toire parmy le peuple , & que perfonne ne s'émancipaft d'affifter Rodrigue de P a z . Mais la confédération de celuy-cy, du F a d e u r 6c du Vifiteur, ne fut pas fi fecrete que les autresn'en euffent la connoiffance ; & ils luy dirent qu'il devoit eftre c o n t a n t , puifqu' eftoit venu au Diffimulation but où il afpiroit, qui eftoit d'avoir gagné l'amitié de d e G o n ç a l e d e Rodrigue de P a z , & de l'avoir folicité d'eftre leur enSaLazar. nemy. Il le nia d ' a b o r d , & feignit d'eftre encore plus en colère contre luy qu'il ne l'eftoit auparavant, & les requit de faire ligue contre luy ,& que s'il eftoit neceffaire ils partageaient le différent entr'eux. Incontinent après Salazar & Peralmindez fe joignirent avec Rodrigue de Paz pour gouverner ; & les Magiftrats qui leur eftoient amis eftant entrez avec eux dans le Confeil, ils conclu-


DES

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O C C I D E N T A L E S , Liv.

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rent de faire publier que le Treforier , le Maiftre des 1524. Comptes, & le Licencié Zuazo eftoient exclus du Gouvernement ; & deffenfe à eux de fe mêler d'aucune chofe. Ce changement caufa beaucoup de trouble ; car les T r o u b l e d a n s uns coururent aux armes d'un cofté & les autres de l'au- M e x i q u e t o u tre : Et parce que le Treforier & le Maiftre des Comptes c h a n t le G o u vernement s'eftantallemblez , ne vouloient pas fe tenir à cette déclaration , & expedioient les affaires comme devant, le Fadeur & le Vilîteurles voulurent faire prendre prifon. niers. Mais comme la Ville eftoit en alarme, Francifco Davila l'un des Alcades ordinaires , deffendit fur de grandes peines que perfonne ne preftaft main forte à aucune des parties ; & cela appaifa le trouble. D'ailleurs ,le Facteur, le Vifiteur & Rodrigue de Paz fe fentant offenfez de cela, rompirent la baguette de l'Alcade , & après l'avoir mal-traité ils le mirent en prifon , où ils luy perfuaderent de fe joindre avec eux, de qu'ils luy rendroient fon Office : mais comme il n'en voulut rien faire , ils donnèrent charge à un Sergent de le tuer ; fi bien qu'eftant dans une apprehenfion eftrange de la mort & de l'affront qu'il avoit receu, il s'échapa de la prifon & fut long temps fans paroiftre. Les Religieux L e s R e l i g i e u x de S. François voulant tacher de remédier à ces defor- d e S . F r a n ç o i s dres, cherchèrent des moyens pour les accorder, dont r a f e h e n t de l ' a p paifer. le principal fut, que Eftrada & Albornoz fe laiffaffent prendre par le Licencié Zuazo, attendu que le party contraire eftoit trop puiffant ,avec l'inftance de Rodrigue de P a z , & qu'ainfi ils n'y pourroient pas refifter ; fi bien que par ce moyen-là ils demeurèrent exclus du Gouvernement. Le lendemain Pedro de Paz , frère de Rodrigue de Paz allant à la Meffeau Convent de Saint François, eut quelque différent avec Rodrigue d'Albornoz touchant cette affaire & mirent la main à Pépée, ou quelques-uns qui fe mirent entr'eux pour les feparer furent blefFez ; mais enfin Alonfe d'Eftrada les fepara, & Rodrigue de Paz mit fon frère en prifon, mais Salazar & Peralmendez le mirent dehors. - La nuit d'après, Rodrigue, de Paz fut à la chambre R r r ij


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H I S T O I R E

du Licencié Zuazo, qui eftoit dans la mefme maifon où 1524 tous les autres demeuroient, & luy dift que le Fadeur & le Vifiteur de firoient parler à luy & qu'il defcendift. Sitoit qu'il fur descendu ils luy ofterent en fa prefence la baguette d'Alcalde Major, & tout d'un temps fans aucune forme de procez ils l'envoyèrent à Medellin. Cette action caufa beaucoup de trouble parmy le peuple, & quantité de gens vouloient fortir de la Ville : mais comL e L i c e n c i é Z u a - me l'on eut montré un brevet du Roy , qui portoit que z o eft r e l é g u é eft l'ifle de C u b a l'on l'envoyaft à Cuba pour y faire refidence, ils s'appaiferent. Cela contenta Salazar, tant pour l'avoir cité de fa prefence & de l'avoir délivré d'inquiétude , que parce qu'il luy vouloir du mal à caufe de la déclaration qu'il avoit faite, comme nous avons dit cy devant touchant le Gouvernement. Enfin Eftrada & Albornoz fortirent de Mexique avec la permiffion de Salazar & de Peralmindez pour faire partir de Medellin une quantité d'or que l'on envoyoit au Roy ; mais comme l'on foupçonna qu'ils s'alloient joindre avec Francisco delas Calas Se Gille Gonçalez , dont on avoit déjà eu avisa Mexique ; Peralmindez forcit avec cinquante chevaux & un bon nombre d'arquebufiers & d'arbaleftriers, & alla après eux jufques à huit lieues au delà de Mexique. Ils fe vouE f t r a d a & Alb o r n o z r e v i e n - lurent mettre endeffence, mais à la prière de certains nent à Mexique Religieux de l'Ordre de S. François, ils fe rendirent & prifonniers. \ retournèrent à Mexique prifonniers, dépouillez de leurs F r a n c i f c o d e l a s armes & chevaux. Auffi-toft. après Francifco delas CaC a l a s & G i l l e las & Gille Gonçalez arrivèrent, & la nuit d'après le FaGonçalez y arrideur & le Vifiteur avec une bonne troupe de gens armez v è r e n t auffi. affiegerent la maifon d'Alonfe d'Enftrada & y firent amener de l'artillerie pour la battre. Francifco delas Cafas & Gille Gonçalez fe leverent de leur lit pour les accorder ; mais Gonçale de Salazar les traita ma],difant qu'ils avoient fait ligue avec le Treforier pour fe foûlever avec la Ville , & fe rendre maiftres de la terre ; mais nonobftant tout cela à la prière de Francifco delas Cafas & de Gille Gonçalez ; le Treforier ouvrit les portes. Ils firent perquifition dans la maifon, & trouvèrent quatre o u s


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INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.

VI

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cinq hommes qu'ils mirent en prifon ; & le jour en fuivantils f i r e n t donner le fouet aux u n s , & les autres furent mis au carquan quoy qu'ils fuirent N o b l e s , fous p r é t e x t e , difoient-ils, qu'ils vouloient tuer-Salazar & Peralmindez , à caufe qu'ils eftoient toujours dans l'inquiétude. Ils affiegerent auffi la maifon d ' À l b o r n o z , & y eftant entrez par efcalade ils le prirent, le chargèrent de fers, & l'ayant m e n é aux arcenaux ils le livrèrent à l'Alcayde. Ils prirent auffi le Treforier, & le firent garder dans la maifon d'un habitant par des Officiers de luftice plufieurs jours. 11 ne reftoit donc plus à Salazar pour demeurer abfolu dans le G o u v e r n e m e n t , que de s'afteurer de Rodrigue de Paz, ce qui i'inquietoit beaucoup, ayant appris que le Gardien du Monaftere de S. F r a n ç o i s , appelle Martin de Valencia, l'avoit voulu faire prendre pour un mauvais Chreftien, il traite avec luy pour qu'il luy donnaft la faculté de le faire, & qu'il en viendroit à bout fans faire beaucoup de bruit. Mais le Gardien luy fit réponfe qu'il s'eftoit confefte & qu'il eftoit abfous, & qu'ainfi il n'avoit point fujet de le faire, parce qu'il eftoit bon Chreftien. Salazar voyant donc que fon deffein n'avoit pûreuffir par cette voye , il traita avec le Maiftre des Comptes qui eftoit encore prifonnier, & qui eftoit ennemy de Rodrigue de Paz , qu'il le fomnlair.de la part des quatre Officiers Royaux de déclarer la quantité d'or qu'il avoit envoyé en Caftille pour le quinter ; & que puifque l'on tenoit deja pour tout affeuré que Cortés eftoit mort, l'on recouvrait fur luy foixante mille poids d'or qu'il devoit, & que les quatre Officiers Royaux e n t r a i e n t dans leurs maifons. R o drigue d'Albornoz perfuada auffi la mefme chofe à Afonfe d'Eftrada, difant qu'il faloit que la chofe fe fift ainfi , félon qu'il eftoit requis pour le fervice de fa M a jefté. Cette fommation fe fit donc à Rodrigue de Paz pour complaire à Gonçale de Salazar ; & d'autant qu'ils apprehendoient que l'on fift quelque rcllftance, parce qu'il eftoit puiffant, ils prirent des gens armez , leur offrant des recompenfes & des departemens d'Indiens à Rrr

iij

1524. Salazar craint Rodrigue de Paz.

I l t a f c h e de le faire p r e n d r a prifennier,

Ils font p u b l i e r l a m o r t de C o r tes.


518

1524. Rodrigue de P a z r e f o u t de fe décadré,

Rodrigue de mai- traité.

H I S T O I R E

c u i t qui n'en avoient point ; difant qu'il ne vouloit faire aucun mauvais traitement à Rodrigue de Paz, & que ce n'eftoit que pour affeurer les droits du Roy. Rodrigue de Paz voyant un fi grand t r o u b l e , eftonné de tant de nouveautez & de changemens dans les v o lontez de ceux qu'il tenoit pour amis, prit refolution de fedeffendre, & luy & Cortés. Quantité de gens prirent party & d'un cofté & d'autre, dont il n'en pouvoit arriver que quelque grand defordre ; mais Alonfe d'Eftrada prit le milieu & conféra avec Rodrigue de Paz , & luy dit entr'autres chofes que la fommation n'avoit efté f a te que pour inventorier les biens de C o r t e s , 6c qu'il acquielçaft à cela ; fi bien que fe contentant de cela, il envoya dire que l'on accommodait les chofes fans fcandale. Mais Salazar ne fe contenta pas de cela, il voulut faire publier fur de grandes peines que chacun abandonnait le party de Rodriguede Paz , afin de le prendre plus facilement ; lequel offrit tout de nouveau tout ce qu'il pouvoiti poffeder, pourveu que l'on ne touchait point à fa perfonne. Quelques Religieux & gens de condition obtinrent une feureté pour luy fur la bonne foy, dont Gonçale de SaJazar & Peralmindez furent les gar e n s , & les Capitaines G e o r g e d'Alvarado & A n d r é de Tapia les depoiltaires. D e forte que Rodrigue de Paz fe confiant à cette bonne foy, ouvrit les portes o r d o n na les clefs où tout le bien de Cortés eftoit, dont il eftoit le depofitaire & le gardien ; fi bien que dans cette occa-p fion il fut dérobé quantité de chofes, & l'on commit plufleurs infolences envers des Dames Indiennes que C o r tés avoit fait mettre en ce lieu pour eftre mariées ; ce qui caufa bien de la fâcherie aux Indiens. Francifco delas Cafas qui avoit traité le premier avec Rodrigue de Paz félon qu'il avoit jugé à propos pour le bien des affaires de C o r t é s , & qui ne fe trouva pas fécondé félon qu'il l'avoit efperé ; & voyant d'ailleurs que les nouvelles delà mort de Cortés eftoient plus fréquentes que d e v a n t , & que le trouble augmenteroit parmy les Mexiquains plûçoft qu'il ne diminueroit, fi le bruit de cette mort c o n t i .


DES

INDIS

OCCIDENTALES,

Liv. V I .

519

nuoit toujours,ne fe croyant pas en fenreté,refoIut de le 1524. retirera Guaxaca où il avoit un vilage avec ceux qui le voudraient fuivre, afin d'éviter tous ces defordres, à def- D e l a s C a f a s f e à Guaxafein toutefois d'aller apprendre des nouvelles certaines cretire a. de la vie ou de la mort de Cortés ; mais avant que de par. tir il voulut dire fon fentiment avec liberté à ceux qui gouvernoient. Cependant ces mutins envoyerent à Medeliin enlever toutes les voiles des Vaiffeaux qui eftoient au P o r t , afin que l'on ne peuft pas donner avis en Caftil- S a l a z a r & P e r a l le de ce qui fe paffoir. Et pour mieux eftablir leur Em- m i n d e z c h a f f e n g pire quelques jours après, le F a d e u r & le Vifiteur en- d u G o u v e r n e m e n t de M e x i voyèrent dire au Trelorier & au Maiftre des Comptes, q u e l e T r e f o qu'attendu qu'ils leur eftoient fufpects, ils euffent à for- r i e r & le M a i f t r e tir de la maifon de C o r t é s , où ils s'eftoient tous retirez, d e s C o m p t e s , Si bien qu'après qu'ils eurent obeï à ce pernicieux commandement,ces mutins fe faifirent de tous-les biens de Cortés affirmant qu'il eftoit m o r t , & les mirent entre les mains du depofiraire des biens des defFunts.

C H A P I T R E

XII.

Continuation des révoltes de Mexique. Mort de Rodrigue de Paz. Continuation du voyage de Cortès las Ybueras.

F

Rancifco delas Cafts ne fut pas feul qui euft la euriofité de fçavoir des véritables nouvelles de Coptes , plufieurs s'en mirent en peine pour luy donner avis de ce quife paffoit dans Mexique ; le Capitaine Francifco de Medina alla chercher ; mais comme tout le G o u vernement eftoit boule verfé, les Indiens commencèrent à lever le mafque. Ils le firent mourir cruellement dans JTicalanco ; ils luy fichèrent par t o u t le coups quantité d'échardes de bois de pin qui brùloient comme des étoupes à caufe de la raifme dont il eft imbibé, & le brûlèrent ainfi peu à peu en le faifant tourner en cette pofture autour d'une foffe ; qui eft une cérémonie qu'ils ob-

Cruelle mort du

Capitaine

Medina.


520

H I S T O I R E

fervoientaux hommes qu'ils facrifioient ; & maffacreret auffi tous les Caftillans & les Indiens qui l'accompagnoient. L e Capitaine Diego d e Ordas voulut tenter la mefme v o y e , mais ayant eu avis du defaftre de Médina il s'en retourna ; & afin que l'on ne l'acculait pas de coüardife, il dit que Cortés eftoit mort & qu'il le croyoit ainfi à caufe que c'eftoit la plus commune opinion. E t ce qui les confirma tous dans cette opinion eftoient les grands travaux où il s'eftoit expofé, & dont l'on en avoit eu des preuves. Ainfi cette croyance imaginaire ayant paffé pour une vérité, plufieurs femmes de ceux qui i'accompagnoient firent les obfeques de leurs maris. Mais q u a n t a Gonçalez de Salazar, il ne fit jamais aucune diligence pour fçavoir des nouvelles de C o r t é s , ny d e ceux qui eftoient avec luy , quoy que Chreftiens & qu'ils eftoient allez pour le fervice du Roy, qui eftoit une grande cruauté de les laiffer ainfi pâtir fans leur envoyer aucun fecours. Mais comme cette prétendue mort de Cortés contribuoit beaucoup à fon deffein, il l'alloit divulgant de telle forte, & en fomentoit tellement la croyance , qu'il chaftioit cruellement ceux qui difoient le contraire ; & pour la mieux appuyer e n c o r e , il faifoit vendre à l'encan les biens de Cortés,qui furent donnez à bon m a r c h é , & tous ceux q u e poffédoit Gonçale de Sand o u a l , & les Capitaines & gens de condition qui étoient avec C o r t é s , & tirèrent l'or qu'ils avoient laiffé en g a r de dans le Monaftere de Saint François. Puis fauffant la bonne foy promife à Rodrigue de P a z , ils fe faifirent de fa perfonne, & le tourmentèrent avec le fer&le feu pour le contraindre de dire o ù eftoient les trefors de C o r t é s , & pour en faire une plus ample perquifition, ils fouillèrent jufques au pied des fondemens du Palais pour les chercher, Et pour confirmer encore davantage cette m o r t , & la mieux imprimer dans les efprits des peuples, afin que ce qui fe faifoit n e parût pas mal aux Honneurs funebresque l ' o n fait y e u x d e t o u s , & qu'ils perdiffent envers luy l'amour & à Cortés, lerefpect qu'ils luy p o r t o i e n t , ils luy firent des honneurs funèbres fort folemnels, o ù un Religieux faifant la Prédication

1524

D i e g o de Ordas Appréhendant u n pareil traite ; met s'en r e t o u r ne à Mexique.


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , L i v . VI.

541

dication modéra fort fes louanges, appréhendant d'offenfer Gonçale de Salazar - lequel s'imaginant que c é toit un moindre mal de faire mourir Rodrigue de Paz, que de le laiffer vivre eftropié comme il eftoit ; parce que par les tourmens qu'ils luy firent fouffrir , les doigts des pieds luy eftoient t o m b e z , & le feu luy avoit mangé jufques aux chevilles des pieds ; il le fit p e n d r e , prenant pour prétexte que c'eftoit un perturbateur du repos public & qu'il vouloir fe foulever avec la terre. C o m m e Rodrigue de Paz eftoit entre les mains du bourreau, Salazar approcha de luy & luy offrit la vie, pourveu qu'il declaraft où eftoient les trefors de Cortés , & luy promit la foy d'effectuer fa promette -, car pour a puyer fa tyrannie, il pretendoit toujours l'iutereft pour prétexte ;, & par ce moyen , & en promettant des recompenfes & des richeffes, il trompoit ainfi le p e u p l e , qui fous ces vaines efperances faifoit tout ce qu'il leur commandoit. Mais Rodrigue de Paz luy fit réponfe , que Cortés n'avoit point de trefors , & qu'il prioit que l'on luy dift lorsqu'il feroit de retour, qu'il luy demandoit fi pendant la violence des tourmens que l'on luy avoit fait endurer,il avoit dit qu'il les avoit emportez avecque luy, parce que cela n ' é toit pas véritable ; & nonobftant l'appel de la fentence de mort qu'il avoir demandé, on ne laiffa pas de l'exécuter avec un grand reffentiment de tout le peuple. Dans ce mefme temps ces tyrans allèrent reprendre Pedro de Paz fon frère pour complaire au Maiftre des Comptes A l b o r n o z , mais il fe fauva de la prifon, & s'eft confervé en fe retirant dans le Monaftere de S. François. Enfin l'arrogance de Salazar & de fes c o m plices s'accreut de telle forte , qu'ils donnoient & oftoient les partages d'Indiens à qui bon leur fembluit ; ils partageoient les terres ; ils oftoient & donnoient les Offices comme il leur plaifoir, & agiffoient en tout & par tout avec un pouvoir abfolu : Ils envoyerent querir Francifco de las C a f a s , Gilles Gon Sff

1524,

Salazar fait pendie Rodrig u e de P a z .

S a l a z a r offre l a vie à R o d r i g u e , & ce qu'il luy r e p o n d .


542 H I S T O I R E

calez, & Diego H u r t a d o M e n d o ç a , & leur firent leur procès, en les condamnant à la mort pour l'affaire de F r a n c i f c o d e l a s Chriftofle d'Olid ; mais parce qu'il y eut des gens qui C a f a s & Gilles intercédèrent pour eux, ils leur permirent d'en appelG o n ç a l e z font ler ; fi bien qu'ils furent envoyez auffi-toft à la Vera. condamnez à mort. Cruz avec leur procès , & mis dans un navire qui partoit pour aller en Caftille, dans lequel eftoit Iean de la P e n a , domeftique de Gonçale de Salazar, avec douze mille poids d'or pour le Roy , & quantité de joyaux Se de riches prefens pour leurs amis ; mais toutes ces chofes avec les lettres & le vaffeau périrent dans l'Ifle de Fayal, quoy que les perfonnes furent fauvées. Cependant que toutes ces chofes fe paffoient dans Mexique , Fernand Cortés fouffroit de grandiffimes travaux, de faim & d'autres neceffitez ; & tels que jamais aucun Capitaine Chreftien ny Gentil n'a fouffert, fans difcontinuer fa marche. Il avoit envoyé dire aux Seigneurs de Tabafco & de Xicalanco, que pour faire fon voyage, ils luy e n v o y a i e n t des gens qui fceuffent la route de la cofte & de la terre. Ils luy envoyèrent des Marchands, qui fçachant l'intention de Cortés, luy Cortés contimontrèrent une toile de cotton fur laquelle eftoit peint n u e fon c h e m i n le chemin jufques à Naco , à Nito , en Honduras , & à las Y b u e r a s , Nicaragua ; & eftoit auffi reprefenté tout le G o u v e r nement de Panama , avec toutes les rivières & les villages par où il faloit paffer ,& jufques aux cabanes o ù ils bornoient leurs journées lorsqu'ils alloient aux foires. Mais ils dirent que beaucoup de ces villages ayant efté bruflez par les guerres, les peuples s'eftoient retirez dans les bois. Cortés agréa fort cette description que ces Marchands luy faifoient, eftant fort eftonne de la connoiffance qu'ils avoient de ces terres fi éloignées. Il paffa une rivière a p p e l é e ,Aquiav lco , qui avoit trois cens quatre vingts dix pas de large à demi lieuë de la m e r , les chevaux toujours nageant 3 6c à Il endure de grandes fati- peine Peut il paffée, qu'il en rencontra une autre qui gues. n'eftoit pas moins l a r g e , où il falut faire un pont de bois pour éviter la perte de fes gens. Enfuite dequoy 1524


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.

VI.

543

il arriva à Copilco, Capitale de cette Province, & en 1 5 2 4 . trente-cinq lieues de chemin, il falut qu'il paffaft cinquante rivières, & des bourbiers fangeux, où il falut Il trarerfe cinquante rivières faire prefque autant de ponts , parce qu'ils n'euffent en lieuës pas pu paffer autrement. Cette terre eft fort peuplée de chemin. & pleine de lacs ; & la raifon de cela eft que la code de la mer eft fort haute, à caufe dequoy les peuples ont force canos. Elle eft fort riche en Cacao , & abondante en mayz , fruits & poiffon ; & toute cette Province rendit cette fois-là beaucoup de fervice , parce qu'elle rendit obeïffance à la Ville del Efpirita fanto. D'Anavaxaca , qui eft le dernier village de cette Province de Copilco pour aller à Cibailan , il faloit traverfer de grandes montagnes & fort ferrées, & une rivière appellée Quitzazlapà , qui entre dans celle de Tabafco, & qui par un autre nom eft appellée Grijalva , par le moyen de laquelle l'armée fut pourveuë de vivres qui luy furent apportez des vaiffeaux dans vingt canos, & par le moyen defquels l'on paffa cette rivière. Il fut perdu en ce paffage un Nègre qui fe noya , & quatre arrobas * de fers à cheval dont ils * Arrôba, c'eft avoient bien befoin. Cortés s'arrefta encepofte vingt vingt-cinq lijours, fans rencontrer qui que ce fuft pour luy mon- vres pefant. trer le chemin , excepté deux hommes & quelques femmes, qui dirent que le Cacique & les autres gens s'eftoient retirez dans les bois & dans les marais , & qu'ils ne pouvoient paffer outre fans canos. Et comme il leur euft demandé s'ils ne fçavoient point de quel cofté eftoit Chilapan, qui eftoit peint dans leur toile, Merveilleafe induftrie de ils montrèrent de la main une montagne éloignée de C o r t e s , quelque dix lieues de là. Il fit cheminer l'armée de ce cofté-là, quoy qu'il faluft de neceffité pour paffer un grand marais qui contenoit plus de trois cens pas, faire un pont où il y entra des poutres de trente à quarante pieds de long , qui eftoit un travail admirable, en quoy Cortés employa toute fon induftrie, à caufe de l'importance de la chofe , & dont l'exemple eftoit une chofe merveilleufe , de voir la volonté avec Sff

ij


H i sTo i R E laquelle fes gens s'employoïent à fon imitation. Cependant que Cortés fouffroit tant de travaux .,, les affaires de Mexique alloient auffi dans un femblable defordre , qui augmentoit toujours à mefure que l'on tenoit la mort de Cortés pour toute affurée, donc les honneurs funèbres furent folemnifez par toutes les Communes de la nouvelle Efpagne. Et dautant que les parens & les ferviteurs de Cortés qui les avoient faites, avoient fait entendre que ce qu'ils en avoient fait n'eftoit que par la crainte qu'ils avoient de d e f o bliger le Facteur Gonçale de Salazar, & que leanne de Manfilla , femme de Iean de Valiente fe mocqua de cela, affluant que Cortés n'eftoit point m o r t , il la fît fouetter publiquement. Enfin l'arrogance de ces tyrans augmentoit toujours de telle forte , qu'ils t e noient déjà les peuples dans une perpétuelle crainte & apprehenfion. Et pour fe mieux eftablir e n c o r e , ils convoquèrent une Congrégation générale des p r i n cipaux de la Ville ; dans laquelle ils firent déclarer nulles les charges que Cortés avoit d o n n é e s , & firent pourvoir la Ville de nouveaux Gouverneurs de police ; & révoquèrent auffi-toft les pouvoirs des Lieutenans des C o m m u n e s , & ceux de Magiftrature, & de leurs Officiers , & en eftablirent d'autres qui leur eftoient affidez ; publiant hautement qu'encore que Cortés fuft vivant & qu'il retournaft, ils ne le recevroient point ; mais qu'au contraire, ils le feroient pendre. Pour appuyer encore davantage leur empire , ils donnoient largement des départemens d'Indiens - ils donnoient des recompenfes à tous, & particulièrement à ceux dont ils efperoient en tirer des fervices pour lés maintenir, & à ceux qui paroiffoient les plus infolens & les plus effrontez. Ils firent appeller les P r o rureurs des Communes ; & propoferent dans une aflemblée qu'ils firent, qu'il eftoit à propos d'envoyer des perfonnes au Roy pour luy donner avis de ce qui fe paffoit. Ils éleurent pour cet effet Bernardin Vafquez de Tapia ; & Antoine de Villaroel , gens qui 544

1524. L'on affure la m o r t de C o r tés , & on luy f u t des h o n n e u r s funèbres p u tout.

Extrême a r r o gance des tyr a n s de M e x i que.

Continuation des tyrannies de Gofiçale. de Salazar.

-


des

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. V I .

545-

n'eftoient pas en bonne intelligence avec Cortés. ils 1524. révoquèrent les pouvoirs de Francifco de Montejo , & de Diego d'O'campo , qui eftoient en C o u r , & leur donneient de grands falaires pour les frais qu'ils avoient faits. Et parce qu'Antoine de Villaroel déclara avoir gaigné au jeu Rodrigo de Paz une grande fomme d'argent ; ils vendirent fes biens, & luy firent payer douze mille poids d'or. Enfin la perfecution que l'on fit à tous les Capitaines & gens de condition qui avoient fuivi C o r t é s , fut g r a n d e , & ils furent contraints, pour Il p e r f e c u t e éviter les priions & les affronts,de fe fauver, les uns t o u s c e u x q u i dans les bois, & les autres dans le Mona ftère de Saint aCvoor it ee ns .t fuivi. François ; & on leur ofta à tous les départemens d'Indiens qu'ils avoient , & leurs biens. Lorfqu'ils embarquèrent Francifco de las Cafas, & Gilles Gonçalez pour les envoyer prifonniers en Caftille , ils tirèrent du Convent de Saint François quelques-uns de ceux qui s'y eftoient retirez comme en feureté ,& les firent m e t t r e dans le mefme navire. A caufe dequoy le Pere F r è r e M a r t i n d e V a l e n c i a fait Gardien Frère Martin de Valencia fit une interdiction ; u n e i n t e r d i - . & voyant que Gonçale de Salazar ne fe foucioit pas c t i o n . des cenfures Ecclefiaftiques, il prit toutes les chofes facrées, & emmenant tous les Religieux avecque luy, il quitta le Convent. Ce fcandale émeut en quelque façon Gonçale de Salazar ; & quoy qu'il fuft en colère contre les Religieux , il ne laiffa pas d'envoyer après e u x , car ils avoient déjà pris le chemin de Tlafcala, & les fit revenir ; il rendit les prifonniers, & fe fit abfondre, avec fi peu de révérence des Myfteres de l'Eglife, qu'il dit quantité d'injures & de paroles fcandaleufes 6c de tres-mauvais exemple. Cependant ce qu'il fouhairoit le plus, eftoit que l'on creuft que la mort de Fern a n d C o r t é s eftoit véritable, & il affuroit h a u t e m e n t que les Indiens l'avoient facrific ,& qu'il le prouveroit toutefois & quantes qu'il en feroit requis Et les amis de Cortés luy difoient qu'il eftoit bien jufte que l'on portaft du refpect ; aux chofes qui dépendoient d'un homme de fi grand m e n t e , & que l'on confideraft & Sff

iij


546 H Ii S T o I R e 1524. Infolence de G o n ç a l e d Salazar.

Il p e r m e t à plu fleurs femmes m a r i é e s de le remarier.

Salazar & Peralmindez en v o y e n t de leurs ferviteurs en Caftille pour p o r t e r un p r e . lent.

I l s v e n d e n t les biens de Cortés c o m m e des biens d'un homme mort.

honoraft les Mandemens du Roy , & il faifoit réponfe que le Roy ne fçavoit ce qu'il mandoit , ny que ceux du Confeil ne fçavoient pas non plus ce qu'ils faifoient. Et il dit plufieurs fois qu'il avoit ordre de prendre Cortés ; & il donna permiffion à plufieurs f e m m e s , dont les maris eftoient allez au voyage avec que l u y , de fe remarier , quand & à qui bon leur fembleroit, & le perfuada à d'autres, fans que pas une euft reçu des véritables nouvelles de leur mort ; & il faifoit cela pour confirmer davantage la mort de Cortés. Et pour Rameur de deux femmes mariées que Gonçale de Salazar & Peralmindez tenoient pour amies, qui meritoient chaftiment pour de certaines infolences qu'elles avoient commifes ; ils les diffimulerent, & donnèrent des commifTions à leurs maris hors de M e x i q u e , avec des d é partemens d'Indiens. Q u a n t aux droits du Roy,ils en tenoient fort peu de c o pte ; parce que fi toft qu'ils eurent commancé leur tyrannie, Gonçale de Salazar ny Peralmindez ne voulurent exercer leurs offices, ny ne voulurent pas mefme confentir que le Treforier exerçaft fa charge ; ny que l'on fift aucune fonte d'or ; & bien éloignez de cela, ils congédièrent les ouvriers Caftillans qui travailloient aux mines,& les menerêt à Mexique pour fe renforcer,& tout l'or qui procedoit du quint du R o y , & celuy qui appartenoit au fifque d o n t le Treforier devoir tenir compte, ils en firent leur propre ; tout leur but ne confiftant qu'à traiter duGouvernernet.1 jouir de l'Empire. lls envoyèrent encore deux de leurs ferviteurs en Caftille, avec plufieurs joyaux pour délivrer à leurs amis , fans en extraire le quint, fous prétexte, difoient-ils, qu'ils eftoient venus-là pour le fervice du Roy. Lors qu'ils vendoient les biens de Fernand Cortez, comme des biens d'un homme mort, ils furent advertis par le Treforier, qu'il devoit foixante mille ducats au Roy ,afin de tâcher de les retirer ; mais ils firent réponfe qu'il y avoit plufieurs créanciers qui le precedoient, & qu'à peine tout fon bienpourroit-il fuffire pour les fatisfaire, Ils envoyèrent dans toutes les P r o -


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.VI.

547

vinces, demander For fie les joyaux que les Seigneurs pof- 1524 fedoient ; &e l'on faifoit perquisition dans leurs maifons pour le chercher, fie l'enlevoient de force, avec toutes les vt enfiles,de plumes&edericheffes qu'ils pouvoient avoir, en les maltraitant ; ce qu'ils eurent bien de la peine à digérer ; & s'ils n'euffent point douté de la mort de Cortés qui les tenoit en quelque façon en bride, ils fe fuifent infailliblement foulevez. Et neantmoins comme ils fe virent ainfi mal-traitez, la plufpart fe retirèrent dans les bois comme à la defefperade, d'où ils fortoient puis après par troupes dans les chemins, & tuoient autant de C h r é tiens qu'ils pouvoient attraper ; & il fe trouva que les Indiens d'unfeul vilage en avoient tué quinze. E n plufieurs endroits vers la partie du N o r t ils fe fouleverent. Cependant comme Gonçale de Salazar fie Peralmindez vouloient faire leur main, ils difoient publiquement, que le Roy ne devoit pas tant tirer d'or de la nouvelle Efpagne; L e u r a r r o g a n c e e n v e r s le R o y , fie que puis que le Royaume de Naples ne luy fourniffoit que vingt mille ducats, qu'il luy devoit fuffire d'en tirer autant de cette terre,fie qu'il valoit mieux laider ces trefors dans Mexique pour recompenfer les gens de cœur & de vertu. Sur ce propos il y eut unAIcaïde à la Villa-Rica, appelle Francifco Bonal,qui dit plufieurs fois en prefence de quantité de perfonnes, qu'il avoit ordre par un commandement exprés de Gonçale de Salazar,par lequel il luy ordônoit,defe faifir de quelque luge que ce fût qui arriveroit là de la part du Roy,fiele renvoyer en Camille.Il fe trouva alors das Mexique en une façon de T o u r I l fe faifir d ' a n qui eftoit comprife dans un édifice, quantité d'or ; le t r e i o r q u i fas Treforier Alonfe d'Eftrada le demanda , difant qu'il ap- t r o u v é d a n s Mexique. partenoit au Roy ; mais Gonçale de Salazar ne le voulut pas donner, difant qu'il eftoit à luy,attendu que cet édifice confinoit avec les maifons où il faifoit fa demeure. Rodrigue de Paz conftitua fon héritier le Maiftre des Comptes Albornoz ; l'on ne fceut pas à quelle fin il le faifoit, car il avoit efté fon ennemy, & celuy de fon frère: mais comme il voulut prendre poffeffion de quelques biens, le Facteur ne le voulut pas permettre,, difant que tout eftoit à luy.


548

Hi

ST O I R E

1524

C H A P I T R E

XIII

François Piçarro , Diego d'Almagre, Hernando de que , ont permiffion de Pedrarias four aller en découverte.

N

m a g r o refoudent

d'aller en

découverte en La mer du sud-

Des c o n d i t i o n s de leur t r a i t é .

Lu

Ovs avons déjà dit cy-devant, comme par la mort de Iean de Bafurto ,auquel Pedrarias avoit donné la découverte d e l à mer du Sud vers le P o n a n t , cela éleva les cœurs de quelques-uns de Panama, qui avoient deffen d'entreprendre cette affaire, s'imaginant qu'ils n'eftoienr pas moins capables de cette entreprife que Bafurto ; & qu'il n'étoit pas neceffaire q u e le Gouverneur traitât avec des gens de dehors pour cela. Ceux qui entreprirent cette découverte furent Francifco Piçarro., & Diego d'Almagro, gens qui ne cedoient en valeur, en expérience, & en richeffe, à d'autres, & qui eftoient amis de Pedrarias. Ils rirent encore avec eux Hernando de Luque, maiftre d'Ecole de l'Eglife de nueftra Senora del Antiqua del Darien, parce qu'ils avoient efté côpagnons de fortune de l'Adelantado Vafco N u h e z de Balboa, & fçavoient la pLufpart de fes intentions, & le deffein qu'il avoit toujours eu de découvrir vers le Sud, & la relation que l'on luy avoit faite , & qu'il avoit trouvée des richeffes de Cuzco ; & de ce qu'eux-mefmes entendirent, lors que le Capitaine Gafpard de Morales trouva le Cacique Birù ou Birùquete. Ils furent encore confirmez en cela par les nouvelles que Pafcual d'Andagoya apporta de ces quartiers-là. ils demandèrent donc la permiffion à Pedrarias pour effeictuer leur deffein ; & quoy qu'il s'y rencontrât quelques difficultez, enfin il leur accorda ce qu'ils demandoient, à condition qu'ils luy feroient part du profit qu'ils en tireroient. Eftant demeurez d'accord de leurs faits, l'on dreffa la compagnie, & leur traité portoit : Que Francifco Piçarro aideroit de fon expérience & induftrie, Diego d'Almagro fourniroit de vivres & d'attirail, de Hernando


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.VI. 549 do de Luque, d'argent : Et que de l'or, de l'argent & des 1524. joyaux que l'on gagneroit, les frais ayant efté premièrement pris, tout le refte fe partageront par égales portions ; & fuivant ce traité le Gouverneur leur donna leurs dépefches. Apres que cette entreprife eut elle divulguée, chacun s'eftonna de ce que des hommes fi fages voulurent employer leur bien pour une terre, dans laquelle jufques alors on n'avoit pu découvrir que des marécages & des lieux fangeux ; maiseux fe convoient en ce qu'ils pretendoient découvrir. Pour mieux établir leur focieté & amitié, ils entendirent la Meffe, qu'Hernando de Luque célébra, & divifa l'Hoftie en trois parties, dont il donna les deux tiers à Piçarro & Almagro, & communia de l'autre tiers, le peuple pleurant de voir cette action,& les tenant pour des incenfez d'entreprendre une affaire de cette importance. Ils fe fournirent d'argent, & achetèrent un navire de Pedro Gregorio, qui eftoit l'un de ceux qu'avoit fabriqué l'Adelantado Vafco Nunez de Balboa. Ils prirent pour Pilote Hernando Penate ; ils préparent des voiles, des cables, des cordages, des armes,&des vivres, & amafferent jufques à quatre-vingts Caftillans & quatre chevaux. Ils nommèrent pour Enfeigne, Salzedo ; pour Treforier Nicolas de Ribera, & pour Vifiteur lean Carrillo, pour tenir compte du Quint du Roy. Comme toutes chofes furent dans P i ç a r r o va en l'ordre, ils fortirent du port de Panama à la my-Novem- découverte. bre de cette année, avec ce navire qu'ils avoient acheté & deux canos, après avoir confulté avec Pafcual d'Andagoya comment ils fe dévoient gouverner en la navigation 6c découverte des terres où ils pretendoient aller. Diego d'Almagro refta à Panama pour fuivreles autres avec plus de monde & de vivres, Francifco Piçarro arriva en Lille de Taboga, à cinq lieues de Panama & paffa aux Ifle de Taboga. Ifles des Perles qui font à douze lieuës au delà, qui font deux grandes Ifles, dont l'une eft appellée del Rio, & l'au- Ifie des Perles. tre Tarare qui ; mais elles contiennent dans leur étendue plufieurs autres petites Ifles, qui furent appellées toutes enfemble las Iflas delasPerlâs,à caufe de celles que VafT tt


550 1524

Du

p o r t de P i -

gnas.

Ils r e m o n t e n t la r i v i e r e d e l P i r ù , d ' o ù eft v e n u le n o m d e Pérou.

H I S T O I R E

co Nunez de Balboa y trouva, lors qu'il les découvrir, & pour la quantité qui s'y en pechoit. ils firent provifion dans ces Ifles ; d'eau, de bois, & d'herbes pour les chevaux. D e là ils pafferent au port de pignas à douze lieues au delà, qu'ils nommèrent ainfi., à caufe de la quantité de ces arbres qui croiffent aux environs. Ce fut jufques icy que Vafco Nunez paffa le premier,& enfuite Pafcual d'Andagoya , où tous les foldats defcendjrent à terre, ne refiant dans le navire que les mariniers. Ils refolurent d'entrer dans le pais pour reconnoiftre comment l'on s'y gouvernoit & pour chercher des vivres, s'imaginant en trouver en la terre du Cacique Birhquete, ils cheminèrent trois jours avec de grandes fatigues en remontant la rivière de Birù, ne rencontrant que des cailloux, & des terres fort âpres & fteriles, fans aucun chemin ny fentier, & en hazard de tomber dans des précipices , fans aucune fubfiftance ny rafraichiffement, chargez de leurs armes ; & ils furent tellement haraffez de ces fatigues,qu'il y eut un foldat appelle Morales, qui en mourut. C e t t e terre eft directement fous la ligne Equinoxiale. Il y pleut à tous momens, & il y tombe de grands o r a g e s , qui ne fe déchargent pas feulement dans la rivière, mais courent par toutes les terres durant huit, dix, 6c vingt lieues de la mer ; & la terre y eft tellement remplie d'arbres, que l'on n'y peut cheminer que dans les creux 6c les ruiffeaux qui fe forment par les torrens d'eau qui s'écoulent. Les Indiens ayant apris que les Caftillans approchoient d'eux,eurent une telle épouvante qu'ils abandonnèrent leurs maifons, qui eftoient de forme r o n d e , & de bois, comme celles des autres Indiens, couvertes de paille, & de feuilles de palmier, & fe fauverent dans les creux des Montagnes. Les Caftilians arrivèrent à de certaines maifons qui n'eftoient pas grandes, quoy qu'elles appartinffent au Cacique Biruquete, on ils trouvèrent du Mayz, 6c de certaines racines que les Indiens mangent. Or de ce nom de Birùquete , qui fut auffi attribué à la rivière, la plufpart tiennent que ceft ce qui a d o n n é le nom de Pérou à la terre, parce que cette rivière eft dans la terre de


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Biruquete. Mais il eft pourtant vray que foit de la rivière, 1524. ou du Cacique, cette terre a pris le nom de Peton, & que cette Province confine avec celles des Y u c a s , qui font I l s a p p r o c h e n t les terres de Quito ; parce que ces Royaumes aupara- d e s R o y a u m e s de Quito. vant n'avoient point de n o m , ny les Indiens ne s'en eftoient point fervis ; car ils n'avoient pas accouftumé de donner aucun nom gêneral ny particulier à pas un des Royaumes, ny Eftats que leurs Princes naturels poffedoient. Les Caftillans n'ayant trouvé perfonne, & le peu de vivres qu'ils avoient n'eftant pas baftant de les fuftanter, affamez comme ils eftoient & haraffez du chemin, épouvantez de rencontrer une terre fi afpre & fi ingrate & d'ailleurs çonfolez par le courage que leur Capitaine leur donnoit, ils s'en retournèrent au navire, tout délab r e z , les pieds nuds & pleins d'ecorcheures des cailloux d e ces montagnes & de la rivière, endurant des travaux D e l ' e x t r ê m e infuportables de la faim , de leurs armes & d'autres cho- f a i m q u e f o u f frirent les C a fes qu'ils avoient portées fervant à la guerre, qu'il faloit ftillans. qu'ils portaffent fur leur dos. Apres qu'ils furent tous embarquez au lieu de s'en retourner, ils pour fuivirent leur navigation , & après qu'ils eurent fait encore dix lieues, ils furgirent dans un p o r t , auquel avec jufte fujet ils donnèrent le nom de la Hambra, à caufe de ceux qui D e l a f a i m . en moururent là. Ils y chargèrent de l'eau Se du bois ; puis ayant navigé encore dix jours, les vivres commencèrent à leur manquer ; fi bien qu'il falut réduire les portions à fi peu qu'ils n'avoient pas chacun quatre onces de mayz par jour : & d'autant qu'ils avoient peu de Vaiffeaux, l'eau leur vint auffi à manquer : pour de la chair ils n'en avoient plus, ny autre fubfiftance quelconque finon du mayz & bien peu. A caufe de quoy quelquesuns commencèrent à s'attrifter, & d'autres à fe repentir d'eftre fortis de Panama, & dont ils fe plaignoient hautement ,àvec des paroles licencieufes qu'ils difoient en la prefence de Francifco Piçarro, qu'il foufFroit avec beaucoup de patience Se de difcretion, en les confolant encourageant , & leur difant qu'ils efperaffent en Ttt ij


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H I S T O I R E

Dieu qu'il Ieurferoit la grâce de découvrir quelque b o n e terre ; & qu'ils fe tinffent pour tout affeurez qu'il fçavoit bien qu'il en devoit trouver ; & neantmoins ils refolurent tous de retourner au Port de la Hambre, ayant horreur de fe voir les uns les autres, tant ils eftoient flafques, défigurez & affamez, dans une terre que les oyféaux & les belles fuyoient pour fa trop grande fterilité; car l'on n'y voyoit que d'affreufes montagnes, des rochers, G r a n d e mifere d e s C a f t i l l a n s . des bois, des marécages, & de continuelles pluyes qui tomboient du Ciel, & où ils n'attendoient que la mort ; parce que pour retourner à Panama ils n'avoient pas d e quoy fubfifler s'ils ne tuoient les chevaux. Mais enfin commeil y a toujours des hommes dans une compagnie plus courageux les uns que les autres; ceux-là defirant voir la fin de cette entreprife, tenoient cela pour une chofe honteufe de retourner à Panama fans avoir fait aucun progrés : parce que Piçarro affirmoit qu'affeurémentl'on devoit trouver une bonne t e r r e , dont il en avoit eu des affeurances certaines dés le temps de l'Adelantado Vafco N u n e z de Baiboa. Enfin après avoir bien confulté la chofe, ils refolurent d'envoyer le naIls e n v o y e n t vire aux Ifles delas Perlas pour chercher des vivres ; & l e u r n a v i r e a u x comme ils n'avoient aucune chofe pour m a n g e r , tant Ifles d e s P e r l e s pour ceux qui dévoient p a r t i r , que pour ceux qui rep o u r chercher des vivres. floient là ; tout ce qu'on leur pouvoir donner pour faire leur voyage n'eftoit qu'une peau de vache fort féche qui eftoit reftée dans le navire, avec quelques bourgeons de Palmier fort amers, qu'ils avoient cueillis en cette cotte. Cependant François Piçarro 6c ceux qui l'accompagnoient qui avoient plus de force pour refifter aux travaux , cherchoient dequoy vivre dans cette terre ; mais ils n'y trouvoient que des arbres de différente forte, quantité d'épines, de broffailles, des mouches & plufieurs obftacles qui leur caufoient bien de l'enwuy. Ils mangeoient des bourgeons de palmier fort a m e r s , & ils trouvoient entre des façons d'ofiers d'un certain fruit qui reffembloit à un g l a n d , qui avoit la couleur de l'ail qu'ils mangeoient ,& ils trouvoient auffi 1524.


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quelquefois du poiffon. Mais comme les fatigues qu'ils 1524, enduroient eftoient grandes jointes avec l'affliction, la terre mal faine & fombre à caufe des piuyes fréquentes ; preffez de la faim , ce qu'ils mangeoient eftant de la qualité que nous venons de reprefenter, il mourut vingt V i n g t Caftillas meurét de faim. hommes ; & à moins que d'eftre de cette nation , il n'en feroit refté aucun. D'autres devenoient enflez, & tous eftoient tellement débiles, foit de la douleur & de la triftefle qu'ils avoient de voir tant de camarades & amis m o r t s , & de fe voir tous dans un fi miferable eftat, que la valeur, le courage , ny les forces humaines n ' e . ftoient pas battantes pour vaincre un tel ennemy contre lequel ils combatoient , que François Piçarro fe trouva affez empêché de les appaifer par des perfuafions douces & des paroles amoureufes, cherchant luy-méme dequoy fuftanter fa perfonne ce qui fe pouvoit rencontrer dans une fi mal-heureufe t e r r e , pour les contenter & les encourager. Et d'autant qu'il luy fembloit qu'il eftoit neceffaire de leur faire paroiftre par effet cette amour qu'il leur p o r t o i t , il faifoit luy-méme de fes propres mains de petites loges pour loger les plus malades , afin de les mettre à l'abry des pluyes ; ce qui d o n noitfujetauxfoldatsde l'aimer, de fouffrir comme luy, & de fupporter avec patience ces intolérables travaux, pour voir la fin à laquelle leur avanture les avoit conduits ; parce que le fuperieur qui fe rend égal à l'inférieur C o n f i a n c e & dans les miferes, donne une telle fatisfaction à fes gens, p i c t é d e F r a n qu'ils font t o u t ce qu'il veut. O r Francifco Piçarro ç o i s P i ç a r r o , montroit avoir une telle compaffion des malades, qu'il leur portoit l'un après l'autre toutes les douceurs qu'il pouvoit rencontrer dans une terre fi horriblement fterile ; & il agiffoit avec tant d e confiance au milieu de toutes ces adverfitez, qu'ils n e reconnurent jamais en luy la moindre apparence de manquer de courage ny de refolution , au contraire il eftoit toujours le premier dans les plus grands travaux & les plus périlleux. Plu- L e s C a f t i f l a n , fieurs Caftillans affirment que dans la diftance d'environ dc léacrot éu.v r e n t ; u n e huit lieues o ù ils eftoient, ils avoient apperçeu une clarT t t iij


554 1524

Noix d'Inde.

C e u x qui v o n t r e c o n n o i f t r e la clarté, trouvent de q u o y m â g e r .

Monténégro charge

des

vi-

vres dâs fon navire.

H I S T O I R E

té qui leur caufa de l'admiration, & un foldat appelle Lobato,perfuada à Piçarro de l'y envoyer pour la reconnoiftre., puifque de demeurer là il ne pouvoir efperer que la m o r t , & que poffible il pourroit rencontrer quelque chofe pour manger : mais Francifco Piçarro ne voulut point donner cette fatigue à d'autre, il prit avec luy quelques-uns de ceux qui eftoient les plus courageux avec leurs épées & leurs boucliers, parce que l'on combatoit en ce lieu-là à force de bras, que les Anciens difoientàlance & écu. Eftant arrivez à une plage où ils avoient aperceu cette c l a r t é , ils trouvèrent quantité de C o c o s , & virent plufieurs Indiens, mais ils n'en purent prendre que deux, les autres s'eftant fauvez par la fuite. Il y en eut un qui fe jetta dans la mer , & nagea plus de fix lieuës fans s'arrefter, dont les Caftillans furent fort eftonnez , & le conduifirent toujours des yeux jufques à la nuit, fans qu'il ceffaft de nager. Ils trouverent en cet endroit un feptier de mayz ou environ, qu'ils partagèrent entre t o u s , & les deux Indiens qu'ils avoient pris leur firent des reproches, & leur demanderent pourquoy ils ne femoient pas dans la terre pour recueillir des vivres fans aller ainfi ravir le bien d'autruy , & fouffrir tant de travaux comme ils faifoient. Ces Indiens portoient des arcs & des flèches dont les pointes étoient tellement e m p o i f o n n é e ; que celuy qui en eftoit bleffé mouroit en quatre heures, Monténégro ne perdit point de temps au voyage qu'il fit ; carfi-toft qu'il fut arrivé en l'Ifle des Perles, il chargea dans fon navire du m a y z , de la chair, des fruits & des racines, & s'en revint auffi-toft, dont les malades reçeurent une fi grande confolation de le revoir que d'auffi loin qu'ils virent le navire jufques à ce qu'il fuft a r r i v é , ils recouvrèrent leur fanté. Et François Piçarro ayant cheminé quelques jours le long de la plage, & en dedans le païs fe reprefentoit cette terre comme une demeure infernale pour la quantité de montagnes, de b o i s , de précipices, derivieres & de fondrières, dont elle eftoit remplie fans aucune habitation, il s'en retour-


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VI

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n a t r o u v e r fes compagnons, & trouva en fon chemin 1524. un Caftillan qui tout ravy de la venue de Monténégro luy en alloit porter la nouvelle, & qui portoit dans fa beface trois petits pains & quatre oranges, que Piçarro diftribua entre ceux qui l'avoient accompagné , dont ils furent grandement foulagez, fans en prendre davantage pour luy qu'il en avoit donné aux autres. Lors que Monténégro arriva il eftoit déjà mort ving-fept foldats, à caufe dequoy ce lieu comme nous l'avons déjà dit, fut appelle el puerto de la Hambra ; fi bien qu'ils s'en retour- D o n t il fecorts nèrent dans le Vaiffeau afin de courir la c o i t e , & quel- fes c o m p a g n o s , ques jours après ils prirent terre en un lieu qu'ils appellerent elpuerto de la Candelaria, à caufe qu'ils y arrivèrent le jour de la Chandeleur , mais quoy qu'ils y viffent des fentiers qui traverfoient pour aller en quelques endroits , ils n'eftimerent pas la terre meilleure que la précédente ; & elle efroit tellement h u m i d e , que comme ils portoient par deffus leurs habits des cafaques de canevas elles devenoient t o u t e s pourries, & leurs chapeaux tomboient tout en lambeaux. Il y faifoit de furieux éclairs & le Soleil y dardoitpeu fouvent ; ils eftoient fort tourmentez de ces petits moucherons que nous appelions coufins & les Caftillans Mofquitos ; & comme lesgens de cette terre fçavoient bien que le Vaiffeau rodoit le long de cette cofte, ils s'eftoient retirez 6c mis en lieu de feureté dans les bois, qui eftoient fort épais & qui faifoient comme les feparations des montagnes, où ces peuples femoient ce qui leur eftoit neceffàire pour la vic, fi bien que difficilement les Caftillans pouvoient-ils ap- Les h a b i t s des procher d ' e u x , à caufe des ruiffeaux qui defcendoient Caftillans fe pourriffens. des montagnes & l'épaiffeur des bois ; ce qui les rendoit tellement fiers, que beaucoup fe tenoient devant les Caftillans fans démarer du lieu où ils etoient.


H I S T O I R E

556 1524

C H A P I T R E Du

XIV.

Confeil fuprème des Indes. L'Evefque dïOfma Frère Garcia de Loayfa, en eft fait Prefident.

D

Es le moment que l'on eut découvert les Indes, & que l'on eut trouvé la terre ferme , l'on jugea bien que ce devoit eftre quelque chofe fort confiderable ; quoy que l'on ne s'imagina jamais que la terre fuft de fi grande eftenduë, & dont on en deuft tirer tant de richeflès ; c'eft pourquoy les Rois Catholiques donnèrent les ordres que l'on a déclarez a u commencement de cette Hiftoire pour les chofes qui eftoient neceffaires en pareille occafion, mais il n ' y avoit point encore eu de C o n feil formémy l'on n'envoyoit non plus les dépêches de la part des autres Côfeils. Iean Rodriguez deFonfeque,frere Le Roy d o n n e le t i t r e d e S e i - d'Antoine de Fonfeque , Seigneur de C o c a , du Confeil gneurie à An du Roy & premier Maiftre des Comptes de Caftille, toine de F o n t e lequel pour eftre homme de grand m é r i t e , & de condique. tion, les Rois Catholiques commandèrent que l ' o n le traitaft de Seigneurie quoy qu'il n'euft a u c u n titre. Il C r é a t i o n d ' O f - fut donc créé premier Prefident du Confeil des Indes, ficiers p o u r le eftant alors Doyen de Seville, & ce fut luy qui mit le Gouvernement premier la main aux affaires de cette t e r r e , comme il a des Indes. efté déjà d i t cy-devant : il fut depuis Archevêque de Rofano & Evéque de Burgos. H e r n a n d o de Vega Seigneur de Grajal, grand Commandeur de Caftille qui eut grand part aux affaires du Royaume,fe mêla auffi des affaires des Indes , & il y intervint auffi le grand Chanc h e l i e r Mercurino G a t i v a r a , & Monfieur de la S a o , qui eftoit de la Chambre de l'Empereur ; & le Licencié Francifco d e Bargas, Treforier general de Caftille, & d'autres gens de Lettres comme il a déjà efté dit : mais il n'y eut point de perfonnes afFectées,finon ceux qu'il plaifoit au Roy de nommer, ou à fes Gouverneurs. O r c o m m e les affaires alloient toujours a u g m e n t a n t , l'Empereur


des I N D E S

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557

reur jugea à propos de nommer un Confeil qui expédiaft 1524. les dépêches comme les autres Confeils ; & le quatrième jour d'Aouft de cette année il nomma pour Prefident Frère Garcia de Loayfa General de l'Ordre de Saint Dominique fon Confeffeur Evéque d'Ofma ; & le premierjour du mefme mois l'on donna les titres de C o n feiilers à l'Evéque de Canarfe & au Docteur Gonçale Maldonat ; parce que le Docteur Bertran traitoit déjà, de ces affaires ; & le Protonotaire Pierre Martyr d'Angleria A b b é de lamayca eftoit auffi de ce mefme C o n feil, avec le Licencié Galiudez de Caravajal, & pour Procureur fifcal le Licencie Prado. La première caufe dont l'on traita fut fur la liberté des Indiens ; & les opinions furent fi différents touchant cette matière qu'il s'y formoit des difputes le plus fouvent, & l'Empereur avoit cette curiofité que l'on apportait toutes les diligences requifes pour leur converfion & inftrudion, 6c que l'on eftablit les chofes les plus neceffaires pour l'eftabliffement de la fainte Foy ;Catholique dans ces nouvelles terres ; c'eft pourquoy il ne voulut pas nommer pour P r é sidents à ce Confeil une perfonne moins Religieufe & dévote que l'eftoit l'Evéque l'Ofma. a L'Empereur eftoit alors à Valla-d'Olid attaqué des lesL'Empereur fiévres q u a r l è v r e s - q u a r t e s , & entra dans la chambre du Confeil tes d a n s Valla qui fe tenoit dans le Monaftere de Saint P a u l , le 26. jour d ' O l i d . d'Octobre, ou le C o m m a n d e u r Francifco delos Cobos Secrétaire de fa Majefté & de fon Confeil, dit en prefence de l'Evéque d'Ofma & des Docteurs Bertrand M a l donat & le Protonotaire Pierre Martyr d'Angleria ; Q u e fa Majefté leur commandoit, afin que l'expédition des affaires ne fuffent pas retardées à caufe de fa maladie, que durant le temps de fa fiévre jufques à ce qu'il fuft en convaleffence pour pouvoir figner fans préjudicier à fa fanté,que toutes les chofes de Iuftice qui feroient ordonnées par ce Confeil fuffent dépéchées par Lettres fous le nom de fa Majefté, fignées du Prefident & des Confeil- O r d r e p o u r lelers, & qu'elles fuffent feeilées du feau R o y a l , comme dépêches des in-

Vuu|

des,


H i s T o i RE on l'obfervoit dans le Confeil Royal de Caftille , pourveu que l'on fpecifiaft que ce fuft pour les caufes de luftice feulement, & l'expédition des affaires ; mais n o n pour les Offices, des faveurs, ny d'aucune chofe de cette nature. Le General de l'Ordre de faint François de l'ObfervancefitfçavoiràfaMajeftéalors qu'il alloit paffer dans les Indes quelques Moines Cloftraux, libres, qui y alloient pluftoft à deffein de s'enrichir que par un zele d e pieté ; & de crainte qu'ils ne détournaffent les autres qui y eftoient par quelque mauvais exemple , il leur refufaft la permiffion d'y paffer ; de forte que 1 Empereur ne le deffendit pas feulement, mais ordonna à l'Audience de l'Efpagnolle de à tous les Gouverneurs des autres Ifles de Terre-ferme , de renvoyer ceux qui eftoient là qui y pouvoient avoir paffé à pareil deffein , parce que fon intention eftoit que les Religieux ne fe mélaffent d'autre chofe que de fervir Dieu, de qu'ils accomplirent leur Million à prêcher de enfeigner , de donner de bons, exemples. D a n s ce mefme temps l'Admiral Diego Coloneftoir; arrivé à la C o u r , qui parla à l'Empereur, de l'informa de tout ce qui fepaffoit;il luy montra par des papiers autentiques que les Auditeurs de l'Audience Efpagnolle avoient donné o r d r e , que quant à la connoiffance des cas de C o u r , il euft lieu de prévention fur toutes les chofes que l'on avoit dites contre luy, de qu'il luy fuft permis de faire voir que ce n'eftoient que des calomnies de certaines gens qui ne vouloient voir dans cette Ifle que des Miniftres de leur cabale pour vivre avec plus de liberté ; de que comme il avoit donné des mémoires de fes prétendons,il eftoit bien raifonnable d'y répondre. Surquoy l'on ordonna au Confeil des Indes d'envoyer le Licencié Prado fonProcureur fifcal à la Ville de Victoria, o ù le Roy eftoit alors, pour répondre à fes demandes. La plus grande contradiction qu'eut l'Admirai D i e g o Colon pour l'empêcher d'eftre héritier des travaux de 558

1524.

t'Admirai Diego Colon parle a l'Empereur.

Les de

Miniftres l'Efpagnole

font contre l ' A miral, quoy.

&

pour-


DES I N D E S O C C I D E N T A L E S ,

Liv. V I .

559

fon p e r e , fut l'arrogance & la prefomption des Minières & Officiers Royaux de l'Efpagnolle , lefquels délirant eftre abfolus dans ce G o u v e r n e m e n t , fouffroient avec peine de fe voir dominez par une perfonne de fi grande q u a l i t é , & que l'Admiral eftoit grand obfervateur des Ordres Royaux & fort enclin au fervice du R o y , & étoit d'une humeur fort affable 6c douce.

Fin du fixiéme livre.

Vuu

ij

1524


560

HISTOIRE GENERALE DES VOYAGES E T C O N Q V E S T E S des Caftillans dans les Ifles & Terre- ferme des Indes Occidentales. LIVRE

C H A P I T R E

SEPTIESME.

P R E M I E R.

Des navires qui arrivèrent des Indes. De l'armée qui fut accordée aux Officiers de la Maifon de Contractation pour aller contre les Corfaires, L'on donne avis aux Miniftres des Indes de la victoire de l'Empereur devant Pavie. ANNÉE

1525.

L'arriva donc trois navires des Indes le premier jour de lanvier de cette a n n é e 1525. dans lefquels il y avoit quantité de paffagers, chargez des marchandifes ordinaires, de caffe, de fucre & de cuirs ; mais comme elles furent déchargées à Lepe & à Palos, l'on donna ordre de chaftier les Maiftres des Vaiffeaux pour avoir contrevenu aux Ordonnances de la Maifon de Contractation de Seville ; mais ils déclarèrent qu'ils

1


DES INDES Occidentales, Liv. V I I . 561 y avoient efte forcez par le mauvais temps., 1qu'ils ne I525. pouvoient retenir les paffagers. Ils apportèrent au R o y D e s m a r c h a n d pour fon Quint treize mille huit cens feptante & quatre d i f e s q u e l e s n a vires apportai poids d ' o r , & neuf cens quatre-vingt trois marcs de per. d e s I n d e s . les, dont il y en avoit 300. quatre-vingt deux fort greffes , fines & rondes. O r comme il eftoit paffé quatre navires de Corfaires & un galion, en la cofte d'Andaloufie pour attendre ces Vaiffeaux des Indes, & dans le temps mefme qu'il y en avoit dans faint Lucar vingt de toute force preft à partir ; l'on apprit que ceux des Corfaires avoient échoué fur les terres des Ducs de Medina Sidonia & d'Arcos. E t d'autant que l'on apprit qu'il y avoit dedans des gens de condition, quantité d'armes , d e l'artillerie, des hardes & de l'argent ; l'Empereur ordonna au Licencié T o r o , Auditeur de l'Audience de Grenade, qui eftoit Prefident de Seville, qu'il s'allaft faifir de ces Corfaires, & faire un eftat de ce qui fe trouveroit dans n aNvai ur ef r&a gd ee dCeo r ces navires, jufques à un autre ordre ; & la Flotte fe fer- f a i r e s vant de l'occafion de ce naufrage partit pour aller aux L a F l o t t e p a r t pour paffer a u x Indes ; & dans le mefme temps l'on apprit auffi que huit I n d e s . autres navires qui venoient des Indes s'eftoient garrées dans les Ifles Açores, par les avis que l'on leur avoit donné des Vaiffeaux Corfaires ; parce qu'il y avoit dans ces navires lean Velafquez de Léon , & d'autres Capitaines qui venoient de la nouvelle Efpagne ; & Diego de S o t a qui apportoit le prefent que Fernand de Cortés envoyoït, avec la pièce d'artillerie d'argent, Le Roy a l'inliante prière des Marchands trafiquans dans les Indes, ordonna de lever une armée pour la feureté des naviresquialloient & venoient , d o n t les frais fe dévoient prendre fur les averies comme l'on avoit déjà fait cy-devant, qu'il s'en exeufaft furies plaintes que l'on en fit, attendu que cela chargeoit d'autant plus les marchandifes -, mais attendu la grande neceffité où il eftoit l'on ne put pas faire autrement. Les conditions de cet impoft fut, que les frais de cet armement fe prendroient fur tout l'or,les L e R o y o r d o n n e perles & autres marchandifes de quelque natu re qu'elles d e l e v e r u n e a r fuffent qui viendroient des I n d e s . des Ifles des Açores. m é e f u r les avaries.

Vuu

iij


562

H I S T O I R E

de Madère , & autres qui feroient efcortées de Cette armée , tant de fa Majefté que de quelques autres perfonnes que ce fuffent fans aucune exception. Que pour faire la levée de cette armée les Officiers de la Maifon de Contractation prendroient Francifco Leardo, Pedro de X e r e z , & Ochoa Yniguez d'Ochandiano, avec Pedro Xuarez de Caftille , Treforier de la Maifon, que le R o y Deputez pour l e v e r les frais d e avoit nommez pour cet effet ; & que les deniers qui prol'armée. cederoient des fufdites averies ne feroient point employez en autre chofe qu'en cette armée , & que pour cet effet, il y auroit un coffre à trois clefs dans lequel ils feroient mis , & que tous les navires, les armes, Se quelques dépouilles que l'on prendroit fur les ennemis p a r l e moyen de cette a r m é e , feroient deftinez à cela, fans en extraire le Quint du R o y , ny autre chofe qui luy pourroit appartenir, & que les députez fufdits puffent donner à leurs Capitaines 6c Maiftres, ce que bon leur fembleroit des dépouilles chacun félon fon m é r i t e , afin qu'ils ferviffent avec plus d'affection & de bonne volont é ; Q u e les deniers qui eftoient reftez de l'armement dernier, fuffent appliquez à celuy cy dans le temps que l'on jugeroit à propos & du confententement des Officiers de la Maifon ,pourveu que cela n'excedaft pas plus qu'il ne feroit befoin ; Q u e les députez pourroient arre fier & payer les falaires des Capitaines & foldats, a v e c le confentement des Officiers de la Maifon, pourveu que l'on ne payaft pas plus qu'il faudroit ; & que l'on envoyait un eftat à fa Majefté du falaire des députez , afin qu'il y pourveuft félon qu'il luy pïairoit ; Q u e la diftribution qui fe feroit pour les frais & dépens de l'armée , fe fuft au fol la livre félon qu'il écheroit à chacun, & qu'à faute de les vouloir payer l'on les puft c o n t r a i n dre pour cela ; Q u e le D é p u t é general avec les autres députez pourroient mettre des Capitaines,des Vifiteurs, O r d r e d e la d i des Sergens, & les autres Officiers aufquels fa Majefté ftribution des donneroit des Commiffions pour cet effet,& qu'ils p o u r , frais d e l ' a r m é e . roient prendre tels navires que bon leur fembleroit, en les payant un jufte falaire autant de temps qu'ils s'en fer1524.


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.

VII.

563

viroient ; & qu'en cela & à la diftribution des avaries l'on y procédaft avec modération , & que l'on changeait fur le pied d'un cent. Le R o y écrivit aux Ducs de Medina Sidonia & d'Arcos, au C o m t e d'Yrena , aux Marquis de T a r i f a , & d'Ayamonte pour fournir par forme de preft, l'artillerie pour cette armée , à condition qu'elle leur feroit rendue auffi toft que le voyage feroit fait. L'on écrivit encore la mefme chofe à la Ville de C a d i z , & an Marquis Diego Lopez Pacheco , & au Marquis de los Vêlez , pour qu'ils euffent agréable de prefter quelques navires qu'ils avoient frétez pour charger de l'alun pour deux ou trois m o i s , au cas que l'on en euft affaire pour l'armée. Et d'autant qu'il fembloit que d'armer trois navires & deux caravelles feulement ne fuffifoit pas à caufe de la quantité de Corfaires qui rodoient fur ces mers,fa M a jefté requeroit le Roy de Portugal de joindre avec ces vaiffeaux les trois caravelles armées qu'il tenoit pour la garde de la cofte de P o r t u g a l , & qu'ils paffaffent aux Açores pour écarter les huit navires qui y eftoient ; & que le Gouverneur du Roy de Portugal qu'il tenoit dans ces Ifles les receuft avec toute forte de l'on traitement. L'on donna la charge de Capitaine de cette armée à Sancho d'Herrera ; comme l'on eut avis aux Açores que les navires François avoient échoué , quoyque le Roy eut écrit à lean Velafquez de Leon , à Alonie de G r a d o s , a Diego d ' O c a m p o y & aux autres Capitaines qui venoient dans cette armée , que s'ils t r o u , voient à propos pour éviter le péril, de feindre d'aller par la Coruna & venir à faine Lucar, ou ils arrivèrent à bon port le 10. jour de M a y , fans attendre de fecours ny de nouveaux navires. Ces navires eftant arrivez , le Roy commanda que l'armée des avaris ne paffaft pas plus o u t r e , & que l'on confideraft la requefte que ceux de la Maifon de Contraction de Seville avoit prefentée pour donner la faculté d'élire des Marchands changeurs entr'eux , un luge & des Confuls tout ainfi qu'il eftoit vfite dans Burgos, Il

1525.

La Flotte

arrive

à faint L u c a r .

Origine des luges Confulsd e Seville.


564. 1525. Des richeffes q u i arriverez au

Roy

dans

CeS

Vaiffeaux.

Le ROY fait d é c h a r g e r le b i e n de C o r t é s dans Sevalle.

I e a n Garces prem i e r Evéque de Yucatan.

Pierre

Martyr

d'Angleria Eve que delama ; ca.

HISTOIRE

arriva dans ces navires plus defoixante mille poids d'or pour le R o y , deux cens vingt fept marcs de perles, & d'autres petites perles rondes , deux onces deux dragmes de perles de valeur , & cinq autres onces de perles d e route forte. Ils apportèrent quantité de brefil , & douze faucons. Le Roy reçeut auffi par forme de preft trente mille poids d'or, & quinze cens cinquante marcs d'argent, que Fernand Cortés envoyoit pour achepter des cables, des vivres & autres chofes pour porter dans la nouvelle Efpagne , & écrivit fur cela à Martin Cortés fon pere , & ordonna que l'on rendift les biens aux particuliers, librement & fans aucun retardement, & que les Officiers de Seville laiffaffent apporter le prefent que Cortés envoyoit par ceux qui l'avoient apporté Ils amenèrent auffi l'un des fils de Montezume, que le Roy commanda quil fût mené à T a l a v e r a , & que l'on donnaft de l'argent aux Religieux de faint Dominique pour le nourrir, aufquels il manda de l'inftruire aux Myfteres de la Foy ; & que de l'or que l'on avoit apporté que l'on en envoyait par des Couriers en pofte le plus promptement que faire fe pourroit foixante mille écus. Et d'autant queF r e r eIean Garces de l'Ordre de faint D o m i n i qve avoit efté prefente pour eftre Evéque de Yucatan & de Santa- Maria de los Remedios, qui eftoit la première terre qui avoit efté découverte dans la nouvelle Efpag n e , & que ceux qui l'avoient découverte eftoient déjà paffez à Mexique , & en d'autres lieux, & que parce que cet Evéque qui avoit efté nommé n'avoir pas efté prendre poffeffion de cet te charge , Sa Sainteté fùt fuppliée d'y pourvoir, & que les Bulles porraffent que ce fuft pour la nouvelle Efpagne que fa Majefté nommeroit ; & ordonna que dans l'Eglife de l'Ifle de Santiago, appellée lamayca , l'on employait autant de revenus du Roy, comme l'Abbé Pedro Martyr d'Angleria en dépenfoit, Il écrivit au General de l'Ordre de S. François pour qu'il envoyaft des Religieux au Monaftere de la Conception de l'Efpagnolle, parce qu'il n'y avoit déjà plus que deux Religieux. Et d'autant que le N o n c e du Pape avoit


DES

I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv

VII.

565

avoit deffein de recouvrer les dépouilles de l'Evéque, 1525. & les fruits de l ' E v é c h é d e S. Dominique & de la C o n ception pendant qu'ils vaquoient ; mais l'on manda à l'Efpagnolle que l'on ne le permift pas. L'on ordonna de prefter de l'argent aux habirans de fille de Santiago pour acheter des ferremens pour travailler aux mines de f o r qui avoient elle découvertes ; & pour faire le labourage & ferrer les grains, & que l'on n'advertift pas au Licencié Lucas Vafquez d'Ayllon de fortir p o u r a l l e r à la découverte de Chicora, parce qu'on ne luy bailleroit davantage de temp que celuy qui luy avoit efté d o n n é ; & que l'on achevaft les arcenaux qui avoient efté c o m mencez dés le temps des Rois Catholiques dans faint D o m i n i q u e afin que l'on peuft baftir des navires dans cette Ville-là, puifqu'il y avoit deja de grands préparatifs pour cet effet. D a n s ce mefme temps l'on donna avis au Roy de la Manuel de R o mort de l'Adelantado Diego Velafquez , & de l'élection j a s eft fait G o u que l'Audience avoit faite de Manuel de Rojas en fa v e r n e u r d e C u p l a c e , à caufe de fa qualité, de fon authorité & expé- b a . rience ; dont il fut tellement fatisfait, qu'il d i t , Qu'il eftoit fort content de luy & l'avoit en grande eftime, & approuva l'élection de Manuel de Rojas. Il ordonna d'écrire à Fernand Cortés,afin qu'il fift rendre & reftituer aux enfans de l'Adelantado François de Garay, tous les biens que fon pere avoit laiffé dans la nouvelle Efpagne ; & que l'Audience de l'Efpagnolle envoyaft quelqu'un pour lerecevoir en quelque part qu'ils fe rencont r a i e n t . Il donna à Antoine de G a r a y , fils de l'Adelantado , un Gouvernement de la Ville de Santo-Domingo, & la Lieutenance de la Fortereffe de Seville dans la Ville de Santiago ; & de celle de Yaquimo en l'lfle Efpagnolle ; & luy remit cinq cens ducats de mille que fon pere devoit à la Ferme du Roy. Il donna l'Office de Fad e u r de la Ville de Cuba à Hernando de Caftro. E t par- H e r n a n d o d e ce que l'Admirai Diego Colon , après s'eftre purgé des C a f t r o F a c t e u r calomnies que fes envieux luy avoient impofées, fuplia d e l d'Ifle de C u b a . le R o y de luy faire juftice fuivant fes pretenfions, fa Ma-. Xxx


566 1525.

Le R o y o r d o n n e d e v u i d e r le procès de l'Admirai.

Il p e r m e t a u x Belzares, Flam a n s , de trafiquer aux Indes.

H I S T O I R E

jeité , il donna commiffion dans la ville de Tolede, au D o cteur Mercurio G a t i n a r a , fon grand Chancelier , & à frère Garcia de Loayfa fon Confeffeur & Prefident du Confeil Royal des Indes ; à H e r n a n d o de Vega , Seigneur de Grajal, grand Commandeur de Caftille; à D o m Garcia de Padilla, grand Commandeur de l ' O r d r e de Calatrane ; aux Licenciez Santiago , & Chriftofle Vafquez d ' A c u n a , du Confeil Royal ; au Docteur Laurens Galindez de Caravajal, à Maiftre Louis Vaca Evefque de Canarie ; au Docteur B e r t r a n d , d u Confeil des lndes ; & au Docteur Maldonat Coadjuteur de l'Evefque de Ciudad, Rodrigue du mefme Confeil, de donner une Sentence fur les differens qui eftoient entre les mains du Procureur Fifcal fur la déclaration de fes Privilèges, & fur les autres caufes & raifons contenues dans fes procédures, qui eftoient dans le Confeil des Indes, qui eftoient déjà prefque décidées & le procès en eftat ; avec pouvoir 6c faculté de terminer Parfaire felon qu'ils le jugeroient équitable & de Iuftice. Sa Majefté fit don au Docteur Galindez de Caravajal de l'Office de General des Poftes dans Seville de toutes les dépefches qui viendroient des Indes, & aux Belzares, Allemans, la faculté de trafiquer aux Indes, tout ainfi que s'ils euffent cite originaires des Royaumes d'Efpagne. Sa Majefté eftant arrivée a Madrid fut averti que le Roy de France eftoit paffé en Italie avec une puiffante armée , à deffein de fe faifir des terres de l'Empire & du Royaume de N a p l e s , où il avoit envoyé le D u c d'Albanie avec des troupes pour s'en faifir , & qu'il avoit mis le fiege devant Pavie le jour de Saint Mathias, qui fut le mefme jour que nafquit l'Empereur, vingtquatrième Février ; & quoy que le R o y de France fuft campé en un lieu tres-fort, il n'avoir aucun deffein d'en venir à une bataille ; mais l'armée Efpagnole ayant paffe non fans beaucoup de fatigue où il eftoit, il fal u t enfin c o m b a t r e , où l'Empereur emporta la victoire. Le Roy fut fait prifonnier, avec le Prince de la B r i t , & quantité d'autres Seigneurs des principaux, & entre


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. VI.

567

autres le fieur de la Paliffe Admiral de F r a n c e , l e fieur d e la Trimoûille , & quantité d'autres , de forte que tous les principaux Seigneurs qui accompagnoient le R o y furent tuez ou faits prifonniers. L'Hiftoire dit qu'il y mourut plus de feize mille hommes du cofté du R o y , & du cofté de l'Empereur environ quatre cens. Apres que l'Empereur eut remercié D i e u d'une fi grande victoire , efperant que de là pourroit naiftre une paix à la Chreftienté ; il commanda que l'on en d o n n a f t avis de cette particularité à l'Audience de l'Efpagnole , & à tous les Gouverneurs , Lieutenans, Officiers R o y a u x , & des C o m m u n a u t e z des I n d e s , afin qu'ils en rendiffent tous des actions de graces à Dieu.

C H A P I T R E

1525.

Le Roy donne a v i s a u x Officiers des I n d e s d e la v i c t o i r e de Pavic.

II.

Des ordres qui furent donnez pour le Gouvernement de la terre-ferme. Le Licencie Villalobos s'oblige de peupler l'ifle Marguerite.

Q

V a n t à ce qui touchoit les affaires de la terreferme, le R o y avoit toutes les envies du m o n d e d'y Donner un bon o r d r e , à caufe des plaintes qu'il en faifoit inceffamment contre Pedrarias D a v i l a , ce qui arrive ordinairement à ceux qui occupent fi l o n g , temps des Gouvernemens. E t pour donner quelque fatisfadion aux peuples de cette t e r r e , il donna ordre que l'on pourveuft aux chofes qui concernoient le Gouvern e m e n t , avec grand foin. Il faifoit de grandes largeffes a tous ceux qui agiffoient en ce rencontre , parce que cela eftoit aucunement neceffaire , pour fe conferver cette nouvelle t e r r e , qui eftoit fort différente des autres , tant pour fa température que pour le refte. Il L e Roy é c r i t c o m m a n d a que l'on écrivift à l'Evefque & au Gouver- t o u c h a n t les n e u r , & que l'on luy mandaft que fa Majefté avoit eu mI nadriieangse s& ddeess avis que quantité d'Indiens, des principaux & des C a - C a f t i l l a n s . X x x ij


1525.

Q u e les n a t u rels du p a i s foient pourveus aux bénéfices-

Q u e les g e n s mariez aillent d e m e u r e r avec leurs f e m m e s .

Le Roy ordonn e q u e l'on m e n é aux Indes des gens m a riez d e G a f t i l l e .

568 H I S T O I RE ciques de ces t e r r e s , vouloient marier leurs fils & leurs filles avec des Chreftiens & des Chreftiennes d o n t D i e u en feroit fort exalté ; qu'il en arriveroit une g r a n d e utilité & profit , & c a u f e r o t une paix à la terre , & p a r t a n t q u e fa v o l o n t é eftoit telle que l'on favorifaft ces mariages , avec deffenfes de les en détourner. Il m a n d a auffi à l'Evefque , que puifqu'il fçavoit bien q u e les Eglifes où. f o n devoir pourvoir de bénéfices aux habitans des l i e u x , & que l'Office divin fuft cél é b r é mieux qu'il n'avoit efté par le paffe , & qu'ils les rident defervir par des enfans de Caftillans légitimes , nez dans le p a ï s , en les affiftant de ce qu'ils aur o i e n t b e f o i n , afin de les faire é t u d i e r , & a p p r e n d r e à devenir honneftes gens & capables d'exercer ces Offices. Et d a u t a n t que l'on avoit befoin de perfonnes en ce t e m p s - l à , & que l'on avoit c o n t r a i n t les habitans d e cette Province qui eftoient mariez de venir habiter avec leurs femmes ; & que l'on leur o r d o n n a i t derechef de venir demeurer avec elles , ou qu'ils les e n v o y a i e n t quérir ; & que cette o r d o n n a n c e fuft exécut é e . Il o r d o n n a que l'on remift à la C o m m u n e d e D a r i e n , qui eftoit déjà de P a n a m a , une certaine fomm e de deniers qu'ils dévoient aux coffres du Roy , pour des vivres qui leur avoient efté envoyez quelques années auparavant de l'EfpagnoIe , dans leur plus g r a n d e neceffité ; & q u e l'on fift en forte d'envoyer des gens mariez d e Caftille pour y habiter ; parce q u e l'on app r e h e n d o i t q u e la Ville venant à fe dépeupler l'on n e p o u r r o i t pas continuer la converfion des I n d i e n s , q u i avoit efté c o m m e n c é e avec beaucoup de p r o g r é s . Enfuite dequoy le R o y ayant efté informé q u e fous couleur d'une claufe c o n t e n u e en l'inftruction qui avoit efté d o n n é e à Pedrarias , par laquelle on luy avoit o r d o n n é , en cas qu'il le jugeait à propos , de chaffer quelques gens de la terre pour la tenir en paix, fans leur octroyer la voye d'appellation ; fes officiers p o u r des haines particulières , ufoient mal de c e t t e commiffion, d o n t il en arrivoit un grand fcandale. Il


DES

INDES O C C I D E N T A L E S , Liv.VII.

569

fut deffendu de fe fervir davantage de cette claufe, 1525. excepté Pedrarias qui s'en pourroit fervir pour fa p r o pre perfonne. Il fit auffi fçavoir à PEvefque & au G o u v e r n e u r , veu le changement de la Ville de L a n t i gua del Darien , & que Acla & Chyari qui eftoient toutes dépeuplées, & que fa principale intention eftoit d'envoyer découvrir & pacifier, qu'il eftoit à propos qu'ils fiiTent entr'eux des peuplades de Chreftiens, afin E t d e f a i r e pluq u e par le moyen de leur communication, principale- f i e u r s p e u p l a d e s m e n t en l'adminiftration des Offices divins , dans les d e C h r e f t i e n s pour converfer Eglifes & Monafteres, ils vinffent à la connoiffance de a v e c l e s I n d i e n s la fainte foy. Et que pour cet effet il eftoit neceffaire fur tout que ceux qui peuploient s'occupaffent principalem e n t pluftoft à cela qu'à toute autre chofe, en travaillant inceffamment à bâtir des maifons, & à faire des métairies pour nourrir des volailles & des troupeaux , & les autres chofes neceffaires pour la confervation des peuplades. Parce que les Indiens voyant des changemens & des altérations parmy les Chreftiens, ils s'attendoient à c h a q u e m o m e n t de s'en aller & les abandonner ; ce qui les obligeoit encore d'autant plus à ne fe vouloir pas affujettir ny pacifier ; Qu'ainfi il eftoit neceffaire que les peuplades des Indiens fuffent fituées entre celles des Indiens félon la c o m m o d i t é des lieux, & qu'ils euffent plus deconverfation & de trafic avec eux , pour les faire durer & perfifter. O r l'on donna ces mefmes ordres dans toutes les d é couvertes que l'on faifoit dans les Indes. Et parce que l'on avoit de couftume dans la terre-ferme après avoir pris l'alignement pour les Eglifes paroichiales, les M o nafteres, les Hofpitaux, & les lieux pieux 6c publics, qui fe divifoient, & tout d'un temps auffi pour les Gouverneurs & leurs Lieutenans & Officiers, quoy qu'ils en euffent dans les lieux de leur refidence,d'où il arrivoit qu'il ne reftoit aucune place pour les habitans,parce qu'ils les vendoient puis après, & en tiroient de l'argent, il fut ordonné que delà en avant on ne leur donnait aucun lieu qu'aux endroits où ils feroient leur refidence, & non ailleurs. Xxx

iij


570

H I S T O I R E

Q u e l q u e s Alcaldes ou Gouverneurs de terre-ferme ayant efté occupez en qualité de Capitaines p o u r faire Deffeufeaux des courfes dans la terre pour avoir un double profit des Gouverneurs d e s v i l l e s d e f a i - chofes qui leur pouvoit appartenir de droit A caufe de re des c o u r f e s . leurs charges, o u t r e celuy qu'ils tiroient encore de l'Office de Sergent M a j o r , d o n t les Provinces en recevoient u n tres-grand d o m m a g e ; parce que la Iuftice n e s'exerçoit pas c o m m e elle devoit, ny les peuples n'eftoient pas régis 6c gouvernez c o m m e ils dévoient eftre ; & que ces courfes dans la campagne auroient quelque-fois un an ou deux : Il fut o r d o n n é que ces Alcaldes ne feroient plus de femblables courfes, & qu'ils feroient acluellement reiidens dans leurs peuplades pour adminiftrer la juftice ; & q u e les Capitaines qui feroient des courfes, des d é c o u vertes , & des vifites de C a c i q u e s , nereceuffent point d ' h o m m e s qui n e fuffent capables def o u f f r i rles travaux d e l à g u e r r e , f a n s avoir égard aux prières des l u g e s , d e s Alcaldes, des Miniftres,& autres perfonnes ; parce q u e s'ils prenoient des gens qui ne fuffent pas de cette qualité leurs voyages p o u r r o i e n t eftre inutiles, & ne p o u r r o i e n t Ordre touchant pas agir félon qu'il feroit à f o u h a i t e r . E t pour tirer les les a p p e l l a t i o n s . gens de cette t e r r e hors d'inquiétude & de fatigue, il fut o r d o n n é que toutes les appellations qui feroient é v o quées p a r d e v a n t les Gouverneurs ou autres luges & juftices de quelque façon que ce fuft, jufques à cinq cens poids d'or, & q u e depuis cette fomme en descendant, c e la fut t e r m i n é p a r les mefmes G o u v e r n e u r s , ou luges y refidant. Mais q u e p o u r les caufes d'appel au déffus des c i n q cens poids d'or & au deffus, que ce d e g r é d'appellation allait pardevant le Prefident & Confeillers de l'Audience R o y a l e de l'Ifle Efpagnole , & que pour les Sentences qui fe r e n d r o i e n t par les Iuftices fubalternes d e c e t t e terre J u f q u e s à la fomme de vingt mille Maravedis, & au deffous, l'on n'en appellaft point que pardevant les Magiftrats des Villes, Bourgs & Vilages de c e t t e terref e r m e , chacun en fa jurifdiction, en telle forte q u e jufques à cette fomme de vingt mille Maravedis l'on n'en p e u t appeller ny introduire les caufes ailleurs, quoy que

1525.


DES INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. V I I .

571

les Sentences p r o c é d a i e n t de caufes criminelles. Et quoy 1525. que l'on euft défendu fous de grandes peines qu'aucun D e f f e n i e a u x Officier Royal pût traiter ny trafiquer ,& que n o n o b - O f f i c i e r s R o y a u x d e traftant cela le Maiftre des C o m p t e s , le Facteur, le Vifiteur, fiquer. & le Treforier n'avoient pas laiffé que de leur en donner la permiffion ; il leur fut fait derechef de nouvelles d é fcnfes de plus récidiver ; parce que delà il en arrivoit de grands inconveniens parmy les habitans des lieux, attendu qu'eftant des Adminiftrateurs de luftice ils en recevoient par confequent plus de faveur. Ainfi l'on manda expreifement qu'ils fuffent égaux quant au trafic avec les autres habitans fans y apporter aucune différence. E t dautant que l'on avoit eu avis que l'on y joüoit des jeux, défendus,au grand fcandale de tout le voifinage, & qui donnoient de mauvais exemples ,le Roy manda que l'on y tinftla main , & que l'on exécutât en ce point les O r donnances que l'on avoit cy-devant données, avec t o u t e forte de rigueur, & avertit les luges d'en avoir le foin, & y remediaffent en diligence. C o m m e l'on eut avis auffi q u e les Gouverneurs & Miniflres de luftice fe faifoient accompagner de tous les habitans, & mefme des perfonnes de dehors qui fe rencontroient-là, dans les vilages o ù ils alloient, & que cela s'eftoit tellement tourné e n c o u flume, q u e les hommes en recevoient un notable préjudice, & particulièrement les Officiers, parce que cela les D e f f e n f e a u x Officiers détournoit de leur occupation & de leur m é n a g e , rien R o y a u x d e Ce que pour accompagner les adminiftrateurs de la luftice ; f a i r e a c c o m p a furquoy il y avoit fouvent entr'eux beaucoup de débats g n e r . & des conditions. A caufe dequoy il fuft ordonné que do refnavant ny le Gouverneur gêneral , n y autre M i n i ftrequel qu'il fuft ne confentift,ny ne permift que perfonne ny les jours de fefte ny de t r a v a i l l e s accompagnaf fent,excepté leurs ferviteurs domeftique ou les perfonnes qui eftoient à leur folde. D a n s ce mefme-temps l'on folicitoit R o d r i g u e de Ba- L ' o n f o l i c i t e ftides d'effectuer fon traité touchant fon eftabliffement B a f t i d e s d ' e x e cuter fon traité. en la peuplade de fancta Marta ; & l'on traça les limites de fon d é t r o i t , pour éviter les differens qu'il euft p û


572

1525. V i l l a l o b o s trai te pour aller p e u p l e r l'Ifle Marguerite.

Les c o n d i t i o n s d e fon trajté.

H I S T O I R E

avoir avec d'autres. L'on n o m m a pour Treforier de fon g o u v e r n e m e n t Pedro d'Epinofa , & François Vallejo p o u r Maiftre des C o m p t e s . Le Licencié Marcel de Villalobos A u d i t e u r de l'Audience de l'Efpagnolle voulant faire voir qu'il n'eftoit pas moins defireux d'intenter de grandes chofes que les a u t r e s , fit auffi un accord avec le R o y , par lequel il s'obligea de d é c o u v r i r & peupler l'Ifle d e la M a r g u e r i t e qui eftoit dans les confins de l'Ifle de C u b a g n a e n t r e les Ifles des Caribes & les Indiens G u a tiaos ,amis des Caftillans, qui eft au delà de l'Ifle Efpagnolle ; & qu'il y feroit un village qui auroit au moins pour lors vingt habitans mariez ,& qui a u r o i e n t leurs femmes avec eux, & qu'il feroit des nourritures ,des p r o vifîons, & autres chofes femblables pour le bien de l'Ifle, & la confervation des Indiens originaires de ce lieu, & qu'il le c o m m e n c e r o i t en dedans huit mois ; Qu'il y m e neroit deux Preftres pour le fervice du C u l t e divin, avec les ornemens neceffaires ; Qu'il feroit auffi-toft à fes d é pens une Fortereffe au lieu le plus convenable pour la d é fenfe de l'Ifle, & p o u r refifter aux Indiens qui eftoient Caribes & vaillans ; & que ce qui fedépenferoit pour la fabrique & dépenfe de cette Fortereffe, luy feroit r e m boursé, puis après fur les rentes & les profits du fifque ; à condition que le Roy feroit obligé de la munir d'artillerie, d'armes, & des machines neceffaires pour fa défenfe ; & que la Lieutenance luy en fuft d o n n é e fa vie durant, & d'un héritier ; & qu'il fuft fait Capitaine de l ' I f l e , a v e c quelques autres conditions encore : Mais fur t o u t q u ' a , v a n t toutes chofes il donneroit caution de reparer les t o r t s & mauvais traitemens des I n d i e n s , qui leur pourroient eftre faits contre les O r d o n n a n c e s cy-devant d é clarées ; Q u e les Indiens de l'fle feroient traitez c o m m e vaffaux de là Majefté, libres, & inftruits en la doctrine de la foy C a t h o l i q u e , d o n t on en chargeoit fa confcience ; Q u ' i l feroit obligé de d o n n e r caution en prefence des Officiers de l'Ifle Efpagnole de fatisfaire à fon traire ; & pour toutes les autres chofes on luy concéda les grâces, les privilèges & libertez qui fe c o n c è d e n t en femblables rencon-


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. V I I .

573

rencontres à ceux qui peuplent & pacifient de nouvelles terres.

C H A P I T R E Quel fut

C

1525.

III.

celuy qui alla pacifier la Province de Tabafco ; & des chofes qui feprefentent à réciter en ce lieu

O m m e Fernand Cortés eftoit occupé à la pacification ne toutes les Provinces de l'eftenduë de fa lurifiction ; fans oublier celle qu'ils appelloient de Tabafeo , qui avoit pris fon nom du Cacique qui fe nommoit ainfi, & qui eftoit auffi Seigneur de Potonchan, qui en langue Caftiilane fignifie C h o n t a l , comme qui diroit Barbare , parce que Chontal veut dire la mefme chofe en langue Mexiquaine ; il envoya cette mefme année le Capitaine Vallezillo , pour pacifier cette Provin- L e C a p i t a i n e ce , avec foixante foldats, & comme ce Capitaine eftoit V a l l e z i i l o p a c i occupé à la mettre dans le devoir, il y endura tant de fa- fie T a b a f c o , m a i s il y d e t i g u e s , qu il fut eftropié de telle forte qu'il ne pouvoit m e u r e e f t r o p i é . plus rendre aucun fervice. A caufe dequoy les foldats qui l'accompagnoient envoyèrent du fecours par Iean de Lepe; lequel s'eftant mis dans un cano arriva heureufement à Medellin-d'où il fortiftau(îi toft après & alla à Mexique. Il n'y fejourna guère, car il amaffa en fort peu de temps des vivres, des armes & des foldats qui eurent pour Capitaine Baltazarde Gallegos, lequel acheva de pacifier cette terre ; quoy que les Indiens fiffent tout ce qu'ils purent pour leur deffenfe , mais enfin comme ils n'eftoient pas baftans pour refifter contre les Caftillans,ils fubirent la loy des vainqueurs ; fi bien que toute cette terre fut divifée entre les C o n q u e r a n s , où. l'on jetta les fondemens de la Ville qu'ils appellerent Noftre Dame de la Victoire ; parce que ce fut le j o u r de F o n d a t i o n d e la la Vierge que Cortés gagna la victoire contre ceux de V i l l e d e la V i P o t o n c h a n , lors qu'il alla pour découvrir la nouvelle cc too. i r e d e T a b a f Efpagne, qui fut la première bataille qu'il eut contre les Yyy


574 H I ST O I R E Indiens dans une langue de terre qui fe forme du codé du N o r t fur l'un des bras de la rivière de Grijalva, à une lieuë d ' e m b o u c h e u r e de la mer. La terre des environs de cette peuplade eft fort fterile, parce que ce n'eft que fable & marefcages ; elle eft fituée au dix-feptiefme degré & demy de hauteur. Les barques Se les frégates qui vont fur cette m e r remontent fur cette rivière de G r i j a l va , & fe garrent c o n t r e les maifons de la Ville où il y a un Q u a y du c o d é du N o r t qui e d à l'abry des vents du N o r t , & des tempeftes de la mer qui font furieufes le long de cette c o d e .

1525

C e Fleuve de Grijalva qui prit le nom du C a p i t a i n e qui y e n t r a le premier & en prit poffeffion,eft furieux & fort pide & profod. p r o f o n d ; car il tient en dedans la barre plu, de huit brafles d'eau, il y entre dedans cinq rivières fort rapides, fans plufieurs autres ruiffeaux & canaux qui a u g m e n t e n t e n core d ' a u t a n t plus fes eaux. Il a deux b o u c h e s , d o n t la première a un q u a r t de lieue de largeur au N o r t - S u d , parce que toute la c o d e de ce détroit regne du c o d é de J'Eft-Oueft ; & f o n entre par l'autre bouche au N o r d e d S u d e d . A trois lieues de cette Ville il e n t r e dans la m e r une grande rivière & deux ruiffeaux, qu'ils appellent los B r a ç o s , d o n t l'un fe va rendre dans le Fleuve de Grijalva à deux lieuës au delà , & entre dans un recoin o ù il va en P e u p l a d e de T a - t o u r n o y a n t , & c'eft dans ce recoin qu'eft bâtie la peub i f q u i l l o o ù fi- plade de Tabafquillo , des vediges de celle de P o t o n tuée. chan , o ù Marine l'interprète fut prefentée à C o r t é s . T o u t vis-à'vis de cette peuplade , de l'autre c o d é du fleuve Grijalva , il y a un autre bras qu'ils appellent T a c a n i s , q u i paffant par de certains lacs au deffus de ce fleuve fe va rendre dans la rivière de San Pedro y de San Pablo, ainfi n o m m é , parce que ce fut à pareil j o u r que C o r t é s y aborda. C e t t e rivière eft furieufe & a u n e e n t r é e fort eftroite ; l'on y entre par le N o r t - S u d ; elle eft fort p r o f o n d e , & fon eau eft très bonne. II y a par t o u t là aux environs q u a n t i t é de bois;l'on y pefche force poiffon & la chaffey eft t r e s - b o n n e , p u il s'y r e n c o n t r e de diverfes fortes de bedes. Autrefois l'on m o n t o i t fur cetLe

Fleuve

de

Grijaiva fort ra-


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , LIV. VII.

575

te rivière jufques à la peuplade de Xitalango , qui eftoit contigue aux terres de Montezume ; & un peu plus haut la rivière Tyztapa entre dedans qui eft tres-grande, & va du cofté de Sudeft : & ceux qui veulent aller dans la Province de Yucatan dans des canos fur cette rivière , ils vont jufques à la peuplade de Xonutla, Il y a dans toute cette terre des marefcages & des lacs, dans lefquels l'on tue quantité de poiffons très grands, qu'ils appellent Manatias, & autres de divers genres, des Tortues 6c des Yguanas ; cette terre eft baffe & unie ; il y croift quantité de brefil & des cèdres, & quantité d'autre forte de bois, parce que ce font prefque tous bocages, ce qui fait que le fejour y eft humide & chaud ; à caufe de, quoy il y a quantité de ces moucherons que nous appelions cou uns, & les Efpagnols Mofquitos. Les pluyes y font fort fréquentes & durent neuf mois de l'année. Comme cette cofte va traverfant, les Vents de Nordeft & de N o r t Nordeft y régnent, & y font fort périlleux pour les navigeans, & ils durent depuis le mois de Septembre jufques au commencement d'Avril , le relie du temps de l'année les Vents d'Eft Sudeft , & quelquesfois du Sud y régnent à leur t o u r , qui font fort mal fains , & caufent de grands maux dételle. Il y a grande abondance de fruits de la terre dans ces bois, comme des M a m e y e s , des Z a p o t e s , des Agnacates, des G u a y a b o s , & encore d'autres qui font d'un gouft tres-favoureux. Il y avoit grand nombre d'Indiens ; mais la quantité de maladies & de peftilence, à quoy ils font fujets dans cette Province en a beaucoup diminué le nombre ; parce que comme ils eftoient malades d e l à rougeole, de la vérole, de catharres, de flux de fang, & de grandes fièvres fans en pouvoir eftre garantis, ils fe baignoient dans les rivières, & mouroient ainfi fans aucun remède. Et à prefent comme on ne leur permet d'époufer qu'une feule femme félon la Religion Romaine, & qu'au temps de leur Gentilité ils en avoient dix ou d o u z e , cela fait qu'ils ne multiplient pas tant qu'ils faifoient, & particulièrement les Choutales. Ils mangeoient

Yyy

ij

1525.

Il pleut d a n s c e t t e t e r r e les neuf mois de l'année.

C e q u ' a fait d i m i n u e r les I n diens de cette terre.


576

H I S T O I R E

peu ,& beuvoient beaucoup d'un certain breuvage fait de Cacao mêlé avec de la pafte, qui leur tient lieu d'un grand a l i m e n t . Ils en font e n c o r e d'une autre forte fait avec du Mayz cuit en faconde bouillie, qui les fuftante beaucoup , & ils en font un breuvage qui eft un peu AIg r i r , & propre à boire pendant les c h a l e u r s , parce qu'il eft rafraichiffant. D e p u i s que ces peuples ont reçeu les loix & la police des Cadilians , ils vivent dans des peuplades tous enfemble , & m a n g e n t aux heures ordinaires du beuf , du pourceau & des volailles, & boivent d ' u n e liqueur fort faine qu'ils font avec du C a c a o , du Mayz , & des épices de la terre qu'ils appellent Zorolate. il y a Du langage dans c e t t e Province de Tabafco trois fortes de langage, qu'ils y p a r l e n t . le C h o n t a l , qui eft fort a b o n d a n t dictions , 6c donc la plus part fe fervent ; le langage z que eft en ufage dans la Province de la Sierra à q u a r a n t e lieues de celle de la Victoria ; & elle s'appelle La Sierra, parce qu'elle eft c o n t i g u ë aux montagnes de la Province de Chapa , o u Pon p a r l e mefme l a n g a g e , & c'eft une fuitte de m o n tagnes qui divifent les Provinces de Chiapa & de Tabafco. Le troifiéme langage qu'ils parlent eft celuy des M e x i q u a i n s , qui s'y introduifit p a r la c o m m u n i c a t i o n des garnifons qui eftoient dans deux Fortereffes q u e C o m m e n t s ' i n - M o n t e Z a M E y a v o i t , qui eftoient z matlan , & Xtcilant r o d u f i t la l a n go, pour leur feurete ; mais maintenant tout le peuple gue M e x i q u a i n e s'eft a d o n n é à ne parler que lalalangueMexiquaine ; parça cette terre. ce q u ' o u t r e q u e cette langue eft plus polie & plus courtifane, & qu'elle eft générale dans toute la nouvelle Efp a g n e , les Religieux y o n t compofe plufieurs chardons fpiriruelles, ce qui fait que ces gens là y o n t de l'inclina t i o n , & y t r o u v e n t auffi de la fatisfaction. La Ville de M e x i q u e eft fituée du cofté de l'Eft à cent c i n q u a n t e lieues de c e t t e Province en c h e m i n a n t p a r t e r r e ; & par mer par la Vera-Crux, c e n t quarante. L a Ville de Merida en la Province de Y u c a t a n , o ù eft le G o u v e r n e u r de c e t t e terre eft à l'Eft , à q u a t r e - v i n g t lieues d e là & dépend de fon E v é c h é , q u o y qu'elle euft d é p e n d u c y - d e v a n t de Chiapa. La Ville & p o r t de C a n v 1525.


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S ,

Liv.

VII.

577

pèche eft éloignée de cinquante lieues par mer du colle 1525. de l'Eft. La Vide Royale de C h i a p a , e f t à foixante&dix lieues de la peuplade de la Victoria, an Sud, & l'on y va fur là rivière de Grijalua , jufques à quarante l i e u ë , & les autres trente lieues fe font par des montagnes très, afpres, quantité de rivières , & u n e terre fort froide, Des tributs q u e M o n t e z u m e leCeux de cette Province obeïffent à l'Empire de Monte voit en cette terz u m e , qui par le moyen des deux Forterelles dont nous re. venons déparier les tenoit en bride, & ils luy payoient pour tribut du Cacao. Ils adoroient des Idoles de terre & de b o i s , qu'ils tenoient pour advocats dans les diverfes faifons de l'année & pour diveries chofes. Ils fe méloient auffi de facrifier des hommes & les mangeoient, imitant en cela & en leur religion les mefmes De leur r e l i g i o . cérémonies des Mexiquains. Lors qu'ils alloient en guerre ,ils fe veftoient de peaux de Tigres , de Lions & d'autres beftes féroces. Ils combatoient avec des arcs, des flèches, des macanas* faites en façon de haches d'ar- Epées de bois. mes , & mettoient dans le tranchant des pierres de caillou qui coupoient comme des rafoirs. Ils vivoient dans la Gentilité plus que tous autres, parce qu'ils travailloientplus. La plus grande richeffe de cette terre eft le Çacao ; parce que comme les Caftillans ont appris l'Art Des fruits qui y de l'Agriculture aux Indiens, ils font bien de plus belles croiffent. récoltes qu'ils ne faifoient auparavant ; & ils fe font adonnez auffi à la nourriture des beftes à corne & de planter des fruits de Caftille, & ainfi ils ont abondance derreilles, de figuiers, de limons, de citrons & d'oranges. Il s'y recueille quantité de mayz trois ou quatre fois l'année , ou du moins deux. Le riz y vient auffi en perfection , le millet, & route forte d'herbes potagères. Il y a une grande diverfité d'herbes médicinales par le moyen defquelles ils guériffent les originaires de la terre, & font mourir les vers qui naiffent dans les c o r p s , & en arreftent les pertes de fang, comme eft celle du Picicte, Parti cularitez & par un autre nom Tabaco , qui ofte les douleurs qui du Tabac. procèdent du froid, & eftant pris en fumée il eft fort fbuverain pour guérir les rheumes, les difficultez de refy yynj


578

1525.

Il y a force a n i m a u x de. c h a f f e .

Ils tirent g r a n d p r o f i t du C a c a o .

H I ST o I r e pirer & la toux. Les Indiens & les N è g r e s en p r e n n e n t en poudre dans la bouche pour leur provoquer le fomm e i l , afin de ne point fentir le travail. Il y a dans cette P r o v i n c e q u a n t i t é de T i g r e s , de L y o n s , d e D a i n s , de porcs-fangliers, mais ils n e font pas fi grands q u e les noftres ; des lapins, de la venaifon, des f i n g e s , d'une forte d e lézards qui font couverts d'écailles, & d'une autre forte encore qu'ils appellent T e peyz q u i n t e s , de la grandeur d'un c o c h o n de laict, t o u t peints c o m m e les fans de fangliers, Il y a auffi q u a n t i t é d e lézards, & des tortues grandes c o m m e des boucliers, des Guanas & force reptiles ; des faifans , des p o u l e t s d ' I n d e , & des perroquets de diverfes fortes - des cailles & d'autres oifeaux, grands & petits de'diverfes couleurs q u a n t i t é de volailles de Caftille & de la mefme t e r r e ; des pigeons & des tourterelles. Il ne fe recueille p o i n t d e c o t t o n dans t o u t e cette Province, quoy qu'il y en air, l'on y en porte de Y u c a t a n , & des eftoffes pour les veftemens ; la raifon de cela, eft qu'ils ne s'amufent p o i n t à cultiver c e t t e forte de p l a n t e , mais m e t t e n t t o u t e leur occupation a faire des nourritures de beftiaux à c o r n e de p o r c s , d o n t ils tirent un grand profit, & du C a c a o , & les g a r d e n t fort exactement ; à quoy ils ne m a n q u e n t pas d'occupation,. parce que c o m m e ce fruit eft fur l'arb r e , les finges & d'autres animaux de cette n a t u r e les m a n g e n t ; & il y a une fi grande a b o n d a n c e de ces c o u fins , & font tellement importuns qu'il eft impoffible de d o r m i r fans pavillon.

C H A P I T R E

IV,

Du traité qui fut fait avec le Roy, de la fart & au nom de Fernand Cortes ; & des faveurs & honneurs que le Roy luy fit, DAns

ce mefme temps lean de Ribera Secrétaire de Fernand C o r t é s folicitoit en C o u r pour les affaire


D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv. VII.

579

r e s , affifte de Frère Pierre Melgarejo , de l'Ordre de S. 1525. François comme fon amy ; & parce qu'outre les c o m m i t fions qu'il .portait, il eftoit encore chargé de parler à l'avantage & exaltation de fon Maiftre ou par voye d'acc o r d , ou par capitulation , ou par quelque largeffe envers ceux qui avoient la charge de cela, fans toutefois toucher aux neceffitez du Roy , dont il avoit un pouvoir fuffifant, s'imaginant que ce qui touchoit les necellitez du Roy eftoit le meilleur expédient. Et comme quelques uns tiennent , voyant que fes émulateurs ne ceffoientde murmurer qui blâmoient toujours les actions de Cortés, & qu'il leur impoferoit filence par ce moyen, il leur propofa les raifons fuivantes , afin que l'on fraitaft d'affaire avec luy , & requit que l'on conduit fur les mémoires qu'il avoit fournis de fon cofté , qui portoient ; Que Fernand Cortés fourniroit à fa Majefté dans un an & d e m y , deux cens mille poids d'or ; & que quand il n'auroit pas la fufdire fomme entière du revenu du Roy il fourniroit le refte du fien p r o p r e , ou de fes amis-à conT r a i t é fait e n t r e dition que fi dés le mefme jour de l'accord de ce traité, le R o y & F e r C o r t é s avoit envoyé quelque quantité d'or, tout ce qui n a n d C o r t e s . excederoit au deffus de cinquanre mille poids, iroit en déduction des deux cens mille poids d ' o r q u ' i l devoit fournir- Q u e pour affifter Fernand Cortés à lever cette Conditions du fomme de deniers par forme de preft, il feroit affifté de t r a i t é . Frère Pierre Melgarejo & de Iean de R i v e r a , f u r l'inftruction qu'ils recevroient de fa Majefté pour cet effet ; & pour l'exécution du prefent accord, ils s'obligeoient d'armer trois navires à leurs dépens, & y dévoient employer jufques à fix mille ducats ; & au cas qu'ils e m ployaffent plus que les fix mille ducats, fa Majefté leur feroit rendre le furplus dans la nouvelle Efpagne, Q u e pour cet effet l'on envoveroit des lettres de créance à Fernand C o r t é s , pour eftre délivrées par luy à Frère Pierre Melgarejo & à Iean Rivera pour tontes les perfonnes particulières les plus riches 6c les plus aifée des Indes, afin que chacun preftaft autant qu'il pourroit ; avec facuite à Fernand Cortés & à fes Officiers pour reftituer


580

H I S T O I R E

ces prefts fur fes biens & revenus - Que l'on ordonnaft au Treforier & aux Officiers de la nouvelle Efpagne de délivrer tout l'or qu'ils auroient, entre les mains de ceux qu'il plairoit à fa Majefté d'ordonner. Ces offres furent a c c e p t é e s , & l'on fit auffi-toft r é ponie aux mémoires de Fernand Cortés. E t quant à la recompenfe qu'il demandoit pour les fervices qu'il avoit r e n d u s , & d'avoir arrivé à fes defpens pour la d é c o u v e r te de la mer du Sud , la Majefté fe refervoit à en traiter jufques à une plus ample relation ; & qu'alors il confidererdix la qualité , l'honneur & le profit félon fes fervices & les defpenfes qu'il avoit faites. Et quant à ce qu'il demandoit que l'on ne changeaft point l'ordre qu'il avoit il fut déclaré que fa L e R o y m a n d e eftably dans la nouvelle Efpagne à C o r t e s q u ' i l l e Majefté l'avoit gratifie de cette c h a r g e , avec cette congratifie du G o u fiance qu'il rendroit un bon & fidèle fervice au R o y , v e r n e m e n t d e la n o u v e l l e E f p a - comme il avoit déjà cy-devant fait, & fuivant cela il la gne. luy connaît derechef, efperant qu'il appliqueroit tous fes foins de porter routes les chofes au b i e n , & qu'il auroit foin de bien régir les peuples & les Provinces de fon G o u v e r n e m e n t , de la converfion des Indiens, & des autres chofes concernant le fervice de Dieu & de fa MajeR é p o n f e a u x fté, & fe devoit tenir pour tout affeuré qu'il avoir une d e m i n d e s de tres-bonne volonté de le favorifer, & de faire en forte Cortés. qu'il feroit honorécv recompenfé félon fes mérites. Et que quant au pouvoir qu'il demandoit , que Fernand Cortes euft la faculté de pourvoir aux Lieutenances des Fortereffes, faites & à faire, & donner les charges de Magiftrature, & les Offices de Greffiers Notaires dans les peuplades de fa Majefté ; on y donneroit ordre, que fi toft que les fortereffes feroient achevées, en att e n d a n r q u e f a Majefté y euft pourveu, il y mift telles gens qu'il jugeroit à propos, & qu'il prift garde à leur qualité & aux perfonnes qu'il pretendoit d'y employer pour chaque office, & que fuivant les ordres qu'il y o b ferveroit, fa Majefté auroit égard à fa fuplication , & feroit la mefme chofe pour les autres charges. Q u a n t à Le R o y ordonce qui eftoit de P a n u c o , fa Majefté enteudoit & v o u ne que le G o u 1525.

LOIT


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.

VII.

581

loit que Fernand Corrés en fuft le Gouverneur abfolu, fans toutefois, innover aucune chofe jusques à nouvel v e r n1525 ement de ordre. Et quant à ce qu'il requeroit que nonobftant le P a u c o faft fous la domination pouvoir que fa Majefté y avoit, on luy donnait la faculté d e C o r t é s . de pardonner quelques délits , & commuer quelques peines corporelles en pécuniaires, fans préjudice d'un tiers ou médiateur ; & que s'il y en avoir quelqu'un qui fuft à charge à fa Majefté , la debte n'eftant pas venue à fa connoiffance il en peuft difpofer, afin que cela fe peuft faire fans fcrupule de la confcience ; l'on fit reponf e , q u e lorsqu'il arriveroit des caufes de cette nature, que l'on en envoyaft; l'information en Cour , & que le R o y auroit égard à fa fupplication. Et qu'en confideLe R o y d o n n e ranon de fes fervices ,fa Majefté le faifoit Adelantado a C o r t é s le t i t r e de la nouvelle Efpagne par titre de donation ,& qu'il fi- d ' A d e l a n t a d o gnaft ainfi toutes fes lettres ; & qu'acanfe de la dévotion dEef p alag n en.o u v e l l e qu'il avoit envers le bien heureux S. lacques il luy vouloit donner l'habit de fon Ordre. Il fir tout d'un temps Iean de Ribera, Gentil-homme de fa Maifon , avec cinquante mille Maravedis de penfion , & permiffion de porter fur fes armes le H e a u m e o u v e r t , & le fît T r e forier de la mer du Sud. Pour le Pere Pierre Melgarejo, il le receut pour fon Prédicateur, avec faculté de fe pouvoir nommer fon Confeiller dans les affaires des Indes. C e t t e capitulation ayant efté faite en la manière que Roy donne nous le venons de d i r e , l'on bailla auffi-toft après les aLevis à C o r t é s de dépefches aux Procureurs, aulquels l'on ordonna d'al- c e q u ' i l a v o i t ler à Seville pour faire équiper les trois navires qu'ils t r a i t e r a v e c les Procureurs. dévoient mener. Le Roy leur donna des lettres pour Fernand Cortés, par lefquelles il luy faifoit fçavoir l'accord qui avoit efté fait touchant fes privilèges , & les r e ponfes que l'on avoit faites à fes demandes, enfemble les faveurs qu'il luy avoit faites, & en luy reprefentant la neceffité que Pon avoit qu'il accomplift en bref la promeffe qu'il avoit faite , d'envoyer les deux cens mille poids d'or. O n luy envoya auffi des lettres de créance pour Pedro d ' A l v a r a d o , p o u r Chriftofle d'Olid ( parce

Zzz


582

1525.

Armes R o y

que

le

donne

à

Cortes,

H I S T O I R E

que c o m m e cecy fe paffa au mois de Février de cette ann é e ,l'on nefçavoit pas qu'il fuft m o r t ) pour G o n ç a l e de Salazar, Alonfe de Villa-nucua, lean Rodriguez de Villa-fuerte , lean Velafquez de Léon $. parce que l'on ne fçavoic encore rien de fa venue , & pour Diego d ' O campo , quoy qu'il ne fuft pas arrivé en C o u r , & pour Martin de Monjaraz , Pedro de Y r c i o , Francifco d e Solis, Bernardino Velafquez de T a p i a , Loüis Martin, Francifco F l o r e s , Francifco de las Cafas, Francifco de Santa-Cruz , G e o r g e d'Alvarado,Francifco de O r d u n a , Garcia de Olguin , Antonio de Villaroel, D i e g o de Vald e n e b r o , lean Paez , Alonfe de G r a d o s , Iean de Salzed o , G o n ç a l o de A l v a r a d o , Rodrigo R a u g e l , lean de T o r r e s , D i e g o de Soto , H e r n a n d o Lopez de Avila, R o d r i g o Alvarez C h i c o , A n d r é de T a p i a , D o m i n g o Garcia , lean de Léon C h a n o i n e , tous de condition & des principaux Capitaines. O u t r e toutes ces lettres, il en fut encore donné quarante autres, fignées en blanc, pour eftre remplies fur le lieu, pour ceux que l'on pouvoit avoir obmis. L'on leur donna auffi des defpefches pour tous les Gouverneurs des Ifles & terre-ferme, afin qu'ils fuffent bien reçeus de t o u s , tant pour leur voyage q u e pour leur retour. O n les advertit auffi de la route qu'ils dévoient prendre pour éviter la rencontre des C o r faires. L'on donna o r d r e dans la nouvelle Efpagne de leur payer leur falaire & frais qu'ils feroient. O u t r e toutes les faveurs cy-deffus déclarées, l'Empereur ordonna que l'on defpefchaft un privilège à l'Adelantado Fernand C o r t é s , dans lequel après avoir bien exalté fe3 proüeffes, & les actions notables qu'il avoit faites ainfi qu'elles ont efté déduites dans cette Hiftoire, il luy donna pourarmes outre celles qu'il tenoit déjà de fes anceltres un E c u , à la droite en la partie d'en haut un Aigle noir à deux teftes,en champ b l a n c , qui font les armes d e l'Empire R o m a i n ; & en l'autre moitié de l ' E f c u a u deffousun Lion doré en champ r o u g e , pour mémoire de ce que par fon induftrie & par fa valeur il avoit acquis t a n t de victoires. E t dans l'autre moitié du milieu de


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.VII.

583

l'écu de la gauche en la partie d'en h a u t , trois couronnes 1525. d'or en champ n o i r , l'une foutenuë des deux autres en mémoire des trois Seigneurs de la grand' ville de Mexiq u e , & de fes Provinces, qu'il fubjuga , dont le premier t u t Montezume que les Indiens tuèrent, lors qu'il eftoit prifonnier ; & Quetaozin fon frère, qui chaffa les Caftilans de la ville ; & l'autre appelle Q u a n a moc , qui fucceda au R o y a u m e , 6e foûtint la guerre jufques à ce qu'il fut fait prifonnier. Et dans l'autre moitié de cet E c u , du côté gauche, à la partie d'embas, la vide de M exique, baftie fur Peau, en mémoire de ce qu'il la prit à force d'armes, & l'aflujetit à la couronne de Caftille ; & pour orlede fon E c u , en champ jaune, fept Capitaines & Seigneurs des fept Provinces & peuplades qui font aux environs du lac, qui aidèrent à faire la guerre, qu'il avoit premièrement vaincus, & qu'ils fuffent attachez à une chaine qui fe fer. meroit avec un cadenas de flous l'Ecu, & au dellus de l'Ecu un heaume avec fon timbre. Q u o y que ces faveurs femblerent eftre généralementbien employées en la perfonne de D o m Fernand Cortés ; à tous ceux qui avoient l'entière connoiffan- Q u e l q u e s p a r t i c u l i e r s fe p l e i c e de fes mérites ; ceux qui les examinèrent puis après g n e n t d e c e q u e en particulier, & fans paffion , fouhaitoient que le l e s f a v e u r s q u e R o y ufaft de la plus grande libéralité en fon endroit, lt eé sR, onye fitc oàr rCe fo- r eu égard à la grandeur de fes fervices , & à fa valeur p o n d o i e n t à fes incomparable ; parce qu'entre les rares qualitez qu'il f e r v i c e s . avoit en l u y , dont la principale , quoy qu'il fuft trèsdiligent en l'execution de tout ce qu'il entreprenoit, eftoit l'induftrie dont il fe fervit envers fes foldats, pour dompter adroitement leur fierté, & par le moyen de laquelle il gagna le cœur & captiva la volonté des indiens ; & fins avoir rien depenfé du bien du R o y , il avoit entrepris de grandes chofes, par le moyen defquelles il s'eftoir garanty de la calomnie de fes emulat e u r s & obtint du Roy des faveurs & de grands h o n neurs. Mais il faut confi terer la différence q u ' i l y a entre La d i f f é r e n c e l'induftrie & la diligence , l'induftrie procède la plu part q u ' i l y a e n t r e de l'efprit, & la diligence confifte au travail L'induftrie dl ' ii lnidguefnt rciee, & la

Zzz ij


584

1525.

H i s T o i R E s'occupe en des chofes relevées & de grande importance : mais Cortés fceut fagement tempérer l'une & l'autre, parce qu'il avoit le courage & l'efprit fi fubtils, qu'il ne fongeoit pas feulement à commander les chofes neceffaires ; mais il en eftoit luy-mefme l'exécuteur , & fuivant cela il avoir le courage & le corps dans une mefme pro portion.

C H A P I T R E

V.

L'armée fe prépare pour paffèr aux Moluques. Les perfonnes qui y vont ; & l'ordre qui leur fut donné,

L e R o y fait p r é p a r e r fix n a v i . res p o u r p a l i e r aux Moluques-

Les perfonnes q u i v o n t à cette armee.

L

'Affemblée de Badajos eftant achevée, & la Sentence ayant eux prononcée comme nous l'avons die cy-devant , l'on lit diligence pour aprefter l'armée qui devoit aller aux M o l u q u e s , afin d'établir au plutoft la maifon de Contractation de l'Epicerie dans la C o r u n a , nonobftant les oppofitions de ceux de Seville. L'on prépara donc fix navires,bien munis Sepourveus de t o u t e forte de munitions,avec des linges, des draps , d e la mercerie , & autres marchandées ; de l'artillerie Se des armes. Le Capitaine General qui conduifit cette a r m é e , & qui fut Capitaine du premier n a v i r e , appelle Sancta Maria de la Victoria, eftoit Garcia Iofre de Loay fa, C h e valier de l ' O r d r e de faint I e a n , natif de Ciudad-real, qui avoit fous fa conduite quatre cens cinquante Caftillans. Iean Sebaftien del C a n o fut créé Capitaine du fécond navire appelle Sanctifpiritus. Pedro de Vera Gentil, h o m m e de la maifon du Roy fut Capitaine du troifiéme vaiffeau. L e quatrième appelle Saint G a b r i e l , fut donne 2 D o m R o d r i g u e de Acuna. Le cinquième appelle Santa Maria del Parral, fut donné à George M a n r i q u e de N a jera ; Et le fixiéme appelle faint Lefmes, fut donné à Francifco de H o z e s , natif de Cordouë ; Et Santiago de Guevara eut la conduite d'une Parache. Martin de Valencia devoit eftre Capitaine general des C a r a v e l l e s , qui


DES I N D E S

O C C I D E N T A L E S , Liv. VIT.

585

dévoient demeurer dans les Ifles. Il fut nommé pour 1524. Treforier Iean de Venavides, & pour Maiftre des C o m ptes Barthélémy Simon Tarrago. Pour F a d e u r General D i e g o de Coùarruvias ; pour Receveur, Alonfe de T e xeda -, pour Treforier de l'armée Alonfe de Solis ; & potirMaiftres des Comptes auffi de l'armée Ynigo Ortes de Perea , Diego de Eftrella, Diego de Vitoria, Diego O r t i z d e Vrne,& Louis de Lucon Treforier. Pour Pilote Major Rodrigo Bermejo ; & l'on congédia Lope Sanchez,ôc Iean Vefpucio , parce qu'ils ne voulurent pas L e C a p i t a i n e rendre fervice en ce rencontre. Le Roy fit de grandes fa- g e n e r a l fait hoveurs à tous les fufnommez , & fournit beaucoup à cette m a g e e n t r e les m a i n s du Comdépenfe. Lope Vallejo y alla auffi pour Lapidaire. Le t e H e r n a n d o Capitaine General fit foy & hommage en la C o r u n a , en- d ' A n d r a d a . tre les mains du Comte D o m Hernando Andrada ; & les Capitaines en celles du General ; & chaque foldat en celles de leurs Capitaines, & tous enfemble bénirent l'Etendard Impérial. Les ordres qui furent donnez au General de cette ar- I n f t r a c t i o n p o n t les n a v i r e s mée, contenoient en fubftance ; Que l'on prift garde fur d e f t i n e z p o u s t o u t de ne point toucher dans les limites du Roy de Por- c e t t e a r m é e . tugal -, Q u e les navires ne fuffent pas trop c h a r g e z , afin qu'ils fuffent plus légers pour la navigation ; Qu'avaut que tous les gens panifient ils euffent à fe confeffer & cômunier, afin de mettre leurs ames en bon eftat,& que Pon publiait hautement que celuy ou ceux qui ne le feroient pas n'entreroient point dans l'armée ; Que les autres Capitaines ne s'éloignaffent pas toutes les nuits de la Capitaineffe, fuivant toujours celuy qui porreroitle fanal ; lequel pour fçavoir files autres l'obfervoient, feroit un feu, & que les autres y répondiffent de la mefme fort e : Et lors que le fanal voudroit tourner la proue d'un autre cofté , on euft à faire deux feux, & que les autres en répondant tournaffent tout de mefme ; & afin qu'ils Je fuiviffent, il fift encore un feu comme devant ; Et lors qu'il voudroit ofter quelque b o n e t t e * ,il fift trois feux, P e t i t e voile & que les navires fiffent la mefme chofe ; Et que pour aquux' o ng r a naddej os .u f t amayner il fift quatre feux, & les autres faifant la mefZ z z iij


586 H I S T O I R E

1524.

Continuation d e l'inftruCtion.

me chofe amaynaffent tous. Et que fi par hazard l'on avoit befoin d'amayner , foit de jour ou de nuit, qu'après avoir amayné qu'aucun navire ne guindat ou hauffat aucune voile, jufques à ce que la Capitaineffe euft fait trois f e u x , & q u e les autres y euftent répondu par trois autres feux , & qu'en fuite de cela toutes les voiles fe guindaffent & fiftent voile en mefme temps ; Q u ' e n navigeant, chaque navire euft à aller faire une falve le matin & une autre le foir à la Capitaineffe pour recevoir fes ordres ; Q u e les autres Navires euftent de nuit une voile moins que la Capitaineffe., demeurant derrière ; mais non pas tant que la Capitaineffe fuft abandonnée des autres, & qu'ils en approchaffent toujours le plus prés qu'il feroitpoffible,&&que la Capitaineffe les attendift toujours, & les fecourût en cas de befoin. Q u e les Capitaines, les Pilotes & les maiftres de N a vire ne priftent aucune route, ny ne fiffent aucun voyage, foit en courfe ou autrement, que fuivant l'ordre de la Capitaineffe ; Q u e le Capitaine general ne prift a u c u n e r o u t e , ny tournât d'autre cofté pour fuivre un autre voyage que celuy qu'il auroit commencé,fans premier tenir le Confeil avec tous les Capitaines, les Pilotes & les Maiftres de l'armée ; Q u e fi par hazard les Navires venoient à découvrir terre de n u i t , l e premier qui Papercevra, tire deux coups de canon du cofté de Barlovento, & que s'il n'eftoit répondu par les a u t r e s , il tiraft e n c o re ; &. que de nuit il fift le mefme fignal ; Q u e fi par fort u n e il arrivoit que le feu prift à quelque Navire , ou qu'il vinft à faire eau, ou à s'ouvrir, que l'on fift plufieurs feux dans ce navire-là, afin que fes autres voyant ce fignal, & y répondant s'en approchaffent t o u s , pour fuivre le chemin qu'il prendroit à caufe du hazard où il fer o i t , jufques à ce qu'ils y euflent remédie ; après quoy ils continueroient leur route ; Q u ' e n quelque temps de nuit ou de jour que ce fuft, l'on ne guindaft ny b o n e t t e ny voile , qu'ils n'enffent premierement veû fi la Capirajneffeles auroit hauftez,ou qu'elle en euft donne le figmd ; excepte que fi quelqu'un des Fufdits navires apure ;


DES I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv. V I I .

587

hendoit la voile, qu'il le fift pour ne le pouvoir fouffrir, & que cela eftant il le donnait à connoiftre par un fignal ; & en ce cas, que l'on euft un foin tout particulier d'obferver ce navire, & l'attendre pour le faire cheminer devant la Capitaineffe , de crainte de perdre le temps & la route ; Que fi avant que d'arriver aux Canaries l'on fuft contraint de retourner à terre avec toute l'armée par quelque vent d'aval tempeftueux , que fon prift le port d'Efpagne le plus convenable pour cet effet ; & fi quelque navire n'y pouvoit pas furgir., qu'il prift le plus p r o che , & en donnait avis au pluftoft, afin d'ordonner ce qui feroit neceffaire de faire ; Que perfonne ne fortift à terre dans les Canaries, que par la permiffion du General, & pour fe pourvoir de quelques vivres, & pour le fervice de l'armée, & que l'on y féjournaft fort peu de temps; Que l'on deffendift aux Pilotes & aux Maiftres des vaiffèaux,de ne furgir, ny jetter les anchres en m e r , fans avoir premièrement pris la fonde,& fçavoir fi la terre eftoit nette & feure : Q u e l'on obfervaft toutes ces formalitez en cette navigation aux Ifles des M o l u q u e s , par les degrez & routes qu'ils jugeroient le plus à propos pour plus grande feureté de la navigation, fans fe détourner pour palier dans d'autres Ifles & terres, excepté en celles qui fe prefenteroient directement en leur voyage ; Qu'au cas que l'on ne peut doubler le Cap de bonne Ef~ perance, ou qu'après l'avoir d o u b l é , l'on ne puft fuivre la route à caufe des mauvais temps, & que l'on fuft c o n traint de chercher à hiverner en quelque lieu ; que l'on affemblaft le Confeil pour choifir de plufieurs voyes la meilleure, & la plus feure ; Que fi en faifant cette navigation aux Moluques, l'on découvroit de nouvelles Ifles dans les bornes & limites de fa Majefté, l'on en fift auffitoftune defcription fur la carte de navigation, en marq u a n t & mettant par écrit à combien de degrez de latitude & de longitude l'on feroit ; & fi cette terre eftoit peuplée, ils fiffent en forte de prendre langue de fa qualité & de fes proprietez ; & y laiffantdes marques pour memoire de ce qu'elle avoit efté découverte par le com-

1525


H I S T O I R E

588

1525.

m a n d e m e n t d e fa Majefté ; Q u e s'il arrîvoit qu'il y euft de l'or, des épiceries, ou autre chofe de valeur ; ils pourroient en ce cas y fejourner pour trafiquer , fans quitter pour cela le deffein du principal voyage ; Et s'ils jugeorent à propos qu'il y faluft laiffer quelques Religieux , ils le fiffent , fans toutefois les y c o n t r a i n d r e , en leur prefcrivant de s'informer exactement des qualitez de la terre ; à charge de retourner par là avec l'armée , ou les envoyer querir, au cas qu'ils n'y vouluffent pas demeurer ; & q u e fortant à terre, ils fuffent toujours préparez à fe défendre , de craindre que les Indiens ne leur fiilént quelque infulte, & qu'eux auffi n'en fiffent pointaux habitans des lieux o ù ils prendroient terre.

C H A P I T R E

VI.

Continuation de Finftruction qui fut donnée à l'armée qui alloit aux Moluques.

Le R o y o r d o n n e q u e l ' o n faffe d e s p r e f e n s aux Seigneurs des terres o ù l'on aberderoit.

L

' O n donne encore pour inftruction ; Q u e de toutes les chofes dont cette armée eftoit depofitaire, de faire quelques p e f e n s aux Seigneurs des lieux o ù ils aborderoienr, en figne d'amitié 6c de b i e n v e i l l a n c e , afin que les Navires pùifent furgir dans les ports en cas de neceffite ; & que quoy qu'ils euffent fujet de les mal-trait e r , qu'ils ne le fiffent pas fur tout dans les lieux d'où ils pourroient faire quelque profit pour la fubfiftance de l'armée ; Q u e fi quelque Navire s'écartoit des autres, qu'il tâchait d'aller aux Moluques,& qu'il y fejournât un mois, & que fi la F l o t t e n e v e n o i t dans ce t e m p s , qu'il pofaft des bornes en terre ; à fçavoir cinq pierres en form e de C r o i x , & une Croix de bois au milieu ; & m e t t r e dans un p o t , caché dans la terre en mémoire, du temps qu'ils y feroient arrivez, & ce qu'ils jugeroient à propos ; & qu'en fuite de cela, ils allaffent le long de la cofte t o u jours découvrant de nouvelles terres avec addreffe, & fansperdre t e m p s , en laiffant par tout o u ils prendroient terre


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv. V I I .

589

terre des marques de leur découverte. Et fi quelques 1525 Navires s'écartoient pour quelque fujet qui les y obligeaft, qu'ils fuivilfent toujours la route des Moluques, & que s'îls trouvoient d'autres terres, ils fiffent les mefmes remarques ; Qu'eftant arrivez aux M o l u q u e s , ils priffent terre du cofté du N o r t , afin d'éviter la rencontre des Por. tugais, parce que leur quartier eftoit du cofté du Sud ; & quoy qu'ils y rencontraffent des Portugais, qu'ils ne laiffaffent pas pour cela d'y prendre terre ; Qu'en quelque Il e n c h a r g e d e n'entrer point terre où ils feroient, ils fiffent fçavoir au Seigneur du o ù les P o r u g a i s lieu où ils feroient, qu'ils y eftoient envoyez de la parc a u r o i e n r p r i s , & de fa Majefté, pour traiter de paix & amitié; & pour tro- dpoffeffion 'éviter leur quer avec eux les marchandées qu'ils portoient contre r e n c o n t r e les leurs, & qu'audi toft après ils priffent des oftages, gens d'eftime & avifez pour communiquer avec eux, après avoir premièrement mis les vaiffeaux en bon ordre pour leur feureté ; Et que lors que la paix feroit établie , ils prefenteroient un Regiftre fur lequel feroient empreintes les armes du Roy, Se des Seigneurs de la terre , ainfi que l'on a de couftume de faire en femblable &Le Roy p r o m e t cafion 5 Se que tout ain(î qu'un tel Seigneur, & les fiens d e g a r d e r l e s obferveroient ce dont ils feroient demeurez d'accord, t r a i t e z q u ' i l s f e r o i e n t a v e c les fa Majefté feroit obligée à garder tout ce qui auroit efté S e i g n e u r s o u accordé par fes Capitaines ; & ne l'accompliffant pas, fa R o i s des r e n é s Majefté feroit ce que bon luy fembleroit ; Que la paix & qv ur i rilso i e ndté, c o u amitié étant eftablies, ils feroient en forte que tel Roy ou Seigneur donnât une maifon vers le rivage de la mer,pour recevoir & mettre en feureté lesmarchandifesfes , & en laiffer le moins qu'ils pourroient à d é c o u v e r t , de crainte de quelque defaftre ; Qued'autant que lors que la première armée de fa Majefté alla aux M o l u q u e s , les principaux Seigneurs luy rendirent obeïffance , Se que l'on croyoit qu'ils feroient encore dans la mefme volonté, des que l'on leur mift entre les mains les Lettres dont ils Ilr a rdonne es particueftoient porteurs, avec quelques prefens,traitant avec l i è r e s p o u r les eux en tout douceur 6c amitié ; Qu'auffi-roft qu'ils fe- R o i s d e s M o u q u e s , q u i luy roient arrivez , qu'ils s'enquiftent s'il n'eftoit point en avaient cent. t r é de Portugais dans ces Iftes, après que l'armée de f e r . Aaaa


590

H I S T O I R E

nand de Magellan y eftoit entrée , & s'ils n'avoient point mal-traité les Caftillans qui y eftoient reftez ; d e febien acquiter de leur devoir en la décharge des vaiffeaux , & de bien eftablir leur trafic , tenant toujours les vaiffeaux proprement & n e t t e m e n t , afin que les efpice. ries qu'ils envoyeroient fuffent bien conditionnées ; Qu'après qu'ils auroient fait leur charge , qu'ils minent dans leurs vaiffeaux des gens deftinez pour la garde & conduite des m a r c h a n d é e s , & leur donnaffent de bons certificats, afin qu'eftant de retour en Caftille, ils diftribuafîént aux particuliers ce qui leur appartiendroit. E t d'autant que par la trop grande licence que les foldats p r e n n e n t le plus fouvent,en s'écartant & fe d é b a n d a n t , il en arrive quelquesfois de grands maux ; que l'on fift en forte que perfonne ne fortift pour acheter des vivres ; mais que ce fuft le Facteur qui fe chargeait de cela ; & que fi par hazard pendant le temps que l'on trafiqueroit avec les Indiens de la terre il faluft radouber quelques vaiffeaux,ou pour donner carene, que ce ne fuft que l'un Q u e t o u s les après l'autre feulement ; Q u e l'on fift en forte de ramaftrocs & achapts fe f e r o i e n t p a r fer les gens qui eftoient reftez-là de l'autre a n n é e , avec l e s m a i n s d u fa- l'épicerie qu'ils auroient troquée ou a c h e t é e , en remercteur. ciant le Roy de l'Ifle du bon traitement qu'il leur auroit fait ; Q u e l'on procuraift fur tout de prendre T e r r e n a t e p o u r la première Ifle de la Contractation , qui eft du cotte du N o r t , pour eftre la plus g r a n d e , la plus propre pour le n é g o c e , & où il y a le plus d'épicerie, joint qu'elle eft beaucoup plus commode pour l'abord des navires ; & que fi cela ne fe pouvoit pas faire, qu'ils priffent l'une des cinq Ifles la plus p r o c h e du N o r t , p o u r eftre plus p r o p r e pour en fortir avec le vent. Q u e fi-toft qu'ils feroient arrivez , ils fiffent en forte d'avoir du r i z , & des provifions pour les foldats, & qu'ils enfermaifent le bifcuit & le vin pour l'épargner, afin que s'il eftoit befoin de s'en r e t o u r n e r , cela peuft fervir pour le voyage, & apporter pluftoft moinsd ' e f p i c e r i e; Qu'ils convinffent auffi-toft ; avec le Roy ou fes heritiers, des prix de chaque chofe & des p o i d s , & qu'ils e a fiffent 1525.


DES I N D E S O c C I D E N T A L E S , LV. V I I .

591

u n tarif, avec ferment de ne le jamais changer ; avec les 1525. prixauffi de chaque chofe de deçà , particulierement du cuivre, du fer, du linge, du vif argent & du vermillon, qui eftoient les chofes dont les Indiens faifoient plus d'eftat ; & que s'ils ne pouvoient pas aborder dans l'lfle de las Mazias ils envoyaffent des navires de la terre dans l'lfle de Baudan pour apporter autant de Macis E n q u e l lieu fe que la charge le pourroit permettre ; & qu'ils envoyaf- t r o u v e le M a c i s fentauffi aux Ides de T i p e l e , où eftoit la canelle & le & l a c a n e l e . gingembre pour en envoyer par la mefme voye fous une bonne efcorte ; Qu'ils t â c h a i e n t de ramaffer autant de poivre qu'ils pourroient qui eftoit la marchandife la plus importante , & qu'ils le tindent tout preparé pour la délivrer à la première armée qui devoir partir pour Caftille apres toute cette récolte ; Q u e quant aux gens qui d é voient refter là , qu'ils euffent à baftir une maifon forte pour leur deffenfe , après avoir prefte le ferment au R o y , en prefence de tous les principaux Seigneurs de la t e r r e , de garder la capitulation & obeïffance que l'on arreftoit avec eux , attendu que l'on devoit faire la mefme chofe avec leur voifinage , tant pour le repos & profit des uns que des autres. Et d'autant que toutes les maifons n'eftoient que de paille dans ces Ifles, qu'ils priffent garde qu'il n'arrivait aucune difgrace par le feu , parce que les Maures cherchent de femblables occafions pour avoir fujet de piller ; Q u e l'on fift un accord tous les ans avec Q u e l ' o n fift a c c o r d t o u s les a n s les Marchands & les Laboureurs des Ifles de l'Efpicerie, a v e c les Mar-afin que l'on peuft plus promptement charger ces dro- c h a n d s & l e s gues lors que l'armée feroit prefte de faire voile, fuppo- Ll ' Ea bf poiucreer ui er .s d e ié que l'on ne peuft pas faire cet accord alors pour t o u jours ; Q u e le Magafinde l'Efpicerie fût capable de contenir tout ce que l'on y pourroit apporter, Se qu'elle y peufteftre confervée pour avoir les qualitez requifes, & que le Facteur y fuft refidant , gardant par devers luy les regiftres des charges qui y feroient apportées & de tout ce que l'on envoyeroit en Caftille, conjointement avec les Officiers Royaux pour conférer des c h o . fes les plus importantes. Et d'autant que la monnoye &

A a a a ij


592 1525.

Q u e l'on

fift

forte

prati

de

en

quer l'amitié de quelques

Offi-

ciers du Roy.

L'ordre que l'en devoir d a n s les

obgrever captu-

res que l'on

fe-

roit

In

fur

diens.

les

H I S T O I R E

les marchandifes que l'armée p o r t o i t , eftoient de plufieurs forces, & que l'on ne fçavoit pas celles qui auroient plus de cours, & qui feroient les plus eftimées, l'on fift en forte de les diftribuer dans chaque Ifle chacune par égale portion , & félon fa plus jufte valeur ; Q u e l'on fift le guet & la ronde autour du Magazin & de nuit & de j o u r , & que l'on euft intelligence avec quelques Officiers de la Maifon du R o y , pour fçavoir d e u x ce qui fe paffoit ; leur faifant entendre que la principale feureté de cette terre eftoient les navires, que l'on devoitjconferver exactement. Et d'autant qu'il n'y avoit aucun navire en cette, terre pour faire de grands voyages , & qu'il eftoit à propos de découvrir les terres plus proches des Moluques ; Q u e l'on fit en forte de prendre ceux de T i m o r & de Borney qui eftoient les meilleurs, parce que faifant entrer en part les mefmes Maures dans le trafic , ils feroient bien-aifes de naviger avec les C a ftilians. Et comme l'on ne fçavoit pas qu'il y euft du clou & du Macis autre part que dans les M o l u q u e s , & qu'il ne faloit pas permettre que cela vinft à laconnoiffance de la C h r e f t i e n t é , & que ce négoce demeuraft toujours au pouvoir du R o y Catholique ; que l'on fift en forte d'empefcher que l'on ne paffaft point par Malaca Se autres lieux de ladomination du Roy de Portugal ; Que la manière dont ils fe dévoient fervir aux courfes qu'ils fer o i e n t , eftoit que le Capitaine general prendroir à chaque courfe quelque pièce rare de la valeur de cinq cens ducats de Caftille , pourveu que ce ne fuft pas quelque Maure qui fe peuft racheter, ou quelque pierre precieufe qui peufté qui poler la fufdite fomme ; & que le total d e ce qui auroit, efté pris montaft à la valeur de douze mille ducats ; & au cas que dans les fufdites courfes il n'y euft aucune pièce de valeur, on luy accordoit trois pour cent de tout ce qu'il apporteroit ; dont il payeroit la 2 0 . partie ; dequoy il feroit tiré vingt pour cent pour les droits Royaux ; Qu'après que cette fomme auroit eftéprife, l'on tireroit la vingtième partie du tout pour la rédemption des C a p t i f s , & qu'enfuice il fuft tiré de toute la


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.

VII.

593

maffe le Quint, pour fa Majefté, dont les foldats auroient le r e q u i n t , & que le refte feroit divifé en trois p a r t s , d o i t deux feroient pour fa Majefté & pour l'arm e m e n t , & la troifiéme pour la Compagnie ; dont le Capitaine general auroit vingt-parts ; les Capitaines de l'armée , huit ; ceux qui feroient les partages, fix ; les Greniers qui les écriroient, quatre ; la mefme chofe aux Maiftres & Filotes des navires ; aux Mariniers, deux ; aux ferviteurs de navire un, & la moitié d'une aux pages ; une aux defpenfiers, aux charpentiers , aux radoubeurs, aux tonneliers, au f i f q u e , au Chirurgien, au Preftre, trois parts ; aux Canoniers deux & demie ; au C o n n e ftable trois ; aux avant-coureurs & ferviteurs une part & demie ; au Sergent d'armée trois ; tous les Mariniers, ferviteurs de navire, & avant-coureurs qui tireroient de l'arbalefte une demy part davantage ; & ceux qui fe ferviroient d'efcoupette une part entière. Et d'autant que fa Majefté prenoit les deux troifiemes parts , après en avoir tiré le Q u i n t , il eftoit obligé de donner les armes aux foldats, parce qu'autrement il n'euft pas efté raisonnable qu'il euft levé plus de la moitié ; & que des deux parts fufdites qui appartenoient au Roy , il en devoit payer les Officiers des navires cy- deffus déclarez. Q u e l'on deffendoit tres-expreffement en quelque façon que ce fut aucuns navires, quoy que ce fuffent des Maures fur les limites des Portugais, & qu'ils le fiffent fçavoir à leurs gens ; Que lors que l'on feroit les changes ou achats des marchandises, que perfonne n'y mift le p r i x , q u e le F a d e u r Royal ; Qu'il demeurait, toujours dans les Moluques deux navires des plus petits de l'arm é e , & deux autres à la rame, de ceux qu'ils feroient dont ils emportoient le bois, & qu'ils euffent à les affembleraufTi-toft qu'ils feroient au lieu de le pouvoir faire, & y miffent quelques gens de la terre, foit efclaves ou à la foldefous le gouvernement & conduite du Sergent, afin que s'ils s'enfuyoient il les payaft ; Qu'en attendant qu'il y allaft une autre armée,ils fiffent en forte de préparer une charge, & qu'ils s'informaffent des autres Ifles,

A a a a iij

1525. Des parcages qui dévoient eftre f a i t s e n t r e les g e n s d e l ' a r mée.

Continuation d e l'inftruction.

L'on tranfporte d u bois pour faire deux n a v i res à r a m e .


594 1525.

L'on o r d ô n e de b i e n traiter les m a l a d e s & les bieffez.

H I S T O I R E

& des particularitez qui s'y trouveroient ; Q u ' a n cas q u e quelque Office vinft à v a q u e r , q u e le General y p o u r veuft de perfonne capable & qui fuft bon ferviteur du R o y , ou de quelque autre qu'il jugeroit à p r o p o s , jufq u e s à c e que la Majefté en euft ordonne autrement ; Que les gens fuffent bien traitez & gouvernez doucem e n t , & que les malades & les bleffez fuffent penfez foigneufement ; & que pour cet effet le General euft à les vifiter charitablement & avec beaucoup de p i e t é , & ne confentir pas que les Médecins ny les Chirurgiens priffent aucuns deniers d'eux pour leur cure ; & que l'on les fift confeffer & faire leur reftament pardevant les N o taires de l'armée ; déclarant premièrement le lieu d'où ils eftoient, & s'ils eftoient mariez ou non,& que l'on fift inventaire des hardes de ceux qui m o u r r a i e n t , afin que la valeur de la chofe jointe avec la folde qui leur eftoit deuë fuft délivrée par deçà à ceux qu'il appartiendrons Q u e les gens obfervaffent une bonne difcipline , fans c o m m e t t r e aucun delit avec les femmes de la terre o ù ils feroient, & vécuffént entr'eux en paix &, amour- parce que pour le feul point qui touche les femmes, les gens de cette terre eftoient capables de c o m m e t t r e quelque rébellion ou foulevement que ce fuft ; Qu'ils fi dent en forte de prendre langue de toutes les terres qu'ils découv r i r o i e n t , & s'y c o m p o r t a i e n t modeftement ; & que lors qu'ils entreroient dans des terres inconnues pour faire aiguade, q u e les barques qui y iroient fuffent bien munies d e gens de g u e r r e , & les navires bien gardez ; Q u e tous ceux qui iroient dans cette armée 6c d'autres encore après e u x , euffent la liberté d'écrire par deçà. SI quelque Roy ou Cacique defiroit paffer en Caftille, ou y envoyer quelque Ambaffadeur,qu'il fuft bien traité ; Q u e s'il venoit à manquer quelques foldats à l'armée, que l'on fift en forte d'avoir des efclaves pour le fervice d e la navigation ; Q u e les vivres fuffent vifirez par le General & les Officiers, afin qu'ils fuffent diftribuez avec m o d é r a t i o n , & bien conditionnez ; Q u e les foldats ne r e n d i r e n t point d'armes fur peine de la perte de


DES ÏNDES

OCCIDENTALES,

Liv.VII

595

1525. leurs biens , ny qu'ils ne jouaffent point pour éviter les L'on d e f f e n d le querelles qui peuvent procéder du jeu ; Q u e le General jeu a u x foldats auroit la faculté de mettre des Lieutenans aux lieux qu'il jugeroit à propos ; Qu'il n'entrait dans l'armée aucun blafphemateur ny renegat ;Que le Commandeur Loay fa demeureroit Gouverneur en la terre, & prendroit garde qu'ils vécuffent tous en gens de bien & paifïblement, en s'aimant les uns les autres ; Que l'on laiffat paffer en Caftille ceux qui eftoient reftez dans les M o l u q u e s , qui y eftoient allez dans l'armée de M a g e l l a n , au cas qu'ils le fouhaitaffent ; & que fi l'on trouvoit les terres o c c u pées par des Portugais ,& que cela empefchaft que l'on n'y peuft pas peupler , que l'on chargeaft feulement les marchandifes de que l'on s'en revinft ; & que fi le C o m mandeur Loayfa y demeuroit, qu'il s'en revinft avec la féconde armée au cas qu'il le vouluft faire. Il fut délivré des lettres pour tous ces Rois & Seigneurs des Ifles, que l'Empereur écrivit & leur envoya auffi des prefens, particulièrement à ceux qui l'avoient r e c o n n u , de contracté amitié avec les Caftillans ; Q u ' e n cas que le Capitaine O r d r e d e fucgêneral mouruft, Pedro de Vera , l'un des Capitaines de ceffion p o u r l e s l'armée occuperoit fa p l a c e , pour demeurer dans les Gq ue' ni lesr avui nx fafue nc ta às Moluques ; & qu'au défaut de Pedro de Vera, le Capi- m a n q u e r . taine D o n Rodrigue de Acuna fuccederoiten fa place, & celuy là venant à m a n q u e r , l'on prendroit George M a n r i q u e , & à faute de celuy-là, François de H o z e s ; & que le Capitaine general qui demeureroit dans les Indes., venant à mourir, ou qu'il y demeurait, le Capitaine Iean Sebaftien del Cano repaffaft pour Capitaine general de l'armée , & à faute de l u y , Pedro de Vera ; & celuy-là manquant, Rodrigue de Acuna ; & au défaut de luy , George Maurique ; & celuy-là manquant auffi, François de Hozes. Et au cas qu'ils fuffent tous morts, que l'on fift le Treforier general Gouverneur de la t e r r e . & apres luy le Facteur ; & à faute du Facteur, le M a i ftre des Comptes. E t fi le cas arrivoit que tous ces C a pitaines fuffent morts , q u e le Treforier , le Facteur, l e maiftre des Comptes , les Généraux & les Capitaines


596 1525.

H I S T O I R E

qui reftefoient , éleuffent entr'eux pour le r e t o u r de l'armée ( après avoir premièrement fait prefter le ferment ) le Capitaine general tel qu'ils lejugeroient à p r o pos ; & s'il y en avoit plus d'un d'éleu qui fuffent égaux en fuffrages, qu'ils cuffent à jetter le fort e n t r ' e u x , ainfi quelles autres Capitaines & Officiers lejugeroient à propos ; & à celuy à qui efcherroit le fort, qu'il vinft avec l'armée en qualité de Capitaine general, en obfervant les mefmes O r d o n n a n c e s cy-devant déclarées.

C H A P I T R E

VII

L'armée fart de la Corunna pour paffer aux Moluques. Les routes qu'elle tint avant que d'entrer dans le détroit de Magellan.

T L ' A r m é e s arrefte d a n s l'Ifle de s Mathieu,

O u t e s chofes eftant préparées pour le v o y a g e , après avoir beny l'Eftendard de l'Empereur avec beaucoup de réjOUIffance & de c o n t e n t e m e n t , l'armée fortit de la C o r u n a , & arriva le 2. jour d'Aouft a l'Ifle de la G o m e r a , où elle féjourna dix ou douze jours pour prendre quelques rafraichiffemens ; puis prenant la rout e du Sud le q u a t o r z i è m e , elle arriva le 20. O c t o b r e en l'Ifle de S. Mathieu , o ù elle arrefta tout le mois. C e t t e Ifle eft félon ce qu'en dit le Cofmographe Alonfe de C h a n e s , au deuxième degré de l'autre cofté de l'Equino&ial , quoy que d'autres nefoient pas de cette opinion. Elle contient quatre lieuës de circonférence de terre h a u t e , remplie de palmiers & d'orangers, de quantité d'oifeaux,depoules,& de porcs fauvages de Caftille. ils y trouvèrent q u a n t i t é d'os d'hommes , & il y eut un Portugais qui eftoit dans cette a r m é e , qui dit que c e t t e Ifle avoit été peuplée par les Porrugais,& que les Efclaves noirs avoient tué leurs Maiftres & tous les Chreftiens de l'Ifle ; ce qui n'eftoit pas difficile à croire , car ils y virent plufieurs édifices de maifons, & trouvèrent une Croix de bois fichée en t e r r e , o ù eftoient certaines lettres


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S ,

Liv.

VII.

597

très qui difoient mais Fernandez paffa par icy l'an mil 1525. cinq cens quinze, il y avoit abondance de poiffon, & il s'en pechoir quantité dans le Port. Il en fut pris entre peiffon d o n t les autres un grand comme un Saulmon , que les Caftillans C a f t i a s q u i e n m a n g e r e n t fuappellent C o r b i n a , qui pefoit vingt livres, & tous ceux r e n t t o u s em qui en mangèrent furent empoifonez, & fuffent m o r s p o i f o n e z . s'ils n'euflent pris de la teriaque & autres remèdes ; & nonobstant tous les remèdes que l'on leur peut apporter ils furent malades plusieurs jours. Ils fortirent de cette Ille le troifiéme de Novembre , & le quatrième de D é cembre ils découvrirent ia cofte du brefil, & le lendemain ils fe trouvèrent à trois lieuës de terre au vingt & unième degré & demy , qui eftoit une terre haute & peuplée. Mais le Ieudy vingt, huitième de D é c e m b r e il leur furvint une tempefte qui écarta les vaiffeaux , qui fe vne t e m p e f t e raffemblerent puis après excepté la Capitaineffe ; & é c a r t e l e s n a v i comme il faifoit déjà nuit ils mirent tous leurs fanais, & r e s . voguèrent avec les trinquets feulement. Le lendemain désla pointe du jour le navire S. Gabriel s'écarta pour aller chercher la Capitaineffe, & ne Payant peu trouver pendant deux jours , les autres mirent toutes les voiles, croyant que celuy de S. Gabriel avoit plus fait de chemin qu'eux ; & le cinquième de lanvier ils virent la terre L ' a r m é e a r r i v e du Cap-blanc, que la plus part des Cofmographesdi- a u C a p b l a n c fent élire au trente- feptiéme degré de l'autre cofté de l'Equinoctial, où ils mettent le D é t r o i t de Magellan à cent vingt cinq lieux, peu plus ou moins. Et comme ils virent que la Capitainellény le navire S, Gabriel ne paroiroiffoientpoint, les autres Capitaines demeurèrent d'accord que Santiago de Guevara iroit avec fa paracheau S a n t i a g o d e Port de Santa-Cruz, que d'autres appellent Rio de la G u e v a r a va neutre u n fignal Cruz & qui le mettent au ciuquante & unième degré ; a u P o r t d e S a i n & qu'il mift là un fignai félon l'ordre & inftru&ion qu'en te C r o i x . avoit donné le Capitaine general, & que les navires all a i e n t au D é t r o i t pour fe raffembler & attendre la C a pitaineffe. Le Dimanche quatorzième de lanvier ils virent une grande rivière qui félon les indices qu'ils en avoient leur fembloit eftre le D e t r o i t , & avancerait, de Bbbb


598 H I S T O I R E

relle forte deffus qu'ils arrivèrent à quatre braffes d'eau, 1525. & le navire faint Efprit toucha trois ou quatre coups aux b a n c s , parce que ces bancs avancent en mer trois ou quatre lieues & plus, & demeurent à f e c lors que la mer baiffe, & Lis paroiffent comme des fondrières dont la terre en plufieurs endroits paroift haute de deux & trois braffes hors de l'eau. Le navire appelle l'Annonciade courut le mefme péril ; & d'autant que la marée baiffoit L ' o n v a r e c o n fort dans ces bancs le Capitaine lean Sebaftien del C a n o n o i f t r e l a t e r r e . commanda de furgir, & Ht defcendre l'Efquif, qu'il en voya à terre pour reconnoiftre le Détroir. Ceux qui entrèrent dans l'Efquif furent le Pilote Martin Perez del C a n o , Buftamante, & lean d'ArreyL'on envoyé rezaga Preftre, & cinq a u t r e s , avec ordre qu'au cas q u e c o n n o i f t r e le Détroit. ce fût le D e f t r o i t , ils fiffént des feux , & que fi ce ne l'étoit pas qu'ils ne fiffent aucun fignai. Il y avoit entre ceux-cy un certain Roland, canonier, qui avoit efté l'un des compagnons de M a g e l l a n , lors qu'il p a f f a ce D é t r o i t , & qu'il découvrit les Moluques. C o m m e donc Buftamante paffa plus a v a n t , qu'il eut affirmé que c e t o i t le Détroit -, que Roland approuvoit fon dire, & qu'ils difoient qu'il faloit faire des feux pour en avertir les Navires ; le Preftre & le Pilote Martin Perez d e l C a r o voulurent premièrement eftre a fleurez de la vérité ; de forte qu'ils pafferent plus avant ; d é p e n d i r e n t à terre, & dirent que ce n'eftoit point le D é t r o i t ; fi bien que dans cette conteftation ils demeurèrent d'accord d'aller jufL e s n a v i r e s paf ques à un Cap qui paroiffoit plus avant. Cependant ceux fent outre & des Navires q u i ne voyoient point les trois feux que l'on laiffent à t e r r e Ceux q u i e f t o i e r eftoit d e m e u r é d'accord de faire au cas que c e fuft le allé r e c o n n o i D é t r o i t , & qu'ils ne voyoient point revenir l'Efquif, leftre. verent les anchres & pafferent plus avant,& laifferent là ces hommes. C o m m e ils furent arrivez à ce C a p , R o land dit qu'il eftoit à propos de paffer encore plus outre vers un autre Cap qu'ils voyoient ; où après avoir fatisfait leur curiofité après avoir cheminé trois lieues, ils r e vinrent À leur Efquif, qu'ils trouvèrent e m b o u r b é , & fort éloigne du canal de la rivière ; fi bien qu'il falut a t -


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.

VII.

599

Cendre jufques au lendemain matin, que la marée remon1525. taift;mais le mauvais temps qu'il fit cette nuit chargea tellement l'Efquif qu'il eftoit preft de coulera fond fur le rivage ; à caufe dequoy ils furent contrains de demeurera t e r r e , où ils firent des feux quatre jours durant, ne mangeant que des herbes, des racines, & quelques poif. fons qu'ils péchoient. Apres qu'ils eurent vuidé & nettoyé l'Efquif, ils pafferent le cinquième jour à une Ifle qui eftoit au milieu de la riviere,pour prendre de certains oifeaux qu'ils y voyoient avec de l'amorce. C'eftoient des oifeaux blancs comme des pigeons qui avoient le bec & les pieds rouges. Vn peu plus avant dans l'ifle ils trou- L e s C a f t i l l a n s vèrent une infinité d'oyes rnarins qui couvroient la ter- t r o u v e n t q u a n tité d'oiféaux re & ne pouvoient voler, chacun de ces oifeaux eftant q u i p e f o i e n t plumé & vuidé pefoit huit livres. Comme ils fe virent un h u i t l i v r e s . peu garnis de vivres,ils partiret pour aller chercher le détroit & les navires, & arriveret ce même jour à la bouche de la rivière, & ne purent paffer outre à caufe du mauvais temps. Ils dépendirent à t e r r e , & tirèrent l'eau de l'Efquif en intention de pour fuivre leur chemin. Le lendemain au matin Barthelmy Dominguez natif de la C o - C e u x q u i a v o i é e runa arriva là avec 4.autres que IeCapitaineSeba(lien del e l l e e x p o f e z à C a n o avoit envoyez pour les chercher, & les advertir qt eurer e ,leso nnta v ai rveiss que les Navires eftoient déjà arrivez au D é t r o i t , & que avoeint t r o u v e le navire faint Efprit eftoit pery. Si toft qu'ils eurent le D é t r o i t . appris ces nouvelles ils quittèrent là leur Efquif avec leurs oifeaux, & s'en allèrent par terre, & firent plus de vingt lieues de chemin fort â p r e , remply de bocages & d'arbres. C e Navire fut perdu au Cap des onze mille Vierges, qui eft à l'entrée du Détroit. Lors que ces gens Cy arrivèrent, Iean Sebaftien del Cano eftoit déjà allé pour prendre port avec les Navires ; Et cette mefme nuit 1 4 . de Janvier,qui fut le mefme jour que cette rivière fut découverte, ainfi que nous avons dit cy-deflusjils furgirent avec une fi grande tempefte de mer & de vents, que tous les Navires perdirent leurs Chaloupes & commencèrent à garrer. Ce fut donc là que le navire faint Le navire Efprit Efprit fut perdu , & il y eut neuf hommes de noyez ; les Efprit paris, Bbbb

ij


600

1525.

Celuy d e l'Annonciade cherche un Port p o u r les a u t r e s vaill'cau*

H I S T O I R E

autres fe fauverent avec beaucoup de peine & de travail. Ils firent des cabanes à t e r r e , & recouvrèrent la plus grand part des bardes & marchandifes qui eftoient dedans ; tant de celles du Roy que des leurs. L e fécond jour il leur arriva encore un plus grand defaftre que le premier ; car l'Annonciade ayant fes cables & fon Efquif fut pouffé par les vagues de la mer le long de la cofte, & les autres le mirent à l'abry, chacun commençant à vuider & alléger les vaiifeaux , & mettre auffi l'artillerie dehors. Le Capitaine lean Sebaftien del Cano eftoit alors dans l'Annonciade qui cherchoit un port pour les autres vaiffeaux : Et le 18. du mefme mois il rentra dans la Baye des onze mille Vierges, & le temps s'eftant.un peu remis les trois navires , à fçavoir l'Annonciade ; fainte Marie del Parrar, & faint Lefmes embouchèrent dans le Détroit.

C H A P I T R E

VIII.

L'Adelantado Fernand Cortés continue fa route aux Ybueras ; Et ce qui fe paffe cependant dans Mexique.

C

L ' A n g e

Cortés de

de

la

fouffe

grande f a -

tigues.

O r t é s continuant donc fa route, comme il a été dit cy-devant au commencement de cette année, entra dans Chilapan, grande peuplade & bien fituée, quoy q u e brûlée Se détruite. Il s'y trouva feulement deux h o m m e s , qui le quiterent à T a m a z t e p e c , qu'ils appelloient d'un autre n o m , T e c p e t l i c a n : mais avant q u e d'y arriver il paffa une rivière appellée Chilapan ,dans laquelle il fe noya un Efclave, & il s'y perdit beaucoup de h a r d e t , de forte que pendant ce mauvais paffuge, il fur deux jours à faire fix lieuës , les chevaux cheminant toujours dans l'eau & dans lafange jufques à la jointure des jambes, & mefme jufques au ventre en beaucoup d'endroits : mais fur t o u r , les hommes endurerent beaucoup de fatigue. Tamaztepec eftoit vuide d'habitans & ruiné : mais l'armée ne laiffa pas de s'y^rafraichir durant fix jours ; car il


DES

INDES

OCCIDENTALES,

LIv.

VII.

601

s'y trouva du fruit, du mayz verdchez les Laboureurs, 1525 & en grain dans les fcillons qui luy fervit de regale, veu les grandes neceffitez qu'ils avoient tous fouffert; Et ils furent fort eftonnez d'y recontrer auffi des porcs. D e l à ils furent à Yztapan par dedans des fondrières & des lieux fangeux durant deux jours , o ù les chevaux enfonçoient jufques aux f l a n c s . Les habitans de ce lieu ayant apperceu les Caftillans far des chevaux, prirent auffi toft la fuite. Et d'autant que le Seigneur de Cibarlan leur avoit fLueyse n tI nedni e vn os j, a dit que les Caftillans tuoient autant de gens qu'ils ren- les C a f t i l l a n s à controient ; ils mirent le feu à quantité de maifons, & fi- c h e v a l . rent retirer leurs femmes & leurs enfans, & emporter leurs bardes de l'autre cofté d'une rivière qui paffe au pied de cette peuplade, dans laquelle plufieurs fe noyèr e n t pour s'éftre trop précipitez à la palier. il en fut pris quelques-uns, qui leur dirent qu'ils ne s'eftoient retirez que par l'apprehenfion que leur avoit caufée le Seigneur de Cibatlan, Cortés voyant cela, fit appeller les In- Les I n d i e n s diens de Cuatlan, de Chilapan, & de Tamaztepec, qu'il d Y z t a p a n s ' a f f e u r e n t p a r Je menoit dans fon a r m é e , pour témoigner à c e u x e y le b o n t r a i t e m e n t bon traitement qu'ils en avoient receus, & qu'ils reen- d e C o r t e s . voient encore ; & leur donna en prelence des prifonniers quelques joliverez, & la permiffion de retourner en leurs maifons, & des lettres de faveur pour montrer aux C h r é tiens qui pafferoient par leurs terres, afin que par ce moyen ils puffent eftre en affurance : D e forte donc que ceux d'Yztapan voyant l'honnefte procédé de Cortés binniffant la crainte de leurs cœurs, fe réjouirent, & a p p e l è r e n t leur Seigneur, qui vint auffi-toft avec quarante hommes,& fe déclara vaffal du Roy de Caftille, & fournit l'armée de vivres huit jours durant qu'elle demeura- là. Il demanda vingt femmes qui avoient efté prifes à la rivière, qui luy furent délivrées auffi-toft. C o m - C o r t é s f a i t b r û me Lis en eftoient-là , il arriva qu'un Mexiquain mangea l e r u n I n d i e n la jambe d'un autre Indien de ce vilage, qui avoit efté tué p o u r a v o i r mage d e la c h a i r en fe défendant contre d'autres,dont Cortés ayant eu h u m a i n e . avis de cela, il le fit brûler en prefence du Seigneur d'Yztapan , parce que cela ne fe pouvoir pas faire auBbbb

iij


602 H I S T O I R E

t r e m e n t , pour extirper cette deteftable abomination, 1525 quoy que de là en avant l'on ne put pas exercer ce chaftu ment, parce q u e la neceffité le requerroit ainfi. E t d'aut a n t que le Seigneur en voulut fçavoir la caufe ; Cortésluy fit un ample difcours fur ce fujet par le moyen de fes interprètes, & luy d i t : qu'il venoit en ces quartiers au nom du meilleur & du plus puiffant Prince du monde, que. Raifonnement toute la terre reconnoiffoit comme Monarque ; ce qu'il devoit de Cortez au S e i g n e u r d ' Y z - faire auffi ; & qu'il ri eftoit venu à autre deffein que pour tapan. chaftier les mèchans qui mangeoient la chair humaine , comme avoit fait ce Mexiquain ; & pour enfeigner la foy de l eIefusChrift, qui ordonnait de croire à un feul Dieu , non à tant d'idoles, & pour notifier aux hommes comment le diable les trompoit pour les précipiter tous en Enfer, il luy déclara plusieurs mifteres de noftre fainte foy Catholique, p r o m e t tant aux bons une félicité éternelles & le laifsa par ce moyen fort fatisfait, & émerveillé de l'avoir entendu parler de la forte. Ce Seigneur donna à Corrés trois canos pour envoyer à Tabafco fur la rivière , avec ordre d'advertir ceux des vaifseaux de l'aller attendre à la Baye de l'Afcenfion. Il envoya auffi trois canos au defsus d e la rivière avec quelques Caftillans pour pacificer & d é L'éloignement couvrir la terre, ou ils contractèrent une grande amitié, d e C o r t é s fait nour e n o u v e l l e r l e s E t ce fut de ce lieu-cy q u e l'on apprit d'autres f a c t i o n s d e M e - velles dans Mexique que Cortés n'y retourneroit jaxique. mais ; ce qui fit que les factions de Gonçale de Salazar & de Peralmindez Chirinos recommancerent de plus belle. D ' Y z t a p a n Fernand Cortés alla en des lieux o ù il ne rencontra perfonne qu'environ vingt hommes dans u n T e m p l e fort grand & bien o r n e d e l'autre cofté de de la rivière, & ce dévoient eftre les Preftres qui le d e fervoient, qui dirent qu'ils eftoient demeurez là pour mourir avec leurs Dieux qui leur faifoient à croire q u e ces barbares les dévoient maffacrer ,&ils difoient cela à preftres l n d i e n s caufe que C e r t e s faifoit brifer les Idoles, & dreffer des q u i veulent mourir avec Croix. Ils luy dirent donc en p l e u r a n t , qu'ils ne voul e u r s DIEUX. loient pas vivre davantage puis que leurs Dieux eftoient;


DES

INDES

OCCIDENTALES,Liv. VII.

603

morts. Les Religieux de S. François qui eftoient avec 1525 Cortés leur parlerent par le moyen des Interprètes, & leur perfuaderent d'abandonner leur deteftable croyance, lis rirent réponfe qu'ils vouloient mourir en la loy de leurs pères & de leurs ayeuls ; & l'un de ces vingts hommes qui eftoit le principal d'entr'eux, montra l'endroit où eftoit Huriapan, qu'il leur dépeignoit du mieux qu'il pouvoit, mais il dit à Cortés qu'il n'y pouvoit pas aller par terre. L'armée partant d e l à , paffa dans des marécages qui durèrent bien demy lieuë, & rencontra auffi toit après un ruiffeau fort profond, où ii falut de neceffité faire un pont-, & plus avant encore un grand lac : mais comme le fond en eftoit ferme , les chevaux y pafferent avec moins de fatigue que les precedens, quoy qu'ils euftent de beau jufques aux fangles,& das les lieux les moins creux jufques aux genoüils. Enfuite de cela ils entrèrent dans une montagne tellement couverte d'arbres qu'ils ne voyoient que le Ciel & la terre fur laquelle ils marchoient ; & les arbres eftoient tellement hauts qu'ils n'y pouvoient monter pour découvrir la terre, ils L e s C a f t i l l a n s fouffrent beaucheminèrent ainfi deux jours dans l'incertitude du che- c o u p d e d i f e t t e . min qu'ils dévoient tenir, & arrivèrent enfin dans une v a l é e , où ils trouvèrent de l'herbe pour les chevaux ; mais quant à eux ils eurent fort peu dequoy les fubftanter cette nuit- là ; & quelques-uns d'entr'eux s'imaginciet de périr avant que d'entrer dans cette peuplade. Cortés prit en cet endroit une aiguille & une carte de navigat i o n , qu'il portoit toujours pour s'en fervir en de femblables occafions ; & fe reftouvenant de l'endroit que ceux de Tanitlatan luy avoient indiqué, il trouva que prenant le chemin de Nordeft il devoit tomber à H u t e c pan, ou du moins fort proche ; de forte que s'ouvrant le chemin avec les bras , & continuant cette retraite, Dieu voulut qu'ils arrivaffent droit dans ce mefme lieu, où ils trouvèrent du rafraifchiffement, des fruits, & autres vivres ; & pour les chevaux, du mayz verd & abondance d'herbe, Cette peuplade eftoit a b a n d o n n é e , & ne purent apprendre aucunes nouvelles de trois bar-


604 1525.

Les Indiens viennent au dev a n t de C o r t e s , & luy d e n n e n t avis d e s C a f t i lans qui avoient paffé p a r l à .

Les Caftillans trouvent des vivres p o u r l'armée.

H I S T O I R E

ques qui montèrent La rivierre ; & cheminant dans cette peuplade ils trouvèrent une flèche d'arbalefte fichée e n t e r r e , qui ht juger qu'elles dévoient avoir paffe outre ; en cas qu'ils fuilénr encore en vie.LesCaftillans nefçachant donc à qui parler alloient cherchant dans les jardinages, de les terres labourables pour voir s'ils ne rencontreroient point quelques habitans ; ex après avoir bien tournoyé ils découvrirent un grand lac , où tour le peuple de ce lieu s'eftoient retirez dans de petites Iflettes par le moyen de certaines petits Efquifs qu'ils avoient Q u e l ques-uns fortirent au devant d'eux avec beaucoup de careffe de d'enjouement, & il en fortit plus de quarante qui dirent à Cortés qu'ils l'avoient laiffée pour le Seigneur de Cibatlâ, & qu'il étoit paffe par là certains barbus avec des hommes d'Yztapan, qui avoient remonte cette rivière, qui les avoient allure du bon traitement que ces é t r a n gers faifoient à ceux par o ù ils pafsoient ; de que le frère de leur Seigneur eftoit allé avec eux pour les accompagner de crainte que l'on ne leur fift quelque infulte à la peuplade qui eftoit plus avant, F e r n a n d Cortés envoya après eux , de ils revinrent avec q u a n t i t é de canos chargez de miel, de Mayz, de Cacao, & un peu d'or, qui leur donna un grandiffime contentement à tous. 11 arriva encore de quatre on cinq peuplades quantité d'Indiens qui a p p o r t è r e n t des vivres, à defsein de voir les Caftillans, à caufe des grandes actions que l'on racontoit d'eux par toute cette terre, de pour marque de leur bien-veillance ils leur baillèrent auffi un peu d'or. Cortés les fit régaler, & les pria de vouloir eftre amis des Chreftiens ; C e qu'ils promirent t o u s , de s'en retournèrent auffi toft après chacun dans leurs maifons ; & plufieurs brûlèrent leurs Idoles, à caufe de la prédication que l'on leur avoir, faite. D e H u a t e c p a n , l'armée prit fa route dans la province d'Acalan par un (entier de Marchands ; parce que félon ce q u e les originaires de cette terre en difoient peu d e gens alloicnt par l à , excepté ceux des peuplades qui eftoient contigues pour fe rendre vifite les uns aux autrès.


DES I N D E s O c C i D E N T A l ES, Liv. V I I . 605 très. L'armée paffa la rivière dans des barques, où il y 1525. eut un cheval de noyé ; & quelques fardeaux de perdus, P e u p l e s où & monta trois jours durant dans des montagnes tres- p e r s o n n e n e f r e afpres, avec des travaux inconcevables, & enfuite dé- pq eu ue pn lteosi Td uq uv eo ilseiscela elle rencontra un bras de mer de cinq cens pas de n a g e & q u e l large ; & comme il ne s'y trouvoit pas de fond, &. qu'il q u e s M a r c h a i s n'y avoir pas de barques ; Cortés fut fort furpris, & pour fe tirer de cette inquiétude , il eut recours à la mifericord e d e Dieu , parce qu'il n'y avoit aucune apparence de paffer o u t r e , parce qu'en quelque lieu que l'on fondait lefond l'on y trouvait quatre braffes d'eau ; ci pour c e t effet ils attachèrent des piques les unes aux autres , & ils y trouvèrent encore outre la profondeur de l'eau d e n t braffes de vafe , ce qui leur oftoit toute force d'elperance d'y conftruire un pont. Mais Fernand Cortés qui avoir un courage invincible, & qui ne fe rebutoit de rien voulut tenter cette voye Il pria les Seigneurs Mexi- CORTES e n t r e quains de commander à leurs gens de couper du bois ; ce p r e n d d e f a i r e qu'ils firent, & les Caftllans avec trois radeaux , car ils un p o n t , n'en avoient pas davantage ; Scenduifoientles jointures des folives avec la vafe. Mais cette fatigue les rebuta de telle forte qu'ils ne la pouvoient fouffrir avec patience, ce qui leur faifoit dire des paroles un peu trop licencieufes félon que les gens de guerre ont de couftume d'ufer principalement lors qu'ils font exceffivement harafFez & du chemin & de la faim, difant que le pont ne fe pourroitjamais achever ; & qu'il eftoit à propos avant que les vivres s'achevaffent, de s'en retourner , puis qu'il eftoit impoffible d'aller jufques aux Ybueras ; & ils di— foient cela avec une celle audace que Cortés ne fe trouva jamais plus confus. Mais comme il fçavoit fore bien l'arc de diffimuler, & qu'il eftoit d'une humeur infacigable, il les reprit par des paroles affables, leur perfuadant d'at- S a p r u d e n c e e n tendre encore cinq j o u r s , & que fi dans ce temps là le v e r s f e s f o l d a t s . pont ne fe pouvoit achever ils s'en recourneroient. Ils refpondirent tous d'un commun confentement, Qu'ils attendraient ce temps-là quand ils devraient marner des pierres, Il parla donc aux Indiens,& leur reprefentaleman-

Cccc


H I S T O I RE vais eftat ou ils eftoient, ce que s'ils ne paffoient ils p e riroient tous : mais que s'ils pouvoient paffer ils entreroient dans Acalan, qui eftoit une terre d'amis ce fort a b o n d a n t e ; & où ils rencontreroient des vaiffeaux chargez de vivres & de rafraichiffemens. il leur fit offre d e plufieurs choses pour lors qu'ils feroient en eftat de ret o u r n e r a M e x i q u e , s'ils pouvoient venir à bout de ce pont, ils firent tous reponfe qu'ils le fe roient de grand Coeur. D e forte d o n c que dés l'heure mefme ils commencerentà le divifer par troupes, les uns p o u r couper des racines,des herbes & des fruits des arbres qui croiffoient dans ces bois pour manger ; les autres pour couper du bois ; les autres pour le mettre en œuvre ; & les autres pour ficher les poutres dans l'eau. Cependant Cortés agiffoit d e tous coftez pour donner les ordres , & fit a p , porter tant de diligence , & ces gens y travaillèrent fi puiffamment & avec tant d'affiduité que le pont fut fait dans les fix jours que Cortés avoit d e m a n d e , de forte que Je feptiéme jour l'armée paffa pard e f f u savec tout le b a gage ; qui eftoit une choie pluftoft miraculeufe qu'humaine ; parce qu'il y eftoit entre mille poutres de huit brades de long , & de cinq à fix palmes de froffeur , outre les folives neceffaires pour les travers ce pour la couverture ; pour des ferremens il n'y en avoitaucuns ; l'af. femblage n'eftoit fait que de b a r r e s , de pour d o u x des chevilles de bois, & dont les trous & les mortaifes étoient faits avec des terrieres. La réjoüiffance de ce paffage ne dura pas long-temps ; parce qu'ils r e n c o n t r e rent auffi toft après une grande m a r e , fort épouvantable quoy qu'elle ne fut pas large ; car les chevaux fans felle enfonçoient dedans la bourbe jufques aux oreilles, & lors qu'ils s'efforçoient le plus d'en forrir, ils enfonçoient encore davantage , de forte que l'on fe vit hors d'efperance d'en échaper aucun : mais voulant apporter un remède à cet inconvénient ils attachèrent fous le ventre des chevaux, & du poitrail de petites branches d'arbres & de l'herbe pour les foutenir ; & toutefois quoy q u e cela lesfoulageaiften quelque façon, l'invention fut 606

1525

I l fart faire ce pot en fix j o u r s .

Les

Caftillans

fe t r o u v e n t d'autres

dans fati-


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.VII

607

inutile ; & l'on peut bien dire que jamais nation n'a tant 1525 fouffert de fatigue dans les chemins, & avec tant de confiance , comme ils alloient ainfi combâtant contre l'eau, ils ouvrit un chemin par où elle prit fon cours, & par où la cavalerie paffa la nage, fort fatiguée. Il arriva en Q u a t r e Gaftilcet endroit quatre Caftillans qui eftoient allez devant lans arrivèrent avec des vivras. avec quatre-vingts Indiens dans la Province d'Acalun chargez de volailes, de fruits & de pain, dont L'armée fut tort réjouie ; & beaucoup plus encore lors que 1 on apprit qu'Apoxpalon, Seigneur de cette Province a t teadoit l'armée en paix. Cortés donna aux Indiens quelques jolivetez pour le Seigneur, après leur avoir fait voir le p o n t , & les renvoya avec les mefmes Caftillans qui eftoient venus , Lefqueis s'en retournèrent tellement citonnez qu'ils publièrent hautement qu'il n'eftoit rien impollibleaux Caftillans. Le lendemain ils arrivèrent à Tizatpetla, où l'on avoit préparé quantité de vivres pour l'armée , & des grains pour les chevaux , de l'herbe & des rôfes. Elle y féjourna fix jours pour fe repofer des fatigues paffées ; pendant lequel temps il y eut un jeune homme fore difpos , fils d'Apoxpalon qui vint vifiter Cortés bien accompagne. Il luy apporta de l'or & quantité de volailles,& luy fit offre de fa perfonne & de fa terre , feignant que fon pere eftoit mort. Cortés le remercia & le confola, difant qu'il eftoit fort marry de cette mort , quoy qu'il, foubçonnaft qu'il ne difoit pas la vérité ; parce que quatre jours auparavant il avoit apris qu'il vivoit encore & qu'il luy avoit envoyé un prefent. Cortés luy donna un colier de grains de Flandres qu'il portoit au col, que ce jeune Indien eftima beaucoup , & le pria de ne s'en aller pas fi-coft. Cependant que Cortés eftoit occupé en la pacification de ces nouvelles terres, le Fadeur Gonçale de Salazar En quoy s'occa& Peralmindez Chirinos triomphoient dans Mexique, p o i e n t G o n ç a l e de Salatar & P e donnant & oftant les départemens des Indiens & écri r a l m i n d e z d a n s vant continuellement à l'Empereur tous les maux ima- M e x i q u e , ginables contre Fernand C o r t é s , & fe faifant refpecter & eftimer plus que s'ils euffent efte les propres GouverC c c c ij


608

H I S T O I R E

neurs ; & ordonnant quelquesfois des chofes affez raffonnables , ce d'autres où ils fuivoient pluftoft leur paiI l s transfèrent l a ville de M e llon que laraifon. D a n s ce mefme temps ils o r d o n n è la peuplade de Medellin à la Vera dellin à l a V e r a rent de tranfporter Cruz, Cruz , afin d'exterminer la mémoire de la patrie de Cort é s , quoy que la chofe ne s'exécutait, pas entièrement, difant que fubfiftant encore en quelque façon , le trafic en vaudrait mieux. Cependant qu'ils agilïbient ainfi dans l'eftenduë de leur domination ; on leur donna avisque les Indiens de Guaxaca s'eftoient rebellez , dans une grande peuplade fituée dans les montagnes de Goatlan à dix lieues de Guaxaca , & qu'ils avoient tué c i n q u a n t e Caftlians & huit ou dix mille Indiens efclaves qui, trav a i l l e n t aux mines. Le Vifiteur Peralmindez y fut avec deux cens hommes de pied & cent c h e v a u x , parce q u e Salazar voulut demeurer feul pour gouverner cet Empire de M e x i q u e , & l'autre fe trouvoit affez glorieux de lé voir Capitaine general, car il fe vantoit d'eftre bon Peralmindez va foldat. Il leurdonna donc la chaffe & les pourfuivit de fi à Guaxaa». prés qu'il les contraignit de fe retirer dans des roches ; & enfin dans une fort grande & forte , où ils mirent tontes leurs hardes & leur or. Ils y furent affiegez quarante jours durant ; mais comme ils fe virent preffez de la faim, ils fortirent une nuit avec tout leur t r e f o r , q u i n'eftoit pas de p e t i t e coniéquence. Cette nouveauté jointe avec le cry public que l'on venoit de faire par toute la nouvelle Efpagne de la nomination qui avoit cité faite de Gonçale de Salazar pour G o u v e r n e u r , donnèrent fujet à plufieurs particuliers d'écrire à Fernand Cortés pour l'advertir d'y venir donner remède ; & l'apprehenfion qu'avoit Gonçale de Salazar de fon r e t o u r , luy donnoit de l'inquiétude quoy qu'il fift chaftier ceux qui difoient qu'il eftoit encore vivant. Ceux qui eftoient exilez dans le Monaftere de S. François, & les autres amis de C o r t é s , tant pour donner fujet de fâcherie à Gonçale de Salazar, que pour maintenir fes droits trouvèrent l'invention de faire courir une lettre feinte de P e d r o d'Alvarado , écrite d e Guatemala ; il déclarent 1525.


DES

INDES

O C C ID E N T A L E S ,

LIT. V I I .

6o9

que Fernand Cortés eftoit vivant, qu'il revenoir, & qu'il 1525. palTeroit par Guatemala, cette invention troubla beaucoup Goncale de Salazar. Il fit mettre l'artillerie en Salazar ne peut eftat, & commanda que l'on fift fortir les exilez de l ' E - fouffrir que l'on dife que Cortés glife de S. François ; mais la nouvelle de c e q u e Fernand foit vivant. Cortés eftoit vivant & qu'il revenait les animoit, & leur donnoit fujet d'amaffer des gens pour l'affifter contre Salazar ; de forte q u ' i l fe preparoit déjà dans Mexique des gens pour faire une cruelle guerre civile ; parce qu'ils difoient que Peralmindez eftoit allé à la guerre de Guaxaca, à deffein d'occuper ce paffage, pour fe faifir de Cortes au cas qu'il revinft ; parce que ce paffage eftoit fort propre pour empêcher quelque mouvement que ce fuft.

C H A P I T R E

IX.

Fernand Cortés continuant fon chemin , paffe par des terres non encore découvertes. On luy dorme avis que le Roy Quantimoc le veut tuer, La juftice qu'il en fait, & de quelques autres.

I

Vfques là Fernand Cortés n'avoit appris aucune chofe de ce qui fe paffoit à M e x i q u e , fi bien que continuant toujours fon chemin il alla de Tizatpetla , à Titacat, o ù il fut fort bien reçeu, & fes gens furent logez dans deux Temples , parce qu'ils eftoient grands & beaux ; dont l'un fervoit à facrifier des filles, vierges & belles ; & d'autant que l'Idole fe fâchoit lors qu'ils faifoient le contraire, ils cherchoient les plus jeunes, & les nourriffoient & les regaloient pour cet effet. Fernand E f t r a n g e Cortés leur dit beaucoup de chofes fur cela chreftienne- fice de ment & diferetement, & fit fi bien qu'il renverfa les filles. Idoles, fans que les habitas s'en formalifaffent beaucoup. Le Seigneur du lieu eut de grandes conversations avec les Caftillans, & contracta une grande amitié avec le Gouverneur. Il luy donna la connoiffance de la terre C c c c iij

facrife jeunes.


H i ST O I R E qu'il cherchoît & du chemin qu'il devoît tenir, & luy 1525 dit en fecret Apoxpalon eftoit vivant, & qu'il le vouloit guider par un détour , quoy que le chemin ne fuft pas defagreable, afin qu'il ne le vift p a s , ny les t e r r e s , ny les richeffes ; & le pria de ne pas découvrir le fecret s'il le vouloir voir vivant , & la grandeur & fon Eftat. Le Gouverneur le remercia fort civilement ; luy promit de garder le fecret, & le traita d'amy, Il appella le jeune h o m m e , fils d'Apoxpalon , & luy demanda par diffimulation quelque chofe, & comme il ne put pas nier la vérité, il dit que fon pere vivoit encore ; fi bien qu'à la prière de Fernand Cortés il l'alla quérir l'amena le fécond jour. Apoxpalon s'excufa avec beaucoup de confufion , & d i t que lu peur qu il avait de voir des hommes & des animaux étranges, luy avoit fait commettre cette faute ; mais qu'il voulait- premièrement voir s'ils eftoient bons, afin au ils ne ruinaf fent pas fes peuplades ; fi bien que reconnoiffant que ceftoient de bonnes gens, il les priait d'aller avec luy à Yzancanac, grande Ville & fort peuplée. Ils partirent donc le LendeC o r t é s d o n n e main , & Cortés luy fit donner un cheval, dont il fut rau n cheval à A vy quoy que d'abord qu'il le monta il penfacheoir. Ils p o x p a l o u , pour entrèrent dans la ville avec un grandiffime contentecheminer. ment. Le Gouverneur & Apoxpalon furent logez dans une maifon, o ù les Caftillans & leurs chevaux trouvèrent allez de lieu pour s'y retirer auffi ; pour les Mexiquains ils furent départis dans plusieurs maifons. Le Seigneur leur donna à tous des vivres fuffifamment tout le temps qu'ils féjournerent là , & quelque or au G o u v e r A p o x p a l o n trai- neur ; il luy donna auffi vingt femmes ; un cano & des t e bien l ' a r m é e gens pour les conduire le long de la rivière en descendant de C o r t é s . jufques à la mer Icy il receut des lettres de Santiftevan, de Panuco, de Medellan, de la Ville del Efpiritu Sancto , & de Mexique , où Gonçale de Salazar & Peralmindez n'eftoient point encore arrivez , ny n'avoient pas encore commence leurs mauvaifes pratiques, Il donna des nouvelles de fafanté par les mefmes Meffagers, & comme il continuoit fa r o u t e , leur enchargeant le bien public, la paix & le repos fur toute chofe, & donna ordre aux 610


DES INDES O CC I D E TA L E S ) Liv. V I I . 611

navires o ù ils le dévoient attendre. Ils élifoient pour Seigneur dans cette terre d'Acalan , le plus riche Marchand , & Apoxpalon avoit efté éleu par cette voye. Il faifoit grand trafic de cotton , de c a c a o , d'efclaves, de fel, d ' o r , quoy qu'en petite q u a n t i t é , encore eftoit-il m ê l é avec du cuivre & d'autres chofes , des limaçons rouges pour l'ornement des perfonnes, de la raifine, de l'encens pour les Temples , du godron pour éclairer, des couleurs, de l'encre pour fe peindre à la guerre & aux feftes, & s'en frotter le corps pour mieux refifter à la chaleur , & au froid , & autres marchandifes dont ils avoientbefoin ; de forte que ce Seigneur avoit plufieurs Facteurs pour négocier dans toutes les peuplades de fa d o m i n a t i o n , où il y avoit des foires & des marchez. Apoxpalon careffa fort les Caftillans ; il fit faire un pont pour leur faire paffer une mare ; il leur prépara des canos pour leur faire paffer un lac ; il leur donna des guides fort adroits pour les conduire , & ne leur demanda aucune chofe pour tout cela qu'une lettre, pour la faire voir aux Caftillans qui pourroient arriver là qu'ils leur étoient amis. Fernand Cortés avoit avec luy, comme nous avons deja dit cy-devant, Quantimoc & les autres Seigneurs M e x i q u a i n s , afin de tenir la terre plus en repos Se trois mille Indiens ; & comme Q u a n t i m o c avoit des prétendions à la R o y a u t é , & qu'il voyoit les Caftillans éloignez de tout fecours, fatiguez, affligez, & malcontents de fé voir dansdes terres fi éloignées,& dont ils n'avoient eu encore aucune connoiffance, confpira c o n t r ' e u x , & particulièrement de tuer C o r t é s , s'imaginant par ce moyen de fortir de fujerion,& que retournant à Mexique il pourroir recouvrer la l i b e r t é s le Royaume. Il traita de c e t t e affaire avec d'autres Seigneurs, & en donna avis à M e x i q u e , afin que tout d'un temps l'on fe défift des Caftillans dans ces deux endroits en un mefme jour, & c'eft ce qui donna lieu à beaucoup de croire que Cortés eftoit mort ; & fi Q u a n t i m o c euft effectué fondefkïn comme il ravoit preme dité il en auroit p u venir à

1525.

Du trafic dont il FE MEFTO

Quantimoc , traite de tuer les Caftillans.


612

1525. Plufieurs c r e u ret que par cette confpiration , C o r t é s avoit été tué.

Cortés

eft

ad-

v e r t y de

la

Con

fpiration contre

il

faite

luy.

fait

pendre

Q u a n t i m o c deux

autres.

&

HISTOIRE

b o u t , p a r c e q u e les gens de C o r t é s n'eftoient pas e n grand n o m b r e , & il s'eftoit déjà faifi des brides & des lances des gens de cheval, pour mieux venir à bout de fes pretenfions. Mais ne le trouvant à propos alors, il differa l'action pour une autre occafion. Cependant ceux de Mexique ayant receu l'ordre de Q u a n t i m o c s'accordèrent enfemble de fe jetter fur les Caftillans lors qu'ils les trouveroient au dépourveu , ou en querelle les uns contre les autres, comme ils l'efperoient chaque j o u r , à caufe des troubles & divifions o ù ils eftoient à tous momens ; fi bien qu'ils n'attendoient que le fécond avis ; & cependant ils faifoient de grands tintamarres de nuit par toute la ville avec leurs t a m b o u r s , leurs cornets, & autres inftrumens ordinaires : & comme le bruit étoit plus grand qu'ils n'avoient fait par le paffé, les Caftillans fe doutèrent de quelque nouveauté , & fe mirent fur leurs gardes, allant toujours armez 6c par troupes ; & la plus part du temps a c h e v a l . Maxifcatzin, qui fut appelle Chriftofle, découvrit la confpiration à C o r t é s , & luy montra un papier où eftoient repreféntez les vifages & les noms des Seigneurs qui dévoient agir en ce r e n c o n t r e . C o r t é s agréa fort ce falutaire advertiffem e n t , & luy promit de grandes faveurs pour recompenfe. Il fit auffi-toft : prendre dix de ces confpirateurs qui eftoient dépeints dans le papier, fans que ny les uns ny les autres fçeuffent rien de fon deffein, & les ayant examinez adroitement ils confefferent tous que Quantimoc, Covanacoccin & Tetepanquizatl eftoient authenrs de l'affaire ; & que quoy que les autres en fuffent bien-aifes , ils n'y avoient pas prefte leur confentement ny ne s'eftoient pas trouvez dans l'accord qui en avoit eftè fait ; & qu'ils ne tenoient pas tous que ce fuft un pechê d'obéir à leur Seigneur, & fouhaiter fa liberté & fon agrandiffement;mais que puis que les Dieux ne le voulaient pas, qu'ils lefiffentmourir. Il leur fit faire leur procès en fort peu de t e m p s , & Quantimoc fut condamné d'eftre p e n d u , avec Tlacarlec & T e t e p a n q u i zatl. Les autres Mexiquains voyant ainfi pendre les R o i s , e n eurent une telle épouvante qu'ils n'egperoient

pas


DES I N D E S O C C I D E N T A L E S ,

Liv.

VII.

613

moins que d'eftre traitez de mefme ou d'eftre b r û l e z , & 1525 croyoient que l'aiguille & la carte maritime declaroit t o u t à Fernand Cortez & non à autre ; & renoient pour tout certain, que puifque cela ne luy avoit pas efté caché ,& qu'il avoit trouve le chemin de H u c t e p a n , que rien ne luy eftoit inconnu ; & ainfi ils entredifoient tous qu'ils priffent garde au miroir , ils appel ioient ainfi l'aiguille; & qu'ils trouveraient que Cortés n'avoit point de mauvaife volonté;pour eux ; fi bien que dans c e t t e croyance les Caftillans ne leur firent aucun t o r t , parce qu'il eftoit à propos d'en ufer ainfi, C e t t e juftice fe fit au commencement du Carefme de cette année , dans Yzancanac;&Fernand Cortés n'en voulut punir; aucun a u t r e , jugeant que cela fuffifoit pour s'acquérir une plus grande a u t h o r i t é , & pour tenir les gens de cette terre en crainte. Quantimoc eftoit vaillant, & fon courage & fes actions eftoient véritablement Royales. Quelquesuns enffent defiré que Cortés l'euft garde pour fervir de gloire & de triomphe à fes victoires ; mais comme il fe voyoit dans des terres é t r a n g è r e s & fort difficiles à palier , il luy fembloit que ç'euft efté une t r o p grande c h a r ge de garder un h o m m e de cette Condition principalement en ce temps-là , quoy que vivant il l'honoroit fort, & pour cette raifon les Indiens luy faifoient les mefmes fournirions qu'à M o n t e z u m e , & le menoit à cheval avec luy dans Mexique toutes les fois qu'il fortoit. Apoxpalon fut tout eftonné de voir chaftier ainfi un fi grand Roy ; & foit de crainte ou de ce, que C o r t é s luy avoit d i t , i l brûla une infinité d'Idoles en prefence des Caftillans ,& leur promit de n'avoir plus de vénération pour elles, d'eftre leur amy & de fe rendre vaffal du Roy de Caftille. D'Yzancanac qui eft la capitale d'Acalan, l'on dévoit prendre la route de Mazatlan ; & comme l'armée avoit eu grande difette de vivres, & craignant de retomber dans de pareilles neceffitez, le Gouverneur envoya devant quelques Caftillans avec des guides d' Apoxpalon. Ils pafferent le p o n t , & avant efté jufques à cinq lieues de là, ils revindrenc fur leurs p a s , & dirent que le c h e -

Dddd

Cortéscotinue fa r o u t e .


614

H I S T O I R E

min eftoit bon , qu'il y avoir de bons partages & de bel1525. les terres chargées de grain. L'on envoya quelques foldats prendre des gens de la terre pour fçavoir l'eftat de la terre où les Caftillans vonloient aller ; & ils amenérent deux Indiens qui eftoient Marchands d'Aclan, chargez de hardes pour vendre ; ceux-cy dirent que dans Mazatlan l'on n'y avoit jamais vû de tels h o m m e s , que la ville eftoit pleine de gens, Le Gouverneur laiffa les Indiens d'Yzancanac, & prit feulement les deux Marchands pour guides. Il repofa cette nuit-la fur une m o n t a g n e , & le lendemain les avant-coureurs rencontrèrent Les avant couquatre hommes de Mazatlan, qui eftoient en fentinelreurs trouvent le ; ils eftoient armez d'arcs & de flèches, ils bandèrent des fentinelles q u i n ' a t t e n d o i e t leurs ares & tirèrent une fleche qui bleffa un Indien des p a s les C a f t i l l a , Caftillans, & fe retirèrent auffi-toft après dans un bois,. niais pour faire tous leurs efforts pour la guerre e n t r - & quoy que les Caftillans fiffent eux. les attraper ils n'en purent avoir qu'un, qu'ils amenèrent aux Indiens amis , & allèrent pour tâcher d'en trouver quelques autres. Mais fi toft que les Caftillans ne parurent plus,les trois hommes qui s'eftoient retirez dans le bois en f o r t i r e n t , & fe jetterent fur les Mexiquains qui n'étoient auffi que trois,& leur ôterent le prifonier qu'ils avoient de force. Ceux-cy fe voyant bornez de la forte, allèrent après eux , & recommençant le combat ils blefferent un Mazatlanois d'un coup d'eftramaçon à un b r a s , & le prirent , mais les autres s'enfuirent parce q u e l'armée approchoit. C e bleffé dit que dans leur peuplade ils n'avoient jamais veu de gens b a r b u s , & qu'ils étoient en fentinelle felon qu'ils l'avoiet a c c o u t u m é pour empécher que leurs ennemis qui eftoient en grand nomb r e , autour de la C o n t r é e n'approchaffent de leur peuplade fans eftre aperçeus, & qu'ils ne ruinaffent pas leurs Fernand CorCortés fe loge labourages qui en eftoient fort proches. e u u n lieu o ù i l tés euft bien voulu arriver ce foir là dans la peuplade, n'avoit pas feumais il ne p u t , ce qui l'obligea de dormir auprès d'une lement de l'eau à boire. mare dans une petite c a b a n e , fans qu'il fe trouvaft aucune eau pour boire. Le jour eftant venu l'on fefift paffage au travers de cette marc avec des branches d'arbres

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O C C I D E N T A L E S , Liv. VII.615 & des broffailles, fi bien que les chevaux y payèrent 1525. fans incommodité. A trois lieues de là ils trouvèrent une r o c h e , au dedans de laquelle il y avoit un vilage fort bien difpofe, o u ils penfoient trouver de la refiftance, mais les habitans avoient pris la fuitè. Les Caftillans y trouvèrent quantité de volaille , du m i e l , & d'autres chofes en quantité pour les fuftanter. Ce lieu eftoit fort, P e u p l a d e d'Inparce qu'il n'y avoit qu'une porte par o ù l'on pouvoit d i e n s e x t r e m e m e n c bien f o r t i entrer & fortir, & eftoit e n t o u r e par un cofté d'un lac,fiée. & de l'autre d'un fort f o f f é profond ,garny de baluftres de bois à hauteur d'appuy ; en fuite dequoy il y avoit une muraille de folives & de planches de douze pieds de haut, avec q u a n t i t é de vifteres pour tirer des flèches, & de diilance en diftance des guérites, avec quantité de pierres & de dards. O u t r e cela il y avoit des traverfes au deffus des rues qui tenoient d'une maifon à l'autre ; enfin toutes choies eftoient fort bien ordonnées, & tres-fortes pour fe bien deffendre , de forte que l'induftrie avoit appris à ces peuples de fe fervir de toutes ces inventions militaires pour fe deffendre contre leurs ennemis. Fernand C o r t é s envoya appeller le Seigneur & le peuple. Le G o u v e r n e u r y vint qui dit que le Seigneur eftoit j e u n e , & qu'il avoit peur ; il accompagna C o r t é s jufques à fix lieues au delà à un lieu appelle Tiac , mais les gens s'en C e u x de T i a c a eftoient déjà fuis. C e t t e peuplade eftoit bien forte, mais b a n d o n n é t l e u r n o n pas fi forte que la précédente ; elle eftoit bâtie dans p e u p l a d e . une plaine. Il y avoit trois quartiers fermez chacun à p a r t , & il y avoit encore une autre muraille qui les e n fermoit tous. Fernand Cortés ne p e u t perfuader aux habitans de r e t o u r n e r , fon armée eftant dans l'a peuplad e , quoy qu'ils luy fourniffent des vivres. Celuy qui les avoit guidez & celuy qui conduifoit les vivres dans ce lieu avec quelques hardes qu'ils donnèrent auffi aux Caftillans , dirent à Cortés qu'ils avoient veu d'autres h o m mes barbus & d'autres cerfs, car ils appelloient ainfi les chevaux. L e Gouverneur congédia ceux d'Acalan , & les c o n t e n t a fort bien ; puis l'armée chemina vers Axun Cauntly peuplade fermée de murailles & forte comme DES

INDES

D d d d ij


6l6

1525. l e s Caftillans dorment quatre j o u r s d a n s les montagnes.

Ville boftie d a n s en la Pro

u n lac

v i n c e de

Canec

Tayca.

Seigneur

de T a y c a e n v o i e

H i S T O i R E

les autres , mais abandonnée d'habitans ; & toutefois munie de vivres, dont elle fe pourveut pour cinq jours, de chemin qu'il y avoit jufques à Tayca , felon que le guide le donnoit a entendre. Ils dormirent quatre jours dans les montagnes ; & pafferent un mauvais détroit qu'ils appelloient ALibaftro, parce que toute la pierre n ' e f o i t qu'Albaflre. Le cinquiéme jour ils arrivèrent à un grand lac , dans lequel il y avoit une Ifle, & dans cette Ifle une grande peuplade qui eftoit la capitale de cette Province de Tayca, & l'on n'y pouvoit entrer qu'avec des barques. Les coureurs amenèrent un homme qu'un chien de relay faifit dans un c a n o , lequel dit que dans cette villeils n'avoient jamais eu aucune connoiffance de femblables h o m m e s , & que s'ils vouloient entrer dedans , il faloit qu'ils-allaffent premièrement dans de certaines terres labourables qui eftoient là auprès d'un bras de ce lac ,où ils pourroient prendre quantité de barques des laboureurs. Cortés prit avec luy douze arbaleftriers & ; fuivit cet homme à pied dans de très mauvais chemins, parce qu'il paffa un bon efpace de temps au travers de certains lieux marefcageux ou il avoit de l'eau jufques au g e n o ü i l , & comme il carda trop à ce chemin là , il fut découvert par les laboureurs, qui fe mirent tous dans leurs canos. L'armée fe logea dans les terres labourables & s'y fortifia, parce que cet h o m m e avoit dit que ces peuples eftoient belliqueux, & redoutez par toute la C o n t r é e , & dit encore que fi on le vouloit laiffer libre, il iroit à la ville dans fon cano & parleroit à C a n e c , Seigneur de T a y c a , & luy declareroit leur venue & leur intention. Il y alla donc & retourna vers le m y - n u i t , parce qu'y ayant deux lieues d é t e r r e il ne petit pas revenir plultoft. Il amena deux hommes qui paroiffoient gens de condition & fort civils qui venoient vifiter le Capitaine general de cette armée. Cortés leur donna un CaItillan en hoftage, afin que le Seigneur peuft. venir voir l'armée en toute affeurance, après leur avoir parlé avec toute forte de douceur & de gaillardife ; & eux demeurant forts fatisfaits & ravis d'avoir veu ces hommes bar-


DES I N D E S O C C I D E N T A L E S , L l V . V I I . 6l7 bus fleurs h a b i t s , leurs a r m e s , Scieurs chevaux s'en re1525. tournèrent. Le lendemain le Seigneur ne manqua pas de venir accompagné de trente perfonnes dans leurs caNos ; & avec eux le Caftillan, fans aucune demonftration de crainte ny de guerre. Fernand Cortés recette Canec avec de grandes civilitez, c i beaucoup d'amour ; & pour luy faire encore Cortés r e ç o i t Cance avec plus de careffe, & luy faire voir comme les Chreftiens b e a u c o u p d e honoroient leur Dieu , il fit chanter Meffe avec folemni- majefté. te ; il fit joüer des violons, des faqueboutes, ou cornemufes qu'il faifoit poster,& fit dreffer & parer l'Autel du mieux qu'il peut, de telle forte que cet appareil avoit beaucoup de majefté. Canec entendit la M elle avec beaucoup d'attention ; & confidera fort exactement les cérémonies & la préparation de l'Autel ; & félon toutes les apparences il recevoir un grandiffume contentement. Il loua fort la M u f i q u e , & dit qu'il n'en avoit jamais entendu de femblable. Apres que les Preftres & les Religieuxeurent achevé l'Office divin , ils firent la Prédication par le moyen de l'interprète. Apres quoy il déclara qu il detruiroit de bon c œ u r les Idoles, & qu'il defiroit eftre inftruit de la manière c o m m e n t il faloit honorer le Dieu des Chreftiens. Il demanda une Croix C a n e c d e m a d e pour la dreffer dans fa Ville ; & C o r t é s luy fit reponfe tuense Cp ro ou irx ma eCtot rr eq u ' o n luy endonneroit u n e , comme l'on avoit fait par d a n s f a p e u p l a tous les lieux où l'on avoit paffé, & qu'il luy feroit en- d e . voyé des Religieux en bref pour les indruire a la Foy de lefus. Chrift , parce que pour lors on ne le pouvoit pas faire. Enfui te de cela Cortés luy fit un grand raifonnem e n t fur les hautes qualitez de l ' E m p e r e u r , le priant de vouloir eftre fon vaffal comme l'eftoient ceux de Mexique. Il luy fît réponfe qu'il le vouloit eftire, & qu'il y avoit quelques années que ceux de T a b a f c o paffant par les terres allant aux foires, luy avoient dit qu'il eftoit arrivé dans leurs peuplades certains étrangers c o m m e ceux-cy , & qu'ils combatoient v a i l l a m m e n t , parce qu'ils les avoient vaincus en trois batailles. Cortes luy fit reponfe qu'il eftoit le Capitaine de ceux que ceux d e

J D d d d iij


6 1 8

1525.

Cortés

a

nouvelles Caftillans

des des de

Honduras.

Canec ler

fes

fait

brû-

Idoles.

H I S T O I R E

de Tabafco avoient dit ; & là-deffus la converfation ceffa, & s'attirent pour manger avec beaucoup de magnificence & des refpects , & Cortés en ufoit ainfi afin que ces Indiens l'en eftmailent davantage, Canec fit fortir des canos des volailles, du poiffon , des gafteaux, du miel , des f r u i t , de l'or , quoy que peu , & des cohers de limaçons r o u g e s , que les Indiens eftimoient beaucoup. Fernand Cortés luy donna une chemfe , un bonnet de velours noir, & d'autres joli vetez de fer , c o m m e des oifeaux & des couteaux. Il luy demanda des nouvelles de certains Caftillans qui luy appar cenoient, qui devoient eftre le long de la cofte de la mer atiez prés de là. Canec luy fit reponfe qu'il en avoit oüy parler, & qu'il luy donneroit des gens qui le conduiroient au lieu où ils eftoient fans fe détourner du chemin quoy que fort afpre & difficile à caufe des grandes montagnes qu'il faloit palier , mais qu'il ne feroit pas fi difficile par mer. Cortés le remercia de la courtoifie, & dit que les chevaux ne pourroient pas aller dans ces fortes de barques pour eftre trop petites ; m a i s qu'il le prioit de luy livrer paffage par le lac. Canec luy dit qu'il quitteroit le lac à trois lieues de là, & que cependant que l'armée le pafferoit, qu'il vinft avec luy dans fa ville & qu'il verroit brûler les Idoles en fa prefence. Cortés luy accorda fa demande du confentement des Capitaines, & mena avec luy vingt arbaleftriers. Ils furent reçeus dans ce lieu avec de grandes réjouiffances des habitans jufques au loir, qu'il vit brûler les Idoles ; puis il prit des guides, & laiffa là un cheval qu'il recommanda , pour eftre penfé d'une bleffeure d'une épine qui luy eftoit entrée dans le pied, & s'en alla dormir à l'armée, qui avoit déjà tournoyé autour du lac.

pin du feptième L i v r e .


619

H I S T O I R E G

E

N

E

R

A

L

E

DES VOYAGES E T C O N T E S T E S des Caftillans dans les Ifles & Terre-ferme des Indes Occidentales. LIVRE

H V I T I

C H A P I T R E

ES

ME.

P R E M I E R .

Fernand Cortés continuefa route , & ce qui luy arriva, Ernand Cortés continuant fa route avec fon a r m é e , chemina depuis le lac de Canec dans de belles plaines & de très-bonne terre , o ù il y avoit tant de dains, que les Cavaners en attraperent facilement dix huit. Il y mourut deux chevaux, qui à caufe de leur trop grande foibleffé ne purent fupporter le travail de la chaffe. Ils prirent quatre chaffeurs qui portoient un Lyon qu'ils avoient tué à coups de flèches. Ils arrivèrent à un grand canal d'eau, & fort profond à la veuè duquel eftoit la peuplade où ils pretendoient aller, & comme ils n'avoient rien pour y paffer, ils a p p e l è r e n t ceux du lieu qui eftoient


1525. Les

habitans

lieu

s'enfuyent.

du

620 H i s T o i R e occupez à ramaffer leurs hardes pour fe fauver dans les montagnes. Il en vint deux dans u n cano avec une douzaine de poulets d'Inde ; mais quelques careffes & prières qu'on leur peuft faire ils ne voulurent jamais aborder à terre ; car ce qu'ils en faifoient n'eftoit que pour amu fer l ' a r m é e , afin de donner du temps à ceux du lieu de faire leur retraite. Mais cependant qu'ils s'amufoient à raifonner, un Cavalier fejetta en l'eau fur fon cheval, & nagea après ces deux Indiens ; parce que ces Caftillans eftoient tellement accouftumez à toute forte de diffipline militaire , que rien ne leur eftoit impoffible. Ces Indiens voyant cela furent t r o u b l e z , & d'autres Caftillans fe jettant encore à nage ils fefaifirent de ce cano , fi Lien q u e par la bonne conduite & induftrie de ces I n diens l'armée évita de palier ce bras d'eau,& arriva enfin dans cette peuplade extrêmement fatiguez du chemin» car ils avoient plus de huit lieues ; & quoy qu'ils n'y trouvèrent point d'habitans, ils ne laifferent pas d'y trouver des vivres Se en q u a n t i t é . C e t t e peuplade s'appelloit Tlecan, & le Seigneur , Amohan. Apres que l'armée eut demeuré là quatre jours pour fe rafraichir en attendant toujours le Seigneur, & voyant qu'il ne paroiiîbit p o i n t , elle en partit avec des vivres pour fix j o u r s , parce qu'il faloit cheminer par des lieux inhabitables. Ils cheminèrent fix lieues & arrivèrent à la nuit à une Hoftellerie fur les terres d'Amoban , o ù s'arreftoient les M a r chands ; ils y demeurèrent un jour à caufe que ç'eftoit la fefte de la N o f t r e - D a m e de Mars qu'ils employèrent à pefcher quantité de Sabogai, qui eft une efpece de poiffon qui reffemble à l'Alofe dans la rivière. Le lendemain ils firent neuflieuës, & tuèrent dans la plaine fept Cerfs. D a n s le détroit de la montagne qui avoit deux lieues à monter & à defcendre, les chevaux fe déferrèrent à caufe de fon afpreté, & l'on fut contraint de s'arrefterun jour pour les ferrer ; Le lendemain ils furent à Xuncap a n , vilage qui dépendoit encore de la Seigneurie de C a n e c , où ils s'arrefterenr deux jours , & un jour à un autre vilage appelle Amohan , o ù ils trouvèrent q u a n -


DES I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv. V I I I . 621 tiré de fruits, du mayz verd, & des gens qui les guidè1525. rent. Le lendemain à deux lieues de là ils commencèrent L e s C a f t i l l a n s à monter une m o n t a g n e il afpre & fi difficile qu'ils fu- f o u f f r e n t de grands travaux. r e n t huit jours à la palier fans qu'il ceffaft de pleuvoir jour & nuit. Il y mourut foixante chevaux, qui tomboient du haut en bas des r o c h e r s , & qui fe rompoient les jarrets , & ceux qui échaperent furent plus de trois mois à fe r e m e t t r e . La faim qu'ils fouffrir e n t cil: incroyable ; & plufieurs hommes en moururent, fans ceux qui tombèrent auffi dans des précipices par la trop grande laffitude qu'ils enduroient. Vn neveu de F e r n a n d Cortés entr'autres le rompit une jambe en q u a tre e n d r o i t s , d'une cheute , & l'on eut tous les maux du m o n d e à le tirer de ces montagnes. M e d r a n o , joueur d'inftrumens de T o l è d e confefla I l s e n d u r e n t une faim enraavoir mangé de la cervelle de Medina Sacabuche natif g e a b i e . de Seville,& de celle de Bernard Caldera, avec de fa chair grillée, & d'un fien n e v e u , qui eftoient morts de faim ; ils eftoient auffi meneftriers. Ils mangèrent auffi plufieurs couleuvres , des lezards , & d'autres animaux inconnus. Les bourgeons de Palmiers leur d o n n o i e n t des cours de ventre qui en faifoient mourir quelques-uns, L'on y vit plufieurs fois Fernand C o r t é s u n e pique fur l'épaule pour animer ceux qui reftoient e n c o r e en vie ;Et il diftribuoit toujours ce qu'il avoit pour manger avec beaucoup de libéralité ;parce qu'il eftoit naturellement pieux & charitable envers les malades , & il regloit tellement fa v i e , que jamais aucun fol dat n'eut envie à la bonne chère qu'il faifoit, ny aucune chofe à luy reprocher des travaux & exercices qui fe prefentoient pour le falut de t o u s , & il n e donna ja C o r t é s e f t f o r r mais fujet à perfonne de murmurer. C'eft pourquoy ils c h a r i t a b l e e n v e r s les mala-, obeïffoient tous avec une confiance & une patience in- d e s . c r o y a b l e , par les bons exemples qu'il leur m o n t r o i t , & par les offres des biens de fortune qu'il leur faifoit efperer. Si bien que les foldats parfon exemple fe fuportoient les uns les autres avec une extrême charité & amour, qui eftoit une chofe digne d'admiration ; & tout; EEee


622

H I S T O I R E

cela joint à la jufte plainte qu'ils faifoient de fe voir tous 1524. fouffrir fans pouvoir expérimenter le defir de fe pouvoir fecourir & aider des chofes qui leur eftoient les Grande conplus neceffaires. Et il ne s'eft jamais veu un tel a c c o r d , f i a n c e de la n a tion C a f t i l l a n e . un tel o r d r e , une telle fouffrance & une telle patience dans les travaux pour achever ce qui eftoit c o m m e n c e , parmy toutes les nations comme en celle-cy ; & tout par l'induftrie & l'exemple du Capitaine , & par le courage infatigable des Caftillans, qui donnoient de l'émulation aux Indiens, & leur faifoient faire des c h o fes bien au delà de ce que leur naturel les portoit. E t quoy que cette nation fuft fort adonnée à mander de la chair humaine, fi eft-ce pourtant que dans une fi urgente neceffité , le chaftiment n'y eftoit pas moins à craindre, & que dans la confufion en laquelle ils fe t r o u v è r e n t plufleurs fois, cheminant tantoft dans les montagnes, tantoft dans les bois,fans avoir aucuns guides,ny perfonn e q u i leur peuft donner connoiffance de la t e r r e , n ' e toit pas le moindre trouble qu'il avoient-, n'ayant autre lumière pour les guider que celle de fuivre le N o r t , Se d'autres eftoiles fixes, parlant de grands lacs Se des rivières à la n a g e , ou faifant des radeaux & des p o n t s , c o m m e il s'eft: veu cy-devant ; Enquoy C o r t é s agiffoit avec une grande p r u d e n c e , en ordonnant les chofés felon la neceffité & le temps. Ce ne fut pas encore là la fin de leurs maux,parce qu'ils Autre fatigue rencontrèrent auffi-toft une grande rivière, qui s'eftoit des Caftillans grandement a c c r e u ë , & eftoit devenue furieufe par les pour ne trouver pas de paffage orages & les pluyes qui s'y eftoient écoulées,& il n'y à une riviere,ny avoir aucune Barque ; & quand il y en auroit e u , elles le m o y e n de f a i n'euiffentde rien fervy ; de faire un pont il eftoit impoffire u n P o n t . ble , de vouloir retourner eu a r r i è r e , eftoit chercher la m o r t . Pour remédiera c e l a , C o r t é s commanda à q u a tre foldats. d'aller plus haut en remontant la rivière pour voir fi elle ne s'erreffiffoit point en quelques endroits, par o ù l'on p e u t paffer. Ils retournèrent, & dirent qu'il y avoit moyen de paffer; ce qui réjouit fort l'armée, & d o n t elle rendit grâces à D i e u . Ils chanterent le Te Deum


DES

INDES

OCCIDENTALES,Liv.VII.

623

laudamus,& les Litanies, & comme ils eftoient dans la 1525 Semaine Sainte ils fe confelTerent tous. C e paffage Paffage l'une eftoit myfteneux ; c'eftoit une manière de t o m b e , ou riviere fur une roche. pierre de roche , l o n g u e , plate & unie , & qui s'étendoit d'un bord de la riviere i l autre, pleine de concavitez, par où l'eau paffoit fans la couvrir ; o u v r a g e , qu il emble que la nature aie formé à deffein pour livrer le paffage à cette eau & aux hommes : mais les plus pieux dirent que cela s'eftoit fait par miracle. Auffi-toft après Fernand Cortés refolut de faire un p o n t , parce qu'il ne jugeoit pas à propos de s'y tenir. Ils couperent donc plus de deux cens p o u t r e s , & quantité de barres pour les attacher , travaillant tous puiffamment, parce qu'alors il n'y avoit point de fameans, chacun mettoit la main à l'oeuvre ; & ils paffoient ainfi les canaux,liées avec ces narres. D e forte que le P o n t fut fait en deux j o u r s , & l'armée paffa auffi toft ; mais le bruit que faifoit l'eau en paffant par les concavitez de la roche eftoit tel,que cela rendoit les homes tous étourdis. Les chevaux & les porcs pafferent à nage p a r o ù la rivière eftoit plus en repos ; parceque come ils avoient déja fait la mefme chofe plufieurs fois, ils y eftoient tout accouftumez. Ils dormirent cette nuit-là dans T e u c i r , qui eftoient certaines maifonettes diftantes d'une lieuë du P o n t , o ù ils prirent environ vingt perfonnes ; mais il ne s'y trouva pas des vivres fuffifammenr pour appaifer l'extrême faim d o n t l'armée eftoit a t t a q u é e , qui leur caufa une grande affliction, principalement pour ceux qui en beaucoup de jours n'ayoient m a n g é q u e des bourgeons de palmiers, & des herbes cuites fans fel. Enfin la faim eftoit déjà e x t r ê m e m e n t g r a n d e , & l'on cherchoit tous les remèdes poffibles,mais en vain pour la fubfiftance ; lors ces hommes Les Caftillans qu'ils avoient pris leur firent entendre qu'à une journée m a n g e n t des de là en r e m o n t a n t la rivière, il y avoit une peuplade qui h e r b e s f a n s fel. dépendoit de la province de T a v y c a n , o ù il y avoit beaucoup de vivres ; mais qu'il faloit paffer la rivière ; ce qui ne fepouvoit faire,parce qu'elle eftoit beaucoup crue & devenue plus furieufe que devant, C o r t é s leur demanda E e e e ij


624 1525 Ils

paifferent

Pont

des

le

conca-

viter.

H I S T O I R E

des guides, & envoya trente foidats Caftillans & mille Mexiquains qui pafferent le P o n t des concavitez ; & quoy qu'ils euffent beaucoup fouffert de travaux , ils a p p o r t è r e n t toutefois des vivres pour l'armée, ce qui leur donna quelque foulagement dans une fi grande neceffit é . Mais les gens eftoient déjà tellement accouftumez à fouffrir toute forte de maux, que quelque confolation qui leur arrivait à la traverfe, pour petite qu'elle fuft, ils l'eftimoient beaucoup.

C H A P I T R E

II.

Fernand Cortés a connoiffance de Nito ; & les travaux fes gens fouffrent.

omme ils eftoient dans T e u c i x , & qu ils fongeoient au chemin qu'ils dévoient faire , Fernand C o r t e s envoya huit Caftillans, avec un guide du pais pour les conduire pour découvrir le chemin qu'il avoit fémblé devoir tenir du cofte d Azuzulin ; dont le Seigneur fe nommoit Aquiabilquin. Apres qu'ils eurent c h e m i n é dix lieues ils trouvèrent dix hommes & une femme dans une chaumine, qui leur parut eftre une taverne ou hoftellerie pour loger les marchands , q u i eftoient ceux qui negocioient dans cette terre. Ils retournèrent , & dirent que le chemin eftoit beaucoup meilleur fans comparaifon du paffé, Entre les prifonniers qu'ils firent, il fe rencontra un marchand d'Aclan qui avoit fejourné long-temps à N i t o , peuplade de Gille Gonçalez Davila,qui dit qu'il y avoit un an que quantité de barbus à pied & à cheval avoient négocié dans cette ville, & qu'ils l'avoient ruinée, & avoient fort mal-traité les habitans & les marchands ; & qu'alors un frère d'Apoxpalon qui tenoit le magazin, & tous les marchands, en fortirent, & que quantité d'entr'eux demandèrent permiffion à Quiavilquin de pouvoir trafiquer dans fes terres ; & que pour luy il eftoit l'un de ceux là.

C

Cortes a

con-

noiflance

des

Caftillans

de

N

to.

que


L i v . V I I I . 625 Mais que les Foires eftoient abolies à caufe que les mar1525. chands eftoient ruinez depuis la venue de ces eftrangers. C a r t e s le pria de le vouloir conduire dans cette Ville, & C o r t é s p r i e un qu'il le payeroit fort bien ; & comme l'Indien fe fut offert dmi ae rn c hdaen dl e Ignu-i pour c e l a , il délivra les autres prifonniers ; paya les au- d e r à N i t o . très guides dont il s'eftoit fervy , & les renvoya ; & envoya prier Quiavilquin de ne s'abfenter pas, parce qu'il avoit envie de luy parler, & qu'il ne luy feroit fait aucun t o r t . Le lendemain fi toft que le jour commença à paraiftre l'on apperceut que le marchand d'Aclan s'en eftoit allé , fi bien que l'armée demeura fans guide. Ils cheminèrent cinq lieues,& dormirent fur une m o n t a g n e ; il y eut un cheval qui fut eftropié au paffage d'un détroit. Lejour fuivant ils firent fix lieues, & pafferent deux rivières,dont l'une fut paffee avec des canos ; & il s'y noya deux cavales. Ils rencontrèrent cette nuit-là un H a m e a u de vingt maifons nouvellement bafties qui appartenoient aux marchands d'Aclan ; mais ceux qui les habitoient s'eftoient fauvez. D e l à ils pafferent Azuzu- I l s font h u i t lin , qu'ils trouvèrent deferte, & fans aucuns vivres, ce j o u r s f a n s r e n contrer p e r f o n qui redoubla leur affliction ; & quoy qu'ils demeurèrent ne qui les g u i huit jours dans cette t e r r e , & qu'ils firent toutes les di d e . ligences poffibles pour trouver quelqu'un qui les guidaft jufques à N i t o ; ils ne trouvèrent q u e quelques pauvres femmes, dont l'une d'entr'elles les conduifit à une peuplade à deux journées de là , fous efperance d'apprendre des nouvelles de ce qu'ils cherchoient, mais ils la trouvèrent encore vuide d'habitans, ce qui redoubla e n c o r e leurs peines. Cependant Fernand Cortés eftoit das degrandes inquiét u d e s , parce que plus il regardoit fa bouffole, & moins il trouvoit quel chemin il devoit prendre, à caufe de l'excefîive hauteur des m o n t a g n e s , & fans y apercevoir aucune trace de chemin. D a n s cet intervale il arriva par hazard un jeune garçon qui paffoit à la traverfe dans V n j e u n e g a r ces montagnes ; ils le p r i r e n t , & il les guida dans de cer- ç o n g u i d e l ' a r taines terres de T u n i h à , qui eftoit l'une des Provinces m é e d e u x j o u r s , & un vieillard contenues dans la carte qu'ils portoient. Ils chemine- d e u x a u t r e s .

Des

INDÉS

OCCIDENTALES,

Eeee

iij


1525.

Ils

apprennent

que

N u o

qu'à deux

n'eft jour-

tfc

es.

Il

leur arrive

nouveaux

de

tra-

vaux.

626 H I S T O I RE rent deux jours avec ce jeune garçon ; & A y a n t recontre; un vieillard qui n'avoit peu fe fauver, il les guida deux autres jours dans une peuplade où ils prirent q u a t r e h o m mes, les autres ayant pris la fuite. Ceux cy dirent q u e l'on rencontreroit : N i t o en deux Soleils, & les Caftillans qui y eitoient ; & pour plus grande preuve de cela, l'un de ceux là avoit efté à N i t o pour avoir deux femm e s , qu'il n o m m a aux Caftillans qu'elles avoient fervy, dont ceux qui l'entendirent receurent beaucoup de fatisfaction , veu l'incertitude du chemin o ù ils eftoient ; parce que dans cette terre de T u n i h a ils avoient penfé m o u r i r de faim ; car ils ne mangeoient que des bourgeons de palmiers v e r d s , ou cuits, avec du pourceau frais 6c fans fel, & encore n'en mangeoient-ils pas félon leur fuffifance ; parce que deux hommes eftoient un jour à couper un palmier & demy-heure à manger un bourgeon, piufieurs eftoient eftropiez de cheutes, & d'autres touffroient beaucoup pour eftreharafiez & foulez. Iean de Avalos neveu de Fernand Cortés roula avec fon cheval de haut en bas d'une m o n t a g n e , dont il eut un bras rompu. Enfin parmy tant de neceffitez de vivres, tant de rivières & de lacs à paffer, tant de montagnes & d'obftaclesàTurmonter par la force 6c par l'induftrie, euffent efté impoffibles à tous autres quelques robuftes qu'ils euffent peu eftre , comme à celuy-cy , par la magnanimité de leur c o u r a g e , & par l'induftrie de leur Capitaine.

C H A P I T R E

III.

Fernand Cortés arrive a Nito, La faim qu'il fouffrit , & la diligence dont il vfa pour chercher des vivres.

Cortés prendre

envoyé quelque

Caftillan.

Fernand Cortés fe voyant donc fi proche de N i t o , envoya quinze Caftillans avec un Indien, pour prendre & amener quelque Caftillan ou Indien de ceux qu'ils pourroient rencontrer dans la C o n t r é e , afin d'appren-


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. V I I .

627

dre plus particulièrement quelles gens ce pouvoient eftre qui habitaient là : Ces Caftillans fuivant cet ordre cheminèrent jufques à une rivière qu'ils rencontrèrent, o ù ils prirent un cano de Marchands pour la paffer ; & attendirent là deux j o u r s , au bout defquels il parut une b a r q u e conduite par quatre Caftillans qui péchoient, Ils les furprirent fans que l'on s'en apperçeuft dans fa peuplade ; & ils dirent qu'il y avoit dans ce lieu foixante autres Caftillans & vingt femmes , dont la plus part eftoient malades, qu'ils appartenoient à Gille G o n ç a lez Davila ; & avoient pour Capitaine D i e g o Nicto ; que Chriftofle d'Olid eftoit déjà mort entre les mains de François delas Cafas & de Gille Goncalez ; lefquels eftoient allez à Mexique pour le G o u v e r n e m e n t de Pedro d'Alvarado. Le Gouverneur fut fort réjoùy d ' a p prendre ces nouvelles ; parce que fon entreprife eftoit achevée, paifqu'il n'y avoit plus perfonne qui luy peuft: faire de refiftance. Il écrivit à D i e g o Nicto, & luy manda qu'il falloir voir, & qu'il luyenvoyaft: quelques barques pourpaffer la rivière. Il demeura trois jours à venir , & cinq à paffer la rivière , parce qu'il n'avoit qu'un efquif & deux canos. ils furent tous fort c o n f i iez de voir Fernand C o r t é s ; parce que ceux qui l'accompagnoient ne pouvoient plus cheminer , & ceux qui eftoient là n'avoient pas beaucoup d e f à n t é , n y dequoy vivre ; à caufe de quoy ils eftoient furies termes de fe mut i n e r , & fi Cortés par hazard ne fut arrive là, ils n'euffent pas beaucoup tardé à pendre Diego Nicto ; parce que déjà les Caftillans qui eftoient difperfez dans ces Provinces eftoient devenus infolents, & menaçoient de fecoüer le joug de leurs Capitaines & Gouverneurs. Pour pourvoir à ces neceffitez, le G o u v e r n e u r envoya chercher des vivres en beaucoup d'endroits ; mais ceux qui y furent revinrent les mains vuides. C o r t é s y envoya pour la féconde fois, qui ne fit pas plus d'effet qu'à la première , excepté qu'ils amenèrent un Marchand des principaux de la terre avec q u a t r e efclaves qu'ils trouvèrent en mer dans des canos. C e p e n d a n t les vivres

1525. Les coureurs Certes nent

des

nou-

velles de

Les de

de

appren-

Nito.

Caftillans

Nito

ioüiffent

fe

ré-

fort

de

l a v e n u e de C o r tés.


628

1525 Les porcs leur fervirent d ' u n notable alimet. Il

arrive

caurs

un

fe-

aux

C a -

ftillans,

N o t a b l e diligece de

Certes.

C o r t é s tefout paffet b a y e de

dré.

à

de

l'Ab S.

A n -

H

I S T O

IR

E

manquoient, & la neceffité augmèntoit , & ils euffent enfin pery fans quelque peu de porcs qui reftoient, qui dans tout le voyage leur avoient fauve la vie , en quoy l'on avoit beaucoup d'obligation à Cortés d'avoir eu la prévoyance défaire cette provifion. Les Mexiquains d'autre cofté fervoient beaucoup à aller chercher des herbes & des racines dequoy beaucoup fe fuftantoient, jufques à ce qu'enfin la mifericorde de Dieu qui n'abandonne jamais les fiens permit qu'il arrivaft là un navire, o ù eftoient trente Caftillans, fans les Mariniers ; treize chevaux, foixante & quinze porcs, douze tinettes pleines de chair falée, & piufieurs charges de Mayz. Ils rendirent tous de grandes grâces à Dieu ; & Fernand Cortés acheta auffi-toft le navire avec tout ce qui eftoit dedans. Il fit radouber une caravelle que ces Caftillans tenoient prefque pour perdue , & tit faire un brigantin d'autres navires brifez, afin d'avoir en bref un appareil de mer pour naviger au cas qu'il en euft befoin,avec lequel il épouvantoit tous lcsautres,en voyant avec quelle diligence il executoit les chofes lors qu'il les avoit une fois arreftées dans fon efprit. Or puisque les plus grands travaux de ce voyage finirent icy, je ne veux pas paffer fous filence que jufques à ce N i t o Cortés avoit cheminé plus de quatre cens lieues fans avoir non plus de connoiffance de la terre que celle qui a elle reprefentée cy-deffus,par des montagnes, tres afprés des forefts, des rivières & des lacs. Si toft donc que Cortés fut entré dans N i t o , les Caftillans commencerent à faire des courfes dans le pais, parce qu'auparavant ils n'avoient ofé le faire, & eftoient auffi dans l'impuiffance de le pouvoir faire & il fe trouva enfin das des terres tres-âpres un fentier qui alloit rendre à Lequeda , grande bourgade & bien fournie de vivres ; mais comme il y avoit dix huit lieues de mauvais chemin il eftoit impoffible de fe pourvoir de-là. Cortés voyant donc la mauvaife difpofition qu'il y avoit de peupler là , & que d'autres en eftoient en poffeffion , il refolut de paffer à l'Abbaye de faint Andre. Il y envoya. Gonçale


DES I N D E S O C C I D E N T A L E S , L i v . V I I I . 629 C o n c i l e de, Saudoval, avec prefque tous les foldats & 1525. les chevaux ; & à N a c o qui eft à vingt lieues de là il y envoya des gens pour tâcher d'appeller les Caftillans qui n'eftoient pas encore appaifez des troubles paffez. E t parce qu'il ne voulut pas s'embarquer qu'il n'euft des vivres fuffifamment, il s'embarqua avec quarante Ca C o i t e s e n t r e das ftillans & cinquante Indiens , dans le brigantin qu'il le pais p o u r h e r c h e r des viavoit fait faire , deux barques , & quatre canos ; puis cvres. m o n t a n t au deffus de la rivière, il rencontra un golfe ou fein qui contenoit plus de douze lieues de circuit fans aucune peuplade. D e là il paffa à un autre golfe qui va ferpentant jufques à plus de trente lieues, qui eftoit une chofe notable à caufe du grand tour que cette eau fait entre de tres-afpres montagnes. Il defcendit à terre avec trente Caftillans & trente indiens 6c s'en alla dans une p e u p h d e , ou il ne trouva perfonne, d'où il tira quelque mayz & de i'axi, puis il fe retira aux barques. Il traversa le golfe & eut une tourmente o ù il fe perdit un c a n o , & G r a n d e d i l i g e n un Indien qui fut n o y é . Le lendemain il entra dans un c e d e C o r t e s . petit ruifteau, & laifla là les barques & le brigantin avec quelques gens pour les g a r d e r , puis ayant pris tout le refte de fes gens il entra dans la terre ; à demy lieue de là il rencontra un vilage dépeuplé & ruiné. Il chemina cinq lieues ce jour là par des montagnes fi afpres qu'il faloit grimperen beaucoup d'endroits. Il trouva certaines cabanes , & entr'autres une petite maifonnette où eftoient trois femmes & un h o m m e aufquels appartenoient le labourage qui eftoit là aux environs, & qui luy fervirent de guide pour aller à un autre e n d r o i t , où il trouva deux autres femmes. D e là il paffa plus avant & entra dans un vilage d'environ quarante maifons ruinées quoy que neuves. Là ils trouvèrent des poules en l i b e r t é , q u a n tité de pigeons, des perdrix , des faifans, du mayz fec , & point de fel, qui eftoit ce qu'ils avoient le plus à faire. Ils n'y rencontrèrent perfonne d ' a b o r d , mais incontinent après il y arriva deux hommes qui eftoient habitans de ce lieu , qui furent bien eftonnez de rencontrer de tels hoftes. Çeux-cy pour s'en décharger pluftoft les

Ffff


630

1525. C o r t é s paffa en m o i n s de fept lieues q u a r a n t e c i n q rivières.

Cortes pas

ne

veut

entrer

de

n u i t d a n s la

peu-

plade.

Les

Caftillans

entrent

dedans

d'improvifte.

H I S T O I R E

c o n d u i s e n t par un autre chemin encore pire que le paffé , parce qu'outre qu'il eftoit fort embarraffé des broffailles & qu'il eftoit fort eftroit, il falut paffer en moins de fept lieues quarante cinq rivières, fans quantité de rui fléaux qu'ils ne comptèrent p o i n t , qui tous s'en alloient rendre dans le golfe que nous venons de dire. C o m m e la nuit approchoit ils entendirent grand bruit & eurent peur. Ils demandèrent à Marine l'interprète, ce que ce pouvoit eftre , & elle fit réponfe que c'eftoit une fefte de vilage , où ils danfoient. Mais Fernand Cortés ne fut pas d'avis d'entrer dans la peuplade ou cette réjoüiffance le faifoit, à caufe de la nuit qui eftoit fort proche. ils pafferent donc la nuit du mieux qu'ils peur e n t , faifant bonne garde , aidez en cela par ces fortes de moucherons que nous appelions coufins, & les Efpagnols Mofquitos dont il y avoit quantité , qui leur e m p é choient bien d'aprofondir leur fommeil, outre la quantité de pluye qu'il tomba , les éclairs & le tonnerre, C o m m e le jour c o m m e n ç a à paroiftre ils e n t r è r e n t dans cette peuplade d'improvifte & furprirent les habitans dormant ; & n'euft efté qu'un Caftillan eftonné de voir tant de gens armez enfemble dans une maifon, & qu'il s'écria, Santiago, l'on euft fait une belle prife fans r é p a n d r e de fang. Ils prirent quinze hommes & vingt femmes ; ils en tuèrent bien a u t a n t , dont le Seigneur eftoit du nombre. Ils eftoient couchez fous un a p p e n t y , o u ils s'affembloient tous comme l'on fait o r dinairement aux feftes de vilage, & y dançoient. Ils n ' y trouvèrent pas un grain de m a y z , ce qui les obligea d e paffer plus o u t r e à la relation des prifoniers à une a u t r e peuplade pour trouver de la fubfiflance. Ils c h e m i n è rent huit lieues, & prirent huit chaffeurs & quelques bucherons. Ils pafferent une rivière , où ils eurent d e l'eau jufques à l'eftomac qui couroit avec tant de roideur que s'ils ne fe fuirent tenus par les mains ils euffent couru n i q u e d'eftre entrainez. Ils dormirent dans la campagne, comme les habitans de la bourgade ou ils alloient s'alarmèrent Refirent grand b r u i t , les Caftillans


DEs

INDES

O CC I D E N T A L E S , Liv.

VIII.631

ne laiffierent pas d'entrer avant le jour , & prirent pofféf1525. fion de la place ; ce qui fît que les habitans fe fauverent par la fuite. C o m m e le jour fut venu les Caftillans trouvèrent force c o t t o n filé & à filer , des couvertures & d'autres hardes , quantité de mayz fec & en grain , & quantité de fel, d o n t ils furent fort réjouis, parce que c'eftoit ce qu'ils avoient le plus à faire. Ils trouvèrent auffi quantité de c a c a o , de l ' a x i , des fafcols, & d'autres I l s t r o u v e n t fortes de légumes, des fruits, des poulets-d'Inde, des q u a n t i t é d e v i faizans, des perdrix en cage & des chiens châtrez ; de v r e s . forte que il les barques euffent efté proche cela les euft bien accommodez ; mais ils en eftoient éloignez de plus de vingt lieues, & comme les gens eftoient fort fatiguez ils ne purent rien emporter. Ces peuples avoient des Temples femblables à ceux de Mexique , mais le langag e eftoit différent. Il paffa une rivière par là qui fe va C o r t é s f a i t f a i r e répandre dans le golfe dont nous avons parlé & ce fut d e s r a d e a u x . par cette rivière que Cortés envoya quérir le brigantin & les barques pour charger ces vivres ; & fit faire cependant quatre radeaux avec q u a n t i t é de folives bien liées les vnes autre les a u t r e s , fur lefquels il pouvoit bien tenir cinquante charges de grain, avec dix hommes. Les C a ftillans r e v i n d r e n t , ayant laiffé les barques fort b a s , à caufe des grands courants de cette rivière , & elles n'avoient pas peû monter plus haut. Les gens allèrent par t e r r e , & Fernand C o r t é s fe mit fur les r a d e a u x , où il fouffrit de grandes fatigues, de périls, de cris & de fléches que les Indiens le long des rivages leur tiroient, & qu'ils le blefferent & plufieurs a u t r e s , il n'en mourut pourtant pas un Entre eux qui furent par terre il m o u r u t un Caftillan , de certaines herbes qu'il mangea par le V n C a f t i l l a n chemin. Il alla un Indien avec e u x , de la mer du Sud, m e u r t f u b i r e qui leur dit que depuis N i t o jufques à fa terre n a t a l e , o ù met p o u r a v o i r magé quelques eftoit Pedro d'Alvarado il n'y avoit pas plus de foixante h e r b e s . lieues, dont la nouvelle les réjouit fort. T o u s les rivages de cette rivière eftoient bordez d'arbres de Cacao & d'autres fruits, avec de beaux jardinages en plufieurs endroits & des héritages, qui faifoient

F f f f ij


6 3 2

1525. Cortés à

Niro

retourne avec

des

vivres.

H i s t o i r e

un très bel afpect ; & il y croiffoit les plus belles chofes qu'il y euft dans toute cette terre. Ces radeaux firent en un jour & une nuit vingt lieues à caufe des grands courants. Avec les vivrez que Cortés enleva de la forte il en ravitailla fuffifamment fes navires ; & tarda trente-cinq jours à retourner à N i t o , pendant lefquels il eft aifé à conjecturer les grands travaux qu'il fouffrit, & c o m bien fa prefence, fon induftrie & fa diligence y furent neceffaires.

C H A P I T R E

I V.

Fernand Cortés paffe à Truxillo ; où il apprend les mouvement de Mexique, il y envoyé des ordres pour y remedier.

F

La

Nativité

Noftre-

Cortes peuple Navid.id Nueftra

de

Dame. la

de S e n n o -

ra. il

arrive à

xillo.

T r u -

ernand Cortés eftant arrivé aux vaiffeaux fit cmbarquer fes g e n s , avec ceux de G o n z a l e z , & paffa à i'Abbaye de faint A n d r é , où lés autres gens l'attendoient Il fut là vingt jours ; & comme le port eftoit fore bon , & qu'il fe rencontroit quelques apparences d'or dans cette Contrée & dans les rivières, il jetta les fondemens d'une peuplade de cinquante Caftillans, e n trelefquels il y en avoit vingt de cheval. Il l'appella la Navidad de Nueftra Sennora. Il y eftablit une C o m m u nauté , une Eglife, un Preftre, & les chofes neceffaires pour le fervice divin, & y laiffa quelques petites pièces d'artillerie ; puis il s'en alla au P o r t de H o n d u r a s , & par un autre nom Truxillo , que François delas Calas peupla , & par t e r r e , le chemin eftant bon , quoy qu'il y e û t des rivières à paffer , il envoya vingt chevaux & dix a r b a l é t r i e r s , & s'arrefta dix jours fur mer à caufe du mauvais temps ; mais enfin il y arriva ; & les Caftillans furent tellement ravis de le voir , qu'ils entrèrent dans l'eau pour le recevoir, & l'enlevèrent fur leurs bras avec grande réjoüiffance. Il alla auffi-toft à l'Eglife pour rendre grâces à Dieu de l'avoir conduit o ù il defiroit ; & avant que d'en fortir ils luy firent une entière relation d e


DES

INDES

O c c i D E N T A L E s , Liv.VIII.

633.

tout ce qui s'eftoit p a i f é entre Chfiftofle d'Olid, 1525. François de las C a l a s , de Gilles Gonçalez Davila , de François H e r n a n d e z de Cordoùa;&de de la découverte Les Caftillans du Bachelier Moreno. Ils luy demandèrent pardon de recitenr à C o r tés ce qui s ' é ce qu'ils avoient fuivy quelque temps Chriftofle d ' O - toit p a f f é e n t r e lid,difant qu'ils n'avoient pas pu faire autrement. Il leur Olid & las C a pardonna à tous - il rendit les Offices à ceux qui les fas. avoient poffedeZ auparavant ; & en nomma de nouveaux pour ceux qui vaquoient. il c o m m e n ç a i fabriquer des maifons , & deux jours après qu'il fut arrivé il envoya un Caftillan de ceux qui entendoient la langue avec foc Mexiquains dans de certaines peuplades à fept lieues delà , appellées Chapaxiva de Papayeca capitales de P r o v i n c e s , pour dire aux Seigneurs de ces lieux que le Capitaine Cortés qui eftoit dans Mexique eftoit arrive-là. Ces peuples écoutèrent cette Cortés e n v o y a ambaffade avec attention , de pour mieux fatisfaire à appeller les Seigneurs de c e t t e leur curiofité, ou pluftoft à leur devoir , ils y envoyèrent P r o v i n c e . certains hommes pour Fçavoir fi cela eftoit véritable. Fernand Cortés les receut de bonne g r â c e , & leur donna quelques jolivetez de Caftille : il leur parla par le moyen de Marine l'interprète ; par ce que cette langue ne differoit pas beaucoup de celle de Mexique , excepté la prononciation. Ils luy promirent de faire tout ce qu'ils pourroient pour leur donner toute forte de contentement. A cinq jours de là il vint deux hommes des principaux, qui apportèrent des volailles, des fruits, du may z, & d'autres chofes pour la vie, qui les prefenterent à C o r tés de la part de leurs Seigneurs, & le prièrent de luy d e mander ce qu'il defiroit, & ce qu'il cherchoit dans ces Provinces ; & qu'ils n'avoient o fé le venir voir, de crainMeffagers te qu'il ne les enlevait dans fes navires, comme l'on Les demandent à avoit déjà fait à d'autres il n'y avoit pas long temps. Fer- C o r t é s ce q u ' i l nand Cortés leur fit réponfe qu'il n'eftoit pas venu là defire. pour leur faire du mal, mais beaucoup de bien ; de qu'il eftoit venu feulement pour chaftier ceux qui deroboient les h o m m e s , de qu'il leur feroit r e n d r e ceux qui leur avoient elle enlevez ; qu'ils le vinffent d o n c voir fans F f f f iij


634

1525.

Cortés envoyé q u a t r e navires e n divers e n droits.

Que

les I n d e s

o n t c o û t é cher aux Caftillans.

Cortés demand e à l'audience de l'Efpagnole le Bachelier M o r e n o p o u r le chaftier.

H I S T O I R E

aucune c r a i n t e , & qu'il leur declareroit fon intention. parce qu'encore qu'il leur dift à eux ce qu'il defiroit, ils ne leur pourroient pas raconter il précisément qu'il feroit ; encore qu'ils leur pouvoient dire que cela importoit beaucoup pour la falvation de leurs ames ; & ainfi il les congédia, & les pria de luy amener des pioniers pour couper une montagne. Auffi-toft apres il vint quantité de gens de toutes les peuplades des environs chargez de vivres, & pour travailler où il les voudroit employer. C e p e n d a n t que Cortés s'entretenoit dans cet exercice, il dépefcha quatre navires ; dans l'un defquels il fit mettre les malades & langoureux pour envoyer à la n o u velle Efpagne ; & pour donner avis à ceux de Mexiq u e , & à toutes les communes de fon voyage, & qu'il eftoit neceffaire pour le fervice de l'Empereur qu'il s'arreftaft quelque-temps o ù il eftoit. Il leur en chargea le bon gouvernement & le repos des peuples ; & ordonna à lean Davalos fon n e v e u , qu'il avoit n o m m é pour Capitaine de ce n a v i r e , de prendre en chemin foixant e Caftillans qui eftoient en l'ifle de Cozumel, qu'un Valençuela qui avoit pillé la ville de la Vera C r u z , que Chriftofle d'Olid avoit f o n d é e , avoit laiffé à l'abandon dans une Ifle de Cuba au Cap de faint A n t o i n e , où il fut n o y é , a v e c deux Religieux de l ' O r d r e de faint François., & trente perfonnes de tous ceux qui fe fauverent à terre il n'en échapa que quinze , qui abordèrent à Guaniguaniego, ne mangeant pour toute chofe que des herbes ; de forte qu'il y périt quatre-vingt Caftillans , fans quelques Indiens qui augmentèrent ce n o m b r e . Par o ù fon peut voir ( au moins ceux qui feront reflexion là deffus ) que la nation Caftillane n'a acquis les Indes que par de grands t r a v a u x , & des pertes ineftimables. Ferdinand Cortés envoya le Brigantin pour porter des Lettres à l'Audience de l'Efpagnole pour leur rendre compte de fon arrivée-, requérant que le Bachelier Iean M o r e n o renvoyait, les Indiens-que Chapaxiva & Papayeca avoient, & qu'on luy envoyait Iean Moreno pour le chaftier. Les autres navires paffe-


DES

INDES

OCCIDENTALÊS^LÎV.VII.

635

vent à Jamayca,& au port de la T r i n i t é de Cuba, pour 1525. avoir des veftemens, du pain & de la chair: mais ceux-là ne firent pas un meilleur voyage q u e l ' a u t r e , excepté qu'ils ne furent pas perdus. Cortés voyant cela, envoya encore un navire avec fa vaiffelle d'argent dont il fe fervoit a t a b l e , & les joyaux qu'il avoit; & on luy envoya de Cuba & de Iamayca grande q u a n t i t é de vivres, des troupeaux de toute forte, & diverfes plantes pour annoblir & embellir davantage la ville de Truxiiio. C e p e n d a n t le bruit de la mort de Fernand Cortés Ceus d e l ' I f l e que l'on avoit fait courir dans Mexique & par tout aux Ev os yp ea ug rn osl'ee n eq un e- e n v i r o n s , eftoit arrivé à la fourdine dans l'Efpagnole, fter fi C o r t é s fans a u t h e u r n y fondement ; & comme l'audience vou- e f t o i t m o r t , ou non. loir s'éclaircir de cela, elle envoya des perfonnes dans un navire qui alloit à la nouvelle Efpagne , que des marchands conduifoient. Il y avoit dans ce vaiffeau t r e n t e - d e u x chevaux, avec des felles, & d'autres harnois & plufieurs autres chofes pour vendre. C o m m e ils furent arrivez à la T r i n i t é de C u b a , & qu'ils eurent entendu dire que Cortés eftoit plein de vie & qu'il eftoit dans H o n d u r a s , ils prirent la route de T r u x i l l o , croyant mieux vendre ce qu'ils avoient ; & par ce mefme navire le Licencié Zuazo manda à Fernand C o r t é s tout ce qui s'eftoit paffé dans les révoltes de Mexique cepen- L e L i c e n c i é dant qu'il y féjourna, & comme les rebelles l'avoient Z u a z o d o n n e envoyé prifonnier pour luy faire rendre compte ; & a x i s à C o r t e s d e t v u t ce q o i s'eenfin tout ce qui s'eftoit p a f f é dont il avoit eu la con- ftoit p a f f é à M e noiilance, qui eftoit en bref ; Q u e G o n ç a l e de Salazar x i q u e . ôe Peralmindez Chirinos fous prétexte d'eftre les ferviteursde C o b o s , a v o i e n t fait plufieurs infolences, & s'étoient fait proclamer Gouverneurs , faifant publier qu'il eftoit m o r t , & que fuivant cela ils luy avoient rendu les derniers honneurs ; Qu'ils avoient emprifonné le Treforier Alonfe d'Eftrada,& le Maiftre des C o m ptes A l b o r n o z , & fait pendre Rodrigue de Paz ; Qu'ils avoient mis d'autres Alcaldes & d'autres Sergens, & que C o r t é s e f t f o r t affligé d'avoir les Indiens eftoient fur les termes de fe foulever. Cor- a p p r i s l e s d e tés ayant receu ces nouvelles en receut un grand m é - f o r d r e s d e Mexique.


636

H I S T O I R E

c o n t e n t e m e n t qu'il fut long-temps fans s'en pouvoir remettre ; & dit piufieurs fois qu'il meritoit bien cela, puisqu'il avoit pluftoft fait élection de ces perfides-là, en les gratifiant de ces honneurs que d'y avoir eftably les fiens, qu'il connoiffoit & qu'il avoit fouventes fois éprouvez , & qui l'avoient fuivy toute leur vie. Il fe retira dans fa chambre, où il tira quelques larmes de fes yeux , & fouffrit beaucoup en fongeant quel remède il y pourroit apporter : Il difoit en luy-mefme , que pour bien remédier à ces defordres il eftoit neceffaire qu'il y allait en perfonne ; & il fongeoit d'ailleurs qu'il ne faloit pas perdre cette terre o ù il fe t r o u v o i t , qui eftoit Il a toujours r e un tres-bon païs ; Et comme c'eftoit un homme qui cours à D i e u das avoit toujours recours à Dieu, afin d'acheminer fes confes neceffitez. feils par fon moyen , il fît faire trois Proceffions & entendit la Meffe du faint Efprit ; à l'iffuë de laquelle il prit refolution d'aller à Mexique , & de laiffer dans Truxillo H e r n a n d o de Saavedra fon neveu avec cinquante infants Caftillans & trente-cinq chevaux ; & envoya dire à Gonçale de Sandoval qui eftoit dans N a . c o , qu'il s'en allât à Mexique par terre avec les gens qu'il avoit, par où eftoit allé François de las Cafas,qui eftoit par Guatemala, qui eft un chemin feur & uny ; & il s'embarque p o u r aller à M e luy s'embarqua dans le navire duquel il avoit receu tant xique. demauvaifes nouvelles en intention d'aller à medellin. C o m m e il eftoit déjà fur un anchre à deffein de partir, le temps changea auffi toft, & eftant r e n t r é dans la ville pour appaifer quelque trouble entre les habitans, auffi-toft que le mauvais temps fut paffé,il rentra dans le navire. Apres avoir navigé quelque peu de temps avec bonace, l'antenne majeure vint à fe rompre à deux lieues du port ; fi bien qu'il fut contraint de retourner d'ou il venoit de partir. L'on fut trois jours à en faire une a C'eft une piea u t r e , au bout defquels il partit derechef avec un vent ce de bois q u i eft de travers o û propre,& fit en deux nuits & en un jour cinquante lieues ; e f t a t t a c h é e la enfuite dequoy il vint un vent de N o r t fi violent qu'il banderole du rompit le maft du trinquet proche le Tamboret & fut navire. encore contraint de retourner au port d'où il eftoit party. 1525.


DES

Ï N D E S

O c c i D E N T A L E S , Liv. V I I I .

637

party. Il fit dire auffi toft des Méfies ; il fit faire des priè1525. res & des procéffions, parce , qu'il eftoit naturellement pieux & dévot ; puis s'imaginant, que Dieu n'avoit pas agréable qu'il quittaft alors cette t e r r e , il refolut de d e meurer , de d'envoyer Martin D o r a n t e s fon laquais dans C o r t é s dépêche le mefme navire qui devoit aller à Panuco. Il luy donna M a r t i n D o r a n pour M e x i des lettres pour piufieurs perfonnes, de envoya des or- tes que. dres fort authentiques à François de las Cafas, par lefquels il revoquoit tous les pouvoirs qu'il avoit cy-devant donnez. pour le G o u v e r n e m e n t de Mexique ; & envoya par mefme moyen quelques Mexiquains de condition pour certifier qu'il n'eftoit pas m o r t . Martin D o rantes fe mit donc en chemin , de arriva à Mexique , non fans avoir fouffert de grands travaux, juflement dans le temps que les parens de amis de Fernand Cortés eftoient reléguez dans l'Eglife ; lefquels reprenant c o m m e de nouvelles forces par les nouvelles de fa v i e , leur party s'accreut auffi-toft ; Et Gonçale de Salazar appréhendant la difgrace en laquelle il craignoit de t o m b e r , avoit recours à beaucoup de g e n s , qu'il prioit de ne le point abandonner. Il avoit mis l'artillerie dans la maifon de Fernand C o r t é s , o ù il avoit toujours demeuré depuis qu'il eut fait pendre Rodrigue de Paz, de fe faifoit garder par deux cens Caftillans bien a r m e z , aufquels il faifoit des prefens de de belles promeffes pour luy garder la foy ; o u t r e qu'il fe fortifioit de plus en plus p a r toutes les voyes imaginables.

C H A P I T R E

V.

Les amis de Cortes ayant appris qu'il eftoit vivant fe bandent contre Salazar & Peralmindez ; & après les avoir pris ils les font mettre dans des cages. Onçale de Salazar eftant ainfi dans l'apprehenfion, Gonçale imaginant que tout Fon mal devoit naiftre de ceux qui eftoient releguez dans l'Eglifè de S. François, Gggg


638

H I S T O I R E

avoir deffein de s'en deffaire, parce qu'il luy fembloit qu'en fe defaifant d'eux il ne luy refteroit aucun obftacle dans la ville. Il tenta de nouveau de les cirer de l à , & fut mefme furies termes de forcer le Monaftere ; mais comme il futadverty q u ' i l y trouveroit de la refiftance ; parce qu'outre qu'ils eftoient bien armez , il y avoit encore vingt hommes qui avoient pour chef le Capitaine And r é de T a p i a , il apprit encore qu'il s'y joindroit plus de Salazar tafche deux cens hommes- c'eft pourquoy il quitta l'entreprid e p r a t i q u e r des fe, & recommença à pratiquer ceux qu'il croyoit attirer gens par d o n s & par promef- à fon party par dons & par'promeffes. Mais quelques offes. fres qu'il leur peut faire, elles n'égaloient pas les penfées des h o m m e s , t a n t il avoit pouffé fon arrogance au delà des bornes de la raifon , qui avoit donné lieu à toutes ces altérations & remuemens ; & cela faifoit que chacun eftoit attaché à fon intereft. D'ailleurs les releguez achétoientdes armes pour armer leurs amis : Ils cherchoient Les a m i s de C o r auffi des chevaux ; & comme ils en avoient déjà h u i t , ils tés confultent c o m m e n t ils dé commencèrent à traiter entr'eux s'il feroit bon d'attaferont d e Sa- quer Gonçale de Salazarlors qu'il iroit à la Meffe, & le lazar. tuer ; ou de fortir à la campagne pour affembler les Caftillans & les I n d i e n s , pour luy faire la guerre. G o n ç a l e de Salazar appréhendant ces mouvemens, compofa une garde qui accompagnaft d'ordinaire fa perfonne. il les regala tous ; il convia les principaux , & touç les autres pour leur faire un banquet general a une lieue de Mexique dans de certains jardinages qu'il avoit là ; & ils fortirent tous enfemble de la ville, luy eftant au milieu de tous avec grande pompe & magnificence. D a n s ce m ê me temps arriva Martin D o r a n t e s , lequel ayant oùy parlé des reléguez , il s'en alla les trouver dans le Monaftere de S. François ,& advertit le Capitaine Tapia des dépefches qu'il apportoit de la part de F e r n a n d C o r t é s , & à qui elles s'adreffoient ; & comme François de las Cafas n'eftoit pas dans M e x i q u e , ils refolurent de fouftraire Les a m i s de C o r t é s appelles les ordres , & d'y mettre tel nom qu'ils jugeroient a proG e o r g e d ' A l v a - pos. Ils donnerent avis de cela à G e o r g e d'Alvarado , & r a d o & d'autres à d'autres Cavaliers, qui les vindrent trouver auffi-toft. Cavaliers, 1525


DES

INDES

O c c i D E N T A L E S , Liv. V I I I .

639

ils leur expoferent les lettres que Fernand Cortés leur 1525. envoyoit ; & comme il fe trouva jufques au nombre de c e n t , ils envoyèrent acheter des piques, des lances & d'autres armes dans des maifons de Marchands ,& les expoferent en veuë ; puis la nuit eftant venue , quoy qu'il fift un beau clair de L u n e , ils envoyerent appeller les Alcades & les Magiftrats de la ville, il y vint un A l c a d e , & quelques Magiftrats & grand nombre de g e n s , & leur dirent comme le Gouverneur efloit plein de vie. Ils m o n t r è r e n t leurs ordres & fes lettres , & le Meffager qui eftoit venu. Puis ils dirent que ceux qui voudroient de- G r a n d e réjoüifmeurer , d e m e u r a i e n t , & ceux qui voudroient fe retirer fance d a n s M e xique de ce q u e s'enallaffent. Il y en eut quantité qui demeurerent & C o r t é s eftoit viles autres s'en retournèrent ; or ils avoient déjà trente v a n t . chevaux , avec lefqueis fortirent George d'Alvarado ; & plufieurs autres dans la ville, & s'ecrierent à haute voix, que ceux qui voudroient fortir pour le fervice du Roy fe t r o u v a i e n t dans le Convent de faint F r a n ç o i s , & que là ils verroiènt les lettres du Gouverneur. C e t t e nouvelle fut receuë avec applaudiffement de tout le peuple en gêneral, & furent fort réjouis de fçavoir que Fernand Cortés vivoit, & la plus part ferangerent auffi-toft autour de ceux qui difoient ces bonnes nouvelles, o ù l'on vit combien cette perfonne leur eftoit chère. Ils écrirent auffi toftau Treforier Alonfe d'Eftrada qui eftoit alors à deux lieues de la V i l l e , qu'il vinft promptement ; ce qu'il fit auffi-toft. Le Maiftre des Comptes Albornoz envoya dire au Capitaine T a p i a , qu' il feroit fort aife de fe joindre avec luy , mais qu'il vouloit qu'il le prift ; ce qu'il fit. T o u s ces gens eftant affemblez , le Capitaine A n d r é de Tapia recita les tyranies que G o n ç a l e d e Sala- A n d r é d e T a p i a zar & fon compagnon avoient faites, & qu'il ne tenoit p a r l e à c e u x q u i point l'authorité du G o u v e r n e m e n t pour le R o y , ny t e n o i e n t le p a r ty d e C o r t é s , pour le Gouverneur,mais qu'il ne le tenoit que par ufurpation , & qu'il eftoit à propos que l'on éleuft un Lieutenant pour gouverner en attendant que Fernand C o r t é s arriveroit, lequel nommeroit des Capitaines pour conduire les gens de guerre ; & que ceux qui les voudroient Gggg

ij


640

H I S T O I R E

affifter de bon Cœur, d e m e u r a i e n t , que les autres s'en 1525 r e t o u r n a i e n t à la bonne heure. Ils dirent tous qu'ils vouloient demeurer , & que l'on prift pour Capitaines Alvarado de Saceron, & André de T a p i a , parce qu'il y avoit encore beaucoup de rancune entre plufieurs contre Alonfe de Eftrada & Albornoz, a ces CapitaiLes r e l é g u e z à caufe des defordres paffez, & ajoutant n o m m e n t eftra- nes G e o r g e d ' A l v a r a d o , ils accordèrent Eftrada & Alda & Albornoz b o r n o z , & les rendirent amis ; & tous les prièrent de les pour Gouverneurs. , n o m m e r pour Gouverneurs, ce qui fut fait, quoy que ce fuft un mauvais confeil. Gonçale de Salazar cependant qui n'ignoroit pas ce qui fe paffoit dans faint François, s'eftoit déjà préparé ; il avoit avec luy mille Caftillans, & avoit mis à l'emboucheure de fa rue douze pièces d'artillerie. G e o r g e d'Alvarado & les autres Capitaines firent fortir leurs gens qui eftoient quinze cens hommes: Ils les mirent aux deux coins d'une rue qui traverfoit. A n d r é de Tapia d i t , vouloit parler à Goncale de SaA n d r é d e T a p i a lazar fous fa bonne foy , & à d'autres Cavaliers qui eftoient parie a Salasar. avec luy , & l'alla trouver à cheval ; & dés le bout de la rue il luy dit ; Monfieur le Facteur , & vous autres qui eftes avec luy , foye-témoins que je ne defire que la paix ; & que quoy que vous m'ayez ruiné , je fuis fans paffion. Vous Facteur, avez dit, & me l'avez dit a moy mefme, que vous aviez un ordre du Confeil du Roy , pour tuer ou prendre le Gouverneur Fernand Cortés ; fi cela eft ainfi que vous ayez une lettre ou quelque inftruction du Roy , ou du Confeil qui vous autorife de le faire, faites-le paroiftre & nous vous Cuivrons tous ; & fi cela n'eft pays, pourquoy decevez vous tant de monde ; Et vous autres , Meneurs, fuifque vous avez fervy le Roy , donnez maintenant fujet à vos amis que nous priyons le Gouverneur qu'il prie le Roy de vous faire des recompenfes, & ne luy donnez pas fujet, lors qu'il viendra de vous mettre en pièces. Le Facteur luy r e p a r t i t , qu'il n'avoit point de lettre qui fift mention de cela ; mais que ce qu'il faifoit eftoit bienfait, qui fuivant cela il le mettrait en exécution, où il mourroit à la peine. Réponfe d u F a - André de T a p i a ne pou van fouffrir des paroles fi arrocteur à André gantes , piqua fon cheval vers le Facteur, difant Prenezde Tapia. le, Meffieurs , & ne foyez point traiftres comme luy. Alors


D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv. V I I I . 6 4 1 Gonçale de Salazar hauffa la main ,& tenant une m é c h e 1525. allumée,dit:Tay toy, ilfiu n e veux que je mete le feu. Et alors Louis de Gufman qui eftoit Capitaine de l'artillerie pour G o n ç a l e de Salazar, dit ; l'on remette l'artillerie à la maifon, & quelle nous donne à dos, & là nous nous fortifierons y ainfi l'artillerie eftant mile à couvert, il refta beaucoup de gens dehors, d o n t la plufpart fe mit du party de L a p l u f p a r t des Cortés, lequel fe voyant puiffant ,appella la C o m m u n e g e n s a b a n d o n qui s'affembla dans une mai fon , & receurent tous en- n e n t G o n ç a l e de S a l a z a r & femble pour Gouverneurs & Iuftice major, le Treforier p r e n n e n t l e p a r t Alonfe d'Eftrada, & le Maiftre des C o m p t e s Rodrigue t y d e Cortés. d'Albornoz ; à condition qu'ils donneroient à Alvaro de Saavedra la charge de Lieutenant du Gouverneur des ports de la Vera Cruz 6c de Guazacoalco ; à G e o r g e d'Alvarado la Lieutenance des Arcenaux ; & à André de Tapia la Capitainie generale, & l'office de Sergent Major. Apres que l'on eut fait un efcadron de tous ces gens, les Gouverneurs eftant au milieu, A n d r é de Tapia & G e o r g e d ' A l v a r a d o , a v e c un Greffier alloient devant pour faire publier l'election des G o u v e r n e u r s , & faire notifier les provifions que l'on venoit de dreffer ; mais ils aperceurent que le party contraire les vouloient tirer à coups d'arquebufe ; Ceux-cy voyant qu'il en faloit venir aux mains, attaquèrent un efcadron de piquiers qui eftoit à la porte , & tout le refte des gens entrèrent brufquement dans la maifon par cinq ou fix endroits. Il blefferent le Capitaine Tapia d'un coup de pierre ; mais G e o r g e d'Alvarado attaqua auffi-toft Gonçale Salazar, & le prit prifonnier ; & luy & Tapia empêchèrent q u e q u a n t i t é d'autres ne le tuaffent. Alvaro de Saavedra en défendit d'autres & les mira couvert ; ainfi ces mutins furent mis en déroute, & la populace fe fauva par la fuit e , l e s u n s par les feneftres , & les autres du mieux qu'ils pouvoient. Ils attachèrent Gonçale de Salazar à une c h a i n e , & le menèrent ainfi par les places 6c dans les G o n ç a l e d e S a l a z a r eft fait rues, afin que tout le monde le vift en cet équipage, & p r i f o n n i e r , & qu'il en receuft l'affront. Apres quoy ils firent une cage m i s d a n s u n e degroffes folives, dans laquelle ils le mirent ; enfuite de c a g e .

Gggg

iij


642 1525

Peralmindez eft auffi m i s das une cage.

H I S T O I RE

cela les nouveaux Gouverneurs entrèrent dans les maifons de Fernand C o r t é s . Eftrada parut entièrement contraire à G o n ç a l e de Salazar. Albornoz balança des deux coftez jufques à ce qu'il euft veu fi le F a d e u r auroit le deffus, & encore après qu'il eut efté vaincu il ne fe d é clara pas tout à fait contre luy, ufant de diffimulation ; & comme Peralmindez avoit plus d'amis que Gonçale d e S a l a z a r , on luy donna avis de tout ce qui fe paffoit à Guaxaca où il eftoit, & le mit auffi-toft en eftat de fecourir fon amy ; mais comme il fceut q u ' A n d r é de T a pia alloit pour le prendre il fe retira à Tlafcala , & fe mit dans une maifon où habitaient les Religieux de S. François ; d'où il fut enlevé, & mené a Mexique , & mis dans une cage proche de fon c o m p a g n o n ; ainfi les defordres de cette grandeVille furent appaifez ; où ils attendoient tous avec impatience le retour de Fernand Cortés.

C H A P I T R E

III.

Fernand Cortés découvre une nouvelle terre. Le confeil qu'il donne à François Hernandez de Cordouë. Hernado

de Saa-

v e d r a va

recon

n o i f t r e la &

en ufe

tement.

terre adroi-

A Près que Fernand C o r t é s eut dépefché Martin ADorantes, il commanda à H e r n a n d o de Saavedra d'aller avec t r e n t e hommes de cheval 6c autant de pied, reconnoiftre la terre. Il chemina t r e n t e - c i n q lieues dans une plaine de tres-bonne t e r r e , o ù il y avoit piufîeurs peuplades 6c abondance de vivres 5 6c fans avoir aucune conteftation contre les Indiens la plufpart fe déclarèrent amis des Chreftiens ; en quoy l'on peut voir que la douceur & la modeftie en ces rencontres fait beaucoup plus d'effet que d'ufer de violence. V i n g t Seigneurs le vinrent trouver & s'offrirent de rendre fervice à Fernand C o r t é s , & alloient & venoient tous les joursdans T r u x i l l o , en y portant des vivres en abondance, qu'ils donnoient & troquoient. Les Seigneurs de Chiapaxiva & de Papayeca , n'y vinrent pas ,ilsfe c o n t e n t è rent feulement d'y envoyer quelques-uns de leur part,


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.VIII.

643

Fernand Cortés les envoya prier plufieurs fois de le ve1525. nir trouver , leur d o n n a n t affeurance de leurs vies & de C o r t é s f a i t c e leurs biens, mais ils n'y voulurent jamais rien entendre-, q u ' i l p e u t p o u r & comme il eftoit prudent & induftrieux, il eut en fa p a c i f i e r l a t e r r e . poffeffion trois Seigneurs de Chiapaxiva appeliez C h i cueytl, P o t l o , & Medereto ; il leur fît mettre les fers aux pieds, & leur donna terme pour faire peupler leurs villages, & leur dit que s'ils ne le faifoient pas il les châtieroit. Ils firent auffi-toft venir tous leurs fujets, & furent aufïi- toft délivrez. Ceux de Papayeca ne voulurent pasobeïr. Il leur envoya une compagnie de Caftillans, de pied & de cheval & quantité d'Indiens qui furprirent de nuit Pizacura l'un des Seigneurs de la ville , & le prirent. Il dit à Cortés pour fa d é f e n c e , que s'il n'avoit pas o b e ï , c e n'eftoit pas fa f a u t e , parce que M a zatl qui eftoit plus puiffant que luy parmy cette C o m mune , l'en avoit e m p ê c h é -, mais que fi on le vouloit délivrer il donneroit l'invention de le prendre & de le p e n d r e , & qu'auffi-toft après la terre feroit en paix. Mais quoy que l'on euft délivré Pizacura , 6c que l'on eut pris Mazalt,la chofe n'alla pas comme on fe l'imaç i n o i t , parce qu'il ne voulut jamais c o m m a n d e r a fes vaffaux d'obeïr ; à caufe de quoy il fut pendu dans T r u xillo, & cela fut caufe qu'une grande partie de la terre P a r l a m o r t futafTujetie, il n'y eut que Papayeca, qui ne fut toute- dq 'uui n f u rC apcei nq ud eu fois plus en repos après que Pizacura fut délivré, par- c e t t e t e r r e f u t ce que l'on procéda à l'encontre de luy & de la ville ; p a c i f i é e . & fuivant cela on leur fit la guerre, après les avoir premièrement requis de vouloir entendre à la paix. L'on prift jufques à cent hômes qui furent faits efclaves, & Pi zacura fut pris une féconde fois ; & quoy qu'il euft efté c o n d a m n é à la mort ,la Sentence ne fut pas exécutée. Ils prirent encore un j e u n e h o m m e qui eftoit le véritable Seigneur , parce que Mazatl & Pizacura fous le nom de curateurs, en eftoient comme les ufurpateurs. D a n s ce mefme temps il arriva à Truxillo vingt C a ftillans, de ceux qu'avoit Gonçale de Sandoval dans N a c o , qui donnèrent avis à Cortés qu'il eftoit arrivé un


644 1525 L'on

a avis

qu'il

eft a r r i v é d e s de

Pedrarias

gés à

N i c o .

François Hernandez refout de quitter l'obeïffance qu'il doit à Pedranas.

H I S T O I R E

Capitaine avec quarante foldats, de la part de François Hernandez de C o r d o u ë , Lieutenant de Pedrarias D a v i la dans N i c a r a g u a , & qui alloit au P o r t ou Baye de faint A n d r é , où eftoit fituée la Ville de la N a t i v i t é de N ô t r e D a m e , pour chercher le Bachelier M o r e n o , qui avoit écrit à François Hernandez que les gens priffent poffeffionde la terre & du G o u v e r n e m e n t au nom de l'Audience de faint D o m i n i q u e , & non pour Pedrarias, lequel avoit déjà caufé quelque fujet de remuement entre les gens que François H e r n a n d e z avoit avec luy ; & pretendoient que le fifcal M o r e n o y alloit pour les appaifer, & montrer les ordres qu'il avoit en vertu defquels il agiffoit. C'eft pourquoy les luges de l'Efpagnolle , qui fçavoientbien que Gille G o n ç a l e z avoit découvert N i c a r a g u a , ne defiroient pas que Pedrarias l'occupaft. Et d'ailleurs comme ils voyoient que déjà François H e r nandez de Cordouë y eftoit eftably, ils jugeoient qu'il eftoit plus à propos qu'il le t i n f t a u nom de l'Audience. O r c o m m e François H e r n a n d e z de C o r d o ù e voyoit qu'il eftoit refpecté & obeï en diverfes p r o v i n c e s , & qu'il avoit quantité de foldats Caftillans, il luy fembloit qu'il eftoit plus à propos pour luy de ne dépendre que de l'Audience parce que le plus grand defir q u ' o n t eu tous les Capitaines qui ont g o u v e r n é dans les I n d e s , a efté d'eftre abfolus & de ne dépendre d'aucun autre C a pitaine ; de forte qu'il fit affemblef tous les principaux des p e u p l a d e s , & traita avec eux -, & quoy que quelques uns furent de fon opinion,les Capitaines François C o m pagnon , & H e r n a n d de Soto le c o n t e f t e r e n t , Se pour ce fujet il fit prendre S o t o , & le fit mettre dans la F o r t e refTe de G r e n a d e ; mais François C o m p a g n o n le tira de là avec douze Cavaliers, & fortirent tous bien armez à la c a m p a g n e , fans q u e François H e r n a n d e z fift aucun femblant de les a t t a q u e r , parce qu'il fçavoit bien qu'ils eftoient refolus de mourir ou de le tuer ; fi bien que ces deux Capitaines, avec leurs compagnons s'en allèrent à Panama , où ils arrivèrent après beaucoup de fatigue & d e t r a v a u x , ayant efté contraints de quitter Leurs chevaux


DES

INDES

OccIDENTALES,

Liv. VIII. 645

vaux pour encrer dans des canaux & paffer ; des bras de mer tres-dangereux. Pedrarias ayant appris ces nouvelles , refolut d'aller à N i c a r a g u a , tant pour châtier François H e r n a n d e z , que de l'apprehenfion qu'il avoit que Fernand Cortés eftant dans les Ybueras n'euft deffein de femettre dans Nicaragua. D a n s ce mefme temps il arriva à Truxillo certains Indiens de la Province de H u y e t l a , qui eft à foixante lieuës de l à , pour prier Cortés de les affilier contre certains Caftillans qui eftoient fur leurs t e r r e s , dont le Capitaine eftoit Gabriel de R o j a s , l'un de ceux que Pedrarias avoit envoyez avec François H e r n a n d e z de C o r doue. Cortés luy manda qu'il laiffaft cette terre en paix, & que s'il avoit captivé quelques Indiens qu'il leur donnaft, la liberté. Gabriel de Rojas obeït à ce c o m m a n d e ment , & paffa dans la valée de Vlancho ; d'où Cortés, ainfi qu'il fe dira cy après, luy envoya dire encore qu'il quittaft la terre ; lequel confiderant les differens qu'il y avoit parmy la nation Caftillane ; que la Province de N i c a r a g u a eftoit riche , & qu'elle eftoit auffi fort proche ; & d'autant que c'eftoit un h o m m e de c œ u r , & qu'il ne pouvoir demeurer oifif, il commança à fe préparer pour le voyage ; & il fit applanir le chemin par une terre fort afpre. C e t t e nouvelle vint a la connoiffance de P e d r a r i a s , qui luy donna fujet de preffer fon départ de P a n a m a , a p p r é h e n d a n t que Fernand Cortés, dont le nom & la réputation eftoient en c r é d i t , ne fe rendift maiftre de ce qu'il prétendait luy appartenir. Mais C o r tés difoit toujours qu'il n'afpiroit pas à cela ; mais feulem e n t p o u r appaifer le trouble qui eftoit parmy les C a ftillans, de crainte que ces altérations ne fuffent caufe de la perte de ce qui avoit tant c o û t é à gagner. P e u de temps après l'emprifonnement de G o n ç a l e de Salazar & du Vifiteur Peralmindez, les affaires de M e x i que eftant en quelque façon en r e p o s , certains ferviteurs & amis de ces deux prifonniers, concertèrent de tuer à certain jour n o m m é le Treforier Alonze d'Eftrada & le Maiftre des C o m p t e s R o d r i g u e d ' A l b o r n o z , & que Hhhh

1525. Pedrarias refout d'aller à Ni-

caragua.

Les

Indiens

prient C o r t é s de

les affifter côtre Gabriel de R o las.

Pedrarias ap. p r e h e n d e que Corrés n'occupe ce qui luy appartient.

L'on traire dans Mexique de tuer Eftrada & Albornoz.


646

1525.

Les

font

coniurez

pris &

cha-

ftiez.

L'on ftier

veut

cha-

alazar

&

Almindez, mais Albor déffent

or

les

H I S T O I R E

dans le mefme temps qu'ils exécuteraient leur deffein, les gardes les tiraffent de la prifon ; & comme Eftrada & Albornoz avoient les clefs des cages, & que i'entreprife ne fe pouvoir pas faire fans trouver une autre invention ; parce que de rompre les cages il eftoit impoffible auffi fans être découverts,car les folives dont elles étoient faites étoient fort groffés. Ils en parlerent à un certain G u z man qui faifoit des Verges d'arbalefte ; mais come il é t o i t aucunement allié de Fernand Cortés, il s'informa adroitement quels eftoient les conjurez , & combien ; il leur promit des limes, des clefs & des c r o c h e t s , quand ils voudroient, & il les pria de luy donner avis inceffamment de ce qui fe paffoit, attendu qu'il vouloir auffi eftre à la délivrance des prifoniers. Ceux cy donc fe confiant à luy , ailoient & venoient fouvent & luy communiquoientle fecret. Mais fi-toft qu'il creut eftre bien inf o r m é d e l a c h o f e , il découvrit tout à Eftrada & à Albornoz , & leur déclara les noms des complices. Ils mirent auffi- toft des efpions de tous coftez pour les obferver, & eftant éclaircis de la vérité , ils furent pris prifoniers, & après avoir confeffé le c r i m e , ils condamnèrent à la m o r t un Efcobar, parce qu'il en eftoit le principal a u t h e u r , lequel fut pendu. Ils couperent les mains à quelques-uns, & à d'autres les pieds 5 ils en condamnerent quelques-uns au f o u e t , & les autres furent bannis ; enfin ils furent tous c h â t i e z , & la Ville par ce moyen demeura en paix. Enfuite de ces châtimens l'on fit les pourfuites à l'encontre de ceux qui eftoient encagez pour les condamner à la m o r t , à caufe de plufieurs infolences qu'ils avoient commifes, & entr'autres pour la mort de Rodrigue de P a z , & pour avoir fait fouetter cette D a m e dont il a efté parié cy-devant, dont ils eftoient accufez. Et quoy qu'Alonfe d'Eftrada euft la volonté de le f a i r e , le Maiftre des Comptes Albornoz qui avoit du-refpect pour le Commandeur François de los Cobos, & que c'eftoitun h o m m e de confideration,l'en empefchoit ; ainfi ces deux perfonnes joüiffoient du Gouvernement de Mexique, ufant de libéralité envers leurs p a r e n s , leurs


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , LIV V I I I .

647

amis & leurs ferviteurs, au grand mefconcentement toutefois de ceux qui avoient autant de merite q u ' e u x , qui n e le fentoient pas de ces faveurs.

C H A P I T R E

1525.

VIL

Les ennemis de Cortés donnent au Roy de mauvaifes impreffions contre luy. il refoLat de retourner a Mexique. Qualitez de la Province de Truxïllo.

L

' O n avoit déjà eu des avis à la C o u r par piufieurs particuliers des troubles qu'il y avoit dans Mexique, ; chacun y écrivoit felon la paffion qu'il avoit ; & de tous les coftez des Indes chacun donnoit auffi des avis félon ce qu'il entendoit dire ; & comme il y avoit l o n g temps que l'on ne recevoir point de lettres de F e r n a n d C o r t é s , ny que l'on ne fongeoit pas aux grands travaux qu'il fouffroit, ainfi que nous l'avons fait voir cy devant, les ennemis eurent allez de matiere pour le calomnier. D'ailleurs, Eftrada & Albornoz ne fouhaitoient pas fon retour dans Mexique , parce qu'ils joüiffoient de c e t E m p i r e , & euffent efté fort aifes que cette domination euft d u r é . Mais les ennemis de Cortés infiftant fort par leurs mauvaifes informations au prés de l'Empereur pour luy en ofter le G o u v e r n e m e n t , il fut fur les termes de le faire ; & l'on traitade le donner à l'Admirai D i e g o C o lon , à deffein de le tirer de l ' I f t e Efpagnolle, à condition qu'il s'obligeât de lever mille foldats Caftillans p o u r la nouvelle Efpagne, à fes dépens. Mais la haute eftime que l'on avoit de Fernand Cortés , les grands fervices qu'il avoit r e n d u s , & l'authorité du D u c de Vejar, & du Prieur de S. Iean, D o n Iean de Z u n i g a en e m p ê c h è r e n t l'exécution , parce que l'on avoit déjà parlé de le marier avec fa nièce D o n a Iuana de Z u n i g a , fille du C o m t e d'Aguilar ; joint que le Roy vouloit encore a t t e n d r e de nouveaux avis pour l'en çalaircir davantage. Mais fur tout quand l'on venoit à confiderer qu'il eftoit puiffant;

H h h h ij

Les

ennemis

Cortés

le

de

calo-

mnient.

L'Empereur

a

deffein d'ofter

à

Cortés

le

G o u -

v e r n e m e n t de nouvelle gne.

!a

Efpa-


648

1525.

Diego Altamir a n o preffe Cortés de r e t o u r n e r à Mexique.

Cortés d'aller que

à

par

mala.

refout M e x i Guate-

H I S T O I R E

dans cette terre , Q u e les Indiens l'aimoient beaucoup & luy rendoient obeiffance, & que leur affiftance le rendoient puiffant ; qu'il avoit q u a n t i t é d'armes & d'artillerie ; Q u e la nation Caftillane le fuivroit en quelque occafion q u e ce fuft, & qu'il avoit de grands trefors, cela donnoit de l'inquiétude , & n'exemptoit pas de crainte ceux qui reconnoiffoient fon humeur p r o m p t e Se altiere pour tout entreprendre ; Q u o y que les penfées de F e r n a n d Cortés ,a i n f iqu'il les faifoit paroiftre eftoient bien contraires à ces imaginations. Mais quand il s'agit des maximes d'Eftat, les Princes font ordinairement jaloux ; & nonobftant toutes ces chofes l'on écoutoit attentivement toutes les relations qui venoient des Indes,& & cela tenoit tous les efprits en fufpens en a t t e n d a n t la refolution du Confeil. C o m m e Cortés preparoit toutes chofes pour fon voyage de Nicaragua, Frère Diego A l t a m i r a n o , de l ' O r d r e de S. François, fon coufin, h o m m e de beaucoup de considération , arriva à Truxillo , qui luy dit qu'il le venoit quérir pour aller à Mexique pour remédier aux defordres qui s'y commettoient. Il luy rendit c o m p t e de tout ce qui s'y eftoit paffé , & comme lean de la Pena eftoit allé en Caftille par l'ordre de Gonçale Salazar & de C h i r i n o s , avec des lettres qu'ils envoyoient au C o m m a n d e u r François de los Cobos de qui ils depend o i e n t , Se q u a n t i t é d'argent pour l'Empereur ; Ces nouvclleres augmentèrent encore les inquiétudes de C o r t é s , qui luy firent bien reconnoiftre le mal qu'une fi longue abfence de Mexique avoit apporté à fes affaires, & qui avoit don né lieu & occafion à fes ennemis d'informer contre luy,& particulièrement pour avoir efté un fi long-remps fans avoir écrit aucune c h o f e au R o y . Il propofa donc de partir auffi-toft , & de laiffer Altamiran o dans Nicaragua ; & ordonna que ceux qui travailloient à ce c h e m i n , ceffaffent & allaffent accommoder celuy de Guatemala ; & envoya des Meffagers par t o u tesles villes qui eftoient fur cette r o u t e , pour les advertir qu'il y alloit paffer, & les prioit tous qu'ils tinffent


Liv. VIII 6 4 9 les paffages ouverts & provifion de vivres, ce qu ils Fai1524. foient de bon c œ u r ; parce qu'ils fe réjoüiffoient tous que C o r t é s paffaft par leurs terres. C o m m e les chemins furent préparez jufques à la Valée de Vlancho, afin que les affaires de cette valée fufient accommodées, il y envoyé G o n ç a l e de Sandoval avec quelques troupes contre le Capitaine Gabriel Rojas (car il avoit eu avis qu'il y eftoit entré ) afin de l'en chafTer, d'autant qu'il pretendoit que cette valée n'eftoit pas du Gouvern e m e n t de Nicaragua. Mais Gonçale de Sandoval s'en r e t o u r n a fans rien faire, parce que Gabriel de Rojas D e Roias refifts eftoit refout de bien deffendre ce pofte, d o n t Cortés fut vc oa ln, t r e S a n d o fort fâché , & en fit un grand reproche à Sandoval ; mais il s'exeufa de ce que les forces qu'il avoit n'eftoient pas battantes de pouvoir refifter à celles de Gabriel de Rojas. Fernand Cortés par l'importunité de F r è r e D i e g o A l t a m i r a n o , refolut enfin de quitter le chemin de terre, attendu qu'il eftoit beaucoup plus long-, pour prendre celuy d e m e r ; & tout d'un temps par le confeil du mefme Religieux l'on commença à le traiter de Seigneur, & permit que l'on ufaft envers luy de tapis de de daiz,& que l'on le fervift avec cérémonie ; parce qu'il difoit que pour ne s'eftre pas fait refpecter comme G o u v e r n e u r , & p o u r avoir vécu avec trop de franchife , on ne luy avoit pas p o r t é les refpects qui luy eftoient deubs. Il arriva dans ce mefme temps à Truxillo certains Indiens d'vtila, & des autres Ifles que l'on appelle delosGuanajos , qui font L e s I f l e s d e Gua entre Puerto de Cavallos , de Puerto de Honduras , quoy n a i o s o ù f i t u é qu'un peu détournée de la cofte ; pour demander à C o r tés un Chaftelain pour chacune de ces Ifles, difant qu'ils vivroient en a f f e r a n c e c o n t r e ceux qui les venoient à tous momens piller ; & luy rendirent grâces de ce qu'ayant armé dans C u b a & dans l a m a y c a , quelques navires avoient efté captiver des Indiens de leurs Ifles pour travailler aux mines, & dans les lieux o ù l'on faifoit le fucre , p o u r garder les t r o u p e a u x , & autres femblables emplois. C o r t é s ayant eu la connoiffance de cela. H h h h iij DES

INDES

OCCIDENTALES;


1525. Cortés

ordonna

que

ceux

Guanajos foient

de ne

pas

mal-

traitez.

Sandoval

de

meure pour

Ca-

p i t a i n e dâs T r u xillo.

Hernandez

de

C o r d o u ë veut

o-

beïr

à

Cortés.

650 Histoire envoya une caravelle bien armée , pour prier le Capitaine qui s'appelloit Rodrigue de Merlo , de ne pas maltraiter ces miferables, & qu'il les laiffaft vivre en paix, & que s'il ne le vouloit pas faire pour quelques raifons, que du moins il empefehaft que l'on ne leur fift point de violence. Le Capitaine Merlo fit ce que Cortés luy manda, & le vint trouver à Truxillo où il eftoit , & fe logea m é me dans Truxillo ; fi bien que par ce moyen là ces miferables demeurerent libres , dont ils rendirent alors mille grâces à C o r t e s . lit quant aux Chaftelains qu'ils demandoient pour leur feureté , on ne leur peut pas donner ce c o n t e n t e m e n t alors, mais on leur donna des lettres de r e c o m m a n d a t i o n , de C o r t é s commanda à H e r nando de Saavedra, qu'il laiffoit pour Capitaine dans Truxillo , qu'il protégeaft ces g e n s , & que fi-toft que la guerre de Papayca feroit achevée il leur donnaft ce qu'ils demandoient. Et parce que frère D i e g o Altamirano preffoit f o r t , il fit faire diligence pour aprefter les navires pour fon voyage, attendu qu'il n'y avoit point de temps à perdre. C o m m e ils eftoient furies termes de faire voile pour Mexique , l'on a p p o r t a u n e lettre à C o r t é s de la part de Francifco H e r n a n d e z de C o r d o u ë , qui luy donnoit avis que le fifcal Moreno eftant party , cela luy faifoit appréhender Pedrarias Davila, & qu'à caufe de cela il fe rangeoitfous fon obeïffance, le priant de le vouloir recevoir ; veu que d'ailleurs comme il eftoit fort éloigné du lieu où eftoit Pedrarias, les Caftillans qu'il avoit avec luy ne pouvoient pas tirer des provifions & de beaucoup de chofes qu'ils avoient befoin , d o n t ils fouffroient de grandes neceffitez ; & que pour les Ports de H o n d u r a s qui eftoient de fon G o u v e r n e m e n t , ils en pourroient tirer des commoditez bien plus facilement, puifqu'ils eftoient plus proches. O r H e r n a n d e z de C o r d o u ë prioit C o r t é s avec beaucoup d'inftance de le recevoir en fa protection ; parce qu'il apprehendoit ce qui arriva depuis. Mais comme Cortés eftoit déjà fort avancé pour ion voyage de M e x i q u e , il luy fit vefponfe qu'il


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.

VIII.

651

obeïft. à Pedrarias comme il y eftoit o b l i g é , & qu'il or1525. donnerait par tous les vilages des environs de luy fournir de tout ce qu'il auroit à faire, & que l'on vecuft & trafiquaft avec fes gens en tonte amitié & bonne intelligence. Et d'autant que ce qui luy eftoit le plus neceffaire eftoient les fers à c h e v a l , & autres ferremens pour les mines, il leur en envoya deux c h a r g e s , & ordonna à Gonçale de Sandoval de luy en envoyer autant de N a c o . N o u s avons deja dit cy devant que ce fut l'Admirai Chriftofle le Colon qui auoit découvert les trois cens foixante & dix lieuës qu'il y a depuis la grande rivière de las Ybueras jufques à N o m b r e de Dios dés l'an mil cinq cens d e u x , dans le deffein de trouver le D é t r o i t pour paffer à la mer du S u d , & qu'il appella Port de Caf mas , ce que l'on appelle maintenant Hondutas,où François de las Calais peupla Truxillo au milieu de deux rivieres de bonne eau , & remplies de poiffon dans une terre o ù l'hyver & l'efté font fort tempérez. C e t t e Province eft fertile & abondante en vivres, en cire & en miel ; toutes fortes de troupeaux y multiplient b e a u c o u p , & S i t u a t i o n de la les beftes à corne particulièrement y font en plus grand ville de T r u x i l l o , nombre qu'en Caftille. Les treilles produifent deux fois l'année ; ce que fait auffi le b l e d , quoy que la feconde ne foit pas fi ample que la première ; & fi-toft que l'on a v a n d a n g é , & que l'on a cueilly tout le raifin , la vigne pouffe le bourgeon huit jours-apres, de forte qu'elle p r o duit fon fécond fruit en m a t u r i t é vers la N a t i v i t é du Sauveur. Les limons, les oranges & autres fruits y viennent en fi grande abondance que les Caftillans s'en trouvent auffi bien régalez que s'ils eftoient en Caftille ou en E l l e eft f o r t a b o quelque autre Province du m o n d e , ce mefme jufques au d a n t e e n v i v r e s . fucre , à la caffe & autres chofes femblables y croiffent à merveille. Les originaires de cette terre ne fe fervoient point d'argent ny d'or, quoy qu'ils euffent de riches m i n e s , parce qu'ils ne faifoient point d'eftat de ces métaux. Ils vivoient comme ceux de Mexique , & fe vefloient comme ceux de Caftilla del Oro , & participoient


6 5 2 1525. R e l i g i o n & cout u m e s de ceux de T t u x i l l o .

H i s T o i r e

des couftumes ne N i c a r a g u a . Les peuples font adonnez à la menterie, & font amis de nouveautez , & adonnez à la faineantife ; quoy que d'ailleurs ils foient fort obeïffans à leurs maiftres , & moins adonnez au vice de la chair. Ils n'époufoient q u ' u n e feule femme ; mais les Seigneurs en époufoient autant que bon leur fembloit. L e divorce eftoit facile entr'eux. Ils eftoient grands I d o l a t r e s , mais ils font maintenant tous Chreftiens. N o u s dirons cy-apres plus particulièrement tout ce qui fe peut dire de cette Province.

C H A P I T R E

VIII.

Du voyage du Pilote Eftienne Gomez ; & de celuy que firent les navires du Licencié Ayllon à Chicora.

A Opinion fieurs voir

de plu-

qu'il

y

a-

un

Détroit

au N o n

c o m m e

au

Sud.

près que le Pilote Eftienne G o m e z fe fut débaraffé de l'affemblée de Badajoz , il s'occupa e n t i e r e m e n t à équiper la caravelle que l'on avoit o r d o n n é de fréter pour le voyage qu'il alloit faire pour la découverte du D é t r o i t qu'il s'eftoit offert de trouver vers la partie du N o r t pour paffer au Catay ; parce que plufieurs affirmoicnt qu'il y en avoit un ; & que comme il s'en eftoit trouvé un au Sud , il faloit de neceffité qu'il y en euft un autre au N o r t . Et ce fut le principal motif qu'eut le premier Admirai pour fe perfuader la mefme chofe, & qui femit en devoir de le chercher avec t a n t de travaux le long de la cofte de Veragua ; & comme il a efté dit cyd e v a n t , il affeura qu'il y en avoit un en ce lieu , mais de t e r r e , qui eft la traverie de N o m b r e de Dios à P a n a m a . Pour cette mefme raifon, Fernand C o r t é s , Gille G o n zalez D a v i l a , & d'autres avoient fait leurs diligences, pour le chercher ; & déjà l'on fçavoit bien par expérience que depuis le Golfe d'Vraba jufques à la F l o r i d e , il n'y avoit point de femblable détroit. Mais enfin Eftienne G o m e z partit à deffein de monter vers le N o r t , & rode p a r toute cette cofte jufques à la F l o r i d e , & un grand


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. V I I I .

653

grand efpace de terre au delà, ce que pas un n a v i r e C a ftillan n'avoir point encore fait jufques-là ; quoy que Sebaftien G a b o t o , Iean Verano,& autres y euffent navigé. Eftiemie G o m e z prit autant d'Indiens qu'il en pût tenir dans fa caravelle, & les mena en Caftille contre les ordres du Roy, & fans avoir paffé par le Catay. Il traverfa depuis la Floride jufques à l'ifle de C u b a , & alla aborder au p o r t de Santiago, o u il fe rafraichit, & fut régalé par André de D u e r o ; dont le R o y luy fit témoigner que cette réception luy avoit efté fort agréable. Il revint en Caftille & vint furgir dans la Coruna dix mois après qu'il fut forty de ce port. En entrant dans ce Port il dit qu'il amenoit des Efclaves ; & comme ce mot d'Efclavos fe termine par clavos, qui veut dire d o u x , un habitant de cette ville n'ayant pas prix garde aux trois premières lettres s'imagina qu'il avoit dit qu'il a p p o r t o i t du clou, que nous appellons de girofle , qui eftoit ce qu'Eftienne G o m e z avoit promis d'apporter du Levant, & que l'on defiroit paffionément dans cette Ville, afin de foire habiliter la maifon de Contraction que l'on y avoit eftablie, pour mieux faciliter le commerce des provinces Septentrionales. Sur ce faux entendu cet H a b i t a n t prit la pofte & alla demander au Roy quelque largeffe pour la b o n n e nouvelle qu'il apportoit ; lequel fut fort bien receu ; mais cette nouvelle apporta bien dequoy rire lors que l'on reconnut l'erreur , dont le Courier fut bien eftonné, comme François Lopez de G o m a r e le raconte. Si bien que jufques alors l'on fut hors d'efperance de trouver le décroit de mer vers la partie du N o r t . Le Licencié Lucas Vafquez d'Ayllon s'eftant d é b a raffé des affaires qu'il avoit fur les b r a s , fuivant la diligence qu'il y apportoit afin d'aller à fa d é c o u v e r t e , fous l'efperance qu'il avoit de fe faire riche par plufieurs raifons ; Et comme l'on fçavoit d é j a q u e fa Floride eftoit terre ferme , il arma deux navires dans la ville de fanto D o m i n g o , & les envoya fous efperance d'y envoyer de plus grandes forces au cas que ce voyage reuffift. Il leur ordonna de p e u p l e r , & qu'ils donnaffent avis de ce qui liii

1525.

Eftienne

G o -

mez arrive à Cuba-

Il revient à

la

Corugna.

Lucas

Vafquez

e n v o y é à la ride.

Flo-


654 1525

Iean Ortiz

de

Alatienço

pré-

t e n d q u e la d é couverte Chicora

de luy

a-

partient.

Lucas

va

au

fainte

Vafquez C a p

de

Hélène.

H I S T O I R E

fe pafferoit. Ils retournèrent en bref, & dirent qu'ils avoient découvert des terres qui avoient très b o n n e a p parence ; & entr'autres quelques - unes qui fembloienc produire de l'or & de l'argent, quelques perles, & autres chofes de peu de valeur. A caufe dequoy il déclara que pour mieux accomplir la capitulation , il vouloit armer encore un navire outre les deux, & aller faire cette découverte en perfonne. Mais le Licencié Iean Ortis d e Matinenço. Auditeur de la mefme Audience ,d i t ,: Q u e cette t e r r e où il penfoit aller luy a p p a r t e n o i t , à caufe qu'un fien navire l'avoit découverte ; parce qu'alors les Auditeurs armoient pour aller en découverte , & pour faire quelqu'autre trafic que ce fut fans aucune crainte d'encourir le blafme d'eftre appeliez parcifans- & que lors que le Licencié Lucas Vafquez avoit impetré cette permiffion du R o y , il ne luy avoit pas fait entendre comme les chofes alloient : mais que pour luy il avoit rendu c o m p t e au Roy de fon v o y a g e , qui fut l'année paffée 1 5 2 4 . E t fur cela il envoya commiffion au Licencié L e b r o n , qui eftoit auffi Auditeur de cette A u d i e n c e , pour a c c o m m o d e r ce différent ; & qu'au cas qu'il ne le p e u t faire il déclarait ce qui feroit de luftice Mais enfin comme le Licencié d'Ayllon arma trois navires, & arriva au Cap de fainte H é l è n e , a cent lieues plus au N o r t de la F l o r i d e , o ù eftoit une peuplade appellée O r i z t a , que les Caftillans nommerent Chicora ; & une autre qui n'en eftoit pas fort éloignée que l'on appelloit Gualè, qu'ils n o m m e r e n t Gualdàpe. Ils trouverent en ce lieu là la rivière I o r d a n , à laquelle le Pilote d'un navire qui la découvrit d o n n a fon nom , comme il arriva au Cap d e fainte H é l è n e , à caufe qu'il qu'il fut découvert à pareil jour. Lucas Vafquez perdit dans cette rivière l'un de fes navires ; c o n t i n u a n t fon entreprife avec les deux autres il defcendit deux cens hommes à terre ; lefquefs eftant gouvernez pluftoft par l'avarice de celuy qui les vouloit eftablir,que par la difcipline d'un expérimenté & prudent C a p i t a i n e , ils furent mis en d é r o u t e & tuez par les Indiens ; parce que ny luy ne les pouvoit pas gou-


DES

INDES

OccIDENTALES

Liv. V I I I .

655

verner en ce r e n c o n t r e , ny eux l'obeïr. Les autres qui 1525. eftoient auffi fortis à terre furent la plufpart bleffez, & les autres épouvantez s'embarquèrent, & s'en r e t o u r n è r e n t à fanto D o m i n g o . L ' o n tient que Lucas Vafquez I l m e u r t e n l i mourut en ce lieu, quoy que d'autres difent qu'il retour- t e r r e d e C h i c o n a à fanto D o m i n g o tous b l e f f é qu'il eftoit ; & ce fut rpae uqpul e' irl . a l l o i t auffi en ce lieu que finit Fentreprife de cet ambitieux qui t r o y o i t trouver les richeffes d e la nouvelle Efpagne. L'on ne vit pas davantage alors dans cette terre que ces deux peuplades, mais l'on y apprit par la grandeur de la t e r r e que l'on ne devoir plus entrer en doute que ce ne fût terre ferme,& qu'elle eftoit jointe avec la nouvelle Efpagne, parce que jufques alors l'on avoit c r û que ces terres eftoient Ifles. L'on fe promettoit de grands t r e fors de cette terre, mais le mauvais fuccés de Lucas Vafquez les priva en quelque façon de cette efperace ; parce que tous ceux qui furent en cette découverte fouffrirent de grandes miféres, fans en avoir apporté aucun o r , n y argent ; ils apportèrent feulement quelques perles qui fe trouvent dans des conques marines, qu'ils ouvrent au feu pour manger le poiffon- & fi peu d'or qu'ils apportèrent ils ne le trouvèrent pas en c e t t e t e r r e , i l venoit de foixante lieues de là plus avant dans le N o r t , des peuplades appellées Otapales, & Olagatanos, o ù l'on tient qu'il y a des mines d'or, d'argent, 6c de cuivre.

C H A P I T R E l'Adelantado

IX.

Baftidas va à fanta Marta. Ce qui luy arriva en ce lieu ; Sa mort,

'Adelantado Baftidas ayant mis fon armée en eftat partit du port de faint Dominique,ayant avec luy pour Lieutenant Pedro de Villafuerte natif d'Ezija. Comme il fut arrivé à fanta Marta il defcendit à terre, nomma des luges&des Directeurs ; il fit en forte de faire amitié, avec les Indiens de Gayra qui eftoient à une lieuë Iiii ij

L

Baftidas

defcée

à terre

à fanta,

Marta

pour,

peupler.


656 1525.

C o n j u t a t i o n de Villafuerte contre Baftidas.

Palomino défend Baftidas c o n t r e les c o n jurez.

H I S T O I R E

ou plus du lieu qu'il prit. Il alla à B o n d a , à fix lieues de fanta Marra, entre la ville & Bondiga, & revint auffi toft fur fes pas avec une bonne quantité d'or. E t dautant que les foldats vouloient que cet or fuit partagé entreeux, & qu'il difoit qu'il eftoit jufte de payer premièrement les frais de l'armée qui les avoit amenez-la 5 le Capitaine Villafuerte qui avoit l'ambition d'occuper ce Gouvernement prenant occafion du m é c o n t e n t e m e n t des foldats, & s'imaginant d'eftre fort aimé d'eux, fit une conjuration avec Montefinos de Lebrija, Montalvo de Guadalajara, les Porras de Seville, Serva, & Samaniego ; & comme l'Adelanrado eftoit dans le lit, ces conjurez e n t r è r e n t , & Villafuerte luy donna des coups de poignard. C o m m e il fe fentit frappé il fejetta du lit en bas, & feignit eftre mort pour en éviter le péril ; fi bien q u e les conjurez penfant qu'il fuft m o r t en effet , le laifferent-là , bleffe feulement. C o m m e il fe vit feul, il s'écria, & il y accourut auffi toft des gens , & entre autres Rodrigue Alvarez Palomino , qui avoit efté foldat dans Mexique, qui eut cette action en horreur. Mais les conjurez ayant appris que le Gouverneur n'eftoit pas mort retournèrent pour le tuer. Palomino qui tenoit une é p é e à deux mains leur défendit l'entrée, quoy que Villafuerte dift par diffimulation qu'il vouloit tuer celuy qui avoit fi mal-traité fon père ( car il l'appelloit ainfi & le Gouverneur l'appelloit auffi fon fils ) & s'efforçoit. toujours d'entrer : Mais Palomino reprelentant toujours l'enormité de cet attentat devant les conjurez , s'addreffant plus particulièrement à Villafuerte qu'aux autres, ils fe dirent des paroles t o u c h a n t e s , & Villafuerte dit à Palomino qu'il fortift de là, & qu'il avoit envie de mefurer fon épée avec la fienne , attendu qu'il l'avoit appelle traître. Palomino luy fit réponfe qu'il luy donneroit ce c o n t e n t e m e n t là en toute autre occafion- mais que pour lors il vouloit défendre cette porte contre luy & contre tout autre qui voudroit perfifter à continuer cette trahifon qui avoit efté commencée. Villafuerte voyant cela s'en alla à fa maifon,où il arriva q u a n t i t é de gens.


DES I N D E S

OCCIDENTALEs,

Liv. V I I .

657

Cette action ayant caufé du t r o u b l e , & Baftides ayant 1 5 2 5 . apris comme le tout s'eftoit patte , donna la baguette de la Iuftice à Palomino, & l'appellafon fils,& ordonna que I o n luy obeïft, & que l'on le reconnût pour fon Lieutenant & Capitaine gênerail ; d'où naquirent de nouveaux t r o u b l e s , Villafuerte & Palomino voulant gouverner les foldats félon la qualité qu'ils avoient. Mais Villafucrte reconnoittant que fa caufe n'eftoit pas bonne, quitta le gros & emmena ceux qui le voulurent fuivre. Il s'en alla dans la valée d ' V p a r , & paffa autravers'de V i l l a f u e r t e q u i , quantité de montagnes & de valées, parmy des gens bel- t e l ' a r m é e . liqueuxj 6c publia par tout que les Chreftiens qui étoient reftez dans fanta Marta eftoient des m é d i a n s , & ennem i s des Indiens ; mais cela ne luy profita pas de beaucoup , parce qu'il fut toûjours mal traité, avec perte de fes gens ; & fe voyant un oeil crevé d'un coup de Macana, il refolut de retourner à la mer pour voir s'il ne rencontreroir point quelque navire dans lequel il fepût embarquer. Il arriva à la Ramada, à trente lieues de fanta M a r t a vers la partie du Levant, où il rencontra un jeune garçon Caftillan qui avoit efté envoyé ià par l'ordre du Gouverneur parmy les Indiens pour apprendre la langue ; & celuy- cy fut caufe que l'on le receut en paix ; & comme il vit qu'il ne fçavoit plus de quel cofté tourner, il refolut de retourner à fanta Marta fe remettre entre les mains du Gouverneur ou de fon Lieutenant, Cependant l'Adelantado voyant que fes gens ne luy L ' A d e l a n t a d o vouloient pas beaucoup de bien , & que les remèdes luy Baftidas m e u r t à fanto D o manquoient pour fe faire penfer, dit qu'il s'en vouloir m i n g o . aller à fanto Domingo , dont ils furent tous tellement j o y e u x , qu'ils luy préparèrent anffi-toft le navire ; & d'ailleurs les foldats eftoient prefts de fe mutiner ; & difoient que s'il ne s'en alloit, qu'eux mefmes s'en iroient ; Palomino eft ainfi il alla aborder à Cuba, o ù il mourut faute d'eftre fait G o u v e r n e u r penfé. C o m m e il fut fur les termes de partir , les foldats d e f a n t a M a r t a . éleurent Rodrigue Alvarez Palomino pour Gouverneur, ayant pour Capitaines Antoine Ponce de Carriou, Gonçale de Bides, & Carrança. La première chofe que I i i i iij


1525.

P a l o m i n o & Ba dillo

conteftent

p o u r le

Gouver-

n e m e n t

defan-

ta

Marta.

Hernand

Baez

Portugais

eft

pendu.

Palomino

veut

empêcher

B a

dillo de defeend r e a terre.

Ils partagent

le

Gouvernement entre

eux deux.

658 H I STO I RE fît le G o u v e r n e u r , fut d'envoyer prifonniers â l'Efpagnole Viilafuerte & P o r r a s , comme les plus coupables de l'attentat commis en la perfonne de l'Adelantado, o ù ils payèrent de leurs perfonnes le crime qu'ils avoient c o m m i s , c a r ils furent pendus. L'Audiance de l'Efpagnole donna ce Gouvernement à Pierre de Badillo en attendant que le Roy y euft pourveu. Ce Gouverneur équipa trois n a v i r e s , & s'y embarqua avec deux cens foldats, & prit pour Lieutenant Pierre d'Heredia natif de Madrid. Eftant arrive à fanta M a r t a , Rodrigue Alvarez P a l o m i n o , à la fufcitation de fes g e n s , defquels, comme vaillant Capitaine, & libéral, il eftoit fort aimé, fe mit en armes ; & Pierre d'Heredia , fe confiant en l'amitié qu'il luy avoit toujours fait paroiftre depuis Mexique, s'avança pour traiter avec l u y , en intention de le tuer, au cas qu'il fut favorifé des foldats, & traita avec H e r n a n Baez Portugais, Capitaine de quelques foldats de Palomino pour l'exécuter. Mais les foldats mieux intentionnez qu'il ne croyoit ne voulurent rien cacher à Palomino, qui prit le Capitaine P o r t u g a i s , & le fit pen d r e . Heredia voyant cela s'en retourna aux vaffeaux qui pafferent à Gayra la robada, de l'autre cofté de la Ramada. Rodrigue Alvarez Palomino le fuivit avec fes gens, en bon ordre, bien refolus de le maintenir en cette charge ; il bien que l'armée chemina le long de la cofte, pour empêcher qu'il ne fift defcendre quelques gens à terre ; parce qu'il difoit eftre le Subftitut du légitime Gouverneur, & qu'il avoit efté h o n o r é de cette charge, jufques à ce q u e le R o y en e u t ordonné a u t r e m e n t . Mais Badillo voyant qu'il n'y avoit point de remède à cela , defcendit un Preftre à terre lequel s'eft joint avecun Religieux de la Mercy, de fanta Marta ; & après avoir confulté enfemble, ils jugèrent à propos que R o drigue Alvarez Palomino & Pierre de Badillo poffederoient conjointement le G o u v e r n e m e n t , dont Palomino demeura d'accord , aimant mieux céder la moitié d e fon droit que d'aller contre l'ordre de l'Audience d e l'Efpagnole; & ainft ils partagèrent le gafteau entr'eux


DES INDES O C C I D E N T À L E S , L i v .

VIII 659

d e u x , & s'en retournerenc à fanta M a r t a . Ces deux Gouverneurs s'occupèrent à continuer la pacification de la t e r r e , que Palomino avoit c o m m e n c é avec beaucoup d'induftrie & de valeur, & comme il eftoit expérimenté à la g u e r r e , vaillant & prudent t o u t enfemble , il trouva à propos de faire une courfe dans le p a ï s , & d'y entrer le plus avant qu'il p o u r r o i t , & mefme d'ailer jufques à la rivière du Sud. C o m m e il fut fur le p o i n t d é p a r t i r , on luy donna avis que deux fiens coufîns eftoient arrivez en cette t e r r e , & qu'ils feroient auprès de luy dans fix jours ; c'eft pourquoy il dit a Pedro Badillo qu'il allaft toujours devant avec tous les foldats, & qu'il laiffât feulement avec luy 4 0 . hommes de pied Se quinze de cheval. Ces coufins eftant arrivez, il les laiffa dans Santa Marta , & fuivit Pedro Badillo ; puis cheminant toujours la pluye fur le d o s , il alla dormir dans la peuplade;de Marova fur le chemin de la Ramada. Le lendemain il parut tout en c o l è r e , parce qu'on l'avoit averty que Pedro de Badillo & Pedro d'Heredia , & quelques autres avoient deffein de le tuer : à caufe dequoy il d i t , qu'il efperoit de faire en forte que le R o y reconnoiftroit ceux qui luy rendroient plus de fervice. Puis eftant arrivé à la rivière, qui a porté fon nom, & qtft eft rapide à caufe qu'elle defcend de la Sierra Nevada, 6c qui s'eftoitauffi beaucoup plus accrue cette fois l à , à caufe des pluyes des jours precedens ; il fe jetta dans l'eau avec fon cheval, armé comme il eftoit d'ordinaire,, parce qu'il cheminoit toujours des premiers dans toutes les occafions quelques perilleufes qu'elles fuffent. Quelques foldats le fuivirent, & comme ils alloient nageant, les mariniers luy crièrent qu'il retournaft , mais il n'en voulut rien faire, & fon cheval fe plongea dans l'eau, puis il revint fur l'eau, & ceux qui l'avoient fuivi firent la mefme chofe. Il envoya un foldat qui paffa à n a g e pour luy amener quelques canos qui eftoient de l'autre c o f t é , mais comme il tardoit trop il fe defarma & monta fur Ion cheval, & fè trouva auffi toft au milieu de la riv i è r e , mais comme le cheval n e n a g e o i t pas bien, il en-

1525.

L'on

avertie

Palomino veut

qu'o-

tuer,


660

H I S T O I R E

fonça & ne parut plus depuis. A caufe dequoy cette rivière fut appellée el rio de Palomino. L'on creut que Palomino fe noye dans une quelques cocodrilles l'avoient d é v o r é , comme d'autres, liviere qui a car cela arrivoit le plus fouvent lors que l'on ne s'en donf o r t e depuis fon n o m . noit pas de garde. Lors que Pedro de Badillo paffa, les foldats pafférent dans des canos, & il atteignit le Gouverneur dans las Ramadas. Ils pafferent à O r i n o , où l'on partagea l'or que l'on avoit t r o u v é , dont il en écheut à chaque foidat trente trois poids. ils pafférent la valée d ' E u p a r i , en retournant vers le P o n a n t , & comme ils furent arrivez en un endroit à deux lieues de Zazaro , & dans la négligence ils découvrirent deux grands efçadrons d'Indiens,grands de corps & bien armez ; & comme on leur eut demandé ce qu'ils vouloient , ils repondirent qu'ils vouloient parler au Seigneur. Heredia envoya dire au Gouverneur qu'il deinandoit à parler à luy ; mais il luy manda de dire que luy mefme eftoit le Seigneur ; fi bien que Heredia leur dit qu'ils declaraffent ce qu'ils avoient deffein de dire. Ils firent réponfe qu'ils vouloient paffer outre , mais comme l'on eut appris que leur deffein eftoit de paffer un efcadron d'un cofte & d'enfermer les Caftillans au mipedro d'Heredia combat lieu ; l'on fejetta fur e u x , & combattant vaillamment il contre les en fut tué quantité , le refte eftant en déroute fe fauva au In liens & les plus vifte dans les montagnes. Pedro de Badillo confimet en déioute. derant que ces gens eftoient belliqueux , voulut prendre l'avis des foldats, fçavoir fi l'on pafferoit o u t r e , ou fi l'on retourneroit ; & quoy que la plus-part defiroient continuer leur courfe , le Gouverneur jugea à propos de ne le pas faire , ainfi ils retournèrent en bref à & Ramada. 1525.

CHAPITRE


DEs INDES

O C C I D E N T A L E S ,

Liv.

VIII.

661

1525.

C H A P I T R E

X.

L'on déclare les Caribes pour efclaves, & l'on ordonne que les Indiens des ifles foient mis en liberté. L' Empereur donne avis aux Indes de fon mariage.

L

'Evefque d ' O f m a , frère Garcia de Loay fa Préfixant du Confeil des Indes, perfonne docte & zélé L'Evefque d'Or pour décharge de la confcience de l'Empereur , qui ma Prefident du fair diluyavoir recommandé fur tout d'avoir le foin d'exami- Confeil ligence fur la liner & refoudre ce qui eftoit neceffaire fur la liberté des berté des l n d i é s Indiens ; faifoit de grandes diligences à recevoir les informations de diverfes perfonnes de fcience & de confcience. Apres donc qu'il eut receu leurs avis ,& des plus verfez en la pratique des Indes ; & veu la refolution prife fur ce fujet en l'an 0 4 . par laquelle les Indiens Caribes furent déclarez pour Efclaves, à caufe de leurs péchez de Sodomie, d ' l d o i a t r i e , & de mangeurs de chair humaine ; jointes aux déclarations que le Licencié R o d r i gue de Figueroa fit, touchant ceux qui eftoient Caribes ce ceux qui ne l'eftoient pas ; Et confiderant d'ailleurs que depuis que les Indiens eurent defolé les Monafteres de Cutnanà , l'on avoit fait plufieurs efclaves, fans leur ordonner aucune peine ny châtiment ; d ' o ù il arrivoit quantité de plaintes de tous coftez, qui rendoient encore cette affaire plus odieufe , nonobftant que Frère T h o mas O r t i z & d'autres Religieux de l ' O r d r e faint D o m i nique & de faint F r a n ç o i s , eftoient tous portez pour la fervitude d e ces I n d i e n s , ce qu'il n'eftoit pas du fentiment qu'ils par laffent de leur liberté : mais qu'ayant paru un avis conforme à cela, figné de Frère Pierre de C o r Sentiment de douë de l ' O r d r e de faint Dominique ,l'Evefque d'Ofma Frère Pierre de voulut que Frere T h o m a s d'Ortiz déclarait au Confeil Cordoue fur ce les raifons qui le portoient à deffendre que les Indiens fujet. fuffent efclaves ; & ainfi il dit ce qui fuit touchant les hommes de Terre-ferme qui eftoient Caribes ; Qu'ils

Kkkk


662 H I S T O I R E

1525.

F r . T h o m a s

O r

t i r parle au C o n -

fencotre Indiens.

Vices des

Ils ne

Indiés

vouloient

chaîner couftume

ny ny

de de

loix.

L e s Indicé s ' a r rachoiét du

le

menton.

poil

mangeoient de la chair humaine ; Qu'ils eftoient S o d a miftes plus qu'aucune autre génération des Indes; Qu'ils n'avoient entr'eux aucune luftice ; Qu'ils c h e m n o i e n t tout n u d s , & n'avoient aucune h o n t e de leur nudité ; Qu'ils vivoient comme des afnes, eftourdis, foux & infenfez , & que le tuer ou eftre tuez leur eftoit indiffèrent; Qu'ils ne gardoient aucune venté que celle qui tournait à leur profit ; ILs eftoient inconftans, & ne fçavoient c e que c'eftoit de confeil ; ingrats & amis de nouveautezils faifoient eftat de l'yvrognerie, & ils avoient de diverfes fortes de vins qu'ils faifoient avec des fruits, des racines & des grains. Ils s'enyvroient auffi avec de certaines fumées, & des herbes qui leur faifoient perdre le jugement. Ils commettoient les péchez impunément comme les belles. La jeuneffe n'avoit aucun refpect de la vieilleffe, ny mefme de leur pere & mere, & qu'ils eftoient incapables de doctrine & de c h â t i m e n t - Qu'ils eftoient traiftres & cruels, vindicatifs , & ne pardonnoient jamais ; Qu'ils eftoient grands ennemis de Religion ; Qu'ils eftoient fort faineants, larrons, menteurs, greffiers d'entendement, & avares ; Qu'ils ne gardoient point la foy, ny n'obfervoient point d'ordre en leur façon de vivre ; les femmes ne gardoient point la f o y p r o mife à leurs maris, ny les maris envers leurs femmes ; Qu'ils eftoient forciers, devins & ne gromantiens ; Qu'ils eftoient couards comme des lièvres, fales comme des pourceaux , & mangeoient des poüils, des araignées, & des vers creûs en quelque part qu'ils les trouvaftent ; Qu'ils n'avoient aucune induftrie , ny art qui tinft de l'homme ; & lors qu'ils oublioient quelque chofe qui dépendoit de la foy que l'on leur avoit enfeignée, ils difoient que cela eftoit bon pour des Caftillans & non pour eux , & qu'ils ne vouloient point changer de couftumes ny de Dieux. ils n'avoient point de b a r b e , & s'il leur en venoit ils l'arrachaient ; Qu'ils n'avoient aucune charité pour les malades ; car quoy qu'ils fuffent leurs voi(ins ou leurs parens., ils les abandonnoient jufques à la m o r t , ou ils les portoient dans les montagnes avec du


D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv. V I I I . 663 pain & de l'eau, & les laiffoient-là Q u ' à mefure qu'ils croiffoient ils devenoient plus vicieux ; car il fembloit que jufques à l'âge de douze ans ils prenoient le chemin d'embraffer les préceptes de la Religion & de la vertu; mais tout au contraire, des qu'ils avoient atteint cet âge ils commançoient à mener une vie brutale, & qui tenoit pluftoft de la befte que de l'homme. Enfin Frère T h o mas Ortiz dit pour conclufion , que Dieu n'avoit jamais créé d'hommes plus confits en vices & en beftialitez q u e ceux-là, & fans aucun mélange de b o n t é & de police, & que l'on jugeaft par la a quelle capacité fe pourroient eftendre des hommes de fimauvaife éducation ; & que ceux qui avoient traité avec eux ne l'avoient que trop éprouvé par expérience. Le Prefident donna beaucoup de crédit à ces Pères ; & c'eft ce qui fit dire à l'Empereur que ces fortes d'Indiens dévoient eftre déclarez efclaves du confentement du Confeil. Et l'onvoyoit bien que Frère T h o m a s O r t i z avoit trouvé en eux de grands défauts & une grande incapacité ; parce que dans la m é iiance qu'il avoit de n'y faire aucun progrés en la foy , il ne voulut pas retourner en T e r r e ferme ; il aima mieux paffer à la nouvelle Efpagne par le récit que l'on luy avoit fait, que les peuples eftoient bien plus raifonriables. Q u a n t aux Indiens de l'Efpagnolle , le Roy écrivit le premier de Septembre de cette année à Frère Reginaldo Montefino , Vicaire de l'Ordre de Santo D o m i n g o en l'Ifle Efpagnolle, & au Pere Frère Pedro Mexia de Truxillo Provincial de l'Ordre de S. François , qui refid o i t d a n s la mefme Ifle ; & leur manda qu'ils fçavoient que fon intention eftoit de mettre les Indiens de ces lieux en telle liberté, qu'ils véculTent dans une b o n n e p o l i c e , & fuffent inftruits aux myfteres de noftre fainte Foy C a t h o l i q u e , & foulagez dans leurs travaux afin de les mieux conferver, & leur donner lieu d'augmenter ; Q u e pour cet effet il avoit cherché tous les meilleurs expédiens , ayant affemblé des Théologiens & des perfonnes de lettres & de conférence pour refoudre fur cela ce

Kkkk ij

1525

Les

Indiens

C a -

ribes font déclarez

Le

efclaves.

R o y

écrit

fur la l i b e r t é Indiens.

des


664. H I S T O I R E qui eftoit le plus convenable pour le fervice de Dieu & 1525. la décharge de fa confcience. Et d'autant que jufques on n'avoit encore rien déterminé à caufe de la diverficé d'opinions ; il faifoit tout de nouveau aftembler d'autres perfonnes doctes & d'expérience ; & afin que cependant fa confcience ne fuft point engagée là dedans, il avoit o r d o n n é que pour le prefent tous les Indiens qui fe Le Roy ordon- trouveroient vaquans , & qui vaqueroieut d'orefnavant ne que les l n d é s fuffent mis en l i b e r t é , en leur impofant feulement le des lues foient mis en liberté. fervice & le t r i b u t , tel que ces Pères le trouveroient à propos ; ce qu'il leur recommandoit & en chargeoit leurs confciences, & en fit expédier les cammouffions n e ceffaires Q u e la mefme choie s'exécuteront dans l'Ifle Fernandine. Il fit donner auffi la mefme commiffion à Frère Antonio Montefino pour l'Ifle de faint Iean de Puerto Rico. Et fa Majefte avant efte informée des miracles que faifoit la Croix de la ville de la Conception de la Vega de l'Ifle Efpagnolle , que les premiers Chreftiens qui avoient découvert cette terre avoient plantée , & que les Indiens n'avoient jamais peu rompre ny brûler, fuplia le P a p e , que pour conferver & accroiftre la dévotion des fidèles Chreftiens, il luy pleuft concéder quelque Indulgence pour ceux qui la vifiteroient & offriroient quelques aumofnes ; E t fa Majefté ordonna que quant à ce qui eftoit des amendes applicables à fa chambre qu'il en fuft donné vingt mille maravedis d'aumofne chaque année pour quatre a n s , pour aider a a c c o m m o der proprement ce lieu o ù eftoit cette fainte Croix , afin qu'il fuft révéré avec plus de refpect & de dévotion. Il recommanda auffi au Provifeur de l'Evefque de la C o n ception que toutes les offrandes & aumofnes que les fiLa C r o i x d e l a dèles Chreftiens & dévots faifoient à cette fainte Croix, C o n c e p t i o n fait fuffent employées aux chofés pour le fquelles elles étoient des miracles. offertes, parce que l'on avoit eu avis que l'on ne le faifoit pas ainfi. O u t r e toutes ces chofes le Roy ordonna encore dans ce mefme t e m p s , que tous ceux qui feroient mariez & qui voudroient paffer de Caftille avec leur maifon &


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv. V I I I .

665

Famille dans la ville de la Conception de la Vega pour y 1525 refider ; qu'outre le partage qui leur feroit donné franc, il leur fuft encore d o n n é permiffion de mener fix efclaves N è g r e s , attendu que la peuplade de cette Ifle commençoit déja à diminuer, à caufe de la quantité de fes habitans qui en fortoient pour aller demeurer dans la nouvelle Efpagne & autres découvertes, ce qui caufoit beaucoup d'inquiétude à cette terre. Les Indiens de l'Ifle M a n u e l de Rode Cuba avoient auffi donné avis à M a n u e l de Rojas qu'il jas d o n n e avis y avoit des remuërnes dans leur Ifle, & qu'il n'y avoit pas d e l ' i n q u i é t u d e I n d i e n s de moyen de les appaifer, à caufe des gens qui y ettoient ; & des Cuba. que la ville de Santiago qui eftoit cy devant fort populeufe alloit beaucoup diminuant. Le Roy donna avis à l'Audience de l'Efpagnolle qu'ayant efte fupplié avec beaucoup d'inftance plufieurs fois, par les Procureurs de ces Royaumes en leur nom dans les Courts de T o l e d e , qu'il fe mariaft ; & que s'il fe pouvoir faire que ce fuft L ' E m p e r e u r doavec la Sereniffime Infante de Portugal D o n a Isabelle ; n e avis aux I n de fon m a parce qu'il fembloit que par beaucoup de raifons ce ma- des riage, riage eftoit celuy qui eftoit le plus à propos pour le bien de ces Royaumes ; & que plufieurs Grands de fa Cour, des Prélats & autres perfonnes particulières l'en avoient fupplié ; De forte que pour donner ce contentement là à t o u s , l'on avoit c o m m e n c é e traiter & à décider de ce mariage ; & que Dieu entre les mains de qui eftoit la difpofition de l'affaire,& de toutes fes dépendances en avoit permis l'exécution, & qu'enfin il eftoit déjà marié par fes Ambaffadeurs, par paroles deprefent avec la fufdite Sereniffime Infante ; & que l'accompliffement du mariage fe devoit effectuer en bref : D u q u e l mariage il avoit jugé à propos de leur en donner avis, afin de leur faire fçavoir qu'il avoit efté conclu fuivant la fupplication de tous les Grands de ces R o y a u m e s , & pour la fatisfa&ion qu'il fçavoit bien qu'ils en auroient. L'Empereur écrivit la mefme chofe dans la ville de T o l è d e à Ferm n d C o r t é s & à tous les Gouverneurs , Communes & Iuftices des Indes,le dix-feptiéme de N o v e m b r e de cette année. K k k K iij


666

H I S T O I R E

1525.

C H A P I T R E

XI.

Des chofes qui fe pafferent dans la découverte de François Picarro. françois Picarro & fes compagnons alloient t o u jours c o n t i n u a n t leur découverte dans les travaux avec u n e tres-grande conftance , & c o m m e ils virent quelques chemins dans ces montagnes ils refolurent d'en fuivre un ; pour voir s'il n'iroit point r e n d r e dans quelque peuplade, & pour tâcher de reconnoiftre la t e r . re o ù ils eftoient. Apres qu'ils eurent c h e m i n é environ d e u x lieues ils r e n c o n t r è r e n t un petit vilage , o ù ils n e t r o u v è r e n t aucun Indien , mais ils y t r o u v è r e n t beaucoup de m a y z , des racines, de la chair de porc, Se plus de foixante poids d'or b a s , & d e la viande qu'ils cuifoient dans des pots ; parmy la viande qui cuifoit il y avoit des pieds & des mains d ' h o m m e s , d ' o ù ils conclurent q u e ces Indiens eftoient Caribes. Les Caftilians r e t o u r n è les Caftillans r e n t vers la m e r , & s'eftant e m b a r q u e z , ils allèrent defcendent à terre d a n s un toujours coftoyant jufques à un lieu qu'ils appellerent, village appelle Pueblo q u e m a d o , o ù ils refolurent de defcendre à terre : Puebloquemaparce q u e dans les marais , qui font des bois fort épais, do. qu'ils appellent m a n g l e s , il y paroiffoit des fentiers frayez, qui leur fit juger q u e cette terre eftoit peuplée, A une lieue d e l à ils trouvèrent un vilage defert ; parce que c o m m e l e s Indiens fçavoient que les Caftilians rod o i e n t le long de la cofte, ils a b a n d o n n o i e n t leurs peuplades , & m e t t o i e n t à c o u v e r t leurs femmes , leurs enf a n s , & t o u t ce qu'ils avoient de plus rare dans les bois, & dans des lieux écartez. C e lieu eftoit bafty fur le fommet d'une m o n t a g n e , qui le faifoit paroiftre c o m m e une fortereffe ; ils y trouvèrent beaucoup de v i v r e s , & des racines tres favoureufes ,& des palmes de P i x i b a c s , qui Ils y trouvèrent force v i v r e s , & eft une chofe t r e s - b o n n e . Il fembla à. François Picarro des r a c i n e s f o r t & à fes compagnons q u e puis que cette p e u p l a d e eftoit

piçaro la

continue

découverte.

cavoureufes.


Liv. V I I I . 667 fi proche de la m e r , fi bien munie & dans une fituation 1525 fi forte qu'il ne feroit pas hors de propos de s'y retirer & renvoyer le navire à Panama pour le radouber , parce qu'il faifoit eau en beaucoup d'endroits ,& qu'il y transportait quelques perfonnes indifpofées ; Il commanda a Gilles de Monténégro de prendre les foldats les plus leftes & les plus difpofts & d'aller faire une courfe dans la t e r r e , pour prendre quelques Indiens, & les mettre dans le navire , pour tirer à la p o m p e , attendu qu'il y avoit peu de Mariniers. Cependant les Indiens de tou- lLeenst c ihnadf fi ee rn s l eveus te la terre s'eftoientafTemblez, & s'entredifoient à eux- C a f t i l l a n s de mefmes que c'eftoit une chofe hont eufe à eux de fouffrir l e u r t e r r e . que fi peu d'eftrangers & vagabonds les fift abandonner leur t e r r e , & qu'il falote de neceffité les chaftier & les chaffer de chez eux. Apres qu'ils eurent pris cette refolution, ils poferent des fentinelles pour voir & efpier ce que les Caftillans faifoient, s'ils abandonnoient le vilage, ou s'il en for toit quelques-uns dans la campagne. C o m m e donc Monténégro vint à fortir avec environ dI l' sa t traeqf uo eu rd e lnets foixante foldats félon l'ordre que Piçarro luy venoit de C a f t i l l a n s d i v i donner, les Indiens en furent auffi toft advertis ; & ils ju- f e z . gèrent à propos de l'attaquer premièrement ; & qu'après l'avoir défait ils chargeraient fur ceux qui citaient dans la peuplade ; s'imaginant qu'il eftoit plus expédient de les fur prendre ainfi divifez. Enfin t o u t e l'armée des Indiens fortit fur les Caftillans tout nuds,comme ils avoient couitume d'aller , les uns peints de r o u g e , les autres de j a u n e , & d'autres qui eftoient oingts avec de la Bixa,qui eft une efpece de terebentine, faifans de grands cris à leur m o d e , lors qu'ils combarent ; & les attaquèrent viv e m e n t , mais les Caftillans les receurent vaillamment, après s'eftre recommandez à Dieu, à fa feinte M e r e , & à I l s c o m b a t t e n t l'Apoftrefaint Iacques félon leur couftume ; & leur don- v a i l l a m m e n t . nèrent de terribles coups d'épée, comme des gens expérimentez & accouftumez dans les travaux & dans l'expérience, Les Indiens tiroient avec leurs d a r d s , c a r ils n'ofoient pas s'approcher beaucoup de crainte des épées, car les Caftillans ne combatoient point avec d'autres arDES

INDES

OCCIDENTALES,


614 1525.

Rude combat de Caftillans & d'indiens.

V a l e u r de F r a n çois Picarro.

H I S T O I R E

mes, Petro Bifcaïno avoit déjà tué quelques Indiens, comme h o m m e vaillant & courageux, mais il fut entouré de tant d'ennemis, qui le blefferent par tant d'end r o i t s , qu'il mourut auffi toft. Ils tuèrent encore deux Caftillans dans un autre c o m b a t , & en blefferent d'autres ; mais les autres fe défendirent fi vaillamment, que l'armée des Indiens, quoy qu'il y en euft une infinité de morts fur la p l a c e , refolut d'abandonner les Caftillans qui leur tenoient tefte, pour s'aller jetter fur ceux de la peuplade,s'imaginant qu'à caufe qu'ils y eftoient demeurez ils dévoient eftre malades. Ils a t t a q u è r e n t donc ce lieu avec grande impetuofité, les Caftilians eftant au d é pourveu ; mais ils fe mirent auffi toft en ordre , & fe d é fendirent vaillamment avec l'épée & le bouclier, ayant leur Capitaine en tefte, qui les receurent au milieu d'une épaifté nuée de dards & de flèches. François P i c a r r o qui avoit foin des foldats qui avoient a c c o m p a g n é le Capitaine M o n t é n é g r o , combatoit auffi vaillamment, & encourageoit les liens à faire le femblable , lefquels bleffoient & tuoient les I n d i e n s , qui ferroient auffi les Caftilians de prés ; & ils en avoient déjà tué deux, & blefte vingt, fans ceffer de combatre ; lors que François Picarro par la vertu & par fon exemple animant toujours les fiens à faire le femblable, & que les Indiens reconnoiftantle grand préjudice qu'il leur caufoit, refolurent de le tuer pluftoft que tout autre ; fi bien qu'ils c h a r g è rent tous fur luy, & le prefterent de fi prés qu'ils le blefferent, 6c tomba en roulant au bas d'une coline. Les I n diens le voyant ainfi t o m b e r , s'imaginant qu'il eftoit m o r t , allèrent apres luy ; mais ils le trouvèrent fur pied, l'épée à la m a i n , & avoit déjà tué deux dés leurs, lors qu'il fut fecouru de quelques Caftillans. Les Indiens eftonnez de la valeur des Caftilians,de leurs forces 6c du bon ordre qu'ils obfervoient p o u r le c o m b a t , c o m m e n cèrent à perdre courage de ce cofté-là , s'imaginant qu'il devoit avoir quelque D e ï t é parmy ces h o m m e s qui les favorifoit. CHAPITRE


DES

I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv.

VIII.

669

1525

CHAPITRE

XII.

François Picarro & Diego d'Almagro continuent leur découverte. Cependant que Picarro fe défendoir de la forte, il fut: fecouru p r o m p t e mène par Gille de M o n t é n é g r o , ce qui acheva de faire perdre cœur à ces b a r b a r e s , & qui les fit retirer ; niais François Piçarro refta bleffe en plufïeurs endroits de fon corps , & plufieurs de fes c o m p a gnons auffi, & n'eurent a u t r e remède pour guérir leurs playes q u e de l'huile feulement pour les brûler non fans g r a n d e douleur & travail. C o m m e les Caftillans fe vir e n t ainfi mal t r a i t e z , jugeant qu'eftant ainfi divifez ils auroient de la peine à refifter c o n t r e une fi g r a n d e multitude d ' e n n e m i s , il c r û r e n t qu'il eftoit à propos de t r o u ver invention d'envoyer le navire à P a n a m a , & d'aband o n n e r cette place. Ils s'embarquèrent d o n c arrivèr e n t à Chicama, o ù ils refolurent d'envoyer le Treforier N i c o l a s de Rivera dans le navire avec l'or qu'ils a v o i e n t t r o u v é , p o u r rendre c o m p t e au G o u v e r n e u r Pedrarias d e ce qu'ils avoient fait, & de la croyance qu'ils avoient de trouver une b o n n e terre ; & d e m e u r è r e n t d'accord q u ' e n c o r e qu'il n'y faifoit point de froid , elle eftoit fort h u m i d e , mélancolique , âpre , mal-faine, & fort fujette aux pluyes. Rivera apprit dans l'Ifle des Perles, q u e D i e g o d'Almagro eftoit allé chercher Piçarro avec un navir e , & qu'il s'eftimoit de ne l'avoir pas r e n c o n t r é ; fi bien q u e defireux de luy faire fçavoir c e t t e n o u v e l l e , qu'il recevroit avec joye,il luy dépefcha un c a n o . Rivera eftant arrivé à P a n a m a , fit un récit à Pedrarias de ce qui s'étoit paffé en cette d é c o u v e r t e , parce q u e l'on l'avoit arrefté ainfi, & luy r a c o m p t a la converfation q u e l'on avoit euë avec le Cacique Beruguete. Ils furent tous fort eftonnez d e s travaux qu'ils avoient foufferts ; & Pedrarias eut un. g r a n d reffentiment de la m o r t de tant de Caftillans, & LIII

Rivera

va

avec

levaiffeau à

P a -

nama,

Il a p r e n d m a g r o

qu'Aleftoir

cher-

p a f f ép o u r

cher

Piçarro.

Pedrarias grand

a

u n

relTenti-

m e n t d e la m o n t de plusieurs ftillans.

C a -


670

H I S T O I R E

blafina François Piçarro, de ce qu'il s'eftoit tant obfliné à une découverte fi perilleufe, & n'avoir pas fuivy le Sentiment de Pafcual d'Andagoya. N e a n t m o i n s à la furcitation de quelques malicieux, il dit qu'il vouloit envoyer quelque perfonne avec d'égales forces , & que puifque l'on avoir deffein de perfeverer dans cette d é couverte , elle fe feroit avec moins de perte de gens. Mais le Maeftre fcuela H e r n a n d o de Luque le détourna de cette penfée par beaucoup de raifons qu'il luy fit e n tendre ; luy remettant entre autres chofes les travaux, & les dépenfes que Piçarro avoit faites. Mais D i e g o d'Alm a g r o par fa diligence & avec l'aide de H e r n a n d o de L u q u e , il attira dans fon navire foixante quatre Caftillans de P a n a m a , & s'en alla cherchant François Piçarro de port en port, & trouvoit toujours des marques par où il avoit p a f f é des taillades que fes gens avoient faites aux arbres, & autres chofes femblables. C e p e n d a n t que ces l e s Cocodriles chofes fe paffoient ceux qui eftoient demeurez dans C h i m a n g e n t plusieurs Caftillans cama fe faifoient penfer de leurs bieffures , dont quelques-uns en moururent de ceux qui eftoient fortis pour aller chercher a manger pour les autres, quelquesuns y périrent, qui furent mangez par les Caymans eu C o c o d r i l e s , belles cruelles & féroces qui fe laififfoient des hommes au paffage des rivières. D i e g o d'Almagro voyant qu'il n'apprenoit point de nouvelles de Piçarro, refout d'entrer dans le païs par le P u e b l o q u e m a d o , qui eft à vingt-cinq lieues de Puerto de Pinas avec c i n q u a n te Caftillans. Il trouva cette peuplade habitée & fortifiée de bonnes paliffades, & les gens de dedans en refolution de fe bien défendre. Il affiegea la place ; & les geo combat coIndiens avec leurs braillemens ordinaires , & avec leurs tre les I n d i e n s . ruines affreufes q u e leur rendoient les peintures d o n t ils fe frottoient tout le c o r p s , mirent les Caftillans, qui n'eftoient encore que des apprentifs.au fait de la guerre en grande confufion & épouvante Mais Diego d'Almas gros attaqua vaillamment les ennemis, qui fut fuivy des fiens. Il fut combatu o p i n i a t r e m e n t de part & d'autre; les Indiens tiroient leurs flèches & leurs dards ; & les C a 1525.


D E S I N D E S O c C I D E N T A L E s , Liv. V I I I . 671 ftilians qui les approchoient au plus prés leur donnoient 1525. des coups d'eftramaçon par tout o ù ils p o u v o i e n t , de telle forte qu'ils les prefferent de fi p r é s , qu'ils gagnèr e n t la paliffade. D i e g o d'Almagro qui ne faifoit pas moins l'office de fage & prudent Capitaine , q u e de vaillant foldat, gagnoit toujours pied , pied , en ferrant de prés les ennemis, fut bleffé d'un coup de d a r d , qui Il eft bleffé a un luy creva un œ i l , & fe trouva tellement accablé qu'il oeil. feroit demeuré fur la place cette fois là, fi un efclave N è g r e qui luy a p p a r t e n o i t , ne l'euft fecouru, Cepend a n t il ne perdit point courage ; il recommença de plus belle à combatre,& fit fi bien que par fa fubtilité & fa valeur qu'il mit les ennemis en fuite, & demeura maiftre de la place. L'on s'occupa auffi toft à le penfer, & fut couc h é fur un lit de feuillage avec un grand reffentiment des liens de cette difgrace, parce qu'il eftoit fort doux, affable & libéral. Âpres que la douleur fut ceffé, quoy q u e de la veue il ne recouvra jamais u n e parfaite fanté, ils s'en retournèrent à la mer. Ils firent trois lieues de courants, & trois autres lieuës dans la valée de Baeza, V a l é e de Baeza qui fut ainfi appeliée à caufe d'un foldat qui y fut tué, pa popuer lqlué oe .y ainfi qui fe n o m m o i t ainfi. Il paffa la rivière de Melon qu'ils appellerent ainfi , à caufe d'un melon qu'ils virent defc e n d r e fur l'eau. Ils pafferent a celle des Fortereffes, parce qu'il y a au milieu plufieurs montagnettes , au faifte defquelles il y a des maifons à double eftage qui reffembloient à autant de fortereffes. Enfin il n'y eut cale ny p o r t qu'ils ne reconnurent. Mais comme ils eftoient fort triftes de ce qu'ils ne r e n c o n t r o i e n t point Piçarro, ils s'imaginèrent qu'il eftoit m o r t . Ils arrivèrent à la rivière defàint Iean qui eft à douze lieuës plus a v a n t , & virent des peuplades fur les rives, de part & d'autre, & il leur fembla que cette terre eftoit meilleur que l'autre o ù ils avoient paffé, & les Indiens des environs ad mir o i e n t le n a v i r e , é p o u v a n t e z de cette monftruofité , n e p o u v a n t pas juger ce que ce pouvoir eftre. A l m a g r o voyant qu'il ne pouvoir rencontrer fon c o m p a g n o n , de4îeura fort trifte, s'imaginant toujours qu'il tut m o r t ,

LIII ij


672 1525.

Diego d'Amalg r o & P i ç a r r o fe r a c o n t e n t leurs t r a v a u x & leurs (difgraces.

A l m a g r o fait e f t i m e de la t e r , re de la r i v e r : d e fan I u a n .

T r a v a u x patibles

incoque

Caftillans

les

fouf-

H I S T O I R E

il refolut de paffer à P a n a m a , & eftant entré en chemin faifant dans i'Ifles des P e r l e s , il apprit que Nicolas de R i b e r a y avoit paffé, & avoit dit que Piçarro eftoit refté à Chicama;ce qu'ayant appris il ne manqua pas auffi toft de l'aller voir,tant il eftoit ravy d'avoir receu de fi bonnés nouvelles. Apres qu'il l'eut r e n c o n t r é , l'on ne peut pas exprimer le contentement qu'ils eurent tous deux en c e t t e entre veuë ;mais avec un grand reffentiment de la part de P i ç a r r o pour la perte de l'œil de D i e g o d ' A l m a g r o . Ils fe racontoient les travaux qu'ils avoient foufferts das cette m é c h a n t e terre, & qu'ils ne croyoient jamais fortir de ces lieux fangeux & marécageux, qu'ils appelloient M a n g l a r e s , & croyoient que toute cette terre eftoit de cette mefme n a t u r e . Mais après tout ils refolurent de ne point perdre c œ u r pour cela., mais d e v o i r a quoy aboutiroit cette découverte puisqu'ils l'avoient entreprife, ou de mourir pluftoft que d'y renoncer ; car il eft à croire que Dieu avoit pourveu ces deux; vaillans Capitaines de beaucoup de courage & de c o n fiance , pour une entreprife de cette nature. Diego d'Almagro dit à fon c o m p a g n o n , c o m m e il eftoit arrivé à la rivière de fan I u a n , & la b o n n e terre que c ' é toit ; fi bien qu'ils refolurent de retourner i n c o m i n e u t à P a n a m a p o u r avoir davantage d e m o n d e & p o u r équiper les navires, afin de continuer leur découverte. François Piçarro menoit fes gens entre ces rivières o u il y avoit peu de g e n s , parce que les peuplades des I n diens eftoient au d e l à des montagnes au N o r t , & la plufpart au P o n a n t ; & ils cheminoient par des lieux écartez pour éviter la rencontre des Caftillans, & t o u tefois On ne laiffoit pas toujours d'en prendre q u e l ques-uns , & quelques femmes dont on apprenoit c e qui fepaffoit, & où ils alloient. C e p e n d a n t les Caftillans fouffroient b e a u c o u p , a caufe de la fterilité de la terre ; quelques uns mouroient, & d'autres devenoient e n flez. Ils eftoient tourmentez continuellement de ces moucherons que nous appelions coufins ; il venoit des ulceres aux jambes de quelques-uns, parce qu'ils c h r -


Liv. V I I I . 673 minoient fans ceffe dans des lieux aquatiques ; ils paf- 1525 foient des rivières & des m a r e s , & la plufpart du temps la pluye fur le dos. Au milieu de tous ces travaux F r a n çois Piçarro confoloit fes gens, & leur donnoit de g r a n des efperances d'acquérir des richeffes, dont la difpofirion & authorité avoient un grand afcendant fur eux p o u r perfuader de la patience à des gens qui fouffroient t a n t de maux, Diego d'Almagro arriva à Panama fe P e d r a r i a s l e v e fervant de l'occafion de ce que Pedrarias Davila levoit da el lse r g ec nh as f t ipe or u : des gens pour aller chaftier le Capitaine François H e r - F r a n ç o i s H e r n a n d e z de C o r d o u ë , à caufe qu'il ne luy portoit pas n a n d e z . l'obeïffance qui luy eftoit deuë dans Nicaragua : E t foit que Pedrarias voulut mener des gens avec luy, ou parce qu'il n'approuvoit pas cette féconde entreprife, c o m m e il avoit fait la première, il refufa à D i e g o d'Alm a g r o la permiffion de lever d a v a n t a g e de gens pour la découverte de François Piçarro. N e a n t m o i n s après quelques prières qu'il luy eut faites , & en eftant requis par H e r n a n d o de L u q u e , il l'a luy d o n n a , quoy qu'il dift qu'il vouloit envoyer un compagnon à François Piçarr o . Ce fut alors que l'on commença à publier l'entre- L ' e n p u b l i e l e prife du Pérou ; & Pedrarias donna le titre de Capitaine vg or oy a&g e d ed ' AP il çmaar -à Diego d'Almagro, afin que luy & Piçarro conjointe- r o f o u s l e nom m e n t fiffent cette découverte. Âlmagro retourna d o n c de P é r o u . avec deux navires & deux canos, avec provifion d'armes & de vivres, chercher François P i ç a r r o . Il mena a v e c Juy le Pilote Barthélémy Ruyz ; mais Piçarro eut de la jaloufie de ce q u e Pedrarias luy avoit d o n n é un c o m p a . gnon ; & il n e c r u t pas que cela avoit procédé de Pedrar i a s , mais que Diego d'Almagro s'eftoit p r o c u r é c e t t e charge. Toutefois il voulut faire de neceffité vertu , & fe voulut accommoder au temps ; parce que D i e g o d ' A l m a g r o difoit qu'il avoit mieux aimé accepter c e t t e charge que de confentir qu'elle fuft donnée à q u e l q u e autre qui ne luy euft pas efté il amy & conforme à fes deffeins. C e t t e provifion fut leuë publiquement, 6 c fut r e c o n n u & obeï comme Capitaine. C o m m e cette a r m é e fe vit mieux équipée que d e v a n t , & avec plus grand DES

INDÏS

OCCIDENTALES,

LIII iij


674 1525

H I S T O I R E

n o m b r e de gens & de chevaux, ils refolurent d'abandon, ner cette terre infernale, & de s'embarquer p o u r en d é couvrir quelque autre.

C H A P I T R E

XIII.

Francifco Piçarro & Diego d'Almagro fortent enfemble de Chicama four continuer leur découverte, Es deux Capitaines eftant partis de Chicama, r e n contrèrent la rivière, qu'ils appellerent de C a r t a t e s Caftillans g e n c , proche de celle de fan luan. Apres qu'ils eurent de fcendent à p a f f é au delà de cette riviere,quelques Caftillans defcenterre, trouvent des vivres & d e dirent à terre dans des canos, & allèrent attaquer d'iml'or. provifte l'une des peuplades qui dépendoient de la rivier re de fan luan. Ils y prirent quinze mille poids d ' o r , bas, avec des vivres ; ils y prirent auffi quelques I n d i e n s , & s'en retournèrent joyeux dans leurs navires avec ce butin , parce qu'ils trouvoient une terre r i c h e , quoy q u e d'ailleurs elle leur fembla toujours montueufe , & r e m plie de ruiffeaux, & de ces coufîns. Mais nonobftant tout cela ils refolurent d'entrer plus avant dans le païs pour voir s'ils n e verroient p o i n t quelques campagnes ; car les Indiens qu'ils avoient pris leur difoient qu'il y e n avoit plus avant,mais néanmoins ce n'eftoient que m o n tagnes , couvertes d'arbres qui fembloient atteindre jufques au C i e l , & dans les valées quantité de rivières, de telle forte que l'on ny pouvoit aller que par eau. C o m m e ils virent d o n c qu'il eftoit impoffible de découvrir la terre il fut arrefté que Francifco Piçarro demeureroit-là avec l'armée, puis qu'il avoit du mayz pour vivre & des canos pour aller de part &d'autre ; Et que D i e g o d'Almagro retourneroit à Panama avec l'or qui avoit efté trouvé , pour amaffer davantage de monde ; & le Pilote Barthélémy R u y z , h o m m e adroit en fon art v o gaffe le long de la c o d e en r e m o n t a n t , autant qu'il p o u r roit ; pour voir qu'elle terre il découvriroit ; ainfi cha-

C


INDES

OCCIDENTALES,

Liv.VIII. 6 7 5 Cun partir pour continuer fon voyage, Ceux qui de1525. meurerent furent bien mouillez, parce qu'il pleuvoit inceffamment. Il ne leur manquoit pas de racines, des befte raves des palmes pour m a n g e r , mais les coufins leur faifoient autant de maux que devant ; & les foldats à caufe du mauvais air devenoient malades, dont quelq u e s - u n s mouroient ; & tous en general fouffroient des travaux incroyables. E n t r e ces rivières Barthélémy Barthélémy; R u y z aila découvrant jufques à l'Ifie del Gallo où Pi- Rv ruaynzt . va décou çàrro n'avoient jamais pu arriver, pour s'eftre mis entre des montagnes fort hautes, & fi proches de la mer que n'arrivant point de vents du collé de la terre , on ne p o u v o i t forcir de la c o d e , o ù d'ordinaire les vents d'Eft fe forment. C o m m e il alloit donc le long de ces plages, Les I n d i e n s s ' a il retourna deux fois dans la province de B i r ù , o ù il fe vettiffent l e s u n s les a u t r e s rafraichiffoit. Il trouva cette Ifle peuplée, & les Indiens que les Caftillâsqui l'habitoient en eftat de faire la guerre , parce que de r o d o i e n t la col'un à l'autre ils s'efloient advertis que les Caftillans fte. eftoient entrez dans cette terre. Il découvrit auffi la Baye qui fut appellée defaint Mathieu, & vit une grande peuplade au milieu de la rivière, qui eftoit fort peup l é e , qui confideroient le navire avec beaucoup d'admiration, & s'imaginoient qu'il eftoit defcendu du Ciel. Il paffa outre toujours découvrant de nouvelles terres, & arriva jufques à C o a q u e ; & prenant la route du P o n a n t , il apperceut en la haute mer une voile Latine, & qui avoit une fi belle apparence qu'elle leur fembloit une caravelle ; ce qu'ils trouvèrent fort effrange ; mais enfin ils reconnurent que ce n'eftoit qu'un radeau qu'ils prirent, o ù eftoient deux garçons & trois femmes ; & par les demandes qu'ils leur firent par fignes, ils apprirent qu'ils eftoient de T u m b e z . Ils leur m o n t r è r e n t delà laine lée, & à filer de leurs b r e b i s , dont ils difoient qu'il y en avoit fi grand nombre qu'elles couvroient les campagnes. Ils nommoient fort fouvent le Roy Guaynacapa, B a r t h é l é m y & celuy de C u z c o , o ù ils difoient qu'il y avoit quantité R u y z a p p r e n d d'or & d'argent ; & ils exageroient tellement les rare- des nouvelles de Guaynacapa & t e z de ces Royaumes que les Caftillans n e pouvoienc de C U Z C O . DES


1525.

H o m m e s & fem e s qui fe g r a v e n t le vifage & les b r a s , c o m m e l e s M a u r e s en Afrique,

Les Caftillans deviennent m a lades & meuret.

676 H i s T o i r e croire qu'ils difoient v é r i t é , parce qu'ils fçavoient bien que les Indiens eftoient naturellement grands menteursmais ce que ceux cy difoient eftoit p o u r t a n t véritable. Bartelemy Ruyz les fit régaler ; & tint pour grand bonh e u r d'avoir en fa compagnie des gens pour P i z a r r o , de bon raifonnement & bien mis. Puis paffant plus avant il découvrit jufques au Cap d e Paffaos, par o ù paffe la ligne E q u i n o étialle ; & entre cette ligne & le C a p de faint François qui eft à un degré de la ligne il fort ces q u a t r e grandes rivières qu'ils appellent las quiximies ; & de ce C a p & la rivière de faint Jacques jufques à la peuplade de Zalango, les hommes & les femmes fe gravent le vifage & les bras c o m m e les Maures. Ils veftent des chemifes & des cafaques de c o t t o n & de laine , & portent des joyaux. D e ce lieu Bartelemy Ruyz prit refolution de s'en retourner ; a les Caftillans furent grandement joyeux & fatisfaits devoir & d'entendre parler les I n diens des magnificences de cette terre. C e p e n d a n t les Caftillans qui attendoient D i e g o d'Alm a g r o fouffroient de grandes incommoditez -, les uns devenoient fort malades ; d'autres mouroient ; & les plus fains perdoient patience de fe voir dans une terre il miferable ; o u t r e qu'au paffage des rivières il s'en perdait toujours quelques-uns que les Caymanes devoroient, François Pizarro inventa une nouvelle façon de les confoler, par les_ nouvelles que les Indiens de T n m b e z difoient, de la bonne terre que c'eftoit, & leur difoit qu'il les y meneroit fi-toft que D i e g o d'Àlmagro feroit arrivé. O r c o m m e les vivres leur vint à m a n q u e r quelques-uns en furent chercher dans des canos ; mais les Indiens ne p o u v a n t fouffrir avec patience que ces Etrangers d e meuraffent là , furent plufieurs fois en v o l o n t é de les tuer , mais,ils n'ofoient ; & toutefois ils refolurent de les faire entrer dans des canos ; puis l'un des canos g a g n a n t le devant avec quatorze Caftilians, d o n t le Chef eftoit Barreda ; & m o n t a n t par une grande rivière, comme la marée entroit bien avant en terre, & quelle vint à bailler le cano demeura à fec. Les Indiens qui s'eftoient d o n n é le


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.

VIII.

677

le mot, accoururent auffi-toft avec trente petits canos peints ; mais les Chreftiens n'eftoient pas en eftat de combatre, ny de fortir à terre ; tout ce qu'ils purent faire fut de fe recommander à Dieu ; cependant les barbares avec leurs braillemens ordinaires les entourèrent & les approcherent. Ils tiroient leurs dards & leurs flèches, & comme ils n'en eftoient pas fort éloignez, ils ne tiroient aucun coup qui ne portaft. Les Chreftiens le voyant ainfi mal traitez , fans aucun remède, fe déchiroient de rage ; car la terre eftoit loin d'eux, & l'eau étoit il baffe qu'elle ne pouvoit faire voguer le cano où ils eftoient ; & les autres canos des Caftillans ne les pouvoient approcher pour les fecourir , car ils eftoient auffi à fec ; fi bien que la quantité de flèches & de dards que les Indiens tirèrent fur eux, les accabla de telle forte qu'ils furent tous tuez. Ils les dépouillèrent tout nuds pour contenter leur efprit. Comme l'eau vint à croiftre les autres canos où eftoient les Caftillans arriverent,mais trop tard ils prirent des vivres à la barbe des Indiens, & amenèrent le cano où eftoient les quatorze Caftillans, fort triftes de leur perte,& furent reçeus avec une pareille triftefle de leur Capitaine.

1525.

Les Indiens tuét quatorze Caftillans.

;

C H A P I T R E

XIV.

Le Roy pourvoit aux affaires de la nouvelle Efpagne, Vanuco, les Yhueras, & Terre-ferme. Des ordres qu'il donna au Licencié Louis Ponce de Léon , qu'il envoyé pour examiner les comptes de Fernand Cortés.

L

'Audience de l'Efpagnolle rendit compte au Roy des raifons qu'elle avoit eu d'avoir envoyé le Bachelier Pedro Moreno à las Ybueras, & de la commiffion qu'elle luy avoit donnée ; & luy envoya une ample relation de ce qu'il avoit fait, quoy que de peu de fruit,& de l'eftat auquel fe trouvoient les chofes de la terre;comme François de las Cafas, & Gille Gonçales avoient tue M mmm

L'Audience

de

l'Efpagnolle

rond

compte

R o y des

au

affaires

Nicaragua.


678

1525.

Des

ordres

le R o y

que

ordonne

p o u r les l n d i e n s .

Pedro Rios

eft

de

los

fait

Gouverneur

de

Caftille

de

la

l'or.

H I S T O I R E

Chriftofle d'Olid , & que Gilles Gonçales avoit pris ces cent trente mille poids d'or au Capitaine Soto ; Q u e François H e r n a n d e z avoit deffendu Gille Gonçales à Nicaragua ; & tenoit cette place avec les peuplades qu'il avoit faites ; & que depuis que Pedrarias n'eut point d'ordre du R o y pour poffeder N i c a r a g u a , l'on avoit ord o n n é que François H e r n a n d e z occupait ces Provinces par l'Audience Royale jufques à ce que le R o y en euft, o r d o n n é autrement L'on donna auffi avis au R o y , que la terre de Caftille de l'or eftoit ruinée & d é p e u p l é e , & qu'il eftoit à propos pour plufieurs raifons de pourvoir d'un nouveau Gouverneur. C e p e n d a n t les émulateurs de Fernand Cortés ne cedoient d'informer c o n t r e luv, procurant par t o u t e forte de voyes de luy nuire t a n t qu'ils p o u r r o i e n t , ajoutant à fes griefs la mort de F r a n eifeo Garay , & celle de Chriftofle d'Olid. Q u a n t à ce qui eftoit de las Ybueras le Roy ordonna à l'Audience de Santo D o m i n g o d'y mettre une perfonne prudente & d'expérience pour les g o u v e r n e r , & l'on en envoya les dépêches en b l a n c , afin de les remplir de quel nom ils voudroient. L'on nomma pour Gouverneur de la C a ftille de l'or Pedro de los Rios , Gentil-homme de C o r d o u e , & pour Alcade major le Licencié Salmeron, pour examiner Pedrarias, & luy faire rendre compte de t o u t ce qu'il avoit gagné dans les courfes & forties qu'il avoit faites fur les Indiens. Il fut o r d o n n é auffi qu'ils feroient rendre c o m p t e à Fernand C o r t é s ; mais d'autant qu'il avoit une grande a u t h o r i t é , & que fon nom eftoit tenu en grande réputation , l'on chercha une perfonne de lettre & de qualité ,auquel l'on peuft recomma nder l'affaire ; & bien quel'on jugea à propos que ce fuft le Licencié Loüis Ponce de Léon qui eftoit Lieutenant du C o m te d'Alcandete, luge de police dans T o l e d e & fon p a rent ; & pour luy donner plus d ' a u t h o r i t é , afin que fi par hazard il arrivoit quelque refiftance qui caufaft du t r o u b l e , Louis P o n c e trouvait du monde qui l'aidait, l'on donna le Gouvernement de Panuco à N u n o de G u z m a n , quoy qu'il n'alla pas fervir avec toute la b r i e -


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv. V I I .

679

veté que le Roy l'eu il bien défire. Les dépêches furent 1525 données à Pedro de los R i o s , avec les m cimes pouvoirs, falaire, de authorité qui avoient efté donnez à Pedrarias. L'on donna le Gouvernement de l'Ifle de Cuba à Et Gonçale de Guzman GouGonçale de G u z m a n , natif de Porcillo, avec ordre d'e- verneur de C u xaminer les comptes du Licencié Altamirano , lequel b a . avoit déjà examiné celuy de Z u a z o , & l'en avoit libéré. E t d'autant que Conçale de G u z m a n n'avoit pas eftudié , l'on ordonna que pour l'examen qu'il avoit fait de quelques uns que cela paggeroit ; mais que d'orefnavant il n'affifteroit plus dans les Confeils comme les autres Gouverneurs avoient fait cy-devant, & qu'il n'y e n t r e roit feulement que luges ordinaires. L'on deffendit auffi aux Officiers Royaux dans les Indes d'ouvrir aucunes dépêches ou Lettres du R o y , que tous enfemble, ou du moins la plus faine partie. L'on traita avec D i e g o Ca- Traité fait avec D i e g o Cavallevallero , habitant de l'Ifle Efpagnolle pour aller décou- ro pour découvrir & pacifier dans la c o d e de terre-ferme , depuis le vrir cent lieuës C a p de faint Romain , jufques au C a p de la Vela , qui de cofte, c o n t e n o i t environ cent lieuës de p a ï s , aux mefmes conditions que les autres qui avoient fait de femblables d é couvertes , en s'obligeant à la dépenfe de fix mille ducats pour l'entreprife. Il arriva à Seville le quatrième de N o vembre de c e t t e année , trois navires de l'Efpagnolle qui apportèrent onze mille poids d'or pour le R o y , & fept mille de Saint Iean , 6c quatre mille de la Fernandine; deux cens vingt marcs de perles groffes & petites ; trois cens t r e n t e cinq perles rondes. Cependant que Fernand Cortés eftoit au milieu des travaux c o m m e il a efté dit cy-deffus, & parmy les calomnies que fes émulateurs formoient tous les jours contre luy ; l'on avoit n o m m é pour luge de refidence le Licencié Louis Ponce de L é o n , ce qui arrefta le voyage de Commiffaire Pedro Melgarejo, & de Iuan Rivera ; & fur la fin de e x a m i n a t e u r . cette année on luy donna fes provifions, qui portoient ; O r d r e s q u i f u rent donnez à Q u ' e n arrivant au P o r t delà V e r a - C r u z , qu'il envoyaft L o ü i s Ponce. en diligence des Mefftagers à Mexique à Fernand C o r t é s & aux Officiers R o y a u x , avec les lettres que l'on luy

M m m m ij


680

H I S T O I R E

donnoit pour les luy faire t e n i r , qu'il entraft fans faire bruit dans le païs , n y caufer aucun t r o u b l e , de crainte que cela ne donnait quelque o m b r a g e a C o r t e x , qui le détournait, de fon voyage , ou qui le portail à quelque mauvais deffein, comme l'on avoit dit qu'avoient fait tous ceux qui y avoient efté ; mais que fans s'arreder il continuaft fon c h e m i n , & commancaft auffi-toft fa refidence,, communiquant les autres affaires avec les Officiers R o y a u x , & qu'il confideraft bien les perfonnes à qui il fe pourroit pluftoft confier ; Q u ' a y a n t paffé trois mois de cette refidence, il en écrivît au R o y , & fon fentiment là deffus ; & qu'en attendant nouvel ordre touchant fon G o u v e r n e m e n t il s'occupaft avec foin à l'augmentation de la Foy C a t h o l i q u e , aux revenus de fa M a jefté & à la paix & repos de la terre ; en s'mformant t o u jours des actions de C o r t é s à caufe de la grande expeo r d o n n e à perience qu'il avoit ; Qu'il ne prift aucun appartement, Louis P o n c e de foit dans Mexique ou ailleurs contre fa volonté ; Qu'il p r e n d r e les rain e s d u G o u v e r - donnaft toute la faveur & affiftance qu'il feroit poffible n e m e n t de Me- à N u n o de G u z m a n pour entrer en poffeffion du G o u xique. vernement de Panuco ; parce qu'à luy mefme on luy o r donnoita u f f iqu'il l'affiftaft de tout ce qui feroit neceffaire ; & qu'il y euft entr'eux deux toujours une b o n n e intelligence pour fe fecourir l'un l ' a u t r e , s'imaginant qu'ils pafferoient tous deux enfernble pour faire ce voyaP e d r o de S a l a - ge ; Q u ' e n arrivant il fift entrer P e d r o de Salazar de la zar eft fait G o u - Pedrada dans la Fortereffe de Mexique , parce que le verneur de l a Roy l'avoir pourveu de cette Lieutenance, & qu'il fuy Fortereffe d e donnait les gens neceffaires pour fadeffenfe; & avoit Mexique. anffi d o n n e celle des arfenaux à Lope de Samaniego, en faifant premièrement trouver bon à C o r t é s que cela s'effectaft , Q u e l'on s'informait quel ordre les Officiers R o y a u x avoient tenu pour l'exercice de leurs Offices, & quel fujet les avoit excitez de tenir tant d'héritages par leur trafic, veu que l'on leur avoit d o n n é des gages luffifans pour vivre honeftement ; & pourquoy ils avoient écrit tant d'invectives les uns c o n t r e les a u t r e s , qui obligeoient d'en venir aux preuves p o u r s'éclaircir de la ve1524.


Liv. V I I I . 681 tire de tout ; Q u e l'on fçeuft au vray s'il y avoit des mines d'argent dans la Province de M e c h o a c a n , comme l'on avoit fait courir le bruit, & l'ordre que l'on pourroit tenir pour les mettre à profit ; & t o u t de mefme de celles de l'or ; Que le Gouverneur & quelques perfonnes R e ligieufes , d e p r o b i t é & d'expérience c o m m u n i q u a i e n t enfemble touchant les partages ou r e c o m m a n d a t i o n s d ' I n d i e n s , & fur le tribut qu'ils dévoient payer , attendu qu'il y avoit divers avis contraires t o u c h a n t eela, & qu'ils donnaffent les leurs là deffus ; & que fi par hafard ils troUvoientà propos qu'il faluft que les Indiens demeuraffent fous la charge des Chreftiens, qu'ils avifaffent enfemble s'il eftoit plus utile qu'ils d e m e u r a i e n t c o m m e ils eftoient alors dans cette fujetion, ou qu'ils fuffent d é clarez vaffaux feulement , comme les Seigneurs des Royaumes de Caftille tiennent les leurs dans les terres de leurs Seigneuries, ou par forme de Fief ; Que s'ils j u g e o i e n t qu'il fuit plus à propos que les Indiens demeurafïentdans la liberté en payant à fa Majefté ce qu'ils payoient à leurs anciens Seigneurs ; Qu'ils avifaffent quel ordre il faudroit tenir pour entretenir les Caftillans qui eftoient là qui avoient rendu du fervice en cette c o n q u e lle , afin de les obliger de ne point abandonner la terre ; & qu'en attendant que fa Majefté auroit pourveu à toutes ces chofes que l'on n'innovaft aucune chofe ; Qu'ils advertiffent que pour la faveur faite à ceux qui vivoient dans la nouvelle Efpagne, de ne payer que la dixième partie de l'or, qu'ils dévoient entendre que c'eftcit de celuy qu'ils tiroient des mines, & non de celuy qu'ils prenoient fur les Indiens dans les courfes qu'ils faifoient en guerre ; Qu'ils examinaffent c o m m e la chofe s'eftoit paffée touchant les cent trente mille poids d ' o r q u e Gille Gonçales Davila prit au Capitaine Soto dans N i c a r a gua ; Et qu'ils tâchaffent de remédier au grand excès qui fe commettoit en toute forte de jeux , en quoy D i e u eftoit beaucoup offenfé. E t p a r c e que durant l'abfence du G o u v e r n e u r , il eftoit arrivé quelques fcandales entre les perfonnes à qui l'on a voit laiffé la charge du G o u M m m m iij DES

INDES

OCCIDENTALES,

1525

O r d r e p o u r le Gouvernement des I n d i e n s ,

Déclaration Roy

dixième des

du

touchant de

mines

nouvelle

le l'or

de

la

Efpa-


682 H i s t o i r e

1525 Le

Roy

recom-

fur tout le b o n t r a i t e m ë t mande

des

Indiens.

v e r n e m e n t , le Roy leur m a n d o i t qu'apres avoir oüy les parties ils en fiffent juftice. Eu fur tout o n leur r e c o m mandoit fort le bon traicement des Indiens, & de ceux qui avoient fervy aux premières découvertes, & qu'ils cherchaffent les moyens de les recompenfer ; Qu'ils s'inf o r m a i e n t des Provinces de la terre , des Villes & des peuplades qui y eftoient comprifes.,&cqu'ils e n v o y a f f e n t des relations des particularitez de chacune en particulier. Il fut d o n n é au Gouverneur pour Sergent Major le C o m m a n d e u r Diego H e r n a n d e z de P r o a n o .

C H A P I T R E

X V .

Continuation de la teneur des dépêches qui furent données au Licencié Louis ponce de Léon ; & ce que l'on difoit de Fernand Cortés,

Le

Roy

Cortés,

écrit &

donna

avis

ce

l'on

que

foit.

à

luy de di-

L'On donna tout d'un temps à Loüis P o n c e de Leon des provifions très amples, afin que i'Audience de l'Efpagnolle & tous les autres Gouverneurs des Indes les favorifaffent, & luy fourniffent des gens de pied & de cheval au cas qu'il arrivaft quelque révolution ; avec facilité de pouvoir lever quelques gens de g u e r r e , de les affembler, & de s'en fervir. félon les occafions qui fe pourroient r e n c o n t r e r . Il luy fut donné une autre p r o vifion particulière , qui portoit que dans toute la n o u velle Efpagne il fuft o b e ï , comme fi ç'euft efté le R o y , Et fa Majefte luy donna outre'cela une lettre pour F e r nand C o r t é s , par laquelle elle luy mandoit qu'encore qu'elle euft reconnu combien fa perfonne luy avoit efté utile & profitable, d'avoir réduit cette terre à fon fervic e , que néanmoins depuis qu'elle l'avoit pourveu de ce G o u v e r n e m e n t , & de la charge de Capitaine G e n e r a l , elle avoir reçeu plufieurs plaintes contre luy ; & que quoy qu'elle creuft que cela ne procedoit que d'une pure paffion & e n v i e , elle avoit toutefois efté obligée d'agir félon les loix & couftumes de ces R o y a u m e s , & de luy


INDES O C C I D E N T A L E S ,

Liv. V I I I . 683 envoyer un Intendant de Iuftice, afin qu'après avoir reconnu la vérité de la chofe, elle euft plus d'occafion de faire eftat de fa perfonne 6c de l'honorer. E t pour cet effet elle luy envoyoit le Licencié Loüis Ponce de Léon, h o m m e intelligent & fçavant qui feroit le deû de fa charge dans la fincerité -, & qu'elle le prioit qu'en arrivant là il fuir, reçeu félon fes ordres & les provifions dont il étoit le p o r t e u r ; afin qu'il peuft prendre fa refidence dans le temps p o r t é par icelles, parce qu'on luy avoir o r d o n n é de l'envoyer fi-toft que cela feroit fait ; Qu'elle le prioit en outre d'acheminer tellement les affaires avec le Licencié Loüis Ponce fûivant les ordres cy-deffus, qu'il n'agift que par les voyes que fa prudence & fou bon conieil luy fuggereroient ; parce que fuivant la grande expérience qu'il avoit dans toutes ces Provinces, cela pourroit apporter beaucoup de profit & d'utilité. Le R o y manda encore à Cortés fous la b o n n e foy de Louis Ponce de L é o n , qu'il avoit eu avis qu'il avoit pris pour luy routes les principales Provinces & peuplades des Indiens , & qu'il en avoit laiffé la plus petite part pour fa Majefté ; Q u e véritablement à caufe de fes grands fervices qu'il avoit rendus à la C o u r o n n e , il eftoit jufte qu'il en fuft recompenfé ; mais comme cette recompenfe fembloit eftre exceffive , il eftoit bien raifonnable de la reformer ; & que s'en rapportant à ce que luy en diroit Louis P o n c e , t o u c h a n t cela il le prioit & enchargeoit de fe contenter d'une partie qui fuft raifonnable , & qu'il a b a n d o n n a f t l'autre à fa Majeure ; Qu'il le prioit d'avoir pour agréable l'or qu'il avoit envoyé en fa maifon , puis que cela s'eftoit paffé ainfi , pour fatisfaire à fes grandes îieceflitez, & qu'il a v o i t , & que les confignations qu'il avoit faites eftoient fuffifantes. Le R o y luy envoya des provifions de l'Office de Capitaine g e n e r a l , après les trois mois qui luy eftoient donnez pour la reddition de fes comptes. L'on donna auffi à Loüis P o n c e la charge d'examiner s'il eftoit véritable que quelques-uns fuffent coulpables de la m o r t de Francifco de G a r a y , c o m m e le bruit en couroit ; & que l'on fift auffi les informations DES

1525. Sujet du du

voyage

Licencie

Louis

Ponce.

Le R o y

fait

ré-

proche à C o r t é s de f e s t r o p grades

Il des

poffeffions.

luy

envoyé

patentes

l'Office pitaine

de

de C a -

general.


684

H I S T O I R E

en b o n n e & deuë forme , s'il eftoit vray que Chriftofle d'Olid ayant échapé bleffé des mains de François de las C a f a s , & de Gille Gonçales D a v i l a , qu'il fe fuft allé c a c h e r , penfant mourir de fes bleffures, fe d é c o u vrant à un Preftre qu'il avoit pris pour fe confeffer ; & que par un cry public que François de las Cafas & Gille Gonçale firent faire pour l'affurance de Chriftofle d ' O Iid , le Preftre le découvrit ; & nonobftant la b o n n e foy du c r y , l'on n'avoit pas laiffé de le décoller, fans luy donner lieude fe pouvoir confeffer ; outre plufieurs aures crimes qui s'étoient commis dans les Y b u e r a s . L'on donne à Il fut mis entre les mains de Loüis P o n c e foixaneeLoiiis Ponce trois lettres avec les noms en blanc pour d o n n e r aux plufîeurs p r o v i Capitaines, & principales perfonnes qui l'aideroient & s i o n s d o n t les n o m s eftoient affifteroient, & d'autres encore p o u r les Seigneurs & en blanc. perfonnes de condition de Mexique & des autres P r o vinces. Il fut encore d o n n é d'autres dépefches en la mefme forme & de la mefme fubftance à N u n o de G u z man ; & l'on donna avis à Fernand Cortés de ce que celuy-cy eftoit pourueu du G o u v e r n e m e n t de Panuco ; Et l'on permift aux Officiers Royaux de cette Province de pouvoir trafiquer & négocier, attendu que cette terre eftoit fort fterile, & qu'ils ne pouvoient pas vivre autrement. L'on défendit à Fernand Cortés & à P e d r a rias d'aller ny d'envoyer aucuns de leurs gens dans la province de las Y b u e r a s , a t t e n d u que fa Majefté y e n voyoit un G o u v e r n e u r en fon nom. L'on o r d o n n a à Loüis Ponce qu'il regardait s'il eftoit à propos de fabriquer une maifon pour la monoye dans M e x i q u e , & o n Iuy donna de nouveaux coins pour marquer l'or & l'argent que l'on apporteroit de la nouvelle E f p a g n e , où eftoit gravée la devife de fa Majefté, P L U S U L T R A . T o u s ces ordres cy-deffus fpecifiés eftoient ceux qui concernoient le general ; les particuliers furent les fuiO r d r e s fecrets vans , Que l'on s'informaft s'il eftoit véritable ce q u e qui faune donquelques-uns avoient é c r i t , q u i difoient que F e r n a n d nez à Loüis P o n Cortés ne craignoit point Dieu, qu'il eftoit defobeïffant ce. au R o y , & q u e t o u t ce qu'il luy venoit en la fantaifie il l'executoit 1525.


DES I N D E S

OCCIDENTALES,

Liv. V I I .

685

l'executoit de fon propre m o u v e m e n t , fe confiant aux Indiens, à la quantité de pièces d'artillerie qu'il avoit, & à fes amis & alliez qui s'eftoient liez avec luy , pour le fecourir & mourir avec luy en exécutant quelque c h o f e q u e c e fuit qu'il leur auroit c o m m a n d é de faire, qui eftoient les véritables apparences d'une préparation à une tyrannie,& qu'il faifoit exercer en fa perfonne toutes les cérémonies Royales, excepté les courtines;qu'il étoit bien refolu de ne pas obeïr aux ordres du R o y , & pretendoit de les interpréter d'un autre fens différent,par diffinuilation , & que quant à luy,outre i'artillerieul eftot encor fourny de q u a n t i t é de munitions, d'efcoupetes,d'arbaleftes & de lances ; Qu'il avoit fait fondre q u a n t i t é d'or fecretement fans avoir payé le quint du Roy ; Q u ' i l avoit levé un autre quint de l ' o r , outre celuy que l'on le voit pour fa Majefte,difant qu'il luy appartenoit c o m m e Capitaine g e n e r a l , & qu'il avoit tâché d'empêcher q u e l'on envoyait l'or qui appartenoit au R o y , & que p o u r cet effet il avoit retenu les navires de Caftille, pour faire que les chofes t o u r n a i e n t à fon profit ; Qu'il avoit ufurpé quatre millions des droits qu'il avoit pris furies fruits de la terre , & que de q u a r a n t e Provinces qu'il a v o i t , une feule luy r a p p o r t o i t de rente chaque j o u r cinquante mille Caftillans, fans compter ce qu'il d r o i t des mines ; & qu'il tenoit plus de trois cens lieues de terre depuis Mechoacan jufques o ù eftoit Pedro d'Alvaredo ; Qu'il avoit caché dans la terre t o u t l'or de M o n t e z u m e , & en avoit envoyé plufieurs charges à la mer du Sud o ù il faifoit faire fes navires ; & qu'il vouloit enlever t o u t cet or & les trefors pour s'en aller en quelque part, puis qu'en deux ans & demy derniers paffez il n'en avoit point envoyé découvrir ; qui eftoit un indice qui faifoit juger qu'il les amaffoit pour cet effet ; Q u ' a y a n t deftiné quelques Provinces pour fa Majefté, il les avoit prifes pour luy & les r e t e n o i t , excepté Tlafcala ; Q u ' i l avoit tiré foixante mille Caftillans de la ville de T e z c u c o , & quatre-vingt mille d'une autre P r o vince ; o u t r e qu'il levoit le profit de toutes celles qui Nnnn

1525.

A c c u f a t i o n s fe-

crêtes contre Cortés.

L'on appréhende que Cortés ne s'en aille ailleurs avec fes trefors.


686 1525 Q u e

Cortés

avoit

plus

d'un

milion & de

demy

vaffaux,

L'on

donne

dre à Louis ce

de

chaffer

Cortés qu'il ble.

orPon-

au

foit

cas

coupa-

H I S T O I R E

eftoient affectées à fa Majefté ; Q u e le domaine qu'il poffedoit eftoit g r a n d , & qu'il avoit plus d'un milion & demy de vaffaux à fa devotion ; Qu'il avoit plus de deux cens milions de rente fans que la Majefté en euft aucune chofe ; Q u e lors que les Indiens le chafferent de Mexique , il avoit pris quarante cinq mille poids d'or qui appartenoient à fa Majefté, fous une fauffe information qu'il avoit fait faire, de ce que les Indiens avoient pris celuy du R o y pour fauver le leur ; Q u e s'eftant fervy de l'autorité de D i e g o de Soto, qui faifoit l'Office de Treforier, il avoit pris foixante mille Caftilians d'or, fous prétexte de les employer aux armées ; Qu'il donnoit des brevets à fes amis en les obligeant de payer à fa Majefté les droits qui luy appartenoient de l'or qu'ils trouvoient. O n luy donna encore un ordre t o u t particulier, que s'il trouvoit que Cortés n'euft pas gardé l'obeïffance & la fidélité ainfi qu'un bon vaffal eft oblig é de faire, qu'il le fift fortir de la terre ; & pour cet effet il luy fut d o n n é lettre de fa Majefté, par laquelle il luy eftoit enjoint de s'informer de luy des chofes qui concernoient fon fervice ; & que fi pour parvenir à l'effet que deffus il faloit en venir à la force, qu'il fe fervift d e fes provifions & des ordres qu'il porroit ; Qu'il luy parlaft touchant c e t t e multitude de vaffaux qu'il avoir, & qu'il fe moderaft en cela ; Qu'il luy fift rendre l'artillerie , & que l'on la mift en lieu de feureré auffi-toft, & qu'il la prift pour fon fervice ; Et que s'il trouvoit qu'il fe fuft rendu fidèle,apres les trois mois de refidence , qu'il luy d o n n â t le titre d'Adelantado , que l'on envoyoit par frère Pierre Melgarejo & Iean de Rivera, avec la provifion de Capiuine General ; Q u ' i l tâchaft far tout de fçavoir au vray d'où procedoient les differens qui eftoient entre les Miniftres R o y a u x , t o u c h a n t le G o u v e r n e m e n t , & quels eftoient les plus coupables en cela. Sur la fin d e cet a n n é e , c o m m e l'Admiral D i e g o C o lon alloit à Seville à la fuite de l ' E m p e r e u r , pour tâcher d e venir à b o u t de fes affaires, il m o u r u t dans le vilage de


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. V I I I .

687

Montaluan , laffé défaire tant de pourfuites pour l'ob1525. tention de les p r é t e n d o n s , & pour fe défendre c o n t r e M o r t d e l ' A d les calomnies que fes envieux luy objectaient, & qui par m i r a l . D i e g o Colon. q u a n t i t é d'aftuces & de folicitations tâchoient inceffamment d'obfcurcir la gloire de fon pere ; Se la vertu de fon fils. Sur la fin de c e t t e mefme a n n é e , il fe t r o u va dans la province d e M e c h o i c a n , c e t t e riche mine d'argent fi renommée ; o ù les Officiers R o y a u x ne fe c o n t e n t a n t pas d'en tirer le q u i n t , l'on t i e n t que pour des raifons particulières ils appliquèrent le t o u t au fifq u e : mais foit par punition de D i e u , ou a u t r e m e n t , elle n'a jamais paru depuis ce j o u r , ny où la chercher. 11 y e n a qui difent qu'il t o m b a une m o n t a g n e deffus ; d ' a u t r e s , que les Indiens la b o u c h e r e n t ; & d'autres e n c o r e , que D i e u Pavoit permis ainfi , parée qu'elle fut ufurpée fur celuy qui l'avoit découverte ; & afin auffi q u e l'on ne perdift pas la terre. P a r c e qu'y ayant peu de Caftillans en en temps-là, ils a b a n d o n n o i e n t les affaires de Mexique à caufe de la richeffe d e cette mine ; car L e s I n d i e n s de ils s'en alloient à M e c h o a c a n , & les Indiens entr'eux fMo en ct h vo aaicl laann s . avoie deffein de fe foûlever ; particulierement ceux de Mechoacan, qui font belliqueux, robuftes, adroits, & qui à cent pas de longueur ne m a n q u e n t pas de donner de la flèche dans le b l a n c , q u e l q u e petit qu'il fuit.

Fin du Livre

huitième.

Nnnn

ij


688

H I S T O I R E GENERALE DES VOYAGES E T C O N Q V E S T E des Caftilians dans les Ifles & Terre- ferme des Indes Occidentales, LIVRE

N E V F I E S M E .

C H A P I T R E

P R E M I E R .

Pedrarias Davila va à Nicaragua. L'inftructiou que Pedra de los Rios emporte pour gouverner la Caftille de l'or. E Gouverneur Fedrarias Davila partit au commencement de l'année mil fix cens vingt- fix, 1526. de Panama pour aller à N i c a r a g u a , lequel P e d r a n a s part fous prétexte du deffein qu'il avoit de fervir ce Panama p o u r aller à N i c a r a - le R o y , avoit envoyé François H e r n a n d e z de C o r d o u ë gua. avec un fien p o u v o i r , a u nom de fa Majefté de pacifier les provinces de N i c a r a g u a , & les peupler ; & q u e pour luy bailler u n e armée considérable , il avoit dépenfé tout fon bien , fans celuy qu'il avoit e m p r u n t é de fes amis, dont il demeura fore engagé ; E t comme il avoit d o n n é l'ordre à François H e r n a n d e z , q u e de ce qu'il A N N É E


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.IX.

629

gagneroit il en faloit payer ce qui appartenoit au R o y & aux particuliers, ce qui avoit efté d é p e n f é , & que le refte fuft partagé entre tous félon que portent les O r d o n n a n c e s , & l'ufage & couftume de la terre. Mais qu'au préjudice de toutes ces chofes H e r n a n d e z s'étoit rendu maiftre des Provinces, & fe voyant puiffant en b i e n s , eftoit fur les termes de fe-foûlever , quoy qu'il y en eut plufieurs qui dirent que Pedrarias ne s'en mit point en peine qu'après avoir apris que F e r n a n d C o r t é s vouloir pafter à N i c a r a g u a , afin de l'empêcher d'entrer dans cette t e r r e , parce qu'il pretendoit qu'elle dépendift du G o u v e r n e m e n t de la Caftille de l'or ; & qu'ayant apris q u e Pedro de los Rios alloit prendre poffeffion de ce G o u v e r n e m e n t , i l ne voulut pas a t t e n d r e la Refidence. Eftant arrivé à la ville de Léon il fit prendre François H e r n a n d e z & luy fit t r a n cher la telle , ce qui d o n n a bien de la fâcherie à fes amis, qui nioient h a u t e m e n t qu'il n'avoit aucun deffein de fe foûlever, & affirmoient que s'il en euft eu le deffein , il euft bien e m p ê c h é q u e Pedrarias ne fe fût faifi de fa perfonne. D a n s ce mefme. temps P e d r o de los Rios preparoit toutes chofes pour fon voyage dans la Caftille, auquel le R o y ordonna de prendre pour limites de fon G o u v e r n e m e n t , celles qu'avoit Pedrarias, excepté les p r o v i n . ces de Paria, de V e r a g u a , & la terre que découvrirent V i n c e n t Yafiez Pinçon, & Iean de D i a z de Solis ; E t de s'employer fur tout à la converfion des I n d i e n s , & en ce qui feroit plus neceffaire pour l'eftabliffement & repos de la t e r r e , fans s'aller divertir dans d'autres P r o vinces , Et faire en forte que les Indiens fuffent toujours bien t r a i t e z , c o m m e des vaffaux d e la C o u r o n n e R o y a le , libres & n o n comme des efclaves, puis qu'ils ne Fêt a i e n t pas ; Parce que la principale intention de fa Majefté dans toutes les découvertes qui fe font faites, a toujours eu pour b u t la converfion des gens & le b o n t r a i t e m e n t , & qu'ils fuffent inftruits en la foy C a t h o lique. Q u e fi après eftre arrivé e n ces lieux il luy fenv

N n n n iij

1526.

Pedrarias

Ce

veut révolter

à

caufe de Cortés-

a

Reddition

de

compte. Il

fait

la

tefte

trancher à

Fran-

çois H e r n a n d e z ,

Inftruction Pedro

de

â

los

Rios.

Le

R o y

ne

d'avoir

de des

o r d o n -

Coin

l'inftruction Indiens.


690

H I S T O I R E

bloit qu'il y e u t apparence de faire quelque découverte dans les limites de fon G o u v e r n e m e n t , & y peupler 1526 pour la facilité du trafic , & du n é g o c e avec les naturels d e l à t e r r e , qu'il gardait la forme & manière cy-devant d o n n é en pareil cas. Q u e il en pareil cas il prenoit envie au Licencié Salmeron, & à tous les Officiers Royaux de faire la mefme c h o f e , ou à quelques-uns d ' e u x , o n leur permet toit de le f a i r e , en prenant g a r d e fur t o u t de ne point donner fujet aux Indiens defe révolter, ny de fecoüer le j o u g de la converfion. E t que lors que Que l'on ne do- l'on voudroit entreprendre q u e l q u ' u n e de ces choies, ne point fujet qu'ils fuffent affurez de ia vérité, Se n o n p a r l a relation aux Indiens de de gens qui n'afpirent qu'aux nouveautez , parce q u e fe foûlever. faute de les avoir bien confiderées c y - d e v a n t , il avoit pery q u a n t i t é de g e n s , & fait de grandes dépenfes qui avoient efte rendues inutiles. O r parce que le meilleur moyen par o ù il fembloit que l'on pouvoit faciliter le Q u e le trafic de trafic de l'Efpicerie, cependant que l'on trouveroit l e l'epicerie fe fift d é t r o i t , eftoit de faire deux chofes ; l'une en la ville c e dans Panama. P a n a m a , & l'autre en la cofte du N o r t , afin q u ' e n de , chargeant l'Epicerie dans P a n a m a , elle fe p e u t transp o r t e r fur des belles en la maifon de la cofte du N o r t , & que l'on tranfportaft les marchaudifes à Panama p a r la mefme voye qui dévoient eftre envoyées aux Ifles des Moluques ; Q u ' i n f i l'on avifaft en bref ce qui fe p o u voit faire là deffus, & qu'avant que de la refoudre l'on la confideraft e x a c t e m e n t , & en diligence avec les Officiers Royaux pour en dire leur fentiment. Parce q u e le Capitaine Garcia Iofrede Loayfa eftant party a v e c l'armée; & Sebaftien G a b o t o s'eftant affocié avec d'autres , pour en m e n e r une autre, outre celle q u e devoit Sebaftien Ga- auffi mener Simon d'Alcazona S o t o m a y o r , il eftoit à boto va aux Mopropos que fi quelques navires de cette a r m é e alloient luques avec une reconnoiftre P a n a m a , ils fuffent bien t r a i t e z , & que armée. l'on leur expédiait leurs dépefches,& les chofes d o n t ils auroient befoin, tant que faire fe pourroit , & p r é parer ainfi le paffage des marchandises d'une mer à l'autre.


D E S I N D E S O C C I D E N T A L E s , LIV.

IX.

691

E t d'autant que l'on avoit fait quelques peuplades dans cette Province quiavoient befoin d'un Lieutenant du Gouverneur pour maintenir les choies dans un b o n ordre ; il fut o r d o n n é q u e l'Alcade Major allant dans quelques-uns de ces vilages ou p e u p l a d e s , l'authorité de Lieutenant de G o u v e r n e u r ce fiait, pour éviter la c o n fufîon & les differens qui e n pourroient arriver ; e n c h a r g e a n t à Pedro de los R i o s , que puis que le Licencié Saliver on eftoit A d v o c a t , & qu'il fçavoit le D r o i t & les L o i x , defe fervir toujours de fes confeils & avis , & qu'il l'honorait pour mieux affermir fon G o u v e r n e m e n t . Q u e s'il eftoit à propos de fonder quelque peupl d e , q u e l'on choifift un lieu fain & c o m m o d e , & que l'on difpofaft des plans & départemens félon la qualité des perionnes & dans leur o r d r e , e n telle forte qu'il reftaft une efpace vuide pour les Eglifes, les places & les rues ; Q u e l'on éleuft e n t r ' e u x c h a q u e a n n é e des Ouvriers pour la fabriques des Eglifes, fans rancune & de bon accord ; Q u e les p a r t a g e s des terres & héritages auffi fuffent divifez félon les qualitez des p e r f n n e s , de telle forte qu'aux u n s & aux autres il leur echeuft d u bon & du mauvais fi aucun y en avoit ; Qu'ils priffent garde fi les Eglifes des peuplades de la Province eftoient bafties, & q u e fi elles ne l'eftoient pas, qu'ils les fi fient faire fuivant l'ordre q u e le R o y Catholique l'avoit o r d o n n é ; & que fur t o u t ils fiffent en forte de conferver les Indiens dans l'amour & dans l'amitié des Caftillans ; & q u e pour cet effet il n'y avoit rien tant à fouhaiter q u e d'accomplir en leur endroit ce qu'on leur auroit p r o m i s , afin de leur d o n n e r fujet d'avoir de la confiance en leur promeffe, qui feroit le vray moyen de les réduire dans le devoir ; Q u e fi p a r h a z a r d l'on eftoit obligé de leur faire la guerre , q u e l'on n e la leur fift pas pour cela, à moins qu'ils fuffent agreffeurs ; & qu'elle ne fe fift qu'après leur avoir fait q u a n t i t é de foûmiffions ; & que fi l'on d e v o i t donner des I n diens aux habitans pour N a b o r i a s , que l'on obfervaft en cela les O r d o n n a n c e s , afin qu'ils fuffent mieux c o n fervez & endoctrinez. E t d'autant qu'il n'y avoit rien

1526. Qu'en l a p r e fence d u S e r g e s Major l ' a u t h o rité d u Gouvesneur

ceffaft-

Q u e

le p a r t a g e

des terres fe fift félon les q u a l i tez d e s p e r s o n e s .

Q u e l'on exécutait

envers

les

I n d i e n s tout ce q u ' o n leur p r o mettoit.


H i s T O i R e qu'ils euffent plus en averfion que de leur ofter leurs femmes & leurs enfans, que l'on fift en forte de ne le pas foufïrir, & de châtier feverement ceux qui y contreviens droient ; Q u e les blafphemes & les jeux fuffent deffendus ; & que l'on n'executaft perfonne pour avoir fervy de caution , mais bien pour des vivres, & pour des ferre mens pour tirer l ' o r , & que l'on publiait cette O r d o n nance , afin que chacun prift garde c o m m e n t ils s'engageoient pour des cautions ; Q u e l'on ne confentift point qu'il paffaft en cette terre aucun Advocat ny Procureur de caufes, parce que l'on avoit allez éprouvé dans l'Ifle E f p a g n o l l e , & par expérience combien cela y avoit caufé de procès , Et afin que les ignorans ne fouffriffent p a s , que le Gouverneur & fes Officiers procurailent de s'informer de la vérité des chofes,qui s'appelleroient devant eux , pour les vuider à l'amiable fi faire fe pouvoit, & terminer les differens en bref, fans les confommer en frais par des délais fuperflus ; & faire en forte d'accorder les parties dans les chofes douteuifes, & donner les fentences de l'avis de gens de bien ; & fur tout faire en fort e qu'il n'y euft point de procès entre les habitans d'un mefme lieu ; Q u e dans les chofes criminelles l'on en j u geait félon les Loix de ces Royaumes ; châtiant par toute forte de rigueur le péché abominable & les r e b e l l e r E t que quant aux larrons l'on pouvoir excéder par deffus les Loix ; parce que pour les avoir chaftiez au comm e n c e m e n t avec trop de douceur , il en eftoit arrivé d e grands fcandales ; Q u e l'on prift garde toujours en t o u tes chofes que la confcience du Roy ne fuft pas lezée ; Q u e perfonne n'allaft trafiquer fans fa permiffion ; & qu'à tous ceux qui iroient l à , on leur laiffaft l'entière liberté d'écrire ce q u e bon leur fembleroit. 692

1526

Deffenfe d e laiffer e n t i e r d a n s l a Caftille de l'or aucuns A d v o c a t s ny p r o . cuteurs,

Q u e

les

fuite

punis

plus

feverement

que

les

loix,

larrons

ne

permettoient.

le

CHAPITRE


DES

INDES

O c c i D E N T A L E s , Liv.

IX.

693

1526.

CHAPITRE

II.

Des demandes que fit Pedrarias dans le Confeil ; & ce qui fut ordonné touchant la liberté des Indiens.

C

O m m e Pedrarias Davila fedoutoit bien que l'on procédèrent en bref à l'audition de fes c o m p t e s , il fuplia le Confeil parfon Procureur ( parce qu'il a p p r e hendoit quelques perfonnes qui luy vouloient du mal ; & il eut pû. arriver que le Commiffaire mefme qui le devoit examiner, ne luy auroit pas voulu octroyer Pappellation des Sentences qu'il donneroit c o n t r e luy) d'ordonner premièrement qu'elle luy fuft octroyée. L ' o n o r d o n n a que les condamnations qui fe feroient dans l'examen des comptes pour les concuffions, ou t r o m p e ries , ou chofes mal levées, l'on payaft fur le champ , la fomme n'excédant pas dix mille maravedis ; mais il elle e x c e d o i t , qu'elle fuit mife en d é p o f t , ainfi qu'il eftoit c o n t e n u dans les articles de police & des Commiffaires Examinateurs ; nonobftant oppofition ou appellation P eDd er amr ai ansd e a u de q u e l c o n q u e . E t quant aux autres caufes, c o m m e pour C o n f e i l d e s I n avoir mal exercé ion office, ou ayant fait du procès d'au- d e s . truy le f i e n , ils pourroient avoir les voyes d'appellation, pour eftre pourfuivies au Confeil fupréme des I n d e s , en furfeant l'exécution t a n t q u e l'appellation auroit efté Salmeron doit vuidée. E t quant à la reddition de c o m p t e que le Licen- e x a m i n e r l e s cié Alarconcillo avoit fait rendre à Pedrarias D a v i l a , il c o m p t e s d e P e fut o r d o n n é qu'il le rendroit encore par devant le Licen- d r a r i a s D a v i l a , cié Salmeron. D a n s ce mefme temps Iean de Ampues F a d e u r Royal L ' o n a c c o r d e à en l'Ifle Efpagnolle fit recit au R o y , q u ' e n l'année 1513. I e a n d e A m p u e s les pauplades les Rois Catholiques ayant efté informez que pour in- d e s Ifles d e C u ftruire les Indiens des Ifles inutiles, il eftoit neceffaire r a n à , d e C u r a c è de les mener à l'Efpagnolle ; & que l'on déclara dés lors & d e B u y n a r e . pour Ifles inutiles celles de C u r a n à , de C u r a c ô & d e B u y n a r e , qui eft dans une C o n t r é e de Terre-ferme & O 000


694 H I ST O I R E eft contiguë à Q u i b o c o a & à Peraguachoa ; & qu'il y 1525. avoit envoyé une armée pour les enlever, conduite par. un certain D i e g o de Salazar, à qui il en eftoit écheu quelques.uns en p a r t a g e , & que ceux-cy luy ayant femblé eftre plus habiles que ceux des autres lfles pour eftre Chreftiens , il avoit d e m a n d é permiffion à l'Admiral D i e g o C o l o n de peupler ces Ifles, & les deffendre contre les gens de guerre 6c détourner les maux que l'on pouvoit faire ; & que Diego Colon Iuy avoit accordé fa d e m a n d e , fous de certaines conditions, dont il d e m a n da la confirmation au R o y , qui la luy accorda ; à condition qu'il accompliroit ponctuellement ce qui avoit efté ordonné touchant la converfion & le bon traitement des Indiens ; & que fur tout fa Majefté entendoit qu'ils ne fuffent point efclaves ny mal traitez ; mais qu'ils fuffent tenus pour libres comme les vaffaux, t o u t ainfi que l'on en ufoit en Caftille, félon qu'il l'avoit déjà déclaré & ordonné plufieurs fois. O r d r e s du R o y E t pour plus grande preuve & accompliffement d e p o u r le b o t r a i ordonna qu'il feroit expét e m e n t d e s I n - tout ce que deffus, fa Majefté diens. dié à l'inftant, & fans intermiffion des mandemens p o u r l'Audience de Santo D o m i n g o , & pour tous les G o u verneurs & Iuftices des Indes en cette forme ; Q u ' a u f f i toft après les prefentes reçeuës chacun dans fa lurifdicfion s'informait en diligence quelles perfonnes avoient efté t u é e s , les pilléries & excès qui avoient efté commis ; les déplaifirs que l'on avoit caufez aux I n d i e n s , & qu'ils e n v o y a i e n t une ample relation à fa Majefté des noms des c o u p a b l e s , avec leurs avis touchant le chaftiment que l'on leur devoit faire ; Q u e les Iuftices fiftent en for, Q u e les I n d i e n s te de fçavoir ceux qui tenoient des Indiens efclaves qui q u e l'on tenoit pour efclaves auroient efté tirez de leur pais n a t a l , & de les renvoyer retourneroient p r o m p t e m e n t c h e z eux libres au cas qu'ils y vouluffent en leurs pais. r e t o u r n e r , & fans aucune incommodité s'il fe pouvoit faire -, & quefi cela ne fe pouvoit pas faire facilement, qu'ils fuffent mis en l i b e r t é , félon que la capacité d e chacun d'eux le pourroit p e r m e t t r e , & eftre toujours p o r t e z pour le profit des I n d i e n s , afin qu'ils fuffent in-


D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv.

IX.

695

ceffamment traitez comme l i b r e s , bien entretenus & 1526. bien g o u v e r n e z , fans leur donner aucun fujet de m é c o n t e n t e m e n t , ny les charger trop de travail ; Q u e fi toutefois ces Indiens eftoient Chreftiens, que l'on ne les laiffàft pas retourner en leur t e r r e , pour la perte qui pourr a i t arriver de leur ame ; Q u e tous les Capitaines qui iroient cy-apres en découverte, meneroient chacun deux Preftres pour dire les M e n é s , qui feroient approuvez du Confeil ; pour la converfion & inftruction des Indiens, & pour prendre garde q u ' o n ne leur fift aucun mauvais traitement, ny violence, les deffendant & les protégeant, & donnaffent avis à fa Majefté de ceux qui y contreviend r o i e n t j Q u e lors q u e quelques Capitaines continuant Q u e ceux q u i la route de leur d é c o u v e r t e auroient deffein de defcen- iroient en d é d r e à terre dans quelque Ifle, qu'ils ne le pourroient faire couverte n e deffans le confentement des Préfixes & des Officiers c e n d r o i e t p o i n t à t e r r e , fans l a R o y a u x ; & que la première chofe qu'ils feroient en ar- permiffion des rivant dans les terres de leur d é c o u v e r t e , & d o n t ils dé- Preftres, voient p r e n d r e poffeffion , qu'ils envoyeroient dire aux Indiens parleurs Interprètes, que fa Majefté les envoyoit pour les retirer de leurs erreurs, de leurs vices, & de manger de la chair humaine ; pour les inftruire en la foy, & leur apprendre le chemin de falvation, & les attirer à l'obeïffance de fa Majefté , afin d'eftre traitez c o m m e fes autres fujets, & Chreftiens ; & que fuivant cela ils Q u e l ' o n feroit leur fiffent les fommations accouftumées ; Qu'après les les fommations avoir ainfi admoneftez, que l'on fift en forte pour la feu- o r d i n a i r e s aux r e t é de baftir quelques fortereffes & maifons fortes, fans I n d i e n s . p r e n d r e les biens des Indiens par force , ny leur faire aucun t o r t ; mais pluftoft les encourager, les foulager & les traiter comme Chreftiens, afin que par cette douceur & par la prédication des Religieux ils vinffent à la çonnofftance de la fainte Foy C a t h o l i q u e , & perfeverer en l'obeïffance de fa Majefté ; Q u e l'on obferveroit cette mefme façon d'agir dans les trocs 6c dans le trafic , en leur donnant toute forte de fatisfaction , de telle forte qu'ils fuffent contents ; & qu'aucun ne les prendroit pour efclaves fous de grandes p e i n e s , fi cen'eft q u ' e n t r e

O ooo ij


696

H I S T O I R E

eux ils euffent refolu de ne vouloir pas recevoir les Preftres & les Religieux pour les inftruire dans les bonnes moeurs & couftumes,& pour leur prefcher la Foy & l'Evangile , & qu'ils ne vouluffent pas rendre l'obeïffance à fa Majefté, y refiftant par la force des armes. Car en tel Sous quelles cocas pour la deffenfe de leurs vies,l'on permettoit à ceux dirions l'on p o u v o i t faire la qui alloient en intention de s'eftablir , de l'avis & du guerre aux Inconfentement des Religieux & des Preftres d'un comdiens. mun a c c o r d , figné de leurs n o m s , de leur faire la guerre & agir en cela félon les droits que noftre fainte Foy & Religion Chreftienne le p e r m e t t e n t , & non a u t r e m e n t , Q u e l e s I n d i e n s en quelque manière que ce fuft ; Q u e les Capitaines, ny ne feroiét point autres ne pourroient contraindre les Indiens d'aller aux forcées d'aller aux m i n e s n y à mines ny à la pefche des perles, ny à quelque autre oula p e f c h e des vrage pénible fur peine de perdre leurs Offices. Mais perles. que s'ils s'offrent d'eux-mefmes d'y aller comme libres, en leur payant leurs j o u r n é e s , ils le pourroient faire ; à condition qu'ils auroient foin de les enfeigner la foy & bonnes couftumes, en les éloignant du f i é e , de l'adoration de leurs I d o l e s , de manger de la chair humaine, de la Sodomie & autres. E t que fi les Preftres & les R e ligieux jugeoient à propos que pour faire quitter aux Indiens toutes ces méchantes habitudes & faire plus d e progrés en leur converfion , il fuft neceffaire de les rec o m m a n d e r , ou pour mieux dire de les partager e n t r e les Chreftiens, pour les fervir comme perfonnes libres ; qu'ils le peuffent faire felon qu'ils l'ordonneroient ; p o r Que l'on pourroit partager tant toujours refpecf au culte divin, & au bon traitement des Indiens fudes Indiens , en telle forte que la confcience du R o y n'y vant l ' a v i s des fuft point engagée , fe déchargeant en cela fur celle des Religieux. Preftres & des Religieux ; Q u e ceux qui alloient pour découvrir & peupler ne pourroient enlever aucuns h a bitans des Ifles pour les faire aller demeurer en d'autres, ou a u t r e m e n t , fi ce n'eftoit quelques- uns pour leur fervir d'interpretes;mais qu'ils en e n l e v a i e n t de ces R o y a u m e e , attendu que fuivant la quantité que l'on en tiroit des Ifles, cela les dépeuploit. Cet ordre fe donna pour lors, fans préjudice de ce q u e les Pères Dominicains le 1525


DES

I N D E S O C C I D E N T A I E S , LIV

IX.

697

jugeroient à propos. L ' o n donna en ce mefme temps à Alonfe Vafquez d ' A c u n a , la charge de Treforier de la c o d e des Perles & du C a p de la Vela ; à Pedro de San Martin celle de Vifiteur des fontes ; & à François de Sak z a r celle de Maiftre des Comptes ; En ce mefme temps auffi le Bachelier Martin Fernandez d'Encifco h a b i t a n t de Seville, fit un traité avec le Roy pour pacifier & peupler cette terre , e n la forme ordinaire.

C H A P I T R E

1526 Martin Fernandez Encifco t r a i te p o u r p e u p l e r la cofte des P e r les.

III

De l'armée que Sebaftien Gabsto leva four l' épicerie ; & du féjour qu'il fit à la rivière de la Plata.

L

es échantillons que le navire Victoire apporta des épiceries & autres chofes des M o l u q u e s , encotirag e r e n t f o r t les habitans de Seville de foliciter Sebaftien G a b o t o Pilote Major de fa Majefté de s'offrir à faire ce voyage, luy p r o m e t t a n t de l'armer à leurs dépens. C o m m e donc il fe vit prié par t a n t de p e r f o n n e s , il traita avec le Roy dans Madrid le quatrième de M a r s de l'ann é e paffée 1525. en cette forte;Qu'il iroit avec trois na- Sebaftien Gafidvires , ou p l u s , jufques à fix, par le D é t r o i t de Magellan, to fait un trai.é que l'on appelloit alors De todos Santos pour chercher les avec le R o y p o u r aller aux M o l u Mes des M o l u q u e s , & les autres qui avoient efté décou- q u e s . vertes ; & mefme les autres Ifles ; & les terres de Tarfis, d ' O f i r , le Catay O r i e n t a l , & Cipango , & traverfer ce Golfe pour trafiquer & charger les navires, d'or , d'arg e n t , de pierres precieufes, de p e r l e s , de d r o g u e s , d'épiceries , de f o y e , de b r o c a t e l , & d'autres chofes de valeur qu'il pourroit trouver dans ces Ifles ainfi qu'il pourroit faire encore dans d'autres terres qu'il rencontreroit dans fa r o u t e ; ce qu'il promettoit de faire dans les limites de la C o u r o n n e de Caftille, fans toucher à celles du R o y de P o r t u g a l . A condition que les autres navires qu'il devoit conduire feroient du port de cent tonneaux au moins ; & qu'ils feroient bien p r é p a r e z , a r m e z , & O o o o iij


698 HISTOIRE munis de cent cinquante h o m m e s , de toute forte. E t 1526. que pour cet effet le R o yLuydevait donner quatre mille I l a p e r a m i f f i o n ducats , & Iuy accorder le fol pour livre de tout ce qu'il d'envoyer une gagneroit ; & que fi en fortant du détroit il vouloit e n caravelle depuis trafiquer en Terre-ferme jufle derroit j u f - voyer une caravelle pour ques à N i c a r a - ques à ce qu'il euft r e n c o n t r é Pedrarias D a v i l a , il le gua. pourroit faire ; Q u ' e n cas qu'il revinft heureufement du voyage , il feroit tiré de toute la maffe la vingtième partie pour la rédemption des Captifs, & qu'en fuite de c e la l'on départiroit le fol pour livre p o u r ceux qui auroientfait les frais de l'armemet, félon le plus ou le moins que chacun auroit fourny. Suivant ces articles, & encore cràutrés, l'on commença à préparer Parmée dans Seville, le Roy ayant fourny les quatre mille ducats accordez , outre plufieurs largeffes & commoditez à G a b o t o , pour faire plus de diligence pour l'exécution du voyage. L'on n o m m e C e u x qui furent députez pour en foliciter les dépêches, des d é p u t e z p o u r eftoient Francifco de Santa Cruz & Francifco L e a r d o , f a i r e les dépefc h e s d e l ' a r m e - de la part de ceux qui faifoient les frais de l'armement. ment, L'on donna à G a b o t o la charge de Capitaine g e n e r a l , & pareille inftruction que celle qui fut d o n n é e au C o m mandeur Loayfa. Martin M e n d e z , qui eftoit revenu des Moluques en qualité de Controlleur du navire V i ctoire, fut pourveu de la charge d e Lieutenant general; à condition qu'il ne s'entreméleroit q u e des chofesque le General luy o r d o n n e r a i t , ou eftant a b f e n t , ou e m p e f c h é , & non a u t r e m e n t , attendu qu'il le menoit contre fa volonté. Mais les députez de ceux qui faifoient les frais de l'armement fur quelques differens qu'ils avoient eu avec le General, que ce fuft Martin M a n d e z , & n o n Michel de Rufis que G a b o t o pretendoit mener, le R o y tes députez blafment G a b o - voulut que l'on donnait cette fatisfaction aux D é p u t e z , to, qui avoient déjà porté un mémoire au R o y , fi remply d'invectives contre G a b o t o , que fi l'armée n'euft pas efté fi a v a n c é e , & q u e l'on avoit toutes les envies poffibles qu'elle partift en bref, on l'auroit fait arrefter : mais fa Majefté accommoda tous ces differens, en leur représentant le fçandale, & les inçoaveniens qui en pourroient


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. I X .

699

a r r i v e r , & a i n f i les affaires eftant accommodées en par1526. tie , l'on nomma pour Controlleur de la Capitaineffe Francifco de C o u c h a , & H e r n a n d o Calderon pour T r e forier. Entre les Officiers qui conduifirent cette armée , l'on Les C a p i t a i n e s d o n n a la charge du Capitaine du fécond navire appelle & Officiers de fancta Maria del efpinar, à G e r o n i m o Coro ; pour T r e - l ' a r m é e . sorier Iuan de Ionco , & pour Controlleur Michel Bal des. Le Capitaine du troifiéme navire appelle la T r i n i dad fut un n o m m é Francifco de Rojas ; pour C o n t r o L leur Antonio de Montoya ; p o u r Treforier G o n ç a l e N u n e z de B a l b o a , frère de l'Adelantado Bafco N u n e z , g e n s de & pour Sergent Major de l ' a r m é e , Gafpar de Ribas. Il qLes u a l i t é qui vot fejoignit encore avec eux plufieurs Gentils-hommes 6c à cette a r m é e . gens de condition en qualité de volontaires. Il y en eut entr'autres qui furent recommandez par le R o y , qui eftoient Galpard de Z e l a d a , R o d r i g o de Benanides, Iuan de C o n c h a , Sancho de Bullon, Alvaro N u n e z de Balboa , qui eftoient anffi frères de l'Adelantado Balboa , M a r t i n de R u e d a , Francifco M a l d o n a d o , M a r t i n Ybanes d ' V r q u i z o , Chriftoval de G u e v a r a , H e r m e n dez, & Miguel de R o d a s , qui quoy qu'expérimenté aux affaires de la m a r i n e , & qu'il fuft h o m m e de c œ u r , n'av o i t p o i n t de charge; parce qu'il y alloit par l'ordre d u R o y . Ainfi dans l'inftruction fecrete & autentique d e laquelle l'on devoit donner copie cachetée à chaque nav i r e , il y eftoit fpecifié qu'arrivant la m o r t du Capitaine G e n e r a l , l'on nommait en premier lieu en fa place Francifco de Rojas, Capitaine du navire appelle Trinit é ; en fécond lieu Michel de R o d a s -, & fucceffivement a p r è s , le Lieutenant General Martin Mendez ; Francifco de C o n c h a C o n t r o l l e u r de la Capitaineffe ; le C o n trolleur G o n ç a l e N u n e z de Balboa ; & après luy le C o n trolleur Michel de Baldes,& H e r n a n d o Calderon T r e forier de la Capitaineffe ; & au défaut de faperfonne, Iuan de I o n c o , Treforier d u N a v i r e fanta Maria , A n t o nin de M o n t o y a Controlleur d e la T r i n i d a d ; & après luy Gregorio Caro , Capitaine du fécond navires avec


700 1525

V n marinier v e n a n t des M o l u q u e s , fait récit du m a u v a i s t r a i t e m e n t que les P o r t u g a i s a v o i e n t fait aux Caftillans.

H I S T O I R E

ordre que tous ceux cy manquant, l'armée éleuft un Capicaine ; & qu'arrivant qu'il y en euft plus d'un d'éleu, & que les voix fuffent égales , qu'ils jettaffent au f o r t , & que celuy à qui il écherroit fuit obeï c o m m e tel. E t dautant qu'il arriva en ce rencontre un marinier de ceux qui avoient efté aux M o l u q u e s , q u i recita le mauvais traitement queles Portugais avoient fait aux Caftillans ; le peu qu'il en eftoit refté, & comme ils avoient pris le navire appelle T r i n i t é , l'on folicita le d é p a r t de G a b o t o avec plus de diligence, afin qu'il les allaft fecourir y & le Commandeur Loayfa auffi en cas debefoin. Enfin après beaucoup de difficultez, Sebaftien G a b o to partit au commencement d'Avril de c e t t e année; & mena encore un navire outre ceux qu'il a v o i t , que Michel de Refis avoit équipé & armé à fes dépens ; & il refta dans la maifon de Contractation de Seville, pour examiner les P i l o t e s , Iean Vefpucio & Michel Garcia. L'armée paffa par les Canaries & aux Ifles du Cap V e r t , & enfuite au C a p de faint Auguftin 6c en l ' I le de Patos ; & eftant arrivée proche de la Baye de Todos Santos , elle fit r e n c o n t r e d'un navire François. L ' o n remarqua en c e lieu que G a b o t o , felon l'opinion des plus expérimentez au fait de la marine, ne s'étoit pas gouverné en cette navigation comme un marinier expér i m e n t é , ny mefme comme vn bon C a p i t a i n e , parce que les vivres luy manquèrent pour avoir efté mal partagez. E t d'autant qu'il y avoit eu des differens avant que l'on partift de Seville, & qu'il fe rencontra quelques efprits m a l c o n t e n s , dont il ne femit pas beaucoup en peine de les appaifer ; il nafquit des murmures 6c des defordres p o u r le fait d e la navigation & du gouvernement dans l'armée, qui arriva à l'lfle de P a t o s fort affamée. Les I n diens de cette Ifle le receurent fort b i e n , 6c fournirent des vivres à toute l'armée, mais ils en furent tres-mal falariez, parce qu'on leur prit quatre enfans des principaux de la t e r r e , & on les enleva contre leur v o l o n t é . Il paffa plus avant jufques à entrer dans la rivière, que l'on appelloit alors de Solis, & m a i n t e n a n t , de la P l a t a , laif-

faut


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.IX,

701

faut dans une lfle dépeuplée le Lieutenant du G e n e r a l M a r t i n M e n d e z , le Capitaine François de Rojas, & M i chel de Rodas ; parce qu'outre qu'ils ne luy vouloient pas beaucoup de bien , ils le blafmoient hautement de ion mauvais gouvernement. Et en effet il ne paffa pas à l'Epicerie, parce qu'outre qu'il n'avoit pas de vivres, les gens ne le voulurent pas Cuivre, appréhendant d'être mal-traitez dans le détroit. Il entra dans la rivière de la Plara, & navigea deffus en r e m o n t a n t jufques à trente lieues pour découvrir quelque terre. Il r e n c o n tra une Ifle qu'il appella de fan G a b r i e l , qui avoit de circuit e n v i r o n une l i e u ë , & qui n'eftoit éloignée de terre-ferme que de demy lieue du cofte de B r e f t il y furgit, & y laiffa les vaifféaux ; puis fe m e t t a n t dans les barques avec quelques foldats , il m o n t a encore fept lieues, & rencontra une rivière , qu'il appella de fan Salvador , qui eftoit fort p r o f o n d e , avec un p o r t fort feur pour les navires , vers la mefme cofte du Brefil, o ù il fit m o n t e r les vaiffeaux, parce que l'entrée de cette rivière eftoit aflez profonde pour de puiffans navires. Il y b â tit une fortereffe, & y laiffa quelques g e n s , & fe mit avec le refte dans les barques & une caravelle à deffein de découvrir le haut de cette rivière, afin que du moins puis qu'il ne pouvoit pas aller à l'Epicerie, fon voyage ne fuft pas tout à fait inutile. Il rencontra à trente lieues de là une autre rivière appellée Z a r c a r a n a , ou il trouva des gens fort raifonables. Il y baftit encore une fortereffe qu'il appella de fancti Spiritus, & par un autre n o m , la fortereffe de G a b o t o . D e l à il alla d é c o u v r a n t a u deffus de la rivière de P a r a n a , qui eft celle de la P l a ta ; où. il trouva plufieurs Ifles & rivières ; & fuivant la plus c o u r a n t e , a u bout de deux cens lieues, il arriva à une autre rivière, que les Indiens appelloient Paraguay. Il laiffa cette grande rivière à la d r o i t e , croyant qu'elle alloit tournant vers la cofte du Brefil ; mais entrant dedans à trente quatre lieues de l à , il trouva des labour e u r s , ce qu'il n'avoit point encore veû ; qui luy firent une fi grande refiftance qu'il ne put paffer plus o u t r e . Pppp

1526.


702

1526.

H I S T O I R E

Il tua q u a n t i t é d'Indiens, mais il demeura vingt-cinq Caftillans fur la p l a c e , outre trois qu'ils p r i r e n t , qui eftoient allé chercher des bourgeons de palmier p o u r manger. D e là il fongea à prendre la route qu'il avoit deffein de prendre , c o m m e il fe dira cy-apres.

C H A P I T R E

IV.

Ze Commandeur Frère Garcia de Loay fa paffe le détroit de Magellan, & entre dans la mer du Sud, e Commandeur Loayfa eftant party le 16. de I a n vier de cette année avec fa Capitaineffe, le navire de faint Gabriel & une p a t a c h e , d o u b l a le Cap des onze O r d r e de c e t t e mille Vierges, & voulant entrer dans le détroit, l'Efquif navigation. de la patache defcendit à terre,& receut le Treforier Buftamante , & le Pere Iean d'Arrayzaga , lefquels dirent que le navire fairti-Spiritus eftoit perdu ; & que l'on ne devoit pas furgir là, mais que puis que le temps eftoit propre que l'on continuait, la r o u t e , & que la patache allaft chercher les autres navires. C o m m e ils voulurent s'emboucher dans le d é t r o i t , ils furent contrains de furgir, parce que les courants y font fort grands ; & Iean Sebaftien del Cano paffa dans la Capitaineffe ; où ils demeurèrent d'accord que la patache & les deux caravelles iroient quérir les g e n s , & les hardes qu'ils avoient fauvez du naufrage du navire fanti-Spiritus. Sitoft qu'ils eurent fait leur charge , & que tout fut e m b a r q u é , il leur furvintun fi mauuais t e m p s , qu'ils furent contrains de r e t o u r n e r du cofté de la mer. D u r a n t cette t o u r m e n t e , la Capitainefte, & les autres vaiffeaux qui eftoient Furieufe t e m pefte a r r i v é e à reftez dans la Baye de la Victoire furent en il grand p é la Capitaineffe. ril, que la Capitaineife fut obligée de garrer, & elle fut deux jours que la pointe de la prouë, que l'Efpagnol a p pelle codafto, pofoit fur ferre, les cordages furent r o m pus, le timon fut brifé, ils tirèrent du vaiffeau les futs de l'artillerie, des p i p e s , & autres chofes, furquoy le C a -

L


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INDES

OcciDENTALES,

Liv. I X ,

703

pitaine General & cous les foldacs fe fauverent à terre. Il n'y eut que le maiftre du vaiffeau & le contre-maiftre, 1526. avec quatre ou cinq mariniers, qui demeurèrent dedans, en attendant q u e Dieu en fift à fa v o l o n t é , lequel permit qu'au bout de trois jours l a b o n a c e leur fit reprend r e leurs efprits, & tirer le navire du danger o ù il eftoit ; puis l'ayant remis en eftat du mieux qu'ils p u r e n t , ils fir e n t voile vers la haute m e r , pour aller à la rivière de fanta Cruz avec les deux autres navires, & tous les cinq voguèrent enfemble,excepté la patache qui eftoit d e meurée en la Baye dont nous venons de parler, où eftoit le Capitaine Santiago de G u e v a r a , & le Preftre , qui ne Q u a t r e h o m e s fçavoient rien de cette tourmente qui venoit d'arriver vo it c h e r c h e r aux a u t r e s , mais ils croyoient au contraire que tous les les vaiffeaux. navires eftoient dans le détroit en la Baye de la Victoire, à caufe d e q u o y ils refolurent que le Preftre, accompag n é de trois foldats les iroient chercher, & prendroient des vivres pour quatre jours, pour faire quarante lieues d e chemin. Ces hommes allèrent cheminant par quantité de marécages & de lacs de bonne e a u , & arrivèrent enfin à la Vidoire,bien trompez,parcequ'ilsMaiffoient derrière les navires dans fanta Cruz, puis en s'en retournant ils virent des fufts d'artillerie, des planches & les pipes que ceux du navire avoient efté obligez de mettre à terre pour l'alléger; ce qui ies fit douterauffi-toft de ce qui eftoit arrivé. Le lendemain ils cheminèrent t o u t le jour fans trouver Ils ne t r o u v e n t q u e manger que des fruits fauvages & ineonnus, Se de rien à m a n g e r . mauvais gouft ; & Dieu permit qu'ils décrouvrirent le navire faint Gabriel qui alloit à la voile pour a p p r e n - Ils d é c o u v r e n t le n a v i r e S. G a d r e des nouvelles de fa chaloupe 6c de la p a t a c h e , & briel. pour dire au Capitaine Santiago de G u e v a r a , q u e les navires eftoient fur la rivière de Santa Cruz , & que s'ils avoient la commodité , qu'ils allaffent au lieu où. l'on avoit foulage le vaiffeau, & ramaffaffent les fufts d'artillerie & les autres chofes qui y eftoient, & qu'ils s'en allaffent à Santa C r u z Le Preftre & fes compa- Ils e n t r e n t dans gnons entrèrent dans la p a t a c h e , qui fut le deuxième la patache.

Pppp

ij


704

H I S T O I R E

jour de M a r s , & s'en allèrent à Santa Cruz , non fans 1526. fouffrir de grands travaux & des périls de fortune ; o ù ils trouvèrent la Capitaineife à fanta Maria del Parral & à faint Lefmes , fans que perfonne euft appris des nouvelles des navires de l'Annonciade & de faint G a Les foldats q u i briel. L'on donna carene dans la rivière de fanta Cruz defeendent à à la Capitaineife, & l'on radouba les autres vaiffeaux, terre c h e m i n e n t quatre j o u r s sâs p e n d a n t lequel temps quelques foldats entrèrent dans t r o u v e r de vila- le païs , & cheminèrent quatre jours fans trouver de Les navires a r r i - peuplade ; ils trouvèrent feulement quelques brafiers v e n t à la b o u c h e qui eftoient efteints ; & avant que l'armée entraft là du détroit. l'on avoit veu de nuit q u a n t i t é de feux en une m o n tagne. L'armée forcit de la rivière de fanta Cruz le 2 9 . M a r s pour continuer fa r o u t e , & le deuxième d'Avril la patache s'écarta & entra dans la rivière de fanta Lifonfo , & le Vendredy fixiéme de ce mois tous les vaiffeaux joints enfemble entrèrent dans le Cap des o n z e mille V i e r g e s , qui eft l'emboucheure du D é t r o i t & allèrent furgir auprès d'un grand Cap. Le Samedy e n fuite ils firent voile, mais ils ne purent entrer dans le plus eftroit, à caufe qu'ils n'avoient point de v e n t , c e qui fit qu'ils furgirent à une lieuë de là du cofté du Sud, où quelques foldats fauterent à t e r r e , mais ils n'y t r o u vèrent aucun Indien , quoy qu'ils y virent des pas d'hommes de grande ftature. Le D i m a n c h e huitième d'Avril ils entrèrent dans le D é t r o i r , & pafferenr le plus eftroit avec un vent frais ; & comme ils commençoient à entrer dans un fécond lieu eftroit ils virent venir derrière eux la Capitaineffe, avec les autres vaiffeaux qui e n t r o i e n t dans le premier lieu eftroit, où il falut que la p a t a c h e furgift. Le lendemain du matin le Capitaine Santiago de Guevara vint faire fes exeufes de ce qu'il s'eftoit é c a r t é , y ayant efté forcé par le temps ; & pour voir ce que le General ordonneroit ; Et d'autant qu'ils découvrirent quelques P o r t s , ils entrèrent dans fun qui eftoit fort bon , o ù ils trouverent un cano avec un équipage de c a ftes de b a l e n e , & cinq rames en façon de pelés pour le conduire. Ils y trouverenc auffi une corne de cerf Ils


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INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. I X .

705

chargèrent du b o i s , & virent des feux des deux c o d e z 1526. du rivage plus avant en terre. Le Mercredy enfui vant ils Ils voyent plu furgirent dans un bon port, qu'ils appellerent de faint fieurs feux des deux coftez de G e o r g e , où ils trouvèrent de la canelle v e r d e , d o n t ils l'eau. m a n g è r e n t quoy qu'elle fuft un peu fauvage. Le Facteur de l'armée appelle Coüarruvias mourut en ce lieu de maladie C o m m e le Capitaine General alloit reconnoiffant les ports du cotre du Sud, il en trouva quantité ,&Ci bons que l'on y pouvoit furgir fans c a b l e s , & y eftre en Il arrive deux feureté ; ce qui arriva le 22. Avril. C e t t e mefme nuit il c a n o s a bord, arriva à bord Jeux canos d'Indiens, qui fembloient ufer cdhi eanr gs .e z d ' I n de menaces ; & dautant qu'ils eftoient grands de corps, quelques-uns les tenoient pour des Géans ; & d'autres les appelloienr Patagones : mais parce que tous ceux qui o n t parlé de ces gens en ont parlé diverfement ; nous ne parlerons pas davantage d'eux en ce lieu, Ces indiens tenoient des tifons ardens en leurs mains ; ce qui donna de l'apprehenfion à quelques Chreftiens, croyant qu'ils venoient à deffein de mettre le feu aux vaiffeaux: mais ils n'oferent parfer plus avant , ny l'on ne p û t pas aller après eux avec les chaloupes, parce qu'ils alloient fort vifte avec leurs canos. Les vaiffeaux fortirent de ce p o r t , & le 2 4 May ils entrèrent dans un autre qu'ils appellerent P u e r t o frio , car il y faifoit fort froid ; à caufe dequoy il y mourut quelques foldats pour eftre mal venais. Le vingt-cinquième ils fortirent du d é - L'armée de Loay fa e n t r e troit & entrèrent dans la mer du Sud, & félon le récit d a n s la m e r d a qu'en ont fait ceux qui depuis arrivèrent en Caftille,& Sud. par ferment ils affirmèrent que le détroit a de longueur cent dix lieues, depuis le Cap des onze mille Vierges, en la partie du M o r t , jufques au Cap Deffendo, ou Defiré en l a mer du Sud, & qu'ils t r o u v è r e n t trois recoins de m e r , qui contiennent de terre à terre fept lieues plus ou Particularitez m o i n s , & dans les entrées & les forties un peu plus de du dérroit d e demy lieue de largeur ; & pour la l o n g u e u r , l'un con- M a g e l l a n , tient une l i e u ë , l'autre deux ; & dirent qu'ils entrèrent dans le troifiéme entre deux montagnes qui continuent jufques au dégorgement du détroit ; & qu'elles font fi

P p p p iij


706 1526.

Des poiffons qui s'y r e n c o n trent.

Les deux m a r é e s y m o n t e n t cin q u a n t e lieues & fe j o i g n e n t .

H I S T O I R E

hautes qu'il fembloit à voir qu'elles attaignoient juf. ques au C i e l , où. il faifoit un grandiffime froid ; q u e Je Soleil n'entroit point dans ce fond prefque toute l'année ; que la nuit y duroit plus de vingt heures ; qu'il y neigeoit inceffamment ; & q u e la neige eftoit de couleur bleüaftre pour y eftre long-temps fans fe pouvoir fondre. Les arbres font prefque tous chefnes, e n t r e - m é l e z de canele fauvage ; &: quoy q u e les arbres fuffent verds & frais, ils ne laiffoent pas q u e de bien brûler au feu. ils y trouvèrent de bonnes eaux, & chaudes ; & la pefche y eftoit fort ample. Ils y virent des Baleines, des Sereines, des T o n s , des Marrajos, des B o t e s , des T i b u r o n s , des Merlus, q u a n t i t é de Cabras, & tres-grandes ; quantité de fardines & d'Anchois, des moules , & quantité d'huiftres. Il y avoit encore de grand n o m b r e de poiffons, de diverfes fortes, & tresbons. Les ports y eftoient forts feurs , ayant quatorze ou quinze brades de fond ; & l'on trouva dans le principal canal du détroit plus de Cinq cens brades, & ne trouvèrent en pas un endroit aucuns bancs , pour la largeur ils y trouvèrent deux lieues en de certains e n droits, en d'autres u n e , & en d'autres moins. Les m a rées de l'une & l'autre mer montent chacune cinquante lieues , pu plus , & fe joignent à la moitié du d é troit , & à l'endroit o ù elles fe joignent il s'y fait un grand bruit que caufent le flux & reflux, & en une heure de diftance elles courent en un endroit & non en l'autre. ils trouvèrent dans ce détroit plufieurs gorges, qu'ils ne reconnurent pas c o m m e ils d é v o i e n t , pour fcavoir o ù elles alloient aboutir ; parce qu'il euft falu beaucoup de temps & plus de vivres qu'ils n'avoient pour s'informer de tout ; Il entra dans ce détroit quantité de rivières & de ruifleaux., 6c de tres-bonne eau.


DES

inDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. I X .

707 1526.

C H A P I T R E

V.

L'armée du Commandeur Loayfa entre dans la mer du $ud ; La difgrace qui luy arrive. Près qu'ils furent fortis du décroit de Magellan pour entrer dans la m e r du S u d , eftant au vingt- L ' a r m é e de q u a t r i è m e degré & demy de l'autre c o d é de l'Equino- Loayfa s'écarte; cîial, à deffein de retourner d u c o f t é de n o f t r e N o r t pour aller chercher l'Epicerie ; un Vendredy premier jour de l u i n de cette a n n é e , la Capitâineffe difparut, & perdir e n t de veuë le navire Santa Maria del Parral 6c ceux qui alloient dans la patache virent le navire de iaint Lei mes ; & creurent que les autres navires alloient d e v a n t , d o n t ils relièrent fort affligez , parce qu'ils n'avoient pas plus de quatre quintaux de bifcuit, & huit pippes d ' e a u , fans aucune autre chofe p o u r manger ; & ils f o t o e n t cinquanteperfonnes. C e p e n d a n t ils confideroient croyoient qu'ils eftoient à deux mille lieues d e la première terre o ù e fIls t e à deux m i l ils pouvoient efperer d'avoir des vivres; & parce q u e ce le lieues de l a vaiffeau avoit peu de b o r d , la Capitainerie portoit fon première terre. p a i n , & comme il faifoit froid ils couroient tant qu'ils pouvoient vers l'Equinoctial, & ne trouvoient point de poiffon dans ce grand G o l f e , mais ils voyoient quantité d'oifeaux dediverfes fortes. Ils avoient dans cette p a t a che un coq & une p o u l e , qui eftoit tout ce qui leur eftoit refté , & cette poule pondoit chaque jour un oeuf, excep t é dans le d é t r o i t , à caufe du t r o p grand froid qu'il y D'une poule qu' faifoit, maisen eftant fortis & r e t o u r n a n t vers l'Èqui- pondoit des n o c l i a l , elle fe remit à pondre ; & dans la rivière de San- œufs pour les ta C r u z , François de H o z e s Capitaine du navire faint malades. Lefmes en avoit voulu donner c i n q u a n t e ducats à p r e n dre fur le change de F l a n d r e s , qui eftant arrivez à l'Efpicerie vaudroient au Capitaine Santiago de Guevara, à qui eftoient cesoifeaux, plus de mille d u c a t s , & nef les voulut point d o n n e r , à caufe que cela faifoit beaucoup ;


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H I S T O I R E

de bien aux malades ; & c'eftoit là tout le refte des-vo1526. lailles qui eftoient reliées de Caftille. C e t t e patache continuant fa route pour chercher l'Equinoclial & l'ayant traverfe il y avoir déjà beaucoup de j o u r s , elle fe trouva à deux degrez de ce cafté-là , fuiyant le jugement qu'ils en faifoient par la première terre que les Chreftiens avoient découverte à trois cens cinq u a n t e lieues, qu'ils penfoient eftre l'Ifle des perles. Mais toutefois cela leur fembla impoffible, parce que l'Ifie des perles eft au Levant de Panama en la colle de Ils v o y e n t deux Caftille de l'Or, à quatorze ou quinze lieues,Se au feptiéM e s fans pou me degré de la ligne Equinoctiale vers noftre Pôle arctivoir j u g e r ce que. L'onzième de Iuillet ils virent deux Illes ,où ils ne q u i en eft. purent pas diftinguer fi l'une eftoit Ifle ou terre-ferme, car pour l'autre ils la connoiffoient fort bien , & le jour de devant ils virent la mer pleine de couleuvres, grandes La mer eft toute & petites ; & ils fe t r o u v è r e n t alors du c o d é du N o r t au couverte de coutreizième degré égarez de l'Equinoctial. Ils virent des leuvres. T o n s & d'autres poiffons ; & en tuèrent quelques-uns. L e 12 de luillet ce vaiffeau aborda à t e r r e , & ils virent des fumées Se quantité de gens qui fuivoient la c o d e vers La p a t a c h e arri- le lieu oùalloit la p a t a c h e . L e lendemain ils fe mirent à la ve à la c o d e de voile cherchant un p o r t , à caufe qu'ils voyoient beaula nouvelle Efcoup de gens , Se ils le trouvoient emba raffez , pour n'apagne. voir point de barque pourfortir du vaiffeau à terre , & le 1 0 . du mefme mois les Indiens les appelloient pour defcendreà t e r r e , & leur m o n t r o i e n t u n e e n f e i g n e b l a n c h e j Se arrivèrent à une Ifle qu'ils appellerent de la M a g d e leine, parce qu'ils eftoient à la veille de cette Fefte Le lendemain qui fut le D i m a n c h e , ils fe mirent à la voile,& le 25 Iuillet ils furgirent à un grand C a p à quinze brafles de fable nets & fe trouvèrent alors en eftat qu'il faloit d e neceffité que quelqu' un fortift à t e r r e , ou que la patache allait à fond ; & pour c e t effet ils refoluIls r e f o u d e n t d e defcendre u n rent qu'il en fortift un dans une grande caille, que l'eau h o m m e à terre. poufferoit à t e r r e , attachée avec des cordages ; Il porta descifeaux, des miroirs, & d'autres marchandifes pour trafiquer avec les Indiens, de crainçe qu'ils n e le tualTent


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.

IX.

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& le mangeaffént ; & q u e Ci d'avanture la caiffe venoit à 1526. renverfer ; qu'il la prift avec les mains pour l'aider à nag e r , & q u e l'on la tireroit du vaiffeau avec le cordage qui y eftoit attaché. L e Preftre Iean d'Arrayzaga les voyant tous en Ci grande neceffité, offrit d e le m e t t r e dans la caiffe , q u o y qu'ils n'y vouloient pas confentir ; mais il dit qu'il fe vouloit mettre dans ce péril pour lefal u t d e t o u s - Ci bien que s'eftant r e c o m m a n d é à D i e u , il Le Preftre I e a n d'Arrayzaga fe mit dans la caille en chauffes & en p o u r p o i n t , avec defcend en m e r une é p é e . C o m m e il fut arrivé à la moitié du c h e m i n , ne d a n s u n e caiffe, & court grand luy manquant pas plus d'un quart de lieuë pour arriver rifque d elavie. à cerre , la caille renverfa. Arrayzaga fe mit auffi toft à nager en fe tenant toujours d'une main à la caiffe,& pen- Il eft fecouru fanteftre plus prés du rivage qu'il n'eftoit il s'efforçoit par les Indiens a demy noyé. d'y aborder-mais comme il eftoit déjà las&à demy n o y é , D i e u infpira les Indiens de l'aller fecourir. C i n q d'entr'eux fe jetterent dans la mer ; & quoy qu'elle fuft fort e m e u ë , ils le prirent & le tirèrent d e l'eau demyilsm o r t , puis ils s'éloignèrent de luy. Au bout d e demy heure c o m m e il eut repris fes efprits il fe leva , & leur fit figne qu'ils approchaffent, mais ils n'en vouloient rien faire bien éloignez de cela ils fecouchoient par terre&l ' e m braftbient : le Preftre faifoit la mefme c h o f e , s'imagin a n t que ce qu'ils en faifoient eftoit un fignai de paix & d'amitié. Auffi toft après les Indiens entrèrent dans la m e r , & tirèrent à bord la caiffe, & une façon de corbeille qui y eftoit a t t a c h é e dans laquelle eftoient les jolivetez pour troquer. Ils la mirent devant le Preftre, lequel leur en voulut donner , mais ils ne v o u l u r e n t rien prendre,au contraire ils luy firent figne qu'il les fuivift. C o m - Il va arec les me ils furent tous enfemble il ceignit fon efpée, & s'en Indicas. alla avec eux,un Indien p o r t a n t fur fa tefte ces jolivetez. Ils arrivèrent dans une valée o ù ils perdirent la patache de veuë, & pafferent auffi-toft après u n e m o n t a g n e , d ' o ù il découvrit une grande peuplade qui avoit q u a n t i t é d e tours&de verdure. C o m m e ils arrivèrent proche de cett e peuplade il en fortit plus de vingt mille Indiens pour le contempler, tous armez de zagayes, d'arcs &c d e fieQqqq


708

1526.

fi

voit

une

Croix q u i luy fait tomber des larmes , & y fait fonoraifon.

H I S T O I R E

ches ; &il cheminoit devant plus de douze mille hom mes qui nettoyoient le chemin par o ù il dévoie paffer. Eftant arrivé en ce lieu, le Seigneur l'y attendoit bien a c c o m p a g n é fous un arbre à l'ombrage. Les Indiens qui l'avoient tiré de la mer luy firent figne auffi- toft q u e c'eftoit le Cacique ; & comme il s'a cheminoit avec le Seigneur pour entrer dans la p e u p l a d e , en parlant à luy fans qu'ils fe peuffent entendre l'un l ' a u t r e , il vit u n e Croix de bois fichée en t e r r e , qui luy fîx t o m b e r les larmes des yeux de j o y e , & en approchant de cette Croix,, le Seigneur luy d i t , Santa Maria, en luy montrant la Croix avec le doigt ; ce qui luy fit juger auffi-toft,. quequelques Chreftiens l'avoient mife ainfi là. Il femit à genoux & l'adora , & fit fon oraifon, les Indiens le r e g a r dant attencivement..

C H A P I T R E

IV.-

Les Indiens de la nouvelle Efpagne traitent bien ceux de la patache , & confentent que le Preftre aille à Mexique pour faire relation de fon voyage.

A

Près que l'adoration de la Croix fut achevée, leSeigneur le prit par la main & le mena dans u n grand Palais, où il fut régalé fplendidement ; il mangea des chairs rofties , des fruits & du vin d o n t les Indiens ufent en leurs repas. D u r a n t fon difner il prefenta au Seigneur toutes les jolivetez qu'il avoit apportées , qui les receut de bonne grâce. E t d'autant qu'il dit qu'il vouloit porter à manger à ceux qui eftoient dans la patache, le Seigneur commanda que l'on y portaft trois cerfs, & q u a n t i t é d'autres provifions , q u e le Seigneur voulut a c compagner. C o m m e le Preftre fe vit fur une é m i n e n c e allez prés de la p a t a c h e , il cria à haute voix à fes compag n o n s , difant qu'il avoir reucontré une bonne terre ; & Les Indiens to- qu'ily avoit abondance de vivres;&qu'ils fufient joyeux. bent à terre de crainte de l'ar- Comme ils entendirent ces paroles ils tirèrent toute l'ar-

L e C a c i q u e fait b i e n régaler le Piciftre.

tillerie,


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709

rillerie, dont le Seigneur & tous les Indiens qui l'accom1526. pagnoient t o m b e r e n t à terre de peur : mais le Preftre les leva de la main Scieur dit qu'ils ne craignifient rien , & q u e cela ne leur feroit aucun mal ; or c o m m e la mer étoit h a u t e , ils ne p u r e n t entrer dans le vaifféau & furent contraints de s'en retourner au vilage. Ils donnèrent enc o r e ce foir là bien à manger au Preftre ; après quoy ils le mirent dans une chambre ta pillée de n a t t e , o ù il dormit. Le lendemain ils r e t o u r n è r e n t à la mer, avec plus de dix mille Indiens ; trois entrèrent nageant jufques au vaiiFeau, 6c en apportèrent un petit cable long de fept cens cinquante braffes, qu'ils attachèrent du vaiffeau à la t e r r e , & le Cacique & le Preftre à la faveur de ce cable Le Cacique & le vont au & ducabeftan fe glifferent en nageant jufques au vaif- Praire navue. feau o ù ils e n t r è r e n t , accompagnez de plus de cinq cens hommes qui nageoient autour du C a c i q u e & du Preftre. Ils enlevèrent du vaiffeau plufleurs barils pour aller quérir des v i v r e s , outre qu'ils en portèrent q u a n t i t é fur leur t e f t e , car ils font grands nageurs. Eftant entrez dans le vaiffeau ils fe mirent à la voile, ayant doublé ce grand cap ils allèrent furgir devant la peuplade. Le lendemain Les Caftillans ils débarquèrent fur un radeau que les Indiens accom- de la patache m o d è r e n t , & firent des cabanes en la cofte, o ù les In- defcendent aterdiens leur apportèrent abondance de vivres , & le Sei- re. gneur prit le Preftre, le Capitaine & fixautres avec eux, & les mena au Palais o ù arriva une grande multitude de gens pour les voir. Ils furent là cinq jours bien traitez & regaiez , caries Indiens chantoient & d a n ç o i e n t , & faifoient toutes les demonftradons d'amitié & de réjoüiffance qu'ils pouvoient pour d o n n e r de la récréation à ces nouveaux hoftes ; Et le Seigneur fans leur rien dire avoit écrit à une Ville à vingt-trois lieues de là à un Gouverneur Chreftien qui y eftoit ; fi bien que le quatriéme j o u r les Meffagers r e t o u r n è r e n t , & dirent qu'il viendroit un Chreftien le l e n d e m a i n , c e qui arriva ainfi ; carie cinq u i è m e jour depuis qu'ils eftoient fortis à t e r r e , comme ils cheminoient par la place ils virent venir quantité de ; gens, & s'eftant approchez ils virent venir un Chreftien Qqqq ij


H i S T O I RE dans une hamaca,, ou b r a n c a r d , p o r t é e par douze I n d i e n s , qui eftoit le Gouverneur de la terre. II reçeut tous les Caftillans fort bien ; puis Iuy ayant rendu comde la nouvelle Efpagne , & qu'ils rendirent grace à D i e u de ce qu'il les avoit conduits là , o ù il ne leur manqueroit rien ; & en difant cela ils s'en allèrent tous dans la villes & quoy qu'ils euffent efté cy-devant bien traitez , ils le furent encore mieux. C e Gouverneur fut d'avis que le Capitaine Santiago de Guevare allaft à M e x i q u e , qui eftoit à quelque cent cinquante lieuës de là , &. que Fernand Cortés luy fourniroit de tout ce qu'il auroit befoin & luy donneroit des guides pour le c h e m i n , de que cependant il tiendroit les gens du navire avec l u y , & les regaleroit. Mais c o m m e le Capitaine eftoit mal de fa p e r f o n n e , l'on refolut d'y envoyer le Preftre Frère Iean d'Arrayzaga. C e t t e peuplade o ù ils eftoient s'appelloit Macatan, & celle o ù demeuroit le G o u v e r n e u r T e c o a n tepeque. 710

1526.

Vn Gouverneur Chreftien les vient recevoir.

Le Preftre va à Mexique pour rendre compte à Cortés de leur navigation.

Le C o m m a n d e u r Loayfa cependant qui eftoit refté avec les autres vaiffeaux fut a t t a q u é d'une il furieule Vne tempefte fepare les vaif- tempefte qui arriva , que cela le mit tout en déroute , & feaux de la Ca- les autres navires aufli, & de telle forte qu'ils ne fepeupitaineffe, & ne la revoyer plus. rent jamais recontrer avec;la CapitaineiFe, parce q u e cette tempefte dura quatre ou cinq j o u r s , pendant lesquels ils fouffrirent de grands t r a v a u x , car ils ne p o u voientfe fervir de v o i l e s , & la Capitaineffe faifoit tant d'eau qu'il faloit qu'ils travaillaient continuellement aux pompes, parce que ce vaiffeau eftoit fendu depuis la quille jufques au codafte, qui eft une pièce de bois qui prend depuis le bas du vaiffeau jufques à la p o u p e o ù le timon ou gouvernail eft fufpendu,qui avoit bien dix coudées de l o n g , & ainfi l'eau y entroit en q u a n t i t é . Sur la fin du mois de Iuiller c o m m e ils fe t r o u v è r e n t Mort du Commandeur Loay- au q u a t r i è m e degré de ce cofté de l'Equinoctial, le C o m fa. mandeur Frère Garcia Iofre de Loayfa, m o u r u t en v é ritable Chreftien, fort regretté de tous ceux du vaiffeau, parce qu'il eftoit honnefte h o m m e & bien aimé d e


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de tous. L'on ouvrit auffi toft l'inftruction fecrette que l'Empereur avoit d o n n é e , & l'on obéît à cet ordre qui portoit que le Capitaine Iean Sebaftien del Canofuccedat en fa place. Mais d'ailleurs il eftoit déjà fort indifpofé & cela n'eftoit pas eftrange, parce qu'il avoit fait une longue navigation ,& fouffert de grands travaux ; ceft pourquoy au bout d e q u a t r e jours qu'il eut pris poffeffion de cette charge de Capitaine general & q u e chacun l'eut reconnu pour tel il deceda. Ils luy firent des funérailles à la mode des gens de mer chacun des Pater & des A v e M a r i a , & luy donnèrent la mefme fepulture qu'à fon predeceffeur qui fut de le jetter dans la mer, Audi-toit, a p r e s Alvaro de Loayfa mourut auffi, qui eftoit un neveu du C o m m a n d e u r qui faifoit l'Office de Treforier gêneral , par la mort du Treforier Tejeda qui mourut dans le mefme Golfe. L e Pilote Rodrigue Bermejo mourut anffi, & plus de trente-cinq perfonnes. Ils receurent pour G e n e r a l T o r i b i o Alonfe de Salazar Treforier de l'un des Galions, lequel à caufe que le Commandeur Loayfa l'avoit foubçonné de fe vouloir foulever avec le Galion lors qu'ils eftoient dans le D é t r o i t de Magellan pour s'en r e t o u r n e r en Caftille , fit paffer fon navire. Et d ' a u t a n t q u e le nouveau General eftoit fâché de ce que le Pilote qui le conduifoit n'étoit pas fort expérimenté, commada de prendre la r o u t e des Ifles de los Zadrones; & c o m m e ils eftoient en chemin ils découvrirent une Ifle à laquelle ils impoferent le nom de faint Bartelemy, qui eftoit le treizième Septembre ; & quoy qu'ils firent ce qu'ils peurent pour y aborder , ils ne peurent ; parce que le lieu par où. ils la découvrirent eftoit u n e t e r r e haute & monrueufe , o ù dominoient les vents de Nordeft d'Eft Sudeft ; puis de la pointe d'EftSudeft il court une autre pointe qui eft au Nordeft-Sudeft quart au Sud. L e lendemain ils r e c u l è r e n t , & virent que la mer formoit une pointe de fable fort eftroite d u r a n t plus de huit lieues, & ils n'avigerent fi prés de c e t t e p o i n t e , que cela n'avoit plus que la p o r t é e d'une a r q u e bufe à croc jufques à la terre;& ils ne trouvèrent point d e

Qqqq

iij

1524. Et d e Sebaftien delCano.

M o r r d'Alvaro de L o a y i a .

Ils d'efcouvrent u n e Ifle qu'ils a p p e l l e n t de SBartelemy.


712

H I S T O I R E

fonda cent braffes. Il y avoit la quantité d'oife aux grof, fiers, qui fe venoient pofer fur les mains de ceux qui eftoient dans les vaiffeaux ; & l a p e x h e y eftoit fort a b o n d a n t e en efpece de T o n s , de D o r a d e s & autres. Ils trouvèrent que cette Ifle eftoit au quatorzième degré de la bande du N o r t , & à trois cens vingt lieues des Ifles de los Ladrones. C o m m e ils ne peurent prendre terre à l'Ifle de faint La Capitaineffe ne peut prendre Bartelemy ils fuivirent leur route vers les Ifles de Ladrotetre dans l'Ifle nes , & abordèrent aux deux qui font plus proches de la de S.Bartelemy. ligne Equinoctiale , & qui font au douze & treizième degré , & tournent vers le N o r t - S u d . L ' u n e de ces deux premières Ifles s'appella Borta , de laquelle fortit un Chreftien dans un cano , qui les falua, difant: Soyez le bien venu & à la bonne heure Seigneur Maiftre, & v fiecompagnie ; le fuis, Seigneur, l'un des foldats de Magellan;je fortis du navire appelle Trinité qui refta dans les Moluques avec Gonçale d'Efpinafa ; parce que l'on s'y mourait d'une certaine malade langour'eufe, ilfortit encore deux Portugais des Ifles les plus proches du Nort, que les Indiens tuèrent pour quelque légère faute qu'ils avaient commife. De là je pajfy dans cette Ifle où je fuis maintenant : Je fuis de Galice, & m'appelle Gonçale de Vigo , & je fçay fort bien la Langue de ces ifles. U n e voulut point entrer dans le navire fansaffeurance de la part du Roy ; & comme elle luy fut d o n n é e on le reçeut. A v a n t qu'ils e n t r a i e n t dans ces Ifles il aborda plufieurs canos autour du navire avec q u a n tité d e c o c o , & de l'eau dans des calebaces, du ponffon, des c a r o t e s , des p a n e t s , du r i s , du fel, & plufieurs forces de fruits de la t e r r e , & ils ne demandèrent autre ç h o fe pour cela que du fer, ou quelqu'autre chofe de cette matière , c o m m e des c l o u d s , ou autre chofe de cette naIls a r r i v è r e n t ture qu'ils appellent feraille. Les canos que ces gens a. à l'Ifle de Los voient eftoient faits tout d'une p i è c e , & il y en avoit Ladrones. d'autres qui eftoient faits de plufieurs. Ils fe fervoient de voiles Latines de natte fort bien tiffuës. Les hommes eftoient nuds comme la m a i n , & les femmes avoient un certain fil attaché à la ceinture o ù pendaient des feuilles 1526


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OCCIDENTALES,

Liv. I X .

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verde, qui couvroient leur nature. Ils eftoient Gentils, 1526. & adoroient les os de leurs predeceffeurs, qu'ils gardoient en leurs maifons, oingts avec de l'huile de c o cos. Il n'y a dans ces Ifles aucune forte de t r o u p e a u x , ny d'oyfeaux, que d'une forte , qui font fembiables à iens tedes tourterelles qu'ils eftiment beaucoup, ils les tien- Cn oe si e nI nt ddes tourn e n t dans des cages & leur apprennent à parler. Ils t e r e l l e s d a n s des n'avoient aucune forte de metail ; & ils tailloient & fa- c a g e s p o u r leurapprendre à ç o n n o i e n t le bois avec des cailloux. Ils font bien pro- p a r l e s . p o r t i o n n e z de c o r p s , & portent les cheveux fort longs, t a n t hommes q u e femmes. Quelques ains p o r t e n t la la barbe l o n g u e , & oignent leur corps avec l'huille d e cocos. Leurs armes font des frondes & des ballons b r û lez , & mettent à quelques-uns de ces ballons des o s des hommes qu'ils tuent en guerre aux deux bouts au lieu de fer, & font des dents c o m m e à une fcie. ils ne poiffedent aucun bien ; ils prifoient beaucoup les efcailles de t o r t u e s , pour faire des pignes & des ameçons pour pefcher. C e navire fut cinq jours dans l'Ifle de La Capitaineffe Botahà , pour charger de l'eau ; & de là elle fuivit fa fuit fa route r o u t e pour aller aux Moluques. ils prirent o n z e I n - p o u r les M o l u diens par tromperie par l'ordre du Capitaine pour tirer ques. à la pompe du vaiffeau qui faifoit beaucoup d'eau , à caufe dequoy ils couroient grand péril, jufques à ce que Dieti les eut conduits en lieu o ù ils euffent lieu d'y p o u voir remédier.

C H A P I T R E

VII

Fernand Cortés retourne à Mexique. Le Licencié Louis Ponce y arrive auffi pour eftre l'Intendant de luftice. A V a n t que nous pallions plus avant pour décrire le A f u c c é s de l'armée du C o m m a n d e u r Loayfa, il n e fera pas hors de propos de dire en ce lieu comme Fernand C o r t é s eftoit fur les termes de retourner à Mexiq u e , à deffein d'appaifer les troubles qui y eftoient


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1526.

C o r t é s s'embarque dans Tru xillo p o u r r e tourner à Mexique.

Il a b o r d à A b a na,

Il e n t r e d a n s l'Eglife p o u r

rendre graces à

Dieu.

H I S T O I R E

Apres donc qu'il eut fait équiper les vaiffeaux après la refolution qu'il avoit prife d'aller par terre , il s'embarqua avec vingt Caftillans, & autant de chevaux, q u a n t i t é de Mexiquains, & le Seigneur P i z a c u r a , avec les autres Seigneurs fes voifins, afin de leur faire voir Mexique , & l'obeïfiance que l'on y rendoit aux Caftillans. Il partit donc du p o r t de T r u x i l l o l e 25. d'Avril de cette année par un bon temps qui ne leur dura que jufques à ce qu'il euft prefque doublé la pointe de Y u . catan & paffé les Alacraves, où un vent d'aval c o m mença à les perfecuter. Il fit amayner de crainte de ret o u r n e r e n arrière, mais les vaiffeaux eftoient tellement maiftrifez par les vents que cela les mettoit en très m a u vais eftat ; ce qui les contraignit d'aller à Abana de C u b a , où ils furent dix jours. Pendant tout ce temps là Cortés fe réjouit avec les habitans de ce lieu , qui luy eftoient amis dés le temps qu'il aborda dans cette Ifles & eftant arrivé là dans ce mefme-temps quelques navires de la nouvelle Efpagne, il apprit que t o u t eftoit en repos dans Mexique après la prifon de G o n ç a l e de Salazar & de Peralmindez Chirinos, dont il receut un grand c o n t e n t e m e n t . Apres qu'il fut forty d ' A b a n a il arriva en huit jours à Calchicoca avec un temps p r o p r e , mais il ne p u t entrer dans le p o r t attendu qu'il venoit un vent de terre qui en empéchoit. Il furgit à deux lieues de t e r r e , & fortit dans les b a r q u e s , & alla à pied à Medellin,qui eftoient cinq lieues de chemin. Il entra dans l'Eglife, o ù il rendit grâces à D i e u de ce qu'il luy avoit permis de rentrer dans la nouvelle Efpagne. Auffi-toft que l'on euft apris dans la ville qu'il eftoit arrivé , tout le monde y accourut avec des joyes & des contentemens incroyables, parce que plufieurs ne fe le pourvoient imaginer après ce que l'on avoit publié de fa m o r t , & la plufpart le méconnoiffoient, à caufe qu'il avoit les fièvres, & qu'il avoit efté fort mal trait é de la mer ; & cela n'eftoit pas eftrange après avoir foufïert tant de t r a v a u x , comme nous les avons reprefentez cy-devant. Il écrivit de cette ville à Mexique, Se à toutes


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à toutes les peuplades dés environs de fon arrivée ; o ù 1526. ils firent par t o u t de grandes réjoüiffances. Les Indiens R é j o u f f a n c e de la c o d e accouroient de tous coftez pour le voir, char- g e n e r a l de l ' a r rivée d e C o r t e s gez de vivres, de riches prefens de p l u m e s , de couver- à la nouvelle Eftures , d'or & d ' a r g e n t , avec offre de leur Service au cas p a g n e . qu'il voulût fe vanger de ceux qui luy avoient caufé d e l'ennuy. Il fut là douze jours pour fedélaffer, & quinze pour arriver à Mexique. Il fortit des Indiens dans les chemins à plus de q u a t r e - v i n g t lieuës loing avec des prefens & des offres de fervice, & mefme des plaintes d e là trop longue abfence, luy t é m o i g n a n t un grandiffime c o n t e n t e m e n t . Ils nettoyoient le chemin & y femoient des fleurs,tant il eftoit chery ; & quantité pleuroient les maux qu'ils avoient fouffert durant fon a b fence ; & particulièrement ceux de Guaxaca , luy demandant vengeance. T r e f o r i e r AlRodrigue d'Albornoz qui eftoit dans T e z c u c o fortit Le b o r n o z va r e c e u n e j o u r n é e au devant de luy pour le recevoir a c c o m - v o i r C o r t é s . p a g n é de quantité de Caftillans ; & propofa dés lors devenir en Caftille,rendre compte au R o y de tout le paffé. Il fut fort bien receu dans T e x c u c o , enfuite dequoy il E n t r é e d e Pere n t r a dans Mexique avec une réjoüiffance générale. n a n d C o r t é s Alonfe de Strada fortit hors la ville avec tous les Ca- d a n s M e x i q u e , ftillans en ordonnance de guerre ; & tous les Indiens Sortirent auffi pour le voir comme fi c'euft efte M o n tezume, toutes les ruës eftoient pleines de dances avec des cornemufes , des t a m b o u r s , des trompettes 6c des flutes. Ils firent quantité de feux & de luminaires ; & Fernand Cortés eftoit ravy de voir le c o n t e n t e m e n t que les Indiens recevoient defa veuë, le triomphe qu'ils iuy faifoient, le repos & la paix de la ville. Il alla rendre grâces à Dieu dans l'Eglife des Cordeliers, de ce qu'après tant de travaux il l'avoit conduit en lieu de repos & de feureté. A peine eftoit-il forti de H o n d u r a s , lors que Her- Ambaffade d e S a a v e d r a à Penando de Saavedra apprit que Pedrarias eftoit à Nica. d r a n a . s . r a g u a , & l'affaire de François H e r n a n d e z de C o r d o u ë avec Jean Cazrafco ; & Chriftofle de la T o r r e l'envoya.

Rrrr


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H I S T O I R E

prier de commander à Benito H u r t a d o de fortir de la 1526 valée de V l a n c h o , puis qu'elle ne luy appartenoit pas. Pedrarias luy fit réponfe que pour le repos de tous ils renvoyaffént ce différent à l'Audience de fanto D o m i n go , & qu'il avoit écrit a Fernand C o r t é s fur la pretenfion qu'il avoit fur le port de Navidad ; & que cependant toutes choies ceffaffent, moyennant quoy il fembla que les troubles qui s'allumoient s'appaiferent.. l o u i s Ponce de Louis Ponce de Léon , après avoir receu les commifLéon arrive à la nouvelle Efpa- fions cy-devant fpecifiées, partit de faint Lucar le 2. j o u r de Février de cette année dans le navire du maiftre du vaiffeau appelle faint M a r t i n , qui le porta à fanto D o m i n g o , o ù il fut deux mois à attendre qu'il en équipai!: un meilleur qui appartenait à Iean de Lerma. Là il apprit que Fernand Cortés eftoit dans H o n d u r a s . Louis P o n c e paffa en dix-neuf jours dans la nouvelle Efpagne, & furgit au p o r t de faint Iean d'Vlna , où il apprit que Fernand Cortés eftoit déjà dans Mexique. Avant qu'il defcendit à t e r r e , il dépefcha Lope de Samaniego & O r t e g a G o m e z , avec des lettres pour C o r t é s , luy d o n n a n t avis de fon arrivée, & le fujet de fon voyage. Quelques jours auparavat,Cortés eftant dans les c o n t e n temens & les réjoùiffances de fon entrée dans Mexique, comme nous le venons de dire cy-deffus, comme il n'y a rien deftable en ce monde , eut avis de Simon de Cuenca fon Lieutenant en la Vera C r u z , qu'il eftoit arrivé cortés apprend là certains examinateurs Se juges de la part du R o y l ' a r r i v é e de pour luy faire rendre compte de fes actions. Il eftoit Louis Ponce. alors dans l'Eglife defaint F r a n ç o i s , o ù il venoit de fe confeffer & c o m m u n i e r , & avoit créé d'autres Sergens, & fait prendre Gonçale d ' O c a m p o , & d'autres feditieux, amis du F a d e u r , & il faifoit d e fecretes perquifitions des foulevemens & des déreglemens paffez. O r le jour defaint Iean comme l'on couroit les taureaux, Lope d e Samaniego & O r t e g a G o m e z arrivèrent avec les lettres de Louis P o n c e , & u n e de l'Empereur , & comme il eut avis de la commiffion de Louis P o n c e , il y fit r é p o n f e auffi-toft , & envoya des perfonnes pour fçavoir par


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quel chemin il vouloit aller à Mexique , par celuy 1526. qui eftoit peuple , ou par l'autre qui eftoit le plus Loüis Ponce court. Loüis P o n c e débarqua d o n c , 6c alla difner le part en diligence pour Mexilendemain à Medellin , o ù Àlvaro d e Saavedra é- q u e . t o i t Lieutenant & c o m m e il y arriva fort fatigué de la m e r , i l cuit, bien voulu fe délaffer là quelques jours. Mais quelques perfonnes mal intentionnées luy ayant faicen rendre que Fernand Cortés feroit mourir le fadeur Salazar & Peralmindez, & les autres qu'il tenoit prisonniers, s'il tardoit beaucoup ; qu'il ne le recevroit pas ; & qu'il vouloit fçavoir quel chemin il prendroit pour aller au devant de luy , afin de fe faifir de fa perfonne ; il refolut auffi-toft de prendre la p o f t e , avec quelques-uns d e ceux qui l'avoient a c c o m p a g n é . Enfin il fit tant d e d i l i g e n c e , qu'il arriva en cinq jours à Yztapalapan, fans d o n n e r lieu aux ferviteurs que Fernand C o r t é s avoit envoyez pour le fervir & régaler dans tous les chemins par o ù il devoit paffer. C o m m e il fut arrivé dans Y z tapalapan on luy fit un grand b a n q u e t , avec des feites & des ; réjoüiffances ; mais il luy prit un vomiffement dans le feftin , & de haut & de b a s , qui fît juger à ceux q u i l'accompagnoient qu'il avoit efté empoifonné en m a n g e a n t de la crefme ; Et il y eut mefme un Religieux d e ceux qui avoient paffé avec Loüis P o n c e qui le dit h a u t e m e n t & imprudemment, attendu q u e le C o m m a n deur P r o a n o & autres avoient m a n g é de la crefme & L'on foupçonne qu'ils n e s'en eftoient pas mal trouvez ; fans confiderer que Louis Ponce v o i t efté emq u e ce devoyement ne procedoit que de la trop gran- aprisonne. d e chaleur & laffitude, jointes à la faim qu'ils avoient foufferte; enfuite dequoy ils avoient m a n g e exceffiveinent, & beu par trop frais. L'on prefenta là à Loüis P o n c e plufieurs chofes de valeur de la part de F e r n a n d C o r t é s , mais il ne voulut rien prendre.

R r r r ij


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H I S T O I R E

1526.

C H A P I T R E

VIII.

Le Licencie Louis Ponce prend le Gouvernement de Mexique, Sa mort, & Celle de Marc d'Aquilar. Alonfe d'Efirada gouverne en fa place, Loüis P o n c e n e veur p a s q u ' o n luy faffe- u n e e n tree.

L

O ù i s Ponce arriva à Mexique le deuxième jour de juillet du m a t i n , pour éviter une e n t r é e , que l'on avoit deffein de luy faire ; & nonobstant cela F e r n a n d C o r t é s , accompagné de Pedro d'Alvaro, de G o n ç a l e de Sandoval, d'Alonfe d'Eftrada, d ' A l b o r n o z , & des gens de guerre, le rencontra à l'entrée de la ville. Ils allèrent enfemble à l'Eglife de S. F r a n ç o i s , o ù cependant que l'on dit la Meffe ils parlerent prefque toujours tefte à tefte. Au fortir de l'Eglife ils allèrent à l'apartement d e Louis Ponce. Sur le loir Cortés luy alla rendre vifite, & arrefterent enfemble que Cortés luy apporteroit les baguettes a le lendemain matin ; ce qu'il fit : Car fi toft a Marque de l'Intendance de qu'ils eurent oüy Meffe Louis Ponce montra fes proviIufticc. fions en prefence des gens de guerre & de tout le peuple. Il prit les baguettes des luges & des Sergens, & les leur IL fe faifit du Gouvernement rendit auffi-toft, pour dire qu'ils les tenoient de luy ; & ,de Mexique, dit avec beaucoup d'audace. Pour cerie-cy, qui appartenoit au Gouverneur,je la veux predre pour moy. Fernand C o r t é s , & toute la milice baiferent les provifions Royales, & promirent d'y obéir comme aux commandemens de leur Roy & Seigneur , d o n t il fut pris acte. Enfuite de cela l'on publia l'examen des actions de Fernand C o r t é s , afin que tous ceux qui avoient des plaintes à faire , euffent à les déclarer. Il y eut alors un grand t u m u l t e , les uns a p p r é h e n d a n t , les autres e f p e r a n t , & encore d'autres qui femoient de la zizanie parmy les interefFez. Cependant Louis Ponce eftant r e t o u r n é à fa maifon avec unfriffon , ne mangea point &ilfe jetta fur fon lit ; & le mal luy ayant r e d o u b l é , quoy qu'il fuft penfé en diligence , il ne laiffa pas que de mourir en


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fort peu de jours , après avoir reçeu les Sa cremens. D u 1526. rant fa maladie il avoit fait venir de fanto D o m i n g o le Mort de Louis Licencié Marc d'Aguilar ; & comme il vit que le mal le Ponce. Il baille le Goupreffoit, il luy donna la Lieutenance, & luy mit entre les vernement à mains la baguette de G o u v e r n e u r en prefence des Mi- Marc d'Aguilar. ni ftres de la lufticé & des Magiftrats avec cette faculté que s'il mouroit de cette maladie il occupait fa place, & prift l'Intendance de la Iuftice Il d o n n a t o u t d'un temps la baguette de Sergent Major à Diego H e r n a n d e z de P r o a n o , Chevalier de l ' O r d r e defaint Jacques. Apres c e t t e m o r t il y eut des difFerens, fçavoirs'il pouvoir Subroger un autre en fa place , fur quoy il fut fait plufieurs affemblées, & fut enfin arrefte que n'y ayant point d'aut r e ordre du R o y , que Loüis Ponce avoit pu faire ce qu'il avoit fait, & ainfi M a r c d'Aguilar demeura G o u verneur d'un commun confentement. Auffi toft après le Treforier Albornoz partit pour pafFer en Caftille, ce- Albornoz paffe en Caftille. p e n d a n t que les ennemis de Cortés publioient par tout que Loüis Ponce avoit efté empoifonné ; mais les M é decins affirmèrent le contraire & par ferment ; qu'il eftoit m o r t d'une fièvre maligne ; & que de cent perfonnes qui s'embarquerent avec luy, il en mourut q u a n t i t é fur la m e r , & fur le chemin peu de jours après qu'ils furent defcendus à terre ; Et desdouze Religieux D o m i nicains qui s'embarquèrent dans ce navire il en mourut deux. Ce Marc d'Aquilar eftoit un h o m m e mal-fain, & les charges du G o u v e r n e m e n t l'accablèrent de maux; fi bien que c o m m e il ne pouvoir fubfifter dans tous ces Mort de Marc travaux , & qu'il prevoyoit bien que fon heure eftoit d'Aguilar, qui v e n u e pour rendre le tribut à la n a t u r e , il fit appeller le donne le Gouvernement à Treforier Alonfe d'Eftrada , auquel il donna la charge Alonfe d'Eftrade G o u v e r n e u r en fa p l a c e , & rendit l'efprit incontinent da. après, qui fut deux mois après la m o r t de Loüis Ponce. D a n s c e t t e conjoncture d'affaires , il y eut encore de grandes conteftations,fçavoir s'il le pouvoit faire ; & il fut enfin arrefté qu'Alonfe d'Eftrada gouverneroit avec G o n ç a l e de Sandoval, à condition que Fernand Cortés auroit la charge du G o u v e r n e m e n t des Indiens ,& des R r r r iij


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H I S T O I R E

affaires de la guerre. E c q u o y q u e la C o m m u n e appel1526. lait de cette fubititution de M a r c d'Aquilar à Eftrada, & qu'ils euffent requis Fernand Cortés de prendre le G o u La C o m m u n e defite que Cor- vernement c o m m e il l'avoir tenu a u p a r a v a n t , jufques tés gouverne, mais il le refufe à ce que l'Empereur en euft a u t r e m e n t o r d o n n é ; il n e le voulut pas a c c e p t e r , difant qu'il faloit premièrement que l'on reconnuft plus clairement la pureté de fes intentions & fa fidélité. Auffi toft après Alonfe d'Eftrada fit fortir le Facteur Gonçale de Salazar de la cage o ù il eftoit en captivité. & donna permiffion au Vifiteur P e ralmindez de fortir de l'Eglife de faint François, o ù il eftoit c o m m e en exil ; parce qu'André de Tapia prétendant que l'on avoit commis un facrilege de l'avoir tiré du M o n a f t e r e , on l'avoit remis dans l'Eglife. Le G o u vernement s'exerça comme l'on p û t , ainfi que nous le venons de reprefenter, quelques mois ; mais Rodrigue d'Albornoz eftant arrivé en C o u r , & qu'il eut reprefent é au Confeil comme toutes les chofes alloient, & dit fon fentiment là deflus, il fut o r d o n n é que celuy q u e M a r c d'Aguilar avoit n o m m é gouverneroi , jufques à ce que le R o y eneuft pourveu ; Ainfi Alonfe d'Eftrada g o u v e r n a feul, mais avec plus de liberté q u e le premier. Car comme il luy fembla que Cortés eftoit puiffant, & qu'il avoit perdu le refped en quelques rencontres, il fe rendit amy d e G o n ç a l e de Salazar & de Peralmindez , avec lefquels il pretendoit eftre plus en feureté ; mais neantmoins cela n'empefcha pas les fadions ; d'où il arriva que D i e g o de Figneroa ayant eu quelques paroles avec Chriftofle Cortejo ferviteur de Fernand C o r t é s , il fut bleffé, & Chriftofle C o r t e j o fut auffi-toft prisprifonnier, & en moins d'une heure Eftrada luy fit faire fon procès fans aucune pourfuite de parties & le fit condamner à avoir le poing gauche coupé, fans entendre Chriftofle Corfes défenfes, ny fans luy permettre la voye d'appellation. tejo ferviteur de Et mefme il fut encore m a l t r a i t é de fait & de paroles Cortés a le poing coupé. par le Greffier qui luy p r o n o n ç a fa Sentence. Apres donc qu'on luy eut coupé le poing, il fur remené à la prifon, parce qu'il avoit efté condamné o u t r e cela au ban-


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.

IX,

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niffement de la nouvelle E f p a g n e , afin de l'en m e t t r e 1526. dehors tout à fait. Il bannit auffi Fernand C o r t é s , appré- Eftrada b a n n i r hendant qu'il ne fe révoltaft c o n t r e luy à caufe de l'i- Cortes de la v i l le de Mexique. gnominie qu'il avoit fait fouffrir à fon ferviteur ; dont t o u t le peuple en general s'en trouva tellement fcandaliféque t o u t e la ville en fut troublée cette j o u r n é là. Mais Fernand Cortés confiderant que par un exemple, d'obedience il appaiferoit cette rumeur , voulut fortir p o u r accomplir fon banniffement, & cela fe prit pour une addreffe de prudence & de fourmiffion ; parce q u e s'il euft, voulu il eftoit en pouvoir non feulement de chaffer de la terre Alonfe d'eftrada, mais encore defe défaire de luy, n'y ayant aucun Caftillan ny Indien qui n'euft pris de bon cœur les armes pour luy , & qui ne luy euft obeï en t o u t ce qu'il leur auroit voulu commander. L e mefme j o u r que l'on coupa le poing à C o r t e j o , Frère Iean Garzes,de l'Ordre de S. Dominique qui eftoit allé là pour pofteder l'Evefché de Tlafcala,arriva à Tezcuco,& ayant apris le defordre qu'il y avoit dans Mexique fe mit Frère Iean Garzes Evelque de dans un cano,& arriva là en quatre heures avec fon com- Tlafcala entre pagnon Frère Diego de Loayfa. Il y fut receu de tout le dans Mexique. Il appaife les C l e r g é fort folemnellement ; car c'eftoit le premier Evef- differens d'entre q u e q u i entra jamais dans cette Ville. La première chofe Corter & Eftraqu'il fit fut d'apaifer les differens d ' e n t r e C o r t é s & Eftra- da. da , & les rendit amis, & fit ceffer par ce moyen le trouble qui eftoit arrivé. Incontinent après il arriva des lettres de Caftille , par lefquelles l'on mandoit qu'à la faveur du Commandeur Francifco de los Cobos, l'on d é livraft Gonçale de Salazar & Peralmindez ; ce qui c h o qua extremement C o r t é s , a t t e n d u qu'il pretendoit tirer de cet emprifonnement une partie des biens qu'ils luy avoient v o l e z , & fe vanger auffi de la m o r t de Rodrigo de Par fon neveu, & des autres infolences qu'ils avoient commifes p e n d a n t fon abfence ; & quoy qu'il les pouvoit avoir fait decapiter, il ne l'avoit pas voulu faire ; croyant que leurs crimes eftoient affez notoires pour en échaper fans chaftiment. Ioint qu'il n'avoit pas voulu eftre luge en fa propre caufe, afin de ne donner point de fujet à fes envieux de dire plus de chofes qu'ils difoient.


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H

I S T O

I R E

1526.

C H A P I T R E

IX.

Fernand Cortés refont d'armer pour aller aux Ifles de l'Efpicerie, La Capitaineffe du Commandeur Loayfa y arrive. Le Pere Arrayzaga traite avec Cortés.

Cortés refout d'envoyer aux Ifles des M o l u ques , & fait é q u i p e r trois Navires pour Cé effet.

D

Ans ce mefme remps frère Iean d'Arrayzaga eftoit arrive à M e x i q u e , & avoir fait récit à Fernand Cortés comment la patache eftoit arrivée à T e c o a n t e p e c , qui eftoit fortie en déroute de l'armée du C o m mandeur Loayfa ; & comme prefque dans un pareil rencontre l'Empereur luy avoit mandé qu'il envoyait les navires qu'il avoit faits dans Zacatula pour chercher le navire appelle T r i n i t é de l'armée de Magellan qui eftoit demeuré aux Moluques, & le joindre avec celuy que le Commandeur Loayfa avoit mené ; & fi celle de Sebaftien G a b o t o avoit paru en ces quartiers; Et pour voir s'il y avoit un chemin pour aller de la nouvelle Efpagne à l'Efpicerie, comme le mefme C o r t é s avoit fait efperer d'y pafFer , pourveu que l'on luy accordait quelques articles qu'il avoit demandez ; fi bien que ne fe voyant point occupé à d'autre guerre, il refolut auffi toft d'équiper trois navires pour envoyer aux Moluques. Cependant que cet appareil le fera il ne fera pas hors d e propos de dire ce qui eftoit arrivé à la Capiraineffe du C o m m a n d e u r Loayfa , que nous avons laiffé fortir de Pille B o t a h à , navigeant dans les M o l u q u e s , d'où elle partit le 10 de Septembre ; & d'autant que le General Salazar m o u r i t en chemin , comme ils parloient d'en élire un autre ; les uns vouloient que ce fuit Buftamante, qui étoit l'un de ceux qui avoient eftéaux Moluques avec M a g e l l a n , & eftoit retourné en Caftille dans le navire de la Victoire ; & d'autres defiroieut que ce fuit M a r t i n Yniquez de Carquizano Sergent major de l'armée, Enfin ils remirent cette élection à deux voix , qui éleurent Martln Yniguez,

Le


D E S I N D E S O C c i D E N T A L E s , Liv. I X . 725 L e d e u x i è m e d ' O c t o b r e ils d é c o u v r i r e n t M i l e d e

1526

Mindanao, & furgirent dans le Port de Vizaya , & defcendirenc une barque p o u r tâcher de p r e n d r e langue. Martin Yniguez Ils cheminèrent tout le j o u r fans rencontrer aucune ame, eft éleu Capie x c e p t é fur le foir qu'ils découvrirent certains Indiens taine des Caftil lans. dans un c a n o . Ils envoyèrent le Gallego qu'ils avoient p o u r interprète pour apprendre le n o m de la peuplade, mais ils ne le peurent e n t e n d r e ; & le c a n o eftant e n t r é dans un Golfe , la barque le fuivit, & découvrit la peuplade fur le bord d'une rivière. Ils converferent avec les Indiens ; car c o m m e il y en avoit quelques-uns qui ent e n d o i e n t la langue M a l a y a , ils s'entendirent les uns les autres. Ils leur d o n n è r e n t du vin de Palmes, detres-bonLes lndiens veunes poules comme celles de Caftille, du r i z , 6c des fruits lent donner des p o u r des jolivetez , m o y e n n a n t quoy ils s'en r e t o u r n è - vivres aux Carent joyeux & contents au navire. Ils y retournèrent le ftillaro. lendemain , mais ils trouvèrent les Indiens plus retenus, d e forte qu'ils ne purent tirer des vivres d'eux ; & ils d i r e n t aux Caftillans qu'il defcendroit des gens de la m o n tagne qui leur en apporteroient : mais cela n'eftoit que p o u r s'en excufer honeftement ; & d'amaffer du m o n d e p o u r tâcher de fe faifir de leur barque. Le j o u r d'après ils vindrent fur le rivage avec leurs a r m e s , & l'interprèt e leur dit que l'on voyoit bien qu'ils fe méfioient d'eux, à caufe dequoy l'on n'avoit pas voulu defcendre à terre ; mais q u e s'ils vouloient envoyer un Indien en oftage, o n leur donneroit un Caftillan afin qu'ils peuffent traiter enfemble avec plus de confiance. Les Indiens e n v o y è r e n t d o n c un des leurs pour entrer dans la barque , veftu d'un drap de foye avec un poignard , d o n t la p o i g n é e eftoit d ' o r , & un cimeterre ; & c o m m e il fut proche de la b a r q u e pour y entrer , il dépouilla fon vertement, & le pofa à t e r r e , avec le cimeterre 6c le poignard. Les Caftillans y envoyèrent le Gallego , lequel fauta Le RoydeMindana parle mal â t e r r e , & s'en alla o ù eftoit le R o y , qui luy fit dire que des Portugais. ceux qui eftoient dans ce vaiffeau dévoient eftre des foranguis (ils appelloient ainfi les Portugais) 6c q u e c'eftoient de méchantes g e n s . parce q u ' e n quelque lieu Sfff


726

1525.

Aftuce des Indiens.

Le Gallego refont de s'échaper des Indiens.

yfiguez defeëd a terre à deffein d'avoir des vivres.

H I S T O I R E

qu'ils arrivoient ils faifoient beaucoup de mal. Le Gal lego fit réponfe qu'ils n'eftoient point P o r t u g a i s , mais qu'ils eftoient des bonnes gens , qui ne d e m a n d o i e n t qu'à troquer des marchandises qu'ils p o r t o i e n t . Le R o y fit réponfe qu'il fe r e t i r a i t , & comme le Gallego arriva proche durivage il découvrit quantité d'Indiens en embufeadepourfe faifir de la barque lors qu'elle a p p r o cheroit de terre ; & les Indiens qui accompagnoient le Gallego ne le laiffoient pas approcher du bord , afin qu'il parlait dehors & que la barque approchait toujours. Ils a p p o r t è r e n t un porc & quelques volailles, & c o m m e ils vinrent à parler du prix , ils demandèrent trente fois plus que la chofe ne valoit. Cependant le Gallego donna avis aux Caftillans de ce qui fe paffoit, afin qu'ils fe tinffent fur leurs g a r d e s , & leur dit qu'encore que les Indiens fuirent d o u z e , & bien armez de cimeterres & de bouchers, il avoit defféin de s'échaper d'eux ; & en effet, c o m m e il eftoit fort difpoft, il échapa de leurs m a i n s , & fut reçeu dans la barque ,fans que les Indiens le puffent jamais attraper ; & les Caftillans en mefme temps defcendirent à terre , & prirent le porc & les volailles qui eftoient fur le rivage & s'en retournèrent au vaiffeau. Le Capitaine Martin Yniguez commanda que l'on y r e tournait pour les prier de leur donner des vivres en t r o c de l ' a r g e n t , & qu'on leur rendroit leur Indien, mais ils n'en voulurent rien faire. il fortit luy mefme à terre avec foixante h o m m e s , à deffein de combatre & prendre des vivres ; mais les Indiens l'en e m p e f c h e r e n t , 6e s'en r e tournèrent en leur navire. Cependant l'Indien qui étoit dans le navire, fort en colère de voir agir les fiens de la f o r t e , dit au Capitaine q u e s'ils fortoient à terre , & qu'ils tiraffent leurs efcoupetes, les Indiens s'enfuiroient & ne manqueroit pas de prendre la p e u p l a d e , & qu'il fçavoit bien le lieu o ù le Roy cachoit fon trefor. Le C a pitaine fe fervant de cet avis, mit fes gens en bon ordre ; & cheminant o ù eftoient les I n d i e n s , ils fe retirèrent fans les vouloir a t t e n d r e ; fi bien que le Capitaine s'en revint avee fes gens au vaiffeau, laiffant toujours l'Indien en bonne garde.


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. I X .

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Quelques jours auparavant il eftoit arrivé au bord 1526. du navire un cano , dans lequel il y avoit un Indien veftu defatin t r a m o i f i , il portoit de certains braffelets d'or p o u r v e n d r e , & donna au Capitaine plufieurs volailles, & le Capitaine luy donna en troc des jolivetez de C a ftille, d o n t l'indien fut fort réjouis. Le Capitaine deffendit à fes foldats d'acheter de l'or, ny de faire femblant q u e l'on l'eftimaft. Cet Indien eftoit de la mefme Ifle, Le Capitaine mais d'une autre Province, & félon que d'autres difoient, deffend de faire ceux de fa terre avoient guerre c o n t r e ceux de Vizaya, cas de l'or. & qu'ils approchoient toutes les nuits du vaiffeau pour couper les cables, afin que le navire échoüait contre la cofte, mais qu'ils n'avoient jamais peu venir à bout de leur deffein pour le grand foin & la bonne garde que faiioient les Caftillans. L e navire partit de cette Ifle, qui contient bien trois cent lieues, fort peu m o i n s , & en coftoyerent une bonne partie en tirant vers le Sud. Ces Indiens font idolatres, & dont la plus gra nde peuplade eft Mindanao , qui eft de la bande de l'Eft, & eft l'une des Ifles de l'Archipelage de Z e l e b e s , que l'on appelle m a i n t e n a n t Philippines. L'Indien dit que l'on y recüeilloit de l'or ; & les Caftillans qui fe perdirent à Sanquin en découvrirent quelque chofe. Les Provinces de l'Ifle Provinces de félon la connoiffance que l'on en e u t alors eftoient Van- Mindanao. gundanao , P a r a z a o , Bitrian , Burrey , Vizaya , Malucobuco , & les autres avoient guerre les uns contre les autres. Ils fe fervoient de plufieurs fortes d'armes, c o m m e des a r c s , des coutelas, des p o i g n a r d s , & des boucliers , jufques aux enfans mefmes ils portoient des Z a gayes bien ferrées par le bout comme des d a r d s , & plus l a r g e s , avec des crochets comme pour pefcher, qu'ils retirent avec de petites cordes. Ils j e t t e n t de certaines cannes qu'ils appellent calabays, avec des pointes de baftons b r û l e z , qui ont plufieurs c r o c h e t s , 6c les j e t t e n t de loin. C e font gens belliqueux & corrompus ; ils font Des mœurs des bien équipez , & c h e m i n e n t avec le Zagaye en la main, habitans. & ne les abandonnent p o i n t , des poignards , des coutelas quoy que ce fait dans les peuplades. Les o n z e I n -

S f f f ij


728HI S T O I R E

diens qu'ils prirent daus les Mes de los L a d r o n e s , fe f a u verent dans cette Ifle , mais ceux de Vizaya les tuèrent, penfant que cefuffent des Corfaires, à caufe qu'ils n'enrendoient point leur langue. C e port eft au huitième degré quatre minuttes de ce cofté de la ligne Equinoctiale, dans la bande de noftre Pole- A r t i q u e , en la Province de Biftrian , & en celle de B u r r è y , & il y a q u a n t i t é de belle 6c bonne canelle. L e Lundy quinzième d ' O c t o b r e le navire fortit du Le navire prend la route des Mo- port de M i n d a n a o , à deffein d'aller à L'Ifle de Cebu, parce que ces Caftillans avoient entendu dire qu'elle eftoit fort riche ; mais le vent de Nordeft leur ayant m a n q u é , ils prirent la route des Moluques ; & cette Ifle eft à foixante & quinze lieues du port de Vizaya, & de la première terre de Mindanao dix lieues. Les Indiens difoient qu'il fe recueilloit beaucoup d'or dans Z e b ù . C e Il arrive dans toutes ces Ifies font gens belliqueux,& qui fe maintiennent par le trades Chinois fic , & p o r t e n t les melmes armes que ceux de Mindanao. pour trafiquer. Il arrive dans toutes ces Ifles tous les ans des joncos de la C h i n e , qui font de grands navires qui tranfportent q u a n t i t é de foyes & de pourcelines, & des ouvrages de laton fort bien travaillez , & des cabinets de plufieurs grandeurs , bien façonnez & d o r e z , & d'autres chofes ; & remportent en troc de ces Ifles de l ' o r , des perles, & des écailles o u elles ont efté t r o u v é e s , & des efclaves. L e navire partant de Mindanao prit fa route vers le Sud, à la veuë de quantité d'autres Ifles. E t le Lundy 22. d ' O c t o b r e ils furgirent dans une lfle appellée T a l a o , du cofté du N o r d e f t , qui eft prefque à la moitié du chemin les Caftillans e n t r e T e r r e n a t e , qui eft l'ifle des Moluques. Ceux de arrivent a l'Ifle T a l a o reçeurent les Caftillans en paix, & leur d o n n è r e n t de Talao. q u a n t i t é de p o r c s , de c h è v r e s , de volailles, de poiffon, de r i z , & d'autres danrées pour la v i e , en t r o c de leurs marchandifes. Ils d é p e n d i r e n t à t e r r e , & e n v o y è r e n t des charpentiers aux montagnes pour couper du bois pourfaire des fufts d'artillerie, & autres chofes dont Ils avoient befoin ; de forte qu'ils trouvèrent dans ces Ifles t o u t e force de bon u a i t e m e n t & reception, & le Seigneur 1526.


D E s I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv.

IX.

729

les pria de l'accompagner aux Ifles de Gualibù , & de 1526. L a l i b ù , contre lefqueiles il avoir guerre , & où il y avoit Oû ils font font beaucoup d'or, & leur offrit fes propres enfans en oftage, bien reçeus. mais le Capitaine ne le trouva pas à propos. Les gens de c e t t e lfle ne font pas fi induftrieux que les autres. Elle eft au trente-troifiéme degré trente-cinq minuttes de la lig n e Equinoctiale vers noftre Pole-Artique. Ils fe rafraichirent icy fort bien. Le vingt-feptiéme du mefme mois ils partirent pour chercher les M o l u q u e s , prenant leur r o u t e au Sud quart de Sud eft. Et le L u n d y en fuivant ils arrivent vingt-neuvième du mois ils virent la terre de l'Ifle de Moluques, Gilolo ; & leur eftant furvenu un calme qui dura quatre Jours, ils furgirent à une Iflette qui eft au deffus du Cap de Gilolo à deux lieues p r o c h e , peu plus ou moins. C e C a p va de l'Eft à l'Oueft quart au Nordeft Sudeft avec la pointe de L'Ifle de Gilolo. Auffi-toft après qu'ils eurent furgi, les Indiens accour u r e n t pour parler aux Caftillans , & au lieu de leur indiquer les autres Ifles des M o l u q u e s , ils firent tout au contraire parlant la langue Portugaife ; & comme ils fuivoient la route que l'on leur enfeignoit le long de L'Ifle de Gilolo par la bande de l'Eft , au deffus de Gilolo ils découvrirent les Ifles des Moluques, qui font fort hautes ; fi bien qu'ayant t o u r n é de l'autre cofté ils furgirent en Gamafo qui eft c o n t i g u à Gilolo du cofté de l'Eft. Auffi toft après arriva le G o u v e r n e u r de G a m a f o appelle Quichil Bubacar. C e m o t de Quichil veut dire c o m m e en Caftille, D o n , & il eftoit M a u r e , il avoit avec luy un efclave de Portugal qui fenommoit Sebaftien, & il parloit fort bien Portugais ; ils apprirent de luy que ce lieu appartenoit au R o y de T i d o r e , l'un des Moluquois, qui donna le clou à Iean Sebaftien del C a n o , & à G o n - Les Caftillans que çale G o m e z d'Efpinofa , & qu'il y avoit déjà des Portu- apprennent les Portugais agais dans les Moluques qui avoient bafty une fortereffe v o i e n t déjà endans T e r r e n a t e ; qu'ils avoient des fuftes & autres navi- tié dans les Moluques. res ; & que le navire T r i n i t é de Magellan qui eftoit refté à T i d o r e pour eftre r a d o u b é avoit pris la route de la nouvelle E f p a g n e , & s'en retournant à T i d o r e par des vents

Sfff

iij


730 H I S T O I R E

contraires, quelques mois après, il tomba entre les mains d'Antoine de B r i t o , qui en tira fept cens quintaux de clou, & prit Loüis de Molina & Gonçale de C a m p o , & trois ou quatre autres Caftillans qui demeurèrent avec Almançor ; qu'il en envoya quarante-huit à Malaca ; qu'il fabriquoit la fortereffe de Terrenate ; qu'il avoit t e s Caftillans fait du mai à Aimançor, parce qu'il avoit retiré les C a apprennent t o u t ce q u e les ftillans , & qu'il n'y avoit pas plus de quarante jours P o i t u g a i s abrûlé T i d o r e ; à caufe dequoy le v o i e n t fait aux qu'ils avoient C a f t i l l a n s qui Roy s'eftoit retiré avec fes gens au plus haut de la e f t o i e n t reftez montagne. Le Capitaine pria Bubucar de luy donner d a n s les Mola-ques un parao en façon d'efquif qui font les barques de cette . terre , pour faire fçavoir au Roy de Tidore le aux autres Rois des Moluques fon arrivée, & il la luy donna de b o n cœur. 1526.

C H A P I T R E

X.

De ce qui fe faffa entre leé Caftillans de ils Xhueras & de Nicaragua,

L

Es richeffes que Gille Gonçale & le Pilote A n d r é N i n o avoient tant vantées qui eftoient dans ces Provinces qu'ils avoient découvertes le long de la mer du Sud , donnèrent fujet à quantité de gens pour les convoiter ; & parce que Pedrarias pretendoit qu'elles tom boient dans les limites de fon G o u v e r n e m e n t , il envoya c o m m e il a déjà efté dit cy-devant,François H e r n a n d e z de C o r d o u ë ; & Fernand C o r t é s Chriftofle d'Olid, pour chercher les moyens de trouver le paffage du détroit afin de paffer à la mer du S u d , & fe rendre maiftre des P r o vinces des Y b u e r a s & des autres du Sud d o n t les Indiens de Mexique avoient une parfaite connoiffance. D e ces premières découvertes donc qui cauferent la m o r t de ces deux Capitaines ; il en arriva encore d'autres maux qui durèrent long-temps, oü il y eut de grandes def~ Obeïffances , & des rebellions contre la luftice Royale,


DEs

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.

IX.

731

les hommes fe rebellant à r e n c o n t r e , s'imaginant eftre exempts de chaftiment à caufe des grands travaux qu'ils avoient foufferts. Et d'autant qu'il y avoit de grandes richeffes en cette t e r r e , & abondance de toutes choies neceffaires à la vie, ils en eftoient d'autant plus infolens. Et d'ailleurs c o m m e les miniftres fouverains des Provinces avoient peu de focieté les uns avec les autres , chacun tâchant d'agrandir l'eftenduë de fa jurifdiction furent dire à plufieurs que cela, & les defordres de la nouvelle Efpagne,& des autres parties des I n d e s , n'arrivèrent pas du temps du Roy C a t h o l i q u e , parce qu'il occupoit toutes fes penfées à l'eftabliffement de la luftice & bon gouvernement de ces nouvelles t e r r e s , fans divertir fon efprit en d'autres Provinces é t r a n g è r e s ainfi que faifoit fon fucceffeur ; & quoy que le foin qu'y a p p o r t o i t le Confeil fuprême des Indes fuit grand , les ordres des miniftres ne profitoient pas de beaucoup n'eftant pas appuyez de l'authorité des Rois. O r comme il n'y avoit point de mines en la terre de N i c a r a g u a , les Caftillans de cette Province s'étendoient le plusqu'ils pouvoient vers la mer du N o r t , & fans avoir égard à ce qui avoit efté accordé entre Pedrarias & H e r n a n d o de Saavedra, le Capitaine Benoift H u r t a d o avec quelques foldats & quelques pièces d'artillerie, alla a t t a q u e r les gens que H e r n a n d o de Saavedra tenoit dans la valee d'Viancho, mais ayant laiffé fon bagage derrièr e , les gens de Benoift H u r t a d o le prirent ; & ce Capitaine & Gabriel de Rojâs s'allèrent rendre maiftres du p o r t de N a v i d a d e n la mer du N o r t , c e qu'ils avoienc fort fouhaité afin de communiquer avec les navires de Caftille ,fans eftre obligez de trafiquer en Panama qui eftoit fort éloigné. H e r n a n d o de Saavedra ayant ouy parler du voyage de Benoît H u r t a d o & deGabrielde Rojas,envoya des gens pour leur empêcher le paffage, & c o m m e ils fefurent entre-veus les uns les a u t r e s , ils refolurent q u e chacun s'en retourneroit à fa maifon. Mais c o m m e ils furent furies termes d'exécuter cet accord, ceux de Nicaragua f o u b -

1526.

l'éloignement des peuples fais qu'ils méprifens la Juftice.

Sentiment des vaffaux de la couronne de Caftille.

Benito Hurtado & Gabriel de Rojas vot p o u r fe faifir du pore de Navidad.

Saavedra envoyé des gens contr'eux.


1526.

C o r t é s ordonna en partant que fi les Indiens fe révoltent ils foient tenus foient efclaves.

Les Indiens ne veulent pas travailler peur faire partir les Çaftillans.

l e s Indiens attaquent la peuplade de Navi-

732 H i S T o i R e ç o n n c r e n t q u e c'eftoient des gens de Truxilîo qui a l loient à Vlancho ; à caufe dequoy Benoift H u r t a d o alla pour fecourir ceux de cette valée , & Gabriel de Rojas s'en retourna à la m e r du N o r t . C e p e n d a n t ceux de T r u x i l l o a p p r é h e n d a n t ce qui en effet eftoit véritable allèrent après Benoift H u r t a d o ; fi bien qu'ils en vinrent aux mains, & il y m o u r u t deux hommes, quoy q u e ceux de H u r t a d o furent mis en d é r o u t e . D e ces difcordes des Caftillans il s'en enfuivit un mauvais exemple qui donna fujet aux Indiens alliez de fe rebeller & d'apprendre à c o m b a t t r e ; joint q u e d'ailleurs ils eftoient déjà t r è s mal contens de l'ordre qu'avoit laiffé Fernand C o r t é s en p a r t a n t , que s'ils fe rebelloient qu'ils fuilent déclarez p o u r efclaves ; & la manière q u e l'on agiffoit avec les Indiens des Ifles q u e l'on appelloit de los G u a n a z o s , leur donnoit encore une mauvaife refolution ; parce qu'eftant pacifiques & fidèles & obeiffans au R o y , les navires de C u b a ne laiffoient pas de les d é r o b e r , & les enlever pour efclaves,fous prétexte qu'ils alloient à las Y b u e r a s pour les acheter. Et c o m m e les Caftillans n ' a voient là aucuns héritages , & que la terre y eftoit fort chère à caufe du peu de commerce que l'on y faifoit de Caftille, & des Ifles, il n'y avoit aucuns veftemens ny vivres. D'ailleurs les Indiens fourniffoient peu de vivres, à caufe du peu de travail qu'ils faifoient , s'imaginant q u e les Caftillans en ayant difette s'en iraient ; & voila le fujet pourquoy ils nefë fuftantoient que par le m o y e n des efclaves qu'ils faifoient, de ceux qui tenoient les mefmes habitans de la t e r r e , & de ceux que ferebelloients Voila d o n c de quelle manière les affaires de ces Provinces fe comportoient ; d ' o ù ils'enfuivit q u e les Indiens circonvoifins fe fervant de l'occafion, voyant le peu de Caftillans qu'il y avoit p o u r la garde du p o r t de N a v i dad, les a t t a q u è r e n t , les mirent en d é r o u t e & en t u è r e n t quelques-uns. Ceux qui réftèrent fe raffemblerent & fe retirèrent dans un lieu fort, d ' o ù ils firent fçavoir à H e r n a n d o de Saavedra le péril o ù ils eftoient, afin qu'il les fecourût ; & c o m m e l'on fcavoit déjà qu'il y allait un nouveau


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INDES

OCCIDENTALES,

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733

nouveau G o u v e r n e u r , il ne voulut pas fortir de T r u x i 1526. l o , il fe contenta feulement de leur envoyer dire qu'ils allaffient trouver un Cacique qui eftoit à quinze lieues de T r u x i l l o , qui les recevroit. Dans le mefme-temps que les Indiens, dans la peuplade de N a v i d a d l'on aprit qu'il y avoit cent cinquante Caciques qui communiquoient enfemble, & qui avoient refont de tuer les Caftillans de V l a n c h o pour fe tirer de la captivité o ù ils eftoient, & Ils s ' a c c o r d e n t de tuer les C a , pour cet effet ils fe fervirent de l'occafion de leur avoir ftillans p o u r m a n d é qu'ils portaffent des bottes de cannes & de mayz foi tir de c a p t i pour couvrir les maifons au milieu defquelles ils cachè- vité. rent leurs arcs, leurs fléches & leurs épees qui font d'un bois fort dur, rondes & aiguës par la pointe comme des couteaux ; & vers la minuit ils attaquèrent les C h r é tiens lors qu'ils eftoient endormis, affiftez d'une multitude G r i j a de d'Indiens qui eftoient préparez p o u r cela. Ils tuèrent lMu ao,r tceluy qui vingt chevaux & le Capitaine H u r t a d o avec quinze Ca- d e c o u v r i t l a ftillans, entre lefquels fe rencontra le Capitaine Iean de n o u v e l l e Efpagne. Grijalua qui acheva là le refte de fes difgraces. Ils mirent le feu aux maifons. Ceux qui échaperent de ce defaftre fe fauverent avec le Cacique G u a t u c a v o l a , mais à caufe des grands differens qu'il y avoit e n t r e les C h r é tiens l'on ne put pas alors entendre à la punition que cette action meritoit ; ce qui enorgueillit tellement les Indiens que de long - temps ils ne furent affujetis. H e r n a n d o de Saavedra fe plaignoit alors de Pedrarias , parce qu'il l'avoit fort i n c o m m o d é par la fufpenfion d'armes qu'il avoit faite, afin que fes Capitaines eui~ Differens e n t r e fent lieu de mal traiter fes gens. Surquoy il y eut des P e d r a r i a s & informations des deux coftez, des proteftations de fcan- H e r n a n d o d e d a l e , des emprifonnemens, des m o r t s , des foûlevemens Saavedra, d ' I n d i e n s , & des dommages 6c pertes pour les droits du R o y , E t Gabriel de Rojas après avoir laiffé des gens dans Navidad s'en rerourna à V l a n c h o pour remédier aux defordres qui y eftoient Survenus.

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734

H i

S

T O i r e

1526. C H A P I T R E

XI.

De l'Ambaffade que le Capitaine des Caftillans envoya aux Rois de Gilolo & de Tidore. Des inftances qu'en firent les Portugais, Le navire Caftillan arrive à Tidore, Martin Yfiguez enveye une amballade aux Rois d o Moluques.

Le Roy de Gilolo reçoit fort bien les Ambaffadeurs du Capitaine Martin Yûiguez.

V

N Lundy cinquième jour de N o v e m b r e Martin Yniguez de Carquizano envoya les Capitaines André d'Vrdaneta & Alonfe de Rios,avec quatre foldats dans le parao que Bubucar avoit d o n n é aux Rois de T i d o r e & de Gilolo , en leur faifant fçavoir comme l'Empereur envoyoit pour le trafic de l'Epicerie fept navires,qui par un mauvais temps s'étoient perdus de veuë, excepté feulement la Capitaineffe qui avoit a b o r d e à Camafo ; E t qu'ils avoient apris que les Portugais avoient mal-traité leurs vaffaux, à caufe qu'ils avoient fait amitié avec les Caftillans. Qu'ils viffent ce qu'il y avoit à faire là deffus, & qu'il eftoit tout preft de les fecourir ; & que moyennant la faveur de D i e u , ils efperoient que les autres navires arriveroient bien-toft , afin de leur rendre un fervice plus accomply pour le chaftiment de leurs ennemis. Ces envoyez voguèrent dans le parao le long de la cofte de Gilolo vers le Sudeft environ trente lieues, & laifferent le parao dans un petit vilage ; & envoyèrent dire au Roy de Gilolo par t e r r e , que l'on les alloit voir. Le lendemain de leur arrivée en ce lieu, ils traverferent la terre vers le P o n a n t , o ù le Roy de G i lolo leur envoya une armée de douze paraos avec un f i e n neveu appelle Quichil T i d o r e , qui venoit en qualité de Capitaine general, & d'autres des principaux Seigneurs. Il receut fort bien les Caftillans, & les mena en la ville de G i l o l o , qui eft à environ huit lieues de T e r r e n a t e & de T i d o r e . Ils arrivèrent à Gilolo un Ieudy à la n u i t , o ù ils furent receus avec beaucoup de c o n t e n t e m e n t & de plaifir , & logez dans une bonne maifon , ou le R o y les


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INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. I X .

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envoya vifiter , & bien à fouper. Les Indiens fe réjoüif1526. foient grandement de la venue des Caftillans ; & firent des luminaires, des danfes & des chanfons. Le lendemain le R o y fortit & alla dans fon arcenal où il avoit plufieurs paraos ; & envoya appeller les Caftillans. Ils le trouvèrent avec peu de gens, debout. Apres qu'ils luy eurent fait la révérence , & qu'il les eut embraflez eftant tous fur leurs pieds., ils luy annoncèrent derechef leur ambaffade, ayant pour interprète Gonçale de Vigo el Gallego. Apres qu'ils eurent fait leur harangue le Roy leur raconta comme les Portugais eftoient entrez dans ces Ifles ; c o m m e ils avoient pris Gonçale G o m e z d'Efpinofa, & Le Roy de Gilole magafin de l'Empereur qui eftoit refte dans l'Ifle de lo advertit les Caftillans de ce T i d o r e avec tous ceux qui eftoient dedans, & qu'ils que les Portuavoient ruiné les amis des Caftillans,excepté luy, à cau- gais avoient faire fe qu'ils n'eftoient pas baiftans pour eux. Il s'offrit de fervir l'Empereur de toute fa puiffance,& defavorifer les Caftillans en cas qu'ils vouluffent demeurer en fa terre; ou dans T i d o r e , ou en quelque autre lieu que bon leur fembleroit , & leur fit donner un parao pour aller à T i d o r e , afin de déclarer leur ambaffadeau Roy de cette ville. D u confentement donc du R o y de G i l o l o , A l o n fe de Rios alla trouver le R o y de T i d o r e avec deux fold a t s , & le Capitaine Vrdaneta. demeur - dans Gilolo, Alonfe de Rios parce qu'il dit qu'il pourroit arriver qu'il fe rencontre- va au Roy de Tidore. r o i t avec des Portugais qui le tueroient ; & pour ce fujet il eftoit à propos en cas que cela a r r i v a i t , qu'il reftaft quelqu'un pour retourner au navire , de crainte que le C a p i t a i n e de l'Empereur ne creût qu'eux l'auroient fait. Mais enfin Alonfe de Rios fit fon Ambaffadeau Roy de Il luy parle. T i d o r e , & fut fort bien r e c e u d e luy & de fes Seigneurs., & fit les mefmes offres que celuy de Gilolo, qui eftoit d e fervir l ' E m p e r e u r , & envoya deux Seigneurs pour s'offrir avec l'ambaffadeur de Rios au Capitaine general. D e Rios eftant retourné à Gilolo,les deux ambaffadeurs trainerent avec le R o y , & demeurèrent d'accord que le navire allaft à G i l o l o , à caufe que T i d o r e eftoit ruiné. Ils furent à Camefo o ù eftoit le navire, & o ù le General Tttt

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H I S T O I R E

fit beaucoup d'honueur aux ambaffadeurs Indiens, que le Roy envoya avec les Caftillans. Le navire partie le dix-huitiéme de N o v e m b r e , avec trois paraos des Moluques, dans lefquels eftoient les ambaffadeurs des Rois de Gilolo & de Tidore ; & comme ils eftoient vers la plage du Cap de Gilolo il arriva une tempefte qui donna de terribles fecouffes au navire, & qui l'éloignades par a o s , de force qu'il ne put retourner à Camafo. Ils voguèrent par tout où ils purent, & rodèrent autour d'une l'Ifleappelle M a r o , & furent contraints de s'arrefter dans un Golfe que cette Ifle forme à douze lieues du Cap de Gilolo, où ils furent quelques jours à la rade, S'eftant mis à la voile le jour de faim André , il arriva un parao, F r a n ç o i s d e C a - dans lequel il y avoit un Portugais appelle François de ftro Portugais Caftro, Sergent Major de la fortereffe que les Portugais arriva au navire avoient faite dans T e r r e n a t e , lequel donna au General Caftillan, une lettre de D o m Garcia Enriquez Capitaine des Portugais ; & luy forma une plainte, difant que ces terres appartenaient au Roy de Portugal fon Seigneur ,&que S o m m a t i o n des Portugais aux fi le navire & les Caftillans vouloient aller à fa forterefte Caftillans. qu'ils y feroient fort bien receus ; mais que s'ils n'en vouloient rien faire qu'il les y contraindront m a l g r é e u x , & luy dit encore d'autres paroles fieres & arrogantes. Le Capitaine Martin Yniquez de Carquizano fit réponfe, qu'il alloit dans ces terres par le commandement de l'Empereur fon Seigneur,& R o y de Caftille à qui elles appartenoient, & qu'il ne pouvoit pas faire autre chofe que ce qui luy eftoit commandé, & que il quelqu'un l'en vouloit empécher il feroit la refiftance, que le temps feYniquez m e n a ce le P o r t u g a i s . roit voir ; mais que pour lors il ne vouloit pas perdre de temps davantage en paroles ; & dit au Portugais qu'il ne retournaft plus pour ufer de femblables fanfaroneries,& que s'il ne le vouloit faire qu'il le châtieroit. C o m me le Portugais vit que le General ne vouloit pas figner fa r é p o n f e , il dit : Signez d o n c , Monfieur, que fi le Seigneur D o m Garcia Euriquez n'a pas figné la lettre ç'a efté par negligence à caufe de la trop grand hafte qu'il avoit d'envoyer promptement cette dépefche. Martin 1526.


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INDES

OCCIDENTALES,

Liv.

IX.

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Y n i g u e z luy repartit que s'il ne fignoit pas ce n'eftoit 1526. pas par négligence, ny qu'il fuft preffé ; mais feulement q u e don Garcia fon Capitaine avoit deu prendre garde R é p o n f e d'Yniau P o r t u c o m m e il écrivoit à un Capitaine de l ' E m p e r e u r , & guez gais. qu'ainfi il nem e r i t o i tqu'on luy fift réponfe que fuivant qu'il parloit, & que c'eftoit la façon d o n t il vouloir agir, ainfi qu'il le feroit paroiftre par les œuvres. Apres quoy le Portugais s'en retourna. Cependant le navire faute de bon temps tournoyoit e n t r e ces Ifles , ne pouvant doubler le C a p de Gilolo Le Facteur de P o r t u g a l & aupour arriver à T i d o r e ou retourner à Gilolo , à caufe des très e n t r e n t das vents contraires ; & eftant ancrez devant un lieu que le n a v i r e d e s C a l'on appelle C h i a n a , il arriva certains P a r a o s , dans lef- ftillans. quels eftoient le Facteur des Portugais avec trois ou q u a t r e autres. O n les laiffa entrer dans le navire , o ù ils firent des proteftations de des fommations à ce que les Caftillans euffent à aller en leur fortereffe, ou qu'à faute de ce ils les contraindroient par force de le faire. L e Capitame fit réponfe qu'il alloit o ù l'Empereur luy avoit c o m m a n d é , qui eftoit à T i d o r e qu'ils avoient ruinée, à caufe qu'elle appartenoit à fa Majefté ; de que quant à la menace qu'il luy faifoit de l'y mener par f o r c e , il n'y fai- Autres fommaions & r é p o n foit point de r é p o n f e , de qu'ils reconnoiftroient leur tfes de Caftillans faute lors qu'ils fevoudroient émanciper de la commet- & de P o r t u g a i s . t r e , après quoy il les renvoya. C e Facteur s'appelloit F e r n a n d o de Valdaya , qui revint une féconde fois, de fit encore les mefmes fommations, après luy avoir r é pondu ; le Capitaine Martin Yniguez luy dit qu'il ne retournait plus avec ces mefmes proteftations, & que s'il faifoit a u t r e m e n t il luy r é p o n d r o i t fans papier ny encre ; de nonobftant toutes ces paroles de cofté de d ' a u t r e , les Caftillans ne laifferent pas d'ufer de toute forte de civi. litez ; o u t r e que Martin Y n i g u e z leur fit prefent de pieces de toile de H o l a n d e , de foye & de drap félon la qualité d'un chacun. Le lendemain qui eftoit un Samedy, le navire doubla le Cap de G i l o l o , de c o m m e il alloit à plaines voiles, & qu'il eut fait environ fix lieues depuis le C a p , derrière certaines Ifles il fortit deux Galions de T t t t iij


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H I S T O I R E

Portugais & une fufte avec quelques barques, & jufques 1526. L'armée portu- à quatre-vingt dix Paraos pour fe faifirdu navire Caftilgaife fort pour l a n , qui eftoit accompagné d'un Parao des Indiens de faifir du n a v i T i d o r e , & qui à caufe de la fraifcheur du temps ne poure Caftillan. voir aller fi vifte que le navire. Comme les Caftillans eurent a perçeu l'armée des Portugais, ils amenèrent les yoiles des gavies, & attendirent le Parao , auquel ils donnèrent un diable pour p r o u ë , & continuèrent leur route en bon ordre de guerre, à deffein de choquer quiconque s'oppoferoit à leur rencontre. Le navire eftoit t e navire C a ftillan va droit à garny de bonnes pièces de bronze, de quantité d'armes T i d o r e fans q u e & de munitions, avec des efcou petes & des arbaleftes les Portugais pour tous ceux qui eftoient dedans, & il y avoit plus de l'ofaffent a t t a cent hommes ; & comme le vent eftoit frais & à fouhair, quer. ils pafferent au milieu des ennemis, fans qu'ils ofaffent attaquer le navire, & s'en allèrent droit à T i d o r e , & furgirent au lieu mefme où eftoit autrefois la ville, le dernier jour de Décembre ; & dans le mefme temps le Roy y arriva bien accompagné, qui s'appelloit Rajami âgé de douze ou treize ans. L e Roy de Gilolo s'appelloit Sultan Abderra Menjami, & eftoit âgé de plus de quatrevingtsans. Apres que celuy de T i d o r e eut raconté fes t r a v a u x , il j u r a , & fes principaux Seigneurs auffi felon leur fecte, d'aider avec tous fes vaffaux & leur bien, & fervir l'Empereur & fes Capitaines en fon nom ; le Capitaine Martin Yniguez de Carquizano lit le mefme Ferment.

fin du neufiame Livre,


739

H I S T O I R E GENERALE D E S

V O Y A G E S

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des Caftillans dans les Ifles & Terre- ferme des Indes Occidentales. L I V R E

C H A P I T R E

D I X I E S M E .

P R E M I E R

Diego Lopez de Salzedo part pour occuper la place de Gouverneur de Honduras. Accord fait avec François de Montejo & Panfile de Narvaez pour aller en découverte, & avec le Comte don Fernand d'Andrada & autres. Près que le Licencié Loüis Ponce fut party, le Roy apprit plus particulièrement c o m m e les choies s'eftoient paffées dans les remeuë-mens de Mexique, où il arriva des nouvelles que l'on l'avoit t r o u v é m o r t , & auquel on avoit m a n d é de procéder à l'encontre de ceux qui L'ordre que le avoient caufé le trouble ; Q u e l'on fift juftice de ceux Roy donne pour qui avoient caufe la m o r t de Rodrigue de Paz ; & que appaifer les troubles de Mel'on fift reftituer à Fernand Cortés les biens que l'on luy xique


740 H i ST O I RE avoit p r i s , & les départemens de ceux qui avoient efté 1526 avec luy au voyage de las Ybueras ; parce qu'il trouvoit fort mauvais qu'eftant allez pour fon fervice ils euffent efté fi mal-traitez , & particulièrement des perfonnes q u e Fernand C o r t é s avoit Iaiffez en fa place. Et l'EmIl écrit à Cortés, & luy mande la pereur luy écrivit, le pleignant des injuftices que l'on fafcherie qu'il a luy avoit faites, luy p r o m e t t a n t de le recompenfer fuidu mauvais trai ment qu'on vant fes mérites, & les fervices qu'il luy avoit r e n d u s , & luy enchargea tout de nouveau d'envoyer fçavoir ce luy a fait. qu'avoient fait les armées qui avoient efté à l'Efpicerie. Les dépéches qui portoient que l'Audience de l'Efpagnolle envoyaft à las Ybueras telle perfonne que bon leur fembleroit pour gouverner cette P r o v i n c e , arrivèrent auffi ; & c o m m e ils eftoient fort fatisfaits de la perfonne de D i e g o Lopez de Salzedo , qui eftoit neveu du grand C o m m a n d e u r d'Alcantar à Nicolas d ' O b a n d o , qui avoit gouverné l'Ifle Efpagnolle, ils le n o m m è r e n t pour G o u v e r n e u r , & luy donnèrent les provifions. & l o p e z de Salze- luy ordonnèrent d é p a r t i r en diligence, & d'aller droit do va prendre parle Golfe de las Ybueras & du C a p de Honduras,dans poffeffion du Gouvernement les peuplades qui fe rencontreroient le long de cette de las Ybueras. cofte & dans les Provinces, qui feroient peuplées de C a ftillans , & qu'ils prefentaffent leurs commiffions royales qu'ils portoient. Et s'il arrivoit que quelqu'un leur v o u l u e empefcher de prendre poffeffion du G o u v e r n e m e n t , I n f t r u c t i o n que en s'oppofant aux provifions, qu'il chaftiaft leur defla M a j e f t é luy d o n n e pour et obeïlîance ; & qu'il fift en forte de parler aux principaux fujet. de la terre par le moyen de fes interprètes, & leur fift e n t e n d r e q u e f a Majefté l'avoir envoyé pour les maintenir e n l u f t i c e , & faire en forte qu'ils fuffent bien traitez c o m m e l'on p r e t e n d o i t qu'ils le fuffent de là en avant, eftant bien advertis que l'on ne leur fift aucune violence, ny que l'on ne leur prift rien de f o r c e , & de chaftier r i goureufement ceux qui y contreviendroient ; Se que l'on Q u e les Relifift en forte de réduire fous l'obeiffance du R o y le plus gieux doivent procurer de tra- de Provinces qu'ils pourroient ; en prenant un foin t o u r vailler à la con- particulier q u e les Religieux que l'on emmenoit enfeiverfion des Ingnaffent les Originaires de la terre en la foy , & q u e l'on diens. gardaft


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OCCIDENTALES,

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X.

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gardait envers eux toutes les formalitez requifes pour les 1526. maintenir en paix. Qu'ils fufpendiffent & revoquaffent tous luges & Magiftrats & quelques autres Officiers que b o n leur fembleroit, & en miffent d'autres en leur place, en advernfsat le Roy de tout ce qui fe pafferoit,afin qu'il en ordonnait comme bon luy fembleroit, & le tout fans fcandale & d'un commun accord , & confentement des Caftillans autant que faire fe pourrait ; en leur faifant entendre que fa Majefté eftoit fort defireux de leur faire du bien à caufe de leurs fervices, afin d'éviter qu'il y euft entr'eux aucune divifion , dont il en peuft arriver du fcandale. Qu'ils a p p o r t a i e n t toute la diligence requife pour apprendre les fecrets de la terre,& s'il y avoit quelque o r , de l'argent, & des perles ; Q u e s'il s'y rencontroit quantité d'or, ils le fendillent félon le mefme ordre qui s'obfervoit en L'Ifle Efpagnolle ; & qu'ils donnaffent avis à l'Audience de tout ce qui feroit neceffaire pour les neceffitez des lieux & des peuples afin qu'il y fuft pourveu ; & qu'enfin l'on fift fçavoir inceffamment comme le tout fe paffoit. Voila donc l'inftruction qui fut d o n n é e à D i e g o L o Ceux de T r u pez , lequel paffant au delà que fes forces ne le pouvoient xillo aiment p e r m e t t r e , fe mit en ordre & s'embarqua & arriva à bon mieux Saavedra p o r t à Truxillo , où l'on eftoit déjà adverty qu'il y de- que Salzedo. voit aborder ; mais c o m m e ils fe trouvoient bien avec Saavedra ils ne fe foucioient pas beaucoup de le recevoir. E t d'ailleurs comme la plus part des foldats dépendoient de Fernand C o r t é s , ils apprehendoient qu'il n'arrivaft quelque m é c o n t e n t e m e n t qui leur fuft préjudiciable. Ils fe mirent en devoir d'empefcher qu'il ne débarquait, fous prétexte qu'il n'avoit pas des provifions Royales, mais de l'Audience de l'Efpagnolle feulement. Mais enfin il fortit à terre ; & quoy qu'il trouvait les gens en trouble & fous les armes à deffein de l'exclure, il fut r e çeu G o u v e r n e u r , après avoir fait voir q u e fes commif Diego de Lopex fions eftoient Royales. Auffi-toft après il agit contre de Salzedo eft pour G o u ceux qui luy avoient r e d i t e , & fe faifit de Saavedra & de receu verneur, quelques autres, dont il fit faifir les b i e n s , en intention Vuuu


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H I S T O I R E

de les envoyerprifoniers à l'Efpagnolle, afin que les l u 1526. ges de cette Audience les fift chaftier, quoy qu'il les c h a ftioit allez par les priions êc par les mauvais traitemens qu'il leur faifoit. C e t t e terre eftoit en ce temps là bien peuplée & en repos, & pourveuë des danrées de Caftille ; & les Indiens alliez eftoient fort amis des Caftillans,parce q u e Saavedra étoit fort pacifique,& point avare ; mais Il eft trop attaché à fon inte- D i e g o Lopez qui s'eftoir engagé pour aller à ce G o u reft. vernement y entra avec un trop grand defir d'en tirer la fubftance p o u r payer fesdebtes ; & fur le récit que l'on faifoit des richeffes de Nicaragua il luy prit fantaifie de paffer auffi-toft dans cette Province prétendant qu'elle luy appartenoir. Il s'alloit informant quels eftoient les meilleurs Indiens & les plus riches, & les prenoit p o u r l u y , parce qu'en femblables partages il y en a toujours de mal-contents. En recevant les fourni ffions dans fon Gouvernement,il ofta des Indiens à ceux qui en avoient, quoy qu'ils fuffent des premiers C o n q u e r a n s , & les d o n na à ceux qui l'accompagnoient. Il voulut fçavoir p a r quel moyen l'on avoit fi-toft appris fa venuë dans T r u xillo avant qu'il y futarrivé , & il fe trouva que le grand Le démon des Preftre des Indiens qu'ils appelloient Papa, l'avoit déclaIndiens avertit Saavedra de la ré à H e r n a n d o de S a a v e d r a , lequel l'avoit entendu de venue de Lopez fon I d o l e , que Saavedra fit auffi-toft b r û l e r , parce que de Salzedo. c o m m e il eftoit fort inftruit des fuperftitions des I n diens , il fçavoit de quelle façon il les t r a i t o i t , & la captivité en laquelle il les tenoit. D a n s c e t t e mefme année François de Montejo natif de S a l a m a n q u e , & Panflle de N a r v a e z natif de la terre François de de Cuillar firent un traité avec le Roy ; le p r e m i e r , p o u r Montejo & Pan- découvrir les Ifles de C o z u m e l & de Y u c a t a n , p a r c e file de Narvaez que l'on ne fçavoit pas encore que Y u c a t a n fût terretraitent pour aller en découver- f e r m e , & s'obligea d'y baftir deux fortcreffes à fes defte. pens félon les conditions ordinaires que l'on a couftume de faire avec les autres découvreurs de nouvelles terres ainfi qu'il a déjà efté recité en plufteurs lieux de cette Hiftoire, & p o u r cet effet on luy donna le titre d'Adelan-

tado des terres qu'il découvrirait, & encore d'autres


DES

INDES

O c c I D E N T A L E S , Liv. X .

743

qualirez & honneurs ; & le fécond pour la mefme chofe, parce que Hierofme d'Aguilar, interprète de Fernand C o r t é s , q u i avoit fejourné quelque temps en cette terr e , comme il a efté dit c y - d e v a n t , luy dit qu'elle eftoit fort bonne 6c abondante. L'on fit encore un autre traité avec Panfile de Narvaez pour découvrir & pacifier les terres depuis la rivierefde las Palmas jufques à la Floride, q u e l'on ne fçavoit pas encore jufques là que ce fuft t e r re-ferme, lequel s'obligea auffi de peupler toute cette cofte d'une mer à l'autre, & de découvrir toutes les terres qui reftoient à découvrir de ce cofté là- & pour cet effet l'on dreffales articles & conditions accouftumées, c o m m e l'on avoit fait aux autres par le paffé, & il luy fut d o n n é tout d'un temps le titre d'Adelantado de tout ce qu'il reduiroit à l'obeïffance de la C o u r o n n e de Caftille. L e C o m t e don Fernando d'Andrada & Chriftofle de H a r o , Facteur de la Maifon de C o n t r a d a t i o n de l'Efpicerie qui demeuroit en la C o r u n a , Ruy bafante, & Alonfe de S a l a m a n q u e ss'ofFrirentauffi de dreffer une armée & del'envoyer du cofté de la mer Oceane Méridionale dans l'eftenduë de la Couronne de Caftille vers la partie du Rio de la Plata ; & après avoir capitulé avec le R o y , l'on demeura d'accord que Diego Garcia habitant de la ville de M o g n e r , avec lequel l'on accorda quelques articles , & avec Rodrigue d'Arca qui y alloit pour Pilote, qu'ils feroient conducteurs de c e t t e armée. L e premier article de ce traité p o r t o i t , qu'il feroit obligé de retourner une autrefois à la terre qu'il découvriroit pour la m o n t r e r aux P i l o t e s , afin qu'ils fuffent expérimentez en cette navigation ; & qu'il fift en forte par tous les moyens poffibles de trouver Iean de Cartagena & ; le Preftre François que Fernand de M a g e l l a n , eftant auffi en fa compagnie avoit abandonnez, lorsqu'il arriveroit à la terre où ils furent expofez. Diego Garcia partit donc avec un navire de cent toneaux & une patache de vingtc i n q , un brigantin & encore un autre en pièces, afin de le pouvoir affembier & armer d e toutesfois & quantes qu'il en auroit à faire, le quinzième d'Aouft de cette anV u u u ij

1526. Moncejo prend

entre-

celle

de

Yucatan.

L'on

ne

fçavoit

p a s en ce

temps

là q u e la eftoit

Floride

terre

fer-

me.

Fernando deada

&

traitent

d'Anautres

avec

le

R o y p o u r aller à la

rivière

de

la

Plata.

Le R o y que che &

ordonne

l'on

cher-

Cartagena

le P r e f t r e

çois qui efté

Fra-

avoient

abandonez

à terre.


744

H I S T O I R E

n é e , du cap finis terrœ, d'où l'on compte trois cens 1526. V o y a g e de Die- lieues jufques aux Ifles de Canarie. Il paffa par L'Ifle go G a r c i a . de Madere qui eft fituée au trente-deuxième degré & demy , fuivant fa route il arriva à l'Ifle de la Palme, l'une des C a n a r i e s , qui eft au trente deuxième degré ; o ù s'eftant muny de tout ce qui luy eftoit neceffaire il fortit des Canaries le premier Septembre ; car c'eftoit en ce temps là q u e l'Efté commençoit aux lieux o ù il pretendoit a l l e r , & o ù le treizième jour de Septembre le Soleïl eft au T r o p i q u e du Sud, qui eft fur le Cap froid qui eft au vingt-troiftéme degré & d e m y , & qui eft le plus long jour de l'année en ces quartiers de la bande du Sebaftien G a b o - Sud. Diego Garcia eut opinion que Sebaftien G a b o t o t o ne put t r o u ne put pas connoiftre cette r o u t e , parce qu'il fit le c o n ver la r o u t e d e t r a i r e , & prit fa r o u t e depuis les Canaries aux Ifles du Diego Garcia. Cap-Verd , o ù il y a deux cens cinquante lieuë, navigeât vers le Sud Sudeft. Eftant arrivé dans l'Ifle de BuenaVifta qui eft au feiziéme degré il prit des c h a i r s , du poiffon , de l'eau , q u a n t i t é de fuif & autres chofes en payant. Les Portugais changèrent auffi dans ces mefmes Ifles du coton , pour la riviere de fanto D o m i n g o & autres lieux o ù habitoient des Nègres qui troquent du fer contre du c o t t o n , & les Portugais tranfportent le fera Sierra L e o na qui eft au fixiéme d e g r é , & à la grande rivière, & en d'autres lieux de la cofte de Guinée. D e l'Ifle de BuenaViftail prit la route du C a p de faint Auguftin que ce P i lote met au huitième d e g r é , & au fixiéme degré de la bande du Sud de l'autre cofté de l'Equinoxial. O r c o m m e c e t t e route a de grands courants qui procèdent des rivières de la G u i n é e , qui abatent les navires vers la banS.baftien G a b o - de du Nordeft-eft fort perilleufe, Sebaftien G a b o t o n e to meilleur Cof- la put jamais p r e n d r e , c o m m e il a déjà efté dit cy-dem o g r a p h e que vant ; parce qu'encore qu'il fuft grand Cofmographe il marinier. n'eftoit pas fi grand marinier ; il bien qu'il alla de ce C a p au Sudeft ; pour le doubler il navigea du cofté du Sud, & prenoit quelquefois le quart de Sudeft, & nonobftant t o u t cela il trouva encore affez à faire p o u r doubler le cap à caufe des courants qu'il y a. D e p u i s les Ifles du


DES I N D E S

OCCIDENTALES,

Liv.

X.

745

Cap vert jufques au C a p de faint Auguftin , il y a cinq 1526. cens lieues de traverfe , dont la plufpart du chemin eft remply d e gros bouillons d'eau , ce qui afait dire à beaucoup que cela procède de la grande chaleur de la ligue E q u i n o x i a l e , quoy que lors que l'Admiral Chriftorle Colon fouffrit beaucoup en ce lieu, c o m m e il a efté dit c y - d e v a n t , il ne peut jamais fçavoir d ' o ù en procèdent la caufe. D e ce C a p ils fuivirent leur r o u t e jufques au Cabo frio qui eft au vingt-troilléme degré & demy de l'autre cofté de la ligne o ù l'on dit que le Soleil fait fon plus grand jour le trezieme de D é c e m b r e ; & cette cofte tire vers le Sudeft. Il y a d'un C a p à l'autre trois cens cinquante lieues ; & la Baye de todos Santos ,eft au dixfeptiéme degré , en laquelle , & en toute la cofte , félon que l'a affirmé Diego Garcia, ce font de mauvaifes gens, & qu'ils mangeoient de la chair humaine ; Et que depuis cette Baye jufques au C a p H e r m o f o , il y trouva quantit é de bancs de fable qui continuent le long de la cofte plus de nonante lieues,c'eft pourquoy cette route fut à Ouvre l'oeil appellée Abra el ojo ; Il arriva icy à la fin de l'année 1526.

C H A P I T R E

IL

Pedro de les Rios eft receu Gouverneur de Caftille de l'or, & ne veut point favorifer l'entreprife de François Piçarro & de Diego d'Almagro. Ce qu'ils firent en continuant leur deffein.

P

Edro de los Rios eftoit déjà arrivé dans Caftille de l ' o r , avec un ordre particulier de garder le traité que François Piçarro avoit fait avec Pedrarias, lequel eftoit à Nicaragua avec pouvoir d'appaifer le foûlevem e n t de François H e r n a n d e z de C o r d o u ë ; & Pedro de los Rios ayant efté receu à la charge de Gouverneur, s'employoit à faire les comptes de Pedrarias & de fes Officiers, lors que le Capitaine Diego d'Almagro re-

Xuuu

iij

Pedrarias eft das Nicaragua.

Diego d'AImagro trouve F e d r o d e los Rios en Caftille de l'or.


746

H I S T O I R E

t o u r n a n t à P a n a m a après avoir laiffé le Capitaine Fran1526 çois Piçarro avec les Caftillans à la rivière de faint Iean, c o m m e i l a efté dit cy-devant, trouva ce changement ; ce qui le fâcha fort de l'arrivée de ce nouveau G o u v e r n e u r , fe doutant bien que cela apporteroit du retardement à fes affaires ; à caufe dequoy il ne voulut pas entrer dans le p o r t a v a n t qu'il euft apris de H e r n a n d o de L u q u e l'eftat des chofes ; auquel il rendit c o m p t e de l'argent qu'il p o r t o i t pour lever des g e n s , & de l'efperance qu'il avoit de découvrir de riches terres. Il écrivit anffi à P e d r o de los Rios ; en luy faifant le mefme r é c i t , d o n n a n t le choix à H e r n a n d o de L u q u e de luy donner la lettre s'il le trouvoit à p r o p o s , ou finon de la déchirer ; mais il la luy donna auffi toft ; lequel fit réponfe qu'il eftoit fort marry de ce qu'il eftoit m o r t t a n t de Caftillans en cette découverte : Mais que cela s'eftant fait pour le fervice de D i e u & du R o y , il ne laifferoit pas de luy donner t o u t e forte d'affiftance & de faveur a u t a n t qu'il pourroit ; & que le Capitaine Diego d'Almagro vinft inconL ' o n t r a i t e déjà tinent. C o m m e il fut entré dans le port, le G o u v e r n e u r d u n o m de P é fortit au devant pour le recevoir, & l'on publia auffi-toft rou. qu'il venoit du Pérou. Apres qu'il eut e n t e n d u la relation , & la grande efperance qu'il donnoit de cette riche d é c o u v e r t e , il confirma les charges que François Piçarro & D i e g o d ' A l m a g r o avoient, & donna permiffion de lever des gens de guerre. Apres qu'il eut amaffé jufques à q u a r a n t e foldats, de ceux qui eftoient arrivez nouvell e m e n t , avec des armes, des chevaux, des veftemens, des chauffures, des vivres, & quelques médecines, il s'en retourna pour chercher fon c o m p a g n o n . C e p e n d a n t ceux qui Pattendoient avoient fouffert de grands travaux dans ces marécages ; mangez de coufins, qu'ils avoient tellement en horreur, que la plufpart brûloient d'envie Le n a v i r e a r r i v e de r e t o u r n e r à Panama- Enfin le navire parut au grand où eftait Piçarc o n t e n t e m e n t de ceux qui l ' a t t e n d o i e n t , mais au grand ro. é t o n n e m e n t de ceux du vaiffeau de les voir fi jaunes & fi foibles & décharnez, Ils refolurent tous auffi-toft de s'embarquer p o u r aller découvrir la terre que Barthele-


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. X .

747

my Ruyz avoit trouvée ; & pour eftre inftruits en la lan1526, gue du païs, François Piçarro avoit de lors fait en force q u e les Indiens qu'avoit amenez Barthélémy Ruyz a p p r i r e n t la langue Caftillane, afin qu'ils luy ferviffent d'interprètes. Ils pafièrent à l'ifle d e l G a l l o qui eft au douzième degré de l'Equinoxial. C e t t e Ifle eft petite, Les Caftillans n'ayant pas plus d'une lieue de circuit, & eft habitée. Ils vont à l'Ifle di y furent quinze j o u r s , & s'y recompenferent des miferes Gallo. paffées, puis rentrant dans leurs vaiffeaux, & dans leurs canos, & navigeant le long de la cofte par une grande rivière qui entre dans la m e r , François Piçarro la voulut reconnoiftre, & comme la barque la voulut traverfer il y eut un cano qui renverfa : un autre cano voulut fecourir les gens qui fe fauvoient ; mais ils ne purent fi bien faire qu'il ne fe noyait, cinq Caftillans. D e l à ils pafferent Vn c a n o rena à la Baye de faint Mathieu, où ils d é p e n d i r e n t tous à ter- verfe, d o n t il y a cinq Caftillans re ; & s'imaginant y trouver quelque chofe, ils d é p e n - d e n o y e z . dirent auffi les c h e v a u x , ordonnèrent la chaffe à un I n dien , pouf prendre langue de luy ; & il s'enfuit & courut avec une fi grande légèreté qu'on ne le pouvoit prefque atteindre ; mais après avoir beaucoup c o u r u , le cœur luy venant à manquer il tomba m o r t ; & il eft à croire que la crainte qu'il eut de tomber entre les mains d ' h o m mes qui avoient déjà la réputation en cette terre d'eftre cruels, y contribua beaucoup. Ces Caftillans pafferent plus o u t r e , fouffrant doubles travaux par la perfecution des confins, & qui à caufe de leur importunité s'enterroient dans le fable jufques aux yeux ; & foit de la fâcherie qu'ils en a v o i e n t , ou de quelque autre maladie il en mouroit chaque jour ; lefquels un peu auparavant avoient pris quatre I n d i e n s , qui leur avoient dit par fignes ce qu'il y avoit dans cette terre. Ils allèrent cheminant le long d e la cofte jufques à une peuplade appellée lacamez, o ù ils trouvèrent force vivres ; & les gens de cette terre s'entre-demandoient ce que Sentiment des Indiens qui c h e r c h o i e n t ces navires le long d e cette cofte, & les s'affemblent hommes blancs & barbus par terre avec ces chevaux qui pour attaquer couroient comme le vent ; E t parce qu'ils pilloient & les Caftillans.


748 H i S T oi r e captivoient leurs femmes, & eux-mefmes auffi,& leur 1526. déroboient leur or ; fi bien que s'eftant alarmez de cela, ils c o n c l u r e n t entr'eux des'affembler, & de les tuer. Les Caftillans cependant fe délafferent & fe réjouirent, avec q u a n t i t é de mayz, dont ils faifoient du pain ; ils tiroient du vin, du miel & du vinaigre, & faifoient cuire des herbes qu'ils affaifonnoient avec du f e l , a u moyen dequoy ils fe tenoient fort heureux. D'ailleurs les Indiens alloient par troupes & fe metroient dans des embufcades, à deffein d e fe jetter fur les Caftillans, d o n t quelquesuns fortirent avec des épées & des boucliers, & deux chevaux ; mais les Indiens ne les oferent attendre ; & toutefois les cavaliers allèrent après eux & en tuèrent quelques uns. Le lendemain les Caftillans fortirent, croyant y rencontrer des Indiens , & s'eftant retirez à caufe qu'ils n'en avoient point veu, ils en apperceurent enfin un gros d'environ deux cens en un endroit o ù ils attendoient. Ceux de cheval voyant cela, les allerent att a q u e r , ils en tuèrent h u i t , en prirent t r o i s , & fejournel e s Caftillans rent neuf jours dans la Baye pour refoudre de ce qu'ils opinent fuc ce avoient à faire, & pour fe rafraichir. La plufpart défiqu'ils d o i v e n t faire, dont la roient q u e l'on s'en retournait à P a n a m a , pour affemp l u f p a r t veut reb l e r , difoient ils, davantage de g e n s , afin de retourner t o u r n e r â Panaavec plus de forces à cette découverte. L e Capitaine ma. D i e g o d'Almagro qui n'eftoit pas de ce fentiment conteftoit contr'eux,difant qu'il feroit ridicule de s'en retourner pauvres pour demander l'aumofne & pourir dans les prifons pour fatisfaire à leurs debtes ; & que l'on n e devoit pas abandonner la terre après y avoir t a n t fouffert de miieres ; mais qu'il faloit chercher quelque lieu o ù il y euft a b o n d a n c e de v i v r e s , & envoyer les navires pour avoir des gens. François Piçarro affligé des difgraces paffées fit paraiftre alors ce q u e jufques là fon grand c œ u r n'avoit pas encore témoigné. Il dit à D i e Paroles de Pigo d'Almagro, q u e comme il alloit & venoit aux navires çarro à Diego o ù il y avoit faute de vivres, il n'enduroit pas la faim & Almagro. autres miferes que ceux qui eftoient dedans fouffroient, de telle forte que cela donnoit de Paffli&ion de les voir ainfi


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.

X.

749

ainfi partir, ce qui les rendoit débiles & fans forces ; & que s'il avoit parcage à ces miferes il ne feroit pas d'avis 1 5 2 6 . contraire à s'en retourner à Panama. D i e g o d'Aimagro luy repartit qu'il eftoit contant de demeurer l à , cependant qu'il iroit chercher du fecours ; Car quoy il fe forma n n e querelle, & fe mal traitèrent de paroles ; ils mirent Ils querellent la main à l'épée & au bouclier à deffein de l e battre;mais enfemble , & l e Treforier Nicolas de Ribera , le Pilote Bartelemy leurs a m i s les m e t t e t d'accord R u y z & d'autres amis s'eftant mis entre d e u x , ils s'embrafferent auffi-toft après en mettant fous le pied toute paffion ; & demeurèrent d'accord que François Piçarra demeureroit, & que Diego d'Almagro iroit quérir du fecours. Ils pafferent la rivière de la Baye de faint M a t h i e u , pour reconnoiftre certaines peuplades qu'il y a v o i t , & pour voir fi le lieu eftoit propre pour y demeurer, ou pour chercher quelqu'autre endroit.

C H A P I T R E

III.

Continuation des travaux que François Piçarro & fes compagnons fouffrent en leur découverte ; du fecours que Diego d'Almagro leur envoyé.

L

A terre d'autour de la rivière de la Baye d e faint Mathieu ne contenta pas les Caftillans pour eftre t r o p en pante & fort plu vieille & ainfi ils cheminèrent le long de la cofte en remontant jufques à ce qu'ils arrivèrent à T e r a p u l l a , qu'ils a p p e l è r e n t Santiago o ù paffe une rivière fort rapide. Ils féjournerent là huit jours du mieux qu'ils purent ; mais l'apprehenfion qu'ils e u r e n t des Indiens les fit fortir d e cette terre plus vifte qu'ils n'euffent fouhaité ; car les foldats commençoient déjà tous en general de mal parler des deux Capitaines ; difant qu'ils les tenoient comme des captifs, fi bien que t o u s , ou du moins la plufpart s'en vouloient retourner pour fortir d'une il mifèrable vie. Mais les deux Capitaines les repaiffoient de belles p a r o l e s , leur p r o m e t t a n t Xxxx

Les foldars fe plaignent de leurs Capitainés.


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H I S T O I R E

de trouver en bref une meilleure t e r r e , & q u a n t i t é d e richeffes. Ils retournèrent en la Baye de faint Mathieu, o ù l'on traitta tout de nouveau du lieu o ù ils dévoient demeurer ; & il fut conclu & arrefté q u e ce feroit dans L'Ifle del Gallo , & que Almagro iroit en diligence chercher du fecours. Mais les Caftillans difoient qu'ils vouloient s'en retourner pour s'exempter de finir leur vie il Les Caftillans miferablement, & o ù il n'y avoit aucun lieu facré pour laffez de foufrir des fatigues s'en la fepulture de leurs corps. Mais l'effort que firent les Caveulent r e t o u r pitaines pour refifter à toutes ces plaintes importunes ner. fut fort grand ; & fur tout la volonté de Dieu qui n'avoit pas agréable que l'on quittaft u n e entreprife de fi h a u t e contequence que celle-là. C e p e n d a n t il fut q u e ffion de faire partir A l m a g r o , avec ordre particulier d e fe faifir des lettres ; parce que l'on fçavoit fort bien que plufieurs écriroient quantité de plaintes contre les deux Capitaines. Apres qu'Almagro fut party , le Capitaine François Piçarro prit l'autre navire avec le refte des C a ftillans qui confiftoit en q u a t r e vingt cinq h o m m e s , & s'en alla à l'Ifle del Gallo ; & au bout de quelques jours il voulut que le mefme navire allait à Panama avec le Vifîteur Corballo,afin de s'y équiper & de retourner avec D i e g o d'Almagro. Mais quelques diligences qu'ils peuffeiït faire pour empefcher que l'on ne fçeuft pas les plaintes des foldats, C a t h e r i n e de Saavedra femme du G o u verneur P e d r o d e los Rios ayant demandé de luy chercher quelques plotons de cotton de ceux qui eftoient D e l'invention dans le n a v i r e , il fut trouvé dans l'un de ces deux pelodes Caftillans pour faire, fça- t o n s qui eftoit gros comme la tefte , une lettre q u ' u n voir leur mifere certain foldat avoit é c r i t e , par laquelle il faifoit e n t e n Les Indiens de dre la captivité o ù eftoient les Caftillans, priant le G o u l'Ifle del Gallo, verneur d'y remédier. Il y eut auffi un Caftillan de ceux l'abandonnent. qui alloient avec Almagro , appelle L o b a t o , qui fut c h a r g é en fecret de procurer la liberté de ces hommes. L e s Indiens de l'Ifle del Gallo ne pouvant fouffrir le voifinage de ces nouveaux venus, ainfi qu'ils les appelloient, jugèrent qu'il eftoit plus à propos d e leur abandonner leur propre p e u p l a d e , q u e d'eftre tous les jours en g u é r 1526.


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S ,

Liv.

X.

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re avec e u x , & fe retirer en terre ferme pour fe plaindre 1526 du tort que l'on leur faifoit. Cependant pour des vivres il y en avoit fort peu ; mais quant à l'eau l'on n'avoir garde d'en chaumer à caufe des pluyes continuelles q u i comboient inceffamment du C i e l , avec u n e grande o b fcuricé de n u a g e s , & un grand tintamarre de tonnerres, accompagnez d'éclairs. Pendant tout ce temps là les coufins ne ceffoient d'exercer ; leur office ; & comme les Mifere des habitans s'en eftoient allez ils jettoient toute leur furie Caftillans. fur les pauvres Caftillans ; & comme ils eftoient à moitié n u d s , & que les vivres leur m a n q u o i e n t , l'on peut juger par là les maux qu'ils fouffroient, qui leur faifoit plutoft fouhaiter la mort que la v i e , parce que par ce moyen ils euffent efté au bout de leurs travaux. Le Capitaine F r a n çois Piçarro demeura d'accord avec fes compagnons de taire une barque pour aller en terre-ferme chercher des vivres ,& là neceffité eut un tel pouvoir fur eux qu'elle vainquit la difficulté qu'il fe rencontra à la faire ; fi bien que par le moyen de cete barque l'on trouya des provifions fuffifamment, par le moyen defquelles ils reprirent u n e nouvelle vigueur. Cependant Diego d'Aimagro arriva en bref à Panam a , comme nous l'avons déjà dit c y - d e v a n t , & trouva le Gouverneur fort affligé de la mort de tant de gens ; & quoy que Diego d'Aimagro & le maiftre d'Efcole H e r nando de Luque luy reprefentoient devant les yeux tous les travaux qu'ils avoient foufferts, la dépenfe,& le grand fruit que l'on en pouvoir efperer , il fe mocqua d'eux ; & leur dit toutefois qu'il vouloit m e t t r e ces pauvres miferables en liberté. D'ailleurs les voix du peuple eftoient contraires à ce que difoit Diego d ' A i m a g r o , parce qu'ils difoient qu'en la terre de Beruquete il n'y avoit que des m o n t a g n e s & des marefcages ; fi bien q u e le G o u v e r - Le Gourverneur neur refolut d'y envoyer un n o m m é Iean Tafur , hom- e n v o y é Iean T a fur à l'Ifle del m e de condition , natif de C o r d o u ë , avec ordre de les G a l l o . faire revenir à Panama. Mais d'ailleurs le Maiftre d'Efcole H e r n a n d o de Luque & Diego d'Aimagro écrivirent à François P i ç a r r o , que quoy qu'il deuft périr qu'il

X x x x ij


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H I S T O I R E

ne revinft point à P a n a m a , puis qu'il jugeoit bien c o m 1526. bien ils feroient couverts de honte & d'ignominie s'il ne pouffoit pas cette d é c o u v e r t e à bout. Cependant Iean Confiance de Tafurarriva à l'Ifle del Gallo avec cet ordre ,juftement Diego d'Alma- au temps que labarque revenoit de terre-ferme chargée grode m a y z , lequel fut reçeu avec un applaudi ffement general de t o u t e la compagnie , leur fembiant a tous qu'ils fortoient d'une grande captivité , & beniffoient le G o u verneur des grands biens qu'il leur falloit, difant que ce qu'il en avoit fait eftoit par une infpiration divine. Mais le Capitaine François Piçarro voyant ce que le Maiftre d'Efcole & Diego d'Almagro écrivolent, refolut de perfevererdans fon deffein , fe confiant en Dieu & qu'il ne l'abandonneroit point dans une affaire de cette import a n c e , o ù il ne s'agiffoit q u e de fa gloire. Il dit donc à I! parle à fes cô- fes compagnons avec une grande modeftie & conftan. pagnons. c e , que ceux qui a voient deffein d e s ' e n aller , s'en allaffentà la bonne h e u r e , mais que ce qui le fachoit le plus, eftoit qu'ils alloient fouffrir de plus grands travaux & de plus grandes miferes & neceffitez, qu'ils n'avoient point encore fait ; & qu'ils perdroient en peu de momens ce qui leur avoit coufté tant de fueurs & de fatigues, ne devant pas douter que l'on devoit trouver des chofes d o n t ils demeureroient tous confolez & r i c h e s , félon le témoignage que leur en avoit rendu les Indiens que Bartelemy Ruyz avoit pris ; mais que fa plus grande fatisfaétion eftoit que dans tous les travaux qu'ils avoient foufferts il ne s'eftoit jamais excufé de paroiftre des premiers à la tefte des fiens, & de vouloir ; périr pluftoft que de m o n t r e r le moindre défaut de courage & de valeur par t o u t o u ils s'eftoient rencontrez ; ce qu'il avoit encore deffein défaire. Mais tout ce raifonnement ne les put j a mais d é t o u r n e r de leur refolution , bien éloignez de cela ils folicitoient inceffamment Iean Tafur de les tirer inceffamment de là ; lequel nonobftant l'ordre précis qu'il avoit de les emmener t o u s , le refpect, de Piçarro , qui par un courage magnanime le pria de luy en laiffer quelquesu n s , il fe mit à l'un des bouts du n a v i r e , puis ayant fait


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INDES

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une raye , il mit à l'autre bout François P i ç a r r o , avec les 1526. foldats, & dit que ceux qui voudroient aller à Panama, paffaffent de fon cofté, & que ceux qui ne pafferoient pas la raye demeuraffent. Il y en refta donc treize feulem e n t & un Mulato , qui eft un homme né d'une blanche avec un Maure ,ou d'une Maure avec un blanc , de couleur olivaftre ; Iefquels voyant la confiance & generofi te de leur Capitaine, meus de compaffion pour ne le point laiffer feul, s'offrirent de mourir pour luy, & de le fuivre en quelque lieu qu'il vouluft aller. Ceux qui le voulurent accompagner eftoient Chriftofle de Peralca, Nicolas de Ribéra, D o m i n g o de Seraluze, Francifco de Les treize c o m C u e l l a r , Pedro de C a n d i a , Alonfe de Molina , Pedro p a g n o n s qui t e f t e r e n t avec PiAlcon , Garcia de Xerez , Antonio de Carriou , Alonfe ç a r r o d a n s l'IfleBrifeno , Martin de Paz , Iuan de la T o r r e , & Bartele- del G a l l o . my Ruyz. François p i ç a r r o les voyant ainfi refouts de ne le point abandonner, s'en réjoüit infiniment, en rendit grâces à D i e u , & les embraffa. Il demanda un navire à Iean Tafur de ceux qu'il avoit amenez mais comme le Gouverneur luy avoit enchargé d'emmener tous les foldacs , ce n'eftoit pas pour y laiffer un navire ; ainfi nonobftant toutes les prières ny les proteftations de Francifco Piçarro il ne put obtenir cela de luy ,mais pour l e contenter en quelque façon il luy dit que l'on luy en env o y e r o i t u n de Panama. Piçarro voyant cela, refolut p o u r plus grande feurete de demeurer dans l'Ifle de Gorgone avec quelques indiens 6e Indiennes qu'il avoit ; & quoy que la terre fût mauvaife, & qu'il n'y avoit point d'habitans,il y avoit del'eau,& avec le mayz qu'ils avoiet P i ç a r r o & feS ils pouvoient y demeurer quelques jours en attendant c o m p a g n o n s qu'il vinft quelque fecours de Panama. Enfin Tafur s'en refoudent de demeurerdonsl'Ifle r e t o u r n a de la forte , Iaiffant Piçarro dans une extrême de G o r g o n e . fafcherie contre Tafur , qui à peine luy vouloit laiffer le mayz & les Indiens de T u m b e z , lequel emporta d é s a s tres au G o u v e r n e u r , que Piçarro luy é c r i v i t , par lesquelles il luy daclaroit fon fentiment de luy avoir enlevé fes g e n s , & legrand déplaifir qu'il feroit au Roy découper le fil d'une fi grande entreprifes & à fes compa-

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gnons de lefecourir le plufton qu'ils p o u r r o i e n t . 1526. Il y a dans cette Ifle de G o r g o n e , que ceux qui l'ont veuë comparent à l'enfer, à caufe de l'épaiffeur des bois & de la h a u t e u r des m o n t a g n e s , abondance de coulins, & u n e tres-mauvaife température d'air ; o u le Soleil ne paroift j a m a i s , & où les pluyes font fort fréquentes. C e fut donc là que François Piçarro voulut demeurer pour Ils y trouvent plus grande feureté. Ils y baftirent leurs maifons, & y .des vivres & y fabriquent un fabriquèrent un cano, dans lequel il forroit luy mefme, cano. & pefchoit du poiffon pour manger. D'autres fois il fortoit à la c a m p a g n e , & tuoit certains animaux appeliez G u a d o q u i n a x e s , qui font u n peu plus grands que des lièvres, & dont la chair en eft meilleure , s'occupant en cela pour faire fubfifter fes c o m p a g n o n s , n o n o b i l a n t les pluyes continuelles, les tonnerres & l ' i m p o r t u n i t é des coufins. Peralta & un autre devindrent malades dans c e t t e Ifle, & pour les confoler il leur faifoit manger de c e t t e chair de Guadoquinaxes. Il s'y trouva auffi une forte de fruit comme des chaftagnes, qui eftoit auffi p r o pre à purger que de la r h e u b a r b e ; il y eut un Caftillan qui en mangea, d o n t il penfa mourir. Il y en avoit e n c o re d'autres plus petites qui eftoient fort favoureufes. Ils trouvoient q u a n t i t é de poiffon dans les concavitez des rochers. Ils y trouvoient auffi de prodigieufes & é p o u vantables couleuvres , mais qui ne faifoient aucun mai. Il y avoit encore des cinges fort g r a n d s , des chats peints, des oifeaux nocturnes, & d'autres animaux c h a m peftres. Il y avoit auffi parmy les arbres, des p a o n s , des faifans, & autres femblables oifeaux. Il y defcend des montagnes de fort b o n n e eau. D a n s tous les mois d e l'année durant la nouvelle Lune vers le Soleil c o u c h a n t , il aborde une infinité de poiffons en quelques endroits de L ' I f l e , qu'ils appellent agujas, & en François aiguillat qui demeurent à fec fur la t e r r e , & les Caftillans fort adroits les a t t e n d o i e n t , & en tuoient à coups de baftons a u t a n t qu'ils vouloient. Ils prenoient auffi des peroquets, des T i b u r o n s & autres poiffons. D e forte donc qu'avec le mayz qu'ils a v o i e n t , les vivres ne leur m a n q u e r e n t


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point du tout. Ils rendoient grâces à Dieu tous les matins ; & difoient le foir le Salve Regina , & autres Oraifons dans les heures du jour. Ils fçavoient les Feftes, & renoien-t compte des Vendredis & des Dimanches ; fi bien qu'en obfervant tous ces ordres Dieu les délivra de grands travaux. C e t t e Ifle a trois lieues de circuit, & eft au troifiéme degré du N o r t o

C H A P I T R E

1526. Manière de vie des Caftillans dans la Gorgene.

IV.

Le Gouverneur Pedro de los Rios envoyé un navire a François Piçarro, lequel avec ceux qui luy eftoient reftez va découvrir la terre de Tumbez

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Ean Tafur eftant retourné à Panama , & le G o u v e r neur voyant que François Piçarro eftoit refté â l'Ifle de G o r g o n e avec fi peu de monde en fut fort fafché, & dit que s'il periffoit que l'on ne luy en pourroit pas attri- Diego d'Almagro fort affligé buer la faute. Et ces nouveaux venus racontoient tant de la folitude d e dechofes des miferes qu'ils avoient fouffertes, qu'on ne fes compagnos les pouvoir écouter fans en avoir une extrême compaffion. Le maiftre d'Efcole & Diego d'Almagro pleurèrent tendrement au récit de ces miferes, & de la folitude & péril o ù s'eftoit engagé François Piçarro & fes compagnons. Ils demanderent du fecours au Gouverneur, & J'en prièrent fort inftamment ; & comme il le leur refufa ils protefterent à l'encontre de l u y , de faire leur plainte au R o y des maux qui en arriveroient, 6c du t o r t que cela rendroit à la C o u r o n n e ; attendu que de c e t t e découverte il devoit procéder de grandes richelles. D e forte donc que foit pour les menaces de D i e g o d'Almag r o , ou par les ordres que Pedro de los Rios avoit receu s du Roy defavorifer cette entreprife, cela le fit re- Pedro de los foudre de luy donner un navire, pour du moins aller qué- Rios donne perrir ces gens. C e navire fut équipé de tout ce qui miffion d'aller fecourir Piçarluy eftoit neceffaire, & comme D i e g o d'Almagro alla ro, puis s'en rep o u r prendre congé du Gouverneur, comme il fe re- Pent.


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1526.

C e u x de la G o r g o n e decouviet le navire.

H I S T O I R E

pentoit de la permiffion qu'il avoir d o n n é e ; il dit àIean de Caftaneda qu'il allaft déclarer avec un C h a r pentier de vaiffeaux c o m m e n t ce navire n'ettoit pas p r o p r e pour naviger. Mais Caftaneda fit réponfe que le vaiffeau eftoit bon ; fi bien que le G o u v e r n e u r voyant qu'il ne s'en pouvoit pas dédire , il leur dit, qu'ils s'en allaffent donc avec la benediction de Dieu, pourveu qu'ils obfervaffent l ' o r d r e qu'il donnoit ; qui eftoit que dans fix mois François Piçarro euft à venir rendre compte de ce qu'il auroit découvert fur de grandes peines. Celuy qui conduifoit le navire eftoit Barthélémy R u y z , & il n'y avoit point d'autres gens dedans que des mariniers. Au bout de quelques jours François Piçarro & fes compagnons attendant toujours quelque fecours eftoient tellement affligez que la moindre chofe qu'ils voyoient en mer leur fembloit eftre le navire qui retournoit, eftant comme à la defefperade, & eftant refous de faire un radeau pour s'en aller à Panama , en defcendant le long de la cofte ils découvrirent effedivement le navire. Les uns difoient que c'eftoit quelque poutre de bois, & les autres quelqu'autre chofe, & ils le fouhaitoient avec une telle paffion que quoy qu'ils vifle.nt les voiles à peine le pouvoient-ils croire: mais à mefure qu'il approchoit, & qu'ils virent la blancheur des voiles, & qu'ils reconnurent ce qu'ils fouhaitoient avec tant de paffion, l'on ne peut bien exprimer joye la qu'ils en eurent. Le vaiffeau entra dans le p o r t fur le midy , & Barthélémy Ruyz descendit auffi-toft à terre,où il fut fort bien receu,& auffitoft après l'on traita de ce qu'ils dévoient faire. François Piçarro difoit qu'il eftoit à propos que les Indiens & Indiennes qu'ils avoient demeuraftent avec le b a g a g e , puis qu ils avoient affez dequoy vivre , fous la garde de Paez & de Truxillo, qui eftoient débiles ; & que c o m m e les autres Indiens de T u m b e z fçavoient déjà parler quelque peu d'Efpagnol, ils les emmeneroient avec eux pour découvrir. Ils prirent donc leur route droit au Sudeft en r e m o n t a n t la cofte, & navigerent ayee un fi b o n temps qu'en vingt jours ils reconnurent une


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u n e Ifle qui eftoit placée t o u t d e v a n t T u m b e z , proche 1526 d e Puna, à laquelle ils donnèrent le nom defanta C l a r a , o ù ils chargèrent de l'eau & du bois. Il n'y avoit aucune p e u p l a d e dans c e t t e Ifle, parce que les Indiens de cette c o n t r é e la tenaient c o m m e un fanctuaire, ils y fai- Ils découvrent foient dans de certains temps de grands facrifices à des l'Ifle de fanta Idoles de pierre qu'ils y avoient pofées ; & comme les in- Clara. diens de T u m b e z virent L'Ifle ils dirent qu'ils eftoient Les Caftillans proches de leur terre. Ils y entrèrent, & virent l'Idole commencent à de pierre, qui avoit une telle d ' h o m m e , pointue par le reconnoiftre les haut. Là ils remarquèrent la richede de la terre qu'ils al- ficheffes de cette terre. loient découvrant ; car ils y trouvèrent quantité de pieces d'or & d'argent, quoy que petites, c o m m e des figures de mains, des feins de f e m m e s , des telles, & un vafe d ' a r g e n t , qui fut le premier qui fe trouva qui p o u voit contenir trois chopines & plus. Ils y trouvèrent auffi des couvertures de laine jaune, riches & agréables à la veuë. Les Caftillans receurent un tel contentement à la veuë Piçarro regrette d e toutes ces chofes qu'ils en eftoient t o u t ravis, mais fort de n'avoir François Piçarro eut un grand refientiment de ce que pas fes compaT a f u r avoit a m m e n é fes compagnons , parce que s'ils gnons avec luy. J'euffent accompagné ils euffent p u faire tous enfemble q u e l q u e affaire d'importance & d e profit. Les Indiens d e T u m b e z difoient que t o u t cela n'eftoit rien en c o m paraifon des richeffes qu'il y avoit en la terre. Ils fe retir è r e n t au n a v i r e , & navigeant le l e n d e m a i n , ils découvrirent fur les neuf heures du matin un radeau qui eftoit fi g r a n d , q u ' i l fembloit que ce fut un Navire. Ils le prir e n t avec quinze Indiens veftus de chemifettes & de couvertures en habit de g u e r r e , & incontinent après ils en virent quatre antres, ils demandèrent à ceux qu'ils avoiet p r i s , d'où ils eftoient ,& où ils alloient. Ils dirent qu'ils eftoient de T u m b e z , & qu'ils alloient pour faire la guer- Les Indiens de re à ceux de Punà parce qu'ils eftoient ennemis. Ils pri- Tumbez a d m i rent les autres radeaux, & affurerent les Indiens qu'ils rent le Navire. n e leur feroient aucun tort, ny ne les capti venaient point, & que ce qu'ils en faifoient eftoit pour aller tous enfemble à T u m b e z . Ils eftoient tout eftonnez de voir le N a Y yyy


758 H I S T O I R E vire & fa f a b r i q u e , avec tout l'attirail, & les Castillans 1526. blancs & barbus. L e Pilote Bartelemy R u y z s'approcha de terre,& c o m m e ils virent qu'il n'y avoit ni m o r t a g n e s , n y confins, ils rendirent graces à D i e u , Ils furgirent en l'a plage d e T u m b e z , & François Piçarro dit aux Indiens qu'ils avoient pris fur les radeaux, qu'ils s'en allaffent o ù b o n leur fembleroit, & qu'il n'avoit pas deffein de leur faire la g u e r r e , m a i s de les avoir feulement pour a m i s , & qu'ils le diffent à leurs Caciques. Ils s'en r e t o u r n è r e n t d o n c avec leurs radeaux avec ce qu'ils avoient a p p o r t é , fans qu'il leur manquaft rien. Les Indiens de Terre-ferm e voyant aborder le N a v i r e , jetter les a n c r e s , & fortir des gens furies radeaux, fe mirent à les contempler avec l e s I n d i e n s d e a d m i r a t i o n ; ne fçachant ce que ce pouvoit eftre, fort Tumbez rend e n t c o m p t e à é p o u v a n t e z de c e t t e nouvelle machine. Mais ceux qui leur S e i g n e u r de eftoient de fcendus ne s'arrefterent point qu'ils n'euffent ce q u ' i l s a v o i ê t e l l e trouver le Seigneur , auquel ils dirent comme ils veu. avoient r e n c o n t r é ce N a v i r e , o ù il y avoit des h o m m e s b l a n c s , veftus, & qui p o r t o i e n t b a r b e , & q u e d'autres I n d i e n s , qui luy eftoient vaffaux, qu'ils avoient pour interprètes, leur a v o i e n t dit, que ces hommes alloient c h e r c h a n t des terres ; qu'il eftoit encore forty quantité de ces gens dans un autre Navire , & que ceux-cy eftoient defcendus dans une I f l e , o ù ils avoient fejourné plufieurs j o u r s . L e Seigneur eftonné de cette n o u v e a u t é , & tous fes vaffaux, jugèrent auffi-toft que ces gens eftoient e n voyez de D i e u , & qu'il eftoit bien raifonable de faire q u e l q u e b o n traitement à ces nouveaux hoftes,& p o u r I l s p o r t a n t d e s c e t effet l'on prépara auffi. toft dix ou d o u z e radeaux fur p r e f e n s aux C a lefquels l'on m i t q u a n t i t é de viandes & de fruits avec des stillans. vafes d'eau & d'autres breuvages d o n t ils fe fervoient. O n y mit auffi un m o u t o n q u e les Vierges du T e m p l e d o n n è r e n t pour eux ; & toutes chofes eftant ainfi p r é p a rées les Indiens fe mirent auffi fur les radeaux & a b o r d e r e n t le vaiffeau avec un grandiffime c o n t e n t e m e n t . François Piçarro les reçeut fort civilement ,& fut fort eftonné de voir le m o u t o n . Il y avoit entre ces Indiens un Orejon , d e ceux q u i eftoient avec le G o u v e r n e u r qui refidoit


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OCCIDENTALES

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la , lequel dit au Capitaine qu'il pouvoit defcendre 1526 à terre en toute affeurance ,& charger de tout ce qu'il auroit befoin. Il defcendit donc un marinier appelle Bocanegra dans la c h a l o u p e , l e q u e l avec l'aide des Indiens chargea vingt pipes d'eau, & c o m m e l ' O r e j o u vouloit envoier à Q u i t o , pour d o n n e r avis de toutes ces chofes, le fvoy Guaynacapa qui eftoit du nombre luy faifoit des demandes, & regardoit fi a t t e n t i v e m e n t , q u e les Caftillans s'eftonnerent de voir un Indien il avifé, lequel demanda par le moyen de fes Interprètes d ' o ù ils éftoiêt, c e qu'ils c h e r c h o i e n t , & quelle eftoit leur prétention d'aller par tant de mers & de terres fans s'arrefter. F r a n - R e f p o n f e de çois Piçarro luy fit refponfe, qu'ils venoient de Caftille, François Piçaro ù il y avoit un R o y e x t r ê m e m e n t puiffant, duquel ils ro aux deman-, eftoient les vaffaux, & qu'ils eftoient fortis à deffein de des de V .l'ndieu. m e t t r e fous la fujetion d'un fi puiffant P r i n c e , toutes les cerres q u i ils rencontreroient ; & particulièrement pour leur faire entendre q u e les Idoles qu'ils adoroient eftoiet fauffes, & que s'ils defiroient eftre fauvez il falloir de n e ceffité qu'ils fe fiffent Chreftiens & croire en un feulDieu qui eftoit celuy qu'ils adoroient, qui eftoit dans le Ciel, appelle Iefus-Chrift ; parce que ceux qui ne l'adorer o i e n t p o i n t , & n'accompliroient fes commandemens iroient en enfer,lieu obfcur & plein de feu : mais q u e ceux qui le tiendroientpour le véritable D i e u , créateur d u Ciel & de la terre, & de toutes les chofes, feroient habitant des cieux éternellement. Voila d o n c les difcours q u e François Piçarro tint à l ' O r e j o n , lequel efpouvanté L'Orejon demeure avec les de les e n t e n d r e , demeura dans le N a v i r e depuis le matin Caftillans tout jufques à deux heures de relevée. Il mangea avec les C a - le jour & difne ftillans ; il beut du vin de Caftille, & le trouva beaucoup avec eux. meilleur que le lien. Il luy donna une hache de fer, qui le c o n t e n t a f o r t , & l'eftima b e a u c o u p , avec des grains d e marguerites & trois calcidoines, & pour le C a c i q u e deux p o r c s , malle & f e m e l l e , quatre poules 6c un c o q , après quoy l'Orejon s'en alla fort fatisfait ; priant François Piçarro de luy donner quelques Chreftiens Yyyy

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760 1526.

H l S T O I R E

pour les faire voir au Cacique; & il luy donna Alonfe de Molina & un N è g r e , qu'il mena avec luy.

CHAPITRE

XI.

Continuation de la découverte de François Piçarro & de fes compagnons le long de cette cofte, qu'ils appellent du Pérou, M o l i n a defcend à terre a v e c un Nègre, au g r a n d

eftonnement des Indiens.

Pres que l'Orejou fut à terre avec Alonfe de Molina & le N è g r e , le Cacique confiderales porcs & les poules , & il eft difficile de pouvoir exprimer l'eftonnement o ù il eftoit, auffi bien que ceux qui l'accompag n o i e n t , & encore plus lorsqu'ils entendirent chanter le coq, ils demandoient ce qu'il difoit, & ce qu'il demandoit ; mais ils eftoient encore plus eftonnez de voir le N è g r e , & ne fe pouvoient raffafier de le regarder. Ils le faifoient laver pour voir fi cette noirceur s'en i r o i t , ce qu'il faifoit de bon cœur, en fe riant & leur m o n t r a n t fes dents blanches. Les uns le venoient voir,& les autres s'empreffoient à qui le pourroit approcher, fi bien que la preffe y eftoit fi grande qu'ils ne luy donnoient pas le loifir de manger. D'ailleurs ils regardoient le Caftillan avec fa barbe, qui eftoit blanc. Ils luy demandoient beaucoup de chofes, mais il n'en entendoit aucune. Enfin les enfans, les grandes perfonnes & les femmes les regardoient tous avec admiration. Alonfe de M o h n a vit quantité de beaux édifices dans T u m b e z . Il fut fort bien régalé, & le Nègre alloit des uns aux autres, comme chofe qu'ils n'avoient jamais veuë. Molina vit la fortereffe, & plufieurs canaux d'eau, des femences & des fruits, & quelques moutons qui reffemblent à de petits chameaux. Quelques Indiennes luy venoient parler qui eftoient fort belles & bien ajuftées, & toutes luy portoient des fruits, & de ce qu'elles avoient pour porter au navire. Elles luy demandoient par figues, o ù ils alloient

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DEs I N D E S

O C C I D E N T A L E S , Liv.

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& d'où ils v e n o i e n t , & il leur répondoit de la mefme f a 1526. çon. Entre celles qui luy parlèrent, il y avoit une D a m e Vne D a m e Infort belle qui luy d i t qu'il demeurât l à , & qu'elle luy dienne prie Modonneroit l'une de fes Dames pour f e m m e , telle qu'il lina de d e m e u rer à Tumbez. voudroit choifir, & l'on creut qu'elle difoit cela pour qu'on l'envoyait a u R o y Guaynacapa pour le voir. Mais i l demanda permiffion de, retourner a u vaiff e a u ,& elles envoyèrent quantité de vivres pour y porter. C o m m e il fut r e n t r é dans le navire, ra vy d'avoir v e û tant de belles chofes, i l n e fçavoit par lefquelles c o m mencer pour en faire le récit. I l dit que les maifons M o l i n a recite ce. eftoient de p i e r r e , & qu'avant q u e de parler au Sei- qu'il a veu d a n s g n e u r , il avoit paffé trois portes, o ù il y avoit des por- Tumbez. tiers à chacune qui la g a r d o i t , & qu'il fe fervoit de vafes d ' o r & d'argent. François Piçarro rendit grâces à Dieu de toutes ces chofes ; il fe plaignit des Caftillans qui Tavoient q u i t t é , & de Pedro de los Rios , de luy avoir rendu un fi mauvais office ; mais cependant i l fe t r o m p o i t , car s'il y fuft e n t r é avec eux en qualité de gens de g u e r r e , ils l'euffent t u é , parce que Guaynacapa v i voit alors, & il n'y avoit point de trouble dans le Royaum e , comme il y en a eu depuis. Alonfe de Molina d i t encore que la fortereffe avoit fix ou fept murailles,& qu'il y avoit q u a n t i t é de richeffes dedans. François P i - P i ç a r r o fe tromçarro eftima ces chofes fi grandes qu'à peine pouvoit-il pe en fon o p i croire qu'elles fuffent véritables. Il refolut d'envoyer n i o n . P e d r o de Candia, qui eftoit un fort b o n ingénieur pour en obferver les particularitez, & reconnoiftre par o ù l ' o n y pourroit entrer & s'en rendre m a i f t r e , lors q u ' i l plairoit à Dieu q u ' i l s y retournaffent. P e d r o de Candia fortit donc à terre avec le N è g r e ; & P e d r o d e C a n d i a defcend à terre c o m m e i l y avoit des Indiens fur la plage, ils le menerent avec le N è g r e . a u Seigneur, & furent tous fort réjouis de voir fa bonne difpofition , & comme d'autres Indiens l'avoient v e û t i rer u n e harquebuze dans le n a v i r e , ils le prièrent d'en t i rer encore un coup - il banda donc fon harquebuze&t i ra dans une table qu'il perça d'outre en outre. Lors q u e les Indiens entendirent tirer le coup ,les uns t o m b è r e n t Y y y y iij


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H I S T O I R E

& les autres fe mirent à crier, & tous j u g è r e n t que Pedro 1526. de Candia eftoit fort vaillant à caufe du coup qu'il veL e C a c i q u e fait nait de tirer & pour fa bonne mine. L e Seigneur c o m expofer un L i o n manda que l'on amenait, là vn tygre & un Lion,pour voir & un t i g r e d e vant Pedro de s'il fe defendroit bien contre eux, Il tira derechef fon Candia. h a r q u e b u z e , & il tomba encore d'avantage d'Indiens qu'il n'avoit fait d e v a n t , & les deux animaux s'approchèrent de luy auffi doux que des aigneaux ; & le Cacique les fit remener d'où on les avoit tirez. Candia le dit,& plufieurs Indiens le racontèrent c'eft pourquoy cela a efté tenu pour véritable. Le Seigneur demanda l'harquebuze & emplit le canon d e v i n , & luy d i t , boy donc puis que tu fais tant de bruit ; tu es femblable au tonerre du Ciel. Ils firent affeoir Pedro de Candia ; ils luy d o n nèrent à manger ; & luy demandèrent ce qu'ils avoient deffein de fçavoir de l u y , à quoy il leur r é p o n d i t du mieux qu'il pût. Il reconnut la fortereffe & le Monaftere des Mamaconas, qui font les Vierges facrées, Iefquelles envoyèrent prier le Seigneur de le luy e n v o y e r , & elles furent fort réjouies de le voir. Les Vierges travailloient en laine, dont elles faifoient de tres-bonne eftoffe pour Je fervice du T e m p l e , elles eftoient belles la plus part, & forr amoureufes. Candia demanda la permiffion de r e tourner au Navire, jugeant qu'il avoit affez veu pour s'aquiter de fa commiffion. Le Seigneur commanda q u e l'on y portait du M a y z , du fruit, & d'autres chofes e n c o r e , fur des radeaux. Il envoya auffi un fort beau m o u Pedro de Candia récite ce qu'il a ton , & un aigneau. O r tout ce qu'avoit dit Alonfe de veu. Molina auparavant n'eftoit rien en comparaifon de ce que Candia en rapporta, parce qu'il affirma avoir veu des vafes d ' a r g e n t , & travailler plufieurs orfèvres à cela & à d'autres ouvrages de cette eftofFe ; & que dans quelques murailles du Temple il y avoit des plaques d ' o r ê & d'argent enchaffées ; & que les femmes qu'ils appelloient du Soleil qui eftoient les Vierges, eftoient extrêmement belles. Les Caftillans eftoient tellement ravis d'aife & de contentement d'entendre parler de toutes ces merveilles , qu'ils priaient D i e u de bon coeur qu'il leur fift la


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grâce d'y retourner mieux accompagnez qu'ils n'étoient 1526. pour s'en rendre les maiftres. Ils apprirent que ceux de Tumbez avoient envoyé des meflagers à Q u i t o , au Roy Guaynacapa pour luy rendre c o m p t e de t o u t ce qu'ils avoient v e u , quoy qu'il fût m o r t lors qu'ils y arrivèrent ; encore que quelques-uns difent que n o n ; & qu'il avoit Les Caftillans fe m a n d é que l'on luy envoyait, un Caftillan, de ceux qui réjoüiffent fort au récit de Pedro fouhaiteroient de demeurer parmy les Indiens, & que ce de C a n d i a . ne fut qu'après avoir donné cet ordre,qu'il mourut. Mais il eft plus vray-femblable que fa m o r t n'arriva que la mefme année que François Piçarro arriva en la cofte de fes terres.

C H A P I T R E

VI.

François Piçarro continue fa découverte. Ses compagnons le prient de ne pas pafferplus avant.

F

Rançois Piçarro ayant fait un fi heureux r e n c o n t r e comme nous le venons de reciter, n'en voulut pas demeurer là ; il refolut donc de paffer o u t r e , ayant avec luy un jeune garçon que ceux de T u m b e z luy avoient d o n n é , afin de luy montrer le port de P a y t a , qui pour eftre tres-boneft maintenant le lieu le plus propre pour faire efcale de tout le Pérou. Il eft au cinquième degré, Puis continuant leur route ils découvrirent ,le p o r t de Iangarara , & abordèrent à une petite Ifle quin'eftoit compofée que de grandes r o c h e s , o ù ils entendirent des hurlemens épouvantables ; mais c o m m e les Caftillans n e redoutoient rien , & ne s'eftonnoient nullement de quelque chofe qui arrivait, ils defcendirent dans leur efquif pour reconnoîftre ce que c'eftoit, & virent que c'efloit des loups marins, d o n t il y a q u a n t i t é en cette cofte, & de très grands. Ils doublèrent ce cap qu'ils a p p e l è rent Aguza, & pafferent plus avant & entrèrent dans u n port qu'ils appellerent de Santa Cruz ; & déjà le bruit courut par toute la cofte, qu'ils commençoient ,

Loups marins q u i font un épouvantabâs bruit,


764

H I ST O I R E

appeller du Pérou , que les Caftillans rodoient là aux environs avec un navire ; qu'ils eftoient blancs & barbus ; des Caftillans qu'ils ne faifoient point de mal ne déroboient p o i n t , ny s'efted p a r t o u t e ne tuoient perfonne ; mais qu'ils donnoient des chofes c e t t e terre, qu'ils portoient , & qu'ils eftoient pieux & h u m a i n s , & d'autres bonnes qualitez, ce qui leur dôna beaucoup d'eftime, ainfi que ceux de T u m b e z l'avoient déjà publié p a r t o u t . Cette haute réputation donna bien de l'avantage à fon entreprife ; & comme les hommes quoy q u e barbares , font curieux de voir des chofes nouvelles, ainfi ces peuples accouroient de tous coftez pour voir ces nouveaux venus, le N a v i r e , le N è g r e ; l'Arquebuze, & c o m m e elle fe tiroit. C o m m e donc le navire approcha de cette p l a g e , quantité d'Indiens l'aborderent fur des radeaux, avec du poiffon, des fruits & d'autres provisions pour la vie. François Piçarro les recevoit fort civilement, & leur faifoit donner des p i g n e s , des ameçons & des grains de verre de différentes couleurs, dont ils furent fort fatisfaits. Il y avoit entr'eux un homme de condition qui dit au Capitaine, qu'il y avoit une D a m e Vne Dame Inqui eftoit en cette terre appellée la Capullana, qui ayant d i e n n e fait prier l e s C a f t i l l a n s d e appris t o u t ce que l'on difoit d'eux avoit toutes les envies defcedre à terre. du monde de les v o i r , & que pour ce fujet elle les prioit de defcendre à t e r r e , & qu'ils ne manqueroient de rien, François Piçarro luy répondit qu'il agréoit fort la bonn e volonté de cette D a m e , mais que dans peu de temps ils retourneroient, & defcendroient à terre, après quoy les Indiens s'en retournèrent & le navire fit voile ; mais comme le vent du Sud leur fut c o n t r a i r e , le vaiffeau fut plus de quinze jours à tournoyer ; & en effet les vents de L e v a n t régnent fort peu en ces quartiers. Cependant le bois leur vint à manquer , c'eft pourquoy ils furent contraints de prendre port pour en chercher,car ils fuivoient P i ç a r r o fait d e f - toujours le long de la cofte. O r à peine eurent-ils j e t t e c e u d r e à terre les anchres qu'ils apperceurent proche du navire quantiAlonfe de Moli té de radeaux avec des vivres. Le Capitaine commanda na à Alonfe de Molina de fortir à terre avec les Indiens qui eftoient venus là pour apporter du bois. Comme 1526.

La

renommée


DUS

INDES

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C o m m e Alonfe de Molina voulut retourner au navi1526. r e , la mer s'altera de telle force qu'il n'y put arriver. Piçarro l'attendit trois j o u r s , mais de crainte que les cables n e fe r o m p i r e n t , & que le navire fe perdift en la cofte, P i ç a r r o fait v o i à caufe du il fit lever les a n c h r e s , croyant qu'Alonfe de Molina le mauvais temps, p o u r r o i t demeurer là en feureté avec les Indiens, veu & laiffe M o l i n a qu'ils paroiffoient fi paifibles & fans malice. Le vaiffeau pd iaernms y. les I n allajufques à C o l a q u e , entre T a n g a r a & C h i m o , qui f o n d e s lieux o ù fe fondèrent depuis les villes de Truxillo & de San Miguel. Là les indiens fortirent au devant d'eux pour les recevoir avec j o y e , e n leur portant des v i vres, lis leur fournirent d'eau & de bois, & leur d o n n è rent cinq moutons. L'un des mariniers appelle Boca N e g r a voyant que cette terre eftoit fort b o n n e , fortit du navire, & envoya dire au Capitaine qu'il l'excufafl, & ne l'attendift point, parce qu'il eftoit t e n t é de demeurer avec de fi bonnes gens. Piçarro y envoya Iean de la Torre pour fçavoir fi ce n'effeoit point une invention des I n diens pour le retenir de force ; mais de la T o r r e eftant Boca Negra fort du n a v i r e , & va de r e t o u r , dit que le marinier eftoit gaillard. & difpos, & demeurer avec qu'il n'avoir aucun deffein de revenir au navire ; & q u e les Indiens. les Indiens étoient fort aifes de ce qu'il vouloir demeurer avec eux ; qu'ils l'avoient mis fur un brancard & le porvoient fur leurs épaules pour le faire voir plus avant dans le païs. Il dit qu'il avoit veû des troupeaux de b r e b i s , de grandes terres labourées & enfemencées, quantité de ruiffeaux dont les bordages eftoient tout couverts d ' a r bres verdoyants, & que la terre fembloit eftre fort agréable & fraiche. Les premiers Caftillans appellerent ces animaux Ovejas * à caufe de la laine qu'elles portoient, Brebis qu'elles eftoient douces & domeftiques , quoy qu'elles fuffent, comme nous avons deja d i t , comme de petits chameaux. Eftant forcis de là ils navigerent encore plus outre, toujours découvrant d e nouvelles terres jufques à ce qu'ils arrivèrent à celle de Santa, à deffein de d é couvrir la ville de Chincha, de laquelle les Indiens ra- Les Castillans contoient de grandes merveilles. Mais les Caftillans prie priet Piçarro d e pas puffer e a t encelieu Piçarro de n e pas paffer plus a v a n t , & ne plus avant, Zzzz


766 HISTOIRE 1526.

Il leur accorde l e u r demanda.

qu'il avoir déjà plus découvert de terre qu'il ne s'èftoit propofé ; qu'il y avoit déja affez long temps qu'ils err o i e n t p a r les mers ; & qu'eftant de retour à Panama il chercheroit du m o n d e pour aller affujettir cette terre & la p e u p l e r , puis qu'ils confeffoient tous que c'eftoit la meilleure terre du monde & la plus riche, comme ils l'avoient veu par les échantillons. D e forte donc que Piçarro ne voulant pas rejetter le confeil de fes gens, t r o u va à propos de le pluftoft fuive que fa propre volonté ; fi bien que comme ils avoient déja attaint la fin de l ' a n née 1526. il refolut de leur accorder leur demande. C e t t e terre de Santa eft au neufiéme degré de l'autre c o d é de la ligne Equinoctiale , d'où coule une grande rivière dont l'eau eft fort favoureufe. C'eft un port où e n t r e n t les navires.

C H A P I T R E

VII

De plufieurs chofes dont le Roy pourveut cette année pour le bon gouvernement de la nouvelle Efpagne. R o y ordonna en première inftance que l'or de Panuco fuft fabriquée en barres félon le C a r a t , & tel qu'ils le rrouvoient ; & qu'il euft cours & paffaft pour ce prix non autrement à peine d e m o r t , & qu'il ne fefondifl ny fabriquaft aucun or hors les lieux ordinaires deftinez pour cela , félon qu'il avoit efté a c c o r d é , ny que l'on ne jettaft point en le fabriquant de fouldure. L'on confirma à l'Ordre de la Mercy les chofes qu'ils tenoientdans les Indes, à caufe que les Religieux de c e t O r d r e avoient travaillé dés le commencement de la d é couverte de cette terre. Il fut ordonné de donner au Frere l e a n d e l a Croix de l'Ordre de S. François qui paffa cette année avec fix Religieux de fon O r d r e dans la nouvelle Efpagne à la fupplication de Frère Iean Xuarez du l e Roy fait des, mefme O r d r e , Gardien d'un Monaftere q u e l'on avoit aumônes à l'or- fondé nouvellement dans Guaxalzingo, fix cens poids L'or de P a n u c o court pour fon prix de Carat.

dre de la M e r c y .

LE


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv. X.

767

d'or d'aumofne pour aider à acheter des ornemens pour 1526. fervir au culte divin, à prendre fur quelque revenu du Roy que ce fuft. Le Roy ayant eu avis que depuis que la nouvelle Efpagne avoit efté découverte l'on s'eftoit émancipé de prendre pour efclaves les Indiens originaires de la t e r r e , fous prétexte de les avoir pris en faifant quelque refiftance, ou en guerre, allegant que les mefmes Indiens en ufoient ainfi entr'eux. A quoy fa Majeflé voulant ainfi remédier pour éviter à ces defordres, deffendit par fes lettres parentes en bonne & deuë forme, de permettre que l'on donnaft delà en avant pour efcla- Deffenfe de te ve aucun Indien naturel, ny de permettre de les marquer nir des indiens la terre en au vifage ny ailleurs ; & que quand il arriveroit qu'il en de qualité d'Efclafalut marquer q u e l q u ' u n , que ce fuft en prefence des ves. Officiers R o y a u x , en d o n n a n t fuffifante preuve comment il feroit efclave, & non natif de la terre, ny de ceux qui feroient deffendus, fur peine à celuy qui y contreviendroit d'encourir peine de m o r t , & confifcation de fes biens. E t que les Indiens que Gonçale de Salazar & de Peralmindez avoient ofté à leurs Maiftres, que Cortés leur avoit laiffez pour aller à l'entreprife de las Y b u e r a s , leur feroient rendus. E t d'autant que Frère Iean Xuarez Gardien de Guaxalzingo avoit raporté que les Indiens de cette Province Les Tndiens de avoient elle les premiers qui embrafferent la Foy C a t h o - Guaxalzingo les lique , & avoient fervy fidèlement, fans aucun remeuë- premiers qui ont embraffé la m e n t , fans avoir pris les armes contre les Caftillans, ny Foyne leur avoient point fait la guerre ; & qu'à caufe qu'ils eftoient recommandez à des perfonnes qui avoient leur intereft en plus grande recommandation que leur converfion, ils n'eftoient pas traitez félon l'intention de fa Majeflé , ny gouvernez comme fes vaffaux, ny foulagez dans le travail : Il ordonna aux Officiers de la nouvelle Efpagne de prendre les Indiens en la protection du R o y , les tinffent au nom de fa Majeflé fans les recommander à perfonne, les traiter avec toute forte de douceur & de bon traitement, & porter du relpect à ceux qui avoient fervy , & qui eftoient Chreftiens. Frère Iean, Z z z z ij


768 1526

Le R o y o r d o n n e que fix I n d i e n s f o i e m bien veilus & r e n v o y e z en leur r e n é .

m è r e & les res de R o d r i gue de Paz d e m a n d e n t raifon de fa m o r t .

A l o n f e Davila fort tle p r i f o n .

H I S T O I R E

Xuarez avoit amené de la nouvelle Efpagne fix Indiens, pour voir les raretez de Caftille ; mais comme l'on avoit déjà veû par expérience qu'en les tirant de leur lieu natal ils ne pouvoient pas vivre fous un autre climat & felaiffoient mourir,le R o y ordonna qu'on les remenait en leur terre,& commanda auxOfficiers ce la Maifon d e C o n t r a . ctation de Seville qu'aux nommez Pedro,Diego , & Pafcual qui eftoient en fans de gens de condition , il leur fuft dunne des haut de chauffes & pourpoints de velours, & des bonnets d'efcarlate , avec des manteaux de drap garnis de foye , des chauffes & des fouliers auffi de velours, & à chacun une couple de cheraifes, des g a n t s , & une ceinture & ceinturon de foye. Et qu'à A n d r é , Iean-, & Valeriano ,qui n'eftoient pas de fi grande qualité , il leur fuft donne des veftemens de drap de couleur, des chauffes & des fouliers, une cafaque de futaine , & deux chemifes chacun , des bonnets d'efcarlate, des gants une ceinture & un ceinturon. O r comme l'on eut formé une aceufation criminelle dans le Confeil Royal des Indes p a r l a m e r e & les frères de Rodrigue de P a z , qui avoit elle t u é , c o n t r e Gonçale de Salazar & Peralmindez Chirinos, & que le Licencié Zainos rifeal avoit pris la caufe en main , il fut ordonné que tes biens de Salazar & Peralmindez feroient faifis, jufques à ce que l'on auroit avifé en I u d i c e c e que de raifon , & cet ordre fe donna auffi bien pour les biens qu'ils avoient en Caftille que dans les Indes. Alonfe Davila qui fut pris fur la mer en revenant de la nouvelle Efpagne, ayant efté envoyé en Cour par F e r n a n d Cortés & les Communes de cette Province , & emmené à la Rochelle, comme nous l'avons d i t c y - d e vant,fortit deprifon &; fupplia le Roy de fe fouvenir de fesfervices & t r a v a u x , dont fa Majefté ayant égard à à toutes ces chofes, ordonna que les Indiens qu'il avoit à fa recommandation dans la nouvelle Efpagne, ne luy fuffent point oftez, & que s'ils avoient efté donnez à d'autres ,ils luy fuffent reftituez, & que l'on n'innovaft rien en aucune chofe dece qu'il poffedoit en cette terre. A la fupplication de l'Empereur, comme nous avons d é -


DES I N D E S

O C C I D E N T A L E S ,

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Ja dit cy-devant, lé Pape avoit fait dépêcher une Bulle, par laquelle il declaroit qu'elle devoit s'eftendre fur l'Evefché de Yucatan & de feinte Marie de los Remedios, d o n t l'on avoit pour veu Frere Iean G a r c e s , en quelque partie de la nouvelle Efpagne que le R o y voudroit, & dans les limites qu'il plairoit à fa Majefté dans l'eftenduë de i'Evefché. Et parce qu'il y avoit deja un E v é q u e dans Mexique, qui attendoit cette déclaration, on la luy envoya en la manière qui fuit ; Q u e fon Evefché s'eftendroit dans toute la Province de Tlafcala inclufivement, dedans faint lean d'Vlna qui confine avec les eaux coubacesjufques à-la ville de Matlata , & la ville de la VeraC r u z , avec t o u t ce qui dëpendoit de Tanafco & de la rivière de Grijalva jufques à Chiapa ; toute laquelle étenduè eftant déclarée eftre du lufufditEvefché de Tlafc a l a , avec cette condition que fa Majefté & fes fucceffeurs auroient la faculté de changer & révoquer ce qu'il jugeroit à propos pour le bien du fufdit Evefché en tout ; ou en partie. Il fe faifoit en ce temps là de grandes fraudes fur,les biens du R o y , à caufe des Orfèvres qui eftoient paffez en la nouvelle Efpagne, parce qu'ils fondoient l'or en fecret, & fraudoient par ce moyen les droits du Roy ; outre qu'ils y méloient force foudure ; & pour cét effet l'on deffendit d'y avoir aucuns Orfèvres dans toutes les terres de la nouvelle Efpagne, ny de les laiffer exercer leurs Offices. E t parce que dans les mines d'or & d'ar, gent qu'il y avoit, les Officiers Royaux qui ; eftant d'ordinaire plus éloignez du P r i n c e , eftendent davantage leur authorité , ne vouloient pas p e r m e t t r e à toute forte de perfonnes, tant originaires que Caftil lais de tirer de for & de l'argent ny d'autres m é t a u x , & qu'ils ne d o n noient la permiffion qu'à ceux que bon leur fembloit;quieftoit contraire à ce que le Roy avoir o r d o n n é , outre que cela diminuoit de beaucoup le revenu du Roy : Il fut enjoint aux fufdits Officiers de laiffer travailler aux mines toute forte de perfonnes tant originaires que Caftillans de quelque genre & qualité qu'ils fuffent, foit eux, Z z z z iij

1526.

L i m i t e s de l'E vefche de T l a f cala.

L'on deffend d'avoir des O r fèvres d a n s la nouvelle Efpagne.


1526.

Le Roy ordonne que les mines d'or, d'argent & d'autres métaux foient libres.

770 H I ST O I RE leurs ferviceurs & efeiaves, de telle forte qu'elles fuffent communes à tous. Voilà donc à quoy confiftoit l'arrogance des Officiers, qui pour fatisfaire à leur paillon n'avoient aucun refpect pour la perte du P r i n c e , ny du biein c o m m u n , empefçhant que le peuple ne profitait, afin d'avoir encore plus de fujet de faire paroiftre leur auîhorité.

C H A P I T R E

VIII

Continuation des ordres que le Roy donne pour la nouvelle efpagne.

L

'Abfence de Fernand Cortés du Golfe de las Hib u e r a s , eau fa tout ce mal ; parce que ces quatre Miniftres que le Roy envoya n'agiffoient pas dans les affaires du Prince comme vaffaux à qui ils dévoient rendre compte , mais comme des maiftres abfolus, d'où naquir e n t les maux que nous venons de reciter. C'eft pourquoy après qne le fupréme Confeil des Indes eut efté inftruit de toutes ces chofes, il y pourveut de cette forte^ Apres avoir confideré qu'au préjudice de ce que les Rois Catholiques avoient- ordonné aux Officiers Royaux qui gouvernoient dans la nouvelle Efpagne de ne laiffer paffer aucuns Indiens en Caftille, & qu'ils n'y avoient pas apporté tous les foins qu'ils dévoient, y en laiffant paffer inceffamment & par excès;à caufe de quoy il fut ordonné que d'orefnavant il n'en paffaft aucun, L'on ordonne attendu que le changement de terre en venant par deçà que les Indiens leur caufoit de grandes maladies qui eftoient bien-toft retournent en fuivies de la mort;& enjoint à ceux qui eftoient paffe zen leur pais & ne foient point te- Caftille qu'ils s'en retournaffent incontinent,avec injonnus pour efcla- ction aux Officiers de la Maifon de Contractation de Seves. ville , qu'autant qu'ils en trouveroient ils les fiffent e m barquer & retourner en leur pais n a t a l , pourveu qu'ils le fouhaitaffent, & de ne pasfoufFrir que;perfonne les maltraitait en ces quartiers, ny d'efclaves en leur t e r r e .


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.

X.

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Parce que plu fleurs fois-fa Majefté l'avoit o r d o n n é ainfi 1526. & qu'ils fuirent libres & traitez comme fes vaffaux & Qu'ils foient non autrement ; & a u x Officiers Royaux des Indes que ténus libres & c o m m e vaffaux d'oreihavant ils priffent garde à ces choies plus exacte- du R o y . m e n t ; Q u e les Officiers de Seville fuffent avertis de prendre tous les Indiens qu'ils verroient arriver dans les navires, & qu'ils les renvoyaffent en leur- terre. L'on avoit déjà c y - d e v a n t dit, que pour empefcher que les efclaves Nègres qui paffoient dans la nouvelle Efpagne ne fe forevaffent,ny ne s'abfentaffent de chez leurs martres & travailla dent de meilleur courage, outre le mariage que l'on leur permettoit;Q u ' a p r è s avoir fervy un certain temps,& qu'en donnant vingt marcs d'or à leur mai-ftre , ou plus félon que les Officiers Royaux le jugeroient De quelle f a ç o n l'on doit d e c l a à propos,félon la qualité, la condition & l'âge d'un cha- rer les efclaves cun & fuivant cela diminuant ou augmentant le temps, N è g r e s libres les femmes & les enfans de ceux qui feroient mariez, dem e u r a i e n t libres, nonobftant la difpofition de la L o y , qui porte q u e les efclaves pour eftre mariez n ' o n t point elle déclarez libres. Et l'on ordonna de craiter de cette affaire,en y a p p e l a n t les perfonnes que l'on jugeroit à p r o p o s , & que l'on donnaift avis au Confeil de ce quiauroit efté accordé C e p e n d a n t le changement de gouvernement , & la confufion qu'il y avoit eue dans la nouvelle Efpagne, avec les divers partis qui s'eftoient formez de la part des M a l v e r f a t i o das Mmiitres Royaux , avoient efté caufe que l'on avoit les compres des fraudez les biens des deffunts, de forte qu'il en é c h e o i t bies des d e t u m s peu en partage aux héritiers, la plufpart demeurant en la puiffance de ceux; qui les avoient en g o u v e r n e m e n t , & d'autres perfonnes particulières, ne gardant point en cela ce qui avoit efté o r d o n n é , dont Dieu en eftoit fort offenfé, & les confeiences & les ames des deffunts en eftoient t o u r m e n t é e s , & les héritiers en recevoient un Protivion t o u grand dommage. Pour donc remédier à ces abus, il fut c h a n t les biens envoyé une provifion qui confirmoit les précédentes, des défunts. avec ordre exprés que le tout fuit exécuté Et il fut ord o n n é aux Officiers de la Maifon de Contraction de se-


772

H I

S

T

O I R E

ville qu'ils donnaffent avis au Roy inceffamment des 1526 biens des deffunts lors qu'ils les auroient reçeus, & qu'ils e n v o y a i e n t un regiftreau Confeil. Et parce que dans le calcul & dans la folution des c o m p t e s , & des impolis & autres rentes Royales & droits, & chofes appartenantes au Roy , l'on n'avoir pas veû les chofes au net comme elles dévoient, il fut ordonné que les Officiers Royaux envoyeroient tous les ans un calcul exact du c o m p t e , & une relation véritable de ce à quoy les rentes Royales eftoient montées durant l'année ; & que le Maiftre des Comptes & le Treforier vécugfent dans la maifon Royale pour prendre garde plus exactement aux droits du R o y . Il fut ordonné auffi que les perfonnes qui appelleroient des Miniftres pardevant fa Majeflé, des SentenOrdre p o u r le ces qui fe donneroient, defquelles il y auroit voye d'apappellations. pel , ailegant ce qu'en tel cas ils voudroient prouver , eu raifant leur déclaration & publication touchant cela, avec la conclufion de la caufe, ils cnvoyailent le procès au Confeil Royal des Indes ; Et que les perfonnes qui voudroient venir au Roy pour traiter des découvertes, & de peupler de nouvelles terres ou autres chofes, ils s'adreffaffent aux Miniftres Royaux ,ou devant les Iuftices des lieux , & qu'ils les informaffent de leurs demandes , afin que ces Miniftres puffent déclarer leur fentim e n t a u Roy , & qu'eftant par ce moyen mieux informé de la chofe l'on y pourveut ainfi, que de raifon, ainfi qu'on l'avoit o r d o n n é pour d'autres Provinces ; Et que les maiftres des Indiens refidaffent dans les lieux qui leur avoient efté donnez fur peine de les perdre. O r comme le principal foin de fa Majeflé eftoit la converfion des originaires de la terre , après avoir tante pour cela tous les remèdes les plus efficaces, comme une chofe qui imO n ordonne portoit à tous, il futarrefté que l'on ameneroit de cette d'envoyer des tterre en Caftille quelques enfans Indiens de gens de enfans Indiens en Çaftille pour condition,& de meilleur efprit pour les nourrir & élever y eftre inftruits. dans des Monafteres & Coleges , & qu'après avoir efté inftruits en la foy C a t h o l i q u e , dans la politique Se dans un bon ordre de vie ils r e t o u r n a i e n t en leurs terres pour inftruire


des

I n d e s

O C C I D E N T A L e s ,

Liv.

X.

773

inftruire les originaires des lieux, attendu qu'ils appreudroient bien plus facilement d'eux quelque bonne c h o fe, que d'autres ; & que des Pheure mefme on donnait ordre d'en envoyer une vingtaine, Q u e ceux qui iroient pour faire des découvertes & pour peupler ne menaffent pour leur conquefte aucuns Indiens de la terre ; Qu'ils n ' e m p l o y a i e n t aucun Indien pour le labourage ou a u t r e exercice contre leur volonté , ny aux mines, finon pour b l u t e r , en leur payant leurs journées ; & que dans les maifons où l'on failoit les fontes dans la nouvelle Efpagne l'on gardait les mefmes prééminences que dans les autres maifons des Indes ; Q u e les rentiers des Fermes Royales euffent recours au Greffier major des mines pour ce qui eftoit de dix mille maravedis pour milier, quoy que l'on ne donnait point de quittance pour cela. Et d'autant quel'Hofpital de Mexique alloit croiffant, l'Empereur fupplia le Pape de donner une Indulgence en cette confideration, afin que les fidèles Chreftiens qui fervoient le faint Siège joüiffent de fes grâces & faveurs , & euffent encore plus d'inclination à favorifer un â faint ouvrage de leurs aumofnes.

C H A P I T R E

1526.

Et que les I n diens originaires de la t e r r e ne

feroient point forcés au travail

Le Pape envoyé une

Indilgence

pour l'Holpital de Mexique.

IX.

Autres ordrts quifurent donnez cette année four le bon gouvernement de diverfes parties des Indes. En ce temps là il y eut un certain Breton appelle Nicolas Don, qui manda à l'Empereur, qu'allant avec trente mariniers à la pèche des bacallaos,il fut forcé parles vents à faire beaucoup plus de chemin qu'il n'euft v o u l u , & arriva enfin à une terre qui eftoit dans les limites de la Caftilie, dont les gens eftoient de bonne mine, lecorps bien fait, & qui portoient des coliers & d'autres ornemens d ' o r , d'où il tira cette confequence que c e t t e terre eftoit riche. Il luy offrit de le venir fervir avec fes compagnons & d'y aller trafiquer, en d o n n a n t à fa Ma-

Aaaaa

Pilote François fe rend au fervice du R o y de Caftille pour cequefter une terre qu'il atoit découverte.


1526.

L'on ordonne de faire des for tereffes dans les Indes ; & particulièrement le lôg de quelques côtes de la mer.

que ceux qui iroient en defcouverre menéroient des Religieux avec eux.

Marchands Caftillans tuez par des Portugais.

774 H IS T O I RE jefté la quatriefme partie du profit qu'il feroit dans le premier voyage, à condition qu'après cela il pourroit traiter dans fes terres comme fon vaffal. C e t t e demande luy fut accordée de bonne grâce , car quand l'on ne l'auroit pas voulu faire il n'auroit pas laiffé que de faire le voyage de fon propre mouvement. C e fut un marinier qui fut le porteur de ces lettres , & le R o y luy manda par le mefme, qu'il eftoit tres-content de luy accorder ce qu'il demandoit ; Qu'il vinft donc avec fes g e n s , & qu'il luy donneroit pour cet effet toutes les defpefches qu'il defîreroit. L'on avoit déjà traité dans le Confeil, fçavoir fi l'on permettroit de faire des fortereffes dans les Indes ; & quoy qu'il y eut plufieurs perfonnes qui faifoient entendre par de vives raifons qu'il n'eftoit pas à propos de le p e r m e t t r e ; toutefois après plufieurs avis & des uns & des autres il fut arrrêté que l'on feroit des châteaux & des maifons fortes, tant proche de la mer que dans le païs, non feulement pour fe defrendre contre les Indiens, o ù les Caftillans eftoient en petit nombre ; mais auffi courre les Corfaires François qui commençoient déjà à paffer dans les Indes ; & qu'ainfi il eftoit neceffaire de fe fortifier le long de la mer dans les lieux les plus périlleux, & dans quelques places pour refifter aux invalions des pirates ; & l'on ordonna dés lors que cette refolution fuft exécutée. L'on pourveut encore tout d'un temps en pareille occafion pour le bon gouvernement des Indes. Et premièrement l'on renouvella l'ordre touc h a n t ceux qui feroient de nouvelles découvertes, & qu'ils ne pourroient pas en faire aucune fans mener avec eux des Religieux pour faire entendre & inftruire les I n diens de ce qu'il convenoit pour leur faire embraffer la foy C a t h o l i q u e , & pour les prefeher ; Q u e l'on envoyeroitun Ambaffadeur au Roy de Portugal,& que l'on luy manderoit de faire punir certains Portugais qui avoient tué quelques Marchands Caftillans,qui s'étoient embarquez avec quantité d'argent dans leur navire à Seville, à deffein d'aller au Cap Vert pour acheter des N è gres, & qu'eftant arrivez dans l'une de ces lfles, ils leur avoient pris leur a r g e n t , & les avoient tuez. A caufe


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.

X.

775

dequoy pour entretenir la bonne intelligence qu'il d e voir y avoir entre les fujets des deux Couronnes ; & afin de conferver & entretenir le c o m m e r c e entre les deux nations- il eftoit neceffaire que le R o y de Portugal fift faire une exacte perquifition de cette action, & o r d o n nait que l'argent fuit reftitué aux incereffez ; Q u e l'on mift des limites aux Gouvernemens de Panama qu'ils app e l a i e n t Caftille de l'or, de Nicaragua & de las Y b u e ras ; parce que l'on avoit déjà reçeu des avis des troubles qui eftoient arrivez fur ce fujet, quoy que l'ordre que l'on y apporta ne fer vit pas de beaucoup,parce qu'il y faloit de plus puiffans remèdes pour modérer l'ambition & l'avarice des Gouverneurs,qui o n t toujours fait ce qu'ils ont peu pour agrandir leurs jurifdictions en ufurpant les uns fur les autres. E t cette arrogance ne s'eftendoit pas feulement en cela, mais ils opprimoient auffi les C o m munes pour empefcher le trafic, & que l'on ne peuft faire aucune provifion avec l i b e r t é , n'agiffant en cela que félon leur volonté ; & avoient pour cet effet i n t r o duit cette couftume que dans les lieux o ù les Gouverneurs ne fe rencontreroient p o i n t , les Lieutenans interviendroient en leur place, & encore aux lieux o ù ils fe trouveroient. Surquoy il fut o r d o n n é que l'on lorfqne traiteroit de quelque chofe dans une C o m m u n e touchant la perfonne qui s'y rencontreroit, il en fortift, afin que l'on peuft parler avec plus de l i b e r t é , & que l'on laiffaft la faculté aux luges ordinaires de jociir de fa lurifdiction. E t que particulièrement dans Cuba , le Gouverneur n'euft pas plus d'un L i e u t e n a n t , lequel entreroit dans le Confeil avec les Directeurs ; & que l'on n'empefchaft p o i n t aux habitans de terre-ferme d'eftre les procureurs de leurs mefmes caufes & n é g o c e , parce que cela paffoit deja pour c o u i t u m e , & eftoit déjà t o u t introduit dans les I n d e s , de ne fouffrir qu'aucun parlait des affaires d'autruy fans le confentement des Gouverneurs ; Q u e p o u r faire fçavoir qu'ils violentoient la Iuftice, il eftoit à propos dés l'heure mefme que le Roy envoyait des ordres pour remédier à ces defordres, q u o y qu'en la reforAaaaa

ij

1526.

Ambitiô & avarice des Gouverneurs des Indes caufent de grâds defordres.

Il n'y avoit point de liberté dans les Indes à caufe de la ty rame des Gouverneurs.


776 H i s T o I R E mation des vices & des mauvaifes couftumes l'on n'y 1526. apporroit pas tant de foin , que d'attirer à foy tout le d o maine & l'authorité. Surquoy , par un ordre plus précis il fut ordonné au Gouverneur Pedro de los Rios de voir ce que l'on avoit mandé à Pedrarias Davila touchant le remède que l'on avoit apporté pour les defordres des j Ordre pour les e u x , & que fur cela & particulièrement pour le jeu des jeux. dez l'on fift de rigoureufes ordonnances, & qu'elles fuffent exécutées avec beaucoup de feverité ; parce que l'excès des jeux & autres vices, caufoient beaucoup d'inconveniens ; outre que quantité de Facteurs de Marchands qui eftoient en Caftille, & qui envoyoient leur bien dans les Indes en fe confiant à eux, ils fe rendoient O r d r e c ô t r e les maiftres des marchandifes & en fruitroient les propriéfadeurs des taires. Et d'autant que cet abus alloit toujours en augMarchands qui mentant , & qu'il eftoit neceffaire d'en arrefter le cours, l efef c û l e v o i e n t . il fut o r d o n n é que tous ceux qui fe feroient fequeftrez du fervice de leurs maiflres fuffent chaffés des Eglifes, & principalement ceux qui appartiendroient aux Marchands. Apres que le Licencié Alonfe de Zuazo e u t r e n du fes comptes dans C u b a , enfuite dequoy , comme il a déjà efté dit cydevant, il avoit elle ordonné que l'on l'envoyaft prifonier de la nouvelle Efpagne en f i l l e Fernandina ; mais il les rendit de fi bonne forte , & en fortit fi bien à fon honneur que le Roy le pourveut de la charge de Confeiller dans la Royale Audience de l'Efpagnole. Le Licencié Zua- D a n s ce mefme temps le Treforier Michel depaffamonz o e f t f a i t C o n - tepaiTade cette vie en l'autre, lequel fous prétexte d u feiller de l'Efpafervice du Roy fut la ruine totale des affaires de l'Admignole. ra Diego Colon parce qu'il avoit toujours fait ce qu'il avoit peu pour anéantir fon authorité. E t quoy que par fa mort ceux du party contraire s'imaginoient que les querelles paffées cefferoient, à caufe que le R o y avoir. donné cette charge à Eftienne de Paffamonte fon neveu, l'on ne manqua pas toutefois de retomber dans les mefMort de Michel de Paffamonte. mes paffions & diffenfions, voulant imiter l'oncle. Mais comme il manquoit d'authorité , & une bonne partie de la prudence humaine d o n t l'oncle effoit d o u é , quoy


DES I N D E S

O C C I D E N T A L E S , Liv.

X.

777

que le Roy à eau fe des fervices de l'Oncle l'honnoroit, 1526. il ne put conferver cette p l a c e , & ainfi en p a r t i e , les amis de l'Amiral for tirent de toutes ces peines, & inquiétudes. P o u r les chofes fpirituelles l'on avoit toujours le mefme foin que l'on avoit eu par le paffé ; & les Religieux de l'Ordre de la Mercy ayant tenu leur Chapitre dans la Diverfes provi- , ville de B u r g o s , & fait la reformation qu'il convenoit, fions pour les & mis l'Ordre dans une oblérvance régulière, ils refo- chofes fpiritueliurent d'envoyer pour Vicaire Provincial dans les Indes les. Frère François de Bovadilla pour reformer les Reli- François Bovagieux de ces quartiers, & appréhendant que les Reli- dilla Vicaire P r o v i n c i a l de gieux qui eftoient là ne luy voudroient pas obeïr, afin de l'Ordre de la ne point changer de vie ; le Roy ordonna de délivrer des Mercy. provisions que pour les Gouverneurs & luftices luy donn a i e n t toute forte d'affiftance ; E t qu'à luy & à douze R e ligieux qu'il m e n o i t , les Officiers de la maifon de C o n tractation de Seville leur d o n n a i e n t le paffage libre & le metelotage fufrifamment, en telle forte qu'ils fuffent accommodez félon que leur qualité le requeroit. l e Roy fait un L e R o y avoit fait une aumône de cent mille marave- aumône à l'Hô de Iamay. dis à l'Hofpital de l'ifte de Iamayca, qu'ils appellerent pital ca. faint Iacques ; & parce qu'il luy fut rapporté qu'il n'y avoit point de malades, & que ceux qui venoient de d e hors eftoient logez & régalez par les habirans, il ordonna que cette a u m ô n e fuit employée à la fabrique de l'Eglife de la mefme ville. Il arriva par malheur que la ville de Santiago dé l'ifle Fernandine fut b r û l é e , qui jufques là avoit augmenté de telle forte qu'il y avoit déjà plus d e deux mille habitans. Et comme il eftoit neceffaire Le Roy Contride c o m m e n c e r a la rebâtir, le Roy y contribua beau- bue beaucoup pour réedifier coup par divers moyens, tant pour les Eglifes que pour l'Eglife de fains les habitans ; parce que comme de cette I fle ,& de celle jacques de Cude l'Efpagnole, tous ceux qui avoient affifté aux décou- ba. vertes de la nouvelle Efpagne & des autres Provinces en eftoient fortis, & que nonobilant ce defaftreils dévoient eftre confervez pour aider à faire les autres découvertes qui reftoient encore à faire ; Il fut o r d o n n é que pour le A a a a a iij


778

1526. Des penfions pour la nourriture des Preftres de la navigation.

Le Roy a de l'inclination de conferver l'Eglife de fanta Maria el antiqua del Darien.

H I S T O I R E

reftabliffement & confervation de c e t t e place l'on y apportait tous les foins requis & neceflaires. L'on ordonna auffi quel'Eglife Cathédrale de la ville de faint Dominique fut baftie de bonne pierre de taille ; & que pour cet effet , afin que les chofes allaffent dans un bon ordre, & qu'il y fût pourveu d'ornemens & des autres chofes neceffaires pour fervir au culte divin, il leur fuft délivré tout ce qui avoit efté donné pour les rentes, avec les fruits qui dévoient procéder des revenus de l'Evefché depuis le jour que l'Evefque Alexandre Geraldino eftoit decedé, jufques à ce que l'Eglifé fût reftablie ; enfemble les dépouilles de l'Evefque : Et que les difmes des terres de Pille Marguerite appartenant au R o y , fe payaffent aux Preftres, afin de les conferver félon leur mérite, & de leur donner lieu d'agir dans leur miniftere avec plus de ferveur & de dévotion. O r encore que Pedrarias D a vila comme il a déjà efté dit cy-devant, fit tranfporter la ville de Santa Maria elantigua del Darien-, à Panama, l'on ne laiffoit pas de conferver toujours en el antigua, l'Eglife Cathédrale ; Et le Roy n'avoit pas envie qu'elle tuf! tranfportée ; parce que confiderant qu'elle avoir efté la première fondation & eftabliffement des Caftillans dans cette T e r r e ferme,il eftoit à propos de la maintenir. E t pour cet effet il fut ordonné que les gages des Preftres fuffent a u g m e n t e z , & que ceux qui ne fervoient pas ,& ne laiffoient pas que d'y refider fuffent amendables, & que l'on ne leur payaft aucuns d r o i t s , cependant qu'ils feroient abfens.

C H A P I T R E

X.

Continuation des provifions Royales de cette année Les Pères de S. Dominique & de S François exécutent

les-

ordres pour la liberté des I n diens des Ifles.

LE

Roy avoit mandé aux Religieux de l'Ordre de faint D o m i n i q u e & de faint F r a n ç o i s , qui refidoient dans les ifles des Indes , d o n t il eftoit fort fatisfait, comme les plus defintereffez ; d'exécuter les ordres


Liv. X.779 qui avoient eux donnez pour la liberté des Indiens. Et 1526. pour l'Efpagnole & la F e r n a n d i n e , il envoya une c o m , million particulière à Frère Pierre Mexia de Trillo, P r o . vincial de l'Ordre de faint François en ces quartiers. Et d a u t a n t qu'il avoit eu avis depuis peu que fi les Indiens de la Fernandine eftoient mis en liberté félon que l'on l'avoit mandé ; outre que plufieurs d e n t r ' e u x fe foûlev o i e n t , les autres ne manqueroient pas de fe foûlever auffi bien q u ' e u x , & qu'ayant plus de liberté que celle qu'ils avoient, ils tueroient les Caftillans, & r e c o m m e n , ceroient de plus belle à reprendre leurs méchantes habitudes , leurs vices & leur idolatrie ; parce que v e u l e u r incapacité, & leur ftupidité, il eftoit impoffible que n ' é tant pas maiftrifez ils peuffent, ny vouluffént recevoir la doctrine Chreftienne, ny eftre enfeignez en la foy, comme il s'eftoit déjà veu par une trop longue expérience. Et parce auffi que le R o y ne pouvoit fouffrir volontiers qu'en ce rencontre l'on n'achevait pas tout d'un temps defaire un eftabliffement,qui pût durer pour t o û j o u r s , & que l'on y a p p o r t o i t t a n t de difficulté, a t t e n d u que fa principale intention étoit que ces hommes vécuffent en liberté ; Confiderant ce que deffus, & que l'on Le Roy a un défit extrême que luy reprefentoit qu'en a b a n d o n n a n t leur conduite ils re- les Indiens vitourneroient à leurs premières habitudes & que les Ca- vent en liberté, & en foient caftillans étant de leur domination il faloit de neceffité pables. qu'ils allaffent en d'autres terres,& abandonner celle là ; & que l'abandonnant les Indiens retourneroient à leur ancienne liberté, fans efperance de les pouvoir réduire à la foy ; Que d'ailleurs cette Ifle eftant dans un tel endroit qu'il n'y en a point de plus propre dans toutes les Indes, & où l'on p e u t avec plus de facilité, & moins de rifque faire aborder toute forte de provifions & trafiquer avec toutes les perfonnes qui y vont & viennent en toute fort e de marchandifes, comme de vivres, de chevaux & caval les & autres chofes, à caufe de leur abondance & fertilité ; ce qui cauferoit une notable perte & donneroit fujetd'y retourner pour la reprendre une féconde fois, d o n t il s'enfuivroit d'autres inconveniens, defquels D i e u DES

INDES

OCCIDENTALES,


780 1526. Le Roy perfifte à faire inftruire les I n d i e n s à la

H i s

T O I R

E

feroit fort offenfé. Apres avoir donc meurement déliberé fur une affaire de fi haute importance, l'on manda derechef à Frère Pedro Mexia de Trillo de faire informer dans c e t t e Ifle en diligence quels Indiens avoient vaqué depuis fix mois en ç à , & ceux qui vaqueroient cyapres ; & que ceux qu'il jugeroit capables de vivre en leur particulier conjointement avec d'autres dans des vilages , & dans un bon o r d r e , faifant. le devoir de Chreftiens, & que l'on leur pûft prêcher la foy , vivant politiquement Se multipliant en génération ; Q u ' a telles gens il fût permis de vivre dans des peuplades félon l'ordre & manière que Frère Pedro Mexia,& le G o u verneur Goncale de Guzman le jugeraient à propos, & leur d o n n a i e n t des perfonnes Religieufes, & des P r e flres vertueux , & de bonne vie pour les infiruire ; Et qu'ils leur fiffent entendre que fuivant la bonne volonté qu'il avoir pour eux, il les avoit pourveu de telles gens, afin qn'ils vécuffent en gens de raifon ; en les advertiffant en bons termes,que s'ils perfeveroient dans une telle manière de vie,& en paix, ils feroient fort bien traitez,& c o m m e vaffaux de fa Majeflé. Mais que s'ils ferevolt o i e n t , ou qu'ils fiffent des chofes contre ce que l'on aurait preferit, il les feroit châtier, & perdraient outre c e la fa grâce & la liberté, E t quant à ceux qui après avoir efté plufieurs fois exh o r t e z , & que l'on jugeroit que pour leur faire quitter le vice & les mettre dans le chemin de falvation & d'inliruclion, il eftoit à propos de les recommander aux habitans , q u e l'on fift de telles gens ce que l'on aviferoit bon eftre,de l'avis du Gouverneur ; parce que fa Majefté déchargeoit fa confcienee fur e u x , & en chargeoit la leur, ayant toujours l'intention comme fa Majef té l'avoit toujours eue, & l'avoit encore, qu'ils fuffent libres & non efclaves , & fuffent traitez comme libres. Et en cas que pour l'effet que deffus l'on ne pourrait éviter de les faire recommander, que l'on prift bien garde qu'ils fuffent donnez à d'honneftes gens, habitans & fedentaires, & qui euffent i t e n t i o n de perpétuer dans l'ifle, & faire


DES I N D E S O C C I D E N T A L E S

LiV. X.

781

faire en force qu'ils fufient traitez comme Chreftiens,li1526 bres , bien veftus, & bien nourris, en les faifant fervir en Le Roy deffend les des chofes modérées & peu laborieufes, gardant en ce- d'occuper Indiens à un la ponctuellement les O r d o n n a n c e s qui avoient efté travail trop ped o n n é e s fur ce fui et. Et q u e fur tout qu'aucune perfon- nible. n e qui les auroit en r e c o m m a n d a t i o n , ou autrement, t a n t en M i l e Espagnole., qu'en celle de Cubâ, de S.Iean & de lamayca, ne les puft mener aux mines, finon pour faffer, laver, ou agir en des chofes légères, fur peine à ceux qui feroient le contraire de les leur ofter, & de perte de leurs biens. L'on commença d o n c à travailler à cela fort foigneufement, fuivant le grand defir que le R o y avoir de la converfion de ces gens ; à quoy fervit beaucoup l'expérience & la prudence de Manuel Rojas qui avoit gouverné l'ifle, t a n t pour cecy , que pour réduire dans le devoir les rebelles ; parce que d'heure à autre, l o r s q u e l'on penfoit qu'ils eftoient en r e p o s , ils quittoienc le maiftre & les habits,& s'en alloient dans les montagnes pour vivre avee les fauvages , & retourner à leur idolâtrie & à leurs vices. A caufe dequoy , pour la prudence & b o n n e fouvenance & avis de Manuel de R o j a s , & le La l'experience de grand travail qu'il y avoit a p p o r t é , le Roy faifant cas de Manuel de Rofa p e r f o n n e & de l'a q u a l i t é , & des bonnes parties qui jas neceffaire. eftoient en luy, luy écrivit la lettre fuivante, laquelle pour eftre notable & courte ,& écrite de la main d'un fi grand Prince , comme eftoit l ' E m p e r e u r J e l'ay voulu m e t t r e icy m o t pour m o t .

LE

ROY-

Manuel de Rojas noftre ferviteur ; fay veu vafire lettre Lettre du Roy à du huitième de Mars de la prefente année, & tiens pour Manuel de Rojas. un fervice fignale le foin que voué avez eu de me donner avis, & m'informer de l'eftat de cette Ifle Fernandine, & des chofes qui en défendent ; & principalement de l'eftat & manière de

Bbbbb


782

1526.

H I S T O I R E

vivre des Indiens naturels ; Et j'eflimeray beaucoup que vous continuyez toujours ce que votes avez fi bien commence ; & fiyez certain que lors qu'il y aura lieu, je ne manqueray pas de volonté & de mémoire pour vous faire faveur. Les chofes dont vous me parlez feront veuës , & j'or donneray d'y pourvoir ponctuellement comme dépendant du fervice de Dieu noftre Seigneur , du noftre-, de l'accroiffement, & multiplication de l'Ifle laquelle fay envie de favorifer. En tout ce que noftre Gouverneur VOUA commandera & dira de noftre part, aidez-le félon la confiance que j'ay en vous. De Grenade, ce 14. Septembre11526.Y o EL R E Y . Par le commandement de fa Majefté, Trancifeo de los Cobos. Signé de l'Evefque d'Ofma, Prefident du Confeil ; de l'Evefque de Cana rie , de celuy de Ciudad Rodrigo, & du Licencié Bertran, du Confeil des Indes.

E t pour ne pas difcontinuer de pourvoir aux chofes neceffaires touchant les Indiens rebelles,l'on ordonne d'y envoyer des perfonnes religieufes, & des laïcs, en qui Comme l'on fe dévoit gouver- ils fefioient davantage , & qui avoient beaucoup de créner avec les In dit envers e u x , pour les perfuader de fe remettre fous diens rebelles & l'obeyffance de fa Majefte , & n'aller pas ainfi errans par les autres. les montagnes comme des fugitifs,. faifant des courfes dans les c h e m i n s , tuant les Chreftiens & les Indiens pacifiques, & les inquiétant , & fuivant cela leur offrir toute forte de bon t r a i t e m e n t , les advertiffaut que ce que l'on leur promettoit leur feroit garde i n v i o h b l e m e n t . E t que fi après avoir fait envers eux toutes les diligences requifes & neceffaires, & qu'ils ne vouluffent pas fe ranger à la raifon, que l'on fift un procès juridiquement pour judification de la chofe, & qu'en fuite l'on les fommât par trois diverfes fois en bonne & deuë forme ; & que fi nonobftant toutes ces formalitèz ils ne fe remetLe Roy ordonne toient pas fous l'obeyffance de fa Majefté dans le temps que fi les I n d i e s qui leur auroit efté prefcrit, que l'on leur fift la guerre rebelles ne fe veulent pas ran comme à des vaffaux de fa Majeflé, & les prendre pour ger à la r a i f o n efclaves. Mais l'on enchargeoit fur tout au Gouverde leur faire la neur de tâcher de les attirer avec le moins de d o m m a g e guerre.


DES

INDES

O C C I D E N T A L E S , Liv.

X.

783

qu'il feroit poffible. Et quant aux autres Indiens qui eftoient en d'autres lieux que l'on n'efperoit pas de pouvoir p e u p l e r , & encore moins de leur prêcher la foy C a t h o l i q u e , il fembloit que l'on devoir tâcher de les attirer fans violence fous la domination des Caftillans pour s'en fervir d e g r é à gré dans leurs labourages, en qualité de Naborias c o m m e les Indiens des autres Ifles, & qu'en ce faifant ils en recevroient beaucoup plus de bien, & feroient mieux inftruis, comme il avoir déja efté o r d o n n é par le Roy Catholique. E t il fembla aux luges de l'Audience Royale de l'Efpagnole que cela fe pouvoit faire en bonne confcience du confentement de quelques Religieux, avec lefquels on l'avoit communiqué, E t le Roy trouva à propos auffi que cela fe fift, pourveu que l'on n'y ufât pas de violence, ny en la manière de les tirer de leurs terres, fi ce n'eftoit de leur franche v o l o n t é , en leur faifant entendre premièrement o ù on les vouloit m e n e r , & p o u r quel fujet. E n c h a r g e a n t , & mandant aux luges de l ' A u d i e n c e , de prendre garde fi on faifoit le contraire, & châtier les délinquants, & d'envoyer une relation de ce qui fe palléroit au R o y , & à ion Confeil des Indes : de toutes lefquelles chofes il chargeait leur confcience, en déchargeant la fienne fur eux ; les advertifiant que fi l'on faifoit le contraire, il leur en imputer o i t la faute. D a n s ce mefme temps il arriva au mois d ' O c t o b r e une fi grande tempefte de vents, qu'ils appellent Vracanes dans l'ifle Efpagnolle, que les rivières ayant beaucoup crû , cela ruina quantité de troupeaux, de femailles, & d'autres chofes, ce qui caufa telle perte, qu'il ne s'en eftoit veu de long temps une fi grande dans cette lfle.

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1526.

Tempefte racanes.

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1526. C H A P I T R E

XI.

L'on ordonna de ne laiffer fortir des Indes pour paffer en Caftil ny de Caftille pour paffer aux Indes aucuns navires, fi ce neft en flote. L'on donna commiffion à Fernand Colon de faire une affemblée de Pilotes pour corriger les Cartes marines.D'auties chofes qui arrivèrent fur la fin de cette mefme année. y

L

E Licencié Iean O r t i z de Marienço General des fept navires qui partirent de l'ifle Efpagnole, arriva dans ce mefme t e m p s , qui avoient chargé en diverfes parties des Indes ; & outre les marchandifes d e g r e n n e d ' é c a r i a t e , de caffe, de lucre & de peaux , il y avoit cinq u a n t e & un mil quatre-vingt deux poids d'or pour le R o y , de les quints - trois cens cinquante marcs de perles ordinaires ; & cent quatre vingt trois p e r i e s d e C u bagna,choifies ; cinq pierres d'or de naiuancepaflableblement groffes, & une perle d'un prix ineftimable, d o n t le Roy en fut fort joyeux ; ce qui luy donna fujet de mander aux luges de l'Audience de i'Efpagnole, que quand il le trouveroit quelque chofe de rare de quelque nature qu'elle fuit. , de payer à celuy qui l'auroit trouvée la part qui luy pourroit écheoir , & que l'on l'envoyât à fa Majefté, à laquelle l'on envoya auffi dans ces navires douze faucons de cette I f l e , fort bons, d o n t l e R o y encharge a l'Audience elle fut fort fatisfaite. Et d'autant que les François cond e n e p o i n t laif- tinuoient toujours d'aller en courfe ; l'on manda a u x fer f o r t i r de vaiffeaux f a n s eftre luges de l'Audience de l'Ille Efpagnole, & à tous les mibien armez, & niftres des Indes, qu'ils donnaffent ordre que le navires en flore. qui partiroient de là pour pader en Caftille, funent bien pourveus d'armes, & de ce qui eftoit neceffaire pour leur défenfe ; qu'ils s'affemblaffent dans l'ifle Efpagnole, & que d e là ils partiffent tous enfemble de

D e s chofes q u i a n i v e r e n t dans l a flore q u e I e a n O r t i z de M a tienco condui fir.


DES INDES O C C I D E N T A L E S Liv. X . 785 Compagnie, & que lors qu'ils partiroient d e l à pour faire voile ,ils s'attendifient les uns les autres pour venir en flore, & p o u r arriver avec plus de feuretë ; parce que l'on avoit apris que les Corfaires avoient pris u n navire ; & avoient emmené le Pilote & l'aiguille pour apprendre la navigation, & aller attendre les navires qui viendraient des Indes pour mieux venir à bout de leur deffein. Ce mefme ordre fe d o n n a pour les navires qui partiroient de deçà pour paffer aux Indes ; & parce que l'on avoit apris que les navires qui alloient feuls eftoient au hazard de fe perdre en reeonnoiflant la terre , à caufe du peu d'expérience qu'avoient les Pilotes qui erraient dans leur navigation, & afin que l'on fe peuft mieux confiera un Capitaine gêneral qui mènerait la flote à fa charge avec des Pilotes adroits & e x p é r i m e n t e z , qu'à un maiftre qui n e connuft pas bien la route ; lequel General auroit un foin parti eulier que les navires fuffent pourveus de mariniers, de munitions & d'armes, comme ils y eftoient obligez, & de ne point fortir pour naviger hors de faifon, & courir rifque de fe perdre , le plus fouvent par l'ambition d'arriver le premier, afin de mieux vendre fes marchandées , & pour d'autres interefts encore ; outre qu'il eft certain qu'un Capitaine general tiendrait la main pour reprimer l'infolence des gens de mer, farouches & infupporrables , & en chaftier leurs delits & les mauvais traitemens qu'ils font ordinairement aux paffagers, & les infolences qu'ils commettent dans les terres o ù ils arrivent. L e Roy ayant efte informé qu'à caufe de la variété qu'il y avoit dans les Cartes de navigation , t a n t en ce qui touchoit la fituation des Ifles & des t e r r e s , qu'en la grandeur & route d'icelles, dont s'en eftoit en fuivy plusieurs naufrages & périls. E t d'autant qu'il eftoit necefàire d'y apporter du r e m è d e , & que Fernand Colon fils lu premier Admirai Chriftofle Colon , G e n t i l - h o m m e fort, fçayant & expérimenté la Cofmographie, & e n B b b b b iij

1526

Le Roy ordonne que l'on reforme les Cartes marines.


786

H I S T O I R E

l'art de naviger, & dont le R o y eftoit fort fatisfait d e fes fervices ; il luy manda d'affembler tous les Cofmographes & Pilotes qu'il jugeroit à p r o p o s , & qui pourroient fervir en cette affaire, afin de confuiter & traiter avec eux de cette reformation ; & qu'enfemblement ils Et que l'on rep e r e n t e f u r u n e ajuftaffent les Cartes de navigation, Qu'ils priffent une t o n e t o u t e s les t e r r e s & M e s toile ou S p h è r e , & marquanent deffus, la fituation des d é c o u v e r t e s & à Ifles, & des terres-fermes qui avoient efté découvertes découvrir. jufques alors, & qui le pourroient découvrir de là en a v a n t ,afinqu'après que la C a r t e auroit elle faite, elle fe peuft arracher pour patron dans la maifon de Contractation de Seville, & par laquelle les pilotes feroient obligez de fe gouverner dans leur navigation. Apres donc que Fernand Colon ,fuivant la commiffion qu'il avoit de fa Majefté, eut fait fes diligences, l'on corrigea quelques défauts qu'il y avoit dans les anciennes, & en firent une toute nouvelle, qui ne fut pas de petite confequence, L ' o n o r d o n n e car elle caufa beaucoup de profit. Le Roy confiderant d e fôdre de l'axd'ailleurs que d'ordinaire il faloit armer pour la feureté tillerie dans Sedes Corfaires, & qu'il eftoit neceffaire que les vaiffeaux Ville. qui alloient aux Indes fuffent mieux équipez Se armez pour leur deffenfe, & qu'ils n'avoient pas l'artillerie n e ce flaire pour cela ; manda aux Officiers de la Maifon & Contractation de Seville, qu'ils viffent fî dans cette ville il y avoit moyen d'en fondre, ce qu'ayant confideré, ils firent réponfe qu'il y a voit de bons préparatifs pour cela, Se qu'il eftoit neceffaire que fi Majefté y pourveuif, & dés lors l'on commença à fondre de l'artillerie dans cette ville. L ' o n pourveut encore dans cette armée de beaucoup d'autres chofes pour le bon gouvernement des Indes ; & entr'autres chofes, il fut deffendu à l'Audience de l'ifleEspagnole de s'entremettre de donner des partages d ' I n diens , ou les donner en recommandation dans l'ifle Fernandine , ny en d'autres M e s , mais d'en biffer la libre délibération aux Gouverneurs. Et parce qu'à caufe des découvertes, des p e u p l e s que l'on avoit érigées dans 1526.


DES

INDES

OCCIDENTALES,

Liv.

X.

787

les I n d e s , & que les Indiens defdites Ifles pour eftre 1526 amis des n o u v e a u t e z , s'eftoient retirez dans les terres nouvellement découvertes, en abandonnant celles qui leur eftoient connues pour habiter en d'autres dont ils n'avoient pas la connoiffance , ce qui faifoit que les Ifles demeuroient dépeuplées , & particulièrement l'Efpagnole , eftant la plus riche en or , la plus noble & la plus fertile & abondante de toutes. Et pour ce fujet fa Maje- L ' I f l e E f p a g n o l fté avoit toujours fait faveur à fes h a b i t a n s , & particu- le la p l u s riche & plus n o b l e de lièrement à ceux qui avoient intention de s'y h a b i t u e r , à toutes les a u t r e s caufe que de neceffité il la faloit conferver pour l'utilité que l'on en tiroit,foit de vivres, de navires, de chevaux, & d'antres chofes neceffaires pour la navigation. Si bien qu'eftant neceffaire d'y p o u r v o i r , le Roy rit deffente qu'aucun des habitans des Ifles Efpagnolle, Fernandine, de S. Iean & de I a m a y c a , de quelque qualité qu'ils fuffent, d'en fortir pour aller en d'autres lieux, terres, P r o vinces & Ifles. Q u e depuis que c e t ordre fut d o n n é , qui fut en la ville de G r e n a d e le 1 7 . de N o v e m b r e de cette a n n é e , l'on peuplaft de la mefme forte dans les terres d é - Défenfe aux habitans des Mes couvertes qu'à d é c o u v r i r , & que fi le Roy commandoit de quitter leur de capituler pour quelque nouvel établiifement & dé- demeure pour demeurer couverte,il obferveroit en cela les confiderations necef- aller ailleurs,fairesj excepté que fi quelqu'un ayant traité pour aller découvrir & peupler, paffoit par l'Ifle, il pourroit prendre des hommes tels qu'il v o u d r o i t , en laiffant autant d'autres en leur place. L'on donna auffi une permiffion a tous fujets de fa Majefté, des Royaumes & Seigneuries de fa C o u r o n n e r a tous les fujets de l'Empire, ant Gennois q u ' a u t r e s , depaffer aux Indes , y demeurer, & trafiquer avec les Indiens , félon & ainfi que faifoient les vaffaux de la Couronne de Caftille & de L é o n . L'on manda auffi à D i e g o Lopez de Salzedo d'allon- L'on fait c o m ser le terme de fon G o u v e r n e m e n t du Golfe de las mandement de les r e Ybueras ; & aux luges de l'Audience de l'Efpagnolle chaftier belles de las Yde procéder à l'encontre des coupables des troubles qu'il bueras, y avoit en cette terre ; E t d'autant que l'on pretendoit


788 H I ST O I R E que Fernand Cortés eftoit de ce nombre , à caufe qu'il 1526 avoir envoyé Francifco de las Calas à m a i n armée c o n t r e Chnftone d ' O l i d , ils avoient fait faifir & arrêt e r un navire c h a r g é de fes biens, qui fe t r o u v a en l'ifle Efpagnolle ; à caufe dequoy le Roy les réprimanda, attendu qu'il les avoit déjà avertis que le mefme Colon eftoit abfous. Vn frere du Capitaine Chriflofle d ' O l i d , qui fenomPlaintes au CO moit A n t o i n e d'Olid , demanda Iuffice dans le C o n feil p o u r la mon- feil Royal des Indes contre Gille Goncales Davila & de Chriftofte Francifco de las Cafas pour fa m o r t ; difant que c e d'Olid. fiaient des traiftres ; parce qu'eftant fes prifoniers, & les traitant auffi bien que luy, puis qu'il les faifoit mangera fa table , ils Favoient outragé en leur faifant ce bon office ; & ques'eftant fié au Preftre pour recevoir fa confeffion, croyant mourir des bleffures qu'ils luy avoient faites, fans eftre authorifez de perfonne, ils l'avoient é g o r g é , manquant de parole au Preftre qui le leur d é couvrit fous la promeffé qu'ils luy avoient faite qu'ils ne l'outrageroient pas davantage. L'on ordonna de chercher les charges & informations que l'on en avoit faites, & l'on envoya à Truxillo , parce que Gille Gonçales difoit que Francifco de las Cafas les avoir ; a u q u e l , a t t e n du que l'on avoit eu avis qu'il alloit paffer aux Indes, l'on ordonna qu'il comparuft en perfonne au Confeil, pour rendre raifon de fes faits touchant cela ; & du Bachelier M o r e n o qui alla à las Ybueras pour compofer l'affaire. Le R o y eft m a l Mais le Roy en fut mal fatisfait, attendu qu'il avoit efté fatisfait du Baaverty qu'entre autres chofes il avoit enlevé de cette chetier M o r e n o . terre q u a n t i t é d'Indiens par fraude, & les avoit marquez avec le fer,puis les avoit enlevez dans l'Efpagnolle. A caufe de quoy le Roy ordonna que l'on reçeuft fon information là deffus, & que l'on en envoyait toutes les charges , & qu'en a t t e n d a n t l'on tiraft auffi-toit les I n diens qu'il avoit fous luy, & que l'on les traitait bien jufques à ce que l'on mandait ce que l'on en feroit, & le chât i m e n t que l'on devoit faire au Bachelier M o r e n o pour ce crime. L'on


DES

INDES

O c c I D E N T A L E s

Liv.

X.

789

L ' o n ordonna auffi que l'on ne ceffaft de faire les di- 1 5 2 6 . ligences poffibles pour appaifer le Cacique H e n r y , & les Indiens qui s'eftoient foûlevez avec luy dans l'Ifle Efpagnolle. L e R o y donna le titre de Marefchal d e c e t t e Ifle à Pedro Gallego pour les fervices qu'il avoit rendus ; & la faculté à lean Lopez d ' A r c h u l e t a , Vifiteur de la cofte des Perles & de l'Ifle de Culagua de t e nir labourage & nourrir des beftiaux pour la provifion de famaifon , & de l'Ifle de Cubagua , dans une Iflette dépeuplée appellée C o c h é , qui avoit deux ou trois lieues de circuit, & qui eftoit à trois lieues de Cubagua, & ce pour autant de temps qu'il plairoit à fa Majefté, pourveu que cela ne prejudiciaft à perfonne. Et dans cette conjoncture, q u i eftoit vers lafind e cette année, il arriva fept autres navires des I n d e s , avec les marchandifes accouftumées. Ils apportèrent pour le Roy trente mille poids d ' o r , fans les perles, qui montoient bien à trois mille fix cens poids. Il donna pour armes à l'Ade- A r m e s que leRoy donne à lantado Francifco de M o n t e j o , afin que l'on euft u n e Francifco d e perpétuelle mémoire de fes fervices, un Efcu party e n M o n t e j o . d e u x , qui avoit dans la partie d'en haut à d r o i t , u n e Iflette entourée de mer ; fur le haut un Lion doré en champ couleur de roze avec des grains d ' o r , qui fignifioit l'Ifle des facrifices, o ù il entra avec beaucoup d e péril, l o r s q u ' i l fut avec l'armée de lean de Grijalva. E t en l'autre m o i t é de l'Efcu à gauche à la partie d'en b a s , fèpt grains d'or ronds en champ d ' a z u r , en mémoire d e l'or que luy donnerent les Indiens lors qu'il fut pour Capitaine d'un navire, avec cent hommes dans la mefm e découverte de lean de Grijalva. E t dans l'autre moitié de l'Efcu à gauche vers le haut un Chafteau doré pofé en terre ferme , en la cofte de la m e r avec trois Enfeignes rouges , a u deffous du Chafteau , pour m a r q u e de la force des Indiens,& de l'enfeigne qu'ils avoient. E t dans l'autre moitié cinq enfeignes de couleur d'azur en c h a m p d o r é , en figne des autres enfeignes, que les I n diens luy donnèrent ; & pour orle treize Etoilles dorées CCCccc


790

1526.

H I S T O I R E DES I N D E S O C C I D E N T A L E S , Liv

X.

en champ rouge , qui eftoient fes propres armes. E t au deffus de l'Efcu un H e a u m e ouvert avec ; fon timbre, G o n ç a l e G o m e z d'Efpinofa eftoit déjà arrivé à Lisbonn e , avec le refte des Caftillans qui laiffèrent le navire n o m m é T r i n i t é en l'ifle de Terrenate ; & parce qu'ils eftoient arreftez , le R o y envoya Hernando de Soto pour traiter de leur liberté.

FIN.


TABLE DES

MATIERES

A

A

CAMAPIXTLI premier R o y des Mexiquains page 157, Sa mort 160. Accord fait avec Rodrigue de Bafidas pour peupler Santa Maria 61. il y met pied à terre , ce qui luy arriva en ce lieu, fa mort 655. & fuivantes. Alemans d é b a r q u e n t au paffage de Guipufcoa. 388 Almançor, Roy de Tidore, entre dans les navires des Caftillans, prefent que luy font les Caftillans 42.Il leur accorde d'entrer dans Tidore , accord qu'il fait avec eux 4 3 . il fait un prefent aux Caftillans 4 4 . Il avoit deux cens femmes. 45 Alonfe Davila eft enlevé par ceux de la R o c h e l l e , & t o u t ce qu'il amenoit 385. Il fort de prifon. 768 Alvarado , fa négligence par trop de confiance 85 Ses foldats combattent plus que des hommes 114. Vafecourir le Seigneur de Tututefeque, Il a avis q u e ce

Seigneurie veut tuer. Il peuple Segura 280. Il livre la bataille aux Indiens d'Vtlatlan 437. Ses p r o g r e z dans Guatemala 438 & fuivantes. André de Tapia gagne une bataille contre ceux de Malivalco, André Nunez met en déroute plus de trois mille Indiens. 107 Antoine de Quinonez tire Cortés de péril 89. Sa mort. 385 A r m é e qu'on levé en Caftiile pour aller contre les Corfaires 58. Se prépare pour alleraux Molucques 584. & fuivantes. Armes de la ville de Rica 4 0 8 , de Medelin, Del Spiritu Santo & de Diego de Ordas 4 0 9 . de Epino fa 4 6 7 . de Certes. 582 Arrobas,

ce q u e c'eft.

386

Afperant, General pris prifonnier. 64 Avaris , leur armée fort de Seviile. 386 Autzol, huitième R o y de M e xique. Il eftend fes limites jufques à Guatemala, 167 Axacaya, feptiéme R o y de C C c G c ij


TABLE DE Mexique, fon élection, fon cour o n n e m e n t 166. fa mort. 167

MATIERES. Caftillans arrivent dans I'Ifle de Mazagua 10. Ils fortent à terre pour oüir la Meffe 11. Ils B c o m b a t t e n t contre les Indiens 14. Ils font fecourus par un R o y ANDAN, Ifle où fe Chreftien , ils découvrent les cueille des noix de Mufca- Ifles Philippines 15. Ils font fade. 298 crifiez dans Tezcuco 18. Leur Bataille de François de d'Éf- vaillante résolution à l'affaut de pagnols dans la Navarre. 64 Capiftla. Ceux de Yentépoque Bataille navalle contre les leur obeïffent 31. Ils élifent pour Brigantins de les Canos. 73 General Duarte Barbofa neveu Bernardin Melandez va r a - de Magellan 33. Il y en a de maffer des vivres pour l'armée tuez dans un feftin 34. Ils arrides Molucques. 381 vent à l'Ifle de Quepindo & à Brigantins entrent dans la vil- celle de Pulvan 39. Ils arrivent l e d e Mexique. 75 à la ville de Burney, le Roy de L'Evefque de Burgos mande Burney envoyé fçavoir quels q u ' o n reçoive Tapia au gouver- gens ils font, ils font un prefent nement de la nouvelle Efpagne à ce R o y 36. Quelques uns le 278.Il ordonne qu'on affigne au v o n t vifiter, ceux de Burney les Confeil les Procureurs de la retiennent 37. Ils prennent un nouvelle Efpagne 300. Il eft en- fils du Roy de Luzon pour ranemy déclaré de Cortés 301. & cheter les prifonniers , ils contifuivantes. nuent leur route 38. Ils oftent la Burney, Ifle, fes particulari- charge de Capitaine à Iean Carté. 38 vallo de la donnent à Gonçale Gome^y ils c o m b a t t e n t contre un C A N E Seigneur de Tay- Iunco de Maures 4 0 . Ils arrivent ca envoyé vifiter Cortés aux Molucques 4 1 . Ils arrivent à Guatitlan 49. Vn d'eux vange 616. & fuivantes. Canelle , comme on la net- la mort de Magellan 100. T r o u toyé. 45 vent de l'or dans une fepuiture Caribes entrent dans l'Ifle S, 111. Bruftent les maifons de Iean , de enlèvent des Indiens Quantimoc 113. T r o u v e n t des captifs. 57 telles de leurs camarades facriCafianeda tue des Indiens en fiez 114. Quittent le Pere delas fe gaulfant avec eux. 103 Çafas 117. Ils abandonnent Cu-

B


T A B L E D E S b a g u a 123. ils croyent trouver les trefors de Montezume 138. ils vont chercher le Vulcan montagne de fouffre 210. Ils le trouvent 211. ils fouffrent un grand froid en m o n t a n t le Vulcan

212. &

fuivant. Ils arrivent à la première peuplade de Mechoacan, où ils font bien r e c e u s , ils o n t connoiffance de ce R o y a u m e 219. Leur arrivée dans la Capitale 221. & fuivant. Leur r é p o n fe à Cazpuzin touchant un chien 234. Ils font en apprehenfion dans le Royaume de Mechoacan, ils arrivent â Cuyoacan

235. Ils

prennent poffeffion de la mer du Sud 2 7 9 . Ils font trompez fur le m o t d'Amazonnes 282. Sont maltraitez des Portugais dans l'Ifle de S. Iacques. 2 9 4 V n e Caftillane guérit les bleffez par le figne de la Croix 9 8 . Valeur d'une autre 1 0 0 . Vertus de quelques-unes IOI. V n e , réprimande ceux de fa nation. 105 Cazouzin

Roy de M e c h o a c a n

vifite les Caftillans & leur parle 222. II répond à la harangue de M o n t a n o 2 2 4 . Il défend aux Caftillans de fortir de leur c h a m b r e , & à deffein de les facrifier 225. V n grand Seigneur luy fait remonftrance pour empefcher ce facrifice, ce qui luy Fait changer de deffein 226. I l

M A T I E R E S. interroge quatre Seigneurs M e xiquains 2 2 7 . Il va vifiter les Caftillans 228. Il leur fait u n e harangue & des prefens 229. Il envoyé un prefent à Cortés 231 Il inftruit les Seigneurs qu'ils luy envoyent 252. Il demandeur chien qu'avoir les Caftillans 233. Il fait facrifier ce chien 235. Il envoyé fon frère à Cortés 238. Il refout d'aller voir Cortés 2 4 0 .

Pourquoy il eft appelle Cazuz i n , les confins de fon R o y a u me. 245 Les Chalcoteques c o m b a t tent contre les Mexiquains. 28 Ceux de chalco font vaincus par les Mexiquains. 165 Chichimccatl Capitaine veut aller le premier dans la c o n d u i t e des brigantins 20. Sa valeur. 95 cbichimecas n'avoyent n y Dieux ny Religion. 148 Chimalpopoca

de Mexique. Chinanteques

troifiéme

Roy

160 , leurs c o u f t u -

mes. 27a Clou de Girofle. 46 Corala Seigneur de Terronate offre fon fervice au R o y de C a ftille. 44 Corral, Enfeigne ,fon hardie action. 104 Couftumes des autres Provinces de la nouvelle Efpagne 355. & fuivant.

C C c c c iij


T A B L E

D E S

MATIERES.

Seigneurie de T e z c u c o à D o m Fernand 3. Il envoyé o f f i r la paix aux Mexiquains 4 . Il parle, EFI d'un Mexiquain à fes foldats, & va contre la vilux Caftilians & ce qui en le àd'Yztapalapa5. Il eft a t t a q u é arriva. 26 par une multitude d'Indiens, fon Diego VeLafquez veut aller a r m é e eft en perd 6. Il parle aux c o n t r e Cortés 284. a mort, 506 Mexiquains, & ce qu'ils luy r é Diego Beltran eft du C o n f e i l p o n d e n t 25. Il retourne à Tezcudes Indes. 387 co 26. Il fait ofter l'or aux TiafDiego de Godoy pacifie le païs calteques d o n t ils font malcontens 27. Il fait b o n n e guerre aux de Canacantean 435. & fuivant. Diego Altamirano preffe Cor- Mexiquains : Il va fecourir les tés de retourner à Mexique. Chalcoteques & reçoit en chemin q u a r a n t e mille Indiens 29. Il 648 Différent entre Alvarado & fonge à conferver fa réputat i o n , ii attaque une r o c h e , il Olid. 55 Differens entre l'Empereur arrive à Guaftapeque 30. Il arrive & le Roy de Portugal 4 7 4 . & à Quaunavac lieu tres-fort, il le p r e n d 31. Il eft en péril & un fuivant. Tlafcalteque le fecourt 31. Il c o m b a t c o n t r e les Mexiquains E trois jours d u r a n t , i l remarque SAINT Elme, fon corps pa- par o u il pourra affieger M e roift au milieu d'une tem- xique 48. Il arrive à Tezcuco & pefte. 39 fait faire monftre à fon armée Eftienne Gomez arrive à Cuba, 49. Il fait faire une fauffe alarm e p o u r éprouver fes foldats 51. Il reçoit les Tlafcalteques,fa haEjtrada bannit Cortés de Mexirangue à toute l'armée. que. 723 Ses belles qualitez & l'ordre pour la divifion de fon armée F 54. Il s'embarque dans les b r i ERNAND Cortés a t t a - gantins , a t t a q u e une roche & la que les Indiens & les met p r e n d de force 72. Il demeure en d é r o u t e . L e Seigneur de maiftre du Lac 73. Il faute à terTezuco luy offre fon fervice 3. Il r e & gagne quelques tours de e n t r e dans Tezcuco : Il donne la M e x i q u e 7 4 . Il bloque la Ville

D

F


T A B L E D E S 7 6 . Il entre avec l'armée dans Mexique 78. Il fait une autre e n t r é e dans Mexique en comb a t t a n t , il y fait brufler des palais & des maifons 81. & fuivant. Il avoit deux cens mille Indiens devant Mexique 84. Il procure la paix 85. Il c o m b a t de faperfonne87. Sa prudence à donner fes ordres 88. Il cil en grand pér i l , il eft fecouru par ion fervit e u r & un Tlafcalteque 89. Il eft bleffé à une jambe 92. Son val e t de chambre eft t u é en luy d ô n a n t un cheval 99. Il a t t a q u e la Ville avec deux armées 105. Il dreffe une embufcade pour furprendre les Mexiquains n i . Il apprend d'une D a m e Mexiquaine le mauvais effat de la Ville 112. Il congédie les Indiens fes alliez 137. Il leur fait des prefens 138. Il partage les dépouilles des Indiens à les foldats 205. II n o m m e des lu ces & des Officiers pour la police de la Ville, il envoyé des Procureurs en Caftille avec un prefent au R o y 208.325. Il envoyé des Meffagers aux Provinces pour les avertir de rendre obeïffance au R o y de Caftille, il eft en peine de fe voir fans poudre & fans munitions 210. Il fort au devant de ceux qui venoient du Vulcan 215. Il envoyé découvrir la terre d e Mechoacan par M o n t a n o 218. Il reçoit les Ambaffadeurs

M A T I E R E S . de Cazouzin, compliment qu'ils luy font 236. Il recompenfe ceux qui avoient efté à Mechoacan. Il fort pour recevoir le frère de Cazouzin 238. Il le meine à M e xique 240. Il fort pour recevoir le Roy de Mechoacan 2 4 L Il fait régaler fes hoftes 242 Le Confeil de cuyoacan ne veut pas le laiffer fortir 276. Ses gens a t t e n t e n t fur fa perfonne 278. Il envoyé découvrir la mer du Sud 275. Il fait fabriquer desnavires 281. Il eftablit une peuplade à Mechoacan 283. II va à Panuco avec une a r m é e 286. Il s'en retourne à M e x i q u e 288. Il eft n o m m é Gouverneur de la Nouvelle Efpagne 305. Il envoyé pacifier Tututepec 307 Il envoyé une relation au Roy de tout ce qui fe paffe 329. Ses raifons pour peupler las Ybueras 425. Il envoyé Sandoval contre les Indiens de Panuco 428. Son accord aux François de Garay 4 2 9 . Il eft in. formé du foûlevement de d'Olid, il fe refout d'aller contre luy 432. Il fe prépare pour aller à las Ybueras 506 & fuivant. Il continue fon chemin à las Ybueras 542. Quantimoc le veut tuer 611. Il fait pendre Quant moc 612. Il arrive à Tlecan 620. Il arrive à Nito 626. Il arrive à Truxillo, où il apprend les mouvemens de M e x i q u e 632. Il s'embarque pour retourner à Mexique 636.


T A B L E D E S Accufations fecrettes contre luy 685 Il aborde à Abana 7 1 4 . Son entrée dans Mexique. 7 1 7 Dom Fernand prefte ferment de Seigneur de Tezcuco. 8 Fernandine, Ifle, les provifions 3 9 0 . & fuivant. Figueroa depoffedé de fon gouvernement. 56 François de Soto ne fuit pas l'ordre du Pere de las Cafas 119. Il meurt enragé. 122 François de Garay a le titre d'Adelantado 275. Il donne avis, à Cortés qu'il va à Panuco, Cortés le prévient 285. Ses gens font défaits à Chila 280,. Il part de Jamaïca pour aller à Panuco 4 1 5 , & fuivant. Sa m o r t . 429 François Picarro & autres v o n t en découverte par la permiflion de Pedrarias 548. & fuiv a n t . Il continue fa découverte 666. & fuivant. G

G

ILLES de Gonçales part pour fon voyage 310. Il fait voir au Cacique Nicaragua fon idolâtrie 312. Il fait baptifer grand nombre d'Indiens à Panama 316. Il va. à las Ybueras 4 4 7 , Il arrive a Hondurâ 451. & b a t contre Soto 4 5 2 , Il a des nouvelles d'Olid 453. Il eft cond a m n é à m o r t avec de las Cafis.. 542

MATIERES.

Gingembre. 46 Gonçale de Sandoval va à chalco 7. D o n n e bataille contre une armée de Mexiquains 7. 8. Va pour faire apporter les brigantins avec ordre de ruiner le village de Zulapeque 18. Il chafbeceux de Zulapeque pour leur perfidie 19. Les brigantins partent de Tlafcala , l'ordre pour les conduire & pour les tranfporter 2 0 . Invention pour les faire couler dans le Lac de M e x i q u e 21. Eftenduë du Lac 2 4 . Il

ferre de prés les Mexiquains 76. Il va fecourir les Otomies 9 4 . Il fait la paix avec ceux de Malinalco & de Maltazingo 95. Il va pour chaftier les Indiens de Tututepec, & pour peupler la ville del Spiritu Santo 255. Il demeure Capitaine dans Truxillo 650

Gonçale de Salazar va à Mexique 511. Il propofe de prendre Rodrigue de Paz prifonnier 513,, Il fait ligue avec luy 5 1 4 . Il le craint 517. Il le fait pendre 5 4 1 . Ses tyrannies dans Mexique 5 4 4 . & fuivant. Il eft fait prifonnier & mis dans une cage. 641

Gonçale de Guznian G o u v e r neur de Cuba 679 G r a n d e force d'un Caftillan a jetter une pierre. 77 Guanajos,Ifles,ou elles font fituées. 649

Guatemala

3


T A B L E D E S Guatemala, fes particularitez. 444 Guaxaca., fes habitans fe rend e n t , fa valée qui contient feize lieues, les particularitez de fon R o y a u m e . 257

M A T I E R E S. Jean Ortiz de Matienço tend que la découverte de cora luy appartient. Jean Tafut va à l'Ifle de

préCh654 Gal725

Imitation de l'Arche de l'an cien Teftamenr. 152 H Indiens entendent la Meffe, & fe font baptifer 12. Ils aiment H E R N A N D E Z , il peuple fur tout le vin de Caftille, font G r e n a d e 4 4 9 & fuiv. grands yvrognes 118. Ils refolHernando de Cafiro f a d e u r d e vent de tuer les Religieux, ils fe l'Ifle de Cuba. 565 m e t t e n t en defenfe , ils attaHervand Baez P o r t u g a i s eft quent les C a f t i l l a n s 120. Ils fuipendu. 658 vent les Religieux avec une piHernando d'Ofma c o m b a t rae-uem. Ils n'ofent entrer dans c o n t r e u n M e x i q u a i n & le t u ë . des chardons , ce qui eft caufe 101 que les Religieux fe fauvent 122. H o m m e s , o r i g i n e d e les fa- Ils tuent Frère Denis comme il crifier d a n s la M e x i q u e . 153 faifoit fon oraifon 723. Ceux qui font alliez des Caftillans d e viennent riches du pillage de M e x i q u e 137. Ils appellent CorJ A R D I N délicieux du S e i tés fils du Soleil 271. d'où procegneur de Guaftapeque. 31 doit la couftume d'égorger les Idole de Chulula. 172 hommes parmy eux 173. Ils adJean Serrano tué par les I n - mirent de voiries Caftillans de diens. 34 retour du Vulcan 215. Cruauté Jean Ponce de Léon va à la d e ceux de Tutepec 254. Ceux F l o r i d e , il y meurt 6 0 . & 61. Il de Panuco livre bataille a Cortés arrive à la Villa Rica. 108 & la perdent 2 8 6 . & fuivantes. Iean d'Arenas & Gonçales Go- Couftumes de ceux de Cumafia mez vont à la nouvelle Efpa- 335 & fuivantes. Ceux de G u a x a gne. 419 tzingo font les premiers qui o n t Jean Berrazano part de Fran- embraffe la Foy. 767 ce pour aller dans les Indes par Injures que les Mexiquains & ordre de François I, 4 9 7 . & fui- les Tlafcalieques s'entredifoient. vantes. 25 DDddd

H

j


T A B L E DES M A T I E R E S . Iournée malheueufe pour Manrique va à S. Lucar pour les Caftilians. 90 reparer fa perte. 45 Julien d'Aiderete arrive à la Manuel de Rojas donne avis à Vera Cruz avec du fecours. 21 l'Ifle Efpagnole des guerres civiles delas Y hueras 456. & fuivantes. Il eft fait Gouverneur de L Cuba, 565 i M I T E S de l'Euefché de Martin de Valence avec douze Tlafcda. 769 Religieux de S. François arriLoayfa entre avec fon ar- vent à Mexique 143. ils pref146 m é e dans la mer du Sud 705. & chent dans Tlafcala. fuivantes. Mazariegos va facrifier Chia460 Louis Ponce arrive à la pa. nouvelle Efpagne 718. Il part en Mazateques leurs C o u diligence pour Mexique , on tumes. 271 foupçonne qu'il avoit efté emMechoacan Royaume,fes parpoifonné 719. Se faint du gou- ticularitez 221. & fuivantes. vernement de Mexique,fa m o r t Mechoacans vaillans à la 710.& fuivantes. guerre 248. Sont grands yvroLucas Vafquez envoyé à la gnes 149, Leur croyance , comFloride 653. Il va au C a p de S. me leurs Preftres eftoient vêtus, Helene 654. Il meurt dans la ter- de l'adminiftration de la luftice re de Chicora. 655 250. Leur naturel 251. Eftat de Luzuf Roy de Gilolo offre fon leur Religion. 252, fervice au R o y de Caftille, il a Medellin , fondation de fa ftx cens enfans, 4 4 peuplade. 277 Mexique , fa fondation , fes armes 155. Elle demeure maiM ftreffe des environs du Luc 1 6 4 . AGELLAN part des Ses Rois reçoivent la couronne 166 ifles Latines , arrive en des Rois de Tezcuco. Mexiquains donnent la chafl'Ifle de zebu, fait paix avec le feaux Tlafcalteques pour les faR o y 10. Vn R o y Chreftien luy confeille de ne point aller con- crifier 8. Leur valeur 32. Sacritre le R o y de Matau, Serrano luy fient quatre Caftillans & quatre confeille auffi 13. Il ne veut mille Indiens. Ils injurient les point fuivre fes çonfeils 14. Sa Tlafcalteques 6 9 . & 86. Ils inmort. 15 c o m m o d e n t fort Alvarado &

L

M


T A B L E DES Sandoval 90. Leur perfidie 108. iLsfour appeliez Chichimecas dés leur origine 148. En quel temps ils entrèrent dans Mexique 149. Ils t u e n t la fille du R o y de Culvacan 154. L'idole leur dit o ù ils doivent baftir leur Ville 155. Ils ont guerre contre les Tapanecas 158. & fuivantes. Leurs facrific e s , leurs cérémonies & couftumes 171. & fuivantes. Mexiquaines, leur employ à l'armée. 137 Mindano,Province, fes particularitéz. 717 Mifteques, leur Religion & leurs mœurs 258. & fuivantes. Se rebellent. 431 Molina defcend à terre avec un N e g r e pour aller à Tumbez.

M A T I E R E S . Il tenoit de grandes garnifons a Guaxaca. 256 M o r t cruelle du Capitaine Medina 519. Celle de l'Admiral Diego Colon. 687 Mufcade. 46 N

N

AvFRAGE

d'Alonfe Zue418

ZO.

Negres,leur rébellion dans l'Ifle E f a g n o l e 33o. C o m m e on les déclare libres. 771 Nicaragua demande fi les Caftillans font defcendus du Ciel 313. Il fe fait baptifer 314 Particularitez notables de fa Province 318. & fuivantes. Gens du Nort a b o r d e n t à Vanuco, 156

760

Ifles des Molucques, fes particularitez. 45 Mentafio découvre le Royaum e de Mechoacan 221. Sa harangue à Cazouzin. 123 Montezume premier, cinquièm e Roy de Mexique affligé des pronoftications de la perte de cet Empire 140. Son élection 164 Conquefie le R o y a u m e de Mifteque. 265 Montezgme fécond du nom , pourquoy il fut appelle ainfi,il change de mœurs en entrant à la R o y a u t é 168. Cérémonies de fon couronnement,fa grandeur,

fa couftume & fa feverité 169,

O

o

R o y a u x arrivent à Mexique,écrivent au R o y contre Cortes 458. & fuivantes. Ojeda fait tranfporter deux canons 22. Il eft créé G e n e r a l des Indiens 23. Luy & Marquez voyent entrer de nuit un fecours dans Mexique 97 Ils arrivent à Tlafcala, & amènent des vivres à l'armée. 98 D'olid paffe à Cuyoacan avec fon armée 56 Il fe joint a Cortés 81. Les Mexiquains ont affection pour luy 104. Il va peupler D D d d d ij OFFICIERS


T A B L E DES Ziutzouitza & paffe à la Province de Colima 253. Eft fécouru par Sandoval. Il met les Colimas en déroute 282. Va aux Ybueras 4 2 6 . Diego Velafquez tafche de le détourner du fervice de Cortés 4 2 7 . Il fonde la ville del Triumfo de la Cruz. Il traitte humainement les Indiens 453. Il prend François de las Cafas, & Gilles Gonçales. 455. Ils le tuent. 4 5 6 Opinion que le D é m o n ne parloit pas aux Indiens. 70 D e l ' O r qui venoit tous les ans de l'Ifle Efpagnole. 60 Ordres que les Gouverneurs d'Elpagne envoyent aux Indes 65. Pour Caftilla del' Oro 66. A Fernand Cortés pour la nouvelle Efpagne 392. & fuivantes. D e l'Empereur pour l'Ifle Efpagnole 410. P o u r les Indes 4 6 4 . & fuivantes. P o u r le gouvernem e n t de la terre-ferme 515. & fuivantes. Autres qui furent d o n n e z à Ponce de Léon 6 7 9 . & fuivantes. Ofma, fa vaillante action. 110 Ottonnes , leurs couftumes.

M A T I E R E S , eft averty qu'on le veut tuer 659. Il fe noye. 660 Panama, ville, le Roy favorife fes habitans pour la navigation de la mer du Sud 66. Son titre & fes armes 6 7 . L'on y envove un Maeiftrat. 68 Vanfile de Narnacz eft delivré de prifon. 62 parillas, foldat, arrive aux confins de Mechoacan 216. C e qu'il y apprit, & rend compte à Cortés de ce qu'il a veu. 217 Paralmindez va à Mexique 511. Eft pris prifonnier & mis dans une cage. 642 Pafcual d'Andogoya mon te la rivière de Biru, fubjugue les Indiens de cette t e r r e , & prend connoiftance de Cufco. 448 Pedrarias envoyé peupler la Baye de Fonfeca 3 8 4 . Envoyé à l'Efpagnolle , & offre la découverte du Briu à Iean Bafurto 4 4 7 . Il prétend avoir découvert Nicaragua , avant Gilles Gonçales 4 4 9 . Il va à Nicaragua, fe veut r é v o l t e r , à caufe de Cortés, il fait trancher la tefte à François Hernandez 688. & fuivantes. 377 Pedro de los Rios , G o u v e r Ovicdo envoyé une caravelle neur de la Caftille de l'Or 678. Ses au port de Cartagene. 384 Oyfeaux de Paradis. 4 6 inftructions pour la gouverner. 689

p

ALOMiNO, Gouverneur de Santa Marta 657. Il

Pierre d'Alvarado va à Guatemala. 430 Pierre Barba, C a p i t a i n e , fa mort. 97


TABLE

DES

Vierre Martyr a Angleria, Evefque de lamaica. 564 pieté du Roy envers les Indiens 393. Il demande à Cortés de l'argent 406. Il donne des armoiries aux villes de la nouvelle Efpagne. 408 Pronoftications de la perte de l'Empire Mexiquain 140. & fuivantes. Q.

Q

VANTIMOC parle à la nobleffe de Mexique 4 7 . & 68. O n luy prend fes maifons 101. Sa réponfé à Cortés 128. & fuivantes. Il fait facrifier un Indien pour luy avoir perfuadéde faite la paix 130. Il fe refout de mourir pluftoft q u e de fe r e n d r e , il eft mené à Cortés, & les difcours qu'il luy fit 135. Il eft mis dans lestourmens 138. Cortes l'en fait fortir , il jette fes trefors dans le Lac de Mexique.

R

R

OBRIGVE de Paz f e refout de fe défendre, il eft maltraité. 518 Rodrigue Rangel affujettit les

ZaPoteques.

445

L e R o y de Culvacan chaffe de fa terre les Mexiquains. 1 5 4 Ruy Falero écrit à l'Empe-

M A T I E R E S .

reur touchant l'accord fait â Eftienne Gomez 381 S

S

del

EBASTIEN

Cano

reçoit des faveurs du R o y ,

353

Sebaftien Gaboto va aux M o lucques avec une armée 690. Fait un traité avec le R o y 6 9 7 , N e pût trouver la route de Diego Garcia, il eft meilleur Cofm o g r a p h e que Marinier. 744 V n e Sorcière fe veut faire adorer pour u n e Deeffe. 152 Suchimilco affiegée & prife par les Caftillans 32. Eft reprife par les Mexiquains. 47 T

T

AB ASdV1L ZO , fes particulantez 574. & fuivantes. T a m b o r e t , c e que c'eft. 636 Tapia a commiffion pour aller à la nouvelle Efpagne 62. L'Evefque de Eurgos l'oblige d'aller depofféder Cortés de ce p a ï s , on le veut prendre prifonnier pour l'empefcher d'y aller 63.Il arrive à la Fera Cruz 2 7 4 . Il y prefente fes prouifions, ce qu'il écrit à Certes, la réponfe que luy fait Cortés 275. Ses offres à Sandoval 276. Il s'en r e tourne à l'Bfpagnole. 277 D D d d d iij


T A B L E DES Tecomanaca, peuplade. 2 7 0 Tecoantepec, Province. 271 TepanequeS, tuent le R o y de Mexique l u i , Ils font vaincus par les Mexiquains. 163 Tezozic fxiéme R o y de M e xique. 165 Tlafcalteques pillent Tacuba 2 4 . Ils vont à la veuë de Mexiq u e , & c o m b a t t e n t contre les Mexiquains 55. Les reproches qu'ils font aux Mexiquains 7 0 . Ils combattent vaillamment pour un pont 96 ils ne payent point aucun tribut , ny fubfides,

M A T I E R E S , Evefque de Darien. 68 Vitzlocutli deuxième R o y de M e x i q u e , fon c o u r o n n e m e n t , & fa mort. 160 Vulcan de Maffaya. 317 X

X

I C O T E N C A T L , Capitaine de feixante & dix mille Tlafcalteques 7 0 . Se retire à Tlafcala, ojeda & marquezl'y vont prendre prifon. n i e r , Cortés le fait pendre. 71 Y

150

Tlafcaellel réprimande les Mexiquains 162. N e veut pas accepter la R o y a u t é . 165 Tlatelulco, fon origine. 157 T r a i t é fait entre le Roy & Cortés 579 & fuivantes. Truxillo , P r o v i n c e , fes qualitez 6 4 7 . & fuivantes. Tucapacha le plus grand Dieu de Mechoacan. 249 Tulotecas font charitables & bons Chreftiens. 157 Tutepec, Se rebelle. 289

Y

NTGVEZ, Capitaine des Caftillans 725. Envoyé une Amballade au R o y des Molucques , le Roy de Gilolo reçoit bien fes Ambaffadeurs. 734 Ytztpevic, Province, fes particularités. 271 Yzcatian, Province , fes particularitez. 270 Yzcoatl quatrième R o y de Mexique. 162, Yztliznchtl va trouver Cortés avec cinquante mille hommes.

V

V

A L L O Z I L L O pacifie tabafco. 573 Villadiego va pour découvrir la t e r r e , mais il n'en eft jamais revenu. 216 Vincent Peraza Dominiquain,

Z ZAporeQves , Province , fes particularitez 2 6 6 . & fuivantes, fe rebellent, 431





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