Portfolio du Photographe Stephan Gladieu

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STÉPHAN G L A D I EU PHOTOGRAPHE


Des sociétés primitives à la fin du moyen âge, l’être est une unité indivisible, un individu en vaut un autre. C’est l’appartenance à une classe sociale, à un territoire qui permet alors une définition supra-individuelle de l’identité. La Renaissance italienne fait émerger les premières formes d’individualisation par la personnalisation des tenues vestimentaires ; témoignage d’une liberté nouvelle. C’est ce mouvement d’affranchissement que la Révolution française a amplifié, renversant l’immuabilité de l’appartenance vers l’épanouissement des identités singulières. Et lorsque le terme d’identité apparait statutairement avec l’État Civil, la personne est définie comme unique, bien que les références identitaires multiples - de genre, couleur de peau, pays d’origine, religion - décrivent au sein d’un même groupe, des appartenances diverses.

STÉPHAN GLADIEU PHOTOGRAPHE

Un paradoxe selon lequel, pour un même individu, l’identité est à la fois unique et multiple et peut se confondre dans l’appartenance comme dans l’apparence. Il existe un parallèle essentiel, pour moi, entre cette notion et la réalisation de portraits uniques d’individus dans une séquence multiple constituant un corpus qui interroge le rapport identitaire entre l’individu et le groupe. Benjamin Kilborne, chercheur en Anthropologie à l’université de Los Angeles exprime avec justesse le fondement de ma quête : « Nous nous trouvons tous pris dans des conflits entre le désir d’être reconnu et la peur ou l’angoisse d’être vu et mal vu ; et il n’existe pas, face à ces conflits, de défense qui ne passe pas par l’apparence. L’habit peut donc soit faire, soit défaire, le moine ». Pour Kilborne, l’identité apparaît lorsque nous reconnaissons en nous-même des caractéristiques que nous voyons chez les autres, en tenant compte des apparences fantasmées par les autres aussi bien que par nous-même. Mais c’est justement parce que les autres nous empêchent de nous imaginer tout seul, que les autres sont l’enfer de Jean-Paul Sartre. Eux qui ne nous voient pas seulement comme nous pensons être, mais aussi comme ils nous fantasment, tout comme nous nous voyons en tenant compte de leurs perceptions imaginaires. Ce processus de balancement entre réalité et vision fantasmée de l’autre nourrit le rapport que j’entretiens dans mes portraits entre la réalité et l’irréalité. Ainsi, je m’interroge sur le rapport entre l’identité et l’apparence que je définis comme le rapport entre le corps, les signes ou les objets qui l’habillent,

IDÉAL STANDARD

Nous sommes, aujourd’hui plus que jamais, traversés par la question de l’identité. Mais cela n’a pas été toujours le cas.


la posture qui lui est associée et l’expression du visage. Je cherche à décrypter les mécanismes de la standardisation des idéaux collectifs qui « font société » et révèlent le caractère paradoxal, à la fois unique et multiple, de l’identité individuelle. J’explore le rapport entre les signes d’appartenance à un groupe et l’individualité de la personne, en plaçant les individus sur le même plan pour révéler la singularité de chacun au sein du groupe auquel il appartient. L’identité individuelle, cette peau sociale, est-elle notre identité profonde ou un leurre ? Disparait-elle comme dissoute dans l’identité collective ? Ou bien est-ce sa multiplication qui révèle l’identité collective ? Et si l’identité collective n’était qu’une illusion ? « JE VOUS INVENTE COMME VOUS ÊTES… »

Il y a un protocole dans mon travail, une interprétation personnelle, car tout en cherchant l’arrière-plan, j’offre un temps de rencontre et d’attention à ce que me renvoient ceux qui acceptent de participer à mon processus. Mais je ne dirige pas le modèle, j’avance à la manière du cinéaste Robert Bresson qui écrivait : « Je vous invente comme vous êtes. » Je suis un portraitiste, un coloriste, et j’aime penser aussi, un illusionniste qui cherche à repousser les limites de la photographie documentaire pour la faire entrer dans le champ de la fiction et lui conférer une dimension plasticienne, quasi picturale et iconique.

STÉPHAN GLADIEU PHOTOGRAPHE

La « série » au sens contemporain du terme, déplace l’accent sur la syntaxe plastique et met en place un dispositif formel identique pour unifier tous ses éléments. Une approche qui banalise le sujet, le traite comme motif et met l’accent sur la répétition des composants picturaux de l’œuvre. J’évoque plutôt une séquence, plus qu’une série, car en introduisant une dimension temporelle et contextuelle en arrière-plan, mes portraits restent uniques. C’est la singularité de l’individu qui est révélée au sein du groupe auquel il se rattache et qui devient secondaire. Je travaille sur un territoire, élément primaire d’appartenance identitaire, pour constituer un groupe au travers d’une séquence d’individus, rencontrés fortuitement et choisis subjectivement en fonction de leur apparence. L’individu est mon sujet premier. Choisi avec soin, l’arrière-plan est essentiel, mettant mes sujets en accord avec leur lieu de vie et permettant le surgissement de l’imprévisible, il met en évidence la réalité d’un décor tout à fait réel.

UNE ICÔNE SOCIALE

L’icône religieuse offre une représentation symbolique du monde, sans prétention à représenter le réel ; elle est bâtie sur un rapport de ressemblance à la réalité, pour être parfaitement lisible, compréhensible. C’est précisément ce rapport à la réalité qui m’importe et m’interroge dans la représentation iconique où le divin transcende à travers son image. Par mon approche du portrait photographique frontal, c’est l’humain et non le divin, qui est transcendé par la lumière. Ma volonté est de donner aux gens ordinaires et à leur représentation symbolique et iconique, une place littéralement extraordinaire. Car force est de constater que dans l’histoire de l’art, le portrait a été l’apanage des divinités et des dominants et, par là-même, interdit aux dominés. Mon ADN repose sur la couleur, qui peut varier – sur-vitaminée ou surannée – selon la nécessité du récit. La lumière et la couleur sont mes liens à la réalité et à la temporalité. En les faisant varier, je déforme la ligne du temps, je questionne la réalité pour transcender le surréalisme qui lui est intrinsèque. Cette ligne confuse entre réalité et surréalisme est liée à mon interrogation sur le rapport entre notre ressenti réel et notre ressenti fantasmé de l’identité. Considérer que l’identité collective est définissable reviendrait à considérer que l’identité de ses composants, les individus, serait stable et figée. Pour moi, l’identité n’est pas stable, elle évolue dans le temps en fonction de nos interactions sociales. LE « PORTRAIT MIROIR » NOUS APPREND AUTANT SUR NOUS QUE SUR CELUI QUI NOUS FAIT FACE.

Si l’identité n’existe que dans le regard et la présence de l’autre, c’est cette relation à trois entre sujet, spectateur et photographe que je cherche à créer. Je suis parti, en premier lieu, d’une forme qui rappelle le portrait photographique quand le modèle pose de manière délibérée, empathique et frontale. Mais je souhaitais avoir un positionnement inverse à celui des portraits de type anthropométrique à la Thomas Ruff et représenter l’individu dans sa globalité, de plain-pied, seul, en couple ou en groupe, en fonction de la rencontre. Ma subjectivité tend à placer la singularité identitaire de l’individu au-dessus de l’uniformité des sociétés mondialisées qui réduit les individus à l’émanation d’une identité collective stéréotypée et purement fictionnelle. Une des manifestations de la volonté de réduire les sociétés au plus petit dénominateur commun du consumérisme.

Cette réalité vient se confronter à l’aspect irréel produit par le studio de rue. Le coup de flash fige la réalité, magnifie le sujet et crée un espace-temps singulier en le détachant de l’arrière-plan. Au premier regard, cela donne un effet d’artificialité ; au second regard, on se concentre sur l’essentiel, à savoir ce jeu des compositions, géométriques et chromiques.

L’humanisme et l’empathie sont au cœur de la relation que j’instaure avec mes sujets. Au sens où l’altérité me renvoie à ce qui est autre, à ce qui m’est extérieur, étranger, l’altérité questionne la « réalité de référence » et démontre à mon sens que l’identité collective n’est qu’illusion, une seconde peau qui invisibilise l’individu.

Je photographie des gens ordinaires : le cadre varie peu, la lumière reste constante, le rapport frontal, de plain-pied, conserve une distance identique. Ce cadre de référence tend à sacraliser mes sujets en héros anonymes et à créer un « murmure des sociétés », comme le disait le prêtre philosophe et théologien Michel de Certeau.

Plus qu’un stéréotype, ne serions-nous pas l’archétype de nous-même, des créateurs de notre identité en miroir aux autres ? Cette peau sociale serait alors autant le reflet de notre identité profonde qu’un fabuleux leurre, comme le reflet du miroir masquant la frontière entre le réel et le fantasmé.


il réveille une histoire collective, un rapport au groupe, émaillé de petites fulgurances d’émancipations qui restent néanmoins codifiées.

SAM STOURDZÉ Directeur des Rencontres de la photographie d’Arles (2014-2020) Directeur de la Villa Médicis

STÉPHAN GLADIEU NORD-CORÉENS

La série Corée du Nord est construite sur la répétition du 1, l’individu n’étant qu’un composant indissociable de la réalité collective. Ma démarche fait écho au régime dynastique et dictatorial qui, dans un contexte de tension permanente, a fait le choix du collectivisme qui invisibilise son peuple. Encadré, accompagné pas à pas tout au long de mes séjours en Corée du Nord, j’ai inventé un espace de liberté à l’intérieur du cadre qui m’était imposé. Pour capter l’identité de ce peuple et capter le hors-champ de la doctrine officielle, j’ai fait le choix du portrait, souvent en pied, invitant à la pose frontale et au regard direct. En me rapprochant ainsi des codes de l’image de propagande, j’ai rendu ma démarche, si ce n’est familière, du moins compréhensible par les Nord-Coréens. Une gageure dans un pays où l’individu n’existe pas et où le singulier n’a pas de réalité dans cette société où tout est pluriel, collectif et communautaire.

NORD-CORÉENS

Faire le portrait d’un pays raconte une histoire. Ici, Stéphan excelle,


STÉPHAN GLADIEU NORD-CORÉENS


STÉPHAN GLADIEU NORD-CORÉENS


STÉPHAN GLADIEU NORD-CORÉENS


LES FRANÇAIS

Je travaille actuellement sur l’identité française par le prisme des vacances qui sont le révélateur de leur attachement farouche au modèle social français fondé sur une solidarité collective dont ils ne cessent, néanmoins de contester les limites ; les uns la trouvant trop coûteuse, les autres, pas assez généreuse. Ainsi, la société française offre le paradoxe d’une identité mixte, laissant émerger un fort individualisme dans un ensemble fondamentalement régi par les standards d’un système de protection sociale collective. J’ai choisi le cadre des vacances car elles sont à la fois le premier des droits sociaux acquis par le peuple français et le terreau du lien social consubstantiel de la Nation. À cet égard, la sociologie de la plage est unique car tous les Français s’y retrouvent, mis à nu dans une égalité aussi éphémère qu’illusoire, liés par l’envie de ne rien faire dans cet espace-temps convivial, au milieu des autres mais seul. C’est le symbole d’une identité collective fragmentée, résultante du déclin d’une matrice unifiante, mais où le bonheur individuel d’être ensemble est tout de même palpable.


STÉPHAN GLADIEU LES FRANÇAIS


STÉPHAN GLADIEU LES FRANÇAIS


STÉPHAN GLADIEU LES FRANÇAIS


Aujourd’hui, à l’instar des chasseurs qui revêtaient la peau de leurs trophées, les hereros ont adopté le costume des militaires allemands, les bourreaux de leur peuple. Les femmes, quant à elles, se drapent dans des robes victoriennes, celles-là mêmes que leurs ancêtres asservies étaient forcées de porter, mais revisitées en tissu local et multicolore.

STÉPHAN GLADIEU HERERO

Ma série de portraits saisit une génération qui n’a pas connu le génocide, mais en porte aujourd’hui la racine identitaire transgénérationnelle. Leur identité s’écrit dans une mémoire collective de l’apparence et exprime leur détermination à lier à jamais leur identité à ce génocide. Ainsi, leur apparence fait œuvre de devoir de mémoire : elle fige le temps pour ne pas lui laisser le loisir d’effacer les crimes. Substance d’une renaissance identitaire qui révèle également le choix d’une disparition volontaire et consciente de l’individu, de son identité singulière et de son histoire propre, pour se dissoudre dans la pluralité d’un collectif mémoriel plus puissant.

HERERO

Dans la série Herero que j’ai réalisée en Namibie, j’ai interrogé la renaissance identitaire des Hereros par le port, ostentatoire et collectif, des habits des génocidaires allemands de leurs ancêtres. Lors de la colonisation au début du XXème siècle, les Allemands ont en effet exterminé 80 % de la population Herero.


STÉPHAN GLADIEU HERERO


STÉPHAN GLADIEU HERERO


STÉPHAN GLADIEU HERERO


SURMA & MAÏ-MAÏ J’ai entamé ce travail sur la notion d’identité il y a près de vingt ans, d’abord dans les sociétés primitives des Maï-Maï du Kivu et des Surmas d’Éthiopie. En effet, des sociétés primitives à la fin du Moyen Âge, le monde était régi selon un principe hiérarchique. L’être n’est alors qu’une unité indivisible, un individu en vaut un autre, à l’intérieur de l’espèce à laquelle elle appartient. C’est l’appartenance à une classe sociale, à un territoire qui permet alors une définition supraindividuelle de l’identité et non l’apparence. Cette appartenance s’exprime dans un puissant rapport à l’esthétique où les décorations corporelles répondent à un code social bien établi, et il existe diverses façons de se peindre selon le but recherché : séduction ou peintures de guerre devant effrayer l’ennemi.


STÉPHAN GLADIEU SURMA & MAÏ-MAÏ


STÉPHAN GLADIEU SURMA & MAÏ-MAÏ


Faire face aux autres, sans m’imposer à eux, questionner leur histoire et leur identité avec humanisme, c’est sans doute pourquoi j’aime tant, aujourd’hui, le portrait-miroir qui saisit le sujet dans sa frontalité la plus brute, comme un référentiel anthropologique de base.

STÉPHAN GLADIEU

Stéphan crée des représentations iconiques, lumineuses et décalées, brouillant les frontières entre fiction et réalité. Les variations dans l’utilisation des couleurs, sur-énergisées ou sur-vieillies selon la nécessité du récit, est au cœur de son écriture photographique. Aujourd’hui, il décline des séquences de portraits pour interroger le rapport entre identité et apparence. Notamment en décryptant la standardisation d’idéaux collectifs qui « font société » et révèlent le caractère paradoxal, à la fois unique et multiple de l’identité individuelle.

STÉPHAN GLADIEU PHOTOGRAPHE

Ses séquences de portraits lui permettent de créer une fable dans un temps figé ou l’association rigoureuse entre le sujet et l’arrière arrière-plan restitue un concentré de réalités. Les oeuvres de Stéphan Gladieu sont régulièrement exposées en France et à l’étranger, notamment aux Rencontres d’Arles, au Musée du Quai Branly à Paris, au Musée de la Photographie de Charleroi (Belgique), au Musée des Cinq Continents de Munich (Allemagne), au siège de la World Bank à Washington (USA), au Musée de la Guerre de Paris et au Mémorial de Caen. Une monographie, « Corée du Nord », publiée lors de l’exposition éponyme aux Rencontres d’Arles est parue en 2021 aux Éditions Actes Sud ainsi qu’en 2022, le livre « Homo Détritus » sur l’invention d’une nouvelle identité face au drame écologique. Un livre sur « Les Français » est en préparation chez Actes Sud pour une parution en 2024.

BIO

Stéphan Gladieu, photographe né en 1969, est basé à Paris. Autodidacte, il débute sa carrière en documentant les conflits et les sujets de société qui agitent le monde. Il se forge alors un style basé principalement sur le portrait et sa sérialité, alliant recherche esthétique et documentaire.

EXPOSITIONS “From mystic to plastic” Funf Kontinente Museum, Munich, Germany 2023 “North Korea”, Charleroi Photography Museum, Charleroi 2023 “Homo Detritus”, Baden - La Gacilly Photo Festival, Germany June 2022 “North Koreans”, Alte Münze, Berlin 2021 “North Koreans”, Rencontres d’Arles 2021 “Homo Detritus”, AKAA, Paris 2021 “North Koreans”, Herero, Maï-Maï, Paris Photo 2018 “Herero, Maï Maï and Surma”, London Photo, London, 2018 “Central Africa”, Musée Branly, Paris 2016 “Destins de Harkis” Caen War Memorial, France 2012 “Land of creation” Plaine Commune, Stade de France, Paris 2010 “Destins de Harkis” (Algerian War), Museum of the Army, Paris 2003

LIVRES Egungun - Editions Actes Sud, 2023 Homo Detritus - Editions Actes Sud, 2022 North Korea - Editions Actes Sud, 2020 Women: The Future of Africa - World Bank Edition, 2018 The Central African Republic: Hope and Resilience - World Bank Edition, 2017 Hip Hop culture - Somogy, art editions, 2011 Window on Courts (Roland Garros) - Intervalles, 2007 Destins of Harkis - Autrement, 2003 Afghan Women - Hoëbeke, 2001 Afghans - Autrement, 2001

PRIX ET BOURSES 2022 Bourse du Minitère de la Culture et de la Bibliothèque Nationale de France 2022 Meitar Award of photography, Israël 2021 Finaliste du Prix de l’Elysée, Suisse 2018 Finalist Nannen Price, Germany 2018 Tokyo International Photo Award 2014 International Photography Award Portrait, USA


DU MYSTIQUE

Le photographe Stéphan Gladieu mène depuis de nombreuses années un travail de recherche sur l’identité. Les deux séries que nous vous présentons sous le thème « Du mystique au plastique » ont été réalisées de manière concomitante. S’appuyant sur ce cadre temporel, il nourrit un dialogue transgénérationnel entre le masque traditionnel africain de la société secrète vaudou des Egungun au Bénin et les créations contemporaines du collectif « Ndaku Ya la vie est belle » de Kinshasa en République Démocratique du Congo. En entamant sa collaboration avec le collectif « Ndaku Ya la vie est belle » de Kinshasa, Stéphan Gladieu a été saisi par la cohérence entre le masque traditionnel des Egungun du Bénin et sa renaissance contemporaine formée de détritus à Kinshasa. En associant ces deux séries, il établit un lien de cause à effet plus que symbolique entre la disparition progressive du masque africain traditionnel et l’apparition du plastique et des déchets envoyés par les occidentaux en Afrique. Le Bénin est le berceau historique du Vaudou. Apparu au XVIIe siècle, le culte vaudou s’est diffusé dans certaines régions du Bénin, du Nigeria et du Togo. La traite des esclaves l’a ensuite répandu dans le Nouveau Monde, les esclaves emportant à bord des navires négriers leur religion, remaniant leur culte plus tard en candomblé brésilien, santeria cubaine et vaudou haïtien. D’abord diabolisée par les voyageurs, combattue par les missionnaires chrétiens, interdite par les colons, la religion vaudou fut stigmatisée par le régime béninois marxiste dans les années 1970. Mystérieux et insondable pour les non-initiés, qui l’associe volontiers au satanisme, le culte vaudou imprègne encore puissamment le quotidien des Béninois qui le redoutent autant qu’ils le respectent. Bien plus qu’une religion, le Vaudou est une culture authentique et complète, mêlant traditions orales, rites et danses en musique, philosophie, justice et médecine traditionnelle. Au cœur de cette croyance, la société


Le plastique et la surconsommation sont omniprésents dans nos vies ; des produits que nous achetons aux emballages que nous jetons, sans en questionner la nécessité. La production, le recyclage et l’élimination de tous ces consommables, certes pratiques, efficaces et réconfortants au quotidien, ont toutefois un impact létal sur l’environnement. L’objectif zéro plastique doit être une réalité partagée par tous dans une démarche globale de réduction drastique des déchets et de la surconsommation. Nous nous devons de nous interroger collectivement sur l’équilibre à inventer de manière écoresponsable, dans une économie circulaire. J’y vois l’opportunité de redonner du sens à nos existences dans un monde de

STÉPHAN GLADIEU

STÉPHAN GLADIEU PHOTOGRAPHE

secrète vaudou des Egungun relie les mondes visible et invisible par un dialogue mystique. À l’origine, le masque traditionnel africain était façonné à partir de matières naturelles, raphia, écorces, bois, plumes, feuilles, autant de vecteurs symboliques des puissants esprits de la forêt. Aujourd’hui, l’apparition de monceaux de détritus en Afrique, spectres hantant les quartiers pauvres, offre l’opportunité au collectif de Kinshasa de dénoncer avec poésie, humour et résilience, le comportement cynique avec lequel les pays riches et anciens colons, envoient quantité de leurs déchets dans des pays qui n’ont déjà pas la capacité de traiter les leurs. Leurs masques-costumes sont un cri contre ce néocolonialisme économique, fait d’iniquité commerciale et de surexploitation des ressources naturelles, de la République Démocratique du Congo en particulier et du continent africain en général. Plus largement, et bien au-delà du continent africain, « Du mystique au plastique » raconte l’abandon des modes de vie traditionnels et spirituels, en prise avec la nature, au profit de sociétés régies par un ordre matérialiste et artificiel, tendues vers un progrès technologique prétendument bénéfique à l’humanité.

AU PLASTIQUE

ressources finies et d’interactions humaines respectueuses de la nature.


STÉPHAN GLADIEU EGUNGUN

Chaque clan familial désigne ceux qui seront initiés et auront la responsabilité de prêter leur corps aux esprits des ancêtres et ainsi, assureront le dialogue avec les ancêtres devenus divinités protectrices. Dans l’espoir de bénéficier de leur protection, en tirer profit, éviter leur colère, éloigner les fantômes de l’espace des vivants. Ainsi, de jeunes garçons suivent un enseignement de plusieurs années, au secret dans un couvent. Ils y apprennent les codes, la transe nécessaire pour prêter leur corps aux divinités et un langage qui permet de communiquer avec l’invisible. À leur maturité spirituelle, ils reçoivent leurs masques décorés d’applications d’étoffes brodées et ornementées de coquillages et de paillettes, d’os, de bois magique pour devenir ainsi des intermédiaires avec les âmes de l’au-delà. Ils apparaissent au cours des cérémonies faites pour honorer leurs mémoires. Ils apportent aussi leur bénédiction des ancêtres aux mariages et règlent les conflits familiaux.

EGU NGU N

Si en Afrique le culte des ancêtres est fondamental, il prend chez les Yoruba une place centrale, associée au culte vaudou, la société secrète des Egungun relie les mondes visible et invisible par un dialogue mystique.


STÉPHAN GLADIEU EGUNGUN


STÉPHAN GLADIEU EGUNGUN


STÉPHAN GLADIEU HOMO DETRITUS

HOMO DETRITUS Lorsque j’ai découvert, à Kinshasa les créations du collectif « Ndaku Ya la vie est belle », j’ai immédiatement associé l’apparition de ces masques réalisés avec des détritus à une forme de renaissance du masque traditionnel africain qui est un emblème de la spiritualité et de la culture africaine combattu par les colons et les religions révélées lors des différentes vagues de colonisation. Le masque traditionnel africain était originellement fait de produits naturels, tous symboles de la puissance des esprits de la forêt. Ces « Homo Détritus » réalisés avec des déchets dénoncent avec créativité et poésie le cynisme et l’iniquité de nos rapports commerciaux avec l’Afrique. Les Congolais sont parmi les plus grands perdants de la mondialisation. Ils ne bénéficient que très rarement des produits manufacturés en puisant dans les ressources de leur pays. En général, ces produits réapparaissent en Afrique en troisième ou quatrième génération ; au mieux ils sont éculés, mais le plus souvent, ce ne sont que les déchets des pays industrialisés qui préfèrent en délocaliser le traitement. Les bidonvilles de Kinshasa sont ainsi très souvent construits sur des terrains remblayés avec des tonnes de déchets non traités. « Ce qui est né de la terre retourne à la terre », disait Euripide… En RDC, nous avons corrompu le cercle vertueux en transformant une terre nourricière en poubelle.


STÉPHAN GLADIEU HOMO DETRITUS


STÉPHAN GLADIEU HOMO DETRITUS


STÉPHAN GLADIEU HOMO DETRITUS


La théorie photographique s’apprend en une heure, ce qui ne s’apprend pas, c’est le sentiment de la lumière, l’intelligence morale de votre sujet, ce tact rapide qui vous met en communion avec le modèle et vous permet de donner, non pas une indifférente reproduction plastique mais la ressemblance la plus familière, la ressemblance intime. C’est le côté psychologique de la photographie, le mot ne me semble pas trop ambitieux. NADAR (1857) Stéphan GLADIEU sgladieu@yahoo.fr +33 6 03 11 01 88 Stéphan est représenté par Olivier CASTAING, de la SCHOOL GALLERY

+33 6 13 50 78 87


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