DOSSIER
Première cible d’économies pour le ministère, l’école maternelle serait-elle vouée à devenir une simple variable d’ajustement budgétaire ? Le SE-Unsa ne peut s’y résoudre. Toutes les études confirment l’apport essentiel de celle-ci dans le déroulement de la scolarisation des jeunes enfants. Le SE-Unsa s’engage pour que la scolarité obligatoire commence dès 3 ans.
S’engager pour la scolarité obligatoire à 3 ans
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LE SE-UNSA A LANCÉ UN APPEL en faveur de la scolarité obligatoire à 3 ans qui a reçu, en quelques semaines, une dizaine de milliers de soutiens. Le SE-Unsa a ainsi ouvert un débat qui doit se poursuivre. On entend d’ici les contre-arguments : «Les jeunes enfants n’ont-ils donc pas le temps avant d’être obligés d’aller à l’école ? Ne doit-on pas respecter davantage leurs besoins individuels plutôt que de vouloir les faire entrer dans le moule scolaire ?». Pour le SE-Unsa, alors que 99% des enfants de 3 ans sont scolarisés, l’obligation est avant tout tournée vers les forces politiques et les menaces qui pèsent sur l’école maternelle. Les jardins d’éveil, accueillant les enfants de 2 et 3 ans, pourraient à terme être utilisés comme une alternative aux premières années d’école par une majorité politique à la recherche de «gisements» d’économies budgétaires. C’est •••
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••• le premier risque à lever. Notre école mater-
nelle s’inscrit dans notre histoire, notre espace, notre société. D’une part, sa généralisation a permis de conjuguer un taux élevé d’activité professionnelle pour les femmes et une démographie dynamique qui sont aujourd’hui deux atouts majeurs. D’autre part, elle est présente sur l’ensemble du territoire, y compris dans les zones rurales. De plus, premier maillon de notre École publique, elle permet la mixité sociale aujourd’hui très fragilisée. Inscrite dans notre Service public d’éducation, la scolarisation maternelle est un levier essentiel pour une vraie politique de prévention de l’échec scolaire avec notamment l’intervention des Rased. Pour le SE-Unsa, l’école maternelle doit être reconnue comme la première étape du socle commun en s’insérant naturellement dans la scolarité obligatoire.
L’école maternelle doit être reconnue comme la première étape du socle commun en s’insérant naturellement dans la scolarité obligatoire
Lieu des premiers apprentissages Les effets déterminants de la scolarisation en école maternelle sur le développement des enfants, sur leurs premiers apprentissages et sur leur réussite scolaire ultérieure sont établis. Maîtriser la langue, entrer dans l’écrit, construire les notions mathématiques, vivre et apprendre dans le collectif, sont autant de compétences qui font cruellement défaut chaque année à quelques enfants pour lesquels les familles n’ont pas réussi à se résoudre à la scolarisation avant la grande section ou le CP. Pour autant, la question des conséquences d’une scolarité trop précoce, pour l’enfant, doit être traitée avec attention. L’obligation scolaire à 3 ans ne veut pas dire que ces jeunes enfants ont l’obligation de se transformer en élève le 1er septembre. Reconnaître l’école maternelle c’est notamment lui reconnaître sa capacité à faire grandir les enfants, favoriser leur développement et leurs apprentissages en fonction de leur maturité et de leurs besoins individuels. Les enseignants de maternelle ont développé de solides compétences professionnelles en la matière qui doivent être sauvées d’une calamiteuse réforme de la formation. Le SE-Unsa porte avec détermination le
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Syndicat des
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mandat d’une scolarité obligatoire à 3 ans depuis 2004. Sa proposition avance. Le directeur général de l’enseignement scolaire a déclaré, début avril, que «dans le futur, il n’est pas exclu que la maternelle devienne obligatoire». Le même mois, une proposition de loi socialiste en ce sens a été déposée au Sénat, mais elle a été repoussée. Le chemin est long, le débat nécessaire mais attention : l’école maternelle a besoin d’un soutien sans faille et les scepticismes bienveillants sont autant d’eau au moulin de ceux qui ne veulent pas s’attacher un boulet budgétaire. À la veille d’élections présidentielles, le SEUnsa prend ses responsabilités et s’engage pour l’école maternelle. Stéphane Crochet
La maternelle c’est essentiel ! Affirmons-le haut et fort, avant que cette école ne soit, définitivement, qu’un «gisement d’emplois» et qu’on ne lui substitue des jardins d’éveil. Vous aussi, engagezvous dans cette campagne : SIGNEZ ET FAITES SIGNER L’APPEL SUR www.se-unsa.org
Et les 2 ans ?
OUI, LA MATERNELLE ÇA COMPTE !
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IVERSES ÉTUDES MONTRENT QUE L’ÉCOLE MATERNELLE CONTRIBUE AU DÉVELOPPEMENT de nombreuses
habiletés et compétences en lien étroit avec les apprentissages scolaires effectués par la suite. D’après certaines recherches conduites à l’Irédu(1) (Morlaix, Suchaut, 2007), le niveau de maîtrise de certaines compétences développées au cours de l’école maternelle influe sur la maîtrise d’autres compétences plusieurs années plus tard. Les effets sur les apprentissages sont d’autant plus positifs que la scolarisation en maternelle a été longue. Plusieurs constats peuvent être faits sur la base de diverses recherches. • L’Irédu relève un impact positif sur les acquisitions scolaires des élèves, mesurées par des tests standardisés en français et en mathématiques. Elles seraient visibles jusqu’à la fin de l’école élémentaire. • La Depp(2) établit des conclusions également positives quant à la scolarisation précoce car, selon elle, les performances scolaires des enfants ayant fréquenté la maternelle pendant quatre années sont supérieures à celles des autres. • Sur le plan de l’équité sociale, certains travaux soulignent les aspects positifs de la maternelle. Il y a donc un choix politique à engager sur la place de l’école maternelle dans le système éducatif. (1) Institut de recherche sur l’Éducation. (2) Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance.
Dans certains secteurs, l’école maternelle est la seule structure d’accueil. C’est en appréhendant la politique globale de la petite enfance que nous ferons progresser la qualité de la préscolarisation dans notre pays. Compte tenu de sa qualité et de son implantation géographique sur tout le territoire, l’école maternelle peut remplir cette mission à condition que : • l’État et les collectivités locales lui reconnaissent clairement ce rôle ; • l’État s’engage dans une réflexion sérieuse sur les moyens matériels et humains nécessaires à la réussite de cette mission. Que fait un inspecteur d’académie quand il manque de postes ? Il limite l’accueil des enfants de 2 ans ou ne les comptabilise pas dans les effectifs des écoles maternelles ; il utilise les postes ainsi récupérés pour ouvrir des classes ailleurs. Beau tour de passe-passe... qui montre à quel point les IA, sur injonction du ministère, font peu de cas de la scolarisation des enfants de 2 ans.
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INTERVIEW
La maternelle c’est essentiel Avec ton expérience, comment résumeraistu l’apport de l’école maternelle ? Florence Hurdebourcq : Tout d’abord, elle permet aux enfants d’adopter une posture d’élève. D’une part, parce que c’est un lieu où ils viennent grandir en apprenant et en prenant conscience de cela. D’autre part, parce qu’elle leur permet d’acquérir des habitudes, des comportements, un vocabulaire scolaires qui sont des outils indispensables pour réussir à l’École. Ensuite, l’école maternelle leur enseigne des savoirs. Tout ce qu’il est nécessaire de connaître en matière d’écrit et de code avant d’entrer dans l’apprentissage concret de la lecture, en matière de nombres pour pouvoir apprendre à compter. L’école maternelle leur apporte aussi toute la maîtrise des gestes et des outils graphiques pour pouvoir apprendre à écrire. De manière plus générale, c’est un lieu qui apprend aux enfants à entrer dans une réflexion sur le monde et son fonctionnement. Et puis surtout, c’est le premier lieu de socialisation pour bon nombre d’enfants, ce qu’elle leur apporte en termes de «vivre ensemble», de respect de l’autre, de décentration, de tolérance à la frustration sont majeurs. C’est donc tant au niveau du développement et de l’épanouissement individuel de l’enfant que pour le préparer à poursuivre sa scolarité que se situent les apports de l’école maternelle, à mon sens. Quels sont pour toi les enjeux de la scolarité obligatoire à 3 ans ? F. H. : Pour moi, ces enjeux se situent autour de plusieurs formes de reconnaissance. Tout d’abord, rendre la scolarité obligatoire à 3 ans serait la reconnaissance d’une pratique établie aujourd’hui. C’est montrer aux parents qu’ils ont fait le bon choix pour leur enfant. C’est ensuite donner pleinement à l’école maternelle son statut d’école en tant que lieu d’éducation et d’instruction. C’est reconnaître que tous les enfants de notre
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Après plusieurs années en classes maternelles rurales, Florence Hurdebourcq, professeur à l’école maternelle Gambetta de Bergerac (24), fait sa troisième rentrée dans une structure urbaine aux caractéristiques de l’éducation prioritaire.
société ont besoin de ce lieu pour devenir élèves, puis citoyens. C’est aussi reconnaître que ce que fait l’école maternelle ne peut pas être fait ailleurs : jardins d’éveil, cahiers de vacances ou sites Internet ! C’est enfin reconnaître que les enseignants de maternelle sont des professionnels de l’enseignement au même titre que leurs autres collègues. Rendre la scolarité obligatoire à partir de 3 ans, c’est dire haut et fort que l’école maternelle n’est pas une garderie améliorée et qu’elle est un outil indispensable dans la lutte contre l’échec scolaire et les inégalités sociales. Propos recueillis par Stéphane Crochet
L’AGEEM Cette association a pour buts : • d’étudier toutes questions d’ordre pédagogique en vue du progrès et du perfectionnement de l’éducation dans les écoles maternelles publiques ; • de défendre et promouvoir les droits et intérêts généraux des enfants des écoles et classes maternelles publiques, en même temps que ceux de l’équipe éducative. L’Ageem informe ses adhérents sur les différentes recherches pédagogiques. Elle fait connaître les expériences innovantes et positives favorisant à la fois développement, épanouissement et apprentissage des enfants. L’Ageem dispose de sections départementales et de relais académiques qui organisent des débats, des conférences, des expositions… Pour savoir ce qui se passe près de chez vous, rendez-vous sur http://ageem.fr/?Nous-connaitre
REPÈRES
L’école maternelle, fleuron de l’institution scolaire que nous envient de nombreux pays, est-elle en danger ? Quel est l’intérêt de la scolarisation dès 2 ans ? Les jardins d’éveil -privés- viendront-ils remplacer la petite section gratuite ? L’Éducation doit-elle être rentable ? Quelle place réservons-nous à l’enfant dans notre société ? Au fil d’un dialogue informel, où s’entrecroisent les expériences d’enseignants, des références historiques, des données chiffrées actuelles, les auteurs nous alertent sur ce qui menace aujourd’hui la scolarisation des enfants de 2 ans, et plus généralement l’école maternelle. Ils nous invitent à réfléchir sur les conséquences des choix politiques et économiques qui ne se soucient ni de l’intérêt supérieur de l’enfant ni de l’égalité des chances pour construire le monde de demain. « École maternelle : cri d’alarme ! », Joss Berger Tancerel et Michel Berges, éditions Érès, 168p. - 10€.
Si l’école maternelle est si importante, c’est qu’elle a une lourde mission : favoriser la rencontre avec d’autres cultures, engager dans un nouveau rapport au monde et permettre une scolarité réussie, pour tous. Quels objets de travail sont nécessaires au développement des jeunes élèves ? Avec quelles modalités de transmission ? Comment penser l’articulation entre la mobilisation individuelle (c’est un sujet qui apprend) et le rôle collectif (c’est avec les autres qu’il apprend) ? Comment permettre à tous de construire le sens de l’école et de leur présence ? Cet ouvrage apporte des réponses à la hauteur d’une véritable ambition pour permettre une scolarité réussie pour tous. Point fort : ici, la théorie est vraiment au service de la pratique par des sujets concrets et des conseils efficaces : le jour de la rentrée, apprendre des gestes d’évidence (couper par exemple), les rituels, les affichages, le travail langagier... « Pratiques et réussite pour que la maternelle fasse école », sous la direction de Christine Passerieux, éditions chronique sociale, 264p. - 15,90€
Enseigner en petite section Voici un livre très complet et organisé en trois parties : • administratif : les textes officiels, les spécificités du système scolaire français, le métier de PE, le fonctionnement de l’école ; • pédagogie : les spécificités, les dispositifs, les outils pratiques, la classe au quotidien, les ressources ; • relationnel : les enseignants et les parents d’élèves, l’équipe pédagogique, les intervenants extérieurs, l’école maternelle. «3, 2, 1,… Enseignez en classe de petite section», Marie-Christine Dœuff, Florence Mathevon, Maris Verrey, Studyrama, 400p. - 22€.
DES FERMETURES À TOUT VA… Voici quelques chiffres de fermetures de classes maternelles à la rentrée 2011 : •Bouches-du-Rhône : 23 ; •Pas-de-Calais : 69 ; •Yvelines : 35 ; •Landes : 3 ; •Charente-Maritime : 13 (+4 en ballottage) ; •Paris : 15 ; •Bas-Rhin : 15… et des modifications en chaînes dans les RPI.
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