Un cartable, une trousse, un Smartphone ! Si la majorité des établissements voient dans le Smartphone un fléau générationnel, c’est la deuxième année que j’expérimente, avec l’autorisation de Mme Jeandelle, l’usage des Smartphones pendants les cours de SVT dans deux classes de seconde. Pourquoi avoir choisi d’utiliser le Smartphone en classe ? Quelles en sont les utilisations ? Quelles sont les difficultés rencontrées ? Qu’est ce que cela a favorisé ? 1. En quoi le Smartphone peut-il être intéressant d’un point de vue pédagogique ? Les adolescents sont les mieux équipés en outils multimédias : lecteur mp3, téléphone mobile, console de jeu, ordinateur connecté à Internet depuis le domicile, appareil photo numérique, etc… Les 12-17 ans sont la classe de la population la mieux équipée en Smartphones avec plus de 50% de taux d’équipement. Pour la plupart, ils utilisent leurs Smartphones pour envoyer et recevoir des appels téléphoniques, se connecter à leurs réseaux sociaux (essentiellement Facebook), prendre des photographies et réaliser des vidéos, ou faire des jeux.
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Néanmoins, ils sont peu nombreux à savoir les utiliser de manière optimale et n’imaginent pas
tous les usages scolaires qui sont désormais réalisables à
travers les différentes applications qui font de ces petits appareils de véritables outils performants, couteaux suisses du numérique. Dès le début de l’année scolaire, l’utilisation des Smartphones a été présentée aux parents, dans le respect du règlement intérieur, avec pour objectifs principaux : la réussite scolaire à travers l’utilisation des outils numériques. Favoriser la motivation. Une ouverture culturelle. L’éducation aux médias. Les élèves ont accueilli cette utilisation comme une réelle nouveauté et ont vite compris qu’il s’agissait d’une formation complémentaire car ils sont conscients que c’est un appareil que l’on peut utiliser dans un cadre professionnel. Ils considèrent que c’est un réel privilège pour eux de pouvoir utiliser leurs appareils et sont, par conséquent, très respectueux d’un bon usage de l’appareil.
2. Utilisations du Smartphone en classe. Le Smartphone a été utilisé en classe dans 5 domaines d’utilisation : communiquer, s’informer, évaluer, mutualiser, expérimenter.
2.1. S’informer. L’information peut être recherchée directement à partir du navigateur de l’appareil ou à partir d’une application dédiée comme Google recherche. Une question, la recherche d’une définition ? Ils sont invités à rechercher la réponse depuis leur appareil nomade et peuvent ou non, selon l’activité, communiquer le résultat de leur recherche à l’ensemble de la classe. Il existe également de nombreuses applications dédiées à l’enseignement scientifique comme Geotime Scale, Echelles de taille, Molécules, Google Earth,… qui permettent à l’élève de poursuivre et d’approfondir l’enseignement débuté en classe. Pour les élèves trop sensibles, il
est également
possible d’avoir accès à des dissections virtuelles comme
Rat
dissection
afin
de
réaliser
une
dissection. Il existe également de très belles applications qui permettent de mieux appréhender le fonctionnement du corps humain. Il est possible de manipuler les modèles dans différentes directions, stopper les animations autant de fois que nécessaire pour faciliter la compréhension comme les mouvements du sang dans le cœur. Certaines applications viennent également remplacer des outils papier comme la traditionnelle flore de Gaston et Bonnier sur le terrain avec l’avantage du support mobile moins fragile et plus rapide à utiliser que le livre. Ainsi, l’application clé des forêts, réalisée par l’ONF, a permis la reconnaissance des arbres, lors de la sortie sur l’étude de la biodiversité, puisqu’il est possible d’identifier les arbres les plus courants à partir de leurs feuilles, fruits ou fleurs.
Les élèves ont aussi installé sur leurs appareils des lecteurs de flashcodes comme QR reader ou Flashcode
afin
d’accéder
aux
contenus en ligne pour lesquels des flashcodes, réalisés par le professeur, étaient affichés dans le laboratoire. Si ils avaient l’habitude de voir les petits codes sur des affiches publicitaires, billets de spectacles ou autres, peu savaient accéder au contenu multimédia en ligne (musique, vidéos, photos, informations). Elève qui se connecte à un QCM en ligne via le flashcode
Affichage des flashcodes des applications utilisées pendant le cours de SVT
Afin de montrer un usage « intelligent » de Facebook et les habituer à l’activité de veille ou de curation, les élèves ont été sollicités pour s’abonner aux pages Facebook de publications scientifiques : cité des sciences et de l’industrie, ménagerie du jardin des plantes, zoo de Paris, Futura-sciences. En cliquant sur « j’aime », ils reçoivent régulièrement les actualités de ces pages dans leur fil d’actualité mais peuvent également choisir de recevoir des notifications afin d’être alerté de la moindre publication.
Ils se sont surtout abonnés à Futura-sciences car les actualités sont nombreuses et diversifiées et ils peuvent ainsi choisir parmi le flux d’actualités. Chaque semaine deux élèves de la classe présentent à tour de rôle l’actualité scientifique de la semaine précédente et cela donne lieu à une évaluation orale où ils doivent justifier leur choix, présenter une actualité en lien avec les SVT mais également respecter les codes de la communication orale : regarder l’auditoire, ne pas lire ses notes, se tenir correctement, etc…
Dans l’exemple ci-contre, l’élève se servait de son Smartphone directement comme support de notes pour présenter son actualité scientifique.
2.2. Expérimenter. Le Smartphone peut également servir dans le cadre de l’expérimentation. Les élèves portent assez rarement des montres désormais ce qui ne facilite pas la mesure d’un temps de réaction. Les élèves utilisent le plus souvent le chronomètre de leur appareil pour réaliser ces mesures mais également la mesure de leur fréquence cardiaque par mesure indirecte du pouls.
Mesure du temps de réaction
Mesure du pouls carotidien
Il existe également des applications qui permettent de faire des mesures de la fréquence
cardiaque
directement
en
appliquant le bout du doigt sur la caméra du Smartphone ou en filmant le visage comme Cardiograph
ou
My
heart
rate.
Dans
l’ensemble, les applications ont donné les mêmes résultats que les mesures faites de manière
plus
traditionnelle
mais
ont
également être discutées avec leurs limites.
pu
Nous avons pu ainsi observer que certains qui avaient une peau épaisse ou présentant des callosités sur le bout des doigts n’obtenaient pas d’enregistrement, la variation de leur flux sanguin n’étant pas captée par la caméra.
Cardiograph My heart rate
2.3. Evaluer. Il existe pléthore de QCM en ligne qui permettent aux élèves de s’évaluer mais ces applications sont davantage destinées aux élèves de troisième ou de terminale dans le cadre de la révision des examens. Un professeur de l’académie de Nice a mis en ligne un outil qui permet de concevoir et consulter des QCM en situation nomade. Je me suis inscrite à ce service et j’ai diffusé les QCM à mes élèves via des affichages de flashcodes dans le laboratoire ou communication par le cahier de textes numérique. Ce système permet d’observer les résultats des élèves. Si certains se contentent d’un ou deux essais sur un même QCM, il m’a été donné d’observer que certains le refont jusqu’à l’obtention d’un score de 20/20. Par ailleurs, la motivation est renforcée car nombreux sont les élèves à me demander la réalisation de nouveaux QCM pour tester leurs connaissances. Voici l’un des liens sur le chapitre « Corps humain et santé » : http://www.acnice.fr/svt/qcm/choix_qcm.php?chap=57
Exemple de page du QCM
Les élèves peuvent accéder au QCM depuis n’importe quel appareil numérique : Smartphone, tablette, ordinateur et certains profitent du trajet du retour en voiture ou dans le bus pour tester leurs connaissances. Depuis
l’interface
professeur, il est possible de
voir les
scores des
élèves mais également de détailler pour chaque QCM les
questions
lesquelles
l’élève
pour a
su
répondre au non ou pour lesquelles
il
n’a
donné
aucune réponse. Il est intéressant d’observer que certains élèves, alors que l’activité est totalement facultative, recommence le QCM jusqu’à atteindre un score de 20/20.
2.4. Communiquer Les élèves réalisent des photographies ou de courtes vidéos pour conserver la trace des activités réalisées et les intégrer dans leur compte-rendu de TP ou pour illustrer leurs notes de cours.
Test à la liqueur de Fehling
Certains utilisent des applications comme Skitch ou Report Monster ou
encore
permettent
Evernote
qui
d’annoter
leur leurs
Germinations
productions et je leur demande parfois de me les envoyer afin de vérifier leurs connaissances ce qui donne lieu à une évaluation qui les motive beaucoup et qui permet de rediscuter avec eux de leurs éventuelles erreurs avant les évaluations sommatives. Réalisés avec Skitch par des élèves de seconde
Parfois, ils réalisent également des photographies du tableau, pour ceux qui sont plus lents à prendre en note les informations. Lors
de
sorties,
les
Smartphones
sont
régulièrement utilisés par les élèves pour prendre des notes, voire enregistrer les conférenciers, avec leur aimable autorisation, ce qui leur permet d’écouter
l’enregistrement,
de
le
réécouter
ultérieurement afin de réaliser une prise de notes plus complète.
Elève qui utilise son Smartphone comme support de note lors d’une conférence alors que d’autres utilisent un support plus traditionnel.
2.5. Mutualiser Les élèves utilisent un dossier commun, en ligne, pour chacune de leur classe où sont mutualisés les productions de la classe dans Google drive.
Les ressources : photographies, fiches de révisions, etc…. deviennent communes à tous et permettent de favoriser une intelligence collective.
Quelques uns des fichiers partagés par les élèves de seconde B
Par ailleurs, les élèves disposent de l’application Google Drive et peuvent ainsi, depuis n’importe quelle unité mobile, accéder au contenu du dossier partagé et pour les fichiers textes ou les tableurs, ils peuvent même les modifier en ligne. Autre avantage, ils peuvent partager les documents entre eux et travailler de manière véritablement collaborative et simultanée. Une interface Google + avec un cercle de classe leur permet également de recevoir des informations qui prolongent les cours et de les initier à la formation de leurs propres cercles. Dans l’exemple ci-contre, des informations
sont
diffusées
sur
les
métiers,
une
expérience virtuelle d’extraction de l’ADN, prolongement de cours qu’ils peuvent librement consulter ou non depuis un appareil nomade ou leur ordinateur.
3. Quelles sont les difficultés rencontrées ? Si je redoutais une nouvelle fracture numérique entre les élèves équipés et ceux qui ne le sont pas, il n’en a rien été car les élèves équipés partagent volontiers la visibilité de leurs écrans avec leurs camarades non équipés. Si les systèmes et les appareils sont très différents, on trouve des applications qui conviennent dans les différents cadres d’utilisation aux appareils qui sont sous IOS comme sous Androïd et
gratuitement. Les applications proposées sont suffisamment intuitives pour être prises en main sans difficulté particulière. Un des soucis a été l’absence de WIFI partagé pour les élèves qui ne disposent d’un accès Internet illimité car, notamment pour les partages de documents, s’ils ont l’intention de partager dans l’instant et qu’ils ne peuvent le faire, c’est souvent un partage qui ne se fera plus s’ils doivent attendre de rentrer chez eux pour le faire car ils oublient le plus souvent. Il n’y a pas eu de problème de dérive avec l’utilisation des Smartphones car les élèves vivent leur utilisation comme une plus value et ne tiennent pas à perdre ce qui pour eux représente une sorte de privilège. Il a juste été nécessaire de bien leur rappeler les limites du cadre d’utilisation et notamment de ne pas les utiliser en présence d’élèves qui ne font pas partie de ce projet et qui n’ont pas reçu la même formation à leur usage. 4. Qu’est ce que cela a favorisé ? Cette utilisation des Smartphones a favorisé une éducation responsable aux médias. A travers les différentes activités menées, il y a eu un va et vient permanent d’éducation aux bons usages : Qu’est ce que l’e-réputation ? A-t-on le droit de diffuser tel ou tel média sans l’autorisation des personnes ou de leurs parents ? Est-ce que la géo localisation est toujours utile ? Dans quel cas peut-elle être dangereuse ? Comment ne pas tomber dans un usage chronophage ? Comment protéger sa vie privée ? Pourquoi est-il nécessaire de différencier ses identités numériques ? Dormir avec son Smartphone, est-ce que cela peut être dangereux pour la santé ? De nombreuses questions, auxquelles les élèves sont particulièrement sensibles et qui permettent de les former à un usage beaucoup plus responsable et réfléchi de ses petits appareils riches en possibilité mais qui ne doivent pas devenir des outils d’asservissement. J’ai été agréablement surprise d’observer que les élèves qui avaient utilisé leur Smartphone l’année passée et que je retrouvais en première, gardaient de bonnes habitudes et pour certains, j’ai pu voir, dans le cadre des TPE, qu’ils étaient abonnés à une page d’actualité spécialisée ce qui leur a permis de réaliser une actualité de veille plus performante. Travailler, tout au long de l’année avec les Smartphones, aura permis aux élèves de découvrir de nombreuses fonctionnalités qu’ils étaient loin d’imaginer. C’est d’une manière beaucoup plus responsable qu’ils utilisent cet outil et se rendent compte qu’il fait de plus en partie de l’environnement professionnel et qu’il est donc nécessaire de se former à son usage. Si le Smartphone a ravivé la motivation, c’est aussi parce que c’est un objet qui fait partie de leur quotidien quasi objet transitionnel.