En service depuis huit ans, le tramway de Bordeaux accompagne et souligne la mutation de la capitale de Gascogne qui redécouvre son fleuve. On est monté à bord.
P
our les couleurs du tramway, les architectes bordelais Jean-Philippe Lanoire et Sophie Courrian ont choisi un bleu ardoise qui rappelle les toits de la ville, et un gris clair parfaitement raccord avec le ciel de ce mardi matin, secoué par un vent humide. Mais ce qui frappe, une fois réchauffé à bord, c’est la vision qu’il offre sur les rues et places qu’il traverse en glissant silencieusement. C’est à croire qu’il a été réinventé (son ancêtre a rangé ses voitures en 1957) pour visiter la ville que l’Unesco a inscrite en 2007 à son patrimoine mondial.
re p è re s
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APPELLATIONS> dans l’en-
semble du vignoble. En Gironde, 1 emploi sur 6 est dans la vigne et l’activité produit un chiffre d’affaires d’environ 3 milliard d’euros.
Oups ! Au parking aérien du cours Victor-Hugo, le conducteur de cette
UN VILLAGE DU MÉDOC
Un tram’ avec vue
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territoires
week-end
Bordeaux
idé e s ra n do
gironde
Le centre s’est déplacé Pour 4,10 €, prix d’une carte d’un jour, on va aller d’une rive à l’autre (ligne A) et circuler devant les innombrables façades qui ont retrouvé le jaune clair de leur calcaire d’origine, au XVIIIe siècle. Et on suivra, rive gauche (lignes C et B) toute l’histoire de Bordeaux, le long du croissant de lune dessiné par le fleuve, depuis la gare jusqu’aux hangars de Bacalan. Ligne A. Elle passe au centre du
Moulis-en-Médoc, à 35km au Nord-est de Bordeaux est au cœur d’une région de vins rouges fins et élégants et peut se découvrir à pied, en suivant tout ou partie d’un chemin pédestre facile et balisé, long de 14km. La durée de la randonnée dépendra des étapes dans les domaines... Car on peut faire une halte dans les nombreux châteaux qui se trouvent sur le chemin, déguster un ou plusieurs crus, visiter le musée des Arts et Métiers de la Vigne et du Vin, (au château Maucaillou, tél.05.56.58.01.23),découvrir la fontaine de la Raze qui alimentait un ancien lavoir, faire une halte au moulin de Tiquetorte (ancien moulin à eau du XVIe siècle) et enfin, terminer la promenade par la visite de église Saint Saturnin, l’église Saturnin véritable joyau architectural du XIIe siècle, une des plus belles églises romanes de la région et lieu de passage de pèlerins vers Saint Jacques de Compostelle.
pont de pierre, reconnaissable… bord, vous êtes sûr de ne pas vous à ses briques et ses lanternes al- faire bousculer ! Ici bat le nouveau ternées, et file vers la cathédrale. cœur de Bordeaux, que le tram a On peut faire étape pour monter fait glisser de la place Gambetta en haut de la tour Pey Berland, avec son vénérable café Le Rémais avec 19 visiteurs à la fois, on gent vers le grand théâtre face au risque de piétiner aussi long- renaissant Grand Hôtel rebaptemps qu’en attendant le tram un tisé… Regent’s. Puisqu’on est desjour de panne. Sur la même im- cendu, autant goûter un bormense esplanade où s’éternise la deaux, à la Maison du vin : à parpatinoire de Noël : voici la mairie, tir de 2 € les 15 cl, c’est le comptoir sise en l’hôtel de Rohan, du nom le mieux placé de la ville pour apde celui qui le fit construire avant prendre et savourer… Et en face, la Révolution. Son prénom ? Mé- quelle est cette longue file poncriadec, dont on tuée de fourrures ? Mériadeck est baptisa le proche « L’Entrecôte », bordé d’une quartier moderne bien sûr, qui conpromenade des années 60 à 70. naît ici autant de Il est bordé d’une secrète, bosselée succès qu’à Toupromenade assez louse. par les racines secrète, bosselée d’accueillants pins Le tram continue par les racines sa route vers les parasol d’accueillants pins quais, passe deparasol (esplanade vant les deux code Gaulle). Si on était resté à bord lonnes des Quinconces, puis les du tram, on n’aurait pas manqué Chartrons qui portent en frise les le nouveau palais de justice, si- symboles du vin et de son comgné Rogers, qui a travaillé sur un merce. A droite, les anciens hanouvrage également très com- gars ont laissé la place à une lonmenté à l’époque : le centre Beau- gue promenade. bourg. Ligne C. Empruntée à l’échanLigne B. En changeant de tram à geur des Quinconces, elle nous « Hotel de ville », on remonte la ramènera à la gare, en longeant rue Vital-Carles, qu’on pourrait le chef-d'œuvre de l’architecte appeler rue Mollat, du nom de la Gabriel, la place de la Bourse, qui librairie qui y essaime ses vitrines justifie à elle seule les escales des bleues. On tourne cours de l’In- paquebots qui croisent en été. tendance : là, ce sont les franchi- Une autre attraction les attend ses internationales qui trustent la dans deux ans : l’entrée en ville majestueuse artère en pente sous un pont levant. Bordeaux n’a douce débouchant bientôt sur la pas fini de nous surprendre. place de la Comédie. Restez à Pierre Mathieu
Maison du vin de Moulis en Médoc Tél. 05 56 58 32 74 . Web : www.moulis.com
o ù d o r m ir HÔTEL> Nuits blanches. C’est une curiosité:ouvert en 2007 , ce 4**** résolument design, façade recouverte de Corian, a la forme d’un énorme glaçon. 45 chambres blanches et flashy, avec vue sur un quartier en mutation, à partir de 199€ la suite junior.tél.05.56.39.07.07.
CHAMBRE D’HÔTE> Cœur de ville. Dans cette ancienne maison bordelaise, cinq chambres d’hôtes agréablement parfumées et aux ambiances variées (classique, orientale, nautique...) sont distribuées par un bel escalier de pierre. Accueil cosy et sympathique de Jean-Christophe, situation idéale près du musée des arts décoratifs. A partir de 115€ la chambre avec petit déjeuner. tél.05.56.81.34.53
Jaguar vert anglais a oublié de
UN PONT PLUS LOIN
serrer le frein à main… De mémoire de Bordelais, il s’agit plutôt d’un clin d’œil des architectes du parking, Jean Dauriac et Pierre Lafitte.
A Bacalan (ligne B), les hangars réhabilités forment le quai des marques, où les marques soldent leurs collections précédentes. Agence d’urbanisme, galerie d’art contemporain, hôtel design (le Seekoo, comme un iceberg blanc), tourisme historique (la base sous-marine de la 2e guerre), le quartier n’a
plus d’industriel que l’embouteillage de huile Lesieur, qui arrive d’un tanker de la Garonne par pipe-line. Garonne qui se fait retrousser les flots par la marée montante de l’Atlantique, pourtant distant de 100kms. C’est là qu’a commencé le chantier du pont BacalanBastide, un étonnant ou-
FORFAIT>Bordeaux découverte.L’office de tourisme commercialise un forfait comprenant 2 nuits d’hôtel avec petit déjeuner (50 établissements au choix, de 2** à 5*****), visites de la ville et d’un vignoble, carte de tram et bus, entrée des musées et sites, etc. A partir de 105€ par personne, tél.05.56.00.66.00. vrage d’art dont la travée centrale s’élèvera pour laisser entrer les grands bateaux dans le port de Bordeaux. Ouverture prévue fin 2012.
Les voitures ne tournent plus devant le grand théâtre de Bordeaux, dont le parvis est réservé aux piétons et au tramway./ Photo AFP
LE VIN ET L’EAU...
CARNET D’ADRESSES> Pra-
tique:.Office de tourisme de Bordeaux, cours du XXX juillet, tél.05.56.00.66.00, face à la Maison du vin (cours, bar à vin, conseil interprofessionnel), tél.05.56.00.22.66. Shopping: «Quai des marques», dans les anciens hangars des quais. Le dimanche, grand marché le long des Chartrons. Tramway et autres transports: transports TBC, tél.05.57.57.88.88. Deux-roues: Deux-roues V3, (on dit V-cub), système de location de vélo, 30 min gratuites. Spécial enfants: www.histoiredevoir.org. , pour les visites de Catherine Bord. Histoire: Histoire la base sous-marine de la 2e guerre, quartier Bacalan. Table: Table «Brasserie du passage» au cœur d’un immeuble de brocanteurs, à SaintMichel (10,90€).
10.
LA DÉPÊCHE
DU
MIDI.
CAROLINE CHARPENTIER MAISON DU VIN DE BORDEAUX
Dimanche 2 janvier 2011.
« Notre immeuble qui ressemble au Flat Iron de New York, mais avec vue sur le grand théâtre, c’est la grande maison du vin de Bordeaux. Elle est très ouverte aux visiteurs, en particulier depuis qu’on a créé le bar à vin, LA bonne adresse pour l’apéritif… A l’étage, il y a l’école du vin, avec plusieurs formules de cours pour apprendre à connaître le vin, les arômes, les cépages et l’art de la dégustation. C’est à la fois sérieux et très convivial, ça va de l’atelier de 2 heures au stage de perfectionnement… en passant par le bus étudiant, qui part, une fois par mois, à la découverte du vignoble.»
MICHELINE FAVREAU -CERRATO PARFUMEUSE
A «L’école du vin», un cours de 2 heures pour s’initier à l’art de la dégustation est donné par un professionnel venu d’un des 8000 domaines du vignoble bordelais.
« Les hommes qui viennent à Bordeaux sont bien contents d’en ramener quelques bouteilles de vin, moi j’ai pensé aussi aux femmes et il y a cinq ans, j’ai eu l’idée d’inventer un parfum, L’eau de Bordeaux. Je voulais quelque chose qui exprime par la fragrance et le flacon le raffinement de cette ville et l’élégance de mes chères allées de Tourny. C’est un nez de Grasse qui a créé L’eau de Bordeaux suivant mes indications : au huitième essai, il est parvenu à retrouver le parfum de ma prime jeunesse... quand mon père, parfumeur luimême, composait une eau de toilette rien que pour moi ! ».
inte r v ie w
« LES BORDELAIS AIMENT ENFIN LEUR VILLE » Le piéton de Bordeaux, c’est lui: JeanPierre Xiradakis qui se promène tous les matins pendant une heure sur le chemin de «La Tupina», son restaurant, a écrit un guide pour faire connaître sa ville. L’arrivée du tramway l’a motivé pour une nouvelle édition (1).
Votre restaurant est dans une rue bien discrète...
J.-P. Xiradakis à la balance de «La Tupina», rue de la monnaie.
C’est le lieu que j’ai trouvé en 1968 pour y faire la cuisine que je voulais. A l’époque, on a attendu avec ma première femme qu’elle touche les 700F (106€) de sa bourse pour se lancer...Ce que je voulais faire, c’était la cuisine comme à la maison, avec les produits du coin, mais ce n’était pas encore une tendance.
On est encore à Saint-Michel?
Saint-Michel est tout près, contre le marché des Capucins, le ventre de Bordeaux. Saint-Michel, c’est un creuset qui a toujours reçu les étrangers du monde entier. Il les polit et en fait des Bordelais qui s’installent ensuite ailleurs dans la ville...Moi je suis installé quartier Sainte-Croix, qui prend une teinte culturelle, avec le conservatoire, le théâtre du port de la Lune, l’école de journalisme, mais je m’emploie à faire de la rue de la monnaie une rue gourmande.
Utilisez-vous le tramway? Oui, je vais vous dire pourquoi:
Le quartier Saint-Michel est un creuset qui a toujours reçu les étrangers du monde entier. Il les polit et en fait des Bordelais qui s’installent ailleurs.
il facilite la marche à pied, il me permet de faire une rue qui m’intéresse, puis de rejoindre un autre secteur tranquillement assis.
Il a changé la ville? Il y participe, mais c’est tout un ensemble, avec l’aménagement des quais, des Chartrons. Bordeaux a changé, et les Bordelais aiment enfin leur ville.
Bordeaux est un grand livre d’histoires Oui et celle qui m’intéresse touche la vie quotidienne des gens, qu’on retrouve encore dans les noms de
rues: Maucoudinat, comme vous avez Malcousinat à Toulouse, c’est la rue des tripiers, la rue des Bahutiers celle des menuisiers, la place du Mercadou, celle du marché. Je peste chaque fois qu’on débaptise une rue pour honorer une célébrité qu’on aura oublié dans vingt ans. Conserver leur nom aux lieux, c’est aussi important que pour les produits: l’agneau de Paullac, le bœuf de Bazas, le haricot tarbais...
Ce qui vous retient ici? Je rentre de Singapour, que j’aime beaucoup comme toutes les capitales d’Asie, mais je reviens à Bordeaux et j’ y suis mieux qu’ailleurs, parce que c’est une petite grande ville, et inversement. Randoéditions, à sortir en mars 2011.
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