Revue rom r o m iii

Page 1

ROM III avril 2011. Rome : 1 euro - Kolomyaghi : 40 roubles - San Juan de Arama & La Gorgona : 3500 pesos

les couvertures auxquelles vous avez échappé


2

éditorial

R.O.M. 3 avril 2011

R.O.M. 3 avril 2011

15

feuilleton

éditorial

"la caravane passe - par Mirka Lugosi"

1943 : europe année zéro

Photo, cinéma, enquêtes et analyses Ce numéro 3 parait avec un retard qui, nous l’espérons, sera pardonné par nos abonnés. Nous leur proposons de prolonger les abonnements jusqu’à la fin de l’année 2011. Les mois passés ont permis de préciser les activités de Clémentine et de la société des Amis. Le Fonds de dotation va fonctionner comme un laboratoire et une agence de recherche sur le patrimoine photographique. Les résultats seront présentés non seulement sous forme d’articles illustrés sur papier et sur notre site www.clementine.org, mais surtout sous la forme de courts et de moyens métrages dont le pilote a été présenté à Paris Photo en Novembre 2010. Quelques énigmes récentes associées à des problématiques plus traditionnelles vont constituer l’essentiel des premiers synopsis. Nous pouvons d’ors et déjà annoncer quelques pistes sur lesquelles nos jeunes enquêteurs cinéastes et amateurs vont s’élancer, toujours à partir d’épreuves photographiques ou de documents d’époque.

La liste en est établie selon la nomenclature en vigueur au FDD : 01.0. Paris : brûlé pour une feuille de papier 01.1. Langres : Girault de Prangey 01.1. Langres : Claude-Jules Ziegler 01.1. Un long dimanche de 23 juillet 01.2. Paris : Photographic Madness 01.4. Paris : Premiers photographes de la PJ 03.0. Rome : Les messes noires d’Ascanius 03.2. Rome : A. de B. 09.6. Leningrad : Ligovsky Prospekt 09.8. Leningrad : Soviet Monkeys 10.5. Tlaltizapan, Morelos 11.0. La Fraga : Nicolas Federmann 11.0. Sanctuaire Tayrona : Llanto Sagrado 11.0. Tunja : Gregorio Vazquez 13.0. Jerusalem : Akeldama 13.0. Les Manichéens 15.7. Mantchoukouo de Corto Maltese 16.1. Kyoto : Maître Tchou-Ho-Sou-Hi 16.7. Tokyo : Amnésie Japonaise 19.8. Nébuleuse Andromède 19.8. Raymond Loewy

En hommage à Altiero Spinelli et Ursula Hirschmann, Clémentine conserve manuscrits et documents concernant la construction de l’Europe à travers l’évocation de l’année la plus noire de toute son histoire, 1943, quand fort peu d’Européens gardaient espoir. Voici la suite du feuilleton de l’Inconnu, d’après le manuscrit inédit d’un français volontaire du STO, en apparence convaincu que le futur se construit en Allemagne nazie : “Paris laissé loin derrière. Roulons sur les bords de Marnes. Jolis bateaux, guinguettes fleuries sans accordéons, piscines. Quelques baigneurs. Le train entier est aux portières et regarde nostalgiquement ce paysage banlieusard et dominical. Peutêtre pleurent-ils ? Moi je songe que je roule vers le pays de Mein Kampf, de la SS, des Congrès de Nuremberg aux deux cents projecteurs verticaux. Allemagne, terre de nos illusions aurait dit Vieuchange. Si je sais être fort, belle me sera la vie. Je ne sais pas l’allemand, occasion unique de me prouver ce que je vaux. Je ne serai que ce que je saurai me faire, que ce que je vaudrai. Ma vie sera belle parce que je la veux belle là-bas. Un pays, une civilisation m’attendent. Je les ferai miennes, je serai fort. Que m’importent les guinguettes banlieusardes où pleure l’accordéon dominical ! – je suis assis droit dans mon compartiment. Devant moi se dessine la silhouette du jeune capitaine SS qui habite deux semaines …. ? Vallée de la Marne, tu peux dérouler tes « splendeurs », je te regarde distraitement, je roule vers le national-socialisme. Je vais connaître le pays enchanté. Obligation de remettre en place les bagages qui vont tomber. Et puis les voisins font connaissance. Tout le compartiment parle. Confiance générale. À côté de Guy un jeune qui paraît encore plus jeune. Lunettes à monture d’acier, tout à fait genre séminariste de province. Pour compléter la ressemblance il porte un béret enfoncé droit sur la tête. Parle peu, mais nous apprenons qu’il est charcutier de Nogent-sur-Marne et rejoint l’endroit où son père travaille. Requis S.T.O. – face a moi, deux abrutis.

L’un gros, tout en boursouflures, graisse malsaine, comme soufflée. Le poil raz et rare, il semble dégénéré, porte de lourdes bottes d’infanterie allemande. Ancien du travail en Allemagne, il est permissionnaire et revient. Me semble volontaire. Il parle des bombardements qu’il a connu, il semble mettre une joie malsaine à parler de cadavres, de jambes écrasées, de torses et de têtes broyés. À l’entendre, il était infirmier dans son usine, qu’il dit le gars, très peur pour les malades qui tombent en ses grosses pattes. Celles-ci qu’il a courtes, grosses et velues pétrissent sans arrêt ses rotules. J’éprouve au son de sa voix, à la vue de ses horribles menottes, de son poil clairsemé, de sa boursouflure le sentiment de répulsion et de dégoût que m’a toujours donné l’hippopotame ou le crocodile. Sent mauvais, odeur âcre.

08.7 Gueorgui Kuzmin, Sebastopol

Son voisin, volontaire permissionnaire retournant. Cicatrice qui lui barre le front, poil rare aussi, mais poil plus sympathique. Dégueulis insignifiant. Sent mauvais aussi plus acide. Celui qui est assis à droite du pachyderme au poil antipathique est un brun, 23 ou 25 ans. Complet bleu, nœud papillon. Aspect du parfait fonctionnaire. En fait dessinateur d’aviation requis au S.T.O. en partance pour Graz. Intelligent, dit des choses pas trop bêtes sur l’Allemagne. Jouons aux cartes ensemble... (à suivre)


14

annonces

R.O.M. 3 avril 2011

ROM III 2011 (issn 2108-8179) histoire matérielle de la photographie directeur de la publication : association des Amis de Clementine administration : 4 galerie Vivienne, 75002 Paris la revue est en ligne sur www.clementine.org Contribution suggérée pour les exemplaires imprimés sur papier : 1 euro 6 numéros expédiés par la poste : 30 euros il a été tiré 55 exemplaires numérotés (1 à 55 ) en grand papier, contenant : une épreuve argentique signée de Sveshnikov ainsi qu’un CD gravé de «Ligosky Prospekt»

30 avril John G Morris Photo Diary Journal d’un «Picture Editor» B&G

Ces films tous publics vont, dans un premier temps, servir de supports aux travaux pratiques de formation dispensés par Clémentine. Un projet d’aménagement des locaux du 5 rue de la Banque, présenté par deux jeunes architectes, vient d’être agréé et les travaux vont commencer. La Bibliothèque Clémentine fonctionnera comme un laboratoire de recherche et de consultation avec un accès particulièrement simple. Une collection d’échantillons de papiers de toutes les époques et toutes les origines constituera le centre du département d’analyse et d’expertise. Une exposition et quatre jours de festivités célébreront son ouverture programmée pour la semaine du 21 au 24 septembre 2011. ◾

27-30 avril 2011 le SLAM au Grand Palais Salon du Livre Ancien 5-6 juin 2011 Foire de Bièvres 200 exposants 12 juin 2011 Beaussant-Lefefebvre Collection de Pierre Marc Richard 22 septembre Illustrated News Cent ans de photo-journalisme B&G

12 juillet Benvenuti tutti Binoche et Giquello Cent photographes en Italie 1840-1870

12 décembre 2011 : le cinéma primitif Les photographes témoins du cinéma B&G

3

éditorial

Calendriers des foires et des ventes à venir :

(couverture provisoire)

petites et grandes annonces

Photo de couverture : Sveshnikov Les Barricades d’Août 1991

R.O.M. 3 avril 2011

L'atelier d'encadrement vient de s'installer dans les locaux du 4 galerie Vivienne. Nous proposons un seul modèle particulièrement facile à manipuler et qui se décline en quatre tailles. Une baguette haute en bois naturel et deux feuille de plexiglass qui offrent l'avantage de ne pas se briser et de filtrer la lumière, les UV, complétées d’un passe-partout en carton non acide. Venez le découvrir au 4 de la galerie Vivienne, accès par le 5 rue de la Banque. Une réduction de 15 % est accordée aux Amis de Clémentine◾

sommaire du n°iii - Éditorial et mot des webmasters - Concours lexicographique, page 4 - Actualités Gitanes, 5 - Évidences photographiques, 6-7 - L’invité : Sergey Sveshnikov - Ligovsky Prospekt, 10-11 - Igarka, 12 - Colloque chez Rosphoto, 13 - Calendrier des salons et des ventes, 14 - Europe année zéro, feuilleton, 15

La Russie informatique L'influence de la Russie est multiple, une telle puissance, un cinquième des terres émergées, de telles réserves naturelles ne peuvent que peser suer la planète, et l’univers virtuel n'échappe pas à la règle. L’internet russe est un iceberg informatique impénétrable avec ses multiples strates. Son aspect formidable au sens poétique stupéfie le voyageur imprudent qui se hasarde et s'interroge. Un réseau immobile et puissant, qui rassemble tous les visages de la société russe, avec ses stéréotypes de magazine ou de cinéma, depuis la blonde fatale, ni Nikita ni Matriochka, un fantasme dangereux pour le geek occidental en mal d'amour, jusqu’au hacker russe sans scrupule, nouvel avatar du bolchevik qui aurait troqué le couteau entre ses dents pour un clavier de virtuose ! Derrière ces images forcement réductrices, la réalité russe résiste encore et toujours aux analystes et ne diffuse que peu de clés qui permettraient sa compréhension. Il est malaisé de percer son permafrost même lorsqu’on se nomme Hélène Carrère d'Encausse. Imaginez combien cela est encore plus vrai dans le monde déjà nébuleux de l'informatique, aussi vaste que les plaines de Russie où s’est enlisé plus d'un envahisseur. Une explication nous semble tenir la route : la Russie serait à la fois la solution et le problème, la maladie et le remède. La Russie distribue hackers et virus comme elle les combat avec rudesse, dans une ambivalence toute slave, teintée d'orgueil et de générosité. Ce détachement, cette indifférence à dispenser aussi bien des bienfaits que des menaces fait de la Russie un pays fascinant sur Internet comme ailleurs. Bruno et Étienne


4

clémentine

R.O.M. 3 avril 2011

concours lexicographique Les remarques récentes d’un amateur passionné au sujet de la difficulté de lire des notices rédigées en langue anglaise nous invitent à nous pencher sur l’enjeu du vocabulaire descriptif du patrimoine photographique. Prenons le terme vintage. Même s’il provient à l’origine de la langue française, il n’ a aujourd’hui que de rares équivalents dans le monde viticole : millésime ou dans le domaine des frippiers de luxe : déjà porté. En photographie on rencontre les expressions : épreuves originales, de collection, d’occasion, de seconde main, anciennes, d’époque, d’archives, d’artiste, autant de termes correspondant à des notions juridiques et fiscales précises mais distinctes, et que le mot anglais générique unifie pour le meilleur et pour le pire.

Giorgio Sommer, Si traduce il francese, 1860

La protection du patrimoine photographique mérite certainement la création d’un vocabulaire en langue française. L’institution nationale du quai Conti a accordé deux sièges aux photographes en élisant Lucien Clergue et Yann Artus-Bertrand dans sa classe de l’Académie des Beaux-arts en 2006. Peut-on proposer d’intégrer quelques termes de l’histoire de la photographie au dictionnaire de l’académie ? Un abonnement de deux ans au grand papier recompensera l’éventuel lauréat. Vous êtes invités à envoyer vos propositions à vocabulaire@clementine.org ◾ En Angleterre, Talbot photogenic drawings sont baptisés calotype, tandis que le terme Photography est suggéré par Sir Charles Wheatstone dès janvier 1839, dans une lettre à WHF Talbot précédant d’un mois une communication de Sir Hershel. Dans la France partagée entre partisans de Nièpce et de Daguerre, les amateurs raffinés, adeptes de procédés sur papier, préférent au terme calotype celui d’héliographie proposé par Nicéphore, et ils décrivent comme des héliographies sur métal les productions de l’autre camp. Les émules de Daguerre ne vantent que leurs daguerréotypes. On rencontre quelques rares utilisations du terme daguerréotype pour des épreuves sur papier au début des années 1840. Le terme photographie semble adopté en France seulement après le coup d’état du 2 décembre 1851 qui entraîne, parmi de nombreuses transformations de la société française, celle du nom de la Société Héliographique en Société Française de Photographie. Les amateurs esthètes sont remplacés par les entrepreneurs et marchands de matériel. La revue La Lumière change de contenu, et dorénavant utilise de manière systématique le terme photographie.

journal de clémentine

13

quand la photographie entre au musée Les soirées de Saint Pétersbourg, Octobre 2010. Les Amis de Clémentine avait répondu à l’appel de Zakhar Kolovski, directeur de l’agence russe Rosphoto, Bolchaia Morskaia 35, SPb, organisatrice d’un premier seminaire sur la conservation et l’exposition des épreuves photographiques muséales. Six intervenants avaient donc fait le voyage depuis Paris. Ils avaient été précédés par 40 épreuves des années 1848-1870 de la collection Clémentine formant une exposition inscrite au programme de l’année France-Russie. Voici un résumé du colloque : mercredi 13 octobre ZAKHAR KOLOVSKI, ouverture du colloque MICHEL FRIZOT (PARIS). Genèse et choix des épreuves de la Nouvelle Histoire de la photograpohie FRANCESCA BONETTI (ROME) Constitution des collections photographiques romaines sous le Pape Pie IX Sensible à la lumière : Nicéphore Nièpce et la photographie, Film écrit par Michel frizot, réalisé par JeanMichel Sanchez, projeté et commenté par l’auteur

Valery Valran, historien russe

Michel Frizot, avec notre aimable traductrice

jeudi 14 octobre SERGE PLANTUREUX (PARIS). Proposition d’un repère systématique en 9 périodes et 19 zones pour organiser une collection générale de photographies SERGE KAKOU (PARIS) La photographie de voyage au XIXème siècle, l’exemple de l’Océanie Atelier pratique, analyse matérielle des épreuves

vendredi 15 octobre VALERY VALRANOROV (ST-PB) Histoire du mouvement Underground de Leningrad, les deux Boris, Smelov et Koudryaokov

Francesca Bonetti avec la même

MODÉRATEUR : ZAKHAR KOLOVSKI Débat : Quelles photographies pour quels musées? Prochains colloques en préparation : octobre 2011 : Doha janvier 2012 : Toronto Mars 2012 : Mexico Janvier 2013 : Moscou Mars 2013 : Kyoto ◾ Serge Kakou et Serge Plantureux.

journal de Clémentine

Un concours est ouvert, pour tenter de trouver les expressions et les mots les plus justes pour lever les ambiguïtés, convenir du patrimoine à sauvegarder.

Retrouvons une richesse de vocabulaire pour désigner ce que nous appellions hier une “photographie” et qui n’a rien de commun avec les milliards d’images numériques produites chaque jour.

R.O.M. 3 avril 2011


12

publications

l’album d’igarka En 1929, alors que l’Occident est plongé dans une crise financière, Staline engage l’URSS dans la conquête du Grand Nord. La route maritime sevmorput ouvre sur la mer Blanche la voie commerciale de la Sibérie. L’entreprise est bientôt supportée par la multitude des condamnés politiques créés par la loi de terreur de décembe 1934. Igarka est l’une de ces villes neuves fondées en marge des camps de travail. Les photographies prises par la secrétaire du comité exécutif d’Igarka, Agnia Krasnopevkova, témoignent de la vie des prisonniers. On peut les rapprocher de l’article publié par H. P. Smolka en avril 1937 dans The Geographical Journal : “à cette époque, les journaux parlaient souvent de travail forcé. Je ne peux pas dire quelles étaient les conditions à ce moment-là (...) Les (koulaks) (...) peuvent difficilement être distingués des travailleurs libres. Il n’y a pas de garde”.

R.O.M. 3 avril 2011

5

actualités gitanes

nationale 7

01.6 Germaine Krull

La collection Clémentine vient de recevoir un don anonyme de trois épreuves des années 1929-1930. Alors qu’elle travaillait pour une commande de l’éditeur FirminDidot sur un ouvrage illustré intitulé la route de Paris à la Méditerrannée, Germaine Krull qui voyageait accompagnée du chef de service photographique Florent Fels, documenta plusieurs campement de Gitans rencontrés le long de la nationale 7.

01.6 Florent Fels

Par ailleurs, on annonce la sortie imminente, presqu’un an jour pour jour après une malencontreuse directive de l’administration française visant les Roms, d’un ouvrage coédité par les Amis de Clémentine et AMC, (Archive of Modern Conflict), consacré aux portraits de gitans rencontrés par des soldats de la Wehrmacht ou de la waffen-SS, sur le front de l’est, entre 1941 et 1944 ◾

la valeur des choses Chaque numéro de ROM accueille un poème ou une histoire sur la perception qu’ont les gitans de la valeur des choses et leur transmission du patrimoine. “Elonga. Elle ne voulait pas vivre ailleurs que dans une caravane. Elle avertit son mari : “si tu achète une maison, je casse tout.” Il achète une maison.

Dès qu’il est parti, elle prend un marteau et casse tout à l’intérieur de la maison: les fenêtres, les portes, elle arrache le papier à mur. Quand son mari revient, il ne comprend pas. Elonga : Je t’avais prévenu. Maintenant, la prochaine fois que tu sors, je la brûle.”◾ Alexandre Bouglione Un peuple de promeneurs, 1998

actualités gitanes

Aujourd’hui, le musée du Goulag au milieu des boutiques de luxe de Moscou a pris le parti d’une reconstitution terrifiante, spectaculaire, fils barbelés et miradors. Face à cela, les modestes épreuves d’époque semble plutôt donner raison à Smolka. Il s’agit d’apprécier le non-dit, la contradiction, voire l’euphémisme, résumé par Soljenitstyne dans une définition des camps invisibles, “ lorsque le camp est implanté dans le corps même d’une grande ville, au sein-même de Moscou, il est rendu invisible par le monde qui l’entoure, qui l’enveloppe ”◾ Sorana et Annabel, étudiantes Master II

R.O.M. 3 avril 2011


R.O.M. 3 avril 2011

évidences photographiques

R.O.M. 3 avril 2011

du monde entier

Le panorama de Ligovsky Prospekt est composé d’une centaines d’épreuves assemblées en 1933 sur 23,80 mètres par l’architecte sovietique Nikolay Khomoutetski (1905-1973). Cette fresque est chargée d'histoire et fait le lien entre l’actuelle Russie et l’URSS des années 1930 au moment où celle-ci basculait de l'utopie communiste à la terreur stalinienne, document inédit d’un boulevard de Leningrad, témoin de l'histoire de l’urbanisme soviétique.

11

Cette partie de la ville a été en grande partie épargnée lors du blocus et ce qui était au départ un document de travail est devenu le témoin du rêve des projets de création d'un avenir meilleur ◾

image positive créée sous photoshop

évidences photographiques

6

Une enquête passionnante a commencé. Le laboratoire en création de Clémentine a été saisi d’une demande d’analyse sur un lot de calotypes négatifs représentant des arbres et des futaies. Ces négatifs sont visiblement sur des papiers anciens et selon des procédés publiés à la fin des années 1840. Aucun doute que les puissantes machines à infra-rouge ou rayons-X confirmeront ce que l’oeil nu perçoit déjà. Voici la première interrogation soumise aux débats : De manière générale, les altérations et les saletés de certains négatifs sont les stygmates du temps. Dans le cas précis du négatif papier reproduit ci-contre, plusieurs dépots de saleté ont généré des disques ou des auréoles blanches autour des dépots. Ces impuretés ont donc contrarié la réaction chimique. Ce qui permet d’affirmer qu’elles étaient présentes sur la feuille se papier avant la succession des opérations qui l’ont transformée en calotype négatif. La révélation de l’image négative en a été altérée. Quelles pouvaient donc être la motivation et l’intention d’un photographe qui a ainsi priviliégé l’utilisation d’une feuille impropre et souillée ?

Le documentaire sur ce panorama de Ligovsky Prospekt conservé dans les collections de AMC a été inauguré au salon Paris-Photo en novembre 2010. Un CD numéroté et signé par les deux auteurs est joint aux 50 exemplaires du Grand Papier de ROM 3. La vidéo est consultable sur www.clementine.org ou www.youtube.com/watch?v=17A5JF3zn18.


10

R.O.M. 3 avril 2011

du monde entier

R.O.M. 3 avril 2011

7

évidences photographiques

ligovsky prospekt

du monde entier

Romain Renault et Lyes Hammadouche avec l’aide d’Anastasia Chapovalova et de Guillaume Ingert. Voici quelques extrait du Making-of :

“Le travail d’animation d’un document historique nous a demandé une étude du contexte dans lequel il a été commandé et réalisé. Il s’agissait en effet pour nous de faire ressortir les traits originaux et les mettre le doigt sur les différents stigmates afin de les rendre visibles. Nous nous sommes replongés dans la Russie révolutionnaire et bolchévique pour nous inspirer du graphisme, des slogans et affiches de la propagande pour marquer les bouleversements que Ligovsky traversait. Dès le début du projet il paraissait évident que le script devait avoir comme trailer la rue ellemême, elle est ainsi devenue une pellicule de cinema. Les bâtiments sont devenus des acteurs, celui qui a demandé le plus de travail est l’église qui devait être rasée pour laisser place à une station de métro. L’accord le plus difficile fut de donner le rythme au défilement tout en préservant celui de la lecture, il fallait préserver les suspsens et les respirations, cela nous a donné l’idée de la tache de sang sur Kirov par exemple, un visuel qui soulignait le sens du texte”. Pour aider nos contemporains à se repérer, Clémentine avait dépêché un envoyé spécial sur le boulevard actuel, il raconte : «Du retard, je m’engouffre furtivement dans la bouche de métro la plus proche. Un trajet bref puis une sortie longue et douloureuse vers le froid, l’agitation de Ligovsky Prospekt. Un rendez-vous inopiné, et finalement annulé, la rencontre d’un indigent Ouzbeck au regard pesant, insistant… Un accent personnel dans une voix roquailleuse,

des yeux au chromatisme vague, bleu, gris, doré ou tout à la fois. Il m’inquiète, je le fuis en marchant une centaine de mètres en direction du prestigieux Hôtel Octobre. C’est de là que je débute mon sacerdoce au service du son et des images. Prendre, comprendre puis retranscire l’essence de cette mythique artère pétersbourgeoise. Je pense au jeune peintre Pisakriov et au lieutenant Pirogov dont les aventures sur la toute proche Nevski Prospekt dans la nouvelle de Gogol sont pleines de détails qui, ici, semblent avoir traversé les siècles et la postérité littéraire. Dans cette lutte qu’est la création, les avancées technologiques telles que le microphone d’Alexander Graham Bell ou la camera Pathé Baby me semblent constituer des alliers de taille. Un temps d’observation, une attention particulière portée aux va-et-viens louches et incessants de la police locale et je peux enfin shooter en plans fixes, les nombreux immeubles qui bordent Ligovsky. Mon impression était la bonne, la lumière crépusculaire, caractéristique des fins d’après midi de l’automne russe illumine l’avenue ainsi que les facades des lourds batîments, parfois largement décrépis. Des silhouettes de passants, des visages intrigués ou moqueurs obstruent épisodiquement mon objectif. Lorsque ma mission fut menée à terme après quelques heures de travail et des jambes raidies par le froid, je décide enfin de quitter les lieux en me dirigeant péniblement vers mon hotel, à l’autre bout de la ville» ◾

Négatif papier étudié

Le premier court-métrage produit par Clémentine a été réalisé par deux jeunes étudiants de l’école des Beaux Arts de Paris,

(de Guillaume Ingert, envoyé spécial)

Présence d’auréoles blanches autour des impuretés : Les dépôts de saleté étaient déjà présents au moment de la sensibilisation de la feuille de papier.


8

l’invité

R.O.M 3. avril 2011

R.O.M. 3 avril 2011

l’invité

9

Cергей Cвешников “Analog photography interests me much more than digital because it has a much wider range of possibilities. Analog photography, made using film, starts with choosing a subject. First of all, a clear plan, a story appears in photographer's head. As far as portraits are concerned, I am most interested in elderly people whose faces bear traces of the life-long workings of their hearts. Shooting a portrait splits you into two persons. One is in contact with the sitter, joking with him: after all, I am not shooting behind his back. The second person is laid-back and cynical in watching the light, the shadows, the angles. It is difficult at first to be two people at the same time, but eventually it absorbs you.” Sergey Sveshnikov

Sur les traces de Raskolnikov et de Boris Smelov, toits de Saint-Pétersbourg, septembre 1985

Sur les barricades devant la Maison Blanche à Moscou, nuit du 20 août 1991. Le 19 août 1991, un jour avant que Gorbatchev et un groupe de dirigeants des Républiques signent le nouveau traité d'union, un groupe se faisant appeler le Comité d'État pour l'état d'urgence essaya de prendre le pouvoir à Moscou. Des manifestations contre les dirigeants du coup d'État se déroulèrent à à Leningrad et à Moscou devant la Maison blanche, le parlement russe.

Сергей Свешников

Мне очень нравились фотографии Карла Блоссфельда и Марии Панич. Блоссфельд создавал очень резкие и отчетливые - так сказать, портреты растений. Панич - нерезкие, мерцающие листы, где все сливается в стелящийся ковер. Если говорить о портрете, то мне интересны пожилые люди, на лицах которых запечатлены все их душевные движения за прожитую жизнь. Когда делаешь портрет, раздваиваешься. Один человек общается с героем, шутит - я ведь не из-за угла снимаю. А другой отстраненно и цинично наблюдает за светом, тенью, ракурсами. Вначале раздваиваться трудно, а потом очень увлекательно”. Сергей Свешников фотограф из Санкт-Петербурга


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.