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Expo vue
Pionniers de la photographie en Suisse romande
Michèle Auer Ory et Michel Auer (Fondation Auer Ory) et la Maison Tavel (MAH) ont eu la bonne idée de nous proposer de parcourir les diverses étapes du début de la photographie en Suisse romande et de découvrir les démarches de ces pionners. Une façon originale d’accéder aux trésors que représentent les premières images réussies, parfois après de nombreuses tentatives, avec les procédés d’alors. Ainsi, dans les diverses salles du sous-sol de la Maison Tavel, le visiteur passe, happé par un décor géant, devant les cimaises et parois sur lesquelles sont exposés tirages et documents originaux signés par les précurseurs des procédés photographiques. François d’Albert Durade - Bourg-de-Four - Calotype
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Leurs prises de vue, au cadrage appliqué, permettent d’admirer des situations et des lieux, dont on reconnaît encore aujourd’hui certains emplacements. d’anciennes topographies urbaines, aux paysages lacustres, aux panoramas montagneux mais aussi à des images rapportées de contrées lointaines. Ces premières images avaient pour but de faire découvrir et de partager des scènes d’architecture, de nature et du quotidien. Elles nous permettent toutes de suivre l’histoire de la photographie, liée à l’évolution de la technique, des premiers daguerréotypes – vues uniques et coûteuses sur plaques métalliques – aux supports négatif/positif qui vont se généraliser. C’est que la photographie, dès son invention en 1839, a suscité un engouement sans précédent. Une large sélection de 200 images, réalisées entre 1840 et 1860, présentées par catégorie et par procédé, offre un panorama très intéressant de ce que furent les premières images ou tirages photographiques réussis par ces pionniers.
Pionniers de la photographie

L’exposition rassemble des documents rares, des œuvres originales, illustrant cette période d’innovations où toutes les tentatives sont liées à une technique sans cesse en évolution. En passant de la chambre noire au grand jour, ces précieuses photographies entrent dans la postérité. Le visiteur remarque, au delà de l’intérêt des sujets, que ces œuvres font ressortir une approche très esthétique.
L’expansion de la photographie passe ensuite d'une expérimentation scientifique pour amateurs éclairés à un exercice

professionnel. Les premiers ateliers, de daguerréotypie d’abord, voient rapidement le jour et à Genève. En 1860, on répertorie une vingtaine de studios réalisant des daguerréotypes, puis des tirages papier. Ces ateliers produisent majoritairement des portraits mais aussi des vues et reproductions d’objets d’art. Au détour d’une salle, voici l’occasion de nous replonger dans un studio consacré à la photographe de personne : en effet le travail de portrait rencontrait un joli succès auprès d’une population aisée.
Cette exposition est surtout un formidable hommage aux photographes qui, dès les premières années, ont cherché à démontrer tout le potentiel de l’invention. Anonymes ou devenus célèbres (Sébastien Straub, François d’Albert Durade, Auguste Garcin, Jean-Gabriel Eynard, Paul Vionnet, Frédéric Boissonnas, etc.), ils sont parvenus, avec leurs magnifiques photographies, à convaincre leurs contemporains de l’esthétique autant que de l’utilité de la photographie. Qu’ils en soient remerciés.
Eric Boillat
Pionniers de la photographie
Si cette cette exposition à la Maison Tavel a été une excellente occasion de nous faire connaîtres les pionniers romands, n’est-il pas tout naturel de revoir aussi nos connaissance quant aux grandes étapes de l’invention de la photographie ?
1826
Nicéphore Niépce réalise, avec un appareil de sa conception, une vue positive depuis la fenêtre de sa maison de Saint-Loupde-Varennes. Ce Point de vue de Gras (cidessous) est reconnu comme la première photo de l’histoire de la photographie.
1831
Jacques Daguerre réalise ses premières prises sur plaques de cuivre recouvertes d’une couche photosensible d’iodure d’argent, l’image étant ensuite fixée grâce à du sel marin.
1834
L’anglais William Fox Talbot utilise le principe de la chambre noire et de la chambre claire pour dessiner. Il met au point un procédé à base de papier imprégné de nitrate d’argent et fixé au sel et arrive à obtenir une image à la tonalité inversée, l’ancêtre du négatif.

1839
François Arago révèle à Paris l’invention du daguerréotype, mis au point par Louis Daguerre et amélioré par Niépce. Talbot fait part de ses propres travaux à la Royal Society de Londres. Il sera le premier à utiliser le terme de photographie.
1840
Talbot met au point le procédé de calotype, développement de l’image latente, réduisant le temps de pose à une dizaine de secondes. Il dépose l’année suivante des brevets pour protéger son invention.
1846
Louis Ménard, chimiste français, découvre le collodion : nitrate de cellulose dissous dans un mélange d’éther et d’alcool qui, une fois étalé, prend la forme d’un film solide et transparent.
1847
Abel Niépce, physicien et chimiste français, met au point un procédé pour obtenir un négatif à base d’albumine (blanc d’œuf)et de sel d’argent sur une plaque de verre.
1850
Gustave Le Gray reprend ce concept et utilise le collodion au lieu de l’albumine, et poursuit ses recherches sur le développement du négatif papier.
1851
Frederick Scott Archer publie ses résultats d’un procédé au collodion humide. Il est en considéré comme l’inventeur. Il progresse avec l’adaptation du vernis noir sur une plaque métallique appelée ferrotypie.
(suite) Pionniers de la photographie
1858
Felix Tournachon, connu sous le nom de Nadal, fait breveter un procédé de photo aérienne. Sa première vue sera réalisée depuis un ballon au dessus de la Bièvre.
1869
Louis Ducros du Hauron et Charles Cros présentent chacun un procédé similaire de prise de vue et de tirage en couleur utilisant la synthèse soustractive (procédé trichrome).
1871
Richard L. Maddox réussit l’utilisation de la gélatine, plus facile et moins nocive que le collodion, et publie sa découverte de l’émulsion sèche, qui va ensuite conquérir le monde.
1878
L’Anglais Edward James Muybridge reproduit, avec 40 appareils chronophotographiques, le mouvement d’un cheval au galop.
1881
En Suisse, un scientifique et un photographe, Hermann Fol et Frédéric Boissonnas (photo ci-dessous) pressentent l’essor des divers procédés et créent la Société Genevoise de Photographie (notre SGP ! )
1888
La société américaine Kodak, fondée par George Eastman, commercialise les premières pellicules souples, exploitant les techniques du gélationo-bromure d’argent sur des supports transparents.
1889
Le Congrès de Paris défini la normalisation des durées d’obturation et des nombres N déterminant l’ouverture du diaphragme, ainsi que les premiers formats standardisés des plaques.
1904
Les Frères Lumière déposent le brevet de l’autochrome, un procédé couleur utilisant la synthèse additive sur plaque de verre utilisant la fécule de pomme de terre. A compter de 1907, les usines des Frères Lumière, à Lyon, produisent 6’000 plaques d’autochrome par jour, soit au total plus de 50’000 millions de plaques en vingt-cinq ans de production.
1936
Le premier appareil reflex mon-objectif 24x36 est dévoilé à Liepzig, le Kine Exakta.
1975
Réalisation de la première prise de vue numérique par Steve Sasson, ingénieur chez Kodak mais dont la société a, à l’époque, décidé de ne pas développer le procédé. Eric Boillat

Un don à l’humanité - L’Etat français acquiert l’invention de la photographie le 14 juin 1839, après la présentation de François Arago à l’Académie des Sciences, et fait voter le 7 août 1939 la « Loi sur la Photographie ». Il décide de faire don du brevet de la photographie au monde entier.