Mémoire sur Michal Batory par Simon Foucher

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MICHAL BATORY

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MICHAL BATORY


SOMMAIRE BIOGRAPHIE Michal Batory, affichiste Polonais

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PRATIQUES ET TRAVAUX Gaphiste lyrique

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ANALYSE D’UN TRAVAIL Le sexe dans la communication

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RÉFLEXION Le rôle des figures de style dans la communication

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BIO GRAPHIE


MICHAL BATORY Michal Batory est un graphiste dont la renommé n’est aujourd’hui plus à faire. Tout le monde connait ou à déjà vu au moins l’une de ses affiches dans les rues parisiennes ou ailleurs. Originaire de Pologne, il s’installe en France à la fin des années 80, travaillant au départ dans quelques agences puis se mettant à son propre compte. Il travaillera principalement pour des institutions culturelles comme le Théâtre National de Chaillot, le Théâtre National de La Colline, l’Arsenal de Metz ou encore l’IRCAM (Institution de Recherche et Coordination Acoustique/Musique). Il se distingue par sa capacité et son talent à transformer les choses simplistes du quotidien en quelque chose de merveilleux. Tout y passe : épluchures, pétales de fleurs, morceaux de bois, sacs plastiques, cornet de frites, serviette de table… C’est un maestro du collage et du détournement d’objets. Il réalise des images ludiques, d’une efficacité redoutable et dont l’impact communicatif est sans appel.

1959 Né le 25 août 1959 à Lodz, troisième plus grande ville de la Pologne.

1998 Prix national de l’affiche culturelle pour son affiche Le siège de Leningrad (France, 1998).

1979 Baccalauréat obtenu dans un lycée d’Art où il suit cinq ans de formation artistique.

1999 Deuxième prix du festival international d’Affiches de Chaumont pour l’affiche « Ircam-EIC ».

1979-1985 Étudie à l’école Nationale des Arts Plastiques à Lodz. Obtient son diplôme en graphisme, spécialité affiche, notamment grâce à son projet d’affiches pour le festival de jazz de Varsovie.

2001 Troisième prix du Festival d’affiches de Sofia pour l’affiche du Festival Agora de l’Ircam.

1987 Arrive en France suite à l’obtention d’une bourse du ministères des Arts et de la Culture. 1989-1993 Travail dans différentes agences, pratiquant le graphisme de la façon la plus étendue possible : identité visuelle, signalétique, édition… 1990 Il participe à l’exposition « Vive les graphistes ». 1991 Création de l’identité visuelle de la médiathèque Jean-Pierre Melville à Paris ainsi que du le logo de l’Agence française de lutte contre le sida. 1992 Met en place une signalétique pour la Direction des Musées de France. 1993 Réalisation d’une identité visuelle et d’un logotype pour la Caisse Nationale des monuments historiques. 1994 Il s’installe en indépendant et remporte la communication de l’exposition “Fil d’Argent” à la Cité des Sciences et de l’Industrie. Ce succès lui permettra de se faire connaître auprès des théâtres, en premier lieu le Théâtre National de la Colline, son premier client de haute d’envergure. 1994- 1997 Il créé l’identité visuelle du Théâtre National de la Colline. 1995 Entame une collaboration avec la maison d’édition Drzewo Babel à Varsovie (Pologne). 1996-2002 Il réalise la ligne graphique (affiches de saisons, publications, CD…) pour l’IRCAM et l’ensemble intercontemporain. En parallèle il travail pour le festival Agora, au Centre Georges Pompidou.

2001-2004 Collaboration avec L’Arsenal, à Metz (centre national culturel). Pour ce projet il collabore avec le célèbre Ronald Curchod. Chacun réalisant en alternance l’affiche du mois. Si le visuel illustre un des spectacles du mois, l’affiche renseigne également sur la programmation exhaustive du mois. 2001-2008 Il réalise le graphisme de trois collections de CD : Signatures, Tempéraments, MFA, éditions Radio France. 2001 – 2009 Débute comme affichiste au théâtre national de Chaillot. 2004 1er prix au concours international de l’Affiche et des Arts graphiques de Chaumont pour l’affiche, Power book. Il expose également une rétrospective à la Galerie Anatome. 2005 Débute sa collaboration avec le Centre des Arts d’Enghien-les-Bains. Il travaille en parallèle sur la communication du festival annuel Bain numérique, qui se déroule sur le lac de la ville. 2008 Création de la ligne graphique pour le Forum des Halles, Paris 2008. Médaille d’argent à la Biennale International de l’affiche, Chicago, États-Unis. Prix à la Biennale International de l’affiche, Mexique. 2010 Il fabrique la Kalachguitare de Claire Diterzi qu’elle utilise sur scène. Crée des couvertures pour la collection Librio des éditions Flammarion ainsi que pour la collection Petits quiz entre amis des éditions Belin. 2011 Première exposition aux Arts Décoratifs.

1996 Prix du public au Festival de Chaumont pour son affiche La femme sur le lit, Théâtre de la Colline.

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PRATIQUEs ET TRAVAUX


GRAPHISTE LYRIQUE Le travail de Michal Batory est majoritairement, voir entièrement, ancré dans le champ culturel puisque ses clients sont des théâtres ou des salles de spectacles. Ses créations visuelles sont essentiellement destinées à la rue et ont pour but de promouvoir un spectacle ou un évènement particulier. Comme tout graphiste, il répond principalement à une commande, devant prendre en compte un cahier des charges et n’a pas de contrôle total sur ce qu’il fait. Ses principaux clients sont l’Arsenal de Metz, le Théâtre National de Chaillot et le Teatr Polski de Poznan en Pologne, pour qui il créé une vingtaine d’affiches par an, ainsi qu’une multitude de catalogues, brochures, cartons d’invitations. Michal Batory est connu pour son lyrisme et ses créations métaphoriques où l’hybridation vient faire naitre une sorte de poésie visuelle à laquelle personne ne peut rester insensible. Il a à coeur de donner du sens à ce qu’il fait et ne supporte pas la création gratuite et superficielle. Mais pour mieux comprendre cela, commençons par le commencement...

UNE DOUBLE IDENTITÉ CULTURELLE Dans un premier lieu et pour mieux comprendre son travail, il est nécessaire de s’intéresser de près à l’histoire de l’affiche polonaise. Lui-même ressortissant de cet état d’Europe centrale, son travail poursuit celui des graphistes de son pays : il est directement influencé par le travail de Roman Cieslewicz (1930-1996) qui était à la tête d’une très originale école d’affichistes. L’affiche polonaise a toujours existé mais lorsque l’on en parle en tant que mouvement, on fait principalement référence à la période 1946-1985. Elle eut un fort impact, un impact international, sur le monde de graphisme — au même titre que l’école dwu Bauhaus — puisque les jeunes graphistes s’inspiraient tous plus ou moins d’elle. L’interrogation principale qui survient est alors la suivante : pourquoi la Pologne s’est imposée comme la patrie où tout a véritablement commencé pour l’affiche moderne ? La réponse est à la fois artistique et politique. On parle souvent à tort d’un style de « l’Affiche polonaise », alors que le style de Cieslewicz ne pouvait pas être confondu avec celui de Swierzy ou Starowieyski. L’unique point commun entre ces artistes était une volonté créative et une facilité à s’affranchir des codes aussi bien typographiques que graphiques. Cette liberté confère aux affiches une puissance visuelle telle que des années après elles paraissent toujours aussi contemporaines. À une époque où le capitalisme était vu comme le Bien absolu et que le communisme était, selon Reagan, « l’empire du Mal », l’Ouest caricaturait le régime des pays dirigés par Moscou. Si la manipulation des médias était effectivement monnaie courante, cela n’a en réalité pas empêché la Pologne de développer son art de rue, bien au contraire. Il faut savoir qu’à cette époque le pays était ravagé, presque rayé de la carte, car ruiné et vidé par l’Allemagne et la Russie. Pour continuer d’exister la Pologne essaya de survivre au travers sa culture et sa langue, notamment par le biais de la littérature et des images.

Cieslewicz, Platonow, 1962

Affiche polonaise pour le film Tootsie

II n’y avait pas de publicités poussant à la consommation pour un quelconque nouveau produit exceptionnel puisque seules les affiches culturelles pour le cinéma, les pièces de théâtre, ou pour la propagande communiste étaient autorisées. Pour exprimer leurs opinions sans risque de représailles ou de voir leur travail jeté aux oubliettes, les artistes affichistes devaient coder visuellement ce qui ne pouvaient pas être dit verbalement. La difficulté était de mettre en place des images que tout le monde pouvait comprendre, tout en évitant d’attirer l’attention des autorités. Ce jeu de cache cache donna naissance aux premières métaphores visuelles et contribua petit à petit à créer une vraie culture indépendante de l’image. C’est ainsi que naquit le paradoxe des affiches Polonaises qui témoignaient d’une grande liberté par le biais d’un média hyper-censuré. Michal Batory n’est pas resté insensible à cette culture visuelle qui est celle de son pays d’origine. Voir dans la rue ces affiches était pour lui un pur

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Waldemar Swierzy, Chicago Poster Biennial Association , 2008

Starowieyski, Rewizor, date inconnue

Affiche américaine pour le film Tootsie

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bonheur. Toujours aussi présentes dans les années quatre-vingt, elles étaient plaquées sans complexe et redonnaient des couleurs à un paysage sombre et très gris, une once de couleur à la tristesse d’un monde sans joie. À Lodz, il apprit grâce à ses professeurs les fondements de cette particularité polonaise, que ce soit la liberté typographique, la centralisation des images ou l’épuration de tout élément ostentatoire. Il n’aura pas non plus échappé à l’art des artistes constructivistes tels que Rodchenko en russie, Lissitzky ou Strzeminski.

prêtes à l’exploitation et le théâtre peut ainsi avoir une affiche en une demie-heure. Mais il n’y aura pas de travail de fond sur le sujet et le résultat ne sera que superficiel. UN GRAPHISTE JOURNALISTE Pour réaliser ses affiches, Michal Batory suit toujours le même processus créatif. Puisqu’il cherche à donner une réflexion intellectuelle à son travail et travail sur deux niveaux de lecture, il y a tout un travail à faire en amont de la réalisation visuelle. Il s’imprègne de son sujet et devient une vraie éponge humaine. Il ne se lance jamais dans un travail sans connaître les différents enjeu de son sujet et pour ce faire il réalise un véritable travail de journaliste. Il va personnellement à la rencontre du metteur en scène de la pièce pour laquelle il doit réaliser une affiche afin de saisir le sens de l’histoire et les messages forts que véhicule le spectacle...Il veut maitriser le sujet sur le bout des doigts. Il rencontre les danseurs si danseurs il y a, les acteurs ou tout autre protagoniste et se documente beaucoup sur le sujet à représenter car jamais il ne réalisera une image sans avoir, au delà de la question esthétique, un message supplémentaire à faire passer, un sens caché à faire découvrir au public. Michal Batory explique lui-même que travailler pour des institutions culturelles n’est pas chose aisée puisque pour réaliser une bonne affiche, il faut être capable de représenter 300 pages d’une pièce, ou deux heures de représentation, en une seule image au format bien défini. Il faut avoir cette capacité à ne garder que l’essentiel pour

Les affiches polonaises d’aujourd’hui semblent majoritairement avoir gardé leur identité si particulière et contrastent avec les affiches que nous pouvons observer en France ou en Amérique. En effet, alors qu’en Pologne on privilégie le message, la qualité et l’aspect esthétique, en France les affiches ont plutôt un aspect strictement fonctionnel. On utilise systématiquement la photo, mettant les acteurs principaux en gros plan et les accompagnant du titre du film. Michal Batory, de par sa double identité culturelle, fait un mélange de ses deux manières de penser. Il utilise tous les codes de l’affiches polonaise mais préfère l’utilisation du médium photographique pour y parvenir. Cela amène selon lui une plus grande clarté de l’image et une efficacité immédiate. DE L’ARTISTE À L’ARTISAN Au départ, le jeune polonais était entré aux BeauxArt et se destinait à métier en lien avec la gravure et la lithographie. Mais en troisième années son destin changea. À force de voir des affiches parsemées un peu partout dans les rues, il réalisa le potentiel de la diffusion à grands tirages. L’art de la gravure ne destinait qu’à être vu par un petit nombre et lui souhaitait que son travail soit le plus universel possible.

en dire beaucoup, à synthétiser toute une histoire par un visuel figé. Le graphisme déclarera même dans une interview, pour le site internet High-D, avoir une sorte de don. En effet, lorsqu’il lit le texte d’une pièce ou le résumé d’un spectacle, il lui vient immédiatement des images en tête, des idées à exploiter, qui une fois creusées s’avèrent souvent être le bon choix final.

« Pour trouver l’idée d’une affiche je dois d’abord recueillir le maximum d’informations sur le sujet que j’ai à traiter. Je lis, je rencontre les metteurs en scène, les chorégraphes. Après ce travail de documentation, je réalise dix à quinze croquis. Dans le croquis, tu peux tout imaginer. Après, je choisis une ou deux bonnes pistes et je commence à les réaliser. A ce moment là une nouvelle question se pose : comment réaliser cette idée ? Est-ce la peinture, la photo, l’un et l’autre ? » Une fois ses idées en tête, il s’empresse donc de les dessiner sous forme d’esquisse, de croquis ou de façon plus élaborée, puis succède tout le travail plastique qu’il prendra finalement en photographie.

Michal Batory, Hamlet, 2006

« Ma galerie, c’est la rue » L’affiche lui permet d’intégrer de la photographie et d’avoir sans cesse des sujets différents. Il peut alors se réinventer chaque jour, renouveler sans cesse sa manière d’aborder les choses. Interpréter des sujets donnés et y apporter sa touche personnel est pour lui très gratifiant et quelque chose de très vivant. En cela, le travail d’affichiste est pour lui un travail d’artisan. Il revendique par ce terme un art de l’affiche, réaction directe à l’affiche facile, car vide de sens, qui pollue notre quotidien. Il souhaite rendre ses lettres de noblesse au métier dit «d’affichiste » qui semble être amené à disparaître pour laisser place à de simples agences publicitaires. En effet, la société d’aujourd’hui pousse à la productivité et à l’accès immédiat quitte à perdre en qualité et cela touche également les affiches. Un phénomène que déplore l’affichiste polonais et qui le concerne directement, l’exemple idéal étant le Théâtre Chaillot qui, après avoir travaillé neuf ans avec lui, a décidé de traiter avec une grosse agence. Cette dernière possède une banque d’images toutes

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Michal Batory, Le mois du graphisme d’Echirolles, 2010

Michal Batory, Saison musicale de l’Ircam, de 1997 à 2002

Michal Batory, Rembrandt i inni, 2011

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L’ART DE LA MÉTAPHORE Le travail de Michal Batory se situe à la croisée de deux mondes différents : celui provenant de son pays natal et celui du surréalisme. En effet, son travail est basé sur le décalage entre deux éléments, pratique type de ce mouvement. La poésie métaphorique qui émane de son travail nous transporte dans un monde parrallèle où rien est impossible. Proche de Ronald Curchod, voir même de Jérôme Bosch, son univers est constitué d’objets chimériques, poétiques et paraît parfois déroutant. Michal Batory insuffle dans ses affiches des dimensions politique, humaine et mélodieuse avec brio. Il maitrise à la perfection l’art de la métaphore. Jouant avec les représentations et et la symboliques des objets, il associe plusieurs éléments afin de nous raconter une histoire, de nous faire passer un message. Cela donne naissance à un lyrisme pictural. Ce lyrisme peut venir nous parler d’amour comme de douleur, ce qui donne un ensemble assez hétérogène tantôt humoristique, tantôt dramatique.

« Il y a deux types d’affiches : celles qui attirent l’attention avec des images choquantes, façon Benetton, et celles qui choquent avec des images belles et poétiques. Vous verrez que la poésie peut être aussi forte que la chair déchirée » Par cette étrangeté, il essaie d’établir un dialogue entre le public et l’institution culturelle pour laquelle il travaille. Il ne veut pas tricher. Il insiste sur le fait que son travail a pour but de s’adresser aux gens qui sont dans la rue et non pas pour séduire d’autres graphistes avec des affiches incroyables qui épateraient ses collègues ou qui lui permetterai d’obtenir une quelconque récompense. Ses affiches s’adressent aux individus qui n’ont aucune compétence dans le domaine. Il ne peut pas se permettre de réaliser quelque chose de totalement fade, au risque de ne pas capter l’attention. Il entretient une grande

complicité avec le public qui sait désormais distinguer une «Batory» parmi tout un tas d’autres affiches. L’affichiste avoue avoir beaucoup plus de plaisir à recevoir des compliments d’un simple passant que d’un commissaire d’exposition ou professionnel du métier. Ses images ont une force telle que, bien souvent, elles dépassent le cadre de la simple affiche publicitaire. En témoigne ce jour où il reçu une lettre du ministère de la Justice lui demandant s’il pouvait leur envoyer un exemplaire de son affiche « Femme…Femmes ». En effet, le ministère voulait l’afficher dans la salle des audiences afin d’apaiser l’atmosphère dans cette pièce où de nombreux couples divorcaient et se disputaient. Cela montre bien à quel point ses affiches deviennent un patrimoine et résonnent audelà de leur simple rôle de communication pour un évènement. Tel un poète conjuguant avec merveilles vers et rimes, Michal Batory a la maitrise d’une grammaire visuelle dont lui seul à le secret. Ses idées lui viennent naturellement en observant ce qu’il y a autour de lui. L’affichiste ne prétend pas avoir d’autres sources d’inspiration que la vie quotidienne. Il semble également avoir une certaine sensibilité à la couleur qu’il exploite souvent sous la forme d’un fond uniforme qui vient mettre en valeur la métaphore. Le jeu typographique et de mise en page est tout simplement remarquable, à l’image des oeuvres de ses grands maîtres. Il sait prendre une certaine liberté que d’autres n’oseraient même pas imaginer : utilisation des diagonales, entrecroisement de phrases… Il en résulte une certaine positivité, un goût prononcé pour la vie. ses affiches sont là pour attirer le regard du passant, de l’individu lambda se promenant dans la rue.

UN SAVANT FOU Plus que les systèmes de composition, c’est l’art du collage et du photomontage qui prime et fait naitre la poésie des affiches «Batory». Sa technique est celle du collage et du photomontage. Assemblage d’objets, sculpture… Il invite le spectateur à décoder ses affiches de façon ludique et à en comprendre le sens. Il utilise de nombreux objets du quotidien qu’il fusionne avec sa thématique en les détournant de façon inattendue. Michal Batory essaie de faire naitre une beauté hors du commun, reprenant alors à son compte la représentation de la Beauté émise par Lautréamont et reprise par André Breton : « Beau comme la rencontre fortuite d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection ». Très souvent, ses images reposent sur cette association incongrue de deux objets, ou de deux idées, engendrant la surprise, l’insolite, l’humour, la poésie, l’émotion. De manière quasi systématique, c’est avec un rien, des épluchures, un sac plastique plié, une baguette de pain, un cornet de frites ou des pétales de roses qu’il tente de faire naître en nous des émotions. L’affichiste avoue lui même faire rarement plus de cinquante mètres pour trouver les matériaux dont il a besoin. Cette démarche ludique mais toujours très calculées et précise est ce qui caractérise son travail, quel que soit le sujet qu’il traite. Il se présente finalement comme un bricoleur, un savant fou qui inventerait des objets plus incroyables les uns que les autres. Son studio de création se transforme en un laboratoire où il mène des expériences plus étranges les unes que les autres : une kalachnikov qui devient guitare pour le spectacle de Claire Dieterzi, des ciseaux pourvus de pieds et prêt à danser, une couronne portant des verres à pieds, une paire de lunettes à trois verres, un homme-chapeau, une corde avec des mains... Il laisse libre cours à son imagination et cela ne s’arrête jamais. On pourrait parler de monstres, d’hybrides sortis de nul part. Michal Batory n’a pas de limite d’imagination. L’affichiste tient au côté plastique de ses créations. Il veut rendre ses idées réelles, comme si leur existance était légitime et conventionnelle. C’est pour ce réalisme qu’il choisit d’utiliser la photographie plutôt que l’illustration comme beaucoup des affichistes polonais. Il veut donner un côté palpable à son travail même s’il est destiné par la suite à redevenir un élément 2D, placardé dans la rue.

Claire Dieterzi et la Kalachguitare par Michal Batory

À la manière d’Arcimboldo, il joue sur nos codes. On voit des choses là où elles n’ont pas lieu d’être : lorsque l’Italien mettait des fruits et des légumes les uns à côtés des autres, ils n’en restaient pas moins des fruits et des légumes et pourtant nous y voyions un visage. Parce qu’il y avait deux trous ressemblant à des yeux, notre cerveau associait immédiatement la forme à quelque chose d’humanoïde. C’est nous et uniquement nous qui interprétions cela comme un visage. Il en va de même pour certains travaux de l’affichiste : il prend une plume de stylo plume, l’écarte et la met debout. Nous

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Michal Batory, Concha Bonita, 2003

Michal Batory, Le Roi Christophe, 1997

Michal Batory, Festival art Dé/plaisant, 2011

Michal Batory, Trois générations, 2004

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l’identifions alors comme une sorte de personnage qui marcherait. Michal Batory joue sur notre rapport au réel, sur nos référents personnels et l’identification que l’on peut en faire.

« Travailler pour un théâtre, c’est asseoir une communication par le signe qui soit reconnaissable entre toutes.» Ainsi sous l’effet conjugué de l’assemblage et du travail photographique, le coton tige prolonge les branches d’un diapason (Saison musicale Ircam, 1997-1998), un sac plastique évoque un visage (Tamerlan le grand, Théâtre de Chaillot, 2001), un oreiller devient « buste de femme sur le lit » pour le Théâtre national de la Colline, une plume Sergent Major danse sur la couverture du livre de Paulo Coelho,

Zahir, un triangle musical se met à bourgeonner dans l’affiche pour la saison musicale 2001-2002 de l’Ircam… Les éléments du corps sont aussi très présents : œil, pied, main, subissent le même détournement. PRIVILÉGIER LE TRADITIONNEL Michal Batory a commencé dans un premier temps à travailler dans une agence de communication qui s’occupait de réaliser des brochures et de la signalétique. C’était à l’époque le tout début de la PAO. Il apprit à jouer avec les différentes typographies qui existaient par le biais de l’ordinateur, chose qui n’était pas possible en Pologne puisque les lettres de plomb étaient interdites et que chacun devait tracer ses lettres à la main. La découverte des logiciels informatiques fut alors pour lui une magnifique opportunité pour explorer les moindres capacités des

lettres... Mais aujourd’hui son usage de l’outil informatique se limite principalement à cela. En effet, il se refuse à truquer ou retoucher ses photos, excepté pour faire de la chromie. L’action humaine qu’il mène lors de la création de ses objets hybrides a pour lui autant d’importance que le résultat final. Choisir le photomontage par ordinateur lorsque ce n’est pas inévitable est à ses yeux synonyme de facilité et en conséquence d’une perte de qualité, d’efficacité. Il cherche à donner au réel une signification, comme si chaque objet sur terre était là pour nous raconter quelque chose, avait une âme. Son travail n’est pas sans rappeler les œuvres de l’Arte Povera ou du Land Art : une certain façon de faire intervenir l’homme sur des objets qui, plus qu’exister, se mettent à communiquer. Bien sûr, il n’y a pas tout le côté politique et dénonciateur que l’on peut retrouver dans les oeuvres de ce mouvement artistique qu’est l’Arte Povera. L’affichiste utilise ce procédé car il est, à ses yeux, l’un des meilleurs moyens d’avoir un impact visuel fort.

langoureux baiser d’un couple amoureux, la sensualité et le désir. Le cœur lui, nous parle d’amour et l’ensemble dialogue avec merveille. Lorsqu’il fait l’affiche pour Dziady, pièce du Polonais Mickiewicz, il créé un visage formé de bougies dont la cire semble s’écouler vers le bas. Encore une fois le choix du matériau n’est pas anodin. Le visage représente un polonais dont l’identité n’est pas réellement fixée : est-ce un homme ? Est-ce une femme ? Le personnage à le regard à la fois triste et inquiet. Batory met ainsi en avant l’humain, l’humain dans le monde, l’humain en tant qu’individu, que personnalité, qu’être vivant. Les bougies, elles, sont là pour évoquer la pratique polonaise qui consiste, au premier novembre, à aller allumer des bougies dans les cimetières pour honorer la mémoire des morts. Ainsi, ce sont ces milliers de morts qui forment ce visage et la cire qui s’écoule vers le sol n’est pas sens rappeler de froides larmes, une blessure encore existante et en même temps un souvenir qui semble échapper aux gens.

Michal Batory adopte les mêmes interrogations qu’un sculpteur. Il ne représentera pas la notion de Frustration dans le même matériau que pour représenter la Liberté. Pour lui, le support en dit aussi long que la forme. À la manière d’un artiste impressionniste, il travail la matière et la texture. Lorsqu’il réalise son affiche pour le théâtre national de Chaillot « Femme…Femmes ! » il choisit la bouche d’une femme pour représenter un cœur car les lèvres douces d’une compagne à elles seules évoquent un

Michal Batory n’est pas seulement un graphiste accompli. Lâchant ses bricolages visuels, il réalise parfois des mises en page, mais il est aussi l’auteur de deux ouvrages, l’un présentant ses travaux, l’autre destiné plutôt aux enfants: Posters and Graphic Works aux éditions Broché et Photos clic et pigeon vole également aux éditions Broché. Une oeuvre complète sur son travail a également été éditée suite à une exposition à Paris.

Michal Batory, 5ème anniversaire de la réouverture du musée des Arts décoratifs, 2011

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Michal Batory, La femme sur le lit, 1994

Michal Batory, Tamerlan le grand, 2001

Michal Batory, Zahir de Paulo Coelho, 2005

Michal Batory, Femme...Femmes!, 2003

Michal Batory, Dziady, 2004

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QUAND L’ARTISAN REDEVIENT ARTISTE Michal Batory ne peut pas être considéré comme un « simple affichiste » et c’est bien pour cela que les Arts Décoratifs de Paris ont exposé en 2011 un grand nombre de ses affiches. Cette exposition cherchait à démontrer qu’il y a bel et bien des affiches qui racontent quelque chose de plus que le traditionnel « venez vite voir notre spectacle ». Elle tentait de nous apprendre une certaine manière de regarder les images de rues autres que celles qui polluent notre regard. En plus des affiches, on pouvait y voir exposé certains des objets réalisés par Michal Batory, objets ayant ensuite donné une énième affiche. On y trouvait également de nombreux croquis, croquis d’intention avant réalisation graphique d’un projet mais aussi des dessins réalisés lorsqu’il était encore étudiant. Rien était laissé au hasard et toute la démarche était exposée, comme l’on pourrait le faire pour un artiste plastiscien. On peut alors se poser une question : le graphisme peut-il être considéré comme un art ?

Michal Batory, La couronne utilisée pour l’affiche Falstaff, 2011

Si la réponse générale semble complexe, dans le cas de l’affichiste franco-polonais elle apparaît comme une évidence. Effectivement, Il est intéressant de noter qu’en parallèle de l’exposition dont nous venons de parler, la Galerie Roi Doré a exposé du 15 avril au 17 mai 2011 une seconde exposition nommée « Images sans titre ». Elle exposait les affiches de Michal Batory, toutes dépourvues de texte. Les organisateurs se demandaient ce qu’il adviendrait du travail de l’affichiste si on ne gardait que le visuel, enlevant toutes informations. Le résultat était bluffant et chaque visuel est devenu une œuvre d’art contemporaine à part entière: il n’y avait plus que l’image et le spectateur dans un dialogue spirituel et silencieux. Durant cette exposition l’on ne pouvait que se rendre compte de la grandeur de sens, la grandeur esthétique et la grandeur d’esprit du travail de Michal Batory puisque chaque image nue continuait de vivre et de respirer. Aujourd’hui, la collaboration entre Théâtre de Chaillot et l’affichiste est terminée. Ce dernier travail désormais beaucoup pour la Pologne — réalisant ainsi une sorte de retour aux sources — et pour Flammarion, une grande entreprise d’édition. L’un de ses plus grands souhaits serait de travailler un jour pour le cinéma. En effet, la réalisation d’affiches de films est à ses yeux un paradis pour tout affichiste. Seulement, en France ce domaine semble être un cercle fermé et les créations y sont, selon ses propres termes, monstrueuses. Il n’y a aucun sens, aucun fond et l’on ne cherche pas plus que cela à les développer…

Michal Batory, Affiche pour l’exposition du Roi Doré, 2011

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Michal Batory, Dessins d’étudiants aux Arts Décoratifs, 2011

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ANALYSE D’Un TRAVAIL

Bérénice, Théâtre National de Chaillot, France, 2001, affiche. DR.


LE TRAVAIL En 2001, Michal Batory reçoit une commande du Théâtre National de Chaillot, son principal client et celui pour lequel il réalisera ses plus belles affiches. Il s’agit de réaliser l’affiche d’un spectacle nommé «Bérénice» qui est une adaptation de la célèbre pièce du même nom signée par Jean Racine. INTRIGUE DE LA PIECE Bérénice est une tragédie en cinq actes de Jean Racine écrite en vers dont l’épître dédicatoire est adressé à Colbert. Elle fut représentée pour la première fois le 21 nombre 1670 à l’Hôtel de Bourgogne. Il s’agit d’une réplique de la monarchie absolue en France contextualisé dans la Rome Antique. L’histoire nait d’un dilemme amoureux, comme bien des tragédies, lorsque Titus doit faire un choix entre son poste à la tête de Rome et la passion inébranlable qui l’unit à la princesse de Palestine, Bérénice. Racine choisit de nous épargner toutes les scènes que l’on aurait pu attendre d’une telle intrigue comme des revirements de situation incessantes où l’homme de pouvoir et son amante seraient emprisonnés dans une sphère infernale entre amour et devoir. On va au contraire à l’essentiel, c’est à dire l’annonce de l’empereur Titus pour signaler son intention de quitter Bérénice. En effet, après avoir appris que Rome s’opposait à un éventuel mariage entre l’empereur de Rome et la princesse de Palestine, ce dernier décide de la renvoyer chez elle bien malgré lui. Bérénice semble refuser cette décision mais lors du cinquième et dernier acte, chacun choisira finalement de faire face à leur devoir, sans se réfugier dans la mort comme dans la plus part des tragédies.

Extrait du spectacle Bérénice, par Lambert Wilson, 2001

L’AFFICHE Comme a son habitude, Michal Batory choisit pour cette affiche d’utiliser de fortes métaphores. Passer devant cette affiche sans réfléchir quant à sa signification serait une terrible erreur puisqu’au delà de l’apparence esthétique et du premier degré, l’affichiste polonais nous en dit beaucoup plus que l’on ne pourrait le penser.

Michal Batory, Bérénice, 2001

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D’un point de vu purement technique, on y retrouve la patte polonaise : un unique objet parfaitement centré qui capte le regard par un fort impact coloré et une typographie qui paraît un peu plus frivole et semble prendre des libertés mais suit parfaitement le visuel. Un fond uni pour ne pas perturber l’harmonie de l’affiche et le visuel. Enfin, le logo du théâtre de Chaillot placé comme à l’habituel en haut à gauche. Photographies retouchées à l’ordinateur, une affiche composée sur un format à la française pour pouvoir correspondre au norme des affiches de rue. Jusque là, Michal Batory ne fait que répondre à une commande parmi d’autres. Mais ce n’est pas l’aspect technique et la façon de réaliser l’affiche qui nous intéresse ici mais bien les choix de l’affichiste, choix qui permettent de faire passer un message, une histoire. Extrait du spectacle Bérénice, par Lambert Wilson, 2001

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Il y a tout d’abord un premier niveau de lecture qui consisterait à y voir une feuille de laurier, symbole de l’empereur romain victorieux se fondant avec les lèvres sensuelles d’une femme. Une association reflétant la passion qui unit Titus (le laurier) à Bérénice (les lèvres) où chacun est dépend l’un de l’autre, vit l’un dans l’autre dans une parfaite harmonie. Les couleurs nous laissent d’ailleurs entendre que les deux protagonistes sont complémentaires, avec ce rouge flamboyant qui contraste fortement avec le vert végétal. Le rouge, couleur chaude et dont l’impact visuel est des plus forts, est lui même signe de passion et d’amour endiablé. Dans cet amour fou, nous remarquerons que la typographie suit parfaitement la feuille de laurier, comme un corps qui souhaiterait fusionner avec un second. Cela ne nous amène non plus au simple amour innocent mais bien au désir sexuel qui anime les deux personnages ainsi attirés l’un par l’autre. LE PROPOS DERRIÈRE LA MÉTAPHORE C’est ce rapport à la tentation charnel qui apparaît de façon assez limpide dans un second niveau de lecture. La nervure centrale de la feuille de laurier dessine l’espace sombre entre deux lèvres d’une bouche tout juste entrouverte, évocatrice d’un désir à peine prononcé ; quant aux nervures apparentes des lèvres elles semblent nous parler du plaisir de la chair, plaisir souligné par un rouge à lèvres provocateur. La forte luminosité portée sur cette bouche n’est là que pour provoquer une tentation encore plus grande, de la même manière que le font les publicitaires en faisant fondre du plastique à la place d’un vrai chocolat afin que celui-ci nous semble plus brillant et donc plus précieux. Quant à la feuille de laurier, n’oublions pas l’origine de ce symbole. La mythologie grecque nous raconte que la nymphe Daphné échappe in extremis à la poursuite amoureuse d’Apollon en se métamorphosant soudainement sous ses yeux en laurier. Depuis, le dieu grec des arts a fait de cet arbre son symbole, «daphnè» signifie « laurier » en grec : et les athlètes comme les poètes « lauréats » seront couronnés de son feuillage. La feuille de laurier est par conséquent elle aussi porteuse du symbole de la passion amoureuse et érotique. Et si certain y voit là plutôt une feuille de myrte alors cela n’a que peut d’importance puisque cet arbre aussi est ancré dans une histoire qui n’est pas sans rappeler celle de Bérénice. C’est la plante de Vénus et dans certain pays il s’agit d’un symbole représentant la virginité, l’innocence. Oserons-nous d’ailleurs évoquer le fait que pour certain historien comme Paul Veyne, le terme en lui même « myrte » signifierait « clitoris » en grec familier ? Un élément des plus marquant et allant le plus dans ce sens est le choix dont à fait preuve Michal Batory de mettre son visuel à la verticale. La position d’une feuille n’a que peu d’importance car à nos yeux elle n’a pas vraiment de sens bien défini, ce positionnement là n’est donc pas étrange. En revanche, nous avons l’habitude au quotidien de voir les lèvres des individus à l’horizontale. L’affichiste nous force à avoir une vision différente de cette partie du corps et a position paradoxale et qui semble si inappropriée de la bouche

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donne a celle-ci un tout autre sens. Il y a un jeu évident avec le mot « lèvres ». Finalement, de quelles lèvres parle-t-on ? Ne serait-on pas en train de nous exposer le sexe d’une femme sous le nez sans même que nous nous en apercevions ? Ne serait-on pas en train d’exhiber brutalement et de façon tout aussi violente que l’avait fait Courbet avec L’Origine du monde, un clitoris devant nos yeux alors que l’on flânait gaiement dans les rues ? Si tel est le cas alors il s’agirait en fait d’une feuille de laurier ou de myrte associé à un sexe féminin, évoquant le désir sexuel de Titus et Bérénice. On est à l’antithèse de la feuille de vigne qui est là pour contenter une certaine pudeur.

- En 2004 par l’opéra de Munich pour nous présenter l’opéra Lulu d’Alban Berg, qui raconte la déchéance d’une amante meurtrière. On nous présente un visuel à mi-chemin entre le baiser au rouge à lèvre et la forme d’une vulve. - Chez l’opticien Mikli, c’est un oeil qui joue ce double sens. À moitié fermé il remplissait une page du journal Le Monde, présenté paradoxalement à la verticale, avec pour slogan « Mikli habille les yeux ». Avant même d’y percevoir un œil, un sexe féminin nous sautait directement aux yeux.

Dans le cas de l’affiche pour Bérénice, le choix de l’affichiste polonais semble plus que judicieux car par l’insinuation, Michal Batory arrive à associer en un seul visuel tout ce dont parle le spectacle. Il nous parle d’Amour, de sexe, de passion et d’un lien étroit entre deux êtres.

L’INSINUATION Pour nous parler de désir sexuel, il existe deux moyens principaux : dans un premier temps l’étalage pur et dur comme l’ont fait Courbet mais aussi comme le fait Larry Clark dont la dernière exposition à paris a été interdite aux moins de 18 ans, ou Marilyn Minter. Dans un second temps l’insinuation, le sous-entendu, quelque chose de beaucoup plus subtile. Michal Batory est un poète de l’image et comme tout poète ce qui le touche avant tout est lyrique. Présenter les choses de façon crue n’aurait pour lui aucun intérêt et son discours perdrait totalement sa valeur. L’insinuation n’est pas moins efficace que l’ostentation, cela lui donne même plus de fort si ce n’est que certaine personne se refuseront à comprendre ce dont il s’agit. L’activité sexuelle humaine émanant avant tout de notre cerveau reptilien, selon la théorie MacLean, nous associons et interprétons sans parfois même s’en rendre compte des signes forts à quelque chose de plus érotique. Pas besoin donc, et Freud serait le premier à appuyer sur cet argument, de montrer un sexe féminin pour l’identifier clairement. Le fait de « laisser penser que » permet de faire passer l’érotisme au stade de fantasme et non pas le présenter comme une réalité. Or la pièce nous parle bien de fantasme puisque l’amour entre Titus et Bérénice semble désespérément impossible compte tenu leurs obligations respectives. Cette fantasmagorie activée stimule aussi bien, sinon mieux, le réflexe de voyeurisme du passant et provoque en lui une certaine frustration.

Gustave Courbet, L’Origine du Monde, 1866

L’insinuation et le jeu de sous-entendu que Michal Batory utilise quasi-systématiquement, que l’on peut qualifier de litote, est tellement efficace qu’il a été utilisé dans la publicité à plusieurs reprises :

Lulu D’alban Berg, 2004

Mikli habille les yeux, Septembre 2002

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LE THÊATRE DE CHAILLOT SAISON 07-08 Le sexe fait vendre, ce n’est plus à prouver dans la société actuelle où nous sommes bombardé de publicité aux sous-entendus érotiques. Le théâtre national de Chaillot l’a bien compris et ce n’est sûrement pas un hasard s’il a choisi ce visuel pour présenter la saison 2007-2008 l’accompagnant du slogan « Abonnez-vous ! ». Il cherche ainsi a faire rêver le spectateur au plaisir que lui réserverait un abonnement. Quel meilleur façon de réunir le théâtre et le plaisir que sous les symboles de l’Art et de l’amour, à savoir Apollon et Vénus. Bien sûr il est difficile de croire que l’on va aller prendre une carte d’adhérent au théâtre de Chaillot parce que l’on a cru voir un sexe féminin sur une feuille de laurier. Pourtant qu’on le veuille ou non, l’appel sexuel est bel et bien présent et il n’a jamais eu de rival égal pour capter l’attention et déclencher des pulsions d’achat, pousser à l’adhésion. Finalement, on propose deux choses à l’individu : tout d’abord le sexe féminin qui lui est inaccessible, fait parti du fantasme, ainsi que l’abonnement au théâtre qui lui est bel et bien accessible et indéniablement lié à ce sexe féminin. C’est cette frustration qui, le théâtre l’espère, pousse inconsciemment les gens à s’abonner.

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DU GRAPHISME… ? L’une des particularité des affiches de Batory est cette particularité à se détacher du sujet principal. L’affiche pour Bérénice le démontre bien puisqu’à l’origine ambassadrice indiscutable d’une pièce de théâtre, elle fini sur la brochure du théâtre de Chaillot comme l’effigie de toute une saison. Ce n’est pas une nouveauté pour Michal Batory, loin de là comme nous le rappel l’histoire liée à Femme…Femmes ! et le ministère de la justice. L’exposition qui a eu lieu au Roi Doré ne fait qu’appuyer l’idée que le travail de Michal Batory dépasse de loin le simple travail d’un graphiste. Mais alors comment se positionne-t-il réellement ? Les métaphores choisies et les messages qui se dégagent des photographies et des montages de l’affichiste lui permette de les sortir du contexte de la commande, les reléguants alors au statut d’oeuvre d’art. Ce décloisonnement semble de plus en plus fréquent et créé une rupture entre l’art contemporain et les différents domaines des arts appliqués, comme si tout visait à s’uniformiser.

Publicités reprennant les affiches de Michal Batory et ce lien entre les lèvres féminine et la sensualité, Bourjois de Paris et Clarins

Source : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/une-curieusefeuille-comme-32541

Deadgirl, un film de Marcel Sarmiento, 2008, reprenant l’affiche de Michal Batory

Le Bernin, Apollon et Daphné, 1623

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R茅flexion LES FIGURES DE STYLES

Quels r么les jouent-t-elle dans la communication visuelle ?


Lorsque l’on parle de communication visuelle, il y a en premier lieu la notion de langage. L’image de communication possède ses propres codes, ses règles de grammaire, son vocabulaire et sa syntaxe. Comme tous les langages, il évolue avec le temps et est le reflet d’une époque, d’une société. Communiquer en dehors du temps serait mal communiquer. Tout bon auteur s’accordera à dire que pour mieux faire passer une idée il est parfois nécessaire de faire appel aux figures de rhétorique, autrement nommées figures de style. Métaphore, hyperbole, allégorie, personnification, oxymore, métonymie et autres, toutes sont là pour donner de la profondeur à une esquisse, pour apporter du lyrisme à quelque chose de fade et sans vie. Le langage visuel ne fera aucunement exception à la règle, bien au contraire ! La figure de style semble être la base même de la publicité, elle est partout, elle est le centre même de toute démarches créatives. Nous allons nous interroger sur le rôle qu’elle a à tenir dans le processus de la communication visuelle, sur sa véritable utilité, et nous allons voir pourquoi elle est autant prégnante. Pour cela, il semble primordial de commencer par définir plus précisément la notion de figure de style, nous aborderons ensuite la question du point de vue de la littérature avant de l’appliquer au domaine du design graphique. Les figures de style, définition Le terme figure de style provient du latin «figura» et est aussi appelée dans le langage courant « figure de rhétorique » (même si en réalité, ces deux nominations ne désignent pas tout à fait la même chose). Il s’agit d’un procédé d’expression, dans un premier lieu écrit, qui permet de donner une expressivité particulière à un propos.

On associe plutôt les figures de style aux textes dit « littéraires » mais elles sont couramment employées dans notre quotidien écrit, oral ou imagé. On les retrouves notamment dans les injures (« cornichon de zouave de tonnerre de Brest » comme le dit ce cher capitaine Haddock) ou dans les expressions (« Il est malin comme un renard. ») Il en existe différents types. De manière générale les figures de styles mettent en jeu: soit le sens des mots (figures de substitution comme la métaphore, la litote, l’antithèse, l’oxymore… ), soit leur sonorité (allitération, assonance…) ou encore leur ordre dans la phrase (anaphore, gradation…). Il s’agit de transformation linguistique plus ou moins complexes, impliquant une volonté stylistique de l’auteur, de l’énonciateur qui cherche à produire un effet particulier sur le récepteur. Un figure de style peut donner à une phrase un tout autre contexte, un tout autre univers culturel. L’interlocuteur n’aura alors pas la même approche du propos. Chaque langue dispose de ses propres figures de style et leurs traductions posent parfois des problèmes de fidélité.

« Les figures de style constituent un vaste ensemble complexe de procédés variés et à l’étude délicate. Les spécialistes ont identifié, depuis l’Antiquité gréco-romaine des centaines de figures de style et leur ont attribué des noms savants, puis ont tenté de les classer. »

Selon le dictionnaire.

Extraits des Aventures de Tintin, par Hergé

Victor Brauner, Portrait d’André Breton, 1934

Photographie du Général De Gaulle, Appel du 18 juin, 1940

Les figures de style dans la littérature La figure de style met en jeu l’effort du locuteur pour constituer un emploi remarquable des mots et la façon de les agencer dans une phrase. Il s’agit d’exploiter le rapport existant entre un signifiant et un signifié. Le premier étant le mot de base, le second étant ce qu’il cherche à exprimer. C’est un écart par rapport à l’usage commun que l’on fait de la langue et pourtant bien plus souvent utilisé qu’on ne peut le penser. Par exemple, lorsque l’on dit « Matignon a décrété que… », il s’agit d’une métonymie journalistique qui ne désigne pas le lieu mais bien le personnel gouvernemental qui y tient un poste. Elles le sont encore plus dans les expressions courantes qui cherchent à connoter les propos de l’énonciateur : il pleut des cordes, un air de chien battu…On use de clichés, de jeux de mots, d’ironie ou de raccourcis de langage. Cependant, pour Bernard Dupriez, auteur du Gradus, un des meilleurs dictionnaires de figures de style, « ce n’est qu’occasionnellement que les figures modifient la langue ». On rencontre plus particulièrement dans les textes littéraire les figures de style employées pour leur fonction esthétique et leur effet sur le « signifié » : chaque genre possède ses figures spécifiques ou favorites. Dans les romans, on utilise beaucoup de procédés descriptifs pour aider le lecteur à situer le contexte, ou des procédés allusifs comme l’analepse ou la disgression. Au théâtre en revanche on utilise

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plutôt des figures qui permettent d’augmenter l’intensité de l’action ou du propos tenu par l’acteur alors qu’en poésie on utilisera des procédés qui jouent sur la sonorité avec des allitérations, des assonances ou sur des images merveilleuses avec des métaphores, des personnifications, pour donner un certain lyrisme, une certaine esthétique aux choses. Cependant, beaucoup de figures de style sont communes à tous les genres et à toutes les périodes. Les figures de style apportent un enrichissement du signifié par l’originalité formelle qu’elles présentent : c’est « l’effet de sens ». Dans le cas de la métaphore, elles sont une force suggestive impressionnante, souvent utilisées par les poètes et auteurs à l’image d‘André Breton qui compare les cheveux de sa femme aux tons de la savane africaine (« Ma femme aux cheveux de savane » au lieu de simplement dire qu’elle à les cheveux châtains). Elles peuvent également dénoncer des paradoxes ou produire un effet comique avec le zeugme « Il a prit du ventre et beaucoup du pays » (Jacques Prévert à propos de Napoléon). Elles représentent un effort de pensée, de formulation et donnent plus de grâce à un discours, plus de vivacité et d’énergie. D’autres figures peuvent créer l’émotion du lecteur par exemple par l’effet d’insistance produit comme dans l’anaphore utilisé dans le célèbre discours du Général De Gaulle (« Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisée ! mais Paris libéré ! ») ou le fameux monologue de Cyrano de Bergerac (« C’est un roc ! C’est un pic ! c’est un cap ! Que disje, c’est un cap ? C’est une péninsule! »), mais aussi le jeu sur les sonorités dans l’allitération (« Les crachats rouges de la mitraille », Rimbaud). Dans d’autres cas, l’intérêt sera plus purement esthétique. Les figures de style et images Nous venons de voir ci-dessus l’effet recherché à l’utilisation d’une figure de style dans la littérature. Nous avons soit la volonté de provoquer des émotions, soit celle de donner plus de grâce, plus de vivacité et plus d’énergie, ou encore celle d’apporter une grande force suggestive. Enfin, la figure de style semble amener une sorte de lyrisme, une sorte de poésie. Or, quelles sont non exigences vis à vis d’une image dans le domaine de la publicité et de la communication visuelle ? Ne doit-elle pas être esthétique, pleine de vivacité, d’énergie et nous raconter quelque chose ? Ne doit-elle pas nous surprendre ? Et le lyrisme n’est-il pas la base même d’une publicité qui marche ; ne doit-on pas faire rêver les gens pour vendre, pour attirer ? Une fois toutes ces choses bien en tête, on ne peut que voir un lien évident et naturel se faire entre la publicité et l’utilisation de ce procédé littéraire. Le graphisme est toujours en rapport avec le langage, d’abord par ce qu’il consiste souvent à agencer des images et du texte, ensuite par ce qu’il doit toujours dire quelque chose. On pourrait comparer une publicité ou une affiche à une œuvre littéraire où les phrases seraient des images, les mots seraient des formes, les verbes des couleurs et qui, lorsqu’il s’agit d’une belle œuvre littéraire, utiliserait elle aussi des figures de styles.

Extrait de Cyrano de Bergerac, interprêté par Gérard Depardieu

Henri Fantin-Latour, détail de Le coin de table, Verlaine et Rimbaud, 1872

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« Le monde matériel est plein d’analogies exactes avec l’immatériel, et c’est ce qui donne une couleur de vérité à ce dogme de rhétorique, qu’une métaphore ou une comparaison peut fortifier un argument aussi bien qu’embellir une description. »

Edgar Allan Poe

Grandville, illustration du Loup et du Chien de Jean de La Fontaine

La figure de style permet de communiquer sur deux niveaux de langages : le langage propre qui n’est pas formulé et le langage figuré qui est présent mais qui n’a pas de sens. Ainsi Jacques Durand montre parfaitement l’ambiguïté de la figure de rhétorique et la possibilité d’analyser les figures de rhétorique comme des transgressions feintes d’une norme : « Dans l’image, les normes en cause sont surtout celles de la réalité physique, telles que les transmet la représentation photographique. L’image rhétorisée, dans sa lecture immédiate, s’apparente au fantastique, au rêve, aux hallucinations : la métaphore devient métamorphose, la répétition dédoublement, l’hyperbole gigantisme, l’ellipse lévitation, etc. » On comprend alors pourquoi les figures de style sont systématiquement utilisées dans les domaines de la communication visuelle : elles permettent à la fois de transgresser une norme et d’accéder à un monde de rêve. Elles permettent également de capter l’attention du récepteur et de lui fournir un certain plaisir à la réception de la communication et à la compréhension de la figure. De plus, cela offre une meilleure mémorisation des messages, à l’image des Fables de La Fontaine qui utilisait des animaux pour représenter des classes sociales et enseigner une morale. Observons plus attentivement les différents avantages liés à l’utilisation de la rhétorique dans les messages publicitaires et le rôle qu’a à jouer la figure de style. Les figures de style pour vendre On dit souvent que pour faire vendre il faut faire rêver le récepteur, apporter un peu de poésie. L’une des plus célèbres figure de style, l’hyperbole, remplie entièrement cette fonction. C’est l’exagération d’un énoncé, l’expression dépasse la pensée, l’évènement dépasse les limites du raisonnable pour faire comprendre une idée. On augmente excessivement la vérité. Dans le cas de la publicité et de la communication visuelle il s’agit soit de retranscrire une utopie, soit de faire passer un message fort. On parle de bonheur absolue, d’affaire du siècle, d’efficacité maximum etc…Les produits sont tous ultra-performants, les services sont tous parfaits, la vie est toujours belle. Cela permet à l’énonciateur de s’assurer que le récepteur ait bien connaissance de la qualité de ses produits. Bien sûr, on part souvent du principe que le spectateur a conscience qu’il s’agit d’une hyperbole et perçoit l’exagération : subissant des publicités à longueur de journée, il est désabusé et l’enjeu devient alors de démontrer en quoi l’hyperbole de telle ou telle marque est plus justifiée qu’une autre. Pour cela on l’associe souvent à une métaphore.

R. Vachet, affiche pour le régime de Vichy, entre 1940 et 1942

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McDonald, Le Chicken Mythic, 2008

BNP Paribas, Captain Assur, 2008

Spontex, Campagne hérisson, 2009

Voici quelques exemples de publicités ayant recours à des hyperboles : Mc Donald, une hyperbole qui n’est pas flagrante mais qui est pourtant bel et bien existante. « Le Chiken Mythic : un nouveau mythe est né » (Mac Donald). Considérer un hamburger comme un mythe. Il s’agit ici d’une hyperbole totalement gratuite qui n’a pour but que de sacraliser l’aliment, le rendre unique, comme quelque chose d’à la fois mystérieux et désirable. Ou encore la campagne publicitaire pour les assurances de BNP Paribas où un simple assureur devient un super héros au service des plus démunis. En dehors de la publicité, l’hyperbole est est une figure de style particulièrement utilisée pour faire de la propagande. Donnez de l’argent à votre pays et vous serez un héros national, l’ennemi est le Mal absolu… Le danger de l’hyperbole est de tomber dans une exagération si forte qu’elle en devient parodique ou que le récepteur l’intercepte mal. Dans ces conditions, le processus sera inversé et l’on aura l’impression que l’énonciateur se moque de nous. La simple métaphore permet elle aussi de faire rêver mais de manière différente. On joue plus sur la poésie et le lyrisme à l’image du travail de Michal Batory. C’est un procédé par lequel on transporte la signification d’un mot à une autre signification qui ne lui convient qu’en vertu d’une comparaison sous-entendue. Il y a une distinction à faire entre la comparaison et la métaphore : dans une métaphore, il n’y a pas de lien grammatical entre les deux concepts rapprochés. Il est également utile de préciser que la comparaison est sous-entendu dans la métaphore. La métaphore est une figure très courante dans la communication visuelle car elle permet d’une part d’associer un produit ou un élément à quelque chose qui possède les mêmes propriétés (un animal, un symbole, un lieu…) et a une force de suggestivité qui n’est pas à négliger. Visuellement, on peut en dire beaucoup plus par la métaphore qu’en illustrant directement ce dont on veut parler. Elle permet de s’émanciper de longs discours. Prenons par exemple le cas la marque Spontex et de son éponge, la publicité se sert d’une métaphore relativement évidente : elle met en scène un hérisson qui est à la recherche d’une partenaire, d’une âme sœur et donc de quelque chose qui lui ressemble. Il test une marque X qui ne lui convient pas avant de tomber sur cette éponge qui accroche et gratte mieux que les autres. L’éponge se vaut plus qu’une hérissonne ! On associe directement le produit à un caractéristique animal.

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Jean-Honnoré Fragonard, Le Verrou, 1774 et 1778

Plus classique encore, cette image de la pomme qui est la métaphore biblique du péché et de la tentation que l’on retrouve dans de nombreuses œuvres d’art (Le verrou de Fragonard) ou encore le chien qui symbolise la fidélité comme Les époux arnolfini de Jan Van Eyck. On retrouvera ces symboles fort dans la publicité. Devant la métaphore on ne peut qu’éprouver une sorte d’attirance, une complaisance à observer l’affiche ou la publicité à l’image des créations de Michel Bouvet ou Alain Le Quernec qui choisissent tous deux représenter une idée par un objet simple qui insuffle les valeurs du spectacle ou de l’œuvre pour laquelle ils travaillent. Les affiches deviennent belles et agréables à regarder, elles nous interpellent plus que les autres… L’utilisation de la métaphore est soit populaire, c’est à dire compréhensible par tous et très rapidement, ou se fait beaucoup plus subtile et implicite. Elle permet de toucher plus rapidement le récepteur et d’accéder à un monde merveilleux, fantastique, beaucoup plus percutant et imagé. Néanmoins, la métaphore n’a pas que cette fonction lyrique…

Représenter visuellement l’impalpable Faire une publicité pour vendre un produit reste relativement simple puisque ce produit existe et peut donc être utilisé comme support de communication. Mais comment faire lorsque l’on veut parler de l’Amour, de l’Amitier, de la Mort ou de l’Entraide ? Comment représenter visuellement quelque chose qui n’est justement pas visible ? C’est là qu’intervient deux nouvelles figures de style : l’allégorie et la personnification.

« La rêverie… Une jeune femme merveilleuse, imprévisible, tendre, énigmatique, provocante, à qui je ne demande jamais compte de ses fugues. » André Breton L’allégorie est la personnification d’une entité abstraite. Elle est utilisée lorsque l’on souhaite mettre en avant de bien fait psychologique et non pas physique, ou pour vendre des services.

Les figures de style contre la censure

Jan Van Eyck, Les Époux Arnolfini, 1434

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Penser que la communication visuelle s’arrête à la publicité serait une grossière erreur. Elle peut parfois communiquer un message, tenter de transmettre une idée, être le médium d’évolutions intellectuelles… Dans certains pays, la censure est telle qu’il paraît impossible de véhiculer des idées allant à l’encontre du pouvoir en place. À l’image des affiches polonais en temps de guerre, certains graphistes, affichistes ou artistes trouvent en les figures de style le moyen de contourner cette censure. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si La Fontaine utilisait pour ses fables des animaux plutôt que de citer directement le roi, la Cour etc… en dehors du fait que c’était plus attrayant, cela lui permettait de se couvrir d’éventuelles représailles.

Dans le cas de la publicité pour les Kinder Maxi par

Michel Bouvet, 2003

Alain Le Quernec, 1995

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exemple, les nuages ne sont pas métaphore mais bien allégorie de la légèreté. Ils nous transportent. Une allégorie représentant des qualités non physique pourra permettre au récepteur de la communication de mieux saisir l’idée que l’entreprise veut faire passer. Le plus bel exemple d’allégorie reste celle utilisée par la publicité SNCF en 2005. Dans cette publicité, ce sont nos idées (entités abstraites) qui sont personnifiées. Cette allégorie permet à la SNCF de communiquer sur la capacité à innover. Afin de mettre en scène originalement sa créativité, la SNCF représente les idées comme des petits monstres vivants qui pourraient grandir, être abandonnés ou au contraire soignés, peuvent devenir plus forts… Une communication très imagées (laisser tomber son idée, faire grandir une idée, une idée forte, une idée volage etc..). Finalement, la communication est exclusivement focalisé sur cette allégorie et l’on nous parle presque pas des services réels de la SNCF excepté l’apparition de train à la fin de la publicité et dans le slogan « Donner au train des idées d’avance ». Ce principe est issu sans conteste de l’art classique où l’on retrouve des allégories des plus grands principes moraux. La Liberté guidant le peuple de De la Croix en est le parfait exemple. La femme au centre du tableau, drapeau français en main, représente le concept même de la Liberté, une des valeurs de la démocratie. Mais il se retrouve aussi dans l’art contemporain. Si Cattelan choisit de mettre à terre le pape sous les coups d’une météorite, la statue de cire de Jean-Paul II est bel et bien l’allégorie d’une certaine religion catholique, du vatican. Comment représenter toute une religion autrement que par des symboles iconiques, des allégories ? Si Marcel Duchamp décide de dessiner une moustache sur une reproduction de la Joconde avec L.H.O.O.Q, c’est parce qu’elle est devenue par popularité et bien malgré elle une sorte d’allégorie de la peinture traditionnelle, la peinture figurative.

Andy Warhol en passant par Liechtenstein et Grant Wood. On ne peut plus réellement parler d’allégories. mais presque de symboles. Une nouvelle fois, cela s’applique également à la propagande. Rappelezvous le fameux « I Want You for US ARMY » de l’Oncle Sam. Ce dernier n’est-il pas une allégorie de l’armée américaine et du patriotisme dont chaque américain voulait faire preuve à l’époque ? Certains artistesgraphistes jouent avec cette idée d’icône comme l’en a témoigné la campagne du président Barrack O’Bama aux états-unis. En effet, l’oeuvre d’Obey — Frank Shepard Fairey — n’était censé être qu’une œuvre parmi une autre et pourtant très vite elle est devenue une icône, le symbole d’une amérique nouvelle. Il est à noter qu’une allégorie peu claire pourrait engendrer la confusion dans l’esprit des récepteurs de la communication et qu’il ne faut pas l’utiliser n’importe comment. Cette figure de style est proche de la métaphore et elle y est d’ailleurs souvent associée : l’allégorie est utilisé pour faire comprendre un message sous-jacent (dans la publicité SNCF, l’allégorie des idées est utilisée pour faire comprendre que l’innovation est une qualité de la firme). James Montgomery Flagg, Uncle Sam, 1917

Dans cette dernière partie il semble important d’aborder la question de l’imagerie populaire. Le but même de la communication visuelle est d’être compréhensible rapidement. Pour ce faire, il faut utiliser des référents que la plus grande majorité des gens, ou du moins de la cible, ait en commun. Et c’est là où les figures de style sont intéressantes puisqu’elles permettent de puiser dans une mythologie personnelle qui sera similaire à tous. Elles font appel à des codes déjà ancrés en nous. Par exemple la Mort sera représentée par une silhouette noir à la faux, le danger par un grand méchant loup… On comprend alors que cela ne peut pas marcher dans tous les pays. Par exemple si pour nous le loup est représentation du danger, c’est parce que notre culture est liée aux attaques de loups lors des hivers glacials. En inde, cela ne fonctionnera pas du tout puisque c’est le tigre qui est le plus présent. Cela peut expliquer pourquoi l’on retrouve si fréquemment les contes dans la publicité, ils semblent se présenter comme un filon d’or : ils sont dans nos conscience populaire et sont à la fois métaphore, allégorie, poésie, fantasme, hyperbole et utopie…

Marcel Duchamp, L.H.O.O.Q, 1919

Détourner des symboles permet sans aucun doute de mieux faire passer un message. Dans le cas du générique de Desesperate Housewives réalisée par Yu+Co, on reprend des documents icôniques plus ou moins célèbres pour revisiter le rôle de la femme au fil des époques. Allant de Lucas Cranach l’Ancien à

Eugène Delacroix, La Liberté guidant le peuple, 1830

Shepard Fairey, Hope, 2008

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Campagne publicitaire de la SNCF, Les idées, 2005

Maurizio Cattelan, La Nona Ora, 1999

L’imagerie populaire

Yu+Co, Générique Desesperate Housewives, 2004

Une figure de style seule peut être mal interprétée et dans ce cas c’est toute la communication qui tombe à l’eau. C’est pourquoi on en combine fréquemment deux afin d’être le plus clair possible. On ouvre alors le récepteur à la réflexion : que cherche-t-on à me dire ? Que signifient ces deux éléments ensemble ? Qu’est-ce que je comprend ? Et lorsqu’il a trouvé les réponses à ces questions il est soit étonné, soit fier d’avoir trouvé, soit charmé par la beauté poétique des choses, soit frustré par le paradoxe mais quoiqu’il en soit le message est retenu.

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Finalement… On pourrait presque avancer le fait que les figures de style ne tiennent pas qu’un simple rôle, mais qu’elles sont à elles-même le cœur des communications qui les utilisent. Elles semblent avoir une force inégalée en matière d’efficacité et de rapidité pour faire passer une idée. Sortant des normes, elles permettent d’accéder à un monde de rêve où l’impossible devient courant. Elles sont un outil magistral pour les publicitaires, qui ne se privent pas d’y avoir recours à différents niveaux. Savoir quelle figure de style privilégier pour telle ou telle chose est toute la difficulté. Il ne faut en aucun cas tomber dans l’allégorie gratuite ou la métaphore extravagante qui risquerait de perdre le récepteur. Or si elles marchent aussi bien, c’est justement parce que les gens arrivent à s’identifier aux valeurs qu’elles représentent, parce qu’ils en comprennent le sens caché ou non. Dans certain cas, comme l’affiche de campagne de Barrack Obama ou, si on pousse la chose à l’extrême, la croix gammée qu’utilisait Hitler, il en ressort une notion d’icônicité. La communication visuelle et la publicité d’aujourd’hui évolue de telle manière que l’on préfère mettre en avant les valeurs d’une marque et tout ce qu’elle représente plutôt que le produit en lui-même. Apple est innovation technologique, Facebook est sociabilité, Opel est qualité allemande… Les plus grandes firmes deviennent alors de véritables icônes de valeurs et de qualités. C’est en tout cas vrai pour l’Europe qui semble se détacher peu à peu des religions. On est alors en droit de se demander si ce besoin de se rassembler sous une icône ne résulte pas d’un besoin de croire en quelque chose. Et c’est là que ce joue toute la subtilité marketing que commence à exploiter certaine marque comme Apple : savoir devenir l’allégorie du récepteur luimême… Sources : http://lemondedesetudes .fr/rhetoriques- dans-lacom-1/ http://fr.wikipedia.org/wiki/Figure_de_style

Apple, Campagne Think Different, avec Mohamed Ali, 1998

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lycée polyvalent Léonard de Vinci académie Nantes

BTS COMMUNICATION VISUELLE ARTS VISUELS APPLIQUÉS MÉMOIRE 2012 SIMON FOUCHER

Femme…Femmes ! – 2004 MICHAL BATORY Photographie à la chambre - Sans typographie Théâtre National de Chaillot - Paris 16e


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