La rebellion du M23 à l’est de la République démocratique du Congo

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2012/18

La rebellion du M23 à l’est de la République démocratique du Congo par Dieudonné Diumi Shutsha

Analyses &     Études

1 Monde et Droits de l’Homme

Siréas asbl


Nos analyses et études, publiées dans le cadre de l’Education permanente, sont rédigées à partir de recherches menées par le Comité de rédaction de SIREAS sous la direction de Mauro Sbolgi, éditeur responsable. Les questions traitées sont choisies en fonction des thèmes qui intéressent notre public et développées avec professionnalisme tout en ayant le souci de rendre les textes accessibles à l’ensemble de notre public. Ces publications s’articulent autour de cinq thèmes Monde et droits de l’homme Notre société à la chance de vivre une époque où les principes des Droits de l’Homme protègent ou devraient protéger les citoyens contre tout abus. Dans de nombreux pays ces principes ne sont pas respectés. Économie La presse autant que les publications officielles de l’Union Européenne et de certains organismes internationaux s’interrogent sur la manière d’arrêter les flux migratoires. Mais ceux-ci sont provoqués principalement par les politiques économiques des pays riches qui génèrent de la misère dans une grande partie du monde. Culture et cultures La Belgique, dont 10% de la population est d’origine étrangère, est caractérisée, notamment, par une importante diversité culturelle Migrations La réglementation en matière d’immigration change en permanence et SIREAS est confronté à un public désorienté, qui est souvent victime d’interprétations erronées des lois par les administrations publiques, voire de pratiques arbitraires. Société Il n’est pas possible de vivre dans une société, de s’y intégrer, sans en comprendre ses multiples aspects et ses nombreux défis.

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Introduction Depuis plusieurs années, l’Est de la République démocratique du Congo fait face à plusieurs guerres armées engendrées par des mouvements armés congolais et étrangers1. Parmi ces mouvements, on retiendra notamment l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo, AFDL de Laurent -Désiré Kabila, le Rassemblement congolais pour la démocratie, RCD d’Azarias Ruberwa, le Congrès national pour la défense du peuple, CNDP de Laurent Kunda et le Mouvement du 23 mars, communément appelé M23 qui, dans leurs combats justifiés par la défense des droits de l’ethnie minoritaire Tutsi, se sont manifestés à chaque occasion sous forme de mutinerie2. Depuis la mutinerie d’anciens membres du CNDP et la mise en place subséquente du M23, pour ne prendre que ce cas, l’instabilité à l’Est de la République démocratique du Congo s’est davantage amplifiée. Si les raisons de cet état des choses méritent d’être déterminées (II), on indiquera que le M23 au sujet duquel un mot devra être dit sur sa création (I) a assuré un véritable contrôle de cette partie du territoire congolais. Sur fond de l’inaction de la communauté internationale, de la justice pénale internationale et de grandes puissances , bénéficiant de l’appui substantiel des régimes rwandais et ougandais , ce mouvement a opéré dans cette partie 1 Voy.ONU, Conseil de sécurité, le Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, S/2012/843, 15 novembre 2012, p.3. 2 X, Rébellion M23 : L’Est de la R.D Congo en proie à l’abandon partiel de la souveraineté nationale, http://www.diascongo.com.

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en toute impunité et y a commis ainsi des crimes graves de droit international (III).

I. La création

du

M23

La création du M23 dépend largement de la situation de conflits armés au Kivu. En effet, en 2003, avec la fin officielle de la deuxième guerre du Congo qui a impliqué neuf Etats africains et une trentaine des groupes armés3, Laurent Nkunda rejoint la nouvelle armée congolaise intégrée formée sous le gouvernement de transition. Il entre avec le grade de colonel, puis est promu général au cours de l’année. Rejetant très rapidement l’autorité du gouvernement congolais, il se replia avec des éléments armés issus du RCDGoma dans les forêts du Masisi dans le Nord-Kivu4. En 2004, les troupes Laurent Nkunda entrèrent en conflit avec l’armée congolaise au Sud-Kivu. Ces troupes occupèrent la ville de Bukavu en mai 2004. Pour tenter de justifier l’action de ses troupes contre la violation de l’intégrité territoriale congolaise, Laurent Nkunda déclara qu’il tentait de prévenir un génocide contre les Tutsi de la région5. Les forces de Laurent Nkunda quittèrent par la suite la ville de Bukavu et retournèrent dans les forêts du Masisi. Ces forces se diviseront en deux: une partie se rendit au Rwanda sous le commandement de Jules Mutebesi ; une autre partie composée de plus de 150 000 rwandophones dont Laurent Nkunda s’installa pour le Nord-Kivu par peur de représailles de la part de l’armée congolaise6. En 2005, Laurent Nkunda exigea la fin du gouvernement de transition pour corruption. Ses troupes s’affrontèrent à cet effet contre l’armée congolaise. En janvier 2006, de nouveaux affrontements eurent lieu entre les troupes de Laurent Nkunda et les troupes régulières congolaises, aux environs de Sake. Un mandat d’arrêt international sera lancé contre Laurent Nkunda pour crimes graves de droit international dont ses troupes et luimême se rendirent coupables à l’Est du Congo. Face à l’incapacité de l’armée congolaise à assurer la protection de l’intégrité territoriale congolaise, la population lança appel à la Mission des Nations Unies au Congo, MONUC en sigle, pour procéder à l’arrestation de Laurent Nkunda. La MONUC 3 X, Deuxième guerre du Congo, http://fr.wikipedia.org/wiki/Deuxi%C3%A8me_guerre_ du_Congo. 4 X, La Guerre du Kivu, http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Kivu. 5 Idem 6 Ibidem

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refusa cependant de procéder à cette arrestation sous prétexte que Laurent Nkunda ne représentait pas une menace pour les populations locales7. Au cours des élections présidentielles congolaises de 2006, les forces de Laurent Nkunda lancèrent une offensive de grande envergure contre la 11e brigade des troupes gouvernementales et les éléments de la MONUC à Sake. Dans l’entretemps, les Nations unies appelèrent au grand étonnement de tous, le gouvernement congolais à négocier avec Laurent Nkunda. Le Ministre de l’Intérieur, le Général Denis Kalume, sera envoyé dans l’Est du pays pour entamer des négociations8. Au début 2007, le gouvernement congolais essaya de diminuer la menace que constituait la présence de Laurent Nkunda en intégrant davantage les troupes de Laurent Nkunda au sein des Forces armées congolaises dans le cadre d’un processus appelé « brassage ». Cependant, ce processus sera voué à l’échec car au lieu de contrôler deux brigades, Laurent Nkunda en contrôlait plutôt cinq. Le 24 juillet 2007, le responsable des soldats de la paix des Nations Unies Jean-Marie Guehenno déclara que les troupes de Laurent Nkunda étaient la seule menace véritable contre la stabilité en République démocratique du Congo. L’instabilité au Nord Kivu se poursuivit suite aux affrontements entre les troupes de Laurent Nkunda et les milices hutu. Un déplacement de plus de160 000 personnes fut enregistré. Au terme de nouvelles négociations entre Laurent Nkunda et le gouvernement congolais, les troupes de Laurent Nkunda furent intégrées dans l’armée congolaise. Laurent Nkunda gardait par contre le contrôle de plusieurs unités lesquelles continuaient à lui obéir. La chaîne de radio américaine BBC révéla que pour faire la guerre au Congo, Laurent Nkunda recevait de l’aide rwandaise9. À la fin du mois d’août 2007, Laurent Nkunda retira ses troupes des brigades mixtes Nkunda/Forces armées congolaises. Accusant les troupes gouvernementales congolaises d’aider les milices hutu à brimer les milliers de Tutsi vivant au Kivu, les troupes de Laurent Nkunda les attaquèrent. Début septembre, les éléments de Laurent Nkunda assiégèrent une position gouvernementale au Masisi. Dans l’entretemps, les hélicoptères de la MONUC servirent au transport des militaires gouvernementaux pour évacuer la ville. Les hommes de Laurent Nkunda recrutèrent des enfants dans plusieurs écoles primaires et secondaires du Kivu et procédèrent à leur enrôlement forcé. Selon les Nations unies, les filles furent emmenées comme esclaves sexuelles, les garçons comme soldats, en violation des lois internationales. Au début du mois de novembre 2007, les troupes de Laurent 7 X, La Guerre du Kivu, http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Kivu. 8 Idem 9 Ibidem

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Nkunda prirent la ville de Nyanzale, à environ 100 km au Nord de la ville de Goma. Trois des villages des environs furent également pris, alors que les positions de l’armée gouvernementale furent dans l’entretemps abandonnées10. L’ampleur des revers subis par l’armée congolaise en 2007 était considérable et donnait à douter de la capacité opérationnelle de cette armée et à la fidélité de ses dirigeants. On indiquera à cet effet que l’armée congolaise composée de 20.000 hommes étaient incapables de faire face aux miliciens de Laurent Nkunda qui étaient au nombre de 4.000. Au cours de la bataille de Mushake, les pertes subies dans le camp de l’armée congolaise étaient énormes : 2.600 militaires furent tués dont 2.000 policiers en tenue militaire et 600 éléments de la garde républicaine, et 600 blessés. Les troupes de Laurent Nkunda saisirent 6 tonnes de munitions, dont des munitions d’hélicoptères, 45 blindés, 20 lance-roquettes, 15 000 caisses de grenades, 6 000 caisses de fusil militaire FAL, ainsi que 15 missiles sol-air. Cette défaite de l’armée congolaise était vue comme la plus importante et a permis de remettre sur la table la question de la fiabilité de la mission de la MONUC. Le 17 décembre 2007, les forces de Laurent Nkunda procédèrent à nouveau à l’enrôlement de plus ou moins 200 enfants mineurs écoliers. Des voix s’élevèrent de partout pour que des négociations véritables soient à nouveau engagées entre les forces de Laurent Nkunda et les forces gouvernementales congolaises. Le 23 janvier 2008, un accord de paix fut signé à Goma entre les parties en conflit. Outre la déclaration de cessez-le-feu immédiat, cet accord prévoyait un retrait du Nord-Kivu des troupes de Laurent Nkunda, le retour au village de milliers de civils, et l’immunité des forces de Laurent Nkunda. En dépit de cet accord, en mai 2008, de nouveaux combats éclatèrent entre les forces armées congolaises et les troupes des Forces démocratiques de libération du Rwanda. En octobre 2008, de nouvelles attaques des miliciens de Laurent Nkunda furent signalées. Ces miliciens menacèrent de prendre la ville de Rutshuru, alors qu’ils attaquèrent et assiégèrent la ville de Goma , abandonnée le 29 octobre 20008 par les troupes gouvernementales11. En 2009, on assista à un surprenant retournement d alliance. En effet, les gouvernements rwandais et congolais lancèrent une opération militaire combinée le 22 janvier 2009 menant à l’arrestation de Laurent Nkunda au Rwanda12. 10 X, La Guerre du Kivu, http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Kivu. 11 Idem 12 X , La Guerre du Kivu, http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du_Kivu.

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Le 23 mars 2009, le CNDP de Laurent Nkunda signa un traité de paix avec le gouvernement congolais. Aux termes de ce traité, le CNDP accepta de se muer en un parti politique en échange de la libération de ses prisonniers et d’une meilleure prise en compte de la communauté Tutsis congolais. En outre, l’accord prévoyait les retours des réfugiés dans les pays limitrophes du Congo dont était issue une grande partie des rebelles, l’intégration des civils membres du CNDP dans les institutions gouvernementales congolaises et l’intégration des troupes du CNDP dans l’armée congolaise. Soupçonnés d’abuser de leur position au sein des forcées armées congolaises en vue de contrôler les minerais congolais, les militaires issus du CNDP seront mutés dans d’autres provinces congolaises que le Kivu. Le CNDP estima qu’il s’agissait d’une violation par le gouvernement congolais des accords du 23 mars 2009. Il s’ensuivit en avril 2012 une mutinerie des militaires membres du CNDP intégrés au sein des forces armées congolaises13. Ces mutins, placés sous le commandement du Colonel Sultani Makenga, fondèrent le Mouvement du 23 mars, M23 en sigle, en référence à l’accord du 23 mars 2009 dont ils exigèrent le respect par le gouvernement congolais14.

II. Le contrôle des richesses congolaises situeées au Kivu comme véritable raison de la création du m23 La partie Est du Congo constituée notamment de ce qu’on a appelé autre fois le Kivu ( le Nord -Kivu, le Sud-Kivu et le Maniema), contient d’immenses ressources minières qui sont notamment les suivantes : Or, Etain, Coltan15. La création du M23 n’est dès lors pas un hasard. Elle résulte de cette stratégie de piller ces multiples richesses. Justement, à propos de l’or, ce minerai joue un rôle économique fort important dans le marché économique international. Il est coté dans les principales bourses occidentales dont notamment la bourse des Etats-Unis d’Amérique. Les transactions qui se concluent sur ce minerai, notamment en temps de crise, sont considérées comme un baromètre économique important16. A propos du coltan (colombite-tantalite),il s’agit d’un minerai de couleur noire ou brun-rouge contenant deux minéraux associés, la colombite (Fe, Mn) (Nb, Ta)2O6 et la tantalite (Fe, Mn) (Ta, Nb)2O6. On retrouve ce minerai 13 X, Mouvement du 23 mars, http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_du_23-Mars. 14 Idem 15 X, République démocratique du Congo ,http://fr.wikipedia.org/wiki/ R%C3%A9publique_d%C3%… 16 X, Or, http://fr.wikipedia.org/wiki/Or.

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en quantités commerciales en République démocratique du Congo dont la région du Kivu détient entre 60 et 80 % des réserves mondiales. La colombite (ou columbite) et la tantalite sont les principaux minerais de niobium (d’abord appelé colombium) et de tantale, et contiennent des proportions variables de niobium et de tantale. Le coltan est une source importante pour la production du tantale et, plus accessoirement, du niobium. Le tantale est très prisé pour sa grande résistance à la corrosion. Considéré comme un métal stratégique, il est surtout utilisé dans la fabrication de condensateurs pour les équipements électroniques mais entre également dans la composition d’alliages de cobalt et de nickel dans l’aéronautique et particulièrement la fabrication des réacteurs. On l’utilise aussi comme revêtement dans les échangeurs de chaleur et dans des alliages pour les outils de coupe ou de tournage. En occident, ce minerai a une importance capitale. Le tantale préparé à partir du coltan est indispensable à la fabrication de composants électroniques, notamment condensateurs et filtres à onde de surface, utilisés en particulier dans les téléphones portables. Le secteur de l’électronique monopoliserait ainsi 60 à 80 % du marché du tantale. En 2000, une pénurie mondiale et une hausse des prix du tantale auraient empêché la fabrication de la PlayStation 2 de Sony en quantité suffisante17. Le coltan est ainsi au cœur de la guerre au Congo. Ses exploitations illégales encouragent chaque fois le maintien des armées étrangères et des multiples conflits armés au Kivu. Déjà en 2001, un rapport d’experts présenté au Conseil de sécurité de l ONU dénonçait les grandes quantités de ce minerai illégalement extraites du sol de la République démocratique du Congo et transportées en contrebande, en accord avec des entrepreneurs occidentaux, par les armées de l’Ouganda, du Rwanda, du Burundi et de la RDC qui occupaient la Province orientale et la région du Kivu, à l’Est du pays. Ce rapport indiquait déjà à l’époque, la détermination du Rwanda de s’emparer d’une plus grande partie des recettes fiscales prélevées sur ce minerai par l’administration rebelle du RCD-Goma. Aussi, une plus grande partie de ce minerai était-elle régulièrement extraite et exportée, sous la surveillance des superviseurs de l’Armée patriotique rwandaise, directement vers Kigali ou Cyangugu par avion. Ce minerai était transporté notamment par des avions militaires rwandais. Dans les sites d’extraction gérés par ces superviseurs, on notait ainsi la coexistence de divers régimes de travail forcé. Les prisonniers importés du Rwanda y travaillaient comme main d’œuvre sous contrat18. 17 X, Coltan, http://fr.wikipedia.org/wiki/Coltan. 18 Voy. ONU, Conseil de sécurité, Doc. S/2002/1146, Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo, par.74-82.

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Toujours au cours de l’année 2001, en même temps que le Rwanda pillait le coltan congolais, ce pays était également un pays écran pour acheminer en Occident et notamment aux Etats-Unis d’Amérique une quantité de ce minerai. Dans le but de piller davantage ce minerai, un comptoir de coltan dénommé « Eagle Wings Resources » était installé à Bukavu et était une filiale de Trinitech International Inc., société ayant son siège dans l’Ohio, aux Etats-Unis. Eagle Wings avait également des bureaux au Rwanda et collaborait étroitement avec l’Armée patriotique rwandaise19 La création du M23 participe ainsi de cette stratégie de continuer à piller ce minerai et tant d’autres ressources minières de l’Est du Congo afin de se servir, de servir le Rwanda et tout un réseau des puissances occidentales en quête de ces ressources pour faire face à la crise qui frappe leurs économies respectives et pour davantage, à propos du coltant, ravitailler leurs industries d’armement et de l’aéronautique. Certes, les Etats-Unis sont conscients de leurs intérêts stratégiques dans les Grands Lacs. Voilà pourquoi ils ne cessent d’alimenter les innombrables guerres à l’Est du Congo, soutenant ainsi le Rwanda et principalement Paul Kagamé pour exclure les Européens, Belges et Français en tête, du partage des minerais de cette région congolaise20.

III. Les crimes commis par le m23 et l’aide substantielle rwando-ougandaise sur fond de l’inaction de la communauté internationale et de grandes puissances

1. Les crimes commis par le M23 Tout au long de leur occupation de la partie Est du Congo, les éléments du M23 ont commis d’innombrables crimes. Dans ses enquêtes menées à cet effet, l’ONG américaine Human Rights Watch a indiqué que les éléments du M23 ont volontairement procédé au meurtre d’au moins 15 civils. Ils ont pu blesser 14 civils. Ils ont fait subir aux civils des sévices d’une terrible brutalité. Aux mois de juin, juillet et août, au moins 46 femmes et filles, parmi lesquelles on dénombre au moins 13 enfants, ont été victimes de viol de la part de ces éléments. Certains civils qui ont opposé la résistance au recrutement forcé ou qui ont refusé d’apporter l’aide alimentaire aux miliciens du M23, se sont vus également attaqués par ces derniers. Ceux de 19 Idem, par.79. 20 En ce sens, Pascal Lorot, Rwanda :derrière les ambitions de Paul Kagamé, la main américaine, http://www.lenouveleconomiste.fr/rwanda-derriere-les-ambitions-depaul-...

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civils qui avaient manifesté leur hostilité aux M23 ont été également la cible de ces miliciens21. Ces crimes commis par les forces du M23 sont plus ni moins des véritables crimes de guerre relevant de la compétence de Cour pénale internationale. En effet, aux termes de l’article 8 du statut de Rome de la Cour pénale internationale, le crime de guerre recouvre notamment une série d’actes commis à l’occasion d’un conflit armé, à savoir l’homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques, le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement aux hostilités, le viol, l’esclavage sexuel etc22. II. L’aide substantielle rwando -ougandaise Ces crimes furent commis avec l’aide substantielle des régimes rwandais et burundais. 1°S’agissant du régime rwandais, son implication est bien diversifiée. Il est reproché à ce régime plusieurs faits : - Soutien militaire des forces armées rwandaises au M23 : Au mois de juillet 2012, suite au déploiement d’unités supplémentaires des forces armées rwandaises en renfort au M23, celui-ci a mené des attaques de grande envergure et étendu son emprise sur le Rutshuru. Les forcées armées rwandaises ont même déployé en faveur de ce mouvement rebelle d’unités permanentes pour aider celui-ci à consolider ses positions. Le régime rwandais installa à Kinigi, à proximité de la frontière congolaise, un camp principal des forces armées rwandaises dans le but d’appuyer le M23. Le soutien militaire rwandais apporté au M23 était ainsi assuré par des soldats de la 305e brigade des forces armées rwandaises, sous la direction du Général Emmanuel Ruvutsha, commandant de la Division occidentale23. De même, alors que sur base d’un accord entre le Congo et le Rwanda, des unités spéciales des forces armées rwandaises furent déployées auprès des forces armées congolaises à Rutshuru, elles changèrent leur mission en apportant plutôt l’aide au M23.Au départ réticent à retirer les éléments de ces unités des territoires occupés par le M23, le Rwanda procéda au retrait de ses 344 soldats. Ce retrait n’était que de la pure distraction car certains 21 Human Rights Watch, R D Congo : Les rebelles du M23 commettent des crimes de guerre, http://www.hrw.org/fr/news/2012/09/10/rd-congo-les-rebelles-du-m23commettent-des-crimes-de-guerre. 22 Pour plus de précisions sur ce crime, voy. Coalition pour la Cour pénale internationale, Compilation des documents essentiels de la Cour pénale internationale, Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Règlement de Procédure et de Preuve, Eléments des crimes, Acte final ( Résolutions E et F), Philippines, Quezon City, 2003, pp.6-11. 23 ONU, Conseil de sécurité, Rapport du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, Distr.générale, 15 novembre 2012, S/2012/843, pp.7-8.

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éléments de ces unités spéciales revinrent par la suite au Congo pour apporter leur aide au M2324. Lorsque les éléments du M23 étaient blessés, les forces armées rwandaises procédèrent à leur évacuation à l’hôpital militaire de Kanombé à Kigali. Elles s’occupaient également d’enterrer les morts au cimetière militaire de Kanombé. Un système de communication entre les forces armées rwandaises et les rebelles du M23 sera uniformisé afin de faciliter entre eux la communication. Des opérations clandestines seront effectuées par les forces armées rwandaises en faveur du M23 : Vont être découvertes des activités de renseignement systématique qui furent menées par ces forces relativement aux positions des forces congolaises autour des villages de Kibumba et Tongo, situés respectivement sur les lignes de défense de Goma et Masisi. Des assassinats ciblés et des attaques à la grenade atteignirent la vielle Goma au cours de la première semaine d’octobre 2012. Le M23 tenait à prendre cette ville afin de sécuriser la population. Ces attaques étaient réalisées au moyen des grenades utilisées habituellement par les forces armées rwandaises25. Des forces armées rwandaises ont également livré des armes et munitions au M23 lors des opérations menées en juillet 2012 et qui ont abouti à la prise de Bunagana, Rutshuru, Kiwanja et Rumangabo26. -Recrutement d’éléments armés en faveur du M23 Au mois d’avril et mai 2012, entre 200 et 300 rwandais furent recrutés de manière forcée et emmenés au Kivu pour renforcer les forces du M23. Depuis lors, Human Rights Watch a recueilli de nouveaux éléments de preuve de recrutements forcés au Rwanda en juin, juillet, et août 2012, concernant plusieurs centaines de personnes. Par la suite, au moins ou plus de 600 jeunes hommes furent recrutés au Rwanda, de force ou par d’autres méthodes tout aussi illégales, pour combattre aux côtés des rebelles du M2327. -Soutien à la branche politique du M23 : Les autorités rwandaises ont eu à soutenir le M23 en procédant à la désignation des dirigeants politiques et des membres du gouvernement du M2328. -Collecte des fonds en faveur du M23 et chaîne de commandement au Rwanda : 24 Idem, p.8 25 ONU, Conseil de sécurité, Rapport du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, Distr.générale, 15 novembre 2012, S/2012/843, p.9. 26 Idem, p.10 27 Human Rights Watch, R D Congo : Les rebelles du M23 commettent des crimes de guerre, http://www.hrw.org/fr/news/2012/09/10/rd-congo-les-rebelles-du-m23commettent-des-crimes-de-guerre. 28 ONU, Conseil de sécurité, Rapport du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo, Distr.générale, 15 novembre 2012, S/2012/843, p.12.

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Les membres du FPR se sont employés au Rwanda à collecter des fonds en faveur du M23. Aussi, le commandement du M23 se faisait-il à partir de Kigali : Bosco Ntaganda en était le commandant suprême, alors Sultani Makenga était chargé des opérations et de la coordination avec les groupes armés alliés au Mouvement29. 2°S’agissant du régime ougandais, son soutien au M23 n’est pas assez dense comme celui du régime rwandais. Néanmoins, on a pu relever l’existence des réseaux au sein du Gouvernement ougandais qui ont pu aider le M23 en facilitant les activités politiques et militaires de ses membres lors de leur installation à Kampala et en lui prêtant une assistance technique, des conseils d’ordre politique et un soutien militaire. Des commandants de l’armée ougandaise ont envoyé des troupes et des armes en renfort lors de certaines opérations du M23, et ils l’ont aidé à recruter des hommes et à se procurer des armes en Ouganda. Les responsables ougandais ont par ailleurs entériné la politique du « laissezfaire », ce qui a permis aux autorités militaires et civiles de coopérer avec le M23 en faisant valoir des relations personnelles avec les forces armées rwandaises ou les rebelles. Des officiers ougandais de haut rang coopèrent également avec Bosco Ntaganda, lequel est autorisé à se rendre à Kampala, où il a acheté une maison, en violation de l’interdiction de voyager et du gel des avoirs. Dans une communication officielle au Comité, les avocats retenus par le Gouvernement rwandais font état d’un appui au M23 à partir du territoire ougandais30. III. L’inaction de la communauté internationale et de grandes puissances Alors que le Congo est agressé par le M23, la communauté internationale et les grandes puissances s’illustrent par une inaction criante. L’ONU se contente seulement de condamner la rébellion du M23 sans envisager une action de recours à la force armée dans le cadre du Chapitre VII de sa Charte afin de rétablir la paix rompue par les rebelles du M23. La mission de la paix de l’ONU, à savoir la MONUSCO brilla par une passivité déconcertante car elle assista passivement à l’agression et à la prise de certaines villes de l’Est du Congo par le M23, ainsi qu’à la commission des graves crimes de droit international. L’Union européenne et ses puissances étatiques brillèrent également par leur abstention à intervenir directement au Congo pour faire cesser l’action militaire du M23 manifestement illégale car contraire au droit international. Et pourtant dans le cas de la Lybie, on a vu principalement l’Union européenne et quelques Etats européens dont la Belgique et la France, se mobiliser pour apporter leur aide militaire en faveur des rebelles 29 Idem, p.13. 30 Idem, p.14.

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libyens au motif que le régime libyen en place brimait les droits de l’homme. Pourquoi aujourd’hui, l’intérêt des droits de l’homme, plus précisément la nécessité défendre les droits de l’homme ne motive pas l’Union européenne et ses puissances étatiques à intervenir au Congo pour réprimer les forces du M23 et leurs alliés dont le Rwanda et l’Ouganda qui violent impunément les droits de l’homme en massacrant la population civile ? Est-ce à dire que la violation des droits de l’homme commis par ces forces et alliés à l’Est du Congo n’a pas la même couleur, la même odeur que celle qui semble-t-il , aurait été commis par le régime libyen et qui a déterminé l’intervention de l’Union européenne et de certaines de ses puissances étatiques ? les droits de l’homme ne sont-ils pas universels et reconnus à toute personne quelle soit sa race, son origine, son appartenance ethnique etc. ? Pourquoi dès lors cette politique de deux poids deux mesures face à l’ampleur de la violation des droits de l’homme à l’Est du Congo ? On ne peut continuer à s’interroger outre mesure car on comprend bien que ce sont les raisons économiques qui constituent la mesure de cette inaction. Dans le cas lybien, il fallait se débarrasser à tout prix d’un certain Kadhafi pour se servir à volonté du pétrole lybien et dans le cas congolais, il faut laisser perpétuer les conflits armés à l’Est du Congo pour continuer à piller les innombrables ressources minières qui s’y trouvent. Le dénominateur commun de l’intervention en Lybie et de la non-intervention au Congo a pour but de faire face à la crise économique et rééquilibrer les budgets étatiques parfois en manque de couverture financière suffisante31. De même, l’Union africaine, composée des Chefs d’Etat africains placés au pouvoir d’une manière ou d’une autre par les puissances occidentales, ne pouvait pas aller à l’encontre de leur position d’abstention. Elle se contenta de condamner l’agression du M23 sans vouloir intervenir directement pour faire cesser l’opération militaire illégale du M23 au Congo. Tout se passait comme si l’ONU, l’Union européenne, l’Union africaine et les grandes puissances occidentales étaient toutes complices dans une certaine mesure de crimes qui étaient entrain de se commettre sur la population à l’Est du Congo : elles s’étaient en quelque sorte rendues coupable de l’infraction de non assistance à personne en danger. Mais qui pourra les juger ? Seule l’histoire les jugera et les condamnera un jour32. 31 Voy avec intérêt X, De la crise financière à la troisième guerre mondiale, 19/11/20121, http://minuit-1.blogspot.fr/2011/01/de-la-crise-financiere-la-3eme-guerre.html : « Il est triste de constater que bien trop souvent dans l’histoire économique, la guerre a toujours été la conclusion logique de la dynamique du chaos économique. Nous pensons que la guerre est une conséquence inévitable de la situation économique mondiale actuelle », écrit Kyle Bass, un investisseur américain qui parie sur l’effondrement des pays d’Europe, cité par le blog financier américain Zero Hedge ». 32 Ces omissions substantielles à défendre la cause du Congo prouvent combien les questions qui concernent ce pays, ont toujours entrainé de grandes divergences internationales. C’est donc ces divergences qui cèdent parfois à des omissions volontaires

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Pour démontrer que l’ONU a donné son quitus à l’opération militaire illégale du M23, avec le soutien du régime de Paul Kagamé, l’argument de sa responsabilité totale ( responsabilité totale de l’ONU) en tant que complice de premier rang dans ce qui se passe à l’Est du Congo, sera davantage conforté par l’élection du Rwanda comme membre non-permanent du Conseil de sécurité. En effet, le jeudi, 18 octobre 2012, le Rwanda fut élu par l’Assemblée générale de l’ONU comme membre non-permanent du Conseil de sécurité pour un mandat de deux ans, qui débutera à compter du 1er janvier 2013. Pour être élus, les candidats en lice devaient réunir la majorité des deux-tiers des États membres présents et votants, y compris au sein des groupes régionaux où le nombre de candidats correspondait au nombre de sièges à pourvoir. Ainsi, le Rwanda, qui était le seul pays africain à se porter candidat au mandat à pourvoir dans le Conseil de sécurité, a été élu dès le premier tour avec 148 voix. L’élection du Rwanda ne pouvait qu’étonner à première vue car ce pays, même s’il était le seul candidat du continent africain, ne pouvait être élu à ce mandat vu qu’il est impliqué dans les violations des droits de l’homme à grande échelle qui se commettent à l’Est du Congo. Comme indiqué ci-haut, un rapport officiel des experts de l’ONU le cite comme étant le pays qui a apporté l’aide substantielle au M23 à l’Est du Congo. Cette élection ne pouvait pas étonner davantage car on sait bien que l’ONU n’a aucune indépendance réelle vis-à-vis des Etats-Unis et est placée sous la coupe des Etats-Unis qui la téléguident à souhait. Aussi, depuis belle lurette, afin d’exercer leur leadership dans les Grands Lacs au détriment de la Belgique et de la France, les Etats-Unis ne cessent-ils de soutenir de manière inconditionnelle le régime dictatorial de Paul Kagamé. Il va de soi que pour essayer de laver les accusations portées contre le Rwanda dans la guerre au Congo, les Etats-Unis auraient demandé aux Etats africains sans cesse fragiles et impuissants, membres de l’ONU, de ne pas déposer leur candidature pour le mandat de membre non-permanent. Ce qui permettrait et faciliterait la désignation du Rwanda au mandat à pourvoir33. Parallèlement à ces omissions, on ne cessera de dénoncer l’inaction de la Cour pénale internationale à poursuivre les membres du M23 ainsi que les autorités rwandaises et ougandaises, alors que leur responsabilité est engagée dans les graves crimes qui se commettent à l’Est du Congo. On rappellera de la Communauté internationale pour venir en aide à ce pays : sur ces divergences, cfr J.P.SEGIHOBE BIGIRA, Le Congo en droit international. Essai d’histoire agonistique d’un Etat multinational, Bruxelles, PUR, 2011, p.245. 33 Sur cette élection du Rwanda comme Membre non permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, voy.Centre d’actualités de l’ONU, l’Argentine, l’Australie, le Luxembourg, la République de Corée et le Rwanda élus membres non-permanents du Conseil de Sécurité, http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?News...

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que la Cour pénale internationale , régie par le Statut de Rome, est la première Cour pénale internationale permanente créée par traité pour contribuer à mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale. Elle est une organisation internationale indépendante, qui n’appartient pas au système des Nations Unies. Elle siège est à La Haye, aux Pays Bas. Bien que ses dépenses soient principalement financées par les contributions des États parties, la elle reçoit également des contributions volontaires de gouvernements, d’organisations internationales, de particuliers, d’entreprises et d’autres entités. La communauté internationale, qui a longtemps aspiré à la création d’une cour internationale permanente, est parvenue au XXe siècle à un consensus sur une définition du génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. Les procès de Nuremberg et Tokyo ont jugé des auteurs de crimes de guerre, de crimes contre la paix et de crimes contre l’humanité commis pendant la seconde guerre mondiale. Dans les années 90, après la fin de la guerre froide, des tribunaux tels que les tribunaux pénaux internationaux pour l’ex Yougoslavie et le Rwanda sont nés d’un consensus sur le refus de l’impunité. Toutefois, ces tribunaux ayant été créés uniquement pour connaître de crimes commis pendant une période et un conflit spécifiques, la nécessité d’une cour pénale indépendante et permanente a fini par s’imposer. Le 17 juillet 1998, la communauté internationale a franchi une étape historique lorsque 120 États ont adopté le Statut de Rome, fondement juridique de la création de la Cour pénale internationale permanente. Le Statut de Rome est entré en vigueur le 1er juillet 2002, après sa ratification par 60 pays34. L’indépendance de la Cour pénale internationale étant mise à rude épreuve par le fait qu’elle fait la politique des grandes puissances dont notamment les Etats-Unis, il va sans dire que des poursuites contre le M23 auront pour conséquence d’engager également des poursuites contre le Rwanda, pays protégé par les Etats-Unis. On ne peut dès lors pas trop espérer de cette Cour tant que les Etats-Unis continueront à avoir la main mise sur elle et à protéger le Rwanda. C’est à juste titre que l’ONG américaine Human Rights Watch, consciente assurément de cet état de fait, demande publiquement aux Etats-Unis de pousser le Rwanda à cesser son soutien au M23. Elle déclare à cet effet ce qui suit : « Le silence du gouvernement américain à propos du soutien militaire apporté par le Rwanda aux rebelles du M23 ne peut plus se justifier face aux preuves accablantes du rôle joué par le Rwanda et face à la menace imminente qui touche les civils aux alentours de Goma »35. 34 Sur la Cour pénale internationale, lire X, A propos de la Cour, http://www.icc-cpi.int/ fr_menus/icc... 35 Human Rights Watch, Les Etats-Unis devraient pousser le Rwanda à cesser son soutien

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Conclusion : qui sauvera le congo ? La question semble être simple, mais la réponse demeure complexe. Le Congo fait depuis plusieurs années l’objet de nombreux conflits armés qui ont tous un soubassement économique : le pillage de ses immenses ressources minières, ressources largement inexploitées par ce pays en raison de l’absence d’un véritable gouvernement, moteur du développement économique congolais. La récente guerre du M23 appuyé par le Rwanda et l’Ouganda, sur fond de la non-intervention en vue protéger à cet égard les droits de l’homme bafoués de la population civile à l’Est du Congo, non-intervention dont font montre l’ONU, l’Union européenne, l’Union africaine, la Cour pénale internationale et les grandes puissances, donne certes à penser. Aux termes de l’exposé des motifs de la Constitution congolaise du 18 février 2006 les institutions congolaises se voient assigner les missions suivantes : assurer le fonctionnement harmonieux des institutions de l’Etat, éviter les conflits, instaurer un Etat de droit, contrer toute tentative de dérive dictatoriale, garantir la bonne gouvernance, lutter contre l’impunité et assurer l’alternance démocratique36. Il s’ensuit qu’en première analyse, sauver le Congo relève largement de la responsabilité de l’Etat congolais lui-même. Il faut penser en premier lieu à la formation d’une armée véritable car on constate avec regret que depuis la chute du régime Mobutu, le Congo n’a plus une véritable armée. Cette responsabilité implique dès lors la formation d’une armée véritablement républicaine et au service de la Nation congolaise toute entière. La nomination des commandants de cette armée devra se faire sur des critères objectifs liés à la fois à l’aptitude physique, à uns instruction suffisante, à une moralité éprouvée ainsi qu’à une représentation équitable des provinces37. Il est évident que seul le Rwanda ne saurait indéfiniment déstabiliser le Congo en lui infligeant ou en soutenant des conflits armés dans lesquels l’armée congolaise ne sait tenir. Il y a dans l’attitude du Rwanda au Congo, la main invisible des puissances occidentales dont notamment les Etats-Unis, avec la complicité des autorités congolaises elles-mêmes. Ces dernières ne sont pas indépendantes des influences des puissances étatiques étrangères desquelles en général, elles tirent leur légitimité. Il est quand même étonnant que dans toutes ses interventions publiques, le Président congolais ne cite pas le Rwanda comme pays agresseur, sauf tout récemment au M23, http://www.hrw.org/fr/news/2012/11/21/rd-congo-les-tats-unis-devraientpousser-le-rwanda-cesser-son-soutien-au-m23 36 Constitution de la République démocratique du Congo du 18 février 2006, in JO, numéro spécial, 47ème année, Kinshasa, 2006, p.5. 37 Sur la formation de cette armée, lire la Constitution précitée, articles 188 à 189, p.62.

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mais de manière timide, alors qu’il est de notoriété publique que c’est le Rwanda qui agresse régulièrement le Congo. Il va de soi que la mise en place d’une armée congolaise républicaine ne sera qu’illusoire si les autorités congolaises continuent à jouer à un jeu flou et si le régime en place n’est pas véritablement démocratique et respectueux des droits humains38. Il dépend au final que du peuple congolais, suite à une mobilisation générale, pour que ça change et que le salut vienne au Congo. C’est à juste titre que HEGEL a pu écrire ce qui suit :« Les querelles des Etats entre eux peuvent avoir pour objet n’importe quel aspect particulier de leur rapport ; c’est en vue de ces querelles qu’est principalement destinée la partie particulière, vouée à la défense de l’Etat. Mais dans la mesure où l’Etat comme tel court un danger de son indépendance, le devoir appelle tous ses citoyens à le défendre. Quand de cette façon le tout est devenu puissance et est arraché à sa vie intérieure en soi vers l’extérieur, la guerre de défense devient une guerre de conquête. (..) Que la force armée de l’Etat devienne une armée permanente, et que la destination à la tâche particulière de la défendre devienne une position sociale (…) »39.

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38 Le régime politique congolais n’est pas véritablement démocratique car il est issu des élections présidentielles et législatives de 2011 qui ont fait l’objet de multiples fraudes et/ou irrégularités. 39 HEGEL, Principes de la philosophie du droit, Traduction inédite et présentation par Jean-Louis Veillard-Baron, Paris, Flammarion, 1999, pp.379-380.

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