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Les bienfaits des jeux les plus simples
Un bâton sur le sol n’est qu’un bâton. Mais dans les yeux d’un enfant, c’est une épée, un serpent ou un tournevis. Avec le jeu libre, il n’y a pas d’instructions d’utilisation, tout est permis. Le jeu libre n’est pas non plus guidé par des modes ou des tendances éducatives. C’est une manière de jouer intemporelle, qui passe d’une génération à l’autre.
Par Sophie Pycke
Un enfant qui colle le dernier autocollant dans un album ou pose la dernière pièce d’un puzzle vit un moment gratifiant. L’objectif est ici la complétude et ce type de jeu est appelé “jeu dirigé”. Il améliore la capacité d’attention et de résolution de problèmes. Si l’enfant a pris plaisir à compléter le puzzle, il voudra en faire un autre pour vivre à nouveau ce sentiment de tâche accomplie. Les jeux dirigés peuvent donc vite devenir répétitifs. Lorsqu’un enfant joue trop souvent à un même jeu, l’effet bénéfique sur son développement se perd partiellement.
Chercher soi-même des solutions
À l’opposé, il y a le jeu libre. L’enfant ne suit pas de règles et ne doit pas atteindre d’objectif. La créativité et la détection intuitive sont les concepts clés. Ces jeux libres se doivent d’être “ennuyeux”, car moins le jouet est sophistiqué, plus votre enfant doit faire preuve de créativité pour en tirer une sensation ludique. Un jouet qui s’allume et émet des sons paralysera la créativité des enfants. C’est amusant, mais sans plus. Cela leur enseigne juste la dynamique de cause à effet : « si j’appuie sur ce bouton, j’entendrai de la musique ».
De la pâte à modeler ou des blocs de construction nécessitent de l’empathie et la dynamique de cause à effet est également plus large : « si je pose le rectangle sur le carré, la tour reste debout. Mais si j’essaie de l’empiler sur la boule, elle s’écroule ». L’enfant cherche alors lui-même des solutions pour construire une maison sans qu’elle ne s’effondre.
Jeu libre
« Les jeux libres existent depuis longtemps », explique Christophe Toye, cofondateur de Fairplace, une boutique en ligne belge qui propose des jouets durables. « Avant, on pratiquait ça avec des objets trouvés dans la forêt ou le garage de ses grandsparents. Depuis, c’est devenu une tendance rebaptisée en anglais “open-ended play’’. De plus en plus, on se rend compte que les enfants veulent pouvoir bricoler et expérimenter sans subir de pression. Sans (grands) parents qui les surveillent pour s’assurer qu’ils atteignent un but fixé. La vie des enfants est de plus en plus régie par des règles : à la maison, à l’école, mais aussi pendant les loisirs. Mais pour jouer de manière imaginative, il faut une liberté totale. »
De génération en génération
Pour les adultes, le jeu libre peut paraître étrange. Car pour nous, tout doit être fonctionnel ou beau. « Et pourtant, de plus en plus de personnes se tournent vers les jeux libres », confirme Alain De Rauw de Plan Toys, une entreprise qui s’engage depuis quarante ans en faveur des jouets durables. « Nous consommons moins, y compris en termes de jouets. Les jeux libres échappent aux tendances et sont qualitatifs. On peut les transmettre d’une génération à l’autre. De nombreux jeunes parents apprécient cet aspect de durabilité. Si votre enfant reçoit un jouet en forme de personnage de dessin animé qui chante des chansons et a l’air excessivement joyeux, il s’amusera moins avec lui qu’avec un ours en peluche ordinaire. Car il pourra alors décider si cet ours est un garçon ou une fille. L’ours n’affichant pas de sourire, il pourra aussi décider s’il est heureux ou triste, en fonction de son humeur. Résultat : il jouera bien plus longtemps avec lui. »
« Il y a dix ans, les jouets électroniques et de couleurs vives avaient la cote, mais plus maintenant », indique M. De Rauw. « Le gouvernement devrait offrir une boîte de blocs de construction à chaque nouveauné. Ce type de jouet combat aussi le phénomène de la «génération à un doigt» : les tout-petits utilisant principalement un seul doigt pour faire fonctionner le téléphone portable de leurs parents. Mais cette utilisation massive retarde le développement de leur motricité fine. »
Des vertus thérapeutiques, aussi pour les parents
Les parents eux aussi apprécient davantage les jeux libres. Fini les jouets bruyants et qui clignotent. « Je connais des mamans qui font des paquets de riz coloré ou du slime avec leurs enfants », ajoute Christophe.
« Elles ont des métiers prenants, mais vivent ce bricolage simple et répétitif comme une activité thérapeutique qui soulage leur stress. »
Les planchettes Kapla, chef-d’œuvre de l’imagination enfantine, sont un autre exemple amusant de jeux libres. Elles permettent de tout construire, des animaux à la tour Eiffel en passant par les châteaux. Une dernière recommandation ? Les anneaux, cubes et disques en bois pour apprendre aux enfants à trier et à compter. Mais le hit du moment, ce sont les briques à empiler : des briques en plastique coloré qui stimulent votre enfant. Le remède parfait contre l’addiction aux écrans.
Salle de jeux ou chambre à coucher ?
On dit souvent qu’il faut consacrer des espaces distincts à chaque activité : n’étudiez pas dans la chambre où vous dormez. En est-il de même pour les enfants qui jouent ? Vaut-il mieux prévoir une salle de jeux séparée ou les laisser jouer partout ?
« Les jeunes enfants qui dorment dans une pièce commune et partagent une salle de jeux séparée peuvent en tirer des bénéfices. Mais plus tard, les adolescents préfèreront toujours avoir leur propre chambre. La salle de jeux n’est alors plus vraiment indispensable », explique le pédagogue Pedro De Bruyckere. « Des endroits délimités pour jouer peuvent être pratiques, mais cela ne doit pas nécessairement être dans une pièce séparée. Vous pouvez aussi faire d’un coin de l’espace de vie commune un espace de jeu. »