Courrier du médecin vaudois #4 - 2021 // Les médecins et la mort

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OPINION

septembre 2021

Mourir à l’hôpital

Elargir les compétences palliatives à tous les services En Suisse, 80% des décès ont lieu à l’hôpital ou en EMS, alors qu’une importante majorité de la population souhaite décéder à domicile. Mourir à l’hôpital n’est donc généralement pas un choix consenti.

S

i l ’ hôpital peut être perçu comme un lieu sécuritaire, il n’est plus ce lieu qui offre «l’hospitalité» et il est plus souvent considéré comme un milieu hostile. Il incombe donc aux soignant·e·s d’être à l’écoute des patient·e·s et de leurs proches afin que ceux·celle-ci puissent accueillir la mort avec sérénité. Si, dans notre société, la mort est cachée, elle reste également, trop souvent encore, vécue comme un échec par les médecins, ces derniers restant éloignés de la mort dans la plupart des services. NE PAS LIMITER L’APPROCHE PALLIATIVE AUX SERVICES SPÉCIALISÉS

Dr GÉRARD PRALONG DIRECTEUR MÉDICAL, HÔPITAL DE LAVAUX, FMH MÉDECINE INTERNE, FORMATION APPROFONDIE INTERDISCIPLINAIRE EN SOINS PALLIATIFS

Dans notre environnement hospitalier, les soins palliatifs sont considérés comme les spécialistes de la mort. Cette approche, limitant les soins palliatifs aux services spécialisés, a montré ses limites durant la pandémie de Covid-19, d’où la nécessité d’élargir les compétences palliatives à l’ensemble des services hospitaliers. Les unités de soins palliatifs accueillent 80% de leurs patient·e·s en provenance des soins aigus et 10% du domicile. Bien que les soins palliatifs ne se limitent pas à l’oncologie, 80% des patient·e·s en sont issu·e·s, et 80% décèdent à l’hôpital. Un retour à domicile reste rare, malgré l’accompagnement possible par les équipes mobiles.

Les soins palliatifs hospitaliers sont devenus plus techniques au cours des vingt dernières années, au risque de perdre leurs valeurs premières d’accompagnement et de soulagement des souffrances dans l’empathie et la dignité. Les soins palliatifs sont également contraints par les règles de financement DRG, peu incitatives à humaniser la prise en soins en limitant la durée des séjours.

ouvertement la réalité de la mort. C’est aussi utiliser toutes nos compétences et notre expérience en communication, afin de respecter les diverses représentations culturelles de la mort. C’est également, lors du décès, savoir la rendre supportable aux proches et aux soignant·e·s.

CÔTÉ PATIENT·E, ANTICIPER POUR BÉNÉFICIER DE SOINS PERSONNALISÉS

Ces compétences, propres à tout accompagnement de fin de vie, représentent un vrai défi en milieu hospitalier, y compris en soins palliatifs, en raison des contraintes économiques fixées par nos modèles tarifaires. L’avenir d’une mort digne à l’hôpital, quel que soit le service où cette mort survient, requiert des soignant·e·s l’acceptation de la mort comme un terme naturel de la vie, et non comme un échec professionnel. En plus des moyens technologiques à disposition, il passe d ’abord par le développement de notre capacité d’écoute du·de la patient·e et le développement d’une sensibilité palliative au-delà des structures spécialisées. ■

Chaque fin de vie à l’hôpital représente une situation particulière. Bien mourir à l’hôpital devrait se préparer avant l’hospitalisation par des directives anticipées 1 , discutées chaque fois que cela est possible avec le médecin traitant. Cette planification anticipée des soins faciliterait le travail des soignant·e·s dans leur accompagnement. Ils et elles pourraient ainsi mieux personnaliser leurs soins, en étant au plus près des besoins et des attentes des patient·e·s. L’individualisation des soins de fin de vie est facilitée par un vrai travail interdisciplinaire, seul à même de gérer, en l’absence d’un protocole idéal et universel, le cheminement vers la mort. Accompagner une fin de vie à l’hôpital, c’est aussi savoir renoncer à proposer un nouveau traitement pour aborder sereinement et

CÔTÉ SOIGNANT·E, NE PAS CONSIDÉRER LA MORT COMME UN ÉCHEC

Vaud: www.vd.ch/themes/sante-soinset-handicap/patients-et-residents-droitset-qualite-de-soins/les-droits-des-patients/ mesures-anticipees/ FMH: www.fmh.ch/fr/prestations/droit/ directives-anticipees.cfm 1


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