Courrier du médecin vaudois #4 - 2021 // Les médecins et la mort

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DOSSIER

La place de la mort en psychiatrie

A l’horizon, une véritable médecine de l’esprit Comment le psychiatre-psychothérapeute est-il confronté à la mort? Au niveau des représentations, et c’est la place de la psychanalyse. Au niveau clinique, et c’est la place de la psychopathologie. Au niveau métapsychologique, et c’est la place de l’interdisciplinarité avec le spiritual care. EN PSYCHANALYSE

Pour mémoire, la psychanalyse s’inscrit dans le matérialisme scientifique. Pour elle, à la suite de Freud, la religion est une scorie de l’infantile, et la spiritualité est une des dimensions de la psyché. Dans l’inconscient, la mort n’existe pas, il n’y en a pas de représentation; mais les représentations de la mort sont à interpréter dans le registre des trois types d’angoisses fondamentales, liées à la structure de la personnalité: – angoisse de morcellement dans les structures psychotiques; – angoisse de séparation dans les états limites; – angoisse de castration dans les structures névrotiques. Tout le travail des psychothérapeutes va dès lors s’exercer sur le sujet vivant et ses peurs, la mort étant un non-sujet en soi. EN PSYCHOPATHOLOGIE

Dans le champ des psychoses, de la schizophrénie et de graves troubles de l’humeur, l’épreuve de réalité est altérée surtout dans les phases aiguës. Dans les délires paranoïdes, la mort peut être perçue comme un état à atteindre, libération, toute-puissance (voir l’aventure de Tintin Le Lotus bleu!), mais sur un mode où l’angoisse

de destruction prédomine, d’où une suicidalité élevée. Dans les graves troubles de l’humeur alternent des états maniaques et mélancoliques. Dans les états maniaques, la mort est déniée, le patient se croit capable de voler en sautant par la fenêtre. Dans les états de dépression mélancolique, le patient est habité par la culpabilité et la mort: le temps s’est arrêté, ses organes sont morts, il est condamné (par exemple, syndrôme de Cotard). Dans le champ des névroses et des troubles anxieux, nous retiendrons les préoccupations obsessionnelles autour de la mort, mais surtout la pathologie psychotraumatique. En effet, le cerveau n’est pas équipé pour voir la mort en face: en l’absence de représentation, la vision de sa propre mort possible est insupportable. Pourquoi moi? En résultent des troubles chroniques, avec anxiété, douleurs, cauchemars, retrait social. CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE LA MORT

La mort est omniprésente en psychiatrie, tant pour le risque homicidaire que suicidaire. Dans l’alcoolisation aiguë, le jugement est gravement altéré, avec de grands risques de passage à

septembre 2021


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