3 minute read

D’Hippocrate à Dionysos

105

DR ALAIN DEPEURSINGE

Advertisement

Urologue lausannois, ancien membre du Comité de la SVM, le Dr Alain Depeursinge, 63 ans, est aujourd’hui viticulteur à Pignans dans le Var. Histoire de deux réussites, à l’écoute et dans le respect des patients comme de la nature.

D’Hippocrate à Dionysos

Les racines du Dr Depeursinge sont terriennes : du côté de sa mère, on est négociants en vins depuis plusieurs générations, et son père, par ailleurs employé de banque, possède des vignes à Cully. Un grand-père jardinier et des vacances chez un cousin à la campagne enrichissent aussi l’enfance du petit Alain. A la recherche de rapports humains – un leitmotiv dans sa trajectoire – il choisit d’étudier la médecine. « Adolescent, j’ai été malade et mes rapports avec les médecins ont été diffi ciles. Une expérience marquante qui m’a appris l’importance de l’écoute ; j’ai aussi découvert que l’essentiel n’est pas que le médecin ait raison ! » C’est pendant ses stages dans les divers services du CHUV qu’il se passionne réellement pour son métier, plus particulièrement grâce au Pr Willy von Niederhäusern, patron de l’urologie. « Personnalité d’une richesse exceptionnelle, il a été, et il reste, mon maître. Avec lui, j’ai appris le respect du métier et le relais du savoir que chacun complète ensuite

106

par sa propre expérience. » Et le Dr Depeursinge, homme de convictions mais pas de certitudes, d’ajouter : « Ai-je su, à mon tour, transmettre aussi bien mes connaissances ? »

Devenu urologue, il ouvre son cabinet à Lausanne, reste médecin-adjoint au CHUV et opère aussi à l’Hôpital de Payerne. Il réunit ainsi les principes qui semblent l’avoir toujours guidé : respect des besoins de ses patients et sauvegarde de sa propre liberté. Membre pendant huit ans du Comité de la SVM, il se consacre aux litiges entre patients et médecins ainsi qu’aux intérêts des médecins travaillant en clinique privée. Il note en souriant « que les pires ennemis des médecins, ce sont eux-mêmes ! Mais que c’est aussi vrai chez les viticulteurs. »

UNE RECONVERSION PROGRAMMÉE

Très tôt, le Dr Depeursinge s’interroge sur la manière dont il pourra continuer à exercer un métier qu’il adore et qui l’occupe « à 300 % » ; il sait qu’un jour il orientera sa vie vers une autre direction. En attendant, suivant son goût pour la terre et la viticulture, il fréquente des cours du soir d’œnologie. En 1995, les enfants étant élevés, le couple Depeursinge peut concrétiser son nouveau projet de vie et acquiert un magnifi que domaine de 25 ha de vignes dans le Var ; il l’exploite avec un associé et y passe quelques mois par année. Quatre ans après, c’est le grand saut :

107

Alain et Catherine Depeursinge s’installent défi nitivement en Provence, désormais seuls à la tête du Domaine de la Cressonnière. « Pas toujours encouragé par mon entourage, je me suis bien sûr posé des questions sur mes chances de succès. Mais je pense aussi que si elle ne vous paralyse pas, la peur est salutaire. » En effet, après des débuts diffi ciles et douze ans de dur labeur, les six cuvées de la Cressonnière (rouges, rosés et blancs) fi gurent parmi les meilleurs Côtes de Provence, surtout le vin rouge, plus rare dans cette région. Alain Depeursinge pense avoir réussi grâce à deux atouts principaux : sa bonne connaissance des vins du monde entier et… la médecine ! « La vigne est aussi un organisme vivant auquel on ne peut pas simplement appliquer un schéma pour la développer. Il faut la suivre, voir comment elle évolue, comment on peut l’aider. Il faut être en contact avec elle, la toucher et savoir s’accommoder de ce qui nous échappe. »

S’ils reviennent plusieurs fois par année en Suisse – notamment pour vendre une partie de leur production – les Depeursinge sont heureux en Provence. Parfaitement intégrés dans leur village et parmi les autres viticulteurs, ils travaillent avec trois collaborateurs permanents. Toujours en mouvement, Alain Depeursinge pense à l’avenir et continue à s’interroger : « Arriverai-je un jour à vivre sans m’agiter sans cesse ? C’est ce défi -là, peut-être le plus diffi cile de ma vie, qu’il me reste à relever. »

Paru en octobre 2006

Pour en savoir plus sur Le Domaine de la Cressonnière : www.cressonniere.com

This article is from: