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Le désir de partager

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DR DANIEL RUSS

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Lorsqu’il a quitté son cabinet de généraliste en 2010, le Dr Daniel Russ a organisé une grande fête. Une manière de tirer un trait sur une vie ancrée dans la région, mais aussi l’occasion de dire à ses patients : « Merci, et je pars et non Merci, mais je pars. » Une nuance qui illustre bien la manière dont Daniel Russ a exercé sa profession.

Le désir de partager

Daniel Russ naît à Vevey en 1945 ; ses parents s’étant séparés, il sera élevé surtout par sa mère et ses aînés. Son engagement dans le scoutisme l’aidera à se structurer, à développer son sens du partage et des responsabilités ; il éveillera aussi son amour pour la montagne. Son adolescence se termine par quelques mois culturellement enrichissants à Londres. Il entreprend des études de médecine suivant « un choix spirituel et par désir de partager le quotidien des gens ». En parallèle, il vit la première grande « entreprise » de sa vie : la création, sous la houlette fédératrice de Bertil Galland, des douze volumes de l’Encyclopédie illustrée du Pays de Vaud. « Ce fut une aventure de vingt ans, littéraire, mais surtout humaine, que j’ai partagée avec mon épouse et une vingtaine d’amis avec lesquels nous sommes toujours liés. »

Pendant sa formation au CHUV, alors qu’il est déjà père de deux de ses trois enfants, le jeune Dr Russ accepte un remplacement dans un hôpital de brousse au Mozambique, au nord de Maputo. Ce séjour durera de 1974 à 1975 ; il sera fort en expériences humaines, en développement de soi, en connaissances apprises « sur le tas, mais néanmoins de façon cohérente. C’était aussi une manière de découvrir mes propres limites et … de savoir comment les déplacer ! » ajoute le Dr Russ dans un grand rire.

De retour en Suisse, Daniel Russ éprouve le désir de s’installer et de vivre dans une région. Un dernier stage à St-Loup avec le Pr Emile-Charles Bonard, son maître, confi rme ce choix. En 1978, il se joint au Dr Luc Anex à Echallens et ils inaugurent ensemble un « groupe de cabinets ». « Nous avons partagé les installations techniques et… la cafétéria, une option qui a toute son importance ! » précise Daniel Russ. Le Dr Jean-Pierre Pavillon rejoint ses deux confrères trois ans plus tard et cette association fonctionnera

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parfaitement pendant plus de trois décennies. Avec sa famille, Daniel Russ s’est enraciné dans le Gros-de-Vaud, dans ses structures sociales, religieuses et culturelles. Il a trouvé son bonheur dans l’exercice d’une médecine générale et de proximité, en relation étroite avec ses patients.

A 65 ans, le Dr Russ fait le point : au vu notamment des changements fondamentaux du rôle de médecin de famille dans une société en mutation, il décide de prendre sa retraite. Il estime que le temps est venu pour que le groupe de cabinets continue sans lui et peut-être sous une forme adaptée aux réalités actuelles. Même s’il regrette la relation qui le liait à ses malades, il se réjouit aujourd’hui de croiser dans la rue ses patients qui ne lui parlent plus en tant que médecin, mais en tant qu’homme. On ne saurait esquisser le portrait du Dr Russ sans mentionner qu’il a présidé la Commission de déontologie de la SVM pendant huit ans, un engagement qui s’est révélé aussi enrichissant qu’ardu dans une période de « fatigue et de grands questionnements ». Daniel Russ reste actif, par exemple au travers de la présidence du conseil régional de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud. Il retrouve dans cette responsabilité des valeurs qui l’ont toujours animé : relations humaines, éthique, partage et accompagnement. Le Dr Daniel Russ parle de sa vie avec des mots choisis et dont il a mesuré le sens. Il évoque aussi des expériences douloureuses, tels des abandons ou des face-à-face avec la mort, ici et ailleurs. Derrière sa sérénité dynamique, on décèle une émotion restée intacte et la pudeur des grands sensibles.

Paru en juin-juillet 2011

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