Solidarité 3/210

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Le magazine de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière OSEO • Août 3/2010

Suisse Donner des chances à de jeunes migrants International Le théâtre au service du changement social


Editorial

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Revue de presse Chère lectrice, cher lecteur, En s’engageant à réaliser les objectifs du Millénaire, en 2000, la communauté internationale s’est mise d’accord sur ce que le développement devait apporter: réduire la

pauvreté, garantir l’égalité des chances aux femmes et aux filles, faire en sorte que chaque enfant puisse fréquenter l’école primaire et améliorer l’accès aux soins.

25.06.2010 Les communes ont une responsabilité sociale La section du Parti ouvrier et populaire (POP) de Val-de-Travers a déposé au Conseil général (législatif) une motion pour des achats socialement équitables. Elle veut que la Commune se dote d’outils «visant à promouvoir l’acquisition de biens produits dans des conditions décentes».

Le bilan de cette campagne sera tiré lors du Sommet 2010 de l’ONU, à New York, en septembre. Il sera mitigé:

l’accès à la formation scolaire et aux soins de base s’est certes amélioré. La pauvreté a quelque peu reculé à l’échelle mondiale, mais pas partout, et pas suffisamment. Aujourd’hui, 1,4 milliard de personnes continuent à vivre dans un état de dénuement extrême et, dans beaucoup de

16.06.2010 Des milliers de cartons jaunes L’OSEO a remis 13 715 cartons jaunes à la FIFA pour que, lors du prochain Mondial au Brésil, les droits des travailleurs soient pris en compte et respectés. Ce qui n’a de loin pas été le cas en Afrique du Sud.

pays subsahariens, un enfant sur quatre est sous-alimenté. Quant à l’égalité des chances, elle reste à l’état de vœu pieux. Et en Suisse? Malgré les promesses formulées au sommet

de 2005, le Conseil fédéral attend la session d’hiver pour publier son message en faveur d’une augmentation de 0,5% du produit intérieur brut (PIB) dévolu à l’aide au développement d’ici à 2015.

03.06.2010 Pourquoi ils sont sans travail Des jeunes de 16 à 25 ans, en recherche de forma­ tion, vernissent ce soir un immense projet de l’OSEO Genève. (…) Ce qui frappe, c’est la grande motivation de ces jeunes, qui s’activent aux derniers préparatifs de «Nainvisible». Ils ont tout fait: plâtre, menuiserie, peinture, vidéo, flyers, relations publi­ ques, et le résultat est étonnant.

Par ailleurs, les intérêts économiques passent régulièrement avant le développement et les droits humains, en matière fiscale ou de politique commerciale notamment. L’ensemble de la politique suisse doit être axée sur le développement, c’est une priorité absolue.

02.06.2010 Le chiffre du jour L’OSEO a débloqué 58 000 francs pour venir en aide aux victimes de l’ouragan «Agatha», au Salvador.

Et l’OSEO? Nous nous engageons, avec les organisations

qui nous appuient, pour un agenda suisse en faveur du développement axé sur la lutte contre la pauvreté. Et cet objectif, nous l’avons traduit dans nos programmes. Nous accordons déjà une place particulière à l’égalité des chances pour les femmes et les filles, et nous insisterons encore là-dessus dans la perspective de 2015. Ruth Daellenbach, directrice de l’OSEO

27.05.2010 Un Mondial sur le dos des Africains? La FIFA préparerait un Mondial aseptisé et garderait tous les bénéfices de la compétition. Ces critiques trouvent un écho en Suisse. Appuyée par le PS, l’OSEO mène une campagne intitulée «Hor$jeu». «La FIFA n’a quasiment rien fait pour améliorer les conditions de travail des ouvriers sud-africains», explique Alexandre Marié­thoz, porte-parole de l’OSEO.


SOMMAIRE

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SUISSE Mentorat pour la recherche d’apprentissage: stimuler l’égalité des chances

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POINT DE VUE Christian Levrat: la Suisse a besoin d’une offensive sur le front de l’apprentissage

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CONCOURS INTERNATIONAL Les jobs verts doivent être décents Brésil 2014: la campagne contre l’exploitation lors du Mondial continue

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SUISSE L’OSEO Suisse centrale soutient des jeunes d’origine étrangère dans la recherche d’un apprentissage. P. 4–6

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POINT DE VUE  La Suisse doit offrir da­­vantage de places d’apprentissage et de possibilités de formation. P. 7

Afrique du Sud: des travailleurs sociaux bénévoles font fonctionner le système de santé 12 Comment le théâtre contribue à des changements sociaux

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DONS Des legs pour soutenir des personnes défavorisées

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PORTRAIT Freddy Chipana utilise le théâtre pour encourager des jeunes à s’engager

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INTERNATIONAL et PORTRAIT  Utiliser le théâtre pour aborder des thèmes sensibles et contribuer à des changements sociaux.

Page de titre: Grâce au coaching de l’OSEO, des jeunes d’origine étrangère trouvent une place d’apprentissage. Photo: Sabine Rock Dernière page: Travail théâtral avec des jeunes en Bolivie. Photo: Altoteatro

Impressum Editeur: Œuvre suisse d’entraide ouvrière, Quellenstrasse 31, 8031 Zurich, Tél. 021 601 21 61, e-mail: info@oseo.ch CP 10-14739-9 Lausanne. www.oseo.ch

Salvador P. 16

Rédaction: Rosanna Clarelli, Christian Engeli, Hans Fröhlich, Alexandre Mariéthoz, Cyrill Rogger, Katja Schurter (resp.) Layout: Atelier Binkert, www.atelierbinkert.ch Traduction: Irene Bisang, Ursula Gaillard, Milena Hrdina, Walter Rosselli, Peter Schrembs Correction: Angelo Ciampi, Marianne Enckell, Jeannine Horni Impression et expédition: Unionsdruckerei/subito AG, Platz 8, 8201 Schaffhausen Paraît quatre fois par an. Tirage 37 000 ex. Le prix de l’abonnement est compris dans la cotisation (membres individuels 50.– par an minimum, organisations 250.– minimum). Imprimé sur papier recyclé

Mozambique P. 17

Bolivie P. 18


Suisse

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La souplesse est de mise Les jeunes d’origine étrangère peinent à trouver une place d’apprentissage. Le système de mentorat mis en place par l’OSEO Suisse centrale les aide dans leurs recherches. Texte: Katja Schurter. Photos: Sabine Rock

Ali Azimi a trouvé un stage et une place d’apprentissage comme horticulteur.


Suisse

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Silvia Caluori et Christine Spychiger ont constaté, dans leur pratique professionnelle, que les jeunes d’origine étrangère ont moins de chances de trouver un apprentissage.

Il y a une semaine, Noor Hamzawi a appris qu’elle pourrait apprendre le métier de boulangère chez Sidler, à Gisikon. Au départ, la jeune femme au regard pétillant et portant le foulard avait d’autres projets: «Je voulais devenir fleuriste ou gardienne d’animaux.» Les entreprises ne voulaient toutefois pas imposer une apprentie avec un foulard à leur clientèle. «A la campa­ gne, les gens ne sont pas encore prêts à l’accepter», songe Karin Amrein, qui a accompagné Noor dans sa quête d’une place d’apprentissage. «Aux fourneaux, je n’ai pas de contacts avec les clients. Le foulard ne gêne donc personne.» Enseignante du primaire, Karin Amrein participe à titre bénévole au projet de mentorat de l’OSEO Suisse centrale. C’est ainsi qu’elle a pris en charge Noor, 17 ans, élève de la section C, dont la famille a fui l’Irak il y a neuf ans pour se réfugier en Suisse. Depuis octobre dernier, Karin a rencontré la jeune fille tous les quinze jours. «Ma principale tâche a consisté à encourager Noor à mener des recherches plus actives», se souvient Karin Amrein. A chaque rencontre, elles convenaient de ce Noor devait faire jusqu’à la prochaine fois: rechercher des places d’apprentissage, rédiger des lettres de candidature, trouver des stages. Après fleuriste et gardienne d’animaux, Noor a visé opticienne et techno-imprimeuse. Tout cela s’étant avéré irréaliste, elle a opté pour boulangère. Une décision pragmatique: «Des postes d’apprentie boulangère étaient encore ­libres. Et puis j’aide volontiers ma mère à la cuisine.»

Taux de réussite supérieur à 50% Dans le cadre du projet de mentorat de l’OSEO Suisse centrale, quatorze mentors accompagnent autant de jeunes en quête de places d’apprentissage. «Six d’entre eux en ont trouvé une, deux jeunes commencent un stage d’une année et une ­jeune fille a réussi l’examen pour entrer au gymnase», résume Silvia Caluori, qui a lancé le projet avec Christine Spychiger en octobre 2009. D’ici la fin de l’été, le taux de réussite pourrait bien croître encore. Ceux qui n’auront rien trouvé jusque-là participeront à un programme passerelle et continueront à bénéficier des conseils de leurs mentors, afin de décrocher un poste l’année prochaine. Leur collabora­

Le dessin de ANNA

tion n’ayant pas fonctionné, quelques tandems ont aussi arrêté de se rencontrer. «Les formations avec attestation font défaut pour les jeunes qui ne sont pas en mesure de commencer un apprentissage. Beaucoup renoncent, car le métier de leurs rêves est hors de portée. Dans certains secteurs, comme la vente, les jeunes d’origine étrangère n’ont guère de chances même s’ils ont de bonnes notes et terminent la scolarité en section A.» Voilà, selon Christine Spychiger, les principaux obstacles rencontrés.

Ne pas se décourager Une odeur de pain frais s’échappe de l’arrière-boutique de la boulangerie, là où


Suisse

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La collaboration entre Noor Hamzawi et Karin Amrein a été fructueuse: Noor commencera bientôt un apprentissage de boulangère.

se trouve le laboratoire. Après avoir fermé le four, le maître d’apprentissage, M. Häfliger, explique pourquoi il a engagé Noor: «Elle est honnête, propre, voit le travail à faire, écoute ce qu’on lui dit et pose des questions. De plus, elle est à son affaire et n’a aucune peine à être là à 5h30 tous les matins.» Pendant le trajet qui nous emmène à Lucerne, Karin Amrein raconte comment elle a vécu ce mentorat. «Tout d’abord, j’ai dû cerner mon rôle. Je n’avais pas affaire à une adulte, mais à une adolescente qui était passée par notre système éducatif: alors qu’on lui avait toujours dit quoi faire, elle devait soudain décider par ellemême.» Il fallait aussi se montrer solide et ne pas se laisser décourager par les refus: «Une fois, Noor m’a rapporté qu’une de ses amies, qui porte également le foulard, lui avait dit qu’elles ne trouveraient de toute façon jamais une place d’appren­

Mentorat pour jeunes en quête d’apprentissage L’offre de conseils et de formation Co-Opera de l’OSEO Suisse centrale ­a pour tâche de promouvoir l’intégration linguistique, professionnelle et culturelle de personnes au bénéfice du statut de réfugié ou d’une admis­sion provisoire. Le projet de mentorat s’adresse aux jeunes qui ont consulté Co-Opera et cherchent une place d’apprentissage: pendant une année, un mentor bénévole accompagne un jeune dans ses recherches.

tissage. J’ai rétorqué que ce n’était pas une raison suffisante pour mettre fin à notre collaboration.»

«J’aime me salir les mains» Le bureau de Peter Bühler, mentor d’Ali Azimi, se situe au centre de Lucerne. L’agent fiduciaire n’a pas eu besoin de motiver le jeune réfugié, 21 ans, à chercher une place d’apprentissage. Parti d’Afghanistan avec deux cousins à l’âge de 12 ans, Ali a vécu illégalement en Iran jusqu’en 2007, année où il est venu en Suisse. Il voulait à tout prix y trouver un apprentissage: «Il m’est arrivé d’écrire des lettres de candidature jusqu’à deux heures du matin», se souvient-il. Après des stages d’installateur sanitaire et de jardi­ nier, il s’est tourné vers l’horti­culture: «J’aime bien travailler au grand air et me salir les mains», déclare-t-il. La tâche de Peter Bühler a donc consisté à faire jouer ses relations. Par son entremise, Ali a pu faire un essai dans une entreprise d’horticulture. Et l’essai fut concluant: Ali commencera cet automne un stage d’une année à Malters, tout en allant un jour par semaine à l’école. Il saura alors mieux l’allemand et pourra se lancer dans l’apprentissage d’horticulteur-paysagiste.

Un apprenti inespéré A l’entreprise de Christoph Winistörfer, spécialiste des «jardins naturels et sauvages», c’est le propriétaire qui nous accueille. Il nous emmène sur le chantier où ses ouvriers posent des dalles et des pavés dans le jardin d’une villa. Alors que le patron s’enquiert des dégâts causés par l’orage de la veille, Ali empoigne un marteau et ajuste un pavé dans la couche de gravier. Christoph Winistörfer ne cherchait pas d’apprenti, mais un de ses employés lui a parlé d’Ali Azimi. Après un essai d’une semaine, l’horticulteur lui offre à présent un stage et une place d’apprentissage. «C’est son attitude qui m’a décidé. Il était évident qu’il ne travaillait pas pour la pre­ mière fois et que ce boulot lui plaît. Il y a aussi son parcours de vie et le fait qu’un autre Afghan travaille dans l’entreprise», explique le patron. Ali a déjà acheté des livres sur les plantes et commencé à apprendre leur nom en latin. «Le plus difficile, c’est souvent de se mettre tout ce latin en tête», souligne Christoph Winistörfer. Voilà au moins un domaine dans lequel Ali ne sera nullement désavantagé par rapport aux ap­ prentis germanophones.

Baromètre de la solidarité Pensez-vous qu’il y a assez de places d’apprentissage en Suisse? Que faut-il faire pour que chaque jeune trouve une place d’apprentissage? Comment éviter que les jeunes d’origine étrangère soient discriminés lors de la recherche d’une place d’apprentissage? Répondez à notre sondage au moyen du talon-réponse joint à ce numéro.


Offrir des perspectives à nos jeunes La Suisse doit créer ­davantage de places d’apprentissage­et aménager des possibilités de formation pour les­jeunes en proie à des difficultés scolaires. Texte: Christian Levrat Le chômage recule à nouveau et c’est réjouissant. Il n’en demeure pas moins que plus de 150 000 personnes dans notre pays restent sans emploi, une situation qui touche nombre de jeunes: un chômeur sur six a entre 15 et 24 ans. En une année, le chômage des jeunes s’est accru de 5% et il y a fort à parier qu’il augmentera encore cet été, avec l’arrivée sur le marché du travail des ­jeunes qui achèvent leur scolarité ou leur apprentissage. Notre pays manque de toute évidence de places de formation et d’ap­prentissage. Or la ­Suisse ne peut se permettre que cette ­situation perdure.

On nie le besoin d’agir Christian Levrat Conseiller national (FR), président du PS Suisse

Il y a belle lurette que le PS appelle le Conseil fédéral et le parlement à prendre le problème au sérieux et à le combattre avec les mesures qui s’imposent. Jusqu’ici, nos propositions ont été rejetées, car on sous-évalue les tensions sur le marché du travail et nie le besoin d’agir. C’est extrêmement préoccupant! N’y a-t-il pas lieu d’intervenir lorsque plus de 20 000 jeunes sont privés de per­­ spectives professionnelles? Les milieux politiques doivent examiner les causes du problème et rechercher des solutions en collaboration avec l’économie. Car la transition entre l’école et l’apprentissage détermine souvent le cours de toute une vie. Nous devons lancer une offensive pour des places d’apprentissage, avec plus de moyens et de nouvelles approches. Il faut faire comprendre aux entreprises forma­ trices potentielles que les apprentis sont rentables. L’enjeu va d’ailleurs au-delà: négliger la relève, c’est condamner à terme des branches entières d’activité.

Appel aux multinationales et aux pouvoirs publics En matière d’apprentissage, les sociétés internationales et les entreprises dirigées depuis l’étranger recèlent un poten­ tiel énorme. La Confédération et les cantons doivent redoubler d’efforts afin d’expliquer notre système de formation duale à leurs dirigeants, pour que des places d’apprentissage voient le jour dans des secteurs prometteurs. Les autorités publiques ont aussi un autre rôle à jouer: créer des places de formation, en particulier pour les jeunes rencontrant des difficultés scolaires. La Confédération n’est jusqu’ici pas parvenue à appliquer en son sein la règle selon laquelle on devrait compter cinq apprentis pour cent employés. Elle doit atteindre ce quota dans les années qui viennent. Des mesures s’imposent aussi pour remédier à la situation précaire des élèves plus faibles: en étalant la matière de l’année initiale d’apprentissage sur deux ans, on leur donnera le temps de combler leurs lacunes et d’acquérir de l’expérience. La formation professionnelle avec attestation doit être développée, sans en accroî­ tre les exigences. Il convient par ailleurs d’envisager l’introduction d’un apprentissage «allégé», qui permettra même aux jeunes en difficulté scolaire d’entrer dans la vie professionnelle. La Suisse ne doit pas mettre à la rue des milliers de jeunes qualifiés et motivés. Il nous incombe au contraire de leur ou­ vrir des perspectives. S’ils manquent certes d’expérience professionnelle, ils ont avant tout besoin d’un marché du travail qui leur donne la possibilité d’en acquérir.

POINT DE VUE

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QUOI DE NEUF?

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Course contre le racisme à Zurich

Exposition inédite autour du nain

Nouveau directeur à l’OSEO Valais

Le 12 septembre aura lieu à la Bäcker­ anlage, à Zurich, la neuvième course sponsorisée contre le racisme. Cet événement est organisé par le cartel syndical zurichois et l’OSEO Zurich. Le temps fort de cette année: soutenir le centre zurichois d’aide aux sans-papiers, qui donne depuis plus de cinq ans des conseils de base aux personnes migrantes sans autorisation de séjour. Comme ce fut le cas pour le centre de conseil aux sans emplois ImpulsTreffpunkt en 2008, un projet de l’OSEO Zurich sera financé avec une partie de l’argent versé par les sponsors: le centre MIRSAH, qui conseille les migrants sur leurs droits et leurs possibilités d’intégration. Celui-ci estime que, pour intégrer les personnes migrantes, il faut aussi les aider à défendre leurs droits plutôt que d’insister sur leurs seuls devoirs. Enfin, une partie de la recette ira à un réseau d’entraide pour personnes séropositives en Afrique. Nous avons besoin de personnes prêtes à courir ainsi que de sponsors désireux d’encourager par un don un coureur, une coureuse ou tout un projet. Pour plus d’information: www.laufgegenrassismus.ch

Dans le cadre de son Semestre de motivation (Semo), l’OSEO Genève a lancé une exposition comportant des œuvres artistiques de jeunes en insertion. L’objectif du projet «Nainvisible» a consisté à créer des œuvres d’art pour une exposition publique, en mobilisant tous les jeunes et formateurs du Semo. Une remise en question du nain de jardin a été le moteur de ce projet. Les jeunes ont pu aborder en toute liberté la personnalité du nain. Ils lui ont attribué un rôle inédit: d’ordinaire plutôt associé aux contes et légendes traditionnels, il est apparu multiculturel et branché. Les créations artistiques des jeunes (peintures, sculptures, nains en plâtre) ont été présentées à Carouge, du 4 au 13 juin. Plus de 1000 personnes, ainsi que vingt-cinq écoles et trois EMS, ont visité l’exposition.

Yves Ecœur a cédé la direction de l’OSEO Valais à Gérard Moulin. Sous sa conduite, l’OSEO Valais a connu un fort développement. Elle accueille désormais 540 personnes par an et dispose de programmes de réinsertion très efficaces. Yves Ecœur se consacrera désormais entièrement au secrétariat national des OSEO régionales. Auparavant responsable du programme «Atelier Bâtiment» de l’OSEO Valais, Gérard Moulin a succédé à Yves Ecœur le 1er juillet dernier. Dans le cadre de sa nouvelle fonction, il devra notamment faire face à l’augmentation du chômage chez les jeunes. Pour ce faire, l’OSEO Valais lancera, dès l’an prochain, un Semestre d’évaluation à Sion. Cette nouvelle mesure, qui existe déjà à Monthey et Martigny, complétera les Semestres de motivation existants.

L’OSEO Berne étend son offre en matière d’intégration L’OSEO Berne absorbe le programme FOCUS et étend ainsi son offre en matière de formation professionnelle et d’intégration dans le domaine de la migration. Jusqu’ici, le programme FOCUS était assumé par le service integrationBE AG, réunissant les œuvres d’entraide suivantes: Caritas Berne, le service régional bernois de l’EPER, l’OSEO Berne et la section bernoise de la Croix-Rouge suisse pour l’intégration des réfugiés. L’OSEO Berne est seule responsable de ce programme depuis le 1er août 2010. FOCUS aide des réfugiés bénéficiant d’une admission temporaire à entrer sur le marché du travail. Il propose notamment des formations. Les participantes et participants peuvent suivre des cours d’auxiliaires spécialisés dans l’hôtellerie et la restauration, le nettoyage et les soins.


INTERNATIONAL

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Les habitantes et les habitants de Los Marranitos apprennent à vérifier si l’eau est potable.

Des emplois verts, mais aussi décents L’OSEO soutient l’initiative Cleantech du Parti socialiste suisse. Mais il importe aussi de prévoir des mesures afin d’atténuer l’impact du ­réchauffement climatique sur l’emploi dans les pays en ­développement. Texte: Cyrill Rogger. Photo: OSEO Tandis que d’aucuns en Suisse doutent à nouveau de la réalité du réchauffement climatique, beaucoup d’habitants de pays en développement doivent lutter pour survivre, parce qu’ils ont été touchés par une catastrophe due au climat. C’est le cas au Burkina Faso, au Mozambique et au Salvador, où l’OSEO a récemment fourni une aide d’urgence après des inondations ou des cyclones. Dans ces pays, le changement climatique induit par les pays industrialisés a déjà fait nombre de morts et de blessés et privé d’innombrables petits paysans de leurs moyens de subsistance. Avec la multiplication des catastrophes d’origine climatique, l’aide humanitaire, dont celle de l’OSEO, mise de plus en plus sur des projets qui visent à préparer les populations aux inondations, aux cy­ clones et aux sécheresses, afin d’atténuer leur impact. Ces dix dernières années, l’Union européenne a ainsi fait passer de 8 à 33 millions d’euros les dépenses qu’elle consacre à de tels projets. Si l’on considère les 160 milliards de dollars qu’il faudrait chaque année pour financer les mesures d’adaptation au changement cli-

matique dans les pays en développement, il incombe toutefois aux responsables de ce changement de mettre d’urgence des fonds supplémentaires à disposition. Quant à la Suisse, elle doit participer pleinement à l’effort d’adaptation, mais pas au détriment de son aide au développement.

100 000 emplois verts en Suisse L’initiative Cleantech (voir formulaire de signatures en annexe) a été lancée le 22 mars par le PS. Elle vise à contraindre la Confédéra­tion et les cantons à promouvoir les énergies renouvelables et les technologies ­requises à cet effet, et à créer ainsi 100 000 nouveaux emplois en Suisse. L’OSEO soutient cette initiative, car la lutte contre le changement climatique constitue l’un des principaux enjeux mondiaux des décennies à venir. La Suisse doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Pourquoi ne pas le faire en ­exploitant son potentiel économique?

Verts et équitables L’Organisation internationale du travail (OIT) pense aussi qu’il est possible de

créer de nombreux emplois «verts». Selon les auteurs de l’initiative Emplois verts*, le passage des énergies fossiles aux énergies renouvelables au cours des vingt années à venir pourrait générer quelque 20 millions de nouveaux emplois à travers le monde, principalement dans les pays en développement. Le commerce des certificats d’émission (mécanisme de développement propre, MDP) prévu par le Protocole de Kyoto devait déjà créer des emplois verts au Sud. Les projets lancés se sont cependant souvent attachés à produire des certificats d’émission aussi bon marché que possible, en faisant fi des normes du travail. L’OSEO plaide dès lors pour que les principales normes du travail de l’OIT fassent partie intégrante de tous les projets du MDP et de la création d’emplois verts.

* Initiative conjointe de l’Organisation internationale du travail (OIT), du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de la Confédération syndicale internationale (CSI).


CONCOURS

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Le sudoku de l’OSEO

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9 1

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9 2

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Règles du jeu Complétez les cases de la grille avec les chiffres de 1 à 9, afin qu’il n’y ait aucune répétition et aucun doublon dans chaque colonne, ligne et carré de 3x3.

Prix Un nain issu de l’exposition «Nainvisible» de l’OSEO Genève (voir compte-rendu en page 8). Ce prix est amicalement offert par le Semestre de motivation (Semo) de l’OSEO Genève.

La solution se trouve dans les cases grises lues horizontalement, selon l’équivalence ci-dessous: 1=M, 3=A, 4=N, 5=O, 6=R, 7=I, 8=F, 9=T.

La date limite d’envoi est le 4 octobre 2010. Les noms des gagnant-e-s seront publiés dans Solidarité 4/2010. Le concours ne donne lieu à aucune correspondance, ni à aucun recours. Le personnel de l’OSEO et de ses associations régionales n’a pas le droit d’y participer.

Envoyez la solution à l’OSEO via le talon-réponse ci-joint, sur une carte postale, ou par e-mail à info@oseo.ch, sujet «sudoku». Toutes les réponses correctes participent au tirage au sort.

La solution de l’énigme de Solidarité 2/2010 était «Fair play». La gagnante a été tirée au sort: Marie-Thérèse Leuzinger, du Petit-Lancy, a gagné une bouteille d’huile d’olive bio de Palestine, provenant du projet «Qualité plus» de l’OSEO. Nous remercions tous les participants d’avoir joué.

Solution:

Résultat du baromètre 196 personnes, dont 149 en Suisse alémanique et 47 en Suisse romande, ont participé au dernier baromètre de la solidarité. Voici le bilan de leurs réponses. La FIFA devrait-elle s’engager activement contre l’exploitation lors de la Coupe du monde de football?

oui 97,5 % non 1,0 % sans réponse 1,5 %

Est-il souhaitable d’organiser de grands événements comme le Mondial dans les pays émergents ou en développement?

oui 40,4 % non 39,3 % oui & non 6,1 % sans réponse 14,3 %

Un quart des personnes ont motivé leur oui aux grandes manifestations sportives dans des pays en développement par cette idée: ces pays obtiennent une plate-forme pour faire connaître leur situation, leur culture, leurs dysfonctionnements. Cela pourrait ainsi contribuer à briser des préjugés. De plus, des personnes sont d’avis que les investissements liés au déroulement de la Coupe du monde créent des emplois et améliorent l’infrastructure et les conditions de vie. Elles évoquent le droit des pays émergents et en développement à héberger une grande manifestation au lieu d’en rester exclus. Quelques personnes conditionnent explicitement leur approbation à des conditions de travail équitables et au fait que le Mondial encourage réellement un développement dont profite la population locale. Les réponses négatives soulignent que seuls la FIFA et les riches tirent profit de la Coupe du monde et qu’il ne reste rien pour la population. Les coûts élevés font augmenter le déficit de l’État et engendrent des coupes dans les programmes sociaux. D’autres sont d’avis que les investissements pour le Mondial ne produisent que des stades rarement utilisés: il serait mieux d’investir dans le développement durable. La corruption et la détérioration des droits de l’homme sont aussi évoquées.

Commentaire de Marco Kistler, collaborateur de campagne à l’OSEO Les grandes manifestations sportives doivent-elles avoir lieu dans les pays émergents ou en développement? Une question qui divise les esprits – à juste titre. En fait, la question n’est pas «si», mais «comment» doivent se réaliser des manifestations comme la Coupe du monde de football. Pour l’OSEO, il est clair que le Mondial doit se dérouler d’une façon qui profite réellement à la population. Pour cela, il faut accorder plus d’importance à la responsabilité sociale qu’au profit. C’est justement ce que la FIFA ne fait pas. Nous luttons dès lors pour que le Mondial 2014, qui aura lieu au Brésil, se réalise dans des conditions équitables dès sa préparation.


Dépôt de la pétition auprès la FIFA à Zurich (à gauche) et transmission de la campagne aux syndicats brésiliens à Johannesburg (à droite)

Rendez-vous dans quatre ans, au Brésil En mai dernier, les syndicats sud-africains ont transmis la campagne pour une Coupe du monde équitable à leurs collègues brésiliens. Texte et photos: Joachim Merz Lors du coup d’envoi du Mondial de football en Afrique du Sud, le match des syndicats sud-africains de la construction était terminé. Il n’a pas duré 90 minutes, avec une pause à la mi-temps, mais plus de trois ans, sans pause. Les ouvrières et ouvriers du bâtiment ont mené 26 grèves sur les chantiers de la Coupe du monde: pour des salaires décents, pour le dédommagement des frais de transport, contre le dumping salarial des entreprises de soustraitance, pour une meilleure sécurité au travail et pour un libre accès des syndicats aux chantiers des stades. La campagne «Fair Games – Fair Play», soutenue par l’OSEO et Unia, a apporté plus de 25 000 nouveaux membres aux syndicats sud-africains, fait augmenter les salaires minimaux dans le secteur de la construction et renforcé le système de surveillance des chantiers.

La FIFA doit agir Le 22 mai dernier, à Johannesburg, les syndicats sud-africains ont remis symboliquement la campagne à leurs collègues brésiliens. C’est dans leur pays que se déroulera le prochain Mondial de football. Environ 250 travailleuses et travailleurs

du bâtiment étaient présents, tous habillés en maillots jaunes et verts avec l’inscription «From South Africa to Brazil», certains d’entre eux avec les fameuses vuvuzelas. Une chaîne humaine sur le terrain de jeu exprimait la solidarité syndicale. Lors de son discours, le président de l’OSEO, Hans-Jürg Fehr, a demandé à la FIFA d’agir. Dans la préparation de la Coupe du monde 2014 au Brésil, elle doit mieux collaborer avec les syndicats qu’elle ne l’a fait en Afrique du Sud. Elle doit immédiatement instaurer un dialogue avec les villes organisatrices et les syndicats au Brésil, afin que des critères sociaux et le

respect du droit du travail soient intégrés dans les procédures d’adjudication en vue de la construction des stades et des infrastructures. Les contrats souscrits avec les entreprises du bâtiment doivent également contenir ces exigences. La FIFA doit cosigner les contrats et impliquer dès le début les syndicats dans les inspections des chantiers et des stades. En Afrique du Sud, la FIFA n’a consenti à de premières concessions que sous la pression des grèves, mais elle ne s’y est pas toujours tenue. Au Brésil, si elle ne veut pas écoper d’un carton rouge dès le coup d’envoi, elle doit en faire davantage.

13 715 cartons jaunes pour Sepp Blatter La campagne contre l’exploitation lors de la Coupe du monde de football a connu un grand succès. 13 715 personnes ont signé notre pétition et demandé ainsi un réel engagement de la FIFA pour le respect des droits humains et des normes élémentaires du travail. La pétition a été remise à la FIFA le 8 juin dernier, à Zurich. L’OSEO a tenu un stand, avec un ballon géant de 4,5 mètres de diamètre, dans une vingtaine de villes suisses. Les réactions ont presque toujours été positives, comme en témoigne le nombre élevé de signatures récoltées en peu de temps. De nombreuses personnes ont signé la pétition sur le site internet de la campagne www.horsjeuafriquedusud.ch. Les groupes Facebook de soutien à la campagne ont réuni près de 7500 personnes dans toute la Suisse.

INTERNATIONAL

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INTERNATIONAL

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«Nous savons ce qui se passe vraiment sur le terrain» Dans les townships autour de Johannesburg, des travailleurs sociaux et des infirmières bénévoles luttent pour leur survie et celle de leurs patients. Texte et photos: Christian Walther «Je suis moi-même orpheline. J’aide les enfants et les personnes âgées qui souffrent, car je sais combien il est difficile de grandir dans de telles conditions», explique Lebohang Molafe, «volunteer» à Soweto. En Afrique du Sud, on appelle ainsi les personnes qui travaillent comme assistantes sociales, infirmières et policières sans toucher un salaire régulier. Cette femme de 40 ans rend tous les jours visite à des grands-parents, des enfants et des parents qui souffrent de la pauvreté, de la faim et du sida.

La corruption et la violence Nous nous rendons chez une grandmère qui s’occupe de ses petits-enfants, une situation très courante à Soweto. Quarante pour-cent des adultes y sont séropositifs. Un enfant risque fort de perdre ses parents avant l’âge adulte. Cette grandmère désespérée présente à Lebohang Molafe un document disant que le minis-

tère de l’Intérieur ne veut pas lui verser d’allocations pour enfants parce que le certificat de décès de sa fille – la mère des trois enfants – est mal daté. Visiblement, c’est le ministère qui s’est trompé, mais c’est la grand-mère qui doit payer 80 rands (12 francs) pour obtenir un nouveau certificat. Or cette femme n’a pas d’argent; elle aurait au contraire besoin de toute urgence d’allocations pour nourrir ses ­petits-enfants. C’est typique, dit Lebohang Molafe, l’administration sud-africaine est pléthorique, les compétences ne sont pas clairement définies et il y a beaucoup de corruption. En Afrique du Sud, la richesse est très inégalement répartie. Dans le quartier des banques de Johannesburg, les rues regorgent de voitures coûteuses et de gens tirés à quatre épingles, mais tout autour s’étalent des townships comme Soweto ou Tembisa, construits par le gouvernement à l’époque de l’apartheid, où plusieurs

millions d’hommes et de femmes vivent dans des conditions précaires. Soweto est un endroit très dangereux. Le chômage et la violence y sont endémiques: plus de 40 pour-cent des personnes n’ont pas de travail et la plupart ont entre 18 et 30 ans; une femme ou une jeune fille y est violée toutes les neuf secondes.

Une assistance de base grâce à des bénévoles Pour passer du logement de la grandmère à celui d’une mère de deux enfants gravement malades, Lebohang Molafe doit traverser une prairie idyllique, à première vue. Mais ses hautes herbes offrent une cachette idéale aux violeurs, à l’affût même durant la journée. Or c’est un passage obligé, jour après jour, si elle veut continuer à faire son travail. Près de 100 000 personnes travaillent bénévolement dans l’ensemble du pays comme assistants sociaux ou infirmiers.


chronique

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Hans-Jürg Fehr Président de l’OSEO et conseiller national PS

A Soweto, Lebohang Molafe rend visite à une grand-mère en charge de ses petits-enfants.

La plupart sont des femmes. Le gouvernement sud-africain leur octroie un dédommagement de 1000 rands (150 francs), une somme dérisoire, qui n’est souvent pas versée. «Sans nous, le système de santé s’effon­drerait», explique Lindiwe Dzingirai, elle aussi infirmière bénévole. «C’est nous qui rendons visite aux gens et qui savons ce qui se passe vraiment sur le terrain.» Il semble effectivement que le système survive uniquement parce que des personnes comme Lebohang et Lindiwe assument les soins de base. Mais elles se sentent souvent impuissantes: «Nous ne pouvons pas distribuer des aliments ou des médicaments aux gens, parce que nous n’avons presque pas d’argent nousmêmes», dit Lebohang Molafe. «Et quand je reçois les médicaments, je n’arrive pas à les administrer aux gens, parce qu’ils n’ont rien dans le ventre. Si l’on ne mange pas, les médicaments n’ont aucun effet.» Tout cela n’empêche pas Lebohang Molafe

d’aimer son travail. Parce qu’elle sait qu’elle est utile, qu’on l’estime et qu’elle aime les gens.

Votre don est une aide réelle Les travailleurs et travailleuses bénévoles de la santé s’organisent pour faire face au manque de sécurité et à des salaires dérisoires. Khanya College, l’organisation partenaire de l’OSEO en Afrique du Sud, les encourage à revendiquer leurs droits auprès des autorités. Khanya College dispense aussi une formation continue aux bénévoles. Avec un don de 50 francs, cinq assistantes sociales peuvent sui­ vre un séminaire de deux jours. Découvrez un petit film sur le travail de Lebohang Molafe sous www.oseo.ch/ soweto.

«Swissness» Le mot magique anime le débat sur la politique de développement. Voici comment Martin Dahinden, directeur de la Direction du développement et de la coopération (DDC), décrit ce qu’il faut entendre par «swissness»: «Notre action et nos résultats doivent être visibles – pour les hommes et les femmes qui sont dans la détresse comme pour les citoyennes et les citoyens suisses.» Nous devons donc hisser le drapeau suisse dans la coopéra­ tion au développement et donner une couleur nationale au travail fourni. Cette insistance sur la suissitude appelle quelques questions. Quel sera alors l’objectif central de la coopération au développement – lutter contre la pauvreté ou hisser le drapeau? Faire la démonstra­ tion de nos compétences ou renforcer nos pays partenaires? S’agit-il des intérêts de la Suisse ou de ceux des pays en dévelop­ pement? La «swissness» implique-t-elle que l’on se retire des partenariats multila­ téraux, parce qu’ils reposent justement sur le fait de travailler ensemble par-delà les frontières nationales? Nous ne refusons pas d’entrer en matière, mais une chose est sûre: la coopération suisse a pour but de diminuer la pauvreté, et non de hisser glorieusement le drapeau. Le moyen ne doit pas devenir le but. L’OSEO ne se cache pas non plus quand elle s’engage. Elle ne nie pas son apparte­ nance, c’est une caractéristique de son travail, mais elle n’en constitue pas le centre. L’OSEO se concentre sur les conditions de vie misérables de plus d’un milliard d’êtres humains, et son but consiste à les améliorer.


QUOI DE NEUF?

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Participation à la politique communale au Salvador

Concours pour Élimination des déchets associations paysannes dans les camps de au Kosovo réfugiés au Sri Lanka

Il y a deux ans, l’OSEO a initié une formation aboutissant à un diplôme pour l’élaboration participative de plans de développement communal, en collaboration avec ses organisations partenaires dans le département de Chalatenango. Le travail de diplôme consistait en une planification concrète qui a été mise en application dans huit communes, en 2009. La population était partie prenante de la discussion et a collaboré à définir les priorités. Un aspect central a été l’atténuation des effets des catas­ trophes naturelles récurrentes. Dans ce territoire, il s’agit principalement de glissements de terrain. En août prochain débutera le troisième volet du cours, complété par des éléments de politique égalitaire. Celle-ci a déjà été élaborée dans trois communes de Chalatenango au cours des dernières années. Les communes doivent ainsi ins­ tituer un bureau de l’égalité et mettre à disposition un budget pour des projets. Dans la commune de Las Vueltas, la mairesse a déjà demandé dix pour-cent de ce budget pour des projets concer­ nant les femmes et 15 pour-cent pour des projets en faveur des jeunes. Début 2010, le Conseil communal a approuvé ces requêtes.

Lors d’un concours de l’OSEO en faveur d’associations paysannes au Kosovo occidental, le 20 mars dernier, le jury local a retenu dix idées issues de 20 projets. Il s’agit d’idées très innovantes du point de vue social et économique. Ces dernières semaines, les associations ont appris le savoir-faire nécessaire pour concrétiser leurs idées. Les trois meilleurs projets provenaient d’associations de femmes de Rahovec, Gjakova et Prizren. Deux associations sont actives dans le domaine laitier et l’autre dans la culture biologique du paprika. La plupart de leurs membres sont veuves suite à la guerre. En octobre prochain, les plans commerciaux seront évalués par un jury local. Les trois meilleurs seront récompensés par un soutien financier de l’OSEO.

Le retour de 280 000 réfugiés inté­ rieurs, auparavant retenus dans des camps de réfugiés au nord du Sri Lanka, prend du temps. La lenteur du processus s’explique notamment par les nombreuses mines qui se trouvent sur leurs territoires d’origine. En mars 2010, il y avait encore 90 000 réfugiés dans les camps. L’OSEO a donc pro­lon­ gé le projet d’élimination des déchets, lancé en 2009, jusqu’à fin septembre 2010. L’élimination des déchets a considérablement amélioré les conditions d’hygiène dans le camp et contribué à limiter la propagation des maladies. Les cas de dysenterie sont ainsi passés de 1101 pour 100 000 personnes à la mi-juin 2009, à 98 vers début décembre. Le projet a également contribué à une prise de conscience écologique.

Percée historique à l’OIT Lors de la conférence annuelle de l’Organisation internationale du travail (OIT), à Genève, les représentants des employeurs, des syndicats et des États se sont mis d’accord, après une pénible lutte, sur une nouvelle convention et des recommanda­ tions quant à la situation du personnel de maison. Ce texte a été approuvé lors de l’assemblée générale du 16 juin dernier. L’OSEO était présente en tant que membre de la délégation suisse des travailleurs. Le but de la convention est de veiller à ce que le personnel de maison dispose des mêmes droits que les autres salarié-e-s: par exemple, un contrat de travail et un temps de travail clairement défini. La convention sera finalisée et approuvée lors de la conférence 2011 de l’OIT. Dans le domaine du personnel de maison, les violations du droit du travail sont fréquentes. Elles frappent le plus souvent des femmes migrantes.


Dons

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Un testament en faveur de personnes défavorisées Les legs et les dons représentent un important soutien au travail de l’OSEO. Texte: Christof Hotz. Photo: Joachim Merz

D’autres manières de soutenir l’OSEO Dons réguliers En donnant une autorisation de débit direct sur votre compte postal ou bancaire, vous soutiendrez l’OSEO sans frais pour vous ni pour nous. Legs Nos notices vous renseignent au sujet du droit de succession et de l’établissement d’un testament. Voir aussi sous www.oseo.ch/testament Parrainage OSEO Souscrivez à un parrainage OSEO et engagez-vous pour des conditions de travail équitables dans le monde entier. Commandez la documentation avec le talon-réponse ci-joint. Pour toute question: info@oseo.ch ou 021 601 21 61.

L’année dernière, dix personnes ont fait un legs en faveur de l’OSEO, d’un montant allant de 400 à plus de 100 000 francs. Nous sommes toujours extrêmement émus d’apprendre que quelqu’un a pensé à l’OSEO dans son testament. Ce sont souvent des donatrices et des donateurs qui nous ont fidèlement soutenus au cours des années et qui nous font ainsi parvenir leur ultime don – confiants que nous utiliserons cet argent pour venir en aide à des personnes défavorisées dans les pays du sud-est de l’Europe et du Sud. L’OSEO est très reconnaissante de ces versements, car ils permettent de pour­ suivre et même de développer ses projets, alors que les pouvoirs publics tendent à faire des économies en gelant ou en ré­ duisant leurs contributions. Nous regrettons beaucoup de ne plus pouvoir remercier personnellement ces personnes généreuses et leur montrer de

quelle manière leur aide se concrétise sur le terrain.

Rester solidaire même après sa mort L’an passé, l’OSEO a reçu des legs d’un montant de 240 000 francs, auxquels s’ajoutent 60 000 francs de dons à la mémoire de défunts, ce qui représente environ 300 000 francs que ces donateurs et donatrices nous ont confiés, au-delà de leur décès. Si vous nous annoncez que vous désirez faire bénéficier l’OSEO de votre succession, nous pouvons, si vous le désirez, prendre contact avec vous pour parler de l’affectation de votre legs. Nous nous réjouissons de vous rencontrer et de vous remercier de votre solidarité.


INTERNATIONAL

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Le théâtre pour induire un changement social Dans divers pays, le théâtre compte parmi les principaux instruments de travail de l’OSEO. Des exemples au Salvador et au Mozambique illustrent son efficacité.

Démolir les faux-semblants Texte: Karin de Fries. Photos: Frederic Meyer (en haut), Karin de Fries (en bas)

Un immeuble ordinaire appartenant au groupement de femmes Las Mélidas, à San Salvador, sert de local de répétition aux six jeunes femmes du groupe de théâtre Amorales (amoralité). Dès leur arrivée, les lieux s’égaient et s’animent. Pour «s’échauffer», les jeunes femmes expriment avec leur corps les sentiments qu’elles éprouvent au quotidien. Chacune entre en relation avec le local et les autres actrices. Leurs mouvements reflètent le travail intérieur qu’elles accomplissent pour changer la culpabilité en colère, le doute en certitude.

Joie obligatoire Pamela Jordan, professionnelle du théâtre venue d’Andalousie, dirige le groupe depuis deux mois. Elle construit la future pièce avec ces jeunes femmes d’une vingtaine d’années. Des exercices d’impro­ visation leur ont permis de définir un fil rouge, et celui-ci évolue sur la base de leurs histoires personnelles. Tout part d’une fête traditionnelle, que les femmes organisent pour la future mère peu avant l’accouchement. «Toutes se montrent gaies et gentilles, couvrant de cadeaux l’en­fant à naître. Il serait impensable de demander à la principale concernée si elle se réjouit vraiment», explique Abigail Reinosa. «Même si elle est malheureuse, on fête son

ventre.» Les jeunes actrices interprètent une de ces fêtes et, en déformant des visages de femmes, montrent à quel point la joie est artificielle. En démolissant les faux-semblants, elles soulignent les pré­ oc­cupations des femmes: violence fami­ liale, absence des pères, curiosité de la vie et de la sexua­lité, amitiés féminines, ­ag­ressions sexuelles. Pour l’heure, aucune ne sait comment finira la pièce.

Espace de création et de liberté Des représentations publiques sont prévues en août et la pièce sera aussi jouée en novembre au festival national de la jeunesse. «Au théâtre, je peux tester des rôles, briser des stéréotypes et montrer ce qui ne va pas dans notre société.» Selon Meztli Montalvo Matus, c’est ce qui pousse les jeunes femmes à faire du théâtre. «Je deviens créative et vis avec d’autres femmes dans un espace de liberté. Dans notre société machiste et violente, c’est une véritable gageure.» Si la répétition est finie, l’énergie et la créativité des jeunes femmes vibrent encore dans l’air, tout comme le courage d’évoquer leurs parcours et d’œuvrer ensemble à l’évolution de la société. Abigail Reinosa (en bas) dirige la mise en scène pendant que son histoire est jouée.


INTERNATIONAL

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Luis Beans et Angel Antonio Mange sur la scène de la troupe de théâtre Serra Choa, dans une arrière-cour de Chimoio.

Aborder des sujets difficiles Texte et photo: Joachim Merz

Comme presque toujours en fin de semaine, Luis Beans et Angel Antonio Mange se tiennent sur la scène en plein air qui se niche dans une arrière-cour de Chimoio (Mozambique). Tous deux comptent parmi les acteurs de la troupe de théâtre Serra Choa, fondée en 1994, après la guerre civile. «A l’époque, nombre d’enfants, arrachés à leur famille par la guerre, vivaient dans la rue», raconte Luis, membre fondateur du groupe. «Avec l’appui de l’Unicef, nous avons sillonné la campagne et fait du théâtre. En attirant les

habitants des hameaux voisins, nos représentations ont permis de retrouver les familles des enfants.» Aujourd’hui, Serra Choa est une associa­tion culturelle officiellement reconnue, comptant vingt-cinq membres permanents, tous entièrement bénévoles. La guerre appartenant au passé, les problèmes sont ailleurs: sida, violence familiale, exploitation sexuelle et prévention de maladies après les inondations.

L’OSEO et le théâtre

Remettre en question les traditions

Au Burkina Faso, où la culture orale est encore très présente, les organisations partenaires de l’OSEO recourent au théâtre social afin de sensibiliser la population à des sujets tels que les droits de l’enfant, le sida, l’alphabétisation des femmes et la démocratie. Au Nicaragua, l’OSEO utilise le théâtre pour dénoncer la violence envers les femmes et les enfants. Le travail théâtral constitue aussi un important outil de sensibilisation en Bolivie (voir article en page 18), ainsi qu’au Salvador et au Mozambique (voir articles ci-contre).

rivé de devoir interrompre une représentation. Si le chef du village, gardien de la tradition, n’est pas d’accord, nous n’arrivons à rien.» Serra Choa commence donc par envoyer l’un de ses membres

«Nous remettons aussi en question des traditions séculaires.»

«Nous ne faisons pas que jouer une ­ ièce», explique Angel Antonio Mange. p «Nous débattons ensuite toujours avec les spectateurs de ce qu’ils ont vu.» Le théâtre peut-il donc modifier des comportements? L’acteur en est convaincu: «Les gens sont aujourd’hui plus nombreux à faire un test du sida ou à dénoncer à la police un père qui bat ses enfants. Ils ont pris conscience de leurs droits. Mais nous remettons aussi en question des traditions séculaires, comme le remariage des veuves suivi de rapports sexuels non protégés, qui tend à propager le sida. Nos critiques suscitent parfois de la colère; il nous est même ar-

dans le village, afin d’appréhender les traditions locales, d’identifier les sujets tabous et de parler avec le chef. «La pièce est jouée en langue locale, en shona, en ndan ou en sena, pour que chacun puisse participer à la discussion», explique Luis Beans. En plus des représentations à la campagne, Serra Choa fait aussi du théâtre proprement dit et écrit des ­pièces, sur des sujets parfois très sensibles. Il y a quelques mois, toute la troupe a été arrêtée, après avoir interprété une pièce sur la corruption au sein de la police. L’accès à la scène de Chimoio est gratuit. «A présent, nous voulons la doter d’un toit et installer des toilettes décentes», révèle Angel Antonio Mange. «Nous avons encore beaucoup de projets.»


PORTRAIT

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«Provoquer un déclic chez les gens» Freddy Chipana dirige la troupe Altoteatro, qui travaille avec des adolescents en Bolivie. Il vit pour un théâtre qui a un impact fort sur le plan social. Texte: Katja Schurter. Photo: Altoteatro Freddy Chipana sait de quoi il en retourne quand des jeunes lui parlent de manque de soins, de pauvreté et de violence. Il a lui-même grandi dans le dénuement, sans père, et son enfance a été marquée par les coups que lui assénait sa mère alcoolique. «Je ne regrette rien. Sans ce passé, je ne serais pas ce que je suis. Il me permet de comprendre ce que les adolescents d’aujourd’hui traversent.» Alors qu’il vivait dans la rue, il a été soutenu par des gens s’occupant des enfants mineurs livrés à eux-mêmes, et qui lui ont fait découvrir le théâtre.

Tous ont quelque chose à raconter Aujourd’hui, Freddy Chipana est directeur de la troupe «Altoteatro». Forte de cinq comédiens, elle monte des créations avec des adolescents. «Tous les jeunes ont quelque chose à raconter, estime Freddy Chipana. Les uns savent écrire ou danser, les autres peuvent jouer. Il est possible de

blèmes de leur école et de leur quartier», explique Freddy Chipana. «Ils doivent découvrir ce qui compte vraiment pour eux. Nous leur proposons un espace pour développer des idées.» Il ne s’agit pas de briller sur scène, mais d’apprendre quelque chose en jouant.

Devenir actif Grâce au travail théâtral, Freddy Chipana aimerait amener les jeunes à mieux comprendre ce qui se passe autour d’eux, et à agir. «J’ai toujours estimé qu’il fallait dépasser le stade de la plainte, et faire quelque chose. On ne doit jamais baisser les bras parce qu’on a vécu des choses difficiles.» Freddy Chipana est heureux quand le jeu théâtral transforme les acteurs et le public. Les jeunes commencent par faire une enquête dans leur quartier sur l’alcoolisme par exemple, ils consignent ce qu’en disent leurs frères et sœurs, leurs parents et connaissances. «Ensuite, nous discutons des effets de la consommation abusive d’alcool.» Toute cette matière prend­ consistance grâce à la mise en forme et au jeu sur scène. Et si les jeunes viennent dire qu’au sein de leur famille, ils ont recommencé à pouvoir parler avec leurs parents qui ont vu le spectacle, Freddy Chipana estime qu’un premier pas a été accompli.

«Les jeunes doivent découvrir ce qui compte vraiment pour eux.» s’exprimer de plusieurs manières, et nous essayons de trouver celle qui correspond à chacun.» La troupe utilise le jeu de rôles pour inciter les jeunes à exprimer ce qui les préoccupe. Livrés à eux-mêmes, ils parlent de la violence au sein de leur famille, d’exploitation sexuelle, de chômage et de discrimination. «D’abord, ils parlent de leur famille, puis, par la force du jeu, ils commencent à s’intéresser aussi aux pro-

Une école d’art pour tous La troupe Altoteatro intervient souvent dans les écoles, car la violence y est omniprésente. Il n’est pas toujours évident d’obtenir l’autorisation de la direction et des parents, «mais une fois qu’ils ont vu le

résultat, les parents reviennent pour ins­ crire les frères et sœurs et les cousins au cours de théâtre», relève Freddy Chipana en souriant. Pour survivre, la troupe doit jongler entre activités rémunérées et bénévoles. «Mon but est de provoquer un déclic chez les gens, pas de faire du théâtre bourgeois. Pour moi, le théâtre est une mission qui donne un sens à ma vie tout me permettant de la gagner», résume Chipana. Il rêve d’une école d’art qui travaillerait en interaction avec la population. «Non pas avec les «meilleurs», mais avec celles et ceux qui aimeraient exprimer quelque chose. Je cherche un espace gratuit où réaliser ce projet. Tôt ou tard, je finirai par y arriver.»

Le travail théâtral de l’OSEO en Bolivie L’OSEO soutient l’Altoteatro et d’autres troupes qui travaillent avec des jeunes pour favoriser la discussion et les encourager à prendre une part active dans la société. Elle finance partiellement les créations collectives réalisées avec les jeunes et les tournées, ainsi qu’une rencontre nationale annuelle où les adolescentes et adolescents qui font du théâtre peuvent partager leurs expériences.


PORTRAIT

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Freddy Chipana fait du théâtre avec des jeunes afin qu’ils puissent exprimer leur vécu et initier des changements dans la société.


«Nous donnons un espace à des jeunes pour développer des idées.» Le travail théâtral incite des hommes et des femmes à s’engager, en Bolivie et ailleurs.

www.oseo.ch


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