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L’amiante, un problème en Suisse plus de trente ans après son interdiction

AMIANTE EN SUISSE : LE RISQUE

Plus de trente ans après son interdiction, l’exposition à l’amiante, les maladies qui en découlent et l’indemnisation des victimes restent un casse-tête.

Texte : Vasco Pedrina et Dario Mordasini, anciens responsables de la campagne syndicale contre l’amiante. Photo : Unia

En 1990, la Suisse a été l’un des premiers pays à interdire l’amiante, un peu tard, étant donné que la Suva a reconnu la première maladie professionnelle liée à l’amiante en 1939 et que des cas de maladies mortelles dues à l’amiante avaient déjà été signalés dans différents pays au début du XXe siècle. En même temps, ce n’est pas si évident, en tant que siège d’Eternit SA, l’un des plus grands producteurs de matériaux contenant de l’amiante.

Les syndicats obtiennent l’interdiction de l’amiante

Jusqu’à la fin des années 1970, les risques de l’amiante pour la santé ne suscitaient guère d’intérêt. La longue période de latence entre l’exposition et l’apparition de la maladie en est la raison essentielle. Au milieu des années 1980, le SBB (syndicat du bâtiment et du bois, aujourd’hui Unia), a lancé avec l’USS une campagne de plusieurs années sur l’amiante et ses risques pour la santé. Il a attiré l’attention du public sur le problème de l’amiante, menant des enquêtes sur les lieux de travail, avec des revendications d’expert·e·s visant l’interdiction, dénonçant les abus et soutenant les interventions politiques. Son action successive a conduit à un retournement de situation. Le changement de mentalité de Stephan Schmidheiny, à l’époque le principal dirigeant de l’industrie de l’amiante, a également contribué à cette évolution.

Indemnisation de toutes les victimes : mieux vaut tard que jamais

La création d’un fonds d’indemnisation des victimes en 2017 a permis, certes avec retard, une avancée significative. Le soutien et l’indemnisation ne sont malgré tout que partiellement résolus. Pour les employé·e·s qui ont été en contact avec la fibre sur leur lieu de travail, la loi sur l’assurance-accidents LAA concernant les prestations pour les maladies professionnelles est applicable. Il se peut toutefois que le contact ait été indirect, comme les épouses qui ont lavé à la maison les vêtements contaminés de leur mari. Celles-ci ne touchent aucune prestation de la LAA, qui sont meilleures. La question de la prescription des prétentions juridiques n’est pas non plus résolue. En outre, les travailleur·euse·s atteint·e·s ne savent pas tou·te·s qu’ils et elles ont droit à des prestations d’assurance, surtout les migrant·e·s qui sont tombé·e·s malades après leur retour au pays. Dans ce domaine, l’engagement des syndicats et des associations de victimes a toutefois porté ses fruits : le délai de prescription a été doublé début 2020 pour passer à vingt ans, le fonds d’indemnisation prend d’abord en compte les victimes de l’amiante dont la maladie n’a pas été reconnue comme maladie professionnelle, et les migrant·e·s rentré·e·s au pays sont contacté·e·s et informé·e·s de leurs éventuels droits. Mais ces mesures ne sont pas suffisantes.

Le danger de la démolition

Étant donné que l’amiante a été utilisé dans de nombreux bâtiments en Suisse, le risque d’exposition existe toujours trente ans après l’entrée en vigueur de l’interdiction, notamment lors de travaux de rénovation et de démolition. Les mesures de prévention sur l’utilisation de l’amiante restent donc importantes, comme celles développées par le Forum Amiante Suisse. L’importation (illégale) de produits contenant de l’amiante est également possible, par exemple les plaquettes de frein, ce qui est peu connu. Enfin et surtout, la Suisse et les autres pays où l’amiante est interdit doivent s’engager en faveur d’une interdiction universelle, comme le fait Solidar Suisse en collaboration avec les syndicats.

Inauguration de l’exposition « 100 morts de l’amiante » le 28 avril 2010 sur la Piazza Riforma à Lugano.

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