Québec : le faire-savoir des savoir-faire

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REPORTAGE AU QUÉBEC

Le faire-savoir des savoir-faire Le croisement des connaissances de chercheurs, de professionnels et surtout de citoyens est au cœur de la dynamique de l’économie sociale et solidaire du Québec. L’initiative Parole d’excluEs, qui lutte contre la précarité et l’exclusion sociale par la mobilisation des citoyens du nord-est de Montréal, en est l’un des symboles. Le Bâtiment 7 dans un ancien quartier ouvrier de Montréal, le village de Saint-Camille ou encore le studio ambulant de Wapikoni mobile sont d’autres illustrations de ce rapport plus attentif aux savoirs et savoir-faire du terrain.

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u béton, un parking et des trafics louches en dessous d’appartements tenus par des gangs : tel était il y a une petite quinzaine d’années le paysage de l’Îlot Pelletier. Changement d’ambiance en ce samedi 9 juin 2018 ensoleillé : ce quartier de l’arrondissement de Montréal-Nord fête son « bazar ». Le parc de stationnement de deux ou trois milliers de mètres carrés est en partie devenu la Voisinerie. La grisaille des murs, de l’asphalte et des pots d’échappement a laissé place à une table de bois, des plantes, un verger, deux jardins potagers et une petite bicoque de travail décorée de peintures d’enfants. Il y a aussi la ruche, perchée sur le toit de l’immeuble, et, juste à côté, un Centre de la petite enfance (CPE) de quatre-vingts places qui soufflera trois jours plus tard sa première bougie d’existence avec un spectacle de clown. Jeunes et vieux du coin, francophones et anglophones, d’origines européenne, africaine, du Nord au Sud, haïtienne ou encore latino-américaine préparent les repas, installent les tables, palabrent, vendent, s’échangent fringues et autres babioles. Ils ont concocté la journée eux-mêmes avec le soutien des deux OBNL (organismes à but non lucratif, équivalent québécois de nos associations loi de 1901) qui ont remplacé l’organisation criminelle du premier étage : l’Accorderie, système d’échange de services via une bourse de temps, et Parole d’excluEs, créé en 2006 afin de « lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale à travers la prise de parole, la mobilisation et l’accompagnement de démarches citoyennes »1. VISIONS SOLIDAIRES POUR DEMAIN N° 3

vireZ-Moi ces GanGs De l’iMMeUBle, QU’on PUisse PrenDre Un caFé Son jeune garçon dans les bras, Leonardo Munoz slalome entre les stands, puis grimpe l’escalier extérieur jusqu’au premier espace communautaire ouvert il y a un peu plus de dix ans par Parole d’excluEs dans des quartiers considérés comme défavorisés du nord-est de Montréal. « Ce local communautaire, explique le chargé de mobilisation citoyenne de l’organisme sans but lucratif, c’est notre premier lieu de prise de parole. Avant, cet édifice et celui d’à côté étaient possédés par des criminels, il y avait des logements armes, jeux, trafic de femmes, la totale quoi ! Juste se retrouver, discuter, prendre un café dans un lieu sécurisé, ce n’était pas possible dans le quartier. » C’est ici, à l’Îlot Pelletier, qu’a été lancé ce projet au long cours, à la conjonction de trois univers : le mouvement social et citoyen, puis l’économie sociale comme on appelle au Québec l’économie sociale et solidaire, via Patrice Rodriguez, visionnaire à l’origine du projet et fondateur de plusieurs initiatives, aujourd’hui décédé ; ensuite le logement social, via un OBNL dénommé la Shapem ou Société d’habitation populaire de l’est de Montréal ; et puis le monde de la recherche, grâce à la création d’un « incubateur universitaire ». « Personne ne voulait prendre en charge la reconversion des édifices dont la police venait d’évincer les gangs de rue, se souvient Jean-Marc Fontan, sociologue à l’Université du Québec à 55


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Montréal et membre du CRISES, Centre de recherche sur les innovations sociales. Les criminels préfèrent l’ombre à la lumière. Alors, pour éviter qu’ils n’aient l’envie de revenir, et agir pour le quartier, la Shapem et Parole d’excluEs ont décidé de s’associer, le premier pour la brique, le second pour l’animation, afin de monter un lieu de vie pour et surtout avec les habitants. C’est pour atteindre cet objectif-là, comprendre les aspirations des citoyens et nous impliquer avec eux qu’avec Patrice Rodriguez, nous avons monté l’incubateur universitaire. Nous l’avons fait sur le modèle des incubateurs brésiliens, qui interviennent dans des territoires délaissés, ne bénéficiant d’aucune aide de l’État. Issues du monde de la recherche, ces structures inscrivent leur mission au cœur des communautés les plus démunies, pour les aider à transformer leur économie informelle en économie coopérative, et donc à se prendre elles-mêmes peu à peu en main. » Un MonDe Universitaire trÈs iMPliQUé Dans l’éconoMie sociale L’une des originalités du modèle social québécois se situe là : dans l’implication tangible du monde universitaire sur le terrain de l’économie sociale et solidaire. Ce mode d’intervention trouve ses racines dans la « Révolution tranquille » du Québec : en une dizaine d’années, dans les années 1960, se construit l’État social québécois. Mais c’est sous la pression de citoyens se constituant en organismes communautaires que l’éducation, 56

la santé et les mécanismes d’aide sociale passent des mains d’institutions religieuses ayant perdu de leur superbe à celles du nouvel État-providence. En phase avec ce mouvement, le plus grand réseau d’enseignement supérieur de la Province naît quasiment ex nihilo en 1968 : l’Université du Québec. Laquelle se décline dès l’année suivante en une dizaine d’établissements universitaires, dont la plupart sont associés à des villes : Trois-Rivières, Chicoutimi, Rimouski ou bien sûr Montréal. Et c’est dans cette dynamique-là que se construit, au sein de l’UQAM (Université du Québec à Montréal), après sept ans d’expérimentation avec des centrales syndicales et d’autres groupes, un Service aux collectivités inédit pour le monde de l’enseignement supérieur. Baptisée en 1979, cette structure sert VISIONS SOLIDAIRES POUR DEMAIN N° 3

Crédits photo : Hubert Hayaud/Moderne Multimédias

sur le toit de l’immeuble du local communautaire de Parole d’exclues à l’Îlot Pelletier, nelly trudeau, une citoyenne impliquée, prend soin de la ruche, tandis qu’en bas, ismael Hautecoeur, chargé d’expertise en production alimentaire, s’occupe du jardin partagé créé grâce à l’initiative.


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« Ce que l’on fait, on le fait avec les gens concernés, pour qu’ils développent euxmêmes leur pouvoir d’agir. » LEONARDO MUNOZ, CHARGÉ DE MOBILISATION CITOYENNE de relais entre, d’une part, les chercheurs désirant travailler sur le terrain social et solidaire, et, d’autre part, les syndicats et les organismes communautaires, avec un focus particulier sur ceux qui concernent la cause des femmes. L’incubateur universitaire de Parole d’excluEs est un héritier de l’UQAM et de son Service aux collectivités – que l’on pourrait traduire par « Service aux communautés ». Ses chercheurs en sont issus ou proches, via le CRISES, né de ce terreau en 1986. Quant à Parole d’excluEs en tant que tel, il tient beaucoup de la dynamique de l’économie sociale et du mouvement coopératif qui ont connu une nouvelle jeunesse au Québec à partir de la Révolution tranquille. Pour preuve la sémantique des « comités de citoyens », au cœur de son modèle de mobilisation, écho des comités de citoyens qui, dans les années 1960, ont poussé l’État à agir pour améliorer les conditions de vie et de travail… Et qui ont « exigé la participation des citoyens dans les prises de décision les concernant », ajoute le sociologue et directeur du CRISES Sylvain Lefèvre. Pas De « PoUvoir D’aGir » sans le savoir-Faire Des HaBitants C’est au prisme d’une recherche-action dont l’objectif est de permettre aux plus démunis de saisir qu’ils détiennent eux aussi des savoirs et qu’ils peuvent les utiliser pour changer leur quotidien qu’il faut comprendre la boutade de Leonardo Munoz lors de la fête de l’Îlot Pelletier : « Beaucoup de personnes viennent nous voir, et nous disent : qu’est-ce que vous faites, vous, comme services ? Pour les jeunes, pour les enfants… Nada ! On ne fait absolument rien ! Pourquoi ? Ce que nous faisons, on le fait avec les gens concernés, pour qu’ils développent eux-mêmes leur pouvoir d’agir. » Et c’est bel et bien là, au niveau du « pouvoir d’agir », qu’intervient l’incubateur universitaire… « Dès 2008, poursuit Leonardo Munoz, nous avons lancé notre première étude des besoins et aspirations du quartier, en sondant environ 200 personnes. Comment on rêve le quartier ? On aspire à quoi ici ? Pas juste : c’est quoi ton besoin ! À quoi on aspire ? Plein de solutions, plein de problèmes ont été nommés. Notre équipe de la recherche, rapidement, a analysé et mis en forme les grands sujets de préoccupation, avant de les valider en assemblée citoyenne. EstVISIONS SOLIDAIRES POUR DEMAIN N° 3

ce bien ce que vous avez dit ? Est-ce vrai ? Ou est-ce qu’on est à côté de la traque ? Une fois d’accord, nous avons favorisé la création de comités citoyens pour s’attaquer ensemble, avec les gens se sentant les plus concernés, à chacun de ces grands sujets. » Assise sur une chaise lilliputienne du Centre de la petite enfance (CPE) de l’Îlot Pelletier, créé récemment grâce à la mobilisation orchestrée par Parole d’excluEs, Dalila Hafid raconte comment elle s’est impliquée dès 2011 : « Je suis originaire d’Algérie, mariée et mère de trois enfants. Assez vite, je me suis inscrite dans les comités où mon expérience pouvait peut-être apporter quelque chose : ceux sur les jardins et la sécurité alimentaire, et puis surtout le comité service de garde, car le besoin pour s’occuper des très jeunes enfants était énorme. » Et c’est tout naturellement qu’en 2017, elle est devenue salariée du CPE. Les citoyens apportent chacun leurs savoir-faire : autour de la table en bois de l’Îlot Pelletier, avec une amie haïtienne, elle aussi du « Staff Lapierre », collectif né dans le quartier Lapierre où un autre local communautaire de Parole d’excluEs s’est installé, Daphney Mirand parle de musique et de cuisine, de la « Rue festive » qu’elle a organisée avec d’autres jeunes du secteur. Et puis du film documentaire pour « revaloriser l’image de Montréal-Nord » qu’elle peaufine avec des « praticiens » de l’audiovisuel – c’est-à-dire des professionnels… Soit une vidéo qui aurait été infaisable sans la sensibilité aux autres et la connaissance fine qu’a son Staff Lapierre de ce coin de Montréal… Dalila Hafid et Daphney Mirand, Caroline Robichaud, mère monoparentale qui travaille dans le jardin potager de la Voisinerie ou Choukrad El Yakout, Lise Morencey et Kouassi Lowa Jonas du Rassemblement des citoyens du Nord-Est qui montent le projet d’une clinique de proximité du côté de la rue Lapierre, ne maîtrisent sans doute qu’imparfaitement l’art de la parole construite et argumentée. Mais les chercheurs de l’incubateur comme Jean-Marc Fontan ou Isabel Heck, anthropologue et salariée de Parole d’excluEs, sont les premiers à souligner la richesse de leurs enseignements au départ si peu formalisés. Ce sont les citoyens et citoyennes qui font vivre les différents comités de l’arrondissement de Montréal-Nord, mais ils avancent main dans la main avec des universitaires dont l’implication à leurs côtés, au quotidien ou le plus souvent de façon ponctuelle, est devenue peu à peu une évidence. Des cHercHeUrs À l’écoUte attentive Des HaBitants Des QUartiers Isabel Heck a participé en 2014 à la dernière grande étude sur les besoins et aspirations des citoyens par Parole d’excluEs et son incubateur universitaire, dans le quartier du nord-est de Montréal Nord. Pendant six mois, elle et ses assistants de recherche ont mené une étude ethnographique dans le quar57


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tier : « Pour créer un vrai contact avec les personnes en situation de pauvreté, d’exclusion sociale, loin de tous les systèmes d’aide, il ne suffit pas de coller des affiches et de clamer sa volonté de faire des entretiens et des focus groupes. Il faut de la persévérance, et puis fonctionner sur le registre informel : se rendre dans les parcs, les salons de barbier, de lavage, organiser des barbecues ou des fêtes pour susciter des contextes favorables à l’échange et tisser progressivement des liens de confiance. De jeunes adultes ont même réalisé un slam avec nous, car ils se sentaient plus à l’aise pour parler de leur quartier sur ce mode artistique, plutôt que d’être interviewés de façon classique 2. » Grandes collectes de données suivies d’une assemblée citoyenne ou études plus ponctuelles comme celle sur la meilleure façon de mobiliser les jeunes autour de leurs propres savoirs : on sent, dans les explications des chercheurs, toute la difficulté à s’extirper de la posture du « sachant » pour mieux traquer les trucs et astuces de vie, les savoirs d’expérience, d’intervention au quotidien au-delà des connaissances de « praticiens », elles aussi valorisées. Lorsqu’il se souvient des rapports de quarante ou cinquante pages à résumer pour une assemblée en une feuille recto verso, à même d’être comprise par tous, Jean-Marc Fontan a le sourire… Isabel Heck, quant à elle, insiste sur les enjeux d’expression : « Comment, dans les discussions, amener la question du changement ? On ne peut pas dire d’emblée qu’on est là pour aider les habitants à transformer le quartier, ce n’est pas un discours à adopter. Il faut respecter les sensibilités et laisser émerger ce qu’ils ont à dire sur leurs lieux de vie, et ce à quoi ils aspirent. Car malgré une mauvaise réputation dans les médias, les habitants sont très fiers de leur quartier… Il n’y a pas de relation durable sans écoute mutuelle et coconstruction, du vocabulaire comme des actions. » la constrUction aU lonG coUrs D’Un sYstÈMe aliMentaire aUtonoMe Short et casquette sous le soleil, Jacynthe Morneau est au micro : « Merci de votre participation au bazar de l’Îlot Pelletier (…). Les hot-dogs sont à cinquante sous, et les légumes, santé et saine alimentation, sont gratuits ! » Quelques minutes plus tard, dans le centre communautaire de l’Accorderie et de Parole d’excluEs, elle explique le pourquoi et le comment de son implication. « Ici, il y avait un vrai souci d’alimentation. C’est pas vrai qu’une personne démunie va manger comme la chienne à Georges ! Mais c’est pas les autres qui vont faire quelque chose à ta place. Des enquêtes, je veux bien, ça confirme qu’il y a un souci, mais il faut se prendre en main avec ceux qui ont le même problème que toi. Alors on a trouvé le moyen de faire quelque chose pour la dignité des gens du quartier… » « La nécessité d’agir face à ce désert alimentaire qu’était ce secteur du nord-est de Montréal n’est pas apparue tout de suite, se sou58

vient Amélie Daigle, coordinatrice générale de Parole d’excluEs. Car il faut du courage pour reconnaître, face à des voisins et des inconnus de son quartier : moi, je ne mange pas à ma faim, et lors des derniers jours de chaque mois, je me demande comment je vais nourrir mes enfants. » Il y a eu ensuite des débats à partir de modèles de solutions expérimentées ailleurs, que les chercheurs ont présentés aux citoyens. « Les gens disaient : on va faire des paniers, qu’on va porter chez les gens. Et il y a eu une réflexion : est-ce que c’est ça qui va amener le plus d’autonomie alimentaire ? Et peu à peu, en confrontant les savoirs de chacun, on s’est dit : non, nous devons trouver une solution où les gens reprennent le pouvoir sur leur alimentation, leur capacité de faire des choix. » L’idée d’une épicerie solidaire a été évoquée aussi, mais au final, raconte Amélie Daigle, « avec l’aide de l’Accorderie, nous avons créé un regroupement d’achat… Et là, les gens peuvent économiser jusqu’à 30 à 40 % sur leur panier, grâce à des achats en gros, qu’on divise ensuite. » Ce regroupement est aujourd’hui intégré à un « système alimentaire pour tous » qui prend plus d’ampleur jour après jour. « Ça a commencé avec la plantation de quelques légumes, explique Isabel Heck, puis le regroupement d’achat et un jardin collectif. Aujourd’hui, nous avons plusieurs projets plus structurants, dont la coop de distribution alimentaire Panier Fûté qui compte plus de 500 membres, ainsi que, depuis trois ans, des marchés saisonniers dans le quartier. D’autres projets se greffent peu à peu à ce système. Ce sont ainsi les citoyens qui construisent leur propre système alimentaire, avec un vrai potentiel de déploiement. » les cHercHeUrs et l’éconoMie sociale DU QUéBec sont Dans Un BateaU… Jeudi 14 juin 2018 à 9 heures du matin, rendez-vous au centre de Montréal pour le séminaire « Communs3 : vers un nouveau paradigme ? » dans un salon du Centre PierrePéladeau de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Le TIESS (Territoires innovants en économie sociale et solidaire) est l’une des quatre organisations à l’initiative de la rencontre aux côtés de la Chaire de recherche sur la transition écologique de l’UQAM, le Chantier de l’économie sociale, l’une des deux institutions représentatives de l’économie sociale québécoise, et Solon, organisme sans but lucratif « créé en 2015 par des citoyen-ne-s qui se sont rencontré-e-s grâce à un projet de ruelle verte » et qui ont bâti une vision « collective et mobilisatrice4 » du vivre-ensemble. Parmi la cinquantaine de participants, chercheurs, représentants de la Ville de Montréal, acteurs de fondations et surtout d’organismes communautaires, Isabel Heck, l’anthropologue de Parole d’excluEs, est assise à côté de Vincent van Schendel, qui en est le président du Conseil d’administration, mais présent ici en tant que directeur du TIESS. VISIONS SOLIDAIRES POUR DEMAIN N° 3


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Vincent van Schendel a été impliqué dans la mise sur orbite de l’incubateur universitaire de Parole d’excluEs dès son origine. Il était à l’époque coordinateur au sein du Service aux collectivités de l’Université du Québec à Montréal. Fruit d’une vingtaine d’années de cogitations, d’actions et de recherches de financement, cet organisme « de liaison et de transfert » qu’est le TIESS est en quelque sorte l’étape d’après… Soit une « organisation apprenante » qui, selon Vincent van Schendel, tente de concrétiser avec déjà plus de 70 institutions de l’économie sociale, centres de recherche ou d’enseignement supérieur, organisations et réseaux, ce que Parole d’excluEs accomplit avec des citoyens : faire avancer, ensemble, les praticiens du terrain et de la recherche, grâce au partage de leurs savoirs et savoir-faire. les ateliers De savoirs PartaGés DU villaGe De saint-caMille

Crédit photo : Hubert Hayaud/Moderne Multimédias

Lors de la discussion sur « Les communs appliqués aux espaces et territoires » intervient Joël Nadeau, jeune conseiller en transfert du TIESS, sur l’importance de connecter entre elles, de fédérer les initiatives des différentes communautés pour les transmettre, susciter des fertilisations croisées, etc. Entre septembre 2012 et octobre 2014, c’était en tant que simple habitant de la commune de Saint-Camille

« Le village de Saint-Camille se caractérise par la capacité de ses habitants à réfléchir sur eux-mêmes, à se fixer des règles pour construire un futur selon leurs aspirations. » JUAN-LUIS KLEIN, GÉOGRAPHE qu’il avait participé à des Ateliers de savoirs partagés. À l’époque s’organisent plus d’une vingtaine de rencontres de visu entre des résidents de ce village de l’Estrie, à deux heures et demie de route de Montréal, qui a su depuis les années 1980 inverser sa courbe démographique, et des chercheurs du CRISES. Précurseurs, ces Ateliers de savoirs partagés se donnent dès leur création comme ambition « de dégager les principales composantes du modèle d’action mis en œuvre à Saint-Camille afin, d’une part, de le transmettre aux nouveaux résidents de cette communauté et, d’autre part, d’identifier les éléments susceptibles d’inspirer d’autres communautés qui éprouvent le besoin d’entamer des processus de revitalisa-

Mathieu Forget est l’un des « utilisateurs responsables » du Pôle des pratiques du Bâtiment 7, dans l’ancien quartier ouvrier Pointe-saint-charles.

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trois des cinq fondateurs de « l’épicerie de quartier à but non lucratif » le Détour, en façade du Bâtiment 7.

explique-t-il. Ce sont des résidents, via un collectif de citoyens, qui ont par exemple racheté des lieux menacés de disparition, tels le magasin général ou le presbytère, afin de leur donner une vie nouvelle, pour l’animation économique ou culturelle, ou le maintien des anciens dans la commune. Dans ce village dont environ un cinquième de la population est bénévole, « les habitants ont pris le problème à l’envers, précise Joël Nadeau. Ils se sont organisés pour construire peu à peu un milieu de vie attrayant et dynamique, solidaire, culturellement riche et très bien connecté 6. » Comme le confirme Juan-Luis Klein, géographe et ex-directeur du CRISES, ce village est un laboratoire de la ruralité, dont l’expertise peut et doit profiter à d’autres. Ce qui le distingue, c’est à la fois son système de « leadership partagé » sur une multitude de projets, et « sa réflexivité, la capacité de ses habitants à prendre en compte, et leur environnement physique, et leur contexte social, pour se fixer collectivement des règles et se projeter dans le futur » qu’ils imaginent pour eux-mêmes. le « PoUvoir D’aGir » Des citoYens DU BÂtiMent 7

Devant les schémas de gouvernance non hiérarchique du Bâtiment 7, Marco silvestro.

tion5. » Joël Nadeau est devenu salarié du TIESS en 2016, et il pilote aujourd’hui un projet de nouveaux Ateliers de savoirs partagés 2.0. C’est donc avec un autre statut qu’il participe désormais à la mise en place de discussions en face à face, accompagnées cette fois d’un travail collaboratif à distance entre des chercheurs et des habitants, non seulement de Saint-Camille mais aussi d’autres villages comme Petit-Saguenay, fort de 600 habitants, ainsi qu’un autre du côté de Bellechasse près de la ville de Québec qui ont eux aussi expérimenté des solutions contre la désertification rurale. Soit une mission que Joël Nadeau mène dans le cadre plus vaste du projet Passerelles : une « mosaïque de communautés de pratiques en développement territorial, économie sociale et innovation sociale », passant à la fois par une « plateforme web développée sur mesure » pour le partage des connaissances et, plus que jamais, des rendez-vous de visu entre des universitaires et des citoyens impliqués. Le lendemain du séminaire, retour à Saint-Camille, où Joël Nadeau vient d’aller chercher ses deux filles à l’école primaire, sauvée de la fermeture il y a quelques années, notamment grâce aux familles venues s’installer au village. Lui vit au « Rang 13 », une poignée de maisons disséminées en pleine forêt, à sept kilomètres du centre du village. « La municipalité n’a pas tenté, comme on le fait d’habitude, d’attirer des entreprises pour maintenir des emplois coûte que coûte », 60

En majorité blanche et peu métissée, la communauté de Saint-Camille ne ressemble guère au melting-pot de Parole d’excluEs. Tout comme l’histoire de ce village d’à peine plus de 500 âmes semble aux antipodes de celle du Bâtiment 7 qui a ouvert en mai 2018 son Pôle des pratiques et une « épicerie communautaire à but non lucratif » à PointeSaint-Charles, ancien quartier industriel et l’un des plus défavorisés de Montréal. Quel rapport en effet entre des campagnes qui se vident et une population urbaine faisant face à un terrible déficit de services ? Entre un village sans défiance affichée vis-à-vis de l’économie de profit et un projet qui s’est construit au travers d’une lutte sociale de plus de dix ans, se positionnant d’abord contre le projet d’un promoteur immobilier ? Mais au-delà de ces différences, comme beaucoup d’initiatives de l’économie sociale québécoise, Parole d’excluEs, Saint-Camille et Bâtiment 7 partagent des caractéristiques essentielles : des réponses innovantes à une situation de crise, inscrites dans le temps long au cœur d’un territoire spécifique ; la participation à ces laboratoires de solidarité sociale de chercheurs ou de relais de connaissances, en amont ou en aval, afin de constater des situations et d’accompagner la coconstruction de solutions ; et surtout la confiance dans des savoirs et savoir-faire issus des gens, praticiens et bénéficiaires qui en deviennent des citoyens-acteurs à même de construire eux-mêmes leur propre devenir. L’enjeu, à chaque fois, reste du même ordre : la capacité des projets à favoriser le développement d’un « pouvoir d’agir » de citoyens trop peu écoutés. Le plus souvent informelles, leurs connaissances sont pourtant les clés de la transformaVISIONS SOLIDAIRES POUR DEMAIN N° 3


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De la menuiserie à la réparation automobile, le Bâtiment 7 permet à chaque citoyen de faire par lui-même. ici l’atelier de vélo et coopérative de travail cycle 7.

Crédits photo : Hubert Hayaud/Moderne Multimédias

tion par ces citoyens eux-mêmes de leurs propres communautés et territoires de vie. Car elles permettent de casser le rapport de verticalité, séparant la bonne de la mauvaise culture, qu’impriment les institutions – en particulier des mondes scolaire et universitaire. Sur ce registre, l’ouverture récente des premiers 1 800 mètres carrés du Bâtiment 7, soit moins d’un quart d’un gigantesque site ferroviaire laissé en friche, fait figure de symbole. D’abord parce que la vie de cet espace, défini par ses acteurs comme une « fabrique d’autonomie collective », repose sur les savoirs et savoir-faire de ses « utilisateurs responsables » ainsi que de la communauté du quartier. Qu’il s’agisse de vélo, de bois, de céramique, de sérigraphie, de fonderie d’art, d’impression numérique, de mécanique automobile, de couture ou d’autres suggestions au débotté, non seulement chaque personne impliquée dans ce Pôle des pratiques prend elle-même en main son activité, mais elle offre gratuitement – ou à bas prix – des formations à tous les habitants désireux d’apprendre à « faire ». Drôle d’usine donc, mais au-delà ce sont bien d’autres connaissances « expérientielles » qui trouvent ici une autre forme de mise en pratique : celles issues du combat militant, de ses bricolages avec des bouts de ficelle, de ses mobilisations, pétitions et autres occupations. Car, comme le dit Marco Silvestro, militant du Centre social autogéré, la lutte a débuté ici dès 2005, lorsque la compagnie de chemin VISIONS SOLIDAIRES POUR DEMAIN N° 3

de fer Canadien National a vendu, pour un dollar, plus de 30 hectares de terrain à un promoteur qui souhaitait le revendre ensuite à Loto-Québec pour qu’il y déménage le principal casino de Montréal. Soyons lucides : les difficiles négociations avec les puissances privées et publiques, les actions contre cette installation, puis pour l’obtention gratuite d’une partie de ces terrains par un groupe pluriel de citoyens et d’organisations communautaires, n’ont pas été les moins cruciales des sources d’apprentissage des résidents du quartier de Pointe-Saint-Charles. C’est au fur et à mesure de cette histoire que s’est construit un projet non seulement pour mais par les habitants, « avec un parti pris affirmé pour les personnes marginalisées et appauvries7 ». WaPiKoni MoBile oU la clé De transMission De toUs les savoirs Des comités citoyens de Parole d’excluEs à l’autogestion et la gouvernance partagée du Bâtiment 7, s’agit-il des mêmes combats ? Sans doute. Et ce n’est pas un hasard si, parmi les travaux de Parole d’excluEs financés par la Fondation Lucie et André Chagnon, il y a un document d’analyse signé en 2017 par le bien nommé Laboratoire de recherche sur le développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités (LADPA) de l’Université Laval de la ville de 61


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Manawan est l’une des trois communautés de la nation atikamekw. elle compte environ 2 000 personnes (âge moyen : 27 ans). les atikamekw sont les cofondateurs du Wapikoni mobile. en 2017, Maïlys Flamand, ici avec son diplôme, y était à la fois réalisatrice et coordinatrice pour mobiliser d’autres jeunes de la communauté.

« Nous possédons le savoir de nos ancêtres et vous nous filmez. Vous avez maintenant la chance d’apprendre. » MOTS D’UN INDIEN ATIKAMEKW DANS UN FILM DE KEVIN BELLEFLEUR

Québec. Cette étude de terrain s’intéresse notamment aux freins à la mobilisation des citoyens dans le projet. Car le croisement entre les savoirs académiques, citoyens et aussi professionnels, moteur de l’initiative, n’est pas aisé à construire. Il suppose du temps et de la pédagogie. Parole d’excluEs en est ouvertement une sorte de laboratoire. Mais pas le seul, loin s’en faut. Né au début des années 2000 au Québec, désormais présent au Canada, dans d’autres nations des Amériques et même en Palestine, Wapikoni mobile est l’un de ces projets où s’expérimente cet autre rapport à la connaissance, avide des 62

savoirs les moins reconnus, voire les plus « invisibles ». Sauf que la première clé de cette initiative – un studio ambulant qui se balade dans les communautés amérindiennes – tient de la pratique audiovisuelle : ce sont les techniciens et « cinéastes formateurs » qui partent à la rencontre des jeunes autochtones, leur proposent de profiter de l’équipement du studio mobile pour créer eux-mêmes, puis les forment au tournage ou à l’enregistrement sonore, au scénario, au montage, etc. Les jeunes apprennent des praticiens. Mais à l’inverse, les pros de l’image et du son reviennent de ce parcours en caravane étonnés, voire émerveillés des univers réalistes ou graphiques, éthiques ou oniriques, beaux ou violents qu’inventent des gamines et des gamins n’ayant jamais touché de leur vie à une caméra. Et dans cette pièce de vie VISIONS SOLIDAIRES POUR DEMAIN N° 3


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inédite, le monde académique n’intervient qu’au deuxième acte : pour compléter la formation, à l’instar d’un programme de l’Université du Québec à Montréal ; pour étudier la puissance de ce nouvel écosystème de création, comme le fait l’Université de Montréal dans le cadre de son programme « The Power of the Lens » (le pouvoir de la caméra) ; ou a posteriori pour permettre à certains jeunes Indiens atikamekw, innus, micmacs ou encore algonquins d’étudier le cinéma à l’Institut national de l’image et du son (INIS) ou à l’Université Concordia. Ne nous trompons pas de focale : l’enjeu premier de Wapikoni mobile n’est pas de façonner des artistes, mais d’utiliser le prétexte de la création pour « rassembler des jeunes autour d’activités positives et valorisantes », offrir un « répit », voire un levier de transformation à des « communautés souvent aux

1. Voir la vidéo de solidarum.org : « Parole d’excluEs : l’avis des quartiers ». 2. Voir la double interview d’Isabel Heck et Jean-Marc Fontan en vidéo : « Parole d’excluEs : un modèle de recherche-action ». 3. Un « commun » tient sur trois pieds : une ressource (comme une forêt, une pêcherie ou la connaissance pour Wikipédia), une communauté qui en gère les usages, et une gouvernance pour en VISIONS SOLIDAIRES POUR DEMAIN N° 3

fixer les règles. L’enjeu, aujourd’hui, c’est le statut juridique de ces communs, alternatives à la pure propriété, privée ou étatique. 4. Extrait de la page d’accueil du site web de Solon (solon-collectif.org). 5. Extrait du rapport « Saint-Camille : récit d’une expérience de coconstruction de la connaissance », par Juan-Luis Klein, Denis Bussières, Jacques Caillouette, Mélanie Doyon,

prises avec de graves problématiques sociales8. » Car ces communautés, certes aidées par les gouvernements du Canada ou des provinces, restent trop souvent soumises à des politiques qui les infantilisent. Dès lors, l’ambition de Wapikoni mobile est bel et bien l’empowerment : l’émancipation, mais autant collective qu’individuelle. Il y a ici un petit quelque chose de l’ordre de la mémoire vivante, du lien à tisser entre deux savoirs trop souvent en jachère : celui des jeunes et celui des tribus. C’est peut-être là le sens de cette phrase, d’un ancien de la réserve de Manawan au Québec à un vidéaste en herbe, Kevin Bellefleur, et peut-être indirectement aux universitaires et aux praticiens qui l’ont formé dans la roulotte : « Nous possédons le savoir de nos ancêtres et vous nous filmez. Vous avez maintenant la chance d’apprendre 9. » ariel Kyrou

Jean-Marc Fontan, Diane-Gabrielle Tremblay et Pierre-André Tremblay, Les Cahiers du CRISES, Collection Études de cas, ES1505, mai 2015. 6. Voir la vidéo de solidarum.org : « Au Québec, un village revit et devient un exemple ». 7. Voir le sujet « La fabrique d’autonomie collective du Bâtiment 7 » de solidarum.org, ainsi que l’interview en podcast son de Marco Silvestro.

8. À lire dans la page « à propos » du site web wapikoni.ca. 9. Mots repris du reportage vidéo de solidarum.org : « Wapikoni mobile : la parole réinventée d’une jeunesse amérindienne ».

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Les paradoxes d’une économie sociale forte Dans le quartier ouvrier de Pointe-Saint-Charles à Montréal, le Bâtiment 7 est devenu la plus belle illustration du désir d’autonomie et de transformation sociale d’une grande partie de l’économie sociale du Québec – comme on appelle ici l’économie sociale et solidaire. Soit un tissu de près de 10 000 fondations (deux fois plus qu’en France) et de presque 50 000 organismes communautaires, aux relations parfois complexes avec l’État social de la Province, qui est en charge de la santé, de l’éducation et de la solidarité avec les populations les plus démunies. Propriété depuis 2017 du collectif 7 à nous, un organisme à but non lucratif « qui réunit des citoyen.ne.s, des organismes culturels, communautaires, libertaires ou issus de l’économie sociale », le Bâtiment 7 a en effet ouvert au printemps 2018 un quart de ses 8 000 mètres carrés de surface, et ce sans aucun financement venant d’entreprises privées à but lucratif. Les 4 millions de dollars canadiens (2,7 millions d’euros) des travaux de ce premier quart de la bâtisse, devenu le « Pôle des pratiques » de cette « fabrique d’autonomie collective », sont issus d’une multitude de sources : 1 million de dollars de dédommagement, obtenus après d’âpres négociations auprès de l’ancien propriétaire avec l’appui de la mairie d’arrondissement ; une subvention de 900 000 dollars de Recyc-Québec, institution soutenant la récupération et le recyclage de pierres et autres matériaux ; un prêt de la Caisse d’économie solidaire de la Caisse Desjardins, institution mutualiste, symbole historique de l’autonomie du Québec et du soutien à ses populations les plus précaires, mais aussi l’une des quatre plus grandes puissances financières de la province ; la prise en charge depuis déjà cinq ans d’un salaire par la Fondation Béati ; et l’émission d’obligations communautaires, c’est-à-dire de titres financiers avec intérêts qui font de leurs possesseurs les « copropriétaires » du lieu… Ces obligations sont « communautaires » en ce sens qu’elles sont destinées aux appuis – essentiellement locaux – de l’initiative : autres organismes sans but lucratif, fondations et plus encore habitants du quartier. « Il a fallu d’abord en définir les principes, avec des chercheurs, des institutions et surtout des acteurs de l’économie sociale comme ceux du Bâtiment 7, 64

explique le directeur du TIESS (Territoires innovants en économie sociale et solidaire) Vincent van Schendel. Et elles ont d’ailleurs eu un rôle pour rassurer les bailleurs de fonds du Bâtiment 7 l’année dernière. » Comme l’analyse Sylvain Lefèvre, directeur du CRISES depuis juin 2018, ces obligations originales « peuvent être interprétées comme une réponse du milieu communautaire québécois aux obligations à impact social, qui ont la faveur du monde de l’entrepreneuriat social ». Elles sonnent aussi comme une revendication d’autonomie, et vis-à-vis des entreprises privées à but lucratif, et par rapport à l’État social québécois qui, pourtant, « finance encore aux trois quarts les budgets du mouvement associatif ». Néanmoins, ce jeu en triangle, entre une économie sociale en quête d’émancipation, le secteur public qui cherche souvent à s’en désengager, et le privé qui s’y implique de plus en plus, est complexe. D’autant qu’intervient au centre de cet écosystème un quatrième type d’acteurs : les fondations philanthropiques. La Fondation Lucie et André Chagnon, par exemple, est aujourd’hui la première source de financement de Parole d’excluEs. Premier constat paradoxal : elle a été fondée à l’aube des années 2000 par le ou plutôt l’ex-propriétaire de l’opérateur de télécoms Vidéotron – puisqu’il venait de le vendre. Deuxième point de complexité : cette fondation richement dotée a été à l’origine de sociétés de gestion et de programmes de « partenariats public-philanthropie » avec l’État dans la seconde moitié des années 2000, en particulier pour encourager la persévérance scolaire et soutenir les enfants en situation de pauvreté. Sauf qu’après avoir cosigné en 2015 avec d’autres fondations une lettre ouverte contre « les risques de la rigueur budgétaire », la Fondation Chagnon a décidé l’année suivante de ne pas renouveler ses partenariats avec l’État, pour mieux se concentrer sur le travail en direct avec les acteurs de terrain. « Le milieu communautaire est très puissant au Québec, conclut Sylvain Lefèvre. Mais il est aussi perclus de contradictions, notamment dans son rapport à l’État, souvent ignoré dans les discours, jugé à la fois essentiel sur ses missions sociales et trop technocratique. » ariel Kyrou VISIONS SOLIDAIRES POUR DEMAIN N° 3


Cet article en format PDF est directement tiré de Visions solidaires pour demain, revue papier annuelle dont l’objet est de réfléchir à ce qu’est, et ce que pourrait être dans le futur, la solidarité sociale. Ce fichier PDF est accessible au sein de la base de connaissances Solidarum, plateforme en ligne, gratuite et évolutive, qui propose à la consultation et au téléchargement des médias vidéo, texte, son et image : des visions et reportages créés spécifiquement pour elle, en Creative Commons. Solidarum et Visions solidaires pour demain sont édités par la Fondation Cognacq-Jay et réalisés par une rédaction autonome dédiée, avec l’appui d’un comité éditorial composé en majorité de personnalités extérieures à la Fondation.

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