René Heuzey

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René Heuzey

LE REPORTER DES FONDS MARINS

Par Patrick Mouton

C

ontrairement à d’autres, pratiquement nés un masque sur le visage, René Heuzey est un « tardif » de la plongée. Natif de Lyon, il vient très tôt à Marseille, qu’il décrit aujourd’hui comme sa ville « de cœur ». Entre le Port autonome et les calanques, il fait un peu d’apnée et de chasse « mais j’étais un très mauvais chasseur, avoue-t-il. Je me suis aperçu que je n’étais pas fait pour ça ». Après avoir suivi une formation dans une école de routiers, il fait son service militaire et, au retour, reste un honnête apnéiste, mais surtout pour le loisir. En 1986, il a alors 27 ans, l’occasion lui est donnée de faire sa première plongée en bouteille. Totalement ignorant dans ce domaine, qu’il s’agisse de matériel, de technique ou de sécurité, il va cependant avec un cousin à Carry-le-Rouet. Tous deux se mettent à l’eau depuis la plage, pour descendre sur le fond de sable, au milieu des jambes des baigneurs. « Et là, pour moi, une première révélation : dès les premiers coups de palmes, j’ai eu l’impression d’avoir fait cela toute ma vie. Un autre univers où j’avais le sentiment d’être déjà venu » confie celui qui va orienter sa vie en conséquence. 88 . Plongeurs

Enthousiasmé, il se retrouve peu après, avec le même cousin, au pied du Bec de l’aigle, à la Ciotat. Pas de profondimètre, juste une petite montre étanche. Mais, à peine mis à l’eau, le cousin fait un début de panique, heureusement par tout petit fond. Il essaie d’arracher le détendeur de René et finit par rallier le bord en catastrophe. René, qui n’y comprend rien, décide de continuer sa promenade sousmarine sur le sable, jusqu’à épuisement de sa réserve d’air. Le cousin décide d’arrêter là les frais. René, lui, est plus que jamais attiré par la plongée, mais, il le voit bien, au prix d’un apprentissage sérieux. Il va à l’école de l’Estaque et, sous la houlette de René Cavallo, passe son niveau 4. A ce stade, plus de temps à perdre. Il achète un bateau et part plonger un peu partout dans la rade de Marseille. Il encontre Roger Marro, qui travaille avec Yves Girault, un des grands pionniers de la plongée. Avec Roger, il suit une vraie formation, solide et, en peu de temps, acquiert un niveau de plongeur confirmé. Quelques mois plus tard, il va être papa et aussitôt, décide de saisir les bons moments de sa vie jusqu’à la naissance de la petite fille par le biais de la vidéo. Il achète un petit caméscope Sony et un caisson étanche dans De l’Australie la foulée puis envisage de réaliser un premier à Vanikoro, court-métrage sous-marin avec Roger. A Heuzey filme. partir de là, tout s’accélère. Il rencontre JeanClaude Eugène, homme de cœur et figure de la plongée provençale, qui lui parle du Festival mondial de l’image sous-marine, à Antibes. Fin 87, il va au festival, voit les films amateurs et se dit : « Finalement, je ne suis ni meilleur ni pire qu’eux. Faisons un film ! » Avec Martine Sciallano, archéologue et actuelle directrice du musée d’Hyères, et Pierre-Yves le Bigot, il monte un petit sujet intitulé L’Ariane, ou la fin d’un requin d’acier. Une fiction de dix minutes qu’il présente au festival d’An-

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Photos Philippe Schaff - DR

Très peu de « Self Made Men » ont aussi bien réussi dans la prise de vue sous-marine au niveau mondial que René Heuzey. Mais derrière le preneur d’images de talent, il y a plus : une réelle opiniâtreté dans la réussite, un désir de découverte et une véritable boulimie de voyages, de rencontres, d’expériences, un souci du résultat, du succès, un indiscutable côté « preneur de risques ». Le tout enveloppé d’une gentillesse et d’une simplicité qui font penser à un autre personnage de la même trempe, lui aussi reconnaissable à sa petite houppette : Tintin. Car René est, lui aussi, reporter, mais des fonds marins.


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tibes suivant. C’est le tout premier film en vidéo, avec lequel il reçoit le prix Dimitri Rebikoff. Encouragé (on le serait à moins !) il y présente avec Martine, l’année suivante, un documentaire sur la catastrophe du Liban et là, pas de détail : il se voit attribuer la Palme d’or ! Deuxième coup d’essai et, déjà, coup de maître ! C’est l’époque du film le Grand Bleu et, dans la foulée de Christian Pétron, des noms s’imposent en vidéo, comme Alain René Heuzey Trellu ou Serge Delacroix. Tout attaché à l’avant du sous-marin. heureux, il va les voir, leur parle et constate que chez eux, la passion de la vidéo sous-marine est bien différente de la sienne. L’un d’eux lui dira même, en guise d’encouragement : « La vidéo, ce n’est pas un métier de camionneur ! » René pique alors une colère et lance : « A partir de maintenant, on va devoir compter avec moi ! » Rires discrets… Stimulé, il décide de se consacrer entièrement à sa passion, technique encore naissante, inférieure en qualité optique (du moins à cette époque-là) mais présentant l’avantage incontournable de visionner immédiatement les images, de faire du direct en quelque sorte. René voit juste, très juste : aujourd’hui, la quasi-totalité des tournages se fait en vidéo haute définition. A cette époque, il lui faut, et difficilement, joindre les deux bouts. Il est encore routier et conduit divers types de camions. Après le pétrole et les containers, il travaille dans le frigorifique la nuit, notamment

la grosse Bétacam pour un sujet avec Thalassa. L’occasion de mettre le pied dans l’émission de Georges Pernoud pour une collaboration qui aujourd’hui reste très active. La télévision commence alors à lui faire les yeux doux. Car on le sait maintenant : il n’est pas si mauvais, l’ancien camionneur ! Il est même très bon ! Collaboration avec l’émission H2o de Rémy Attuit sur les ondes de TMC, puis avec diverses émissions de France 3. Ses images apparaissent sur le petit écran de Télématin, en direct à l’occasion du Téléthon. La FFESSM fait aussi appel à ses services et, de fil en aiguille, il progresse, tissant un joli réseau de relations dues à ses compétences. Pendant vingt-trois ans, le succès ne va que se confirmer : un peu partout dans le monde, il récolte les coupes et les palmes honorifiques. Plus important : sa compétence professionnelle lui assure une notoriété d’abord nationale, puis internationale : « Le plus dur, pourtant, a été de passer, dans l’esprit des gens, de l’ancien camionneur au chef-opérateur sous-marin. » Outre sa collaboration avec France 3, il travaille désormais presque exclusivement avec Paris. C’est alors la fin de TMC, la chaîne est rachetée par Canal +. René y aura tourné, en dix ans de collaboration, pas moins de cent sujets de 26 minutes. De plus en plus, ses prises de vues sont remarquées pour le regard léger, voire humoristique, teinté de musique, qu’elles apportent du monde sous-marin, loin des documentaires classiques, des poncifs ennuyeux se voulant didactiques. Nouveau rebond : après TMC, Francis Le Guen reprend son émission Carnets de plongée. René y collabore activement

Photos Hugues Vitry - DR

« Ses prises de vues sont remarquées pour le regard léger, voire humoristique, teinté de musique, loin des documentaires ennuyeux. » entre Marseille et Nîmes, ce qui lui permet de plonger le jour, quand la météo est favorable. Certains se souviennent du spectacle toujours insolite de ses bouteilles de plongée soigneusement rangées dans la cabine de son 38 tonnes. A cette période, l’opinion générale est que la Méditerranée est une mer morte, où il ne se passe plus rien. René n’est pas du tout de cet avis. Déjà, il a remporté un prix au festival Tintin Heuzey Okéanos de Montpellier pour au Botswana. son film Au fond, Marseille c’est chouette. Plus que jamais, il sent qu’il y a un créneau à prendre, avec les difficultés que représente l’abandon du camion pour la vidéo sous-marine à temps complet. Label Bleu Vidéo, la petite association qu’il avait créée auparavant, continue de fonctionner pendant trois ans, puis, rempli d’espoir, il passe en Sarl pour asseoir son professionnalisme. Là-dessus, patatras ! Trois mois après débute la guerre du Golfe ! Stand by forcé et le très innovant caisson Bétacam, conçu et dessiné par Marcel Rousseau, l’homme des caméras du Grand Bleu, dort pendant pratiquement un an dans un placard. Une période très dure. Heureusement, une opportunité se présente : immerger, enfin, 90 . Plongeurs

trois ou quatre saisons durant. Puis il embraye avec Ushuaia et l’émission fort réussie C’est pas sorcier. En 2000, il tourne pour France 2 et la chaîne NHK Matin le premier documentaire en haute définition. Pour cela, il travaille avec Claire Nouvian, aujourd’hui considérée comme la spécialiste au niveau mondial des abysses et qui, sur ce vaste sujet, a écrit un livre de référence absolument remarquable. Mais il sent bien qu’il lui faut maintenant une expérience forte, « le » tournage qui lui permettrait d’exprimer tout son savoir-faire. Pourtant, la situation économique de 2002 et 2003 met un coup de frein à son appétit de réussite, tout comme pour d’autres acteurs de son secteur professionnel. En 2004, enfin, la chance se décide à lui donner un magistral coup de pouce. Il sait depuis quelques temps qu’un énorme projet est en gestation, sous la houlette de Jacques Perrin : un film naturaliste, un voyage exploratoire des fonds du monde entier qui, pour sa réalisation, fera appel à des techniques et à des effets spéciaux tout à fait inédits. Pour René, c’est un rêve ! Il tente sa chance, prend des contacts, mais en vain. Finalement, les dés tombent du bon côté : il est appelé par le groupe Océans

et il rencontre à Paris Jacques Cluzaud, le co-réalisateur du film, puis le directeur de production, Olli Barbé. Il s’agit, le projet étant déjà bien ficelé, de mettre sur pied les équipes de tournage. René fait à Marseille une série de tests qui sont acceptés : « Cette étape a été pour moi le début d’une aventure d’une richesse exceptionnelle. Une épopée que j’estime aussi forte que celle du commandant Cousteau. Au tournage, nous étions libres de faire les prises de vues qui nous plaisaient, du vécu animalier avec de nouvelles technologies et pour unique priorité de montrer la nature. Alors que les émissions de Cousteau étaient le plus souvent des portraits tournant autour du commandant. Et si riche soit-elle, cette collaboration a été particulièrement durable puisque je n’ai plus quitté Galatée Films, la maison de production de Jacques Perrin où je suis encore aujourd’hui. » A l’instar de Tintin, toujours avide de découvertes et de sensations, René va être, dans un laps de temps finalement modéré, un globe trotter impénitent. Aujourd’hui encore il voyage énormément, avec, au compteur, une moyenne de cinq trajets aériens par mois et des pointes de dix à douze vols en quinze jours ! Destinations : tous les points maritimes d’Europe, mais aussi, à plusieurs reprises, la Nouvelle-Calédonie, le

et les armateurs qui se font un fric fou avec les langoustes. Il faudrait les éduquer, leur apprendre les rudiments de la plongée, mettre en service un caisson, etc. Un reportage comme cela ne peut laisser indifférent ! » D’une année sur l’autre, René enchaîne les déplacements un peu partout. Avec, presque à chaque fois, des émotions garanties ! Il plonge sur les épaves de La Pérouse à Vanikoro, où est retrouvé le fameux squelette nonidentifié. Pour Thalassa, il fait un sujet sur la Marine nationale et, caisson vidéo en main, se laisse remorquer à faible vitesse, accroché à un sous-marin nucléaire. Puis il se retrouve à Bikini, sur les navires de la flotte américaine coulés lors des tests sur la bombe atomique. Pour Ushuaia, Une murène il plonge dans le Sardine l’a attaqué Run, cette immense boule sur le tournage. de sardines qui se forme une fois l’an au large des côtes Est d’Afrique du Sud et qui attire des centaines de dauphins, de requins, d’oiseaux de mer en un extraordinaire spectacle du début des âges. A une autre reprise, il tourne pour Thalassa un sujet sur les corailleurs corses et, là, réalise ses plongées les plus profondes. Efficacement secondé par Pascal Bernabé (excusez du peu en matière de profondeur) il filme le corailleur Marien Poggi à 110 mètres sous la surface, utilisant un mélange trimix. Souvenir

« Les risques du métier, René les connaît bien. A deux reprises, il est passé très près du gros, du très gros pépin. » Groenland, les Bahamas, les Maldives, le Mexique, le Japon, etc. Chacun de ses voyages est l’occasion de jeter un regard aigu sur tel ou tel aspect des relations entre l’homme et la mer. Certains reportages le marquent tout particulièrement : pour Thalassa, il va au Honduras filmer les plongeurs pêcheurs de langoustes. « Pour cinquante à cent euros par an, ces pauvres gens embarquent pour une saison en mer. La langouste se faisant de plus en plus rare, ils descendent de plus en plus bas. Ils plongent avec des bouteilles à moitié gonflées, sans montre, ni stabilizing, dans des conditions techniques incroyables, s’insurge-t-il. Ils n’ont aucune connaissance des règles de palier, vont au fond, remontent quand la bouteille est vide, en prennent une autre et repartent ! Les accidents sont nombreux et pire, au cours du tournage, nous avons rencontré un de ces plongeurs, à moitié paralysé, et que le patron de la barque avait tout simplement abandonné sur une plage… A la vue de tous ces malheureux estropiés sur les îles, on ne peut que se révolter face au décalage insupportable qui existe entre eux

impérissable de son arrivée sur le fond et de Marien, levant la tête et le voyant, stupéfait, en train de réaliser tranquillement ses séquences. Au retour, dans un restaurant d’Ajaccio, Marien lui dira : « Tu sais, des "Mickey" de la télé, j’en vois chaque saison. Mais toi, alors, tu mérites le respect. Et puis un grand merci : quand vous avez allumé vos projecteurs, c’est la première fois de ma vie de corailleur que j’ai vu le fond, avec ses gorgones, dans toutes ses couleurs ! » Les risques du métier, René les connaît bien. A deux reprises, il est passé vraiment très près du gros, du très gros pépin. La première fois, c’est en Polynésie, dans le cadre d’une nouvelle émission avec Alexandra Cousteau, la petitefille du commandant. But du tournage : le Shark feeding de la fosse de Rangiroa. Là-bas, Toujours une nombreux sont ceux qui préfèrent donner à technologie d’avance. manger aux requins afin de les canaliser, plutôt que de les voir partir en quête de nourriture, au risque de se faire prendre pour leurs ailerons par les long liners japonais. René se voit imposer une équipe d’assistants qu’il ne connaît pas, ce qui le gêne, lui qui apporte un souci tout particulier au choix de son équipe de sécurité incluant « notamment un plongeur efficace placé derrière moi, une sage mesure de précaution quand je filme des squales ». Au cours de la remontée, il avise une petite grotte dont la résidente est une

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belle murène de 1,80 mètre, apparemment tranquille. En surface, il distribue les rôles, explique la séquence : il va s’introduire au fond de la grotte, éclairages éteints, puis se retourner vers la sortie. Alexandra et l’assistant se présentent alors et lui, doit filmer leur entrée. A la fin de la plongée-requins, chacun se met en place. Tout se passe bien jusqu’au moment où l’assistant croit bon se sortir de sa poche un morceau de poisson et de l’agiter devant la murène. Celle-ci s’approche aussitôt, mais un poisson-soldat lui chipe le petit casse-croûte et file vers le fond de la grotte, vers René. La murène le suit, frôle les jambes du plongeur et, brutalement, le mord au niveau de la cheville, agitant ses mâchoires de droite à gauche. René comprend qu’il doit rester immobile, sous peine d’être entraîné au fond du trou. Puis, calmement, il se retourne et, comme pour les chiens, donne une tape sèche sur la tête du poisson, de haut en bas : la murène lâche prise. René se souvient alors : « Je me suis dirigé vers la sortie, dans la grotte, toute l’eau était verte ! » Au lieu de paniquer, il se force à respecter les minutes de palier restantes et fait surface. Un avion le transportera à Papeete où il sera opéré d’urgence avec le muscle jambier arraché et le tendon d’Achille sectionné aux trois quarts. Pour le corps médical tout comme pour son entourage, le pied a été sauvé in extremis, mais la plongée, c’est fini. Lui préfère ne pas envisager une telle issue et, au prix d’une volonté hors pair et d’une solide rééducation, René parvient à replonger. Quelques mois plus tard, il se met à l’eau avec Francis Le Guen. Son arrivée sur les lieux du tournage, avec des béquilles et la jambe dans une atèle de marche, ne passe pas inaperçue… La deuxième grosse émotion se passe dans un lac du Botswana, où il doit réaliser des images sous-marines de crocodiles et d’éléphants en action de nage. Malheureusement, c’est la saison sèche et le plan d’eau se réduit à un vaste marigot, profond de moins de deux mètres et dont le fond est tapissé d’une vase molle. Le responsable du tournage insiste : « René, tu vas bien nous faire un petit bout de film non ? » Ce dernier a alors une idée : se positionner sur le fond à plat ventre, bouteille sur le dos et effectuer une image en contre-plongée de l’animal passant au dessus de lui. Par mesure de sécurité, il est décidé que le sujet du plan sera un éléphanteau. Placé sur un bord du marigot, il devra rejoindre sa mère et, pour cela, passer à la verticale de René, dont la position est signalée par une petite bouée. Tout le monde est en place, on y va ! Mais le bébé passe à côté du plongeur. Raté ! Deuxième tentative, puis troisième : encore raté. René ne parvint pas à cadrer l’animal dans son viseur. Mais là, en guise d’éléphanteau, il entend soudain un grondement de plus en plus fort et, soudain, sent qu’une énorme masse vient de passer sur lui, le plaquant sur le fond au point de l’enfoncer dans la vase. Précipitamment, il fait surface : c’est la mère, deux tonnes bon poids, qui, voulant rejoindre sa progéniture, lui a tout simplement, marché dessus. Par une chance incroyable, la patte du pachyderme s’est posée sur la bouteille, comme en témoigneront les profondes éraflures qui en marquent la peinture. Autre frayeur : le lendemain la femelle passe à nouveau, mais René s’est écarté, quand, depuis la berge, les assistants lui font de grands gestes : un crocodile de cinq mètres vient de se jeter à l’eau et nage rapidement vers lui. Une seule solution : René se place à côté de l’éléphant et se laisse accompagner par lui jusqu’à terre. Bilan de l’aventure : une clavicule déplacée et une contusion cervicale. 92 . Plongeurs

La peur est pour lui habituelle, dans la mesure où « on a toujours plus ou moins la trouille. Mais, soit on la maîtrise et on filme, soit il est préférable de sortir de l’eau. » Un jour, il est en plein tournage au cœur du Sardine Run, pour Océans. Rude pour les nerfs que de se trouver au cœur d’une immense boule sombre, avec une visibilité quasi-nulle et d’où un prédateur peut brusquement surgir, à tout moment, là, à moins d’un mètre. René filme. Il sait que François Sarano est près de lui, solide, efficace, pour sa sécurité. Soudain, on lui tape sur l’épaule. C’est sans doute François, mais le plan est bon, il ne s’agit pas de l’interrompre. Nouvelle tape, puis troisième. Allons, que veut-il ? René fait volte-face et se retrouve face au mufle d’un requin-cuivre de trois mètres ! L’espèce n’est pas mangeuse d’homme, mais est considérée en Afrique du Sud comme potentiellement dangereuse. Un bon coup de coude va pourtant avoir raison de l’animal qui fait demi-tour et disparaît. La réussite du parcours René Heuzey est due à plusieurs facteurs. C’est, d’abord, son activité infatigable. En tant que preneur d’images, non seulement il répond présent aux commandes qui lui sont faites, mais Lors du tournage lui-même n’hésite pas à proposer des à Djibouti. projets, chercheur inlassable de sujets inédits. Plus encore, il est aujourd’hui producteur d’une série baptisée Deep Blue, dont il écrit les scénarios et qu’il distribue. Il a déjà à son actif dix sujets de 52 minutes sur le thème de l’écotourisme. Chaque film traite d’un territoire précis, dont il raconte la vie extérieure, la culture et, bien sûr, le monde sousmarin et les relations que l’homme entretient avec lui. Ainsi, en NouvelleCalédonie, il a tourné à Nouméa, à la pointe nord de la Grande Terre, aux îles Loyauté, etc. C’est ensuite son souci permanent de ne travailler qu’avec des assistants entièrement fiables, comme Pascal Bernabé ou François Sarano. Il y en a bien d’autres, dont Aldo Ferruci, un Italien mondialement considéré comme « Monsieur recycleur » et qui l’a formé à ce type de plongée. « Aldo, je lui confierais ma vie sous l’eau ! » appuie-t-il. Enfin, René exploite les progrès de la technologie en matière de vidéo sous-marine et ne travaille qu’avec des équipements de pointe, même si c’est lui, dans la plupart des cas, qui dessine, conçoit et réalise ses propres caissons. En revanche, il n’a jamais fait et ne fera jamais de photo sous-marine, étant « trop absorbé par la vidéo. Et puis, il y a tant de photographes professionnels de niveau mondial. Chacun son truc ! » Des projets, il en a plein la tête et certains sont en cours de réalisation. Thalassa, pour laquelle il filme depuis dix-sept ans et qui, cette fois-ci, le conduira à Djibouti. Pour C’est pas sorcier, également. Il intervient en outre dans le fabuleux projet Sea Orbiter de Jacques Rougerie. Enfin, il travaille sur un gros projet concernant l’acoustique des mammifères marins. René a été vu tout récemment aux commandes de son caisson dans le port de la Pointe-Rouge à Marseille, à l’INPP, pour les séquences sous-marines d’une comédie dramatique avec policiers musclés, cadavre sous la mer, héros et anti-héros. Actuellement, il dirige une formation à Marseille sur la vidéo sous-marine… Vous avez dit « infatigable » ? Et quand on lui dit, alors qu’il chausse ses palmes : « Attention aux murènes, René », il répond avec un grand rire : « Pour les murènes, je crains DEGUN* ! » Patrick Mouton * Je ne crains personne !

randonnée à Madère ?

plongée aux Maldives ?

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