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CITY ONE VINCENT FILLON



EDITIONS



CITY ONE VINCENT FILLON



Dans la série City One, le regard de Vincent Fillon tourne autour et plonge dans un quartier de Hong Kong : cinquante-deux tours identiques, répétition des masses, des lignes et des ouvertures. Nous sommes dans un environnement paradoxalement abstrait et immatériel. L’horizon a été découpé, fragmenté, occulté. La puissance graphique des images nous fait oublier qu’il s’agit d’un univers habité. Notre regard ne peut pas accéder à l’intérieur de l’épaisseur creuse des tours, où les vies se côtoient derrière ces juxtapositions identiques, standardisation de la distance collective. Et le sol, apparence d’une vie commune et d’un terrain d’entente, est silencieux comme un ciel à l’envers. Au fur et à mesure que le regard s’élève, à la quête d’une vue panoramique dévoilant le mystère du lieu, juste avant de franchir la verticalité, le documentaire nous transporte, le moment d’une fiction, dans la dimension de l’air : en flottaison, à mi-chemin, nous ne savons pas où est le commencement, où est la fin. Dans une temporalité figée, les ombres ont été aplaties sur un fond désormais inexistant, le soleil semble avoir déserté les heures et les saisons.

Valeria Cetraro



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City One, c’est tout d’abord un simple nom qui intrigue sur le plan de métro de Hong Kong. Ce quartier de Shatin, ville de 650.000 habitants en développement constant, en est le visage le plus imposant et le plus démesuré : 52 tours de logements quasiment identiques qui accueillent près de 40.000 habitants. Au vu du plan de la ville on devine qu’une adresse sera une longue suite de numéros : Zone 7, Tour 35, Étage 8, Appartement 5. Les contraintes topographiques de l’île de Hong Kong y ont fait émerger une mégapole d’une incroyable densité. La skyline qui apparaît depuis sa baie est impressionnante : une étroite bande de terre sur laquelle surgissent des kilomètres de tours, coincée entre la mer de Chine méridionale et les montagnes dominées par le Victoria Peak. Jusqu’à la fin des années 1960, le développement économique et démographique se concentre sur l’île et dans la péninsule de Kowloon, ignorant les « Nouveaux Territoires », plus au nord, qui représentent 80% de la superficie totale de Hong Kong. Les tours se développent sur les flancs des montagnes, semblant défier les lois de la gravité. Du terrain est par ailleurs gagné sur la mer au moyen de techniques coûteuses et limitées. Ce n’est que dans les années 1970 que l’esswwor démographique des Nouveaux Territoires viendra pallier le manque de terrains constructibles de la mégapole. Des villes entières voient le jour, principalement autour de programmes résidentiels. Shatin est l’une d’elle. Sa construction débute vers 1970 et s’étale sur deux décennies. La meilleure disponibilité foncière n’a cependant pas remis en cause la hauteur qui prévaut sur l’île. La densité devient également la norme dans les Nouveaux Territoires et la tour reste le modèle. La ville nouvelle absorbe les villages séculaires : Tsang Tai Uk, Pai Tau, Wong Uk et Sha Tin Wai. Les immeubles traditionnels de 3 ou 4 étages et les maisons familiales semblent bien anecdotiques faces aux géants de 20, 30, parfois 40 étages. City One impose ici sa démesure : 52 tours de logements quasiment identiques pour loger près de 40.000 habitants sur un peu plus de 16 hectares. L’architecte de l’ensemble n’est pas nommé, seuls les noms des promoteurs sont mis en avant. Est-ce que c’est eux qui ont baptisé « leur ville » City One ? S’agit-il à leurs yeux de la ville « première », de la ville originelle, de la ville parfaite, de la ville-modèle ? On pourrait croire City One seulement occupée par les logements des classes moyennes. Mais audelà du complexe résidentiel de banlieue, de la cité-dortoir logée dans les tours, quelques parkings et équipements publics se glissent sur les différences de niveaux, entre dalles artificielles et sol naturel. Deux bâtiments, construits en strates horizontales, abritent, du rez-de chaussée aux étages, un centre commercial, deux étages de parkings, une maison de retraite, un tennis ou même un parc. Piscine olympique, terrains de baskets, écoles complètent ces équipements. En revanche, pour la culture, rien. Il faut se rendre plus loin pour aller au théâtre ou au cinéma.


L’infrastructure de transport est développée autour de deux pôles : la gare ferroviaire de City One relie l’île de Hong Kong en environ 1 heure et trois changements de métro. Une gare routière et quelques lignes de bus assurent une desserte à l’échelle locale. La traversée de Shatin en métro aérien permet de découvrir une succession de « quartiers », à la rationalité surprenante pour un regard occidental. Chacun d’entre eux est aisément identifiable par l’homogénéité de style des tours qui le composent : forme, hauteur, couleur. Leurs frontières sont délimitées par les principaux axes de circulation. La rivière Shing Mun elle-même, qui traverse Shatin dans le sens de la longueur, devient une surprenante ligne de symétrie, un véritable miroir, tant ses deux rives se ressemblent. Une monotonie générale heureusement atténuée par les montagnes voisines, recouvertes d’une épaisse végétation subtropicale. Visuellement, le quartier est oppressant, fait de tours répétées, aux perspectives le plus souvent bouchées. Tours qui encerclent, dominent, écrasent. Tours dont les façades homogènes, parfaitement tenues en ordre, tout comme les espaces communs, sont l’uniformité même, mais dont, parfois, le linge pendu perturbe la répétition, même s’il reste en retrait. En pleine journée, nul bruit ne vient déranger, la circulation automobile est pacifiée laissant la place aux chants des oiseaux. Les piétons se font rares renforçant l’étrangeté du lieu. Pourtant, ici, une jeune femme traverse, là, deux adolescents jouent au basket.

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City One est une épreuve étonnante pour un regard occidental. Notre conception de la ville, de l’espace public, du vivre ensemble et de la place de l’individu dans la société est en permanente confrontation avec ce modèle. La rationalité poussée à l’extrême est étouffante, la multiplicité étourdit les sens et pourtant… Passé le choc des premiers jours, City One laisse un souvenir ambigu, une ville vertigineuse et sereine, étourdissante et calme, effrayante et apaisante, dense et vide. Vincent Fillon, L’Architecture d’Aujourd’hui, n. 389, mai-juin 2012.


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«Il y a deux photographes en Vincent Fillon : le premier est au service des architectes et rend compte de leur production avec rigueur et application. Le second documente, explore ou met en scène les espaces construits et les paysages, grattant le vernis du réalisme pour emmener le spectateur vers un ailleurs.»1 Formé à l’ENS Louis Lumière, Vincent Fillon est un photographe spécialisé en architecture depuis 2006. Il travaille principalement avec des agences d’architecture (Agence Nicolas Michelin et Associés, Manuelle Gautrand Architecture, Ateliers 2/3/4/, Hardel & Le Bihan, Projectiles, Chaix & Morel, DVVD…) et des institutionnels (Pavillon de l’Arsenal, APUR, Centre Pompidou, DRAC Ile de France). En 2009, il réalise pour le Pavillon de l’Arsenal et le Centre Pompidou un reportage photographique dans le cadre de l’exposition Oeuvres Construites

1948-2009 – Architecture de Collection – Paris Ile-de-France. En 2010, la DRAC Ile-de-France lui confie un reportage sur les ensembles d’habitation des années 1945-1975. Ce travail a fait l’objet d’une exposition à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Belleville. Son travail sur les grands ensembles se poursuit en 2011 avec City One, quartier de Hong Kong. Ce reportage a été publié dans le numéro 389 de la revue L’Architecture d’Aujourd’hui. En 2013 il réalise un reportage sur le quartier emblématique des ‘Olympiades’ qui a fait l’objet d’une exposition au Pavillon de l’Arsenal du 7 février au 31 mars au 2013 et d’un hors-série de la revue Connaissances des Arts. Vincent Fillon est lauréat du prix SFR Jeunes Talents 2013 avec la série entre-deux, exposée aux Rencontres Photographiques d’Arles.

Expositions 2014 - City One + entre deux, exposition personnelle, mars-mai 2014, Galerie SEE STUDIO, Paris. 2013 - entre-deux, Fotofever, 15-17 novembre 2013, Carrousel du Louvre, Paris. 2013 - entre-deux, Gare saint Sauveur, Lille, 6 septembre 2013, prix SFR Jeunes Talents. 2013 - entre-deux, Rencontres d’Arles, 1er juillet / 22 septembre 2013, prix SFR Jeunes Talents. 2013 - entre-deux, octobre 2013, Millesime Gallery, Paris. 2013 - entre-deux, exposition personnelle, mai-juin 2013, Little Big Galerie, Paris. 2013 - Olympiades, Paris 13e, une modernité contemporaine, février-mars 2013, Pavillon de l’Arsenal. 2013 - 1945-1975, une histoire de l’habitat, 40 ensembles Patrimoine du 20° siècle, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris Belleville. Prix 2013 - Lauréat du Prix SFR Jeunes Talents // Rencontres Photographiques d’Arles 2013 // Jury : François Hébel, directeur des Rencontres d’Arles et président du jury, François Cheval, directeur du musée Nicéphore Niepce (Chalon-sur-Saône) et Michel Mallard, directeur de Création, photographe et commissaire d’expositions. 2013 - Nominés, Prix Photo d’Hôtel - Photo d’Auteur 2014. Publications 2013 - NAMIAS Olivier, « Vincent Fillon, pas de côté », D’A N°223. 2013 - « Olympiades, Paris 13e, une modernité contemporaine » , Connaissance des Arts, Hors-série Février 2013. 2013 - « Paris la nuit, d’il y a cent ans à aujourd’hui », portfolio, Telerama.fr. 2013 - « entre-deux » Le Journal de la Photographie, édition du 25 mai 2013. 2012 - Portfolio et écrit City One, L’Architecture d’Aujourd’hui, n°389, mai 2012. 2011 - 1945-1975, une histoire de l’habitat, 40 ensembles Patrimoine du 20° siècle, Beaux-Arts Editions / DRAC Ile-de-France. 2011 - Portfolio City One, Archistorm n°51, novembre-décembre 2011. 2011 - « quelques part entre graphisme et architecture…» Scénographie de l’exposition « Graphisme et Architecture », Maison de l’architecture de Lille, Etapes, Août 2011 Numéro 195. 2010 - Œuvres Construites 1948-2009 – Architecture de Collection – Paris Île-de-France, édité par le Centre Pompidou et le Pavillon de l’Arsenal. 2008 - LAPIERRE Eric, Guide de l’architecture Paris 1900-2008, édité par le Pavillon de l’Arsenal. 2008 - TEXIER Simon, L’architecture en couleurs. Un parcours parisien, édité par le Pavillon de l’Arsenal.

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NAMIAS Olivier, portrait de Vincent Fillon, paru dans D’A n°223, janvier 2014.


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Exposition CITY ONE Vincent Fillon 13.03.14 - 10.05.14 Galerie SEE STUDIO 7, rue Saint-Claude 75003 Paris

Catalogue Photographies : Vincent Fillon www.vincent-fillon.fr

Textes : Valeria Cetraro vcetraro@seestudio.net

Vincent Fillon Article paru pour la première fois dans le numéro 389 de L’Architecture d’Aujourd’hui, mai-juin 2012. www.larchitecturedaujourdhui.fr

Editions See Studio www.seestudio.fr contact@seestudio.net

Achevé d’imprimer en mars 2014

Le reportage City One a été réalisé à la chambre en février 2011. Rémerciements à Delphine Le Berre, Flore Tricotelle, Clara Girbal, Phédia Mazuc & Josée Israël.



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