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MAISON BAUD
Il pleut des jambons à Villaz ! Et cette odeur de genièvre qui traîne dans l’air... Depuis 3 générations, si la salaison Baud passe de mains en mains, la recette maison, elle, reste secrète. Aux commandes, Maxence nous en coupe une tranche…
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PAR MAGALI BUY
"Ils travaillent dans la tradi-
tion et la typicité artisanale, et c’est toute cette particularité que j’aime chez eux. Je n’ai rien trouvé de
semblable ailleurs.” confie Anthony Bisquerra, chef doublement étoilé de la table de l’Alpaga à Megève. Salage, étuvage, fumage… tout un art ! Parce qu’à sec, la charcut’ s’affine comme un bon fromage. Et entre coppa et lonzo, y’a le choix ! Gourmandise quand tu nous tiens… Blouse blanche de rigueur pour arpenter les dessous du labo : allez hop, c’est par là, allons tailler le bout de gras !
C’est du BAUD !
LE MONDE EST BAUD
Parce qu’à l’époque, entre ambiance champêtre et bonne franquette, tout le monde préparait la cochonnaille autour de la bête. Et si la production se limitait au jambon et sa noix, c’est toute une variété gourmande qui est suspendue aux rails aujourd’hui. Les procédés de fabrication ont subi un relooking technologique dans l’air du temps, mais la tradition, n’y pensez pas ! “A la base, notre métier, c’est la boucherie. Joseph a ouvert en 1928 sa boutique rue Carnot, à Annecy. Son frère, notre grand-père, Fernand, négociant en bestiaux, lui emboîte le pas à Villaz, 4 ans plus tard, avec une boucherie et un abattoir. La génération suivante, celle de mon père et de ses frères, de l’abattage à la découpe, fournissait une grande partie des bouchers charcutiers et restaurants annéciens… 400 porcs par semaine, c’était énorme ! Ils bricolaient bien quelques jambons blancs et de la salaison dans un vieux fumoir, mais leur boulot était d’alimenter les pros en matière première.” Mais avec l’arrivée des supermarchés dans les années 80, l’activité bouchère prend du plomb dans l’aile. La salaison tente alors de sauver la maison.
NOTE SALÉE
“La salaison, c’est ce qui est salé, séché, comme le jambon sec ou la poitrine fumée. Tout ce qui se conserve que par déshydratation et salage. On fait du cochon en majorité, mais ça marche aussi pour le bœuf, le canard ou le veau.” Et c’est pour cette raison, qu’il y a 30 ans pile poil, son père Daniel, prend ses quartiers, lui aussi, à Villaz, dans de
Daniel et Maxence Baud
nouveaux locaux. Jambon fumé, lard paysan, il donne le max, se débrouille, mais c’est galère. Mais pour les grosses noix de jambon, entre la préparation et la livraison, passent 15 mois, et niveau tréso, c’est chaud ! Sans compter la taille de l’atelier : “Mon père était dans un format un peu bâtard, il ne s’en est jamais sorti, on vivotait comme on pouvait”. Alors Maxence met un pied dedans, le deuxième va suivre.
L’ART FUMÉ
Il quitte son boulot dans le génie civil et succède à son père en 2004, emploie son cousin à plein temps et relève ses manches. Formation, agrandissement et démarchage à foison, il entérine les méthodes ancestrales et assoit la maison. “A l’époque de mon grand-père, on fumait à la branche de genièvre, uniquement du résineux pour fumer à froid, avant le séchage, juste après le salage. C’était vraiment typique des Aravis, de ce qui se faisait à la ferme, l’hiver, quand on tuait le cochon. Et on a gardé cet ordre, à la différence des autres, qui fument à la fin.” Pour l’assaisonnement, c’est pareil, c’est à leur manière et c’est secret…
SIGNAUX DE FUMÉ
Un magret fumé par ici, un pulled pork par là, les morceaux défilent et à chacun sa particularité. Pour qui aime manger, c’est la caverne d’Ali baba ! Et ils agrandissent encore : “On ne pouvait plus répondre à la demande, on était les uns sur les autres. Je viens d’investir dans une ancienne scierie à 300 mètres de là. On a gardé la charpente, les caves et les pierres apparentes, c’était l’endroit où mon père et mon grand-père récupéraient la sciure pour le fumage.” Et les caves… Maxence y tient ! “J’ai toujours laissé une partie de ma production vieillir en cave dans un château proche d’Avernioz appartenant à des cousins. C’est là que mon grand-père faisait sécher ses jambons. Quand j’étais gamin, tous les mercredis on les montait là-bas.” Et après, il faut laisser du temps au temps… “Un produit standard, il faudra patienter 8 mois, un produit d’exception 16, 24, 36 mois au plus ! Avec la maturité et l’affinage, on développe des arômes et toute une palette de textures…”. Et cette recherche du bon, c’est aussi ce qui fait croustiller les chefs. Il n’est d’ailleurs pas rare de les voir traîner dans l’atelier. “Tout ce que je fabrique, une cinquantaine de salaisons différentes, s’adapte à eux. J’ai eu créé de la pancetta de veau fumée pour un restaurateur qui voulait cuisiner une tartiflette sans porc. Aujourd’hui, c’est un produit phare. Et le sur mesure est l’essentiel de notre job !” Pastrami, bresaola, carron ou noix au piment d’espelette, tout est bon dans le Baud.
“Aujourd’hui, j’ai fait un carré de cochon farci au pormonier, une viande issue de la
Roche sur Foron. Les pormoniers sont fait à l’ancienne avec des blettes et des épinards, un fumage au bois de genévrier, qui fait la signature de la Maison Baud. Ils s’inscrivent vraiment dans un terroir, une cuisine de proximité vers laquelle je tends de plus en plus, où les producteurs locaux sont mis en avant. Chez eux, j’utilise la noix de jambon fumée ou non avec un affinage intermédiaire et le fait de m’y rendre régulièrement, permet de rester au plus proche du produit et de définir celui qui me convient le mieux.
J’y retourne dans 15 jours pour couper des cochons, travailler directement avec des bouchers charcutiers, avoir un accès direct à la production, c’est précieux.” Anthony Le mot du chef