Sottises zero

Page 1

numéro un été 2014

trimestriel gratuit

facebook sottisesmagazine

cochons, cochonnes

SOTTISESMAGAZINE.FR



Idée originale + Édition + Direction commerciale Huy Nhu : h.nhu@sottisesmagazine.fr | Concept éditorial + Direction artistique Sarah Fouassier : s.fouassier@sottisesmagazine.fr | Graphisme Léa Chaix : l.chaix@sottisesmagazine.fr | Rédaction Aurélie Alex / Guillaume Bauza / Bertille Ceccarelli / Axelle Durimel / Sarah Fouassier / Flora Le Saint / Henry-Pierre Marsal / Romain Noël / Sébastien Poirée / Constance Rollet | Photographie Blaise Chatelain / Sarah Fouassier / Laurie Franck / Coralie Giroud / Téo Jaffre / Steven Mazzola | Illustration Chloé Fournier - Collectif Mauvaise Foi Ne peut être vendu. Ne pas jeter sur la voie publique. Reproduction, même partielle, interdite sans l’autorisation écrite préalable de l’éditeur.

SOMMAIRE 1 / COCHONNAILLES

DE LA FERME À L’ASSIETTE | PAGE QUATRE ALEXIS JACQUIER, FIGURE PAYSANNE | PAGE CINQ GUEULE DE LYON | PAGE SIX SINGES COMME COCHONS | PAGE SEPT BIDOCHE | PAGE HUIT COCHON, TENDRESSE, INSURRECTION - CONTRE MARCELA IACUB | PAGE NEUF 2 / COCHONNERIES

J’AVAIS UN COMMERCE | PAGE DOUZE LES ÉTREINTES BRISÉES DE NOTRE SOCIÉTÉ | PAGE TREIZE PLUS BELLES MES NUITS | PAGE QUATORZE L’EXCÈS SEXUEL | PAGE SEIZE 3 / L’ART DANS LE COCHON

LE PORNO 2 POINT 0 | PAGE VINGT JE SUIS UN PRUDE SOUS MA FOURRURE DE VIOLEUR DE SERVICE | PAGE VINGT ET UN PEINTURE, VÉRITÉ ET CONVICTION | PAGE VINGT-DEUX IDENTITÉS MASQUÉES | PAGE VINGT-QUATRE KCIDY, DESIGNER SONORE | PAGE VINGT-CINQ PLAYLISTS COCHONNES | PAGE VINGT-SIX

numéro zéro été 2014

0/

édito Huy Nhu

facebook facebook.com/sottisesmagazine

ÉDITO

BRAVO À TOUS ! À l’origine de ce projet foldingue - l’édition d’un magazine thématique collaboratif gratuit, parlant de Lyon et de ses acteurs - j’ai eu la chance de croiser sur ma route celle que j’aime appeler mon associée. On s’est revu il y a neuf mois lors d’une soirée sur une péniche du Rhône, genre de soirée où l’on parle fort, boit plus que de raison, en s’ennivrant de musique. Pas vraiment l’endroit donc pour évoquer un projet mais bon, j’en parle à Sarah qui me promet de me rappeler. Rendez-vous est pris et au fil de l’eau, nous affinons le concept du magazine. J’avoue que l’accouchement est douloureux mais le bébé sera beau : un métissage de cultures et de sensibilités, un mélange des genres, un adn fait de toutes les petites mains qui ont collaboré à ce numéro zéro et qui j’en suis sûr, continueront à nous porter

sur les prochains numéros : alors oui, bravo pour la persévérance, pour sujets est l’un des enjeux de cette publication. Nous saurons éveiller votre l’entrain et pour la bonne humeur ! réflexion : Sottises est né et a fait sa profession de foi. Ceci est une aventure humaine, une nouvelle aventure pour Sarah, Léa et tous les autres. Nous essaierons de tenir la barre et le cap pour vous proposer trimestriellement un magazine lyonnais et espiègle qui explorera avec gourmandise et malice la culture lyonnaise sous toutes ses formes. Nos collaborations permettent à Sottises de démontrer son esthétique éclectique en créant une identité artistique jeune et avant-gardiste. Les créations de Sottises révèleront une adéquation parfaite entre réalisme et imaginaire. Sottises n’a pas peur de déranger : provoquer une discussion autour de nos

| trois

Nous sommes heureux de vous présenter ce premier numéro et attendons vos réactions, commentaires, conseils ou propositions de collaborations sur notre page facebook. Merci à tous et longue vie à Sottises !


sottises cochonnailles

1/

rédaction Maxime Co, amapien

illustration Chloé Fournier, collectif Mauvaise Foi

COCHONNAILLES

DE LA FERME À L’ASSIETTE Sa majesté le cochon est le roi des animaux répugnant : son empire est le plus universel et ses qualités à peine contestées. Sans lui, pas de lard, et par conséquent pas de cuisine. Sans lui, pas de jambons, pas de saucisses, pas d’andouilles, pas de boudins noirs, et par conséquent pas de charcutiers. Quoique la cochonnaille soit « vachement » meilleure à Lyon qu’à Paris : la raison vient des élevages en plein air des belles campagnes lyonnaises ainsi que des charcutiers de la capitale des Gaules qui ont su se placer au premier rang dans l’art de faire prendre au cochon les formes les plus diverses et les plus exquises.

nouvelles recettes que bien des gens préfèrent aux trop fameux Droits de forme toute ordure en or. Et même si on a poussé l’ingratitude à son égard, l’Homme. Ses boyaux sont le fondement de toutes espèces d’andouilles, de jusqu’à faire une grossière injure du nom de l’animal au regard franc le saucisses et de boudins. plus utile à l’homme, n’oublions pas qu’il possède une étroite proximité génétique avec l’humain ! Qui a dit cochon ? Consommons du cochon oui, mais consommons le raisonnablement. Apprenons d’abord que l’élevage intensif de ce sanglier apprivoisé amène bon nombre de pollutions (demander à nos amis bretons...) et qu’il est important de savoir que le cochon de supermarché n’est que supercherie du goût. Un cochon, c’est chez son petit producteur local qu’on l’apprivoise.

Tout est bon dans un cochon, rien n’est à jeter. Ses côtelettes, ses cuisses Le dictionnaire nous dit que « cochon », appliqué à un être humain, veut et ses épaules, ses oreilles, sa poitrine, sa langue et ses pieds excitent dire « homme sale, débauché, glouton ». Que Nenni ! La viande de porc simultanément le cuisinier et le charcutier qui inventent et réinventent de est la variété et la délicatesse même. Voilà un animal alchimiste qui trans-

| quatre


sottises cochonnailles

rédaction Sarah Fouassier

photographie Laurie Franck

ALEXIS JACQUIER, FIGURE PAYSANNE LA FERME DE MONTPLAISIR - 84 route du Bouleau 69126 Brindas

L’AVANT-VEILLE DE NOTRE RENCONTRE AVEC ALEXIS, J’AVAIS INGURGITÉ UN BIEN MAUVAIS KEBAB, VOUS SAVEZ, LE FAMEUX KEBAB 4H DU MAT’ SORTIE DE BOITE ? LE LENDEMAIN, L’ESTOMAC ACIDE ET LA GUEULE EN FRICHE, JE M’ÉTAIS PROMISE DE NE PAS RECOMMENCER ET MA RENCONTRE AVEC ALEXIS N’A FAIT QUE RENFORCER MON DÉGOÛT POUR LA MALBOUFFE. NON, JE VOUS RASSURE, JE N’AI PAS COURU ADHÉRER À EUROPE ÉCOLOGIE LES VERTS ET JE N’AI PAS COUPÉ MON CHAUFFAGE NON PLUS. MAIS J’AI TROUVÉ LES PETITS COCHONS ENCRASSÉS BIEN MIGNONS À GAMBADER DANS LA MÉLASSE PLUTÔT QU’À SE CROQUER LA QUEUE ET LES OREILLES DANS UN HANGAR SANS LUMIÈRE. À la ferme de Montplaisir, le temps s’arrête ou plutôt le temps est respecté. Les bêtes vivent en plein air au rythme de la nature même en hiver (sauf les poules, car mesdames sont frileuses). Pour Alexis, les journées sont rudes, les passe-temps rares et les amitiés précieuses. Comme neuf agriculteurs français sur dix, la passion héréditaire a poussé ce jeune agriculteur à emprunter le même chemin que ses parents. L’exploitation familiale de Saône-et-Loire n’offrant pas assez de travail pour Alexis, il décide de s’établir ailleurs. Après 5 années de recherches, il fait la rencontre de Bruno Grillon, responsable de la ferme de Montplaisir, une petite exploitation accolée à une sublime demeure bourgeoise du 16e siècle située à Brindas dans l’Ouest lyonnais. La première question qui me taraudait était de savoir si ça ne lui faisait pas un petit pincement au cœur d’exécuter ces belles bêtes après avoir passé autant de temps avec elles ? Question stupide bien sûr mais réponse percutante : « Mon métier est de vous nourrir et je m’attache à bien vous nourrir ». Voilà tout l’enjeu du métier de paysan. Ma deuxième question concernait le portefeuille : combien ça coûte de manger un cochon élevé en plein air ? Alexis m’explique que l’une de ses

missions principales est de sensibiliser le consommateur : « montrer que manger Bio ne coûte pas forcément plus cher. Bien sûr, la différence de prix est justifiée, car la qualité du produit n’est pas comparable. Quand vous aurez goûté un cochon de chez moi, vous ne retournerez plus acheter vos côtelettes au supermarché ! ». On le sait, les temps sont durs et le monde agricole subit lui aussi de bien mauvais traitements : dépaysannerie due aux fermetures d’exploitations et au vieillissement de la main-d’œuvre, taux de suicide record dans la profession, etc. Heureusement que des producteurs comme Alexis désavouent ce triste tableau. Mais pourquoi faire autant d’efforts ? À quoi bon travailler plus pour gagner moins ? Alexis me répond d’un ton franc, « la passion et la volonté d’aller plus loin que mes parents ». Le renouvellement de la maind’œuvre agricole serait-il bénéfique aux consommateurs ? Beaucoup de paysans et de fils de paysans ont été aux premières loges des dommages de l’agriculture intensive sur la détérioration des sols. Aujourd’hui, quelques producteurs s’appliquent à produire mieux que leurs ainés et la demande croissante des consommateurs de produits de qualité ne contredit pas leur démarche. Pour Alexis, « le paysan est celui qui doit

| cinq

respecter la nature et sa temporalité, il ne doit pas imposer sa loi. » Oui, car en chantant à tue-tête que nous sommes les plus forts et que nous parviendrons à mater dame nature, notre terre se révolte et les paysans sont les premiers à le constater lorsque les récoltes sont mauvaises. Après ma rencontre avec Alexis, je me suis surprise à devenir utopiste. La vérité à laquelle je crois n’est pas l’adhésion à EELV ni à aucun autre parti politique, non, car il ne s’agit pas de politique, mais de bon sens. L’attachement à des valeurs, comme celle de bien se nourrir, devient plus fort que l’engagement politique. Rien qu’à regarder les taux d’abstention aux dernières élections, on perçoit la lassitude des électeurs-consommateurs. J’entends certains crier, « vote avec ton caddie ! » mais n’auraient-ils pas raison ? À l’heure où on nous rabâche qu’il faut acheter français, bouffer français, baiser français pour sauver notre économie, les démarches comme celles d’Alexis prennent sens. Rencontrer le producteur qui a élevé ma côtelette, discuter avec mon nouvel ami le boucher de la provenance de sa viande ou papoter recettes de cuisine avec mon restaurateur m’auraient-il enfin éloigné du McDo ?


sottises cochonnailles

rédaction Guillaume Bauza

photographie Sarah Fouassier

GUEULE DE LYON LE GARET - 7 rue du Garet 69001 Lyon

TÊTE DE LARD... MONSIEUR EMMANUEL FERRA NOUS REÇOIT CHEZ LUI AU RESTAURANT LE GARET À L’HEURE DU CAFÉ POUR SE TAILLER UNE BAVETTE AUTOUR DU COCHON ET DE SA PASSION PORCINE. DÉCOR DE BOUCHON TRADITIONNEL, PHOTOS DE GUIGNOL DONT IL EST UN GRAND ADMIRATEUR, PEINTURES ET PHOTOS-SOUVENIRS AUX MURS. MÊME SI NOUS N’AVONS PAS GARDÉ LES COCHONS ENSEMBLE, UNE SAINE DISCUSSION S’INSTALLE AU SUJET DE LA BÊTE : « LE COCHON EST POUR MOI UNE VÉRITABLE ÉDUCATION CULINAIRE, MALGRÉ MON APPRENTISSAGE AUPRÈS DES ÉTOILÉS, IL ÉTAIT ÉVIDENT QUE J’EN REVIENNE AU COCHON. ANIMAL CONVIVIAL, GÉNÉREUX ET MÊME FIDÈLE QUOI QU’ON EN DISE ! ». Il est vrai que la bête a mauvaise réputation, mais « c’est un animal noble et fidèle ! Un jour, des amis et moi avons offert une petite truie à un camarade, et bien je vous garantis qu’il la promenait sans laisse ! Et que tout le monde y était tellement attaché que nous n’avons jamais pu la cuisiner... ». M. Ferra, 100 % lyonnais né à l’Hôtel-Dieu « le Rhône et la Saône dans les veines », nous confie que son premier souvenir cochon est une poitrine, mais de lard bien sûr et il revient aussi sur le brassage du boudin en famille un brin nostalgique. Le cochon coule dans ses veines à un tel point qu’il a poussé le bouchon jusqu’à se faire tatouer la bête sur une partie de son anatomie. Il nous explique aussi qu’il travaille avec Peyo, « un producteur du pays basque, qui me fournit en viande. Je sais ainsi d’où viennent ses bêtes et comment elles sont élevées. Il m’offre une vraie traçabilité. Il est producteur, éleveur, tueur et transformateur. Il n’y a aucun point obscur dans la production de ses cochons. Il me fournit aussi en pieds, en groins, en queues, ce qui est rare, car ils ont la fâcheuse habitude de se la manger dans les élevages. Je sais que ses bêtes sont saines et de qualité ! On n’a malheureusement pas encore trouvé un éleveur digne de ce nom dans

la région... ». Mais pour un amoureux du Rugby et du pays basques cela tombe plutôt à groin nommé. Quand on aborde la question des labels de qualité, l’expression le monde à l’envers revient le plus souvent : « Pourquoi devrais-je mettre un autocollant qui précise que je travaille des produits de qualité que je transforme dans mon établissement ? Nous marchons sur la tête ! Il serait plus logique d’informer le consommateur que certains restos font simplement de la préparation, et non pas insister sur ce qui devrait être logique. Nous avons d’ailleurs créé Les Gueules de Lyon avec des potes restaurateurs comme moi qui respectons les produits et les filières de qualité pour nos matières premières. En venant chez nous, vous savez que tous nos produits sont de qualité, respectés et respectables ! ». Malheureusement, lorsque l’on veut faire bouger les choses, les portes se ferment et des questions restent sans réponses. Ferra et ses compères ont proposé de s’occuper des Halles de la Martinière, les plus vieilles de Lyon pour en faire un lieu gastronomique populaire et convivial, mais la mairie n’a pas donné suite à leur projet sans trop savoir pourquoi… Fermons cette petite parenthèse politique et revenons à nos cochons. Après s’être fait tirer le mollet, M. Ferra nous confie que ses plats préférés sont la | six

tête de cochon froide et chaude et les pieds de cochons panés ou pas, le tout accompagné d’une généreuse salade de pissenlit. SES PROVERBES COCHONS PRÉFÉRÉS ? « TOUT EST BON DANS LE COCHON ; COPAINS COMME COCHONS ET TÊTE DE COCHON QUE J’ASSUME TOTALEMENT ! » SACHEZ QUE SI VOUS VOULEZ GOÛTER DES PRODUITS NOBLES CUSINÉS AVEC SINCÉRITÉ ET RESPECT, LE GARET ET LES AUTRES GUEULES DE LYON VOUS ACCUEILLERONT À BRAS OUVERTS, COCHON QUI S’EN DÉDIT !


sottises cochonnailles

rédaction Sarah Fouassier

photographie Laurie Franck

PORK PIE HAT Afin de réaliser le Pork Pie Hat, Soraya laisse infuser une tranche de jambon à la truffe blanche d’Alba dans du cognac pendant une demi-journée puis elle filtre le contenu afin d’en extraire le jambon. Le cognac doit rester au congélateur pendant environ 24 heures afin que la graisse se fige. Après avoir filtré le contenu une seconde fois, elle obtient un liquide translucide. La suite de la préparation est identique à celle d’un Old Fashion classique. Une bonne dose de cognac doit être mélangée avec du aromatic bitter puis Soraya refroidit le tout à l’aide d’une cuillère à mélange et le dilue avec un peu d’eau et quelques glaçons. Elle imprègne le verre d’un zeste d’orange et termine sa composition avec une cerise au marasquin. Le Pork Pie Hat se déguste aussi bien en guise d’apéritif que de dessert, ce sirop truffé surprendra vos papilles de manière contradictoire. Sa douceur primitive séduit notre âme d’enfant et nous évoque certaines friandises tandis que la rudesse du jambon truffé rehausse le piquant de l’agrume. Exquise antinomie. PORC AUX ÉCREVISSES ET PIMENT FUMÉ, LÉGUMES DE COCIDO Jérémie a décidé de revisiter le cocido brillamment. Ce plat est l’identique du pot-au-feu version madrilène. Il est ancestral. Au Moyen-Âge, on y mêlait les restes de viandes et de légumes ce qui composait un repas plus que généreux, idéal pour affronter l’hiver glacé. Nous avons rencontré Jérémie à son retour de vacances et son séjour en Espagne a exalté son inspiration. Selon lui, la cuisine espagnole est souvent mal considérée alors qu’elle manie l’art du mélange terre et mer comme aucune autre cuisine. Le filet mignon doit mariner quelques heures dans une préparation composée de quelques queues d’écrevisses hachées, d’oignons rouges, de persil, de citron, d’huile d’olive, d’ail, de sel et de poivre. Sur une poêle brulante, on le fait revenir dans un fond de beurre jusqu’à ce qu’il soit cuit à l’extérieur et rosé voire cru à l’intérieur. On découpe des morceaux épais qu’on fait revenir à la poêle. L’accompagnement est élaboré avec des pois chiches, des petits légumes (carotte, navet et chou) ainsi qu’avec du piment fumé et une dose conséquente d’huile d’olive. Après avoir disposé votre plat, remettez un filet d’huile d’olive sur le porc, salez, poivrez et finissez par râper un zeste de citron. Tous ces agréments s’entrechoqueront contre votre palais, cette profusion de saveurs étonnantes vous poussera presque à vous aventurer dans un voyage gastronomique espagnol.

SINGES COMME COCHONS THE MONKEY CLUB - 19 place Tolozan 69001 Lyon

ENTRE DEUX SERVICES, LE MONKEY NOUS A OUVERT SES PORTES. DANS LES COULISSES DU FAMEUX BAR VICTORIEN DE LA PLACE TOLOZAN, LES ACTEURS FAÇONNENT UNE ATMOSPHÈRE À LA FOIS EUPHORIQUE ET CRÉATIVE, LOIN DE L’IMAGE GUINDÉE QU’ON VEUT LUI PRÊTER. L’AUTEUR DE CE LIEU SINGULIER, ARNAUD GROSSET, REGRETTE QUE LE MONKEY CLUB NE PARVIENNE PAS TOUJOURS À RÉUNIR UN PUBLIC DISPARATE, POURTANT IL N’A CESSÉ DE MILITER POUR LA VULGARISATION DU COCKTAIL EN PROPOSANT SES CRÉATIONS À DES PRIX ABORDABLES. Aujourd’hui, il souhaite s’éloigner de ce principe en ouvrant un nouveau bar où la musique a pour rôle de fédérer tous les publics. La Maison Mère a été inaugurée le 9 janvier 21 place Gabriel Rimbaud, tout près du Soda Bar. Son ambiance se veut débridée, détendue et instigatrice de genres musicaux variés. Le jazz, la soul et la funk y trouveront une place particu-

lière, de même pour la pop, le rock ou encore les musiques électroniques. respectivement chef du Monkey Club et responsable du bar, ont décidé Arnaud désire que ce lieu devienne un passage obligé pour la nouvelle de malmener vos papilles en vous proposant un porc aux écrevisses ainsi scène ainsi que pour les artistes de plus grande envergure désireux d’initier qu’un cocktail Pork Pie Hat. Surprenant. les lyonnais aux aftershow et autres showcases. Voilà une intention plus que séduisante. Afin de ne pas perdre votre appétit, Jérémie et Soraya,

| sept


sottises cochonnailles

rédaction Axelle Durimel

photographie Coralie Giroud

BIDOCHE TIENS, VOILÀ DU BOUDIN, VOILÀ DU BOUDIN, VOILÀ DU BOUDIN

FAMEUSE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE EN FRANCE. MARCHE À LA CADENCE TRÈS LENTE, BIEN LOIN DE LA VITESSE À LAQUELLE LES COCHONS SONT POUSSÉS VERS L’ABATTOIR. PARCE QU’IL FAUT EN ABATTRE DE LA BIDOCHE POUR NOURRIR TOUTES CES BOUCHES AFFAMÉES QUI VEULENT SE TAPER UNE BONNE TRANCHE DE LARD AU CASSE-CROÛTE. EN FRANCE, ON CONSOMMERAIT 23 MILLIONS DE PORCS CHAQUE ANNÉE. LA FILIÈRE PORCINE PRODUIRAIT PRÈS DE 25 MILLIONS DE PORCS PAR AN, DEVENANT AINSI LA VIANDE LA PLUS CONSOMMÉE DE L’HEXAGONE. Selon l’adage, dans le cochon, tout est bon ! La preuve : on peut utiliser la quasi-totalité de ses parties. Environ 75% de la production est dégusté en produits charcutiers. Les boyaux servent à faire des cordes d’instruments. La gélatine, ou additif E441 pour les intimes, permet de faire du shampoing, des médicaments, de l’encre, du dentifrice, des bonbons, des détergents... Les os et le gras sont également une bonne base pour l’alimentation animale. Parlant d’alimentation animale, aujourd’hui nous sommes bien loin de cette image d’Epinal de nos joyeuses bêtes gambadant dans les champs et se nourrissant d’herbe, de vers ou de céréales trouvés en retournant la terre. Pour subvenir aux besoins grandissants en viande, il a fallu trouver des solutions pour produire plus et toujours plus vite. Plus question d’attendre que Mère Nature nous fournisse à son rythme, alors on la force, on la presse. À la fin des années soixante, la production a été revue à la hausse avec les débuts de l’élevage industriel.

temps. Alors pas de sentiments : on ferme les yeux, on enfile ses gants et on a besoin d’espace d’élevage et d’espace pour cultiver de quoi nourrir le ses boules Quies pour masquer le bruit des grognements. bétail. Cette surproduction entraine la disparition de forêts, d’habitations et appauvrit la terre. Concernant les maladies, au menu, c’est soupe de compléments alimentaires, piqures d’hormones, antibiotiques et vaccins. Ce petit cocktail per- La part des cultures réservée à l’élevage industriel est très importante : met d’augmenter le rendement et d’éviter la contagion. À force, les bacté- 90% de la production mondiale de soja est mangé par le bétail tandis que ries s’adaptent et deviennent plus résistantes aux antibiotiques. la moitié de la récolte de blé sert à supporter notre consommation de viande Tout n’est pas rose au pays des cochons élevés dans ces conditions ! et de lait. Plus il y a d’animaux, plus il y a de pollution. L’élevage industriel aurait un impact environnemental plus important que l’ensemble des transD’un point de vue général, notre consommation excessive de viande a des ports. Entre la pollution de l’eau, les émissions de gaz à effet de serre, la conséquences non négligeables sur l’humain et sur l’environnement. Man- production de déchets, l’élevage intensif ne se fait pas que des amis. ger trop de viande n’est pas bon pour la santé. Un scientifique néerlandais aurait-il trouvé une solution-miracle ? Après de nombreuses années de recherches, Mark Post nous propose pour le dîner AU-DELÀ DE LA CELLULITE QUI DÉBORDE DU MAILLOT DE BAIN, D’AUTRES le premier steak de synthèse. Le principe ? On prélève des cellules-souches EFFETS SECONDAIRES SONT À PRENDRE EN COMPTE COMME LA de muscle et on les laisse se développer pour en faire des bribes muscuFAVORISATION DE laires. On les assaisonne d’acides aminés, d’hormones de croissance, de L’APPARITION DE CANCERS, DE DIABÈTES OU DE MALADIES CARDIO vitamines et de sérum de veau fœtal. Après repos, on reconstitue le tout et voilà, votre Frankenburger est prêt à être dégusté ! VASCULAIRES.

Dans ces usines, on s’assure que les cochons grandissent vite pour une productivité maximale. On les entasse dans des enclos de plus en plus petits, la promiscuité titille, alors nos mignons petits cochons se bouffent les uns les autres et se refilent toutes sortes de bactéries. Afin d’éviter un Autrefois, la consommation de viande était réservée aux pays riches. Mais sommes-nous prêts à manger de la viande tout droit sortie d’un labomanque de rentabilité, on scie les dents et on coupe la queue dès le plus Aujourd’hui, l’élévation du niveau de vie des pays en voie de développe- ratoire ? Reste à savoir si l’on mange de la viande par attrait du goût ou jeune âge, de préférence à vif, car l’anesthésie coûte cher et prend du ment favorise largement la consommation de viande. Pour produire plus, pour ce qu’elle représente ?

| huit


sottises cochonnailles

rédaction Romain Noël

illustration COCHON, TENDRESSE, INSURRECTION Louis-Pierre Baltard © Institut d’Histoire de l’art, Université de Strasbourg Contre Marcela Iacub

COCHON, TENDRESSE, INSURRECTION CONTRE MARCELLA IACUB

Je passe davantage de temps à défendre la sauvagerie que la civilisation, parce qu’elle est beaucoup plus menacée.

Hakim Bey*

Nous sommes composés de deux natures bien différentes : d’un corps qui nous est commun avec les bêtes, et d’un esprit qui nous est commun avec les dieux. Les uns penchent vers cette première parenté, s’il est permis de parler ainsi, parenté malheureuse et mortelle. Et les autres penchent vers la dernière, vers cette parenté heureuse et divine. De là vient que ceux-ci pensent noblement, et que les autres, en beaucoup plus grand nombre, n’ont que des pensées basses et indignes. – Que suis-je, moi ? Un petit homme très malheureux ; et ces chairs, dont mon corps est bâti, sont effectivement très chétives et très misérables. – Mais tu as en toi quelque chose de bien plus noble que ces chairs. Pourquoi, t’éloignant donc de ce principe si élevé, t’attaches-tu à ces chairs ? Voilà la pente de presque tous les hommes, et voilà pourquoi il y a parmi eux tant de monstres, tant de loups, tant de lions, tant de tigres, tant de pourceaux. Prends donc garde à toi, et tâche de ne pas augmenter le nombre de ces monstres. Epictète** Tu étais vieux, tu étais gros, tu étais petit et tu étais moche. Tu étais machiste, tu étais vulgaire, tu étais insensible et tu étais mesquin. Tu étais égoïste, tu étais brutal et tu n avais aucune culture. Et j ai été folle de toi. [...] Même au temps où ma passion était si fastueuse que j aurais échangé mon avenir contre une heure dans tes bras je n ai jamais cessé de te voir tel que tu étais : un porc. C’est ma compassion pour ces animaux si dénigrés qui a éveillé mon intérêt pour toi. Tu étais le grand persécuté, le bouc émissaire. Je me suis sentie obligée de prendre ta défense pour dire : Les porcs ont le droit d’être des porcs. Une société qui met ces créatures en prison aux seuls motifs qu’ils ont des goûts propres à leur espèce n est pas une société libre et juste. Marcela Iacub*** * Hakim Bey, L’art du chaos ** Epictète, Entretiens, livre I, XVII, Traduction André Dacier. *** Marcela Iacub, Belle et Bête, Stock, 2013

I L’an passé, Marcela Iacub – que l’on ne présente plus – nous a livré un abject petit roman qui lui a valu beaucoup de lumière – médiatique lumière – et sur lequel j’aimerais revenir aujourd’hui. Non qu’il me plaise de venir grossir les rangs des commentateurs stériles, mais parce qu’un point de son ouvrage – qui concerne directement ce premier numéro de Sottises – me semble avoir été injustement éludé. Le roman en question, souvenez-vous en, nous parlait d’un individu mi-homme mi-cochon, qui se trouvait être, de l’aveu de Iacub elle-même, le trop célèbre Dominique Strauss Kahn. Ce dernier fit à la journaliste un peu trop bavarde un procès qu’il remporta sans peine, malgré la polémique qui s’ensuivit, concernant la liberté de l’artiste et la possibilité d’un retour de la censure dans nos belles démocraties. Mais laissons cela. Oui laissons la pseudo-polémique, la pseudo-liberté de l’artiste et la pseudo-censure qui risque de ruiner nos pseudo-démocraties. Laissons cela, et venons en au fait, c’est-à-dire au cochon du livre, ce grand oublié du débat qui, convenons-en, mérite aujourd’hui que l’on se penche sur son cas. Car le livre de Marcela Iacub - juriste éminente, grande prêtresse libertaire - sous couvert de faire l’éloge du cochon, ne fait en réalité que souiller un peu plus la bête en question, nous livrant ainsi une sorte de manifeste hédoniste puant la subversion en kit et l’anticonformisme fat.

Ce qu’il y a de créatif, d’artistique chez Dominique Strauss-Kahn, de beau, appartient au cochon et non pas à l’homme. L’homme est affreux, le cochon est merveilleux même s’il est un cochon. C’est un artiste des égouts, un poète de l’abjection et de la saleté - Le cochon, c’est la vie qui veut s’imposer sans aucune morale, qui prend sans demander ni calculer, sans se soucier des conséquences. [...] Le cochon, c’est le présent, le plaisir, l’immédiat, c’est la plus belle chose qui soit, la plus belle part de l’homme. Et en même temps le cochon est un être dégueulasse, incapable d’aucune forme de morale, de parole, de sociabilité. [...] L’idéal du cochon, c’est la partouze : personne n’est exclu de la fête, ni les vieux, ni les moches, ni les petits. [...] Alors que DSK m’a toujours semblé être franchement à droite, ce communisme sexuel auquel il aspire en tant que cochon me réjouit. [...] » L’idéal du cochon, c’est la partouze. Voilà qui est fort intéressant, me direz vous. Et très facile à dire aussi. Marcela Iacub veut faire l’éloge de la sexualité libre, l’éloge du cochon, animal soi-disant partouzeur, l’éloge de l’amoralisme et du souci de soi, mais, pour des raisons qu’il nous faudra dire, elle détruit tout ce qu’elle touche ; et l’éloge tourne à la diffamation.

Je la comparerais bien à Méduse, dont l’agressif regard peut tout pétrifier, si je ne respectais pas tant les monstres mythiques et le secret de leur cœur ; et puis Méduse avait dans les cheveux de vrais et grouillants serpents. Mais pas de serpents ici. Seulement du fiel un peu pauvre et de la vanité || Mais comprenez-moi bien, ce que je dénonce ici, ce que je fustige ab- comme on en voit peu, bien qu’ici ce peu soit déjà toujours trop. solument, ça n’est bien sûr pas la partouze en tant que telle, et encore moins l’emportement orgiaque qui saisit parfois les corps et les fait se Aussi Marcela Iacub se sert-elle d’un homme que de toute évidence elle mêler chaudement, mais bien la légèreté injuste et vulgaire avec laquelle méprise pour faire l’éloge d’un animal que de toute évidence elle méprise Iacub associe la partouze au cochon. Certes, elle ne fait là que reprendre tout autant, et ce afin de défendre une sexualité qu’elle ne peut que mépriune image sans doute vieille comme la civilisation, mais cela n’excuse rien. ser, tant est sordide le climat de pensée qui la porte et l’enrobe. Le cochon mérite mieux que le délire néo- moralisateur d’un écrivain pré- Ne sachant plus que faire pour clamer sa magnifique et mondaine originatendument libertaire. || lité, elle tombe dans d’indignes contradictions. Elle va jusqu’à sacrifier son honnêteté intellectuelle – si tant est qu’elle en eut une un jour – sur l’hôtel II de la complaisance narcissique et de la délectation de soi. Elle appartient Peu après la sortie du livre, Marcela Iacub affirmait à la presse : à cette classe d’individus qui ne se sentent exister que dans l’anti-confor« Le personnage principal est un être double, mi-homme mi-cochon [...]. misme et le hors-champ intellectuel, et qui sont prêts pour cela à travestir

| neuf

et leur pensée et la forme réelle de leur cœur. Et ils sont légions aujourd’hui, ceux qui préfèrent l’éclat narcissique- social à la pensée discrète et authentiquement révoltée. Ce à quoi je voudrais me livrer ici, c’est à une tentative de réparation. Je voudrais – mais ce ne sera qu’une première pierre – et il faudra du temps pour que l’édifice tienne – délivrer le cochon de la sale sexualité qui lui colle à la peau. Délivrer aussi le loup de la violence et de la cruauté. Délivrer les animaux, tous les animaux, des poncifs qui, s’ils sont parfois presque beaux (ceux par exemple relatifs aux oiseaux) nous empêchent toujours de voir les bêtes ; de voir en tout cas leur tendresse et leur force ; et le mystère absolu dans lequel ils baignent. || Et je rêverais d’ouvrir un champ d’investigation nouveau, qui existera peut-être un jour, et qui pourrait s’appeler études post-animales. Oui, un champ d’études amoureuses, fascinées, où l’on pourra tenter de conjurer toute la violence physique et symbolique exercée par l’homme sur les animaux, et ce depuis la lointaine révolution néolithique, survenue quelque quinze mille ans avant notre ère. Pourtant, une loi du développement technique voudrait que l’on ne puisse pas, que l’on ne puisse jamais revenir en arrière. La chose un jour réalisée reste quelque part, en réserve, comme une trace ou une blessure, et notre monde est ainsi : couvert de plaies plus ou moins purulentes. Mais un jour viendra où, pour de multiples raisons, l’oppression animale devra cesser, et où la prétention des hommes à se faire comme maîtres et possesseurs de la nature, selon l’expression de Descartes, fera rire ou pleurer. Alors le non-humain brillera de son propre feu, et son mystère fera comme de petits dieux sous nos trop épaisses paupières. || III Si elle avait sa plume, Marcela Iacub ressemblerait presque à Jean de La Fontaine, notre fabuliste national. Comme lui – mais près de quatre siècles plus tard – elle se montre incapable de considérer l’animal autrement que comme une image de l’homme. Rien de bestial ni d’animal chez l’un comme


COCHON, TENDRESSE, INSURRECTION Contre Marcela Iacub

chez l’autre. La bête y est forcée de revêtir le triste habit de l’homme ou de Le temps est venu de laisser l’homme assumer en solitaire le mal dont il la femme ; et son mystère, son irréductible altérité se trouvent alors niés. est plein. Cruauté, cupidité, égoïsme, perversité, saleté, torture, ce sont là des maux bien humains, des tares que l’animal ignore, sauf bien sûr dans Ou pire encore : instrumentalisés. les fables. Là, l’humanité, par la subtile intercession du fabuliste, se plaît à salir la bête, à la couvrir de ses petitesses, de ses perfidies, et dans le Iacub ne parle pas du cochon, mais de ce que le mot cochon évoque dans meilleur des cas de ses mesquines morales. Comme si le sang, comme si son imaginaire somme toute assez limité de chroniqueuse en vogue. Plu- le silence de la bête ne suffisaient pas. Comme si leurs pelages, leurs plutôt que de rendre hommage à l’animal, comme elle prétend le faire, elle mages, leurs écailles mêmes, ne nous soufflaient pas déjà, bien que sans s’enfonce mollement dans cette vase de clichés qui forme autour du mot mot dire, la matière même d’une éthique, indomptable et forte. Comme s’il cochon et de la bête que le mot représente comme une chape fétide et fallait enraciner la bête dans une réputation morale toute faite, et ne plus gluante. la regarder, ne plus la scruter, ne plus chercher en elle le beau mystère de notre étrange terre. Pire encore, elle prétend donner la preuve de sa liberté d’esprit et de son anticonformisme en procédant à un vulgaire et tellement prévisible inverse- || D’où mon dégoût pour l’œuvre de La Fontaine, peut-être excessif, mais ment des valeurs. D’un coup, sans préméditation aucune, magistralement, que rien n’arrive à modérer. Quoi de plus désespérant, en effet, que ces elle fait du cochon un idéal moral ; pas du cochon réel, non, mais de la animaux devenus bavards et vaniteux ? Quoi de plus malhonnête que ces pauvre et triste idée qu’elle s’en fait. histoires où l’animal n’est pas là pour lui-même mais comme image de l’homme. Il y a beaucoup d’irrespect, me semble-t-il, à profaner ainsi le Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder mon vase mental : que l’animal serve silence des bêtes. Je le sais bien, je dis ça du haut de mon siècle, mais à défendre les fantasmes crypto-mondains d’une clique crâne et poseuse. je trouve impardonnable qu’on ait pu à ce point négliger les mystères de la terre. Comment l’homme a-t-il pu ne pas remarquer dans le crin, dans Vous me direz : « mais c’est une image, rien qu’une image ! ». Et vous aurez les cornes, dans l’œil des mouches, en chaque recoin de la terre, cette raison, c’est précisément une image, un trope comme on en voit tant. Je abondance de mystère qui aujourd’hui nous aveugle presque. Comment vous répondrai cependant que l’on peut juger les images, que mieux encore l’homme a-t-il pu croire autant en ses constructions, en son progrès ? il est de notre devoir de le faire, puisqu’elles forment l’armature symbolique Comment, pire encore, comment expliquer qu’il s’en trouve toujours audu monde dans lequel nous vivons. Ainsi, quand certaines, discrètement jourd’hui qui y croient dur comme fer ; qui le matin se lèvent, toujours un subversives, ouvrent des mondes, d’autres, sous couvert de subversion, ne peu criminels, sans l’envie de pleurer, de crier, de rire, de serrer dans leurs font que légitimer un certain ordre des choses. Mais Marcela Iacub, on ne bras des milliers de morts ? || le sait que trop bien, est au-delà de la morale. Elle seule a compris où se trouvait la liberté authentique. Elle seule à su se défaire des diktats sociaux VI et du carcan puritain au sein duquel le commun des mortels évolue. Iacub Mais revenons au cochon ; revenons au porc ; revenons à la terre qui le est libre. Libre jusqu’à la partouze. L’idéal du cochon, comme elle dit. couvre et que le soleil sèche. Au fond, le cochon est sans doute l’animal le plus noble qui soit. Le plus Mais les transmutations alchimiques, les renversements axiologiques ne résistant à la perfidie humaine. Domestiqué depuis des lustres, il n’a jasont pas et ne seront jamais à la portée du premier venu. Qui plus est, on mais cessé de se couvrir de terre. Pour se protéger de la chaleur, bien sûr, ne fonde pas une éthique – et encore moins une pensée – sur un simple comme nous le font remarquer les zoologues ; mais peut-être aussi pour renversement ou inversement du sens commun. rappeler à l’homme qu’il ne lui appartiendra jamais tout à fait ; que malgré la mort programmée à venir, il ne renoncera pas à son habit de matière || Et c’est presque contre mon gré, soyez-en sûr, que je me vois pester brune. ainsi. J’aurais aimé être agréablement surpris par Iacub, découvrir en elle un penseur honnête et frondeur, surprenant dans ses analyses et sans Ainsi maculé de boue, il se rappelle sans doute son passé de bête sauvage, concession dans ses jugements. Or c’est tout le contraire qui s’est produit. les courses sans fin de ses aïeuls libres, les courtes nuits dans les bauges Du prévisible et rien que du prévisible. De la complaisance aussi. Et un désir odorantes, l’odeur des prédateurs qu’il fallait toujours fuir. de briller terriblement destructeur. || C’est sans doute à Platon, puis à l’Église, qu’il faudrait imputer la responsaIV bilité de la sale réputation dont le porc est victime ; lui qui, comme le Malin, On s’attendait à ce que je parle d’erreur et de sexualité, à ce que je raconte préfère la terre au ciel, l’expérience aux idées, l’impur au pur, etc. la magie des corps chauds, des orifices palpitants, des chair soulevées Mais Marcela Iacub, qui croit elle aussi préférer la terre au ciel et l’expépar des bras puissants. Et cela m’aurait plu. Beaucoup plu. J’aime tant le rience aux idées, ne fait que renforcer un poncif inconsciemment hérité. grand magma de tendresse et de crocs. Mais laissons cela. Pour le moment Elle reconduit l’idée sans doute antédiluvienne qui veut que la sexualité, laissons cela. Parlons plutôt, précisément, des crocs. Parlons des bêtes, de comme la terre, soit sale, et que le porc, puisqu’il est couvert de terre soit ces bêtes qui inspirent tant, semble-t-il, notre sexualité. Parlons de notre donc, à son tour, tout à la fois sale et sexuel. Quoi de plus malhonnête que part animale, de notre côté brut, rugueux, bestial. cet enchaînement-là ? Quoi de plus facile faux ? Et surtout, puisqu’il faut bien rendre à César ce qui est à César, rendons justice ; si tant est que la littérature en est encore capable. Et Je ne parle L’Église avait au moins le mérite d’être honnête dans ses condamnations, pas de la justice des hommes, des nations ou des États, non je parle de la et de s’en tenir fermement – trop fermement sans doute – à des principes justice sauvage que la terre exprime à chaque instant du jour et de la nuit, rigoureusement édictés. Marcela Iacub, elle, semble ne pas mesurer ce je parle de la justice qui s’impose à l’homme lorsqu’il pense ou agit ; à cette qu’elle dit ; et on a peine à croire qu’un esprit comme le sien puisse se justice de par-delà les frontières qui lui fronce l’âme, lui dilate le cœur et le complaire de la sorte dans une incohérence aussi crasse. Comme quoi porte à la noblesse et au doute frondeur. il vaudrait mieux parfois s’en tenir aux colonnes du quotidien qui nous héberge, et renoncer à offrir à nos bibliothèques ce condensé de tous les V poncifs concernant l’animal et la chair qu’est Belle et Bête. On devrait pouvoir dire de l’homme qu’il est brutal, bestial ou animal, sans que cela signifie qu’il est un être cruel, féroce et enclin à la violence inconVII trôlée. Le motif hérité de Plaute – et popularisé par Thomas Hobbes – fai- Et c’est précisément cela qui est terrible et honteux dans ce livre : que le sant de l’homme un loup pour l’homme est tout à la fois injuste et inexacte. cochon n’y soit jamais considéré pour lui même, mais toujours comme Que l’homme soit mauvais par nature est une chose ; que le loup incarne le reflet déformé d’un homme excessivement fou de plaisir et de chair. la violence agressive en est une autre. Comme au zoo, l’animal est ici enfermé, mis en cage, pris dans l’amplitude Et c’est ce qui se joue ici, dans la fameuse formule latine – homo homini coercitive des pratiques humaines. lupus est – où le loup passe pour mauvais, et où pire encore il se trouve Parlons-en, justement, des zoos. Plus je m’avance dans les allées, dans les chargé d’illustrer ce qu’il y a de plus vil, de plus injuste et violent dans la larges corridors grillagés, plus l’homme me semble vulgaire et laid : corps nature humaine. Pauvre loup, victime de sa réputation et des peurs qui croulants, visages bouffis, yeux à peine égayés par le spectacle animal, frinl’entourent. Pauvres bêtes, empêtrées malgré elles dans les images des gues synthétiques et bigarrées, etc. Moi-même je n’y échappe pas. Herpès hommes. aux lèvre. Cernes sous les yeux. Cheveux mal coupés. Et face à nous, face à

| dix

notre commune laideur d’hommes – faudrait-il donc que nous soyons nus, que nos corps se laissent hâler, buriner par le soleil et le vent ? – oui face à nous se déploient les merveilleux pelages, les fabuleux plumages du règne animal ; du velours neigeux des chouettes à la douceur fauve et souple des lièvres de Patagonie. Et puis il y a les cochons sauvages, énormes masses de poils, de terre et de robuste sang. Tout cela enserré dans ce lieu carcéral qu’est le zoo. Arche devenue prison ; prison devenue réserve ou musée ; musée devenu foire. Et pourtant je suis là, moi aussi, à errer sur la terre battue, et il est dur de reprocher aux visiteurs leur présence, aux enfants surtout, tant l’expérience est riche de sens. Tant la beauté, la force, la tristesse aussi – sublime tristesse des grands félins – débordent des cages et nous travaillent au corps. || Sans doute ne peut-on que rêver l’animal, sans jamais le comprendre vraiment. Moi aussi j’avance à tâtons, prêtant aux bêtes des sentiments qui sont les miens. Mais voilà, j’essaye de le faire dans le plus grand respect, qui est toujours, pour l’homme comme pour la bête ou la plante, respect du mystère, de l’inaltérable mystère qui, comme un arrière-fond de terre, tapisse tout l’étant. || VIII Ce que manque Iacub, ce que toute la tradition philosophique avant elle manquait déjà, c’est la tendresse animale : cette force douce, cette aura puissante et veloutée qui se dégage des bêtes, et qui ressemble à du mystère directement émis par tous leurs muscles, tous leurs poils, toutes les cellules contenues dans tout leur sang. Et c’est cela qui doit retenir notre attention ; cela qui déroge vraiment à la règle instituée ; cela aussi qui dérange et trouble ; cela qui soulève les corps pour les mener à la lutte : cette tendresse radicale que l’on peut apercevoir dans l’œil des bêtes. Marcela Iacub utilise le cochon pour faire l’éloge de la partouze ; et ce faisant elle pense son geste comme violent, radical ou iconoclaste. Or il n’en est rien. Rien n’est plus commun, rien n’est plus dans l’air du temps que la partouze et le sexe libre, qui relèvent tous deux d’une gestion proprement capitaliste des corps, d’une économie de la chair absolument néo-libérale, où la quantité prime sur la qualité, et la flexibilité sur la liberté. Bien évidemment, il n’est pas dans mon propos de condamner ces formes sexuelle, mais bien de limiter (ou d’anéantir tout à fait) leur soi-disant potentiel subversif. L’imposture en effet n’a que trop durée. Personne ne devrait plus croire que la sexualité libertaire-libertine est porteuse d’émancipation ou de réalisation de soi. Oui personne ne devrait être dupe. Les gestes révoltés sont ailleurs. Les gestes libres aussi. Et rien ne me paraît plus fort, au beau milieu d’une partouze, que le baiser discret de ceux qui s’aiment et le savent. À la flexibilité capitaliste je préfère la souplesse secrète de l’être tendre, la chair moelleuse du cochon vivant. IX Voilà où je voulais en venir : au potentiel réellement insurrectionnel du cochon – et de la bête en général. Je ne parle pas, bien sûr, de ces pseudo-insurrections tout à la fois molles et mondaines, telles qu’on les trouve et les trouvera toujours chez les philosophes de salon ; je parle du véritable retournement des crânes et des ventres auquel travaillent, de manière souterraine et presque secrète, les véritables insurrections. Et le cochon, le cochon porte en lui, dans sa simplicité de bête que l’on va tuer, plus de révolte et de force que le moindre mot prononcé par Marcela Iacub, aussi politiquement incorrect soit-il. Si loin que j’aille, l’animal finit toujours par me saisir, me frapper ; et mieux encore me donner en silence quelques forces pour les frondes futures. Ainsi ce soir du cochon, conspué certes depuis la nuit des temps, mais dont les yeux luisent de terre et de feu mêlés.


sottises cochonnailles

photographie Sarah Fouassier

modèle anonyme

coiffure Nadège Nouet

body American Apparel

Boucherie Bello - 54 rue de la Charité 69002 Lyon - boucherie-bello.fr Nous remercions Fréderic Bello pour son accueil.

| onze


sottises cochonneries

2/

rédaction Karen, travailleuse du sexe

illustration Chloé Fournier, collectif Mauvaise Foi

COCHONNERIES

J’AVAIS UN COMMERCE J’avais un commerce, bien sûr pas celui où l’on vous fait payer un loyer exorbitant avant même d’avoir ouvert, non, un commerce comme un marchand ambulant, un commerce qui me permettait de manger, de payer mes factures, de vivre dignement, sans demander quoi que ce soit à qui que ce soit. Je choisissais ma clientèle, je décidais de mes horaires, j’étais prestataire de services, mais mon domaine à moi c’était le sexe. Alors bien sûr, je ne vais pas vous mentir en vous disant que c’est le meilleur des métiers, mais à mes yeux, c’est loin d’être le pire. Notre métier n’est pas facile : on doit toujours lutter, contre la police qui prend un malin plaisir à nous soutirer de l’argent en toute impunité, contre certains clients qui estiment que, puisque la société ne nous respecte pas, pourquoi le feraient-ils, contre les filles qu’il faut sans cesse repousser si l’on veut survivre.

notre nom sans nous avoir consultées et qui prétendent savoir mieux que « Mais vous vous prenez pour qui, vous êtes qui pour prétendre que votre nous ce dont nous avons besoin. moralité est meilleure que la mienne, pour vous croire supérieurs à moi, vous ne valez pas mieux que les idées tordues que vous défendez ». Une poignée de personnes qui ressemblent plus à des dictateurs - je sais le mot est fort- mais constatez par vous-même : chaque fois que nous avons Ras-le-bol de vous entendre dire les mêmes conneries sur les soi-disant pris la parole face à ces gens, nous nous sommes heurtés à un mur, aucune victimes que nous sommes. J’avais un commerce et comme aujourd’hui je tolérance vis-à-vis de notre différence. ne l’ai plus, je vais consacrer tout mon temps et toute mon énergie à vous combattre et à contrer votre parole. Ces personnes refusent catégoriquement que nous ne pensions pas Je vais vous ridiculiser quand vous parlerez au nom des prostitués, même comme elles et préféreraient nous voir mourir plutôt que de changer d’avis. si vous le faites déjà très bien tout seuls. Comment peut-on croire les menElles nous imposent une façon de vivre dont nous ne voulons pas, avec en songes qui sortent de votre bouche ? prime un job pourri où l’on sera exploités en toute impunité. On est plus proche de la dictature que de la démocratie. Je veux dire à mes frères et sœurs de trottoir que je les admire pour leur courage et leur persévérance, et que je suis fière de faire partie de la Voilà des années que nous luttons inlassablement afin de nous faire accep- grande famille des travailleurs et travailleuses du sexe. ter, de nous faire respecter, et il ne se passe pas un jour sans que l’on soit obligés de nous justifier par rapport à nos choix de vie.

Mais c’était sans compter sur la pire des attaques, des soi-disant fémi- Je prends la parole aujourd’hui, mais je pense que beaucoup se reconnainistes, qui ne respectent pas les femmes que nous sommes, qui parlent en tront dans mes propos, afin de m’adresser à ces dictateurs pour leur dire :

| douze


sottises cochonneries

rédaction Aurélie Alex

photographie Téo Jaffre

LES ÉTREINTES BRISÉES DE NOTRE SOCIÉTÉ CABIRIA - cabiria.asso.fr | AMICALE DU NID www.amicaledunid.org

UNE JEUNE FEMME SORT D’UNE VOITURE GRISE AU PIED DU PÉRIPH’, ELLE CLAQUE LA PORTIÈRE ET LA MUSIQUE DE LEE MOSES S’ÉLÈVE. « BAD GIRL » RÉSONNE AUX CHOCS DE SES TALONS SUR LES TROTTOIRS DE LA VILLE. C’EST AINSI QUE SE TERMINE L’APPOLLONIDE DE BERTRAND BONELLO. CETTE JEUNE FEMME AU VISAGE IMPASSIBLE SYMBOLISE À ELLE SEULE TOUTES LES PROSTITUÉES : LA FILLE DE JOIE DES MAISONS CLOSES DU 19ÈME, LA COURTISANE DES PETITS SALONS À LA COUR, LES SERVANTES DES DIEUX ANTIQUES, L’ESCORT-GIRL DES TEMPS MODERNES… MAIS SONT-ELLES DES « MAUVAISES FILLES » COMME SEMBLE LE DIRE LA CHANSON ? TENTATRICES ET VICTIMES À LA FOIS, SERAIENT-ELLES SIMPLEMENT DES PERSONNES MARGINALES QUE L’ON CACHE À LA FACE DU MONDE POUR MIEUX S’EN ÉPRENDRE À LA NUIT TOMBÉE ? EXPULSÉES DES CENTRES-VILLES POUR HABITER LE DÉSERT SOMBRE DES PARKINGS, SERONTELLES TOUJOURS RÉDUITES AU MAL HONTEUX MAIS NÉCESSAIRE DE NOTRE CIVILISATION ? TOUTES DES PUTES SAUF MA MÈRE

la prostitution », les acteurs sociaux répondent par la négative. Selon eux, métier du monde serait de fait indissociable des rapports humains. « Cerl’abolition peut-être efficace contre le proxénétisme, mais pour les prosti- tains d’entre nous sont allés, vont et iront aux putes ». Il serait utopique Une société machiste où les hommes ont le pouvoir et utilisent le corps des tuées, elle serait inadaptée en les excluant et les précarisant plus encore. d’imaginer une société sans prostitution ? « Ce n’est pas une pétition pour femmes comme instrument ? Emancipées et libres, les femmes peuventla prostitution mais pour la liberté ». Mais la liberté de qui ? De celui qui elles disposer librement de ce corps si controversé ? Faut-il abolir la pros- LA MAMAN ET LA PUTAIN va aux putes ou de celle qui enchaîne la vingtième passe de la journée ? titution ou garantir une meilleure protection ? Dans ce débat agité où chacun met parfois plus d’affect que de raison, tous Au milieu de ces discussions, le féminisme officiel critique la prostitution en Evidemment, il est réducteur de ranger les clients dans la case des més’entendent pour condamner au moins une chose : la prostitution n’a pas se positionnant favorablement pour l’abolition. Est-il acceptable dans une chants et les prostituées dans celle des brebis vulnérables. Ce sont souvent sa place lorsqu’elle réduit à l’esclavage les êtres humains. Mais où com- société moderne, que des individus payent pour jouir du corps de l’autre ? deux détresses qui se rencontrent sous la lumière rouge, deux trajectoires mence le libre-arbitre ? A quel moment peut-on être certain que le choix de N’est-ce pas au fond une forme d’esclavagisme ? Et le corps peut-il être qui se cognent à leur misère affective. Le texte de loi visant à punir d’une pratiquer cette activité a été totalement délibéré ? considéré comme une simple marchandise au même titre qu’un bien de amende les clients de prostituées a été adopté fin 2013 à l’Assemblée Naconsommation usuel ? Le réseau « Osez le féminisme » répond à ces ques- tionale. Il sera examiné par le Sénat prochainement. 1500 euros pour tout Proches de ces questionnements, mais encrées dans la réalité quotidienne tions en critiquant toute relation sexuelle monétisée. Alors une femme qui achat de services sexuels et le double en cas de récidive sont prévus. Alterdes personnes et des associations leur viennent en aide en apportant sou- épouse un homme pour ses diplômes, sa fortune et son statut social, est- native à l’amende ou sanction complémentaire, un « stage de sensibilisatien et écoute. C’est le cas de Cabiria (référence iconique à la bouleversante elle aussi une pute ? tion à la lutte contre l’achat d’actes sexuels » est également envisagé. Cette Giulietta Masina dans le film de Fellini), qui existe depuis 1992 à Lyon. Lieu mesure sera-t-elle dissuasive ? Beaucoup d’associations s’élèvent contre : de refuge, mais surtout de prévention (IST, du VIH, hépatites) et de consul- Un courant féministe plus controversé - revendiquant également l’éman- « La pénalisation des clients ne fera pas disparaître la prostitution, mais tation médicale, l’association œuvre pour un suivi personnalisé de chaque cipation des femmes - distille un discours provocateur en affirmant que accentuera la précarisation des prostituées en les forçant à davantage de individu. Elle est active sur le terrain avec des interventions la nuit, au plus les faveurs sexuelles seraient le lot du sexe faible et qu’il devrait en tirer clandestinité, et en les éloignant des associations de soutien et de santé près des travailleuses et travailleurs du sexe. meilleur profit. En bref, les femmes seraient de mauvaises négociatrices communautaires ». Les associations de santé communautaires sont nées dans les années 90, après une politique de répression face à la prostitution, une approche sociale s’est développée. L’idée n’est pas de sanctionner ou de porter un jugement moral mais d’aider et d’apporter avant tout un traitement médical : « Travail de terrain, action, information et formations réciproques, non par étude et recherche de type purement universitaire, pratique novatrice et expérimentale qui est originale par rapport aux démarches sanitaires traditionnelles ». En un mot, tordre le coup aux théories et idées préconçues et être dans la proximité des prostituées. Alors à la question « faut-il abolir

et elles pourraient obtenir beaucoup plus en usant de leur charme. Mais dans ce postulat, où est l’égalité homme-femme ? Si les femmes conti- Au fond, il n’est sans doute pas question de prendre position contre la prosnuent d’échanger leurs faveurs sexuelles contre des avantages sociaux, les titution, ni de choisir le camp des abolitionnistes ou bien encore de souhaiter la réouverture des maisons closes. L’important est d’aider aujourd’hui hommes auront toujours le pouvoir. ceux qui en ont besoin, de ne pas les rejeter loin de nos centres-villes proprets. La prostitution est là, sous nos yeux, tous les jours. Il faut la regarder LES « 343 » SALAUDS en face et ne plus l’idéaliser ni la minimiser. Et le sexe fort dans cette histoire ? Une pétition au titre provocateur faisant référence aux « 343 salopes » a fait débat. Selon eux, le plus vieux

| treize


sottises cochonneries

rédaction Sébastien Poirée

photographie Sarah Fouassier

PLUS BELLES MES NUITS BUNNY SLUT CLUB - Soirée itinérante | GARÇON SAUVAGE & LA CHATTE - Sonic

AU MILIEU DE LA PIÈCE BONDÉE ET TRANSPIRANTE, AU MILIEU D’UNE FOULE EN LIESSE ET DÉNUDÉE, CHANTAL LA NUIT SE TRÉMOUSSE SUR UN CANAPÉ. POSE LASCIVE OU SUGGESTIVE, SA BOUCHE ROUGE VIF CONVOQUE AUTOUR D’ELLE D’AUTRES CORPS ; LES MEMBRES S’ENTREMÊLENT, LES LÈVRES SE COLLENT, LA FIÈVRE MONTE ET LE MAQUILLAGE COULE DE PLAISIR. DERRIÈRE LES PLATINES, BRAULIO BOMBARDE LES OREILLES DE RYTHMES ENDIABLÉS, UN COLLIER DE STRASS SCINTILLE AUTOUR DE SON COU. HOMMES À TALONS, COIFFÉS DE PERRUQUES, FEMMES À BARBE, LES CHEVEUX COURTS, CE VENDREDI SOIR AUX FEUILLANTS, LES CODES ET LES GENRES SE TRAVESTISSENT DANS UNE FOLIE FESTIVE. PERCHÉ SUR MES TALONS, JE ME LAISSE SUBMERGER PAR L’ESPRIT DE LA BUNNY SLUT CLUB DANS TOUTE SA SCANDALEUSE SPLENDEUR. TANDIS QU’À L’ÉTAGE LE PARQUET CRAQUE SOUS LES PAS DE DANSE, AU REZ-DE-CHAUSSÉE, TOUT AUSSI BONDÉ, LES NOUVEAUX VENUS SONT ACCUEILLIS PAR AMANDA DE LA REY EXUBÉRANTE DE BONNE HUMEUR, ET LA MUSIQUE DE DJ BOLITO, À SON IMAGE, JOVIALE ET ENTRAÎNANTE. | quatorze


Nous dansons, nous frôlons, les heures glissent sur nos corps comme autant de caresses. Et quand retentit le dernier morceau de musique, au milieu de la nuit, les pieds endoloris nous rappellent ces heures folles que nous venons de passer. Les dernières créatures de la nuit quittent les lieux, ne restent à l’intérieur qu’une dizaine de personnes, les membres du collectif PLUSBELLELANUIT à l’origine de cette soirée, dont Chantal est la figure de proue. LE CREDO DE CE GROUPE D’AMIS SE RÉSUME EN QUELQUES MOTS : ÉCLATER LES CODES ET BOUSCULER LA NUIT LGBT LYONNAISE.

dans un feulement de plaisir, dans lequel tout le milieu lesbien s’y retrouve. Là encore, le leitmotiv de PLUSBELLELANUIT est le même, rassembler les différences le temps d’une soirée conviviale. En parfaite maîtresse de cérémonie, Mahé maintient la cadence, les filles dansent jusqu’au bout de la nuit sur les sets de Vyet et CNMRN. La péniche s’enfonce jusqu’au bout de la nuit dans un tumulte immobile... Une semaine pour m’en remettre... Et déjà un nouveau vendredi et son Garçon Sauvage. Le collectif est sur le pont, prêt à accueillir tous les sauvageons au Sonic, devenu le fief de PLUSBELLELANUIT. KTB et Bolito aux platines enflamment le dancefloor. Gay, lesbienne, hétéro, toutes les sexualités, tous les genres se retrouvent encore une fois ici. Garçon Sauvage repose sur un concept phare, donner la place à la création artistique, aux performances marquées du sceau queer. Entre le passage de relais des DJ, la scène du Sonic devient lieu de spectacle. Danse, chant, défilé surréaliste, drag-kings, strip-tease, etc, le collectif pioche dans ses ressources ou fait appel à des candidats pour assurer le show. Interlude créatif, le collectif souhaite prouver qu’une scène alternative queer lyonnaise existe, qu’elle est foisonnante. Lorsque les applaudissements assourdissent la salle, la musique repart de plus belle dans une ambiance survoltée. Les corps sont recouverts de strass, les paillettes se répandent de peau à peau. Ici des seins, là des torses, partout le plaisir ; la péniche devient love-boat.

Autre vendredi, autre lieu, ce soir, j’ai rendez-vous avec La Chatte, dont le ronronnement est assuré par Mahé Mary May, Mona, Vyet et Lucy. Après avoir animé un before au Livestation, avec photocall par Mona et concours de dessin de chattes en tout genre, les filles partent à l’abordage du Sonic, sagement amarré sur la Saône. Ambiance électronique pour cette soirée lesbienne. Me voilà affublé d’une paire d’oreilles en fourrure, je ronronne de plaisir sur le set de Vyet et ses enchaînements à l’agilité féline. Dans une robe vaporeuse, Mahé veille à ses chatons ; les filles se libèrent, les poitrines aussi, couvertes de paillettes. Un vent d’euphorie fait chavirer la péniche. Le froid extérieur et la bruine ne calment en rien les ardeurs de ces filles venues ici pour s’amuser. Dernière née du collectif, La Chatte veut En chemin, je me laisse aller à quelque poésie : elle aussi, planter ses griffes dans la nuit lyonnaise, qu’elle s’abandonne

| quinze


sottises cochonneries

rédaction Flora Le Saint

photographie Coralie Giroud / Blaise Chatelain

L’EXCÈS SEXUEL CE MAL DU SIÈCLE

« L’HOMME EST UN LOUP POUR L’HOMME. » PIRE, IL EST UN LOUP POUR LA FEMME. ASSOIFFÉ, IL CHASSE AVEC IVRESSE PUISQUE LE MONDE NE CESSE DE LUI OFFRIR DES PROIES SUR UN PLATEAU – NON PLUS D’ARGENT MAIS NUMÉRIQUE. TEL UN JEU DE L’OIE GRANDEUR NATURE DANS LEQUEL LA FAMEUSE VOLAILLE AURAIT ÉTÉ REMPLACÉE PAR UNE POULE. L’ÊTRE SEXUÉ – QU’IL SOIT MÂLE OU FEMELLE FINALEMENT – REÇOIT PARFOIS CE DON – OU CETTE MALÉDICTION – DU CIEL, OU PLUS CERTAINEMENT DE SON BAS-VENTRE, CE DÉSIR INCONTRÔLABLE : L’ADDICTION SEXUELLE. VÉRITABLE TROUBLE MENTAL OU PURE INVENTION DU SUPRÊME KIKI POUR EXCUSER SES PLUS BELLES FRASQUES, LA PSYCHIATRIE HÉSITE ENCORE. L’alcoolisme, c’est un gif dans lequel un verre est vidé, puis rempli – en boucle et en bouche. L’addiction sexuelle, au contraire, opte pour plusieurs visages dont la liste peut être longue : masturbation compulsive ; consultation effrénée de sites à caractère pornographique, de sex-shops et autres temples de l’érotisme ; recherche continue et persistante du plaisir sexuel. Il est plus que probable que ces maux vous soient familiers. La sexualité – à des fins reproductrices ou sensuelles – est souvent considérée comme un besoin physiologique, au même titre que la faim, la soif ou encore le sommeil. C’est donc bien à notre porte que cette obsession maladive se tient vaillamment, dans l’attente de l’ordre qui lui fera retentir la sonnette et qui nous transformera en passionnés de la fesse. Surveillez vos cadets, ce fléau s’introduit même dans les kermesses. PLUS CONCRÈTEMENT, À QUOI EST DUE L’ÉVOLUTION CONSTANTE DE CETTE HYPERSEXUALITÉ ? J’accuse tout d’abord le manque de retenue et la précocité dont fait preuve cette société. J’accuse la facilité avec laquelle partenaires sexuels et images pornographiques nous tombent entre les cuisses. J’accuse l’amour que portent les médias pour les scandales impliquant nudité, sexualité et infidélité. Et je nous accuse d’adorer ça – bien sûr.

Il est toujours temps de saluer le parangon du vice, j’ai nommé notre ami Dominique. Si Gaston Leroux avait été l’un de nos contemporains, son œuvre « Le Mystère de la Suite 2806 », avec Rouletonboule comme personnage principal, serait aujourd’hui primée, c’est certain. QUAND J’Y PENSE, DON JUAN ÉTAIT SANS DOUTE ATTEINT LUI AUSSI. SON CARACTÈRE COMPLEXE PREND FIN ET TOUT FAIT SENS. ON A NOTRE PATIENT ZÉRO !

Le phénomène est d’ailleurs traité avec force et vérité par le réalisateur Steve McQueen dans Shame. Sans pudeur, Michael Fassbender incarne un homme dévoré par son obsession sexuelle. Ce rôle – qui lui vaut la meilleure interprétation masculine à la Mostra de Venise 2011 – a permis de démocratiser cette dépendance jusqu’alors ignorée : soit camouflée à merveille par des accros embarrassés, déboussolés ; soit perçue comme simple penchant pervers et contre-nature. Si les symptômes mentionnés plus haut font écho à un proche voire à vousmême – la carte sortie d’embarras aka, « c’est arrivé à un ami, promis » est toujours aussi prisée - n’hésitez pas à consulter l’ouvrage de Florence Sandis et Jean-Benoît Dumonteix, Les Sex Addicts. Ce dernier, psychanalyste et addictologue, nous apprend que 5% des français souffrent d’addiction sexuelle et « souffrir » est le mot juste : perte de contrôle de l’esprit – entraînant celle du corps –, sentiment de honte, insoutenable sensation de faiblesse.

Car oui il me semble que les vieux de la vieille, avec leur feuille de vigne en guise de slip, aimaient ça tout autant que nous. L’orgasme. Ce Saint Graal. Depuis la découverte du plaisir sexuel, sans aucun doute. C’est donc bien l’internet – ce fourbe – qui a ouvert en grand les portes de notre esprit, le rendant ainsi vulnérable et faisant de lui l’hôte parfait d’une maladie qui s’invite beaucoup plus chez l’être humain qu’on ne le croit. Et pourtant, le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, ouvrage de référence qui catégorise tout trouble mental, tarde à reconnaître Voici un avant-goût de l’ouvrage relativement évocateur : « ce n’était cette déviance – ou future norme – en tant que telle. L’état d’euphorie plus mon cerveau qui commandait, c’était ma bite. ». L’alibi de toute une puis le manque ressenti sont pourtant bien la preuve que ce comporte- génération. ment appartient à la famille des addictions et requière une aide médicale et psychologique.

| seize


Bistrot La Fonda Spécialités espagnoles, cuisine maison

Où trouve-t-on le meilleur cochon ibérique ? À la Fonda évidemment ! Dites que vous venez de notre part, la maison vous offrira une sangria par convive et par repas. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

1 place Eugène Wernert 69005 Lyon 09 50 90 48 26 | dix-sept


sottises cochonneries

photographie Laurie Franck

modèle Cassandre Jacquin

| dix-huit


coiffure / maquillage Nadège Nouet / Mathilde Bail

vêtements Paloma Casile, Village Market, Be Bop, Le Cabinet des Curieuses

| dix-neuf

Nous remercions l’Osteria Valenti pour son accueil.


sottises l’art dans le cochon

3/

rédaction Henry-Pierre Marsal, architecte d’intérieur

illustration Chloé Fournier, collectif Mauvaise Foi

L’ART DANS LE COCHON

LE PORNO 2 POINT 0 Ma chère Sarah, je n’ai que 400 mots pour ce petit billet, je dois bien les compter, les peser, aussi je vais tenter d’être concis, sur un sujet qui à lui seul rempli des bibliothèques depuis que l’écriture existe. La pornographie, quelle sonorité désuète pour un usage contemporain devenu essentiellement visuel ! Des livres parcourus d’une main par les lecteurs de ce vieux Justinien de Sade ; nous voilà désormais sous l’empire de la webcam et du selfie, civilisation de l’image animée et vivante dans la main ; nous voilà Homohabilis onaniques ambidextres connectés. Pour les champs de la création contemporaine ; l’immédiateté, la simplicité et la rémanence du rapport au porno, bouleversent le travail de construction artistique par essence singulier et qui va à son rythme, les plasticiens et les auteurs devront s’interroger différemment et proposer des supports et des médias adaptés à ce nouvel usage, Jeff Koons et la Ciccolina semblent d’un autre temps. De fait ils le sont ! Mais que cela a-t-il changé en nous ? Des addictions plus profondes, des couples plus fragiles ?

Une multitude de solitudes parallèles mises en scène pour certains (série de peintures JH cherche JH de David Morel), un rapport au corps boulimique pour d’autres. Le libertinage mondial est une « Application »désormais, insidieusement le billet doux numérique depuis le creux de la paume transmet le pedigree et géolocalise la proie du jour, le sexe en 4G, pratique et gratuit. Le porno questionne l’altérité, c’est pas si mal, cet objet fantasmé, touché, désiré, possédé parfois. Virtuelle ou réelle la rencontre a lieu avec l’autre, les autres, pourquoi ? Certaines vivent des moments de grâce dans le métro, d’aucuns en vivent parfois dans le porno. Souvent accidentels ces courts instants, secondes d’éternité, sont les absences, les vacances de leurs auteurs, car forcément elles leur échappent, le porno cela se mérite, des deux côtés, de l’acteur au voyeur de l’instant saisi au vol... « Pour avoir l’illusion de ne pas être seul ». Comme le dit la chanson, certains parleront de communion, même si le terme est connoté, d’autres pour le plaisir de la transgression certes, pour vivre la surprise aussi, l’indicible fragilité de la nouveauté, à la fois éthérée

| vingt

et terriblement concrète. L’anonymat tiède pour le voyeur, le narcissisme insatiable pour les « acteurs amateurs ». Je ne me risquerais à aucun étalonnage du porno, aucune classification prônant la supériorité du bon vieux porno estampillé ou vintage sur le porno2points0, je constate juste un glissement, un élargissement du public concerné, loin des enfers des bibliothèques, des humanités d’esthètes, des maisons closes, des visites des musées et galeries d’art ou des camionnettes de Gerland. Désormais c’est open bar pour tous et toutes, la pornoréalité au quotidien, je jouis donc je suis, tous les jours de ma vie, une sorte d’amateurisme laborieux, constant, alors ensuite seulement survient l’ennui... Comme tu le vois ma chère, la dimension morale du sujet m’a échappé, une absence sans doute... Mais mon crédit de mots est épuisé !


sottises l’art dans le cochon

rédaction Sarah Fouassier

illustration Chloé Fournier, collectif Mauvaise Foi

JE SUIS UN PRUDE SOUS MA FOURRURE DE VIOLEUR DE SERVICE LA PREMIÈRE FOIS QUE NOUS AVONS ÉVOQUÉ SOTTISES AVEC L’HOMME QUE J’AIME APPELER MON ASSOCIÉ, NOTRE RÉFÉRENCE COMMUNE ET IMMÉDIATE A ÉTÉ HENRY CHARLES BUKOWSKI. ON ÉTAIT COMME QUI DIRAIT « TOMBÉ DEDANS QUAND ON ÉTAIT PETIT ». La première fois que je me suis trouvée nez à nez avec Bukowski, j’avais 15 piges, une édition française de Women s’était glissée par hasard entre mes mains. La description de la quatrième de couverture était plutôt alléchante. Les mots « sexe », « ivresse », « tendresse » s’entrechoquèrent dans mon esprit et à l’âge où les hormones adolescentes me trituraient, l’achat de ce livre apparaît aujourd’hui comme une évidence. On a souvent dit de Bukowski et de ses lectures, qu’elles étaient justement adolescentes et que son cynisme était obsolète. Il paraît que nous vivons une époque plus si formidable et qu’il faut être positif et sage. Très bien. Mais qui a dit que la poésie bukowskienne n’était pas emplie de sagesse ? Pas moi en tout cas. tout va si bienla baise le dodo les câlins... L’AMOUR EST UN CHIEN DE L’ENFER On a souvent dit de Bukowski qu’il était un gros cochon, un vieux dégueulasse comme il aimait s’appeler. Et avant de s’enorgueillir, il a morflé. Adolescent, il avait du mal à masquer ses pustules, sa dyslexie, son accent allemand et ses vêtements de pauvre. En gros, il a pris cher. Moqué par ses camarades, ses actes signaient le début de son exclusion et de sa métamorphose bestiale. Eux, ils pouvaient oublier. Moi, non. J’étais coincé avec ma gueule. SOUVENIR D’UN PAS GRAND CHOSE Son rassurant papa n’a jamais semblé le protéger, bien au contraire. Charles le décrit comme un « bâtard brillant » qui le violentait à coups de rasoir. Avant sa mort, il avouera que son père lui avait appris la signification de la douleur, de la véritable douleur, « de la douleur sans raison ». Sa rage, ses envies parricides, c’est incontestablement ce qui l’a poussé à écrire. Et certaines phrases raisonnent tels des coups couteaux. Find what you love and let it kill you. LETTRE PERSONNELLE Ce qu’il aimait le plus au monde avec les femmes, c’était la bibine. « Je ne bois pas, je me saoule » disait-il. Œuvre incontestable de son autodestruction largement exhibée dans toute sa littérature, la liqueur, c’était plus qu’une habitude qu’il avait prise dès la préadolescence, c’était sa protection. Une protection qui le rendait à la fois vulgaire et sensible. Boire rendait sa prose d’autant plus honnête et abrupte. C’est ça le problème avec la gnôle, songeai-je en me servant un verre. S’il se passe un truc moche, on boit pour essayer d’oublier ; s’il se passe un truc chouette, on boit pour fêter et s’il ne se passe rien, on boit pour qu’il se passe quelque chose. WOMEN Le second amour de sa vie était la Femme. Buk a le don d’hisser les femmes au rang d’héroïnes sensuelles et sexuelles. Avec lui, elles ont le

pouvoir. Qu’elles soient grosses, magnifiques ou complètement tarées, elles sont en proie aux insultes et aux descriptions contemplatives. Il les aime autant qu’il les déteste et rapproche souvent le terme d’enfer à celui de femme. Mais ne serait-ce pas ça le véritable amour ? La passion mais aussi la rage, la rage d’aimer, de ne pas obtenir ce qu’il veut de ses muses extravagantes. Il est vrai qu’en amour, rien ne rend plus fou que celui que ne se soumet pas à nos désirs, non ?

Et sa critique va plus loin. La globalité de la société américaine en prend pour son grade : les hippies, les bourgeois, les stars hollywoodiennes, les capitalistes, les bobos, les cathos, les artistes, … Personne ne trouve grâce à ses yeux, car chacun rentre dans une case sans laisser place à l’initiative personnelle. Tout le monde est influencé, tout le monde fait dans son froc en répondant à des codes sociétaux.

Les gens s’accrochaient aveuglément à la première bouée de sauvetage venue : le communisme, la diététique, le zen, le surf, la danse classique, l’hypnotisme, la dynamique de groupe, les orgies, le vélo, l’herbe, le catholicisme, les haltères, les voyages, le retrait intérieur, la cuisine végétarienne, l’Inde, la peinture, l’écriture, la sculpture, la musique, Les femmes rendaient son regard immaculé, il décrivait chaque femme la profession de chef d’orchestre, les balades sac à dos, le yoga, la comme si elle était la première et la dernière. Un unique objet d’admiration. copulation, le jeu, l’alcool, zoner, les yaourts surgelés, Beethoven, N’est-ce pas le rêve de chaque femme ? D’être une muse amoureuse et unique même l’espace d’un instant ? Bach,Bouddha, le Christ, le H, le jus de carotte, le suicide, les costumes sur mesure, les voyages en avion, New York City, et soudain, tout se cassait la gueule, tout partait en fumée. Il fallait bien que les gens je me souviendrai de ta petite chambre trouvent quelque chose à faire en attendant de mourir. Pour ma part, je le sentiment de toi trouvais plutôt sympa qu’on ait le choix. la lumière par la fenêtre WOMEN tes vyniles tes livres En balayant l’égocentrisme dont il était certainement la première victime, notre café du matin il nous met tous sur un pied d’égalité. « Nous ne sommes pas si différents nos midis nos nuits même si nous aimons à le croire » ai-je lu. L’espèce humaine se farde d’un nos corps enlacés tissu de mensonges dont chacun discerne le costume, mais tout le monde s’en cache. Personne ne s’insurge, on se regarde tous le nombril, on oublie endormis de regarder le clodo sur notre palier, on se plaint même de l’odeur, on croit les minuscules courants mouvants qu’on est plus méritant que le voisin et on prie pour la reconnaissance. immédiats et éternels ta jambe ma jambe Les hôpitaux, les prisons et les putes : telles sont les universités de la ton bras mon bras vie. J’ai passé plusieurs licences, vous pouvez me donner du Monsieur. ton sourire et ta chaleur SOUVENIR D’UN PAS GRAND CHOSE qui me fit rire à nouveau petite fille brune aux yeux doux Ces maigres lignes traduisent sa passion pour l’immoralité et pour ses tu n’as pas de adeptes. Ce mouvement a été appelé Low Life et Bukowski a été et est toujours son emblème. Il parle de ceux qu’il connaît, des oubliés, des exclus lame. la lame est de la société : alcooliques, clodos, drogués, dealer, prostitués, maquereaux, mienne et je ne vais pas l’utiliser voleurs, … Les marginaux trouvent enfin une place de choix dans la littérapour l’instant. ture et Charles devient leur chef de file. Lui aussi a longtemps été marginaRAW WIYH LOVE lisé, alcoolique bien sûr, et presque clochard quand il a quitté le nid familial après avoir enfin répondu aux coups de son père à l’âge de 16 ans. Exclu Par le biais de l’amour, il blâme de manière acerbe le mariage, pratique de la société littéraire ? Sans aucun doute. Sa littérature a été vomie par consumériste et narcissique. Bukowski a toujours critiqué les traditions et tous les éditeurs et journaux américains, jusqu’à ce qu’il publie en 1967, ceux qui les suivent comme des moutons. Il prône les partenaires mul- quelques colonnes intitulées Journal d’un Vieux Dégueulasse dans la revue tiples qui sont des remèdes à la lassitude de l’existence. L’idée de devenir underground de Los Angeles, Open City. Aujourd’hui ces nouvelles sont rasquelqu’un, de se marier, de pondre des gosses, de se planquer derrière semblées dans un recueil constituant son œuvre la plus fameuse. Alors qui un statut n’avait jamais été dans ses plans. Voilà un message libertaire ! vomit aujourd’hui ? Sûrement lui, sur ceux qui l’ont déconsidérés pendant Devenir soi-même par la conscience de son être dans sa plénitude, sans tant d’années car sa tombe ne sera jamais silencieuse. obligations mais avec passion. La rage d’écrire, la rage d’aimer, la rage de vivre. À quoi sert le mariage ? À sanctifier la BAISE, jusqu’à ce qu’elle tombe Longue vie au grand Charles. inévitablement dans l’ENNUI, jusqu’à ce qu’elle devienne un BOULOT. CONTES DE LA FOLIE ORDINAIRE C’est une allumeuse. Elle est impulsive. Elle te quittera. C’est p’t-être un peu pour ça qu’elle m’attire WOMEN

| vingt et un


sottises l’art dans le cochon

rédaction Constance Rollet

peinture David Morel, Galerie Second Jour

Le Cantique des Cantiques

PEINTURE, VÉRITÉ & CONVICTION GALERIE SECOND JOUR - 108 Rue de Sèze 69006 Lyon

DAVID MOREL EST UN PEINTRE DONT LES CONVICTIONS S’APPRÉCIENT DANS SON FRANC-PARLER ET SON TRAVAIL. COMPRENDRE SES PEINTURES, C’EST PÉNÉTRER SON IDENTITÉ ARTISTIQUE. RENCONTRER DAVID, C’EST ALLER AU-DELÀ D’UN SIMPLE REGARD SUR CE QUE L’ON CROIT SAVOIR, C’EST ACCÉDER AUX MESSAGES SUGGÉRÉS DANS SES ÉNIGMES PICTURALES. LA FORCE DE SON TRAVAIL DÉCOULE D’UNE DOUBLE LECTURE ET LES THÈMES QU’IL ABORDE SONT PLUS QUE JAMAIS ANCRÉS DANS NOTRE ACTUALITÉ. L’ESPACE QU’IL PARVIENT À CRÉER ENTRE CONTEMPORANÉITÉ ET ART SUGGÈRE NI PLUS NI MOINS LIBERTÉ ET TOLÉRANCE. mon appropriation de ce que notre société nous laisse à voir. J’essaye de le faire avec humour et avec une certaine ironie. Dans une bonne peinture, il y’a plusieurs niveaux de lecture : personnels et universels, émotionnels et cérébraux. Créer des émotions tout en posant des questions sans apporter les réponses, c’est ce qui m’intéresse et cela est un vrai travail d’équiliMes matériaux de base sont les images auxquelles nous sommes constam- briste. ment liés. Je les considère donc comme faisant partie intégrante de ma réalité, elles sont ma nourriture picturale, spirituelle, et émotionnelle. On m’a d’ailleurs déjà traité de peintre iconophage, « ikon » signifiant image en grec ancien et « phagos » mangeur. Tout y passe, la télé, internet, la publicité, le cinéma, des photos d’anonymes, ainsi que mes propres photos. Dès qu’un «collage» fait sens ou nourrit mon propos, le processus peut commencer, ce processus est plus ou moins long mais ses étapes sont toujours les mêmes. La première digestion se fait numériquement et le transit final se fait picturalement, souvent sur grand format pour essayer de libérer le geste, c’est là mon étape favorite. La peinture n’est réussie que si elle est capable de renvoyer plus de sens et d’esthétique que l’image d’origine. 1 - DANS VOS TRAVAUX, ON REMARQUE IMMÉDIATEMENT L’IMPORTANCE DES IMAGES, COMMENT S’INTÈGRENT-ELLES DANS VOTRE PROCESSUS CRÉATIF ?

2 - UN ZEST D’HUMOUR ET DE SECOND DEGRÉS VIENNENT COLORER DE MANIÈRE SUBTILE L’INTERPRÉTATION DE VOS PEINTURES. LE TABLEAU « PARADE » SEMBLE SUGGÉRER LA PROCESSION RELIGIEUSE ET LA PARADE GAY TANDIS QUE MLLE EGGS & BACON INTERROGE LA CONSOMMATION. COMMENT PARVENEZ-VOUS À INSTAURER CETTE TOUCHE DE CONFUSION ? J’aime semer le trouble chez le spectateur en générant un double jeu. J’aborde la question de la représentation et de ses effets secondaires, d’où

Parade

Mademoiselle Eggs & Bacon

| vingt-deux

3 - LA SÉRIE JH CH MEK (JEUNE HOMME CHERCHE MEC) MONTRE LA REPRODUCTION DE PHOTOS D’HOMMES DÉNUDÉS TROUVÉES SUR DES SITES DE RENCONTRE GAY. QUELLE VOLONTÉ SE DÉGAGE DE CES PEINTURES ? CHERCHEZ-VOUS À ADOUCIR OU BIEN À SUBLIMER CETTE EXHIBITION VÉHICULÉE PAR INTERNET ? C’est une série que j’ai réalisée en 2006/2007. À 29 ans, j’avais accepté le fait d’aimer les hommes et naturellement, le milieu gay m’intriguait. J’ai utilisé des photos que j’ai glanées sur un site de rencontre, puis j’ai fait une sélection précise pour mettre en scène tout un éventail de personnalités, allant du jeune puceau romantique au pervers masqué ; les titres des toiles étant les pseudos utilisés. La mise en scène des corps et des sexes m’intéressait et me faisait poser des questions simples : « comment susciter le désir ? », « qu’est-ce que la virilité ? », « qu’est-ce qu’un homme ? », « comment peindre un sexe ? ». Dans notre société un sexe d’homme, c’est moche. La plupart des hommes dénudés dans l’histoire de l’art sont nus pour représenter des scènes bibliques ou historiques. Le nu masculin avec ses attributs virils est assez tabou et rare en peinture. L’image d’un sexe en érection, d’après les lois françaises, est considérée comme pornographique. Je voulais aussi peindre le côté sombre de la sexualité, la peur et la culpabilité sont des sentiments toujours très forts chez les homosexuels, ils génèrent, encore aujourd’hui, des souffrances inutiles. Sur ces sites, les corps n’ont plus de têtes, les sexes en érection sont isolés ou au premier plan cachant les visages de leurs propriétaires, en somme l’identité est gommée. Dans cette série, j’ai vite pris conscience de l’influence de la pornographie qui est valorisée et très présente dans le milieu gay. D’où les deux peintures Idole1 et Idole2, volets d’un triptyque ayant en son centre un autoportrait, clin d’œil à la mélancolie de Dürer (ci-dessous).

Jh ch mek


Le Saint, la Sainte et le Serpent

4 - D’AILLEURS, QUE PENSEZ-VOUS DES NOUVELLES FORMES DE RENCONTRES DE TYPE GRINDR ? COMME DIRAIT UN AMI GAY, C’EST UNE NOUVELLE FORME DE CONSOMMATION RAPIDE « FAST FOOD, FAST SEX ». Avec Grindr, c’est pire qu’avant (rires) ! On voit que les comportements hétérosexuels se calquent petit à petit sur les comportements homosexuels. J’ai remarqué une course à la consommation, au désir inassouvi, à la production de frustrations en continu. C’est pour cela que mes nus ne sont pas idéalisés. J’ai travaillé avec une touche picturale épaisse, un travail de verts et de rouges sous cutanés, qui donne à voir la chair comme de la viande sur l’étal d’un boucher. J’ai d’ailleurs poursuivi la série par une autre nommée « À table ! ». Ce sont de grands portraits encore plus «organiques», des face-à-face monstrueux entre des mangeurs et des mangés. J’ai cherché à représenter l’homme dans son état de nature, l’homme en quête de survie, état que l’on retrouve chez tous nos contemporains. Et pour revenir à l’homosexualité, ma position pourrait paraître moraliste, mais je suis assez étonné que dans le milieu gay, milieu où l’on a la possibilité de réinventer le couple et la sexualité, beaucoup sont embourbés dans des stéréotypes hétérosexuels (actif/passif, vision du couple...), et vont finalement se conformer à ce que l’on attend d’un gay. On peut être fier d’être dans un pays qui a fait avancer nos droits. Mettons de côté ce passé misérable et triste et essayons de nous entendre, ouvrons les bras aux transgenres, bisexuels et transsexuels, arrêtons les petites guerres intestines entre gays et lesbiennes. Soyez heureux d’être ce que vous êtes, ne vous réduisez pas à votre sexualité.

là. La religion est un pouvoir spirituel et nous sommes des êtres spirituels. Je ne supporte pas le fait que la religion salisse la notion de plaisir. Jouir de son corps, c’est notre première liberté. Jouir du son, du toucher, du goût, de la vue et de l’odorat, c’est l’amour, l’ultime jouissance ! Chacun doit retrouver son pouvoir sexuel et créateur, les homos comme les hétéros, tout le monde a le droit de vivre librement sa sexualité. J’ai tenté d’illustrer ce propos en installant la série de dessins en croix. Le tout représente une chorale d’anges en connexion jouissant dans la lumière, tel un chant mystique. Mais il faut se méfier des apparences, ici le sacré rejoint le profane car ce ne sont pas des anges mais des acteurs pornos en pleine séance de travail ! J’aime ce décalage. Un autre exemple : partant du fait que depuis l’école primaire, la société «normée» me désigne comme un «sale pédé», j’ai retourné la situation en salissant l’image de la sexualité hétérosexuelle, d’où la peinture Les Cochons.

6 - L’ÉCOLE RÉGIONALE DES BEAUX-ARTS DE SAINT-ÉTIENNE VOUS A T-ELLE PERMIS DE VOUS EXPRIMER TOUT AUSSI LIBREMENT QU’AUJOURD’HUI ? Mes études m’ont appris beaucoup de choses, mais ce n’est pas un cadre qui permet de s’exprimer pleinement. De 18 à 30 ans, on ne sait pas qui on est, on expérimente. Maintenant, je suis plus confiant dans ma peinture, j’ai un travail personnel qui demande de la réflexion et qui me donne du plaisir. J’aime tout autant faire des commandes, des portraits, des animaux ou des paysages. 7 - COMMENT DÉFINIRIEZ-VOUS LA NOTION DE LIBERTÉ ? La liberté est liée à la connaissance, connaître l’histoire de l’art est essentiel dans mon métier, d’ailleurs mon travail est truffé de références. Rester curieux, ouvert, être attentif à son monde intérieur et au monde extérieur, voilà mes clefs de la liberté. Il faut se méfier de la vision binaire de la réalité. Notre société a tendance à tout séparer : sexe et corps, sentiments et émotions, homos et hétéros, féminin et masculin, croyants et non-croyants, femmes et hommes, sexualité et amour. Le penseur et philosophe indien Jiddu Krishnamurti a écrit dans Amour, Sexe et Chasteté : « la liberté est le cœur, et le but. Ainsi l’Amour, n’est ni dépendance affective, ni désir, ni mariage, mais suppose la responsabilité entre ceux qui s’aiment ». Aimez la liberté et soyez libre d’aimer !

5 - « GOOD AS YOU » ET « LE CANTIQUE DES CANTIQUES » QUESTIONNENT LA SEXUALITÉ ET PLUS PARTICULIÈREMENT L’HOMOSEXUALITÉ FACE À LA RELIGION. VOTRE INTENTION ESTELLE DE DÉCOMPLEXER CES SUJETS AUX REGARDS DE CEUX QUI LES JUGENT ENCORE TABOUS ?

davidmorel.fr

Les Cochons

Ne parler que de ma sexualité était réducteur, j’ai donc ouvert la série sur la religion et l’amour, le but étant de comprendre comment on en est arrivé

Nous remercions Henry-pierre Marsal et la galerie Second Jour pour cette belle découverte.

| vingt-trois


sottises l’art dans le cochon

rédaction Bertille Ceccarelli

photographie Melika Shafahi

IDENTITÉS MASQUÉES MELIKA SHAFAHI

APRÈS APRÈS AVOIR OBTENU UN PREMIER DIPLÔME EN PHOTOGRAPHIE À L’UNIVERSITÉ DE TÉHÉRAN, L’ARTISTE IRANIENNE MELIKA SHAFAHI A ÉLU DOMICILE EN FRANCE EN 2008. DIPLÔMÉE DES BEAUX ARTS DE MONTPELLIER ET DE LYON, ELLE VIT ET TRAVAILLE DÉSORMAIS ENTRE PARIS ET TÉHÉRAN. SES ŒUVRES, OÙ LES MISES EN SCÈNE LIENT FICTION ET RÉALITÉ, AMÈNENT LE SPECTATEUR À SE QUESTIONNER SUR DES PROBLÉMATIQUES TELLES QUE L’IDENTITÉ, L’APPARTENANCE CULTURELLE, LES FRONTIÈRES ENTRE VIE PRIVÉE ET VIE PUBLIQUE. LA JEUNE FEMME A ACCEPTÉ DE NOUS PARLER DE SA SÉRIE « MA FAMILLE IMAGINAIRE », ET PLUS LARGEMENT DE SON TRAVAIL EN TANT QU’ARTISTE IRANIENNE. 1 - COMMENT EST NÉE L’IDÉE DE TA SÉRIE MA FAMILLE IMAGINAIRE? J’ai fait cette série quand je vivais à Lyon, j’ai quitté l’Iran et ma famille, car je souhaitais un changement dans ma vie. Pendant cette période en France, je me suis entourée de photos de ma famille, c’est à ce moment-là que je me suis intéressée aux photos de famille, à ces identités regroupées, c’est-à-dire aux identités qui disparaissent en faveur du groupe. J’ai voulu effacer complètement ces identités en supprimant les visages par l’utilisation du même masque sur chacun des personnages, ainsi l’identité s’efface au profit du caractère, de la posture. Je me suis également inspirée des travaux de William Wegman ainsi que du photographe américain Ralph Eugene Meatyard que j’ai découvert à cette période. 2 - QUE REPRÉSENTE LE COCHON POUR TOI ? J’aime beaucoup cet animal, pour moi il est intelligent et exotique. Symboliquement très connoté, interdit à la consommation ou au contraire très apprécié selon la culture, c’est un animal qui ne laisse pas indifférent. Je trouve aussi très intéressant que la science ait révélé que le porc possédait de nombreuses analogies avec l’homme. Étrangement, je n’ai jamais vu un cochon vivant ! 3 - SUR LES TIRAGES POLAROÏD DE LA MÊME SÉRIE, ON SENT L’INFLUENCE DE LA PHOTOGRAPHIE DE MODE, EST-CE VOLONTAIRE ? Il y a de nombreux points communs entre mes photos et les photos de mode : mise en scène, lumière, personnages, costumes, … Je m’intéresse à la photographie de mode pour ces raisons, c’est une imagerie qui a tendance à devenir omniprésente, donc elle m’influence plus ou moins directement. Et qu’est-ce qui influence les photographes de mode ? Un tour au musée des Beaux-Arts serait une réponse parmi d’autres.

peintre, une histoire d’enfant, un morceau de musique, un vêtement, un obscur. Il m’intéressait d’examiner les réactions face à l’obscurité et l’eslieu, … Toutes ces choses m’inspirent et deviennent la base d’un travail. pace inconnu. Les photos ont été réalisées de nuit, au flash, laissant le sujet photographié libre de ses mouvements. Ce travail met en exergue une part de mon intérêt pour la vie privée de jeunes comme moi, dans une période 5 - TES PHOTOGRAPHIES FONT PREUVE D’UNE IMPORTANTE de transition de leur vie. Par ailleurs, le lieu obscur renvoie à l’inconnu, il se THÉÂTRALITÉ, POURRAIS-TU NOUS L’EXPLIQUER ? situe hors du temps et de l’espace, la seule caractéristique commune entre Pour moi, la photographie est un moyen de créer de nouveaux espaces, les personnages est le rouge à lèvres. j’utilise ce médium non pas pour documenter le monde mais pour en créer de nouveaux. Je construis des univers imaginaires, des espaces oniriques dans lesquels se lient fiction et réalité. Je mets en scène mes photographies 9 - POURRAIS-TU NOUS PARLER DES CONTRASTES DOMINANT à partir de contes connus ou d’histoires que je prends soin d’imaginer. Dans certains travaux de la série, j’endosse moi-même différents « costumes ». D’UN POINT DE VUE ARTISTIQUE ENTRE LA FRANCE ET L’IRAN ? On ne peut pas montrer ce que l’on veut : des corps nus, des femmes non 6 - POURRAIS-TU NOUS PARLER DE TA SÉRIE SNOW WHITE QUE TU voilées, ou bien une critique explicite du gouvernement sont impensables. Il s’agit d’une République islamique, il y a donc une interaction entre poliAS RÉALISÉ EN 2011 ? tique et religion comme le port du hijab dans les lieux publics pour les J’ai réalisé cette série à Téhéran. Je suis partie du conte de Blanche Neige femmes. Par conséquent, montrer des femmes via un médium artistique que j’ai transposé dans la vie quotidienne de mon pays en laissant aller comporte plusieurs contraintes. mon imaginaire. Il s’agissait de détourner un conte occidental en l’adaptant Tout ce qui est interdit par la loi, comme montrer une photo de femme sans à un nouveau contexte. hijab, est sujet à la censure. Lorsque j’expose mon travail en Iran, cela a lieu Je montre la partie de la culture occidentale présente dans le quotidien des dans des expositions « underground ». jeunes iraniens. Je souhaitais exposer une des parties cachées de la vie en Mais cette censure est intéressante, car elle pousse les artistes à trouver de Iran : l’intimité des gens de ma génération. Cette génération qui, née après nouvelles formes, à être plus subtils à travers une critique indirecte. la révolution de 1979, est loin du fondamentalisme religieux. C’est ici qu’on retrouve les contradictions entre vie publique et vie privée qui fondent ma problématique. 7 - QUELS SONT LES AUTRES TRAVAUX DONT TU POURRAIS NOUS PARLER?

Dans le même esprit que Snow White, j’ai réalisé la série Emperor’s new clothes (Les Habits neufs de l’empereur) en 2011, inspirée du conte du même nom, transposé dans le contexte post élection présidentielle de 2009 en Iran. Entre 2011 et 2012, j’ai également créé l’œuvre Red lipsteak Island. Il s’agit d’une série de photographies réunie sous la forme d’un panorama 4 - ET TOI, QUELLES SONT TES INFLUENCES ? monumental qui donne à voir des figurants avec un objet intime de leur Chaque projet possède une influence particulière. Je regarde les gens dans choix (une photo, un croissant, une veste, un foulard, etc.…) dans un lieu les transports, dans la rue, j’imagine leur vie et leur histoire. Un tableau, un

| vingt-quatre


sottises l’art dans le cochon

rédaction Laurie Franck

coiffure / maquillage Nadège Nouet / Mathilde Bail

stylisme Mathilde Perrin

photographie Laurie Franck

KCIDY, DESIGNER SONORE EP : PURSUIT - facebook.com/1.kcidy

INSPIRATION DU MOMENT ?

SI TU DEVAIS FAIRE UNE BANDE SON En ce moment je compose beaucoup donc je n’écoute pas grand-chose CE SERAIT POUR QUI / QUOI ? d’autre que ma propre musique pour ne pas être trop influencée juste- Un film sur l’histoire d’une fille qui se cherche. ment ! Mais je m’aperçois que je suis quand même influencée par Rémi, le compositeur de Satellite Jockey (mon autre groupe !). PROCHAINE DATE DE CONCERT ? PROJET EN COURS / À VENIR ?

Le 12 juillet au festival Un Été Côté Saône

Mon gros projet du moment est un clip pour la chanson STORMY DAY que STORMY DAY ? l’on prépare avec Antonin Hako (THTF) et le studio BEAUREPAIRE. C’est un voyage dans mes rêves. UNE PHRASE FAVORITE ? Je ne sais pas mais il paraît que je radote ! UNE CHANSON QUI ÉVOQUE POUR TOI UN SOUVENIR FORT ?

STOP TURNING AROUND ? Pendant des années j’ai vécu sans croire en grand chose et un jour tout a changé...

Calling You de JEVETTA STEELE, dans la B.O de Bagdad Café, mon père la jouait au piano quand j’étais petite, et je suis toujours très émue quand je WITHOUT ... Justement tout a changé... l’entends, mais je ne sais pas trop pourquoi. DERNIER RÊVE ? Je devais partir à la recherche d’une antique cité perdue dans les montagnes. À un moment je volais au dessus des vallées de rubis et de cascades scintillantes, c’était trop cool ! À la fin, je trouvais la cité perdue et elle était trop kitsch ! Genre marbre rose et colonnes grecques, en même temps elle était aussi ultra-moderne, une sorte de Venise 4.0 (c’est pas mon dernier rêve mais il était trop cool alors je te le raconte).

PURSUIT OF MEMORIES ? C’est l’histoire de gens seuls qui essaient de retrouver leurs souvenirs. DON’T WANNA GROW UP ? C’est une chanson un peu « cheesy » pour me rappeler qu’il faut rester naïve (même si je n’en ai pas toujours besoin !).

| vingt-cinq


sottises l’art dans le cochon

rédaction Sarah Fouassier

photographie Sarah Fouassier

PLAYLISTS COCHONNES soundcloud.com/sottises-magazine

NYCO

WILD ASPECT

Derrière sa réserve se cache une créativité excentrique. L’assemblage des genres ne l’épouvante guère, au contraire, il en fait son empreinte. Ses choix sont emprunts de sensualité, ils révèlent sa volonté de susciter une émotion auprès de son auditoire, sans prévisions ni calculs. L’écoute de sa propre effervescence fait éclore son talent.

Depuis près de 20 ans, Wild Aspect s’attache à faire danser les lyonnais avec ses 3 platines. Sa playlist est une véritable métaphore de l’acte sexuel, un poème langoureux et spirituel. Nos cinq sens s’éveillent, les peaux se collent, les odeurs et les fluides s’harmonisent pour laisser une empreinte légère. Le lyrisme de Wild Aspect nous suspend dans l’espace temps. OUTKAST - STANKONIA (STANKLOVE) SANGO - THE DIFFERENCES (DIFERENÇAS) (COVER) LUVRAW & BTB - THE LADY ON MY MIND WARREN G. & NATE DOGG - REGULATE SHED - HELLO BLEEP QUANTIC FEAT LUIS TOWERS - NACIDO EN PALENQUE BARRY WHITE - SHARE SCOTT GROOVES - BITTER SWEET JOAQUIM “JOE” CLAUSSELL - MYSTICAL WONDERLAND (PAD MIX) FOLERIO - HEARTBREAKER APHEX TWIN - ACRID AVID JAM SHRED MOODYMANN - FREEKI MUTHA F CKER SMOKE CITY - UNDERWATER LOVE ROY AYERS - SEARCHING

KUNA MAZE Sa selecta est à son image, délicate. La soul révèle une sensualité pudique tandis que l’electro exhale l’onirisme. Le charme devient aboslu à l’écoute de la morna de Mayra Andrade. On reconnaît cette délicatesse sur son premier EP Maze#1. La variété des rythmes et des samples forment un magma de sonorités qui nous transporte dans un mirage. D’ANGELO- BROWN SUGAR ERYKAH BADU-I WANT YOU NATE DOGG - I GOT LOVE AL GREEN - LOVE AND HAPINESS MARVIN GAYE - LET’S GET IT ON TEEBS - JAHARA DONALD BYRD -THINK TWICE MAYRA ANDRADE - LAPIDU NA BO FUNKINEVEN - DREAMS JILL SCOTT - A LONG WALK ROY AYERS - EVERYBODY LOVE THE SUNSHINE CURTIS MAYFIELD - DIAMOND IN THE BACK

DJ MEMPHIS FLASH Jean est un explorateur de musique rétro oscillant entre blues et rock, soul et jazz. Faire découvrir des genres inconnus par la création d’ambiances anticonformistes est son leitmotiv. Selon lui, cette playlist est une manière de s’exciter, « faire l’amour ne nécessite pas de musique ». Rockab’ machiste, rhythm ‘n’ blues bestial, piano exotique libéreront votre instinct. La chasse est ouverte. JOHN LEE HOOKER - SHAKE IT BABY MUDDY WATERS - YOU NEED LOVE SLIM HARPO - SHAKE YOUR HIPS WYNONIE HARRIS - LOVIN’ MACHINE BILLY WARD & HIS DOMINOES - SIXTY MINUTE MAN SCREAMIN’ JAY HAWKINS - I PUT A SPELL ON YOU FEVER - LITTLE WILLIE JOHN MARTIN DENNY - MISS DEAN MARTIN - ON THE STREET WHERE YOU LIVE LINDA SCOTT - BERMUDA IKE TURNER - SHE MADE MY BLOOD RUN COLD BIRDIE GREEN - TREMBLIN’ CHUCK RIO & THE ORIGINALS - MARGARITA BERNA DEAN - I WALK IN MY SLEEP

| vingt-six

EYVIND KOUNG - GO IN A GOOD WAY TO A BETTER PLACE KATIA LABÈQUE - THE TIME CURVE PRELUDES XVII THE ALVARET ENSEMBLE - EAC WILLIAM BASINSKI - NOCTURNES XHIN - AS IT UNFOLDS BIOSPHERE - BIRDS FLY BY FLAPPING THEIR WINGS NIK BÄRTSCH’S RONIN - MODUL 39-8 IMPS - HEAVEN AND BAGPIPES AMON TOBIN - THE NASTY KOKO TAYLOR - UP IN FLAMES KATIA LABÈQUE, DAVID CHALMIN, RAPHAËL SÉGUIMER, NICOLAS TESCARI - IN DARK TREES MINDMAPPER & FRE4NC - FANGTOOTH WITXES - UNLOCATION RYUICHI SAKAMOTO, ALOA NOTO - INSENSATEZ


THOMAS BARANDON

BUBZZ

Marié à sa barbe autant qu’il l’est à la musique, Thomas n’a pas peur du kitsch et le prouve par cette playlist. L’omniprésence du synthé donne envie de rouler des pelles adolescentes à l’ombre d’un palmier. Thomas n’est pas un dj « cheesy » mais un compositeur inspiré. Son dernier EP The New Born Between Mountain & Sea est un voyage ventral à écouter allongés les yeux fermés et bouches ouvertes.

Bubzz fait monter l’intensité d’un cran avec une playlist qui, j’ose l’écrire, transpire le sexe. Sur fond de hip-hop et de R’n’B, les voies suaves semblent imiter l’orgasme et les beat nous mettent à plat ventre. Ce mixe est une révérence à la nouvelle scène R’n’B avec un clin d’oeil au jeune artiste lyonnais Phazz qui fait plus parler de lui outre-Atlantique que chez nous. Please, make love... SEBASTIEN TELLIER - SEXUAL SPORTSWEAR DAFT PUNK - SOMETHING ABOUT US LOVELOCK - MAYBE TONIGHT BREAKBOT - KISS TO KISS MATT VAN SCHIE - JOURNEY COLLEGE - CAN YOU KISS ME FIRST GOLDROOM - FIFTEEN JOYPOPP - DESIRE JAN HAMMER - POEM PACIFIC! - HALFHEART PHIL COLLINS - SUSSUDIO JOHN WAITE - MISSING YOU AIR - PLAYGROUND LOVE SPANDAU - TRUE

AMBRE DE TAÏNI & STRONGS Les guitares vibrent, les voies s’allongent, Ambre nous convie à libérer nos passions tendres et impulsives. Ses disques de chevet symbolisent un souffle rock profond et authentique. Chacun de ses choix raconte l’histoire de son parcours dans lequel les mots féminité, affirmation et talent raisonnent. Créé en 2010 à l’initiative d’Ambre, Taïni & StroNgs est l’un des emblèmes de la scène rock indépendant lyonnais. URGE OVERKILL - GIRL YOU’LL BE A WOMAN SOON THE BLACK KEYS - EVERLASTING LIGHT CAT POWER - RAMBLIN’ WOMAN MICHAEL JACKSON - LIBERIAN GIRL SERGE GAINSBOURG & BRIGITTE BARDOT - BONNIE & CLYDE RHYE - 3 DAYS THE SHOES - WASTIN’ TIME EROTIC MARKET - I WANT TO BE SOME BOOTY SANTOGOLD - ANNE ANNA CALVI - SUZANNE AND I THE KILLS - BLACK BALLOON GOLDFRAPP - OOH LA LA DAVID BOWIE - FAME THE COASTERS - DOWN IN MEXICO

ILYBAK - JULIAN CASABLANCAS Nous voilà entrés dans l’intimité de ce jeune rappeur lyonnais. Ici pas de titres hip-hop mais des refrains qu’il écoute sous la couette. Dans son premier EP Ultime Chance de l’Existence, Ilybak nous raconte ses dix années d’écriture, sa place dans le rap nous révélant ainsi quelque chose sur nousmême. Au crépuscule de ses débuts, j’affirme qu’un siège lui est réservé auprès des grands du hip-hop lyonnais. DISCLOSURE - YOU AND ME (REMIX FLUME) KING KRULE - EAZY EAZY PHARELL WILLIAMS - LOST QUEEN RADIOHEAD - IDIOTÈQUE THE MACCABEES - TOOTHPASTE KISSES CHILDISH GAMBINO - I. CRAWL DAFT PUNK FT JULIAN CASABLANCAS - INSTANT CRUSH LOCAL NATIVES - WIDE EYES GNARLS BARKLEY - JUST A TOUGHT SANTOGOLD - SAY AHA (REMIX TEPR) THE XX - YOU’VE GOT THE LOVE (FLORENCE & THE MACHINE REMIX) PHOENIX - NORTH

| vingt-sept

OBEY CITY - REFLECT EFFECT IAN ISIAH - PRIVATE PARTY (PROD. BY SINJIN HAWKE) TINK - PHYSICAL (PROD. BY BANG MUSIK) DRAKE - GIRLS LOVE BEYONCE (FEAT. JAMES FAUNTELROY) THE WEEKND - DRUNK IN LOVE KELELA - GO ALL NIGHT (PROD P. MORRIS) PHAZZ - I FEEL U SWEATER BEATS - LOVE ME (FEAT. SUNNI COLON) PENTHOUSE PENTHOUSE & ELOS X DJ TRICKS X INOJ - LOVE YOU DOWN (BUBZZ BLEND) SEIHO - DOUBLE BED ATU - FOR US CASHMERE CAT - KISS KISS (CANBLASTER REMIX) CIARA - BODY PARTY (SLIINK X NADUS JERSEY REMIX) TREY SONGZ - PLEASURE (BASEDPRINCE RMX)


sottises l’art dans le cochon

photographie Steven Mazzola

modèle Hortense Mainenti-Merie

| vingt-huit


numéro zéro été 2014

thème cochons, cochonnes

photographie Sarah Fouassier / Laurie Franck / Blaise Chatelain

| vingt-neuf


dessine-moi un cochon...

5

4

7

6

10

9

8

11 12 13

3 1

2

20 21

14 19

15 18

94 93

22 23 24 25

16 17 92 91

26 27

90

28 29

89 88 87

66 65

86

64

63

67

85

62

61

60

59

58 57

68

42 41

43

69 70

84

55

72

81

73

80 79

44

56

71

83 82

45 74

78 77 76

54

75 53

| trente

52

46

51 50

49

47 48

40

37 39

38

30 31 32 33 34 35 36


Illustration Danaé Revoy pour Huy Nhu

cuisine vintage

Ouvert du lundi au samedi 12h00 > 15h00 / 18h30 > 1h00 Service jusqu’à 14h30 et 23h00

14 rue de la Thibaudière 69007 Lyon T. 04 78 58 33 30 / SMS 06 99 23 72 30 M. contact@indocafe.fr


LUMIÈRE ITUT-Film, INSTPremier Lyon, France Rue du

·Yasujiro· pon

Voyage au Ja

juin 2014 Du 21 mai au 24, LYON, FRANCE

©DR

INSTITUT LUMIÈRE

tino, Quentin Taran

e m i a ’ t e J ilme

2013 Prix Lumière

• 04 78 76 l-lumiere.org www.festiva

77 78

TOUS LES JOURS

f e t Je

e

r lumiè EN APRÈS-MIDI itut ai 2014 t s n i ' m ET SOIRÉEo s p e c t i v e 9à alv r i l a u 2 0

CINÉMA lumiere.org www.institut-

r

rét lyon d (sauf lundi) à iere.org

www.institut-lum

LUMIÈRE RÉTROSPECTIVES SOIRÉES SPÉCIALES INVITÉS ÉVÈNEMENTS JEUNE PUBLIC INSTITUTLUMIÈRE

Rue du Premier-Film, Lyon, France

www.institut-lumiere.org À 10 minutes de Bellecour Metro D Monplaisir-Lumière

u


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.