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Visite privée : Villa Arnaga – Musée Edmond Rostand
LA VILLA ARNAGA LE PARADIS
D’EDMOND ROSTAND
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Construite de 1903 à 1906 à Camboles-Bains, au Pays basque, la villa que le poète et dramaturge a conçue pour lui et sa famille a la fl amboyance d’une de ses pièces de théâtre. Un lieu envoûtant, entouré d’extraordinaires jardins, devenu aujourd’hui un musée.
REPORTAGE SERGE GLEIZES. PHOTOS SOPHIE LLOYD.
La façade orientale de la villa Arnaga, de style néobasque, affi che les codes de l’architecture labourdine, couleur rouge, colombages et toit asymétrique.
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La chambre de Rosemonde Gérard offre une vue d’ensemble sur le jardin à la française, rénové en 2016. Au fond, la pergola. 1. Une des alcôves du grand hall avec son ouverture d’inspiration navarraise décorée de vitraux gravés des signes du zodiaque. Le mobilier fait partie de la reconstitution muséale. 2. Depuis la bibliothèque, vue sur le grand hall et la salle à manger, en enfi lade. 3. L’escalier monumental du vestibule conduit aux chambres du premier étage. En médaillon, une peinture de Clémentine-Hélène Dufau, Femme au fl amant rose.
C’est grâce au succès de Cyrano de Bergerac qu’Edmond Rostand fait bâtir sa folie néobasque de 1903 à 1906. Ensuite, sa pièce Chantecler lui permet de l’améliorer, après 1910. À cette époque, l’écriture est lucrative… Le dramaturge dépense donc une grande partie de sa fortune dans la construction de son paradis, même si son épouse, Rosemonde Gérard, de très bonne naissance, y contribue. Poétesse et comédienne française, elle sacrifi e sa carrière pour son mari. Rostand succombe le premier au charme du Pays basque après avoir soigné une pleurésie aux thermes de Cambo-les-Bains, et baptise la villa du nom de la rivière Arraga, qui passe un peu plus haut dans le pays – mot qu’il déforme en Arnaga, une « rostandienne » dit-on. En tout, 1 500 m2 , 40 pièces dont 19 visitables. Autour, un parc de 12 hectares qui en faisait 16 à l’époque. Et s’il confi e les travaux à l’architecte Joseph Albert Tournaire, grand prix de Rome, il se mêle de tout. Il voit grand, fait des tas de croquis et conçoit intérieur, extérieur, écuries et orangerie. Il peint lui-même certains meubles en rouge dans l’esprit des chinoiseries. Arnaga est son œuvre. Mais surtout, il inscrit la villa dans le XXe siècle, fait installer l’électricité jusque dans les écuries, l’eau chaude et l’eau froide, et crée même une salle d’hydrothérapie. Ce qui frappe d’emblée, c’est le décalage entre la façade néobasque, la beauté des jardins à l’anglaise et à la française, la forêt, et l’intérieur de la bâtisse qui n’est que folie en tout genre, mêlant inspiration byzantine, victorienne et faste du XVIIIe siècle. Dans cette demeure, Rosemonde est partout, portraiturée par Henry Caro-Delvaille et Clémentine-Hélène Dufau. « Quand je suis ici, je devine surtout la présence d’une famille, confi rme Béatrice Labat, conservatrice de la ...
Nichée dans son écrin luxuriant, Arnaga est une villégiature de rêve pour se mettre au vert, fuir Paris et ses mondanités…
villa Arnaga depuis 2010. J’ai un petit faible pour Rosemonde, je suis sûre qu’elle n’était pas aussi hautaine que ses portraits le laissent penser. »
Théâtre et chinoiseries
La villa Arnaga est une vitrine de tout ce qui se fait de plus beau à l’époque. Certes, ici, tout est fastueux, démesuré et théâtral, mais c’est surtout joyeux, habité et passionnant. Chaque pièce est une page de roman. Gaston La Touche, maître du post impressionnisme, peint sur les murs du grand hall La Fête chez Thérèse, une grande frise illustrant le poème éponyme des Contemplations de Victor Hugo. Dans ce salon spectaculaire, les décors évoquent également les œuvres du maître des lieux, Le Gant rouge, La Samaritaine, Chantecler… Des peintures d’Eugène Pascau avoisinent un autoportrait de ClémentineHélène Dufau, artiste et amie de la famille qui eut la mauvaise idée de tomber amoureuse de Maurice, le fi ls aîné. Elle fera de lui un portrait troublant… La salle à manger est traitée dans le classicisme du XVIIIe siècle avec des peintures murales imitant le marbre. La chambre de Rosemonde, dont la vue, à l’est, embrasse les jardins à la française, est de style Louis XVI. Les murs de son dressing sont peints de motifs inspirés des chinoiseries du XVIIIe siècle, qui refl étaient le goût pour un Orient idéalisé. Rosemonde y range ses toilettes provenant des plus grandes maisons de couture de l’époque, Worth, Doucet, Fortuny, Callot Sœurs, et les chapeaux de Caroline Reboux. ...
1. L’offi ce est doté d’un évier en étain alimenté en eau chaude et froide. Au mur, la frise en carreaux peints représentant des poules évoque la pièce Chantecler. 2. La bibliothèque est une ode à Cyrano de Bergerac. C’est sur ce bureau que Rostand a écrit la pièce, à Paris. En médaillon, le vitrail L’Arbre de vie de Louis Trézel. 3. Le grand hall est décoré de peintures de Gaston La Touche illustrant La Fête chez Thérèse de Victor Hugo. Le piano est un cadeau du compositeur Jules Massenet, témoin de mariage de Rosemonde et d’Edmond. Dans le boudoir de Rosemonde, les murs recouverts à mi-hauteur de carrelage sont coiffés par une frise en marqueterie de palissandre, hêtre et érable. Celle-ci soutient le décor mural peint par Jean Veber racontant huit contes de fées, La Belle au bois dormant, Peau d’âne, Cendrillon… Sur la cheminée est posée l’horloge de quatorze heures créée par Henri Vian, et symbolisant l’expression « chercher midi à quatorze heures ».
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La salle à manger est richement ornée d’un décor de faux marbre. Au-dessus des portes, les cartouches peints par Gaston La Touche représentent les quatre éléments. Un portrait de Rosemonde exécuté par Henry Caro-Delvaille surmonte le calorifère électrique qui remplace la cheminée. À droite, la guirlande de feuilles de laurier a été offerte par une comédienne, Cécile Sorel. Sur la table, le raffi nement se poursuit avec un service Christofl e.
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La chambre de Rosemonde, d’inspiration Louis XVI, est recouverte de boiseries. Sur le chevet est posée une lampe en porcelaine de Chine. Sur le mur, le portrait en médaillon de l’arrière-grand-mère de Rosemonde, Madame de Genlis, a été peint par Eugène Pascau. À gauche, une chauffeuse du XIXe siècle.
Des restaurations fi dèles à l’âme du lieu
Séparé de son épouse en 1913, Edmond Rostand passe une partie de la fi n de sa vie à Arnaga avec la comédienne Mary Marquet, mais s’éteint à Paris en 1918. L’effervescence culturelle de la capitale lui manquant, Rosemonde retourne y vivre avec son fi ls Maurice et écrit avec lui des pièces de théâtre. En 1922, le mobilier, les laques chinoises et les peintures sont mis en vente. L’année suivante, l’homme d’affaires brésilien Francisco José de Souza Costa et son épouse font l ’acquisition du domaine, qui passe ensuite en 1945 dans les mains d’un couple d’industriels, François et Inès Thérèse Flaisman. En 1961, date à laquelle la commune rachète la villa, de somptueuses fêtes de son et lumière sont organisées dans les jardins. En 1995, le site est classé au titre des monuments historiques, en 2016, le classement comprend les écuries. « De 2002 à 2006, les façades retrouvent leur couleur d’origine, rouge basque, explique Béatrice Labat. De 2013 à 2016, le jardin, labellisé jardin remarquable en 2004, est restauré, ainsi que le coin des poètes et la grande pergola. À l’intérieur, on s’est ensuite attelé à la salle à manger, au petit studio des enfants, on a racheté de nombreuses pièces de mobilier et certains décors. La prochaine étape sera celle de la rénovation des peintures extérieures, de l’orangerie et des écuries. » L’âme du poète planera longtemps à Arnaga… ■
1 et 3. La garde-robe de Rosemonde, dont les placards sont dissimulés dans l’arrondi des parois, est décorée de motifs peints sur toile dans le style des chinoiseries du XVIIIe siècle. À l’arrière-plan, dans sa chambre, un portrait d’elle exécuté par le peintre Henry Caro-Delvaille. 2. La salle d’hydrothérapie, très moderne, permettait à Edmond Rostand de soigner ses poumons fragiles à domicile. Les murs sont entièrement carrelés et le sol recouvert de caillebotis en teck permettant d’évacuer l’eau des douches au jet.
Villa Arnaga, musée Edmond-Rostand
Route du Docteur-Camino, 64250 Cambo-les-Bains. Tél. : 05 59 29 83 92. arnaga.com Visites guidées ou libres, du 1er avril à début novembre, réservations recommandées ; avril, mai, juin, septembre, octobre, de 9 h 30 à 12 h 30 et de 14 h à 18 h ; juillet et août, de 10 h à 19 h. À voir, durant l’été 2022, l’exposition « Arnaga, œuvre ciselée par deux maîtres ».