Magazine de photographies en ligne
Soyons dĂŠsinvoltes *
090422
ISSUE
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*Faisons comme si tout ĂŠtait normal
S OM M A IR E View from the ground / Sarah Preston Fleurs / Aude Boissaye Où est l’argent ? / Sébastien Randé Horizon de Beauce / Eric Young The Day After / Patrick Sagnes
© ouverture : Aude Boissaye
UrbanitĂŠ
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View From The Ground Sarah Preston
Bristol, May 2008
B
ri sto l , v i l l e i nd u stri e lle d e la c ô t e Ou e s t d e l’ A n gle t erre co nnu e po u r so n c o mm e rc e t r ian gu laire ain s i q u e p o ur l ’i mport a ti o n d e ta b a c e t d ’ alc o o l, p r é s e n t e le s m arq u e s d ’ u n e grande vi l l e d é c hu e .
T
elle s d e s v e r r u e s , q u e l q u e s b â t i m e n t s f o n t t a c h e . A i n s i le «C a r r i a g e ’ s Wo r k » . L a i s s é à l ’ a b a n d o n , i l e n t r a î n e d ans sa chut e to u t u n q u a rti e r. Le b r is t o lie n ais é p r é f è re é v it e r c es l i eux dél a bré s, m a l f a m é s . Le s c o mm e rc e s f e r m e n t , u n e au t re popul at i o n s’ i nsta l l e . P a s f o rc é me n t c e lle q u e la v ille aim e rait voi r.
A fleurs d’eau Aude Boissaye
«
Fleur comme un souvenir qui se noie, un ornement qui se prélasse. Un sentiment, une émotion à fleur de peau... qui déjà se froisse.
»
Où est l’argent ? Sébastien Randé
Il aurait disparu. Comme ça, d’un coup. Depuis, tout le monde cherche à en trouver. Comme pour les champignons il y aurait des bons coins, et d’autres qui le sont moins. Mais il faut se lever tôt, à ce qu’on dit...
Horizon de Beauce Eric Young
avec un bout de bois trouvé par terre ou quand je décrétais qu’un simple bac à sable était une planète Mars s’ouvrant à toutes les possibilités.
L
es plus jeunes apprendront et les plus âgés se souviendront que, pendant les années 70, un Italien avait inventé La Linea. C’était un dessin animé qui mettait en action une ligne horizontale en bas d’un écran bleu. D’où le titre italien, la Linea. Parfois, la ligne se déformait en dessinant la silhouette d’un homme. Les techniques d’animation faisaient croire qu’il marchait sur cette ligne. Il lui arrivait des tas d’aventures, généralement purement graphiques : la ligne s’interrompait en formant une trappe où l’homme se précipitait ; ou, au contraire, elle s’érigeait en une montagne infranchissable. Ces histoires minimalistes me fascinaient. La ligne était personnage, action, décor, horizon… Elle n’était quasi rien mais elle était tout dans cet espace. J’y retrouvais la même attitude que moi, enfant, quand je m’inventais la guerre
Plus âgé, j’ai déménagé dans une sorte de grand bac à sable au Sud du Bassin parisien : le plateau de la Beauce. Il s’agit d’une vaste plaine calcaire essentiellement recouverte de céréales. Ce paysage est rebelle au paysagiste. Il n’est pas majestueux ; il est assez peu aisément lisible ; il ne remplit pas harmonieusement l’espace du viseur de la chambre photographique. Les peintres naturalistes du XIXe siècle contournaient cet obstacle en étalant des ciels somptueux à la lumière du soleil couchant. Ils avaient raison, d’ailleurs, car les ciels sont magnifiques mais, un siècle plus tard, on ne peut plus se contenter d’une redite. La difficulté est que le Beauceron n’offre pas spontanément son paysage. Lors de mes prises de vue, une agricultrice me recommanda de ne pas photographier son champ. Non par timidité ou méfiance mais parce qu’elle n’en voyait pas l’intérêt. Au cours de longues palabres, j’ai dû lui montrer les infimes déclinaisons du terrain ou la couleur changeante des chaumes d’orge. Moi,
né sur un autre continent, je lui décrivais le champ de ses ancêtres. Proust a décrit l’église d’Illiers qui se dérobe au regard par intermittence selon le parcours du train et l’alternance des champs et des bosquets. Mais, de cet amour, les Beaucerons se méfient. Ils soupçonnent la moquerie. Pourtant, c’est bien ce paysagelà qui contient un potentiel grandiose d’histoires à se raconter. Un horizon droit puis, d’un coup, un bosquet (les amants s’y sont-ils embrassés la première fois ?), un tas d’amendement (à quoi pensera l’agriculteur quand il l’épandra, seul dans son champ ?), un château d’eau (classé au patrimoine historique)… Vers Chartres, on rencontre une église posée seule dans la plaine. A son pied, les routes se croisent en dessinant un maillage complexe : des ruse, certes, mais sans maison pour les border. En effet, le village a été détruit par des bombardements. N’est restée que l’église, désormais isolée, pour témoigner du passé des familles qui ont vécu là. C’est ce potentiel narratif que génère une simple ligne droite accidentée que j’ai cherché en photographiant l’horizon beauceron.
The Day After Patrick Sagnes
Jour de colère que ce jour-là, où le monde sera réduit en cendres, selon les oracles de David et de la Sibylle. Quelle terreur nous envahira, lorsque le Juge apparaîtra pour délivrer son impitoyable sentence ! La trompette répandant la stupeur parmi les les tombeaux, nous jettera au pied du trône La mort et la nature seront dans l’effroi, lorsque la créature ressuscitera pour rendre compte face au Juge. Le livre alors sera produit, où tous nos actes seront inscrits ; tout d’après lui sera jugé. Quand donc le Juge tiendra séance, tout ce qui est caché sera connu, et rien ne demeurera impuni. Malheureux que je suis, que dirai-je alors ? Quel protecteur vais-je implorer, quand le juste lui-même sera déjà dans l’ inquiétude ?
Dies irae - Requiem (poème apocalyptique du XIIe siècle)
Dans le prochain numéro, Soyons désinvoltes, juste pour une nuit.
Issue #0 avec la participation de : Aude Boissaye - studiocuiccui@gmail.com Sarah Preston - smadge@gmail.com Eric Young - airikyoung@gmail.com Sébastien Randé - seb.rande@gmail.com Patrick Sagnes - patricksagnes@free.fr
contact@soyonsdesinvoltes.fr