Soyons désinvoltes issue #1 - Juste pour une nuit

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Soyons dĂŠsinvoltes * Magazine de photographies en ligne

090909

ISSUE

#1

*Faisons comme si tout ĂŠtait normal


S OM M A IR E Nuit ardente / Aude Boissaye Para Llamar al confessor / Patrick Sagnes Fugue / Sébastien Randé Nuit / Sarah Preston Un rappel du fourbi / Eric Young

© ouverture : Eric Young


Juste pour une nuit

#1


Nuit ardente Aude Boissaye

Safari Urbain. On imagine déja les manchettes des journaux le lendemain: “Guerilla urbaine. ça flambe dans la banlieue de Sarcelle.” ; “ça crame à la Courneuve” ; “La capitale sous les flammes”. Mais les images mentent. La nuit aime les rituels, les chariots en feu et le bruit des braises.









Para Llamar al confessor Patrick Sagnes

Barcelona, Noviembre 2009

Juste pour une nuit, j’ai rendez-vous à Tibidabo. Un aller simple vers mon enfance. Deux moments distincts mais tellement complices. Tibidabo d’abord, colline de Barcelone, milieu du XXème siècle, fini le chantier de l’église à l’architecture moderne. Un nom, plutôt une coïncidence ? Tibi dabo, dans cette phrase biblique, Matthieu (4/9) et par ces mots : “le diable tenta de séduire Jésus sur la montagne élevée, où il l’avait conduit”. Ensuite arrive la fête foraine, rendez vous improbable et incontournable de toute une ville. En somme l’alchimie antique : du pain et des jeux ! Ainsi soit-il, Amen. Prise entre croyance et pratiquants, l’éducation religieuse, fait des ravages. Quand les bonnes intentions sont passée s exit les bons sentiments ! Curieux comme concept : la souffrance au service du bien-être ? Un soir à table, noyé dans ces faux semblants et résolument dans les motifs du papier peint, j’attendais en silence. Assis, accoudé, rêveur. Déraciné parmi les déracinés : Le voyage commençait. Où est passé l’enfant ? - Il est dans la lune - lui répondit-t-on du coin de la salle à manger. Ah ! Les motifs du papier peint c’est fou ce qu’on peut imaginer... J’ai collé ces images une à une sur mon agenda, en prévision, parmi ces tableaux si muets et ces horloges si sonores. Juste pour une nuit, j’ai rendezvous avec le temps qui fuit comme un cadran sans soleil. Soudain, je sursaute, dans la queue des pêcheurs, un voix me dit : «Monsieur s’il vous plait ! Appuyez sur le bouton pour appeler le confesseur». Alors c’est ce que j’ai fait, j’ai déclenché...











Fugue

Sébastien Randé

S’évader. S’abstraire du monde, des fous furieux qui peuplent le jour. Retrouver le bruissement serein du temps dans les branches. Juste une nuit. Mais, tôt ou tard, on finit toujours par se faire rattraper dans les phares...













Nuit

Sarah Preston Toit de toile, arbres jaune, Le rouge qui tranche, les étoiles figées Un mur, c’était lors d’un mariage, la lumière teinte la nuit. Derrière ce mur on danse. Pourquoi ne suis-je pas de l’autre cote? J’ai pas trop envie de danser alors je photographie… Un éclair déchire le ciel, le fend, parfaitement alignée avec la rambarde du toit de l’immeuble. Où sommes nous ? Arbres dans un jardin allemand, un jardin allemand mais dans la région de la Volta. Une nuit noire et verte riche de bruits qui ne se voient pas. Des gouttes de pluie claquent sur un parapluie rouge et or. Paysage coupé en deux par le bleu des cieux. Un interstice, à travers lequel on aperçoit un horizon mystérieux. Le sable vert... Sur une plage il y avait Lynne et Micke. Un orage a frappé. C’était comme si quelqu’un éteignait et rallumait la lumière au dessus de l’océan et de son bruit de tonnerre répondait au roulement des vagues. La nuit vit. Cette vie je l’ai capturé par de longues expositions, mes yeux alors ne le voyait pas, mais doucement ce noir a fait place aux chaises en plastique, à la fenêtre grillagée, à l’ambiance de ce “spot” situé quelque part dans le sud du Ghana. Une corde à linge en aval du bar bercé par le vent. Une maison en construction, un chemin et au bout de ce chemin la plage, celle-là même où les orages dansaient. 
 Et puis le calme du bleu, les petites lueurs au loin qui scintillent, les couleurs de la nuit et de la plage qui s’entremêlent... La nuit où qu’elle soit, couvre tout de son voile noir, efface le paysage comme on effacerait une histoire d’un tableau noir d’écolier. Impersonnelle? Indifférence du lieu juste une nuit ? N’importe quelle nuit? Je préfère la fascination à la peur.











Un rappel du fourbi Eric Young

Il est désolant pour Michaël Jackson qu’il soit mort avant de voir le monde occidental l u i r e s s e m b l e r. À l a f i n d e s a vie, les images de lui n’étaient que celles d’un bout de visage, plus imaginé que réellement observé, caché derrière un masque, des lunettes noires et une broussaille de cheveux. Il é t a i t p r é c u r s e u r.

A l’occasion de la grippe A/ H1N1, on s’organise un monde ainsi : les visages mangés par un masque, les corps engoncés derrière toutes les protections possibles, avec l’obsession de se laver les mains dès qu’elles seront sèches du précédent lavage. Nonobstant la réalité de l’épidémie, cette réaction surprend par ce qu’elle dévoile de notre société : la défiance maximale, la crainte érigée en attitude responsable, le masque, plutôt que les bisous, pour toute relation. A quoi ressemblerait une v i l l e c a l f e u t r é e ? Q u e v e r r a i e n t les habitants dans le noir de leur maison ? La vie normale dans un cercueil ? Pour y répondre, j’ai fait des paysages de rues sans fenêtre. En les regardant, on ressent que quelque chose cloche mais on met du temps à savoir quoi. C’est ce qui nous effraie, ce temps de réaction, car il nous montre que l’on a déjà commencé à s’habituer au confinement.

Ce qui se cache le mieux e s t c e q u i e s t a u c œ u r. O n s’imagine plus aisément décontenancé dans l’œil d’un cyclone qu’en bataillant contre sa périphérie c a r, alors, il n’y a plus de force sur laquelle appuyer sa réaction. Cette nuit intérieure, celle qu’on a au fond de soi, est un coin d’obscurité où l’on dissimule ce qu’on ne veut plus v o i r. U n f o u r b i q u ’ o n s ’ e f f o r c e d ’ o u b l i e r . Vo i l à l ’ a v e n i r q u e l ’ o n c o n s t r u i t à n o t r e p l a n è t e : chacun comme un élément du fourbi.












Issue #1 avec la participation de : Aude Boissaye - studiocuiccui@gmail.com Sarah Preston - smadge@gmail.com Eric Young - airikyoung@gmail.com SĂŠbastien RandĂŠ - seb.rande@gmail.com Patrick Sagnes - patricksagnes@free.fr

contact@soyonsdesinvoltes.fr


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