Newsletter Prévention et promotion de la santé Mai 2014
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Des interdictions de publicité efficaces Impensable, en Suisse, d’assister à un festival de musique, à une séance de cinéma ou de surfer sur Youtube sans être inondé de publicité et messages positifs en faveur des produits du tabac ou de l’alcool: contrairement à ce qui se passe ailleurs en Europe, l’industrie du tabac et de l’alcool n’a aucune peine ici pour diffuser, en toute légalité, ses messages publicitaires à ses groupes cibles. Pourtant, maintes études ont démontré que plus les jeunes sont confrontés à la publicité pour le tabac et l’alcool, plus il y a de risque qu’ils commencent à boire et à fumer. Et inversement: interdire la publicité pour l’alcool et le tabac protège la santé.
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Aide aux joueurs excessif
«Faites vos jeux, rien ne va plus»: trois pourcent environ de la population suisse ne peuvent s’empêcher de tenter le hasard et succombent au jeu excessif. Si l’on ajoute les proches, près d’un cinquième des personnes en Suisse souffrent des conséquences de l’addiction au jeu. Le jeu excessif est un trouble psychique reconnu dont les conséquences s’appellent dettes, isolement social, voire suicide. La nouvelle loi sur les jeux d’argent offre une chance de renforcer la prévention dans ce domaine.
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Joie de vivre, sans regret
«Ne regrette rien». Par ce slogan, la nouvelle campagne de lutte contre le VIH/ sida et les infections sexuellement transmissibles soutient une joie de vivre sans entrave, l’amour de soi, la responsabilité individuelle et le safer sex. L’objectif est de rallier le plus de monde possible à la cause de cet hymne à la vie et de créer un vaste mouvement dans tout le pays en faveur d’une vie amoureuse à la fois passionnée et protégée. Pas de modèles professionnels cette fois sur les affiches, mais de vrais couples qui montrent un amour authentique.
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Interdire la publicité pour le tabac et l’alcool protège la santé Éditorial. La publicité transmet aux enfants et aux adolescents une image positive de l’alcool et du tabac. Qu’ils soient les cibles déclarées des messages publicitaires ou pas importe peu. Controversées au niveau politique, les interdictions totales de publicité – accompagnées par d’autres mesures – offriraient pourtant une meilleure protection contre les influences néfastes et les stratégies publicitaires subtiles des fournisseurs de tabac et d’alcool. En Suisse, la liberté en la matière est bien supérieure à celle offerte par les autres pays européens. La recherche est largement unanime: la publicité conduit les jeunes consommatrices et consommateurs à boire de l’alcool. La publicité pour l’alcool accroît la probabilité que les jeunes commencent à boire et que ceux qui boivent déjà augmentent leur consommation. Une étude de l’Institut de recherche sur les addictions, conduite en 2004, montre que les jeunes ayant réagi plus positivement à la publicité à l’âge de 18 ans étaient, à 21 ans, des consommateurs d’alcool plus assidus et connaissaient davantage d’agressions liées à la boisson. De nombreuses études attestent égale-
ment une corrélation entre publicité et tabagisme chez les jeunes, que ces derniers la perçoivent consciemment ou non. Lorsqu’ils sont davantage exposés à la publicité pour les cigarettes, les jeunes ont davantage tendance à commencer à fumer que s’ils étaient moins ou pas du tout exposés.
L’envie d’être adulte Les restrictions publicitaires visent prioritairement à protéger les jeunes. Mais en l’état actuel des choses, leur efficacité est limitée. Les accords de restrictions volontaires ou auto-restriction des producteurs prescrits par la loi, selon lesquels la promotion de l’alcool et du tabac ne doit pas s’adresser directement aux jeunes mais uniquement aux adultes, sont en grande partie inefficaces. En effet, même si elle ne représente pas de jeunes, la publicité fait passer des émotions et un ressenti du monde des adultes auxquels les jeunes aspirent. Au moment où ils développent leur identité, les jeunes sont très réceptifs aux messages et aux symboles propres au monde des adultes. «La publicité pour les adultes» ne protège donc pas la jeunesse mais accroît encore l’attrait du tabac et de l’alcool. En Suisse, le comportement des fabricants d’alcool et de produits du tabac est
d’ailleurs largement conforme à la loi en matière de publicité et de protection de la jeunesse. Les restrictions nationales concernant avant tout la publicité à la télévision et à la radio, ils transfèrent aujourd’hui tout simplement leurs activités de marketing sur les secteurs qui restent autorisés, notamment vers le sponsoring.
Sponsoring et protection de la jeunesse Le sponsoring d’événements sportifs ou musicaux (festivals), largement pratiqué en Suisse, est révélateur du peu d’efficacité de la loi en matière de protection de la jeunesse. Ces manifestations sont fréquentées par des milliers de jeunes. Les matchs de foot ou de hockey offrent aux fabricants de bière en particulier une occasion en or de toucher très directement et en toute légalité leur public cible, les adolescents et les hommes jeunes. Or, il s’agit précisément du groupe de population le plus susceptible de développer une consommation d’alcool problématique et, donc, du groupe auquel l’industrie de l’alcool doit une part importante de son bénéfice. Des contraintes significatives en matière de protection de la jeunesse et des mesures de prévention particulièrement adaptées à ce groupe à risque constitueraient une amélioration importante du point
de vue de la politique de santé lors de grandes manifestations sponsorisées.
Difficilement contrôlable: la publicité en ligne La publicité croissante sur Internet, le média des jeunes par excellence, est également en conflit avec la protection de la jeunesse, mais pas avec la loi en vigueur. Les fabricants de boissons alcooliques ont dépensé près de 284 millions en 2010 (contre 155 millions en 2008) pour la publicité en ligne classique telle que les bannières et celle des moteurs de recherche. Le tabac n’est pas en reste, car Internet offre également à l’industrie du tabac une nouvelle plate-forme de publicité difficilement contrôlable. L’arme est d’ailleurs à double tranchant: d’une part, les jeunes sont directement confrontés à la publicité pour l’alcool ou les cigarettes ou à la présence des fabricants sur le web et, de l’autre, ils assument eux-mêmes le rôle de multiplicateurs publicitaires dans la mesure où, suivant les possibilités et les principes du réseaux sociaux, ils fabriquent eux-mêmes ou transmettent du contenu. La nouvelle loi sur les produits du tabac veut clarifier la situation dans ce secteur au sens de la protection des mineurs et interdire à l’avenir la publicité en ligne pour les produits du tabac.
«Chaque jeune qui ne commence pas à fumer justifie que l’on s'engage pour des interdictions de publicité» 5 questions à Pascal Strupler. La nouvelle loi sur les produits du tabac, qui prévoit entre autres de fortes restrictions de la publicité, sera mise en consultation ce printemps. Pascal Strupler, directeur de l’Office fédéral de la santé publique, nous parle de responsabilité individuelle, du pouvoir de la suggestion et de frontière entre liberté économique et protection des mineurs. Monsieur Strupler, depuis des années déjà l’OFSP informe la population de l’importance d’un mode de vie sain. Pourtant, le nombre de fumeurs stagne en Suisse, il y a toujours plus de personnes en surpoids et les jeunes boivent jusqu’au coma éthylique. Pourquoi les choses n’avancent-elles pas?
prévention efficace fait appel à plusieurs mesures qui se complètent. L’information et les explications sont aussi importantes que des centres de consultation en dépendances facilement accessibles qui soutiennent les personnes dépendantes à l’alcool ou autre. Des mesures légales peuvent également protéger efficacement la santé de la population, à l’instar de la loi fédérale sur la protecIl y a des résultats, notamment avec les tion contre le tabagisme passif. C’est fumeuses et les fumeurs dont le nombre ainsi qu’une étude des Hôpitaux Univera fortement reculé ces dix dernières an- sitaires de Genève montre que, depuis nées. Par ailleurs, l’information sur l’introduction de l’interdiction de fumer l’importance d’une bonne alimentation dans les lieux publics, le nombre d’adet d’une activité physique suffisante missions à l’hôpital pour des maladies pour la santé passe de mieux en mieux des voies respiratoires a chuté de 19%. auprès de la population en Suisse. Les Si nous pouvions augmenter fortement gens décident en toute connaissance de le prix des cigarettes, le nombre de fucause. Mais vous avez raison, nos parte- meurs diminuerait sensiblement. Le naires et nous ne devons pas relâcher problème est que ces mesures sont sounos efforts pour accroître la sensibilité vent difficilement applicables pour des aux questions relatives à la santé. Une raisons politiques.
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Les interdictions de publicité font partie aussi des mesures structurelles. Comprenez-vous qu’elles suscitent une telle opposition? En matière de promotion de la santé, nous misons beaucoup sur la responsabilité individuelle de chacune et chacun. Nous montrons quel peut être l’impact de certains comportements sur la santé, positif comme négatif. En revanche, la publicité pour des produits nocifs pour la santé tels que les cigarettes suggère que leur consommation n’est pas si grave. Les conséquences négatives du tabagisme sont passées sous silence. Les spots publicitaires associent souvent le fait de fumer à un sentiment de liberté. Or dans la réalité, c’est exactement le contraire: fumer conduit à une dépendance dont on ne se débarrasse que très difficilement. Je sais de quoi je parle, je suis un ancien fumeur.
nesse lors de la commercialisation. Ces autodéclarations ne suffisent-elles pas? S’il est vrai que les affiches s’adressent principalement aux adultes, elles touchent et influencent bien évidemment aussi les adolescents et les enfants. C’est la même chose pour les annonces dans la presse et les spots publicitaires. Prenez le cas des journaux gratuits: leurs pages sont remplies de publicité pour les produits du tabac, et ces journaux sont lus par énormément de jeunes. Je ne crois pas au hasard!
Les interdictions de publicité restreignent la liberté économique. Est-ce défendable?
La liberté économique est un droit fondamental. Mais il y existe aussi un droit de l’individu à une vie saine. Il faut donc mettre ces deux aspects dans la balance. Du point de vue de la politique de la sanLa publicité a-t-elle vraiment une té, la réponse est claire pour moi. influence si forte sur les gens? Chaque jeune qui ne commence pas à Tragiquement, les plus réceptifs à la pu- fumer justifie que l'on s'engage pour des blicité sont les adolescents et les enfants. interdictions de publicité. Et nous ne C’est pour cela que nous voulons res- sommes pas seuls à être de cet avis. En treindre la publicité pour des produits 2002, le Tribunal fédéral est arrivé à la nocifs. Nous voulons protéger ces jeunes conclusion dans un jugement que l’inqui, souvent, ne sont pas encore en mesure terdiction de publicité en faveur du tad’apprécier correctement les dangers. bac dans le canton de Genève ne violait pas les droits fondamentaux de la liberLes cigarettiers prétendent té d’expression, de la liberté éconoaccorder déjà une grande impor- mique et de la liberté de la propriété. tance à la protection de la jeuVous voyez.
En première ligne
Prévention dans le domaine de l’alcool
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Source: OFSP Informations fondamentales sur la prévention dans le domaine de l’alcool
Coûts des différentes mesures prises dans le cadre de la politique en matière d’alcool dans les Etats d’Europe occidentale (en euros, pour 100 personnes et par année)
Coûts en euros pour 100 personnes et par année
DALY (Disability Adjusted Life Years, années de vie sans handicap gagnées) pour 1 million de personne et par année
Mesures relatives à la politique en matière d’alcool: effets sur la santé dans les Etats d’Europe occidentale, exprimés en DALY
160 140 120 100 80 60 40 20
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0 Interventions médicales brèves Contrôles routiers aléatoires Interdiction de la publicité pour l’alcool
Augmentations des prix
Interdictions de la publicité pour le tabac: d’autres pays vont plus loin que la Suisse
tivement modestes peut se poser. La nouvelle loi sur les produits du tabac doit introduire des exigences minimales pour la La Suisse est l’un des pays européens à publicité du tabac qui tiennent dûment la législation la plus laxiste en matière compte de la protection de la jeunesse. d’interdiction de publicité pour le tabac L’Irlande, la Norvège, la Grande-Breau niveau fédéral. Elle fait partie, par tagne ou la Finlande sont les pays qui exemple, avec l’Allemagne et la Bulga- appliquent les lois les plus strictes en rie, des seuls pays ne disposant pas de matière de tabac, interdisant toute restrictions nationales touchant la pu- forme de publicité pour le tabac, y comblicité extérieure pour le tabac. Dans pris l’exposition des produits de tabac tous les autres pays européens, cette sur les lieux de vente. Ceux-ci ne doivent forme de publicité est interdite. Quant à pas être visibles et être stockés sous le la publicité pour le tabac dans les mé- comptoir par exemple. dias imprimés, la Suisse fait cavalier Recommandations internationales seul: elle est le seul pays d’Europe à ne pas avoir introduit à ce jour de restric- Pour l’OMS les restrictions de publicité sont une mesure importante dans les retion au niveau national. Certes, quinze cantons disposent de res- commandations du Plan d’action eurotrictions plus sévères que les normes mi- péen visant à réduire l’usage nocif de nimales de la Confédération l’exigent. l’alcool 2012–2020, et les nouveaux caMais la question de l’efficacité d’interdic- naux de marketing constituent un défi tion publicitaire restreinte à l’échelle supplémentaire en matière de proteccantonale et limitée à des domaines rela- tion de la jeunesse.
Renoncement volontaire Aujourd’hui, de nouvelles solutions reposant sur le volontariat sont expérimentées dans d’autres domaines: des fabricants suisses d’articles de marque de premier plan se sont engagés, en 2010, à renoncer aux publicités pour les produits alimentaires visant les enfants de moins de 12 ans. Sont exclus de l’initiative les produits répondant à des critères nutritionnels spécifiques reposant sur les recommandations de la communauté scientifique. Pour l’heure, 13 entreprises participent activement au programme: Coop, Coca-Cola, Danone, Intersnack, Kellogg, Mars, McDonald's, Mondelez, Nestlé, PepsiCo, Procter & Gamble, Unilever et Zweifel Pomy-Chips. Les partenaires de Swiss Pledge sont aussi partenaires de l’initiative actionsanté de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). L’engagement volontaire de Swiss Pledge s’inspire de programmes similaires déjà en place au sein de l’UE (UE Pledge). L’avenir montrera si les entreprises respectent les critères minimaux et s’il sera possible de gagner d’autres acteurs du secteur alimentaire. Ce serait, du point de vue de la santé publique, un petit pas important dans la bonne direction. Pour en savoir plus: www.swiss-pledge.ch ou www.actionsante.ch
Restrictions en matière d’accessibilité à l’alcool
La Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac («WHO Framework Convention on Tobacco Control (FCTC)») est un outil important pour la prévention du tabagisme au niveau mondial. À ce jour, 177 pays l’ont ratifiée, dont les 27 États membres de l’UE. La Suisse l’a signée en 2004. Mais pour qu’elle soit ratifiée, il faudra procéder à des adaptations légales, notamment en matière de restriction de la publicité et du parrainage en faveur du tabac, ainsi que d’introduction d’une interdiction de vente aux mineurs. Ces points seront réglés dans la nouvelle loi sur les produits du tabac qui sera prochainement soumise à consultation et devrait entrer en vigueur en 2018.
Des mesures structurelles moins chères et plus efficaces
Nous le savons tous, adopter des comportements favorables à la santé n’est pas toujours facile et coûte de l’énergie. Promouvoir la santé est devenu aujourd’hui un exercice complexe. Mais comment promouvoir un mode de vie sain de manière motivante tout en respectant la liberté de chacun? Nous trouvons des éléments de réponse dans la définition de santé publique formulée à l’origine par Winslow en 1920 et adaptée par Acheson en 1988, qui, malgré son âge, reste d’actualité: «La santé publique est la science et l’art de prévenir la maladie, de prolonger la vie et de promouvoir la santé grâce aux efforts organisés de la société.» Dans cette définition trois éléments sont particulièrement intéressants. Le premier est la science. Les activités doivent se fonder sur des bases scientifiques solides et sur les meilleures pratiques. Le deuxième est l’art. Comme des artistes, en santé publique il faut faire preuve de créativité afin de trouver des nouvelles solutions adaptées à un contexte dynamique et évolutif. Enfin, le troisième élément sont les efforts organisés de la société. Il faut faciliter la collaboration entre les secteurs et mettre en place des partenariats innovateurs pour une approche sociale globale. Dans le cadre du Programme national alimentation et activité physique, nous avons mis en place de nombreuses activités de collaboration intersectorielle au niveau national. Deux exemples: En 2009, nous avons lancé l’initiative actionsanté, qui compte actuellement 18 partenaires de l’économie qui s’engagent de manière volontaire à faciliter les choix favorables à la santé. Un dialogue avec le secteur économique basé sur des actions concrètes. Dernièrement, début 2013, nous avons lancé une collaboration avec Promotion santé suisse et la Suva pour coordonner au niveau national les activités de santé en entreprise. Avec ces trois institutions il y a une mise en commun des stratégies et des outils pour faciliter la mise en place d’interventions dans quatre domaines : l’ergonomie, l’activité physique, la nutrition et le stress. Ces exemples montrent qu’aujourd’hui, dans la promotion de la santé et la prévention, les interventions nécessitent des approches globales coordonnées qui se gèrent dans des équipes intersectorielles et pluridisciplinaires. Sans oublier que dans toutes les interventions, l’individu doit être mis au centre de nos préoccupations.
De nombreuses études montrent que des mesures de prévention structurelle, telles que l’imposition, l’accessibilité et les interdictions de publicité sont plus efficaces que des mesures s’adressant aux individus (prévention comportementale). Les interdictions de publicité font partie des mesures les moins chères en matière de prévention et sont particulièrement efficaces lorsqu’elles touchent l’ensemble du marketing. Il a ainsi pu être démontré qu’une interdiction globale de la publicité pour l’alcool permet de baisser la consommation de 5 à 8% en moyenne par personne. S’engager pour une authentique protection de la jeunesse, c’est aussi s’engager pour des interdictions de publicité en fa- Alberto Marcacci veur de produits nuisibles pour la santé. Chef de la section nutrition Contact: Roy Salveter, coresponsable de la division Programmes de prévention nationaux, roy.salveter@bag.admin.ch
et activité physique Office fédéral de la santé publique
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Publicité pour le tabac de nouveau en hausse Dépenses publicitaires. Les dépenses de publicité pour les produits du tabac augmentent de nouveau légèrement depuis 2009 en Suisse. Mais c’est le comportement de l’industrie du tabac en matière de publicité sur Internet qui est encore plus préoccupant. C’est en l’an 2000 que la publicité classique pour le tabac a atteint son pic, en Suisse, avec des dépenses de près de 70 millions de francs. Les dépenses ont ensuite enregistré une baisse fulgurante, atteignant le plancher de 8,7 millions de francs en 2009. Depuis, elles sont de nouveau à la hausse, avec 21,3 millions de francs en 2013. Ce montant correspond à 0,4% des dépenses totales en matière de publicité en Suisse contre 2,1% en l’an 2000. Le recul marqué des dépenses de publicité est imputable avant tout à l’introduction d’interdictions d’affichage sur la voie publique. En imposant en l’an 2000 la première interdiction de publicité par affichage pour le tabac et l’alcool, le canton de Genève a ouvert une brèche. Le Tribunal fédéral a ensuite débouté un recours de droit public contre cette décision. À l’époque, l’affichage se taillait encore la part du lion en matière de dépenses publicitaires. Depuis, 15 cantons ont interdit l’affichage, entraînant un changement radical de situation. Alors qu’elles atteignaient encore près de 45 millions de francs en l’an 2000, les dépenses de publicité par affichage ne représentaient plus que 6 millions en
Restreindre, oui, interdire, non
Interdiction de la publicité pour le tabac. D’après le plus récent moni2013. En 2013, le principal média publi- torage suisse des addictions sur ce citaire pour le tabac était la presse quo- thème, le nombre de personnes tidienne, hebdomadaire et dominicale cautionnant une interdiction générégionale avec près de 10 millions de rale de publicité est en léger recul par rapport à 2010. francs (47% des dépenses totales). Facebook, Youtube & Co.
Alors que le législateur et les milieux de la prévention tentent de restreindre, voire de fermer, les canaux traditionnels de la publicité pour le tabac, l’industrie du tabac se tourne vers de nouveaux territoires. Une utilisation habile de l’explosion d’Internet et des possibilités du web 2.0 lui permet de contourner les restrictions de publicité pour diffuser ses messages. On parle de véritable «marketing viral», une technique qui incite les utilisatrices et les utilisateurs à transmettre des messages à leurs connaissances, ou de «Buzz marketing» qui vise à créer un événement afin de faire parler de la marque dans les médias sociaux. Sans oublier la présence importante de vidéos pro-tabac sur Youtube qui font passer la consommation de tabac comme une attitude positive. Ce nouveau type de publicité indirecte et pernicieuse torpille de nombreuses réussites atteintes par le travail de prévention. Il est difficile à cerner et à contrôler et touche principalement les groupes-cibles qui sont depuis toujours au centre de la prévention du tabagisme, à savoir les enfants et les jeunes. Contact: Laure Curt, section Tabac, laure.curt@bag.admin.ch
être aussi dangereuse qu’on le prétend puisque le gouvernement n’avait pas interdit la publicité pour les cigarettes. Mais la corrélation vaut aussi dans l’autre sens: des restrictions de la publicité peuvent faire baisser la consommation de tabac au sein de la population. Une étude de la Banque mondiale révèle Au niveau européen, la Suisse dispose qu’en l’espace de dix ans, les pays qui actuellement d’une des législations les ont introduit une interdiction générale plus laxistes en matière de publicité de la publicité ont vu la consommation pour le tabac. Une enquête conduite en de cigarettes par personne baisser net2012 fait apparaître que 63% des per- tement plus que ceux dans lesquels il n’y sonnes interrogées de 15 ans et plus a pas d’interdiction. sont favorables au confinement de la Publicité pour le tabac en Suisse publicité pour les produits du tabac aux seuls points de vente (2010: 68%). Quant Sont interdites à une interdiction générale de la publi- – la publicité à la radio et à la télévision (depuis 1964), cité pour les produits du tabac, 48% y sont – la publicité spécifiquement adressée favorables, contre 50% défavorables. aux moins de 18 ans (depuis 1995), La publicité est efficace, – la distribution d’objets publicitaires les interdictions aussi gratuits (T-shirts, casquettes, ballons, Pourquoi la population est-elle réticente etc.) à des adolescents face aux interdictions de publicité? Sans Sont autorisés (sous réserve de doute pour des raisons économiques, législations cantonales) mais peut-être aussi parce qu’elle – l’affichage sur le domaine public, sous-estime l’impact de la publicité et – la publicité sur les lieux de vente, doute donc de l’efficacité de son inter- – les spots diffusés dans les cinémas, diction. Pourtant, plusieurs études ont – les pages d’annonces dans les jourconfirmé que la publicité pour le tabac naux et les revues, accroît la demande globale et influence – le parrainage de manifestations le choix de la marque. Tant les enfants culturelles et sportives, et les adolescents que les adultes asso- – la vente d’articles de marque portant cient l’omniprésence de la publicité le logo de la marque, pour le tabac à la conviction que sa – la promotion directe (par le biais de consommation n’est pas nocive. En stands, d’hôtesses), Grande-Bretagne, par exemple, près – l’organisation de concours d’un fumeur sur deux pensait, avant les Contact: Laure Curt, section Tabac, interdictions de publicité, que la laure.curt@bag.admin.ch consommation de tabac ne pouvait pas
Alliances et politique en matière de drogue La politique des quatre piliers, un concept réussi. Parler d’alliances dans le contexte de la santé fait automatiquement penser à la politique suisse en matière de drogue et à l’introduction de ses quatre piliers dans les années 1990. Si, dans les années 1980, les scènes ouvertes de la drogue étaient encore considérées en partie comme une bonne manière de traiter le «problème de la drogue», on a compris, à la fin de cette même décennie, que le nombre de décès parmi les toxicomanes continuerait à augmenter et le VIH à se propager si l’on n’apportait pas une aide globale aux consommateurs de drogues. Cette misère a rapidement été perçue comme un problème à la fois de politique de santé, de politique sociale et de politique de sécurité et d’ordre public. Les alliances nées à l’époque entre les professionnels, les représentants des autorités et de la politique ont contribué à une large acceptation de la politique suisse en matière de drogue. Et elles sont toujours d’actualité.
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La fermeture du Platzspitz en 1991 fut le déclic: les forces de police n’étaient pas en mesure de résoudre à elles seules le problème des drogues qui agitait la Suisse. Les répercussions de la consommation de drogues sur les usagers et sur la société étaient si graves qu’il fallait trouver un nouvel équilibre entre les interventions sociales et sanitaires et l’ordre public. L’aide en matière de drogues de l’époque, les institutions sociales, les centres médicaux, le travail en milieu ouvert avec les jeunes, la police de maintien de l’ordre et la police judiciaire ainsi que les acteurs de l’éducation et d’autres secteurs ont alors constitué des organes de coordination qui ont été mandatés ensuite par les politiques pour trouver des formes de collaboration. L’enjeu était de trouver des alternatives à une politique drogue orientée essentiellement sur l’abstinence et la chasse aux toxicomanes.
Changement de paradigme, réduction des risques Les offres de réduction des risques telles qu’elles furent alors introduites dans presque toutes les grandes villes de Suisse ont suscité des cris d’orfraie tant
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au niveau national qu’international et soulevé les questions: est-il moralement et légalement admissible de remettre des seringues aux toxicomanes, voire de leur fournir de l’héroïne pour leur éviter le stress de l’approvisionnement? La police peut-elle tolérer ces agissements et, dans l’affirmative, dans quelles conditions? Différentes études ont montré que la réduction des risques et, avec elle, les locaux de consommation, les traitements de substitution et les structures de jour, ont trouvé une large acceptation politique en raison de l’apaisement qu’ils apportaient dans l’espace public et de la stabilisation des problèmes sanitaires et sociaux qu’ils induisaient parmi les toxicomanes. L’émergence d’une nouvelle «politique des quatre piliers» se traduisait, dans la pratique, par la recherche de solutions communes par les autorités de maintien de l’ordre, de santé et sociales qui, à l’origine, avaient poursuivi des objectifs opposés. Une situation qui a conduit à la formation de coalitions professionnelles, étatiques et politiques capables d’appuyer efficacement la politique suisse en matière de drogue. La réduction des risques a ainsi pu s’établir et apporter des améliorations sensibles pour tous.
Structures durables Les organes de coordination mis en place à l’époque se sont maintenus jusqu’ici presque partout sous une forme ou sous une autre. Au niveau de l’État, la plate-forme de coordination et de services dans le domaine des dépendances (KDS), créée en 1996 par le Conseil fédéral, entretient toujours les liens entre les acteurs de la politique suisse en matière de drogues. Par rapport aux années 1990, le travail de la KDS est politiquement moins sensible et les scènes ouvertes de la drogue de l’époque ont aujourd’hui disparu. Pour autant, les alliances doivent être renouvelées et adaptées en permanence à la situation pour garantir le soutien que la politique et la société apportent à la politique des drogues et des dépendances. Jusqu’à aujourd’hui, tous les acteurs impliqués ont la délicate mission de trouver l’indispensable équilibre entre les mesures d’ordre public et la santé publique, au niveau à la fois politique, stratégique et sur le terrain. Contact: Astrid Wüthrich, section Drogues, astrid.wuethrich@bag.admin.ch
L’Académie des dépendances formule des pistes de réflexion pour une politique des dépendances moderne Académie des dépendances 2013. Pour la quatrième fois, des professionnel-le-s de la santé, du social, de la recherche et de la politique se sont réunis en août 2013 sur le légendaire Monte Verità au-dessus d’Ascona. Les échanges intensifs ont porté sur la compétence en matière de consommation entre responsabilité individuelle et responsabilité collective. Au-dessus du Lago Maggiore, là où, au début du XXe siècle, un petit groupe de personnes avaient pratiqué des formes alternatives de vie et d’alimentation et expérimenté des substances psychoactives, les participant-e-s à l’Académie des dépendances 2013, organisée par le Groupe d’experts Formation Dépendances, ont débattu de la liberté de consommation et de la responsabilité sociale, des possibilités et des limites d’une consommation compétente et recherché des approches de solutions. La discussion a porté notamment sur la notion de compétence en matière de consommation comme charnière entre les intérêts économiques et sanitaires. 80 spécialistes des dépendances et de la prévention (praticiens, chercheurs et administratifs) ainsi que des représentant-e-s de la politique, de la justice/police, des médias, de la défense des consommateurs et de la culture se sont penchés sur la manière de renforcer les ressources individuelles en les ciblant et de promouvoir un environnement socio-culturel compatible avec un mode de consommation compétent. Le Groupe d’experts Formation Dépendances a réuni les différentes contributions présentées et en a dégagé quatre champs d’action pour le niveau individuel et quatre pour le niveau collectif. Ces pistes de réflexion doivent servir de base à des actions futures pour les institutions de prévention et d’aide aux personnes dépendantes, pour l’administration, des organes politiques et des organisations de la société civile.
Champs d’action au niveau individuel Il faut encourager les compétences et les ressources personnelles et renforcer les différentes instances de socialisation importantes pour l’acquisition de compétences en matière de consommation. > Accroître la capacité de résistance dans la vie quotidienne – encourager les compétences de vie Les programmes d’encouragement des compétences de vie ont largement fait leurs preuves en milieu scolaire et auprès des enfants et de jeunes adolescents. Ils font partie des approches les plus efficaces de la prévention comportementale des dépendances dans la mesure où ils retardent l’entrée dans la dépendance et réduisent en partie la consommation de substances. Leur efficacité est proportionnelle à l’implication du groupe cible dans la mise en œuvre
de mesures et au soutien dont bénéficient les participants pour exercer les capacités acquises et les éprouver au quotidien. > Soutenir les référents adultes dans la famille, à l’école et pendant les loisirs L’influence de l’environnement d’éducation et d’encadrement des enfants et des adolescents est déterminante pour le développement de facteurs de risque et de protection en matière de consommation problématique. Les référents adultes doivent être renforcés dans leur mission d’éducation et de transmission des compétences de vie. Le soutien doit porter en priorité sur la communication et le contrôle de règles adaptées à l’âge, que ce soit dans l’utilisation des médias électroniques, le comportement d’achat ou la consommation de tabac, d’alcool et d’autres substances psychoactives. Cette aide purement théorique doit être complétée par des aides concrètes à la décision, par exemple sous forme d’arguments ou de recommandations sur les quantités de consommation en fonction de l’âge. > Promouvoir la compétence de gestion des risques en osant le risque La prévention basée sur la compétence au risque pose le risque en soi comme une expérience nécessaire au développement de l’être humain et comme un espace d’apprentissage important. La pédagogie du risque pratiquée par exemple par la méthode «Risflecting» ne veut pas éviter les risques, mais au contraire réduire les mises en danger dans des situations à risque en transmettant des stratégies pour aborder l’ivresse et le risque. Cette approche s’adapte aux contextes et aux groupes cibles dans lesquels le comportement à risque fait partie intégrante des modes de consommation quotidiens. L’idée est que, pour apprécier un risque correctement, il faut le connaître ainsi que ses possibles conséquences. Par ailleurs, la méthode de la pédagogie du risque mise sur la transmission d’habitudes visant à réduire les mises en danger. >S outenir l’apprentissage de la consommation dans le groupe de pairs Dans la prévention des dépendances, l’éducation par les pairs (peer group
education) présente un potentiel d’aide à la mise en place de compétences de consommation et de risque. L’action positive et formatrice des pairs permet de renforcer les processus d’apprentissage informels du groupe en matière de promotion de la santé et d’empêcher l’installation d’un modèle de consommation problématique. Toutefois, cette approche ne vaut que si les jeunes ne sont pas contraints d’adopter des règles du monde des adultes et s’ils peuvent transmettre les valeurs qu’ils considèrent importantes pour leur propre vie.
Champs d’action au niveau collectif La société dans son ensemble est invitée à limiter la tendance à l’individualisme et renforcer la solidarité collective: œuvrer tous ensemble à façonner un environnement propice aux bonnes décisions de consommation est fondamental. >C réer un cadre de régulation cohérent Partant d’un point de vue libéral, la politique doit créer un cadre légal cohérent, intégrant toutes les substances. Ce sera l’occasion de réévaluer le potentiel de nocivité des différentes substances, y compris celui des comportements nuisibles non liés à des substances. Une nouvelle politique des dépendances doit s’orienter à l’étendue des problèmes et tenir compte des réalités sociales, et adopter une forme ouverte et souple, supportant des ajustements. Étant donné son statut de bénéficiaire des recettes provenant des impôts sur la consommation (tabac, alcool, jeux d’argent, etc.), l’État aura toujours un rôle ambivalent. >E xpérimenter de nouveaux modèles de régulation – Mettre en place des situations laboratoires et des projets pilotes Pour améliorer une future régulation du marché, de nouvelles approches pourraient être expérimentées dans le cadre de projets pilotes limités dans l’espace et le temps, afin de disposer de solutions praticables qui pourraient être ensuite transposées à un niveau de réglementation supérieur. La structure fédérale de la Suisse est en soi idéale pour expérimenter, dans des labora-
toires aux niveaux du canton, de la ville ou de la commune, divers modèles dans des contextes différents. L’évaluation complète de ces essais pilotes ainsi qu’un échange et transfert de savoir national permettraient d’optimiser les modèles et d’évaluer leur utilité dans la pratique. Des projets intéressants existent dans le domaine du cannabis (notamment à Genève, Bâle, Zurich et Berne). > Transformer le marché avec l’aide de la collectivité et des consommateurs Afin que le choix le plus sain devienne l’option la plus séduisante, abordable et évidente, il faut promouvoir des environnements de vie sains. L’environnement économique, c’est-à-dire le marché, joue ici un rôle prépondérant. Pour transformer le marché, la pression venue du bas, c'est-à-dire la force du collectif et de l’opinion publique peut être très efficaces – en collaboration avec les acteurs économiques ou en s’y opposant. Le WWF a une longue expérience de ce genre de stratégies: des mesures et des campagnes publiques efficaces focalisent l’attention, accroissent la sensibilisation et influencent le comportement d’achat. Il est alors possible de lancer des produits ou des solutions de commercialisation différents pour introduire durablement une amélioration des structures de l’offre. (Voir l’interview des pages 6 et 7). > Représenter plus efficacement les intérêts – Former des alliances La collaboration entre professionnels des dépendances et de la prévention, milieux de l’économie et du commerce, et organisations à but non lucratif couvrant les secteurs de la consommation, de l’environnement, du social et des droits humains est un élément indispensable pour réussir la transformation du marché recherchée. Pour que ces alliances existent, il est tout aussi indispensable d’avoir défini au préalable, dans chaque domaine, des critères de partenariat en cohérence avec les objectifs de santé établis. Il existe déjà de bonnes approches dans le domaine de l’alimentation (actionsanté, alliances du WWF) ou des médias électroniques (Jeunes et Médias/OFAS). Lorsqu’une collaboration directe avec des producteurs et des prestataires est impossible dans un avenir proche, ou n’est possible ou souhaitée que de manière très limitée, des alliances avec des groupements d’intérêts de la société civile peuvent prendre le relais. Lien: www.SuchtAkademie.ch Contact externe: Lukas Vögeli, Groupe d’experts Formation Dépendances, lukas.voegeli@weiterbildungsucht.ch
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Jennifer Zimmermann, WWF Suisse: «Les partenariats peuvent faire bo Entretien avec Jennifer Zimmermann et Michel Graf. Quelles alliances sont-elles possibles – et avec quels partenaires? Nous nous sommes entretenus avec Jennifer Zimmermann, responsable du projet Consommation, WWF Suisse, et Michel Graf, directeur d’Addiction Suisse, sur les stratégies, les succès et les impasses dans la coopération.
prises écologiques. Ces études et ces évaluations nous ont ouvert de nombreuses portes.
Quel «moyen de pression» fonctionne le mieux pour convaincre une entreprise de conclure un partenariat avec le WWF? La durabilité a aussi un prix.
Zimmermann: Les entreprises sont orientées bénéfices. Mais la majorité d’entre elles accordent une valeur tout spectra: Madame Zimmermann, aussi importante à une bonne image et le WWF a conclu diverses alressentent un besoin de transparence liances avec l’économie. Poutoujours plus fort. Les produits labellivez-vous nous citer quelques sés répondent à ce besoin. La gestion exemples? durable permet de penser que le produit Zimmermann: Il existe des formes de existera encore dans vingt ans. Le prix partenariats et des alliances de groupe des poissons et des fruits de mer a au sein desquelles nous collaborons constamment augmenté ces dernières avec diverses entreprises d’un secteur années, en raison des stocks en disparidéfini. Par exemple le «WWF Seafood tion. Une entreprise a donc aussi un inGroup» qui s’engage à proposer le pro- térêt économique à privilégier la produit d’une pêche issue de stocks écolo- duction durable pour garantir son offre giquement intacts et gérés de façon du- à long terme. rable, ou encore celui du «Global Forest Y a-t-il des domaines dans lesand Trade Network» qui soutient les quels le WWF a échoué? produits écologiques à base de bois et de papier. Mais nous avons aussi des al- Zimmermann: Nous nous concentrons liances bilatérales qui portent sur le cli- par principe sur des thèmes porteurs mat, l’efficience énergétique ou les pro- tels que la protection du climat ou la préservation des ressources. Lorsque duits financiers. nous identifions quelque part un besoin De quand datent ces partenariats? urgent d’agir, la pression d’avancer est Zimmermann: Le premier, le «WWF souvent déjà là. Mais il reste encore un Wood Group», date de 1998. Mais énorme travail à accomplir ces prolorsque nous avons voulu sensibiliser chaines années dans la collaboration les consommatrices et les consomma- avec les entreprises pour maîtriser les teurs au nouveau label FSC pour une grands défis écologiques. gestion forestière durable, nous avons Quel rôle les médias jouent-ils constaté que le marché ne proposait lorsqu’il s’agit de faire pression? presque pas de produits de ce genre. Le «WWF Wood Group» a été créé avec Mi- Zimmermann: Ils n’ont pas de rôle décigros, dans le but d’inciter les entreprises sif. La pression médiatique est généraà proposer une gamme toujours plus lement de courte durée. Bien sûr nous large de produits FSC et à bannir les bois l’utilisons aussi, mais lorsqu’elle est reissus de sources illégales. Aujourd’hui, tombée nous n’abandonnons pas pour 15 ans plus tard, la gamme de produits autant le thème en question. FSC est bien ancrée dans les magasins.
Les partenariats se passent-ils toujours aussi bien? Zimmermann: Je n’ai presque que des expériences positives. Les deux «WWF Group» montrent que les partenariats peuvent vraiment faire bouger les choses. Le label FSC ou le label MSC (pour une pêche durable) sont bien connus aujourd’hui. La part de produits certifiés MSC atteint désormais près de 50 pourcent de l’assortiment de poissons sauvages aussi bien chez Coop que chez Migros.
Quels sont les processus internes au WWF lorsque des alliances sont créées? Qui décide ce qui doit être fait?
Zimmermann: Nous effectuons d’abord une analyse de pertinence. Quels secteurs et quelles entreprises causent les plus grands dommages à l’environnement? Cette analyse intègre les réflexions de nombreux collaborateurs car nous devons réunir énormément de connaissances sur une entreprise et un secteur pour définir des objectifs réalisables. Pour maîtriser les défis mondiaux en matière de protection du climat Faut-il un gros travail de persua- et des ressources, nous devons cibler sion pour impliquer des parteavant tout les entreprises multinationaires économiques? nales pour atteindre, avec elles, des Zimmermann: C’est très variable. En gé- améliorations écologiques. Pour ce faire, néral, il faut une certaine pression qui, des thèmes et des objectifs concrets sont soit dit en passant, peut venir de l’inté- formulés et régulièrement contrôlés. rieur comme de l’extérieur. L’important Y a-t-il des causes ou des entreest que l’entreprise reconnaisse vouloir prises avec lesquelles le WWF ne ou devoir changer quelque chose. Le travaillerait pour rien au monde? WWF peut aussi exercer une certaine pression, par exemple par le biais de ses Zimmermann: Oui, il existe toute une sénotations des produits et des entre- rie de critères d’exclusion. En font par-
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Jennifer Zimmermann
tie notamment les entreprises qui travaillent avec des sources d’énergie fossiles, qui font la promotion de l’énergie nucléaire ou qui exercent des activités éthiquement controversées.
démontrer. Lorsque l’on n’a pas de résultats mesurables à relativement court terme à proposer, toute collaboration avec des entreprises devient presque impossible. Et puis, aucun fabricant de tabac ou d’alcool n’est prêt à vendre Les entreprises paient-elles le moins! Ils sont prêts à s’engager pour la WWF pour son conseil et sa protection de la jeunesse essentiellecollaboration? ment parce la loi les y contraint. Mais Zimmermann: Oui, nous le devons à nos les entreprises qui n’appartiennent pas membres et à nos donateurs. Nous esti- au secteur du tabac et de l’alcool ne sont mons indéfendable l’idée d’investir des pas davantage intéressées à collaborer dons pour des entreprises qui génèrent avec nous. À très peu d’exceptions près. beaucoup d’argent. Notre performance, Les choses sont différentes avec notre expertise et notre nom ont égalela promotion de la santé. Les ment un prix. Nous publions la fourassurances-maladie assument chette des montants sur Internet.
Monsieur Graf, Madame Zimmermann vient de nous décrire comment le WWF collabore et conclut des alliances avec l’économie. Est-ce reproductible dans le domaine de la prévention des addictions?
par exemple une partie des abonnements de leurs membres dans des clubs de sport.
Graf: Oui, la promotion de la santé se vend bien, mais pas la prévention des dépendances. L’année passée, une assurance-maladie a même proposé une caisse de vin à prix réduit à ses clients. Graf: Malheureusement très peu. Dans un tel monde, les experts de la préLorsque j’entends les propos de Ma- vention des dépendances ne sont pas dame Zimmermann, je suis vraiment ja- des partenaires particulièrement atloux. Seule la prévention sur le lieu de trayants. travail génère des situations gagnant-gaPourtant, l’abus d’alcool coûte gnant telles que le WWF et ses parteune fortune aux caisses-maladie. naires les vivent. Mais il s’agit ici Ne serait-ce pas un point de presque d’un véritable business. Par départ pour une collaboration? exemple des offres de cours pour réduire les problèmes d’alcool et autres Graf: Nos messages ne sont tout simpledépendances. Pour le reste, je ne vois ment pas sympathiques. «Ne buvez pas vraiment pas de thèmes sur lesquels trop. L’alcool peut être dangereux. Funous pourrions collaborer avec l’écono- mer tue.» Rien de bien sexy là-dedans. mie de manière à ce que les deux parties Mais il est difficile de trouver des formuy trouvent un avantage. Les projets de lations plus séduisantes. prévention des dépendances tablent sur Les entreprises ne s’engagent des résultats à long terme et pas à trois donc pas volontairement dans ans, malheureusement, ainsi que Mace domaine. La prévention des dame Zimmermann l’a décrit. Je suis dépendances ne fonctionne-tconvaincu de l’efficacité de nos projets, elle que par la contrainte? mais cette efficacité est très difficile à
ouger les choses.» l’industrie du tabac a réponse à tout. gagnerait, mais pas l’économie. MalUne mauvaise réponse, certes, mais la heureusement, c’est toujours comme ça. puissance de l’argent est convaincante. Nos solutions ne sont jamais séduisantes pour l’économie.
La seule solution consisterait donc à conclure des alliances internationales pour lutter contre le Goliath du tabac.
Michel Graf
Graf: Si les mesures de prévention structurelle, comme les interdictions de vente ou les augmentations de prix sont effectivement les plus efficaces, la prévention comportementale l’est aussi. Toutefois, pour beaucoup c’est l’affaire de l’école ou du domaine privé. Les projets de prévention des dépendances peinent à obtenir des fonds, y compris des fondations.
Coop écrit sur le rayon des cigarettes: «Coop prend très au sérieux la protection des mineurs. C’est pourquoi Coop ne vend pas de cigarettes aux moins de 18 ans.» Graf: Oui, ils l’écrivent aussi pour l’alcool. Ils ont même élevé la limite d’âge à 18 ans pour les boissons fermentées, alors que la loi en autorise la vente à partir de 16 ans déjà. C’est très positif, Coop fournit du bon travail en matière de protection des mineurs. Mais Coop vend aussi des produits alcooliques très bon marché, ce qui encourage la consommation. C’est un grand problème. Nous sommes un centre collaborateur de l’OMS. J’ai signé une déclaration dans laquelle je confirme n’avoir aucun lien économique avec les industries du tabac, de l’alcool et des médicaments.
Qu’en est-il de la restauration? Pourrait-elle être un partenaire pour développer et mettre en œuvre des idées originales visant une consommation d’alcool raisonnable?
possibilité d’emporter chez soi une bouteille entamée au restaurant. À l’époque, cela paraissait inimaginable. Pourtant l’idée a fait son chemin et semble entrée dans les mœurs. Ce sont de bons signaux. Cela montre que ce genre d’idées est réalisable et que les restaurateurs ne perdent rien en participant. Ce n’est d’ailleurs par le but – je n’ai rien contre la restauration. Je suis seulement pour une consommation d’alcool raisonnable.
L’industrie du tabac a proposé à plusieurs reprises ces dernières années de s’impliquer dans la prévention du tabagisme et en particulier dans la protection des mineurs. Mais les acteurs de la prévention ont toujours refusé. Pourquoi? Graf: La prévention comportementale n’intéresse l’industrie du tabac que parce qu’elle espère ainsi éviter des mesures de prévention structurelle telles que des augmentations de l’impôt sur le tabac ou des restrictions de la publicité qui sont pourtant véritablement efficaces. De plus, les messages de prévention de l’industrie du tabac sont très discutables, à l’instar de spots qui présentent les non fumeurs comme des personnes naïves et ringardes.
Voyez-vous une possibilité de faire pression sur les cigarettiers en invoquant la perte d’image?
Graf: Non, nous sommes beaucoup trop petits pour cela. L’industrie du tabac a des moyens colossaux, nous n’avons aucune chance de lutter. Par exemple, Graf: Oui, et nous l’avons fait aussi dans nous attirons depuis longtemps l’attenle domaine de la protection des mineurs, tion sur l’impact catastrophique des enen distribuant notamment des flyer aux treprises du tabac au niveau écologique. restaurateurs et en organisant des for- De leur côté, ils font de la publicité pour mations. Il y a 18 ans, j’ai eu l’idée du des cigarettes écologiques, ce qui est «doggy bag» pour l’alcool, c'est-à-dire la évidemment un non-sens. On voit que
Graf: Il y en a déjà. Par exemple Eurocare, une alliance d’ONG européennes qui souhaitent développer de nouvelles stratégies de prévention de l’alcoolisme. La grande difficulté consiste à trouver un dénominateur commun dans le domaine de la prévention structurelle car chaque pays a sa propre législation. C’est pourquoi les alliances internationales se heurtent rapidement à leurs limites. Zimmermann: Pour moi, il est clair qu’Addiction Suisse ne collabore pas avec l’industrie du tabac ou de l’alcool. Mais je pourrais imaginer une collaboration avec les fournisseurs de boissons alcooliques ou non alcooliques tels que les grands distributeurs ou la restauration, qui conduirait progressivement à modifier l’assortiment. En effet, les détaillants et les restaurants ont une grande marge d’action. Ils peuvent améliorer leur assortiment ou accroître leur objectif de chiffre d’affaires avec des boissons non alcooliques en recourant à du marketing ciblé. Même si les résultats semblent modestes au début, ils sont souvent la première impulsion pour des changements législatifs et économiques plus importants. Graf: Vous avez raison bien sûr. Il existe déjà l’obligation légale du fameux «article sirop» selon lequel un restaurant doit proposer au moins trois boissons non alcooliques à un prix moins élevé que la moins chère des boissons alcooliques. Nous avons beaucoup lutté pour imposer cette clause au Parlement. Il est incroyablement difficile de faire changer les lois. Il est en revanche beaucoup plus facile d’intervenir au niveau d’actions isolées, comme avec un concept de boissons pour les festivals. Et c’est ce qui se fait souvent aussi. Zimmermann: Je pense qu’il existe encore un gros potentiel de coopérations ciblées dans la restauration. Ces dernières années, des petits producteurs sympathiques ont mis de nombreuses nouvelles boissons sans alcool sur le marché. Ce choix permet de présenter une offre innovante et séduisante. Cette tendance mérite sans doute d’être encouragée. Graf: Ce serait grandiose. Aujourd’hui, les gens qui consomment des boissons sans alcool au repas de midi sont bien plus nombreux qu’il y a vingt ans. Mais pour beaucoup aussi, rien ne peut remplacer les boissons alcooliques. Celui qui veut boire une vraie bière ne boira pas une bière sans alcool. En d’autres termes, nous pouvons bien sûr accroître l’offre de boissons sans alcool, mais en même temps nous devons rendre l’offre de boissons alcooliques moins attrayante, que ce soit par le prix, la disponibilité ou le choix. La prévention y
Qu’en est-il de l’addiction au jeu? Graf: La collaboration avec les opérateurs est ici meilleure que dans d’autres domaines. Les casinos de jeu et les entreprises de loterie assument davantage de responsabilité sociale que l’industrie du tabac et de l’alcool. D’ailleurs, le contrôle de l’État est plus strict. Tout n’est pas parfait en matière de prévention, mais ce secteur pourrait servir de bon exemple.
Les joueurs compulsifs ou les personnes vulnérables peuvent demander eux-mêmes une interdiction de jeu en Suisse, qui leur interdit l’entrée à tous les casinos de Suisse ensuite. Serait-ce une approche envisageable pour le secteur de l’alcool? Graf: L’interdiction d’établissement existe déjà dans de nombreux cantons. Mais elle est beaucoup plus difficilement applicable que dans les casinos où tout le monde doit présenter sa carte d’identité pour entrer. Les casinos ont un personnel spécialement formé pour identifier précocement les clients présentant un risque de jeu excessif et pour prendre des mesures. C’est difficilement faisable dans un restaurant.
Madame Zimmermann, comment le WWF trouve-t-il le levier à actionner pour gagner des acteurs en vue d’une alliance et surmonter d’éventuelles oppositions? Zimmermann: Il n’existe malheureusement pas de recette miracle. Il faut beaucoup d’analyse, de stratégie et une bonne dose d’intuition. Au début, nous ne fermons aucune porte et décidons ensuite dans quelle direction nous continuons. Les notations sont un bon moyen pour nous d’inciter les entreprises à se remettre en question et à s’ouvrir à de nouvelles idées. Ténacité, transparence et objectifs clairement définis et mesurables sont indispensables. En général, nous fixons des objectifs à trois ans et faisons le point de la situation chaque année. Graf: Nous sommes peut-être trop ambitieux; ou trop moraux? Rien que parler de protection des mineurs avec les entreprises qui vendent de l’alcool, en laissant de côté tous les autres problèmes dans un premier temps, serait déjà une première étape, pour moi. Mais le monde de la prévention a une attitude très stricte face à l’économie. Nous devrions peut-être essayer d’aborder ces thèmes pas à pas, sans tout exiger d'un coup.
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Une importante plaque tournante de la prévention du tabagisme fête ses dix ans Le Fonds de prévention du tabagisme a 10 ans. Le 1er avril dernier, le Fonds de prévention du tabagisme a soufflé ses dix bougies. Dix ans au cours desquels il a soutenu et accompagné près de 250 projets pour un budget total de 146 millions de francs. Le 20 mars 2003 aura marqué l’histoire de la prévention du tabagisme en Suisse. Par 15 voix contre 9, une Conférence parlementaire de conciliation approuvait la modification de la Loi fédérale sur l’imposition du tabac et créait le Fonds de prévention du tabagisme (FPT). C’est à l’initiative des ONG actives dans la prévention du tabagisme, qui souhaitaient davantage de moyens pour endiguer la prévalence élevée (33 pourcent) du tabagisme et ainsi réduire la charge de morbidité pour la société, que le Fonds a été inclus dans le projet de loi. Le 1er avril 2004, le service en charge du FPT (deux collaborateurs à l’époque) a débuté ses travaux. Il disposait alors d’une base légale, de près de 10 millions de francs, de quelques instruments, de nombreuses idées, de grandes attentes et de multiples questions de la part des demandeurs potentiels ainsi que du Parlement. Dès les premiers mois, la petite organisation efficace a reçu et examiné une soixantaine de demandes. L’expérience récoltée à la fin de la première année a souligné les défis qu’un service encore en phase d’apprentissage et doté de gros moyens financiers devait relever: une équipe soumise à une énorme pression à la performance, des réactions pouvant aller jusqu’à des interventions parlementaires en cas de décisions impopulaires concernant des demandes de financement, pour ne citer que deux exemples. Quelques mois plus tard, un groupe consultatif a été créé afin d’apporter aux décisions du Fonds une plus large assise conceptuelle, scientifique et politique. Cet organe a ensuite été transformé en commission d’experts extraparlementaire, ce qui lui conférait une base légale.
Check-up santé À l’aube de ses quatre ans, le FPT a été soumis à un check-up complet de son état de santé sous la forme d’une évaluation externe. La curiosité et l’intérêt à l’attente des résultats étaient grands, chacune et chacun étant très impatient-e de savoir dans quel état se trouvait ce service encore jeune. Les résultats de l’évaluation externe de 2007 ont mis en évidence quatre éléments essentiels: le fonctionnement est efficient et les processus sont clairs, des petites maladies de jeunesse subsistent, un manque de ressources en personnel ainsi qu'un potentiel d’optimisation concernant la base stratégique et la direction stratégique. Suite au rapport, l’effectif du service a été étoffé de 0,6 poste de travail, ce qui lui a apporté un nouveau souffle et per-
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bouché sur un rapport de base rédigé par un conseiller d’entreprise en 2013. Le FPT dispose ainsi d’un état des lieux qui fournit des informations transparentes sur ses forces et ses faiblesses sur la base d’une analyse largement étayée. Le rapport a une double utilité: La boussole servir de base au développement de la Le FPT affecte ses ressources et les ré- Stratégie nationale de prévention des partit conformément au Programme na- maladies non transmissibles (Stratégie tional tabac 2008–2016 (PNT) de ma- MNT) dans le domaine du tabagisme et nière à ce que le programme puisse des pathologies qui lui sont liées, et fordéployer ses effets au mieux. L’objectif muler des recommandations sur les est de faire baisser le nombre de décès points qui nécessitent des optimisations et de cas de maladie dus au tabagisme immédiates afin d’obtenir une efficacité en Suisse, en collaboration avec la accrue des fonds engagés. Le service va Confédération, les cantons, les ONG et commencer à concrétiser ces objectifs d’autres acteurs de la prévention du après leur approbation par le Secrétatabagisme. En réalisant cet objectif, le riat général du Département fédéral de FPT est à la fois prestataire et vecteur: il l’intérieur au printemps 2014. finance et initie des projets efficaces de Conclusion prévention du tabagisme, met à disposition les expériences faites et offre des Ces dix dernières années, le Fonds de services de soutien et de conseil diversi- prévention du tabagisme a soutenu et fiés lors de la conception de projets et de accompagné quelque 250 projets en inprogrammes cantonaux ainsi qu’au mo- vestissant au total 146 millions de ment des évaluations. Face à l’augmen- francs. Cet engagement financier, le tation régulière des missions et des maintien du principe d’une prévention compétences du service il a fallu ré- du tabagisme orientée vers l’efficacité, pondre par une meilleure dotation en les interventions diverses de la Confédéeffectif qui est désormais de 4,6 postes ration, des cantons et des ONG au niveau de la prévention structurelle ou de travail.
mis de corriger quelques faiblesses de démarrage. Toutefois, devant l’absence d’urgence à agir, le Conseil fédéral a estimé que les questions stratégiques pouvaient être abordées plus tard, dans le cadre de la loi sur la prévention.
comportementale ont été payants puisque, dans ce laps de temps, la prévalence du tabagisme a baissé de 33 à 25 pourcent. Il convient toutefois de relever que deux objectifs prioritaires du Programme national tabac ne sont malheureusement pas encore atteints: réduire à 23 pourcent la proportion de fumeurs dans la population adulte, et faire passer la prévalence du tabagisme parmi les 15–19 ans à moins de 20 pourcent. Or, la mission de réduire le nombre de cas de maladie et de décès dus au tabagisme en Suisse ne peut être remplie que si le nombre de fumeurs continue à baisser. Pour ce faire, il faut d’une part des mesures structurelles remportant l’adhésion politique et, d’autre part, continuer à développer des mesures de prévention comportementale ayant démontré leur efficacité. Le Fonds continuera à assumer son rôle de manière active et engagée en initiant et finançant les projets nécessaires et en contribuant sans relâche à poursuivre le développement de la prévention du tabagisme. Lien: www.prevention-tabagisme.ch/ Contact: Peter Blatter, responsable du service Fonds de prévention du tabagisme, peter.blatter@bag.admin.ch
L’efficacité Depuis 2003, près de 156 millions de francs de taxes ont alimenté le Fonds. Les recettes annuelles diminuent toutefois régulièrement et se situent aujourd’hui à près de 14 millions. Cette baisse s’explique par une consommation de tabac en recul en Suisse et doit être considérée comme une preuve de l’utilisation efficace des moyens financiers du Fonds. Dès la création du FPT, en 2004, la priorité est passée de la simple organisation d’activités de prévention du tabagisme à une plus forte orientation sur les besoins et les objectifs des projets financés. Cette évolution a été complétée par une orientation rigoureuse sur l'efficacité dès 2009. Le Fonds a précisé, dans le cadre de sa gestion de l’efficacité, les critères d’attribution des moyens financiers et mis à disposition des outils de planification de projets et de programmes mettant l’accent sur l’efficacité. Il propose désormais aux acteurs de la prévention du tabagisme un cours d’initiation à la gestion de projet ainsi qu’un soutien pendant le déroulement du projet. A l’avenir, le FPT veut contrôler encore mieux les moyens investis, soumettre les résultats et les expériences issus des projets à une évaluation plus systématique et encourager les échanges et la coordination entre les acteurs.
Un concours motivant
Concours 2014 pour arrêter de fumer. De nombreux fumeurs considèrent ce concours annuel comme une opportunité sérieuse d’arrêter le tabagisme. L’évaluation leur donne raison. Une enquête représentative, conduite six mois après la fin du concours auprès des participant-e-s, montre qu’à ce moment, près d’un tiers des personnes interrogées n’ont pas recommencé à fumer, et que celles qui fument encore ont nettement réduit leur consommation. Cette année, le concours pour arrêter de fumer durera du 1er au 30 juin. Un prix principal de 5000 francs et dix prix de consolation de 500 francs tirés au sort récompenseront les participant-e-s. Les personnes intéressées peuvent s’inscrire en ligne sous www.at-suisse.ch (allemand, français, italien, anglais et turc) ou par écrit au moyen de la carte d’inscription (allemand, français, italien, turc, albanais, portugais, serbe-croate-bosniaque et espagnol). Cette dernière peut être commandée par téléphone au 031 599 10 20 ou en ligne. Le concours pour arrêter de fumer est un projet du Programme national tabac. Il est soutenu par la Ligue suisse contre le cancer, la Fondation Suisse de Cardiologie et L’avenir par l’Association suisse pour la prévention du tabagisme. Le programme est financé L’échec de la loi sur la prévention en au- par le Fonds de prévention du tabagisme.
tomne 2012 auprès des chambres fédérales a conduit le FPT à réfléchir à son Contact: Association suisse pour la prévention du tabagisme, info@atschweiz.ch avenir, tant en termes stratégiques Lien: www.atsuisse.ch qu’opérationnels. Cette réflexion a dé-
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Les applications mobiles de santé ont le vent poupe! Communication en santé. La Dresse Andréa Belliger est Professeur et vice-rectrice de la Haute école pédagogique de Lucerne. Elle y est également co-responsable de l’institut pour la communication et la gestion. Elle dirige notamment le CAS cybersanté – Santé numérique (CAS eHealth – Gesundheit digital). En qualité de spécialiste des nouveaux courants dans le domaine de la cybersanté, Andrea Belliger livre aux lecteurs de spectra une vue d’ensemble ainsi que son appréciation du thème de la santé mobile. Aucune autre tendance de technologie de l’information et de la communication ne s’était établie à ce jour avec tant de succès que la communication mobile. 3,2 millions de Suisses et la moitié des jeunes âgés de 9 à 16 ans accèdent à internet grâce à un Smartphone ou à une tablette interactive. Dès 2013, il existe pour la première fois davantage d’appareils mobiles que de personnes, à l’échelle mondiale, et nous sommes la première génération qui s’attend à disposer gratuitement et partout d’un accès Internet WIFI. Les appareils mobiles d’utilisation intuitive sont devenus en peu d’années, et pour différentes générations, la porte d’entrée permettant d’accéder à l’information, à la communication ainsi qu’à l’intégration.
Plus grande autonomie des patients Le terme «Santé mobile» («Mobile Health» ou «mHealth» en anglais) couvre évidemment aussi des technologies mobiles concernant des activités de santé ou de bien-être. A ce titre, elle est au service de
toute prestation dans les domaines de la prévention, du diagnostic, de la thérapie, de la guérison ou de la réadaptation qui opèrent sur la base de technologies comme les capteurs biologiques, les services de communication mobile ou l’internet. Les services et les fonctionnalités mHealth collectent, enregistrent, traitent et diffusent différentes données en lien avec la santé. Des appareils mobiles et des fonctionnalités des programmes spécifiques, en particulier sous forme d’application, gèrent des fonctions automatiques, comme par exemple, des systèmes d’alerte et permettent la communication. Une personne diabétique peut, par médicale en ligne («eConsulting») et exemple, mesurer ses valeurs de pres- 4. d’autres tendances comme, par sion sanguine grâce à un appareil moexemple, des ordinateurs intégrés bile et envoyer les données directement dans le vêtement (capteurs), à son médecin ou à un portail internet. «Transcient Electronics» (capteurs Elle peut autoriser toute personne resde mesure qui peuvent être avalés et ponsable de son suivi à avoir en tout qui se désintègrent suite à la saisie temps et en tout lieu accès à ses dondes données), des capteurs biolonées. Cela peut aussi bien être son giques servant à la mesure des foncmédecin, une infirmière, un proche tions vitales, des projets d’intelliou d'autres personnes diabétiques gence artificielle, comme par membres d'une communauté de paexemple l’ordinateur «Watson» tients en ligne. Tous peuvent la soutenir, d’IBM, où peuvent être enregistrées voire intervenir dans sa thérapie. des informations médicales, et qui devrait pouvoir contribuer à la prise De manière générale, le champ couvert de décision médicale. On peut égalepar mHealth peut être réparti en quatre ment citer le domaine plus large de domaines: la vie assistée «Ambient Assisted 1. les applications de santé (il existe Living» qui vise à permettre aux env. 40‘000 applications concernant personnes âgées ou malades d’habile thème «santé et maladies») ter plus longtemps à leur domicile 2. les appareils de santé mobiles (p.ex., grâce à des pièces équipées de sysmesure de la pression sanguine grâce tèmes interactifs dits intelligents. au téléphone mobile, appareil mobile d’ultrasons, pilulier électronique); D’autres tendances élargissent le champ 3. les services mobiles (p.ex. prescripde vision des thèmes à la mode comme tion de médicaments en ligne la saisie de données pour l’auto-surveil(«ePrescription»), consultation lance, p.ex. la mesure du nombre de pas
ou du sommeil («Quantified Self-movement»), l’analyse de grandes quantités de données issues de nombreuses sources («Big Data»), l’analyse de données de santé, les forums de discussion des patients («ePatient Crowdsourcing») et la santé personnalisée. Le marché pour les fonctionnalités mHealth s’est développé rapidement ces dernières années et a connu plusieurs phases de développement: il est passé du stade de tests initiaux et de recherche (jusqu’à 2008) à la phase actuelle de commercialisation (2008 à 2015) et devrait atteindre ensuite une phase d’implémentation (dès 2015). Des études attestent que ces nouvelles possibilités de saisie et d’évaluation des données ainsi que de communication, ont un potentiel d’économie de temps et de coûts grâce à la gestion efficace de processus et de communication, à la participation aux décisions et aux possibilités de disposer des prestations personnalisées de prévention et des services de santé. Ce sont bien souvent les patients eux-mêmes qui sont à l'origine de nombreux développements dans le domaine mHealth. Il faut noter que le potentiel de mHealth ne se réduit souvent pas uniquement aux innovations technologiques des programmes (Software et Hardware) et de leur mise en réseau, mais se fonde aussi sur une profonde mutation des pratiques de la communication.
notre coalition? Jusqu’où pouvons-nous aller? Ces questions sont centrales dans la définition de nos stratégies politiques. Dans un système démocratique, l’essentiel n’est pas tant d’avoir raison que d’obtenir une majorité. Nuance subtile qui nous montre d’emblée que la science ne peut prétendre gouverner la politique. Cette belle idée, développée par Platon dans le politique, n’a malheureusement jamais pu trouver un terrain d’application. Ce sont donc les intérêts des différentes composantes du système social qui, sur la base de compromis entre eux, déterminent l’issue des processus politiques. Ainsi, par définition pourrait-on dire, les politiques publiques ne peuvent être evidenced-based. Par contre, elles peuvent être evidenced-informed, à savoir des politiques publiques qui s’appuient sur les données scientifiques disponibles. En d’autres termes, la direction procède de la politique mais l’application peut procéder de l’expertise des spécialistes du domaine. Le système politique suisse fonctionne comme cela. Il prévoit que chaque do-
– Quels sont les équilibres politiques en présence? Une analyse des forces en présence s’avère indispensable pour déterminer jusqu’où nous devons nous décentrer de nos demandes initiales. – Quelle est notre envie de résultat à court terme? Plus ce résultat est indispensable, plus nous devons nous ouvrir à des alliances, y compris contre nature. Une attitude plus intransigeante peut aussi se révéler légitime, mais l’effet escompté sera alors sur le long terme. Les réponses à ces deux questions doivent nous aider à déterminer nos stratégies.
Lien: www.ikf.ch Contact: Patricia Elias, section projets d’innovation, patricia.elias@bag.admin.ch
Forum Alliances politiques: jusqu’où aller trop loin? Comment construire des alliances pour une politique cohérente des addictions? Telle est la question centrale dans le travail politique des associations professionnelles. La consommation de produits psychotropes est une réalité de nos sociétés qui touche un nombre important de personnes et d’institutions. Par voie de conséquence, les questions touchant à l’addiction sont aussi des objets politiques complexes font intervenir un grand nombre d’intérêts souvent divergents. Cette diversité d’approches demande de réfléchir d’emblée aux stratégies d’alliances possibles avec d’autres acteurs du champ social, non-issus de la santé publique. En effet, bien que très crédibles, les arguments de santé publique ne peuvent convaincre à eux seuls une majorité politique, comme l’histoire nous l’a appris. Dès lors, comment nouer des relations avec des partenaires? A quel point devons-nous ouvrir
maine revendique ses positions sur les objets politiques. Comme la majorité fait foi, le critère déterminant devient le «mehrheitsfähig», soit la capacité à avoir une alliance plus large que son adversaire. Le jeu des alliances n’est en effet pas sans risques. S’associer à d’autres signifie aussi se décentrer afin de rendre compatibles nos positions avec nos partenaires. Plus une coalition est large, plus son centre de gravité nous échappe, mais plus ses chances de succès sont grandes. Il s’agit avant tout de savoir ce que l’on veut. Pour un résultat escompté à court terme, dans une période de crise par exemple, le compromis devient indispensable et la souplesse de nos positions une nécessité vitale. La révision de la loi sur les stupéfiants nous fournit un tel exemple. Et qu’en est-il pour l’alcool et les jeux d’argent, deux sujets de société aussi à l’ordre du jour législatif suisse? La réponse à cette question procède de la réponse à deux questions fondamentales.
Jean-Félix Savary, secrétaire général Groupement Romand d’Etudes des Addictions, GREA
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Court métrage consacré au service national d'interprétariat téléphonique
L’Office fédéral de la santé publique a mis en place un service national d’interprétation téléphonique pour le secteur de la santé. Il convient en particulier aux entretiens brefs à toute heure du jour et de la nuit, aux situations d’urgence, à des entretiens pour lesquels aucun interprète communautaire n’est disponible sur place ainsi qu’aux cas pour lesquels l’anonymat de la patiente ou du patient doit être préservé. Un nouveau court métrage montre au moyen d’exemples concrets comment fonctionne le service d’interprétariat par téléphone et ce dont il faut tenir compte lorsque l’on y recourt.
www.miges.admin.ch
Rapport « Gérer la diversité en milieu hospitalier »
Ce rapport documente les résultats obtenus jusqu'ici par les Migrant Friendly Hospitals. L’Office fédéral de la santé publique encourage, avec le soutien de H+ et par le biais du projet Migrant friendly hospitals, le développement de centres de compétences adaptés aux besoins de la population migrante.
www.miges.admin.ch (-> Migrant Friendly Hospitals)
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21–22 août 2014 Haute Ecole Spécialisée du NordOuest de la Suisse – Campus Olten
La Conférence aura lieu dans les nouveaux locaux de la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse à Olten. Elle sera organisée en collaboration avec le Réseau Santé Psychique Suisse et sera donc, par la même occasion, la «3ème rencontre du Réseau Santé Psychique Suisse». Des experts renommés de Suisse et de l’étranger informeront sur l’état de la recherche actuelle et tiendront des exposés pertinents pour la pratique. Un manifeste résumant les revendications importantes en matière de santé psychique en Suisse sera présenté et discuté lors de la conférence. Les participants auront la possibilité d’approfondir vos connaissances dans des ateliers et de vous entretenir avec des spécialistes. Le but est d'ouvrir un large débat sur la «Public Mental Health» en Suisse et d’établir cette discipline comme objectif de santé en Suisse, conformément à la stratégie santé2020 élaborée par le Conseil fédéral.
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La santé à tous les âges: Ce que les entreprises et leurs collaborateurs peuvent faire
www.promotionsante.ch
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Conférence Suisse de Santé Publique 2014 3e Rencontre du Réseau Santé Psychique Suisse
Mercredi 3 septembre 2014, Université de Fribourg (Suisse) Congrès national pour la promotion de la santé en entreprise 2014
La santé des actifs de tous âges est une condition indispensable à la productivité élevée de l’économie suisse. Le recrutement et la fidélisation de collaborateurs qualifiés sont pour toute entreprise les garants du savoir-faire, de la qualité et des bénéfices. Le congrès met en lumière les aspects pertinents en matière de santé de tous les groupes d’âges au sein de l’entreprise. Des exemples pratiques de gestion de la santé et des différents groupes d’âges au sein de sociétés privées et publiques seront présentés et débattus.
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Veuillez me faire parvenir les exemplaires suivants de «spectra»: nombre
en allemand en français en anglais
Adresse d’envoi: Nom
spectra online: www.spectra.bag.admin.ch Impressum • spectra No 104, Mai 2014 «spectra – Prévention et promotion de la santé» est un bulletin d’information de l’Office fédéral de la santé publique qui paraît six fois par an en français, en allemand et en anglais. Il publie également des opinions qui ne coïncident pas avec la position officielle de l’office.
Textes: Collaborateurs de l’OFSP, Christoph Hoigné et autres auteurs Traduction: Marie-Françoise Jung-Moiroud, BMP Translations AG Photos: OFSP, Christoph Hoigné, iStockphoto Graphisme: Lebrecht typ-o-grafik, 3006 Berne Impression: Büetiger AG, 4562 Biberist Tirage: 6 400 ex. allemands, 3 400 ex. français, 1050 ex. anglais
Editeur: Office fédéral de la santé publique 3003 Berne, Tél. 031 323 54 59, Fax 031 324 90 33, www.bag.admin.ch Réalisation: Pressebüro Christoph Hoigné, Allmendstr. 24, 3014 Berne christoph.hoigne@la-cappella.ch
Il est possible de commander des numéros séparés et des abonnements gratuits à: GEWA, Alpenstrasse 58, Case postale, 3052 Zollikofen Téléphone 031 919 13 13, Fax 031 919 13 14, service@gewa.ch
Responsable de la commission de rédaction: Adrian Kammer, adrian.kammer@bag.admin.ch
Le prochain numéro paraîtra en juillet 2014
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Aide aux joueurs excessif Prévention de l’addiction au jeu. Le jeu excessif est un problème de société croissant. Environ 3 pourcent de la population suisse, soit quelque 250’000 personnes, sont directement concernées et, si l’on ajoute les proches, près d’un cinquième de nos concitoyens souffrent des conséquences du jeu excessif. Le nouvel article 106 de la Constitution fédérale octroie à la Confédération la possibilité de légiférer de manière globale sur les jeux d’argent. À vrai dire une orientation importante pour la prévention comportementale. Mais cette chance sera-t-elle saisie? L’addiction au jeu est un trouble psychique reconnu. D’après le référentiel Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5) le «jeu pathologique» fait partie du groupe «trouble du contrôle des impulsions». Si l’État autorise les jeux d’argent, il est également de son devoir de protéger la société et les individus des conséquences négatives du jeu excessif.
Isolement, suicide et coût social Les effets du jeu excessif sur l’individu et son entourage sont similaires à ceux d’autres addictions. Les personnes touchées présentent souvent un autre trouble psychique tel que la dépression ou des symptômes de stress, beaucoup sont aussi suicidaires: près d’un tiers des personnes qui viennent en consultation disent avoir des pensées suicidaires. Une étude conduite au Canada rapporte que près de 5 pourcent des suicides aboutis sont imputables à une addiction au jeu. À l’échelle de la Suisse, cela concernerait 50 à 100 suicides par année. Les joueurs pathologiques ou les personnes ayant un comportement de jeu problématique ont également une consommation de substances nettement plus problématique que le reste de la population: près de 60 pourcent consomment du tabac, 40 pourcent ont une consommation problématique d’alcool et 4 pourcent consomment des substances illégales. L’addiction au jeu n’a pas seulement des effets sur la santé mais est aussi souvent une source de problèmes sociaux profonds. La question de l’endettement est particulièrement importante pour les joueurs. Près de 17 pourcent des joueurs excessifs sont mis en faillite personnelle. Pour beaucoup, le jeu pathologique entraîne des conflits avec l’entourage (séparation, divorce, conflits au travail) et un isolement social croissant. L’addiction au jeu conduit les personnes touchées à la dépression et au stress. Honte, culpabilité et désespoir sont leur quotidien. Les adolescents et les hommes sont plus vulnérables à un comportement de jeu problématique ou à une dépendance. Des études ont souligné une corrélation avec un statut social plutôt modeste. Ces trois dernières années, plusieurs cantons ont enregistré une nette augmentation des demandes de personnes addictes au jeu.
Une étude de l’Institut de recherches économiques de l’Université de Neuchâtel datant de 2012 estime l’ensemble du coût social du jeu excessif entre 545 et 658 millions de francs par an.
Un marché au potentiel de croissance Le marché du ‘gaming’ est en forte croissance. Les revenus bruts de jeu ont triplé ces dix dernières années. En 2012, près de 957 millions ont été dépensés au jeu dans les casinos de jeu suisses, et 910 millions aux jeux de loteries et paris divers. Les recettes engrangées par les maisons de jeu en 2012 ont servi à financer l’AVS à hauteur de près de 320 millions de francs, et les cantons ont pu soutenir (via les fonds cantonaux de loterie) des manifestations et des projets sportifs, culturels et sociaux grâce aux produits des jeux de loterie. Selon des études étrangères, un tiers environ des recettes brutes de jeu proviennent de joueurs pathologiques qui ne représentent que 4 pourcent de la clientèle. La nouvelle loi sur les jeux d’argent veut non seulement améliorer la coordination des jeux de loterie et des maisons de jeu mais également autoriser les jeux en ligne en Suisse. Un regard sur ce qui se passe à l’étranger montre qu’il s’agit d’un marché opaque qui pose des défis importants aux autorités accordant les concessions comme à la prévention. Cette nouvelle situation ne fera qu'augmenter encore le risque de dépendance. À partir du moment où les jeux sont disponibles sans limite sur les Smartphones pour les adultes, ainsi que pour les jeunes de moins de 18 ans, il est difficile de poser ses propres limites. Les opérateurs de jeu n’ont pas non plus de moyens d’identifier, par exemple, les joueurs vulnérables susceptibles de développer une addiction au jeu ou de s’endetter massivement en raison d’un comportement excessif au jeu d’argent.
Nouvelle base légale La loi sur les jeux d’argent repose sur l’article 106 de la Constitution fédérale et remplacera les anciennes lois sur les loteries et sur les maisons de jeu. Actuellement, les loteries et les paris sont régis par la loi sur les loteries et sont de la compétence des cantons. Ces derniers assument la surveillance par le bais de de la Conférence des directeurs cantonaux chargés du marché des loteries et de la loi sur les loteries. La Commission des loteries et paris (Comlot) attribue les concessions et la Conférence des directeurs cantonaux chargés du marché des loteries et de la loi sur les loteries assume un rôle de surveillance sur les activités cantonales en la matière. Les recettes de jeu sont versées dans les fonds cantonaux de loterie grâce auxquels les cantons soutiennent des manifestations et des projets sportifs, culturels et sociaux. Actuellement, une part de 0,5 pourcent de ces recettes est utilisée obligatoirement pour la prévention, la détection précoce et le traitement de l’addiction au jeu.
Les casinos sont soumis à la loi sur les maisons de jeu. La surveillance incombe à la Commission fédérale des maisons de jeu qui attribue aux casinos des concessions de type A ou de type B. Les recettes des casinos sont versées en grande partie à l’AVS et (pour les casinos de type B) aux cantons d’implantation. Il n’existe pas de taxe contre la dépendance au jeu dans ce domaine, mais les exploitants de casino sont tenus de prendre des mesures de prévention et de détection précoce. Pour répondre au mandat de l’article de la Constitution de prendre «les dispositions législatives et les mesures de surveillance propres à assurer une protection adaptée aux spécificités des jeux ainsi qu’au lieu et au mode d’exploitation de l’offre» il est prévu, dans la nouvelle loi, d’instaurer une commission d’experts indépendante mandatée pour conseiller les autorités chargées de faire appliquer cette loi, c'est-à-dire les cantons, les opérateurs de jeux et les spécialistes de la prévention et du traitement des addictions. De plus, cette commission formulera des recommandations de détection précoce, suivra les évolutions nationales et internationales dans tous les domaines de l’addiction au jeu et informera régulièrement le Conseil fédéral et les cantons de son travail. L’obligation pour les opérateurs de jeux de prendre des mesures de prévention contre le jeu excessif reste ancrée dans la loi.
Ce souhait de meilleure intégration de la prévention dans les processus d’autorisation est accompagné de celui d’une amélioration des échanges entre la recherche et la pratique dans les prochaines années. La diversité des conséquences d’une dépendance au jeu soulève en effet de nombreuses questions tant en matière de santé publique que de sécurité sociale.
Politique des quatre piliers pour le jeu excessif
Il semblerait que la prévention du jeu excessif puisse s’étayer sur les expériences faites en Suisse avec l’approche de la réduction des risques dans le domaine des substances psychoactives. L’interaction entre prévention, réduction des risques, thérapie et, dans le domaine des jeux d’argent, restrictions de jeu ciblées, semble être la voie royale pour protéger les joueurs contre les dangers des jeux d’argent et pour endiguer l’addiction au jeu. À condition bien sûr de disposer de moyens suffisants, seule garantie pour mettre en place des offres de prévention et de traitement efficaces et efficientes. La taxe contre la dépendance au jeu existant actuellement devrait être conservée dans tous les cas et la possibilité d’en prélever une aussi sur les recettes de jeux dans le domaine des maisons de jeu mérite d’être étudiée. Last but not least, il est essentiel pour la prévention et la recherche d’avoir accès aux connaissances des opérateurs de jeu Symposium sur le jeu excessif et des autorités de surveillance afin de Un symposium international sur le jeu garantir une collaboration optimale et un excessif s’est tenu à Neuchâtel du 15 au travail de recherche sur le jeu excessif et 17 janvier 2014. Les différentes inter- son processus d’apparition. Aujourd’hui, ventions et sessions parallèles ont per- cet échange est insuffisant; les opéramis de mettre en exergue un certain teurs de jeu, par exemple, profitent trop nombre d’éléments de synthèse. peu de l’expérience des spécialistes de Il existe des conflits d’intérêt fondamen- l’addiction et de la prévention. taux entre, d’une part, les opérateurs de En 1998, lors de l’adoption de la loi sur jeux d’argent qui cherchent à optimiser les maisons de jeu qui autorisait pour la leurs gains et, de l’autre, les acteurs du première fois les casinos en Suisse, la domaine social et de la santé dont le but prévention jouissait d’une place particuest de prévenir l’addiction au jeu chez lière. Les prochains débats politiques les individus et de protéger la société révèleront si ce sera encore le cas en des conséquences négatives du jeu 2014 et si la protection des joueurs est d’argent excessif. Il est indispensable toujours prioritaire, y compris pour les que les concessionnaires et les autorités nouveaux jeux en ligne autorisés. de la santé collaborent plus étroitement. Contact: Astrid Wüthrich, Pour ce faire, la prévention doit devenir Plate-forme de coordination une condition primordiale à l’autorisaet de services dans le domaine tion des jeux d’argent, et les autorités des dépendances, sanitaires et sociales doivent être daastrid.wuerthrich@bag.admin.ch vantage impliquées dans l’aménagement de l’offre de jeu.
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«Ne regrette rien!» Campagne «LOVE LIFE» 2014. Edith Piaf aurait pu en être la marraine: la nouvelle campagne «LOVE LIFE» est aussi passionnée et authentique que l’inoubliable hymne à la vie de la célèbre chansonnière. Le slogan «Ne regrette rien» adopté par la nouvelle campagne «LOVE LIFE» incite à vivre ses envies. Une vie pleine de passion, d’aventure, mais sans regret – grâce au préservatif.
Manifeste pour une joie de vivre sans souci
J’AIME MA VIE. J’EN PRENDS SOIN.
VIH et IST sont toujours l’affaire de tous Ces dernières années, le VIH a disparu des grands titres. Des thérapies efficaces lui ont fait perdre son caractère effrayant. Une situation réjouissante qui comprend aussi une part d’ombre: le VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles (IST) ont disparu de la conscience collective. Nombreux sont celles et ceux qui ne perçoivent plus la gravité du VIH et considèrent que ce n’est pas «leur» problème. Pourtant, le VIH et les IST sont toujours l’affaire de tous. C’est pourquoi l’objectif principal de la campagne est de réveiller les consciences: nous sommes tous concernés, et pas de plaisir sans safer sex. Pas d’index accusateur, mais un «pouce vers le haut» en signe de ralliement à une vie amoureuse pleine de plaisir mais sans soucis.
Je vis comme j’en ai envie et j’aime qui je veux. On n’a qu’une vie. Libre à moi d’en profiter ou non. Je réalise mes désirs et j’assume la responsabilité de mes choix.
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J’AIME MON CORPS. JE LE PROTÈGE.
Souhaitant rendre le sexe protégé plus attrayant que le sexe non protégé, la nouvelle campagne soutient le mouvement «LOVE LIFE – Ne regrette rien». L’objectif est que le plus grand nombre possible de personnes adhèrent à un manifeste en trois points pour une joie de vivre sans souci: Casting public – J’aime ma vie. J’en prends soin. La nouvelle campagne recherche des – J’aime mon corps. Je le protège. couples et des personnes seules pour – Je ne regrette rien. J’y veille.
Adhérer et participer Sur la page Campagne du site www.lovelife.ch, chacune et chacun peut adhérer au manifeste, commander une bague rose ou un autre article et participer ainsi activement au mouvement. La nouvelle campagne innove toutefois en lançant un casting public (voir encadré) destiné à montrer la véritable sensualité d’authentiques amoureux en Suisse pour illustrer les thèmes choisis. Enfin, un blog «lovelifenoregrets» créé sur le site accompagnera, commentera et documentera le mouvement.
illustrer ses sujets. Les conditions de participation sont les suivantes: être capable de montrer sa passion devant la caméra, être âgé de 18 ans et plus, les candidats plus âgés, les hétérosexuels ou les LGBT (Lesbian, Gay, Bisexual et Trans) sont les bienvenus. Les candidats seront photographiés par Diana Scheunemann, photographe d’art et de mode renommée. Infos et candidatures sur www.lovelife.ch
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Mon corps est le moteur de ma vie. Je le protège des infections sexuellement transmissibles comme le VIH : que je sois célibataire, infidèle ou en dehors d’une relation stable, j’utilise le préservatif et j’observe les règles du safer sex. Si je vis une relation de couple basée sur la fidélité et que nous avons fait un test de dépistage, alors nous pouvons renoncer au préservatif.
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JE NE REGRETTE RIEN. J’Y VEILLE. D’habitude, on ne regrette pas ce qu’on fait, mais ce qu’on n’a pas fait : une aventure, une conversation ou... le safer sex. Moi, je veux pouvoir dire à tout moment : « Je ne regrette rien. »
Contact: Norina Schwendener, section Campagnes, norina.schwendener@bag.admin.ch
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ANNONCE LA COULEUR. Porte l’anneau LOVE LIFE pour montrer que tu as dit oui au manifeste. Montre que tu profites de la vie et que tu fais en sorte de n’avoir aucun regret. Des manifestes et anneaux supplémentaires sont disponibles sur lovelife.ch LOVE LIFE est réalisée par :
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