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Office fédéral de la santé publique 3003 Berne, www.bag.admin.ch Février 2004/no 43

Santé et égalité des droits Gender Health: l’égalité des femmes et des hommes devant le système de santé est encore loin d’être réalisée, faute d’institutionnalisation du principe d’égalité. Une politique tenant compte des spécificités des sexes dans tous les domaines de la santé publique doit aussi pallier les inégalités existantes en Suisse.

Prévention et promotion de la santé

spectra

Entretien

L

es facteurs qui ont une influence sur la santé des femmes et des hommes sont différents. Par exemple, quand les hommes souffrent de stress au travail, c’est parce qu’ils sont souvent dérangés dans leur travail ou qu’ils doivent gérer et exécuter trop de tâches différentes à la fois. Pour les femmes en revanche, le stress au travail est surtout de nature sociale: conflits, mauvaise ambiance de travail, manque de reconnaissance et harcèlement sont les principaux facteurs de stress. Une bonne politique de santé devrait donc tenir compte des différents besoins, des obstacles et des chances des femmes et des hommes. D’autant plus que tout être humain – femme, homme ou enfant – a le droit d’atteindre la meilleure santé possible et de la conserver, principe ancré dans les écrits de l’OMS et de l’ONU.

P. P.

3052 Zollikofen

Respecter les différences Il existe deux stratégies pour aborder les discriminations liées au genre: d’une part, une politique de santé qui répond de manière spécifique aux différents besoins des femmes et des hommes par des mesures ciblées; d’autre part, le «Gender Mainstreaming» qui a pour but de tenir systématiquement compte des particularités physiques, psychologiques et sociales des femmes et des hommes dans tous les secteurs de la santé publique. D’une manière générale, les rôles masculins et féminins n’ont pas une valeur sociale égale, la plus grande valeur étant accordée au rôle masculin. Prenons l’exemple de la violence et de la santé: il existe, certes, des institutions pour les femmes touchées par ces problèmes, comme les maisons de femmes et les permanences d’accueil pour les femmes et les filles victimes de viol, mais elles sont encore aujourd’hui domiciliées dans une zone de services «alternatifs». Il n’y a pas de prise en charge couvrant l’ensemble de la Suisse et ces institutions sont insuffisamment subventionnées. Prenons un autre exemple: les femmes ont, statistiquement parlant, moins d’infarctus que les hommes, en revanche elles en meurent plus souvent, constatation qui, jusqu’à présent, n’a pas fait son entrée par-

tout dans les cursus de formation ni dans la littérature scientifique. Gender Mainstreaming est un processus technique et politique. Les différences entre les sexes sont systématiquement prises en considération lors de la formulation, de la réalisation et de l’évaluation des programmes et des politiques de santé publique. Ce processus requiert une redéfinition des objectifs, des organisations et des structures de la politique de santé.

Ancrer dans la politique sanitaire Il n’existe pas encore, en Suisse, de politique de santé de genre au sens propre du mot. La Confédération a toutefois fait un geste significatif en créant en 2001, après un long processus de sensibilisation au niveau politique, le service Gender Health au sein de l’Office fédéral de la santé publique. Après le mouvement de libération des femmes des années septante, focalisé essentiellement sur les aspects physiologiques et sociaux de la santé féminine, après les nombreuses créations d’institutions au cours des années quatre-vingt, les institutions étatiques ont fait, elles aussi, un pas important en direction du développement d’offres plus appropriées aux deux sexes: les offices cantonaux de prévention des dépendances et de promotion de la santé ont créé, au cours des 12 dernières années, soutenus par un mandat de l’OFSP de genre en matière de dépendances, de nombreuses offres pour les jeunes filles, pour les femmes, mais aussi pour les hommes. La fondation Promotion Santé Suisse s’engage dans le travail socio-éducatif, Radix dans la promotion de la santé spécifique aux hommes et dans le domaine de la santé sexuelle, les bureaux d’Aide suisse contre le sida et ceux du planning familial PLANes ont adapté leurs offres aux besoins spécifiques des femmes. Gender Health a également fait son entrée dans les soins en général et dans les cursus de formation postgrade. Mais les mandats de prestations pour la mise en place de projets sexospécifiques sont actuellement très peu nombreux et, de surcroît, ces projets désuite page 2

Des projets distincts pour les filles et pour les garçons. Identifier les adolescents à risques et en situation de crise et les aider à franchir le pas vers leur vie d’adulte est l’objectif des projets de supra-f. La ville de Winterthour a créé deux institutions à cet effet, «jump» pour les garçons et «jumpina» pour les filles. Les responsables décrivent, au cours d’un entretien, les origines du projet et les besoins complètement distincts des deux sexes. >> pages 4/5 Dépendance chez les aînés La joie de vivre a un effet préventif. Peu d’études se sont penchées sur les problèmes de dépendances chez les personnes âgées. Certaines statistiques, comme celles du Rapport sur la santé de 1997, font état d’une forte augmentation de la consommation de somnifères, d’antalgiques et de calmants chez les femmes à partir de 60 ans et chez les hommes à partir de 70 ans. Le professeur Ambros Uchtenhagen, fondateur de l’Institut de recherche sur les addictions, a abordé ce sujet dans le cadre d’une conférence à >> page 6 Berne. spectra Information interne. «spectra» paraît depuis bientôt 10 ans. La dernière évaluation a révélé l’importance de cet organe d’information pour l’Office fédéral de la santé publique. «spectra» livre des informations sur les nombreuses activités de prévention et de promotion de la santé conduites ou soutenues par la Confédération et est apprécié des lecteurs en tant que source d’information complète et fiable. Le «nouveau spectra» est arrivé, avec une nouvelle mise en page et quelques améliorations >> page 6 de contenu. Programmes de mesures contre la drogue L’effet de la politique des quatre piliers. L’évaluation du programme de la Confédération pour réduire les problèmes de drogue 1998-2003 (ProMeDro II) tire le bilan des dernières années. Si la consommation d’héroïne a baissé, celle de cocaïne et de cannabis est en hausse. La politique globale conduite en matière de drogue et reposant sur le principe des quatre piliers (prévention, traitements, réduction des risques et répression) a sans aucun doute contribué à réduire considérablement le nombre de décès dus à la drogue. >> page 8


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Une prévention de la toxicomanie vraiment efficace? Sexospécificité en matière de prévention des dépendances: l’objectif de la prévention de la toxicomanie est, précisément, de préserver des dépendances. Y parvient-elle? Tient-elle compte du genre? Une étude conduite par Claudia Meier en collaboration avec l’Institut de psychologie de l’Université de Berne a analysé la situation.

I

l est manifestement difficile de prouver l’efficacité de la prévention de la toxicomanie en Suisse, faute d’un nombre suffisant d’individus, de projets de prévention et d’institutions véritablement comparables, exploitables par de grandes enquêtes randomisées. En Suisse en effet, la prévention de la toxicomanie est répartie dans les cantons et les communes sur un grand nombre d’institutions s’adressant chacune à un nombre encore plus grand de groupes cibles. Donc, même si ces institutions atteignent leurs objectifs de prévention, il n’a pas été possible jusqu’ici de constater avec certitude le recul effectif du nombre de dépendances. L’étude menée par Claudia Meier en collaboration avec l’Institut de psychologie de l’Université de Berne livre une méthode qui permet d’analyser la situation de manière systématique.

Intégrer les connaissances pratiques L’étude part de l’hypothèse qu’un programme ou un projet contribue efficacement à la baisse des dépendances lorsqu’il atteint des objectifs dont il est prouvé qu’ils participent à cette réduction. Mais quels sont les objectifs de prévention, parmi ceux qui font l’objet des débats actuels, qui satisfont à cette exigence? La réponse est la suivante: lorsqu’il a été prouvé plusieurs fois, sans conteste et de manière indépendante, aux niveaux scientifique et pratique que, par exemple, l’augmentation du sens des clients pour leur propre valeur conduit réellement à une réduction de la consommation de drogue, alors on peut dire que l’institution qui atteint cet objectif contribue efficacement à une baisse des dépendances. Il est donc possible de déterminer les objectifs d’intervention capables de réduire directement les dépendances et

ceux qui ne le sont pas. Pour la première fois en Suisse, une étude a intégré systématiquement les connaissances pratiques des gens de terrain. En matière de prévention sexospécifique l’étude constate, dans un premier temps, que seul un quart des objectifs d’intervention efficaces tient compte du genre. Toutefois, il est également apparu que les connaissances sexospécifiques occupent déjà une place honorable dans la recherche et dans la pratique bien que la prévention tenant compte du genre ne se soit établie en Suisse et en Europe que ces dix dernières années.

Trouver son identité sexuelle Environ 60% des experts considèrent que le soutien apporté aux jeunes filles et aux garçons dans la recherche de leur identité sexuelle représente un objectif d’intervention efficace pour la prévention des dépendances. La situation est la suivante: les clichés sur la virilité influencent le comportement des garçons en matière de boisson, quant aux filles qui fument, elles sont convaincues que fumer leur assure la maîtrise de leur poids. L’éducation sexuelle peut donc être un moyen de prévention important et efficace. Un autre objectif d’intervention important en matière de dépendance réside dans l’équilibre des aptitudes, différentes selon le sexe et la socialisation, à maîtriser les problèmes. Ainsi, les garçons et les hommes doivent apprendre à mieux assumer leurs sentiments, les jeunes filles et les femmes à mieux assumer leurs limites et leurs droits. D’autres aspects de politique d’égalité des droits jouent un rôle préventif efficace: l’égalité des chances dans la formation et le travail, la compatibilité de la vie professionnelle et de la vie familiale ou, du point de vue de la pratique, la

mise en place de réseaux sociaux offrant les mêmes chances aux deux sexes et l’amélioration en général des relations entre les femmes et les hommes.

Autoconsidération et sentiment Pour pouvoir se protéger des dépendances, les femmes et les jeunes filles doivent développer un sentiment positif et féminin de considération pour elles-mêmes, d’autonomie, d’indépendance et de résistance. Pour ce faire, elles ont besoin d’un environnement social qui exclut la violence et l’exploitation sexuelles. Pour les jeunes gens et les hommes, on ne connaît pas encore d’objectifs d’intervention vraiment efficaces. On parle notamment de faire accepter

Impressum

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pendent avant tout d’un engagement individuel.

«spectra – Prévention et promotion de la santé» est un bulletin d’information de l’Office fédéral de la santé publique qui paraît six fois par an en français, en allemand et en anglais. Il publie également des opinions qui ne coïncident pas avec la position officielle de l’office. Editeur: Office fédéral de la santé publique, 3003 Berne, tél. 031 323 54 59, fax 031 322 24 54 www.bag.admin.ch Réalisation: Pressebüro Christoph Hoigné, Allmendstrasse 24, 3014 Berne hoigne@datacomm.ch

Responsable de la commission de rédaction: Markus Allemann, markus.allemann@bag. admin.ch Textes: Collaborateurs de l’OFSP, Chr. Hoigné et d’autres auteurs Traduction: Marie-Françoise DörigMoiroud

Tirage: 5500 ex. allemands, 4000 ex. français, 2000 ex. anglais Il est possible de commander des numéros séparés à: Office fédéral de la santé publique, Section campagnes et marketing, CH-3003 Berne, tél. 031 323 87 79, fax 031 322 24 54

Photos: Christoph Hoigné Graphisme: Lebrecht typ-o-grafik, 3147 Aekenmatt Impression: Beag Druck AG, Emmenbrücke

Le prochain numéro paraîtra fin mars 2004.

Acquérir des connaissances et les approfondir Les progrès de la science, de la pratique et de la politique au niveau de Gender Health sont patents et incontestables. Mais, alors que le mouvement de la «santé au masculin» cherche à modifier les éléments de l’acception traditionnelle de la masculinité, les femmes adoptent dans leurs comportements de consommation et de travail de plus en plus d’éléments typiquement masculins et nocifs à la santé. D’un côté, le corps de la femme chosifié et sexualisé a enfin disparu de la publicité pour les produits de santé mais il a été remplacé par des corps d’hommes. La sexospécificité en matière de santé deviendra efficace si l’on poursuit les investigations et que l’on intègre en conséquence les connaissances acquises dans les formations. Les institutions de formation devraient adapter leurs programmes d’appren-

leurs faiblesses aux hommes, ou de les encourager à nouer des amitiés masculines. Mais l’étude constate que le travail préliminaire théorique effectué par les scientifiques est encore insuffisamment intégré dans la recherche pratique. L’étude conclut sur l’effet avéré des projets de prévention conduits dans le cadre d’objectifs d’intervention empiriquement reconnus comme valables.

Commande: l’étude paraîtra au mois de juin; une version abrégée est prévue pour le mois de novembre 2004. Réservations possibles à l’adresse ci-dessous. Contact: Claudia Meier, Breitfeldstrasse 29, 3014 Berne

tissage aux connaissances les plus récentes et inclure systématiquement dans l’apprentissage et la pratique la sexospécificité en matière de prévention et de santé. Contact: Service Gender Health www.bag.admin.ch/gender/d/ index.htm Source: Sida Infothèque 2/03


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La mission du service Gender Health

En première ligne

Améliorer la santé des femmes et des hommes. Créé en 2001, le Service Gender Health de l’Office fédéral de la santé publique participe, depuis, à une politique de santé tenant compte des deux sexes et donc à l’amélioration de la santé des femmes et des hommes en Suisse. et des ressources spécifiques aux sexes dans tous les domaines relevant de la santé publique (politique, recherche et pratique).

Pour les femmes et pour les hommes

L

a Suisse a signé avec l’ONU et l’OMS des accords de politique de santé tenant compte des besoins des deux sexes. Dans cette optique, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) s’est engagé en faveur d’une politique de santé non discriminatoire et a créé, en 2001, un service chargé, au niveau national, des questions relatives à la santé spécifique aux sexes (Gender Health). Ce service a pour objectif la prise en compte systématique des besoins, des risques

Forum Economie sanitaire: un cas d’école Enfant, j’ai dû, chaque hiver, faire moi aussi une cure d’huile de foie de morue. Impossible de lutter contre ce goût exécrable qui ne me quittait pas de la journée; l’arôme d’orange ou la présentation en gélules n’ont pas vraiment amélioré les choses. Je me souviens des efforts déployés par ma mère pour me faire avaler cette chose répugnante. Quel soulagement à l’apparition des premières préparations multi vitaminées! On aurait dit des pastilles de chocolat et, malgré leur goût décevant, elles étaient pour moi l’incarnation même du progrès en matière de santé. Ma mère acheta ces vitamines nettement plus onéreuses en plein hiver, bien qu’elle fût convaincue de la meilleure efficacité des gélules d’huile de foie de morue dont les derniers exemplaires restèrent longtemps relégués dans le buffet de la cuisine, avant de disparaître un beau jour à tout jamais. Au niveau économique, cette anecdote suscite diverses réflexions. D’un point de vue strictement théorique, la décision aurait dû revenir à mon père qui gagnait, seul, l’argent pour entretenir toute la famille. Il se serait probablement prononcé en faveur de l’huile de foie de morue, meilleur marché.

La nécessité de mettre en oeuvre une politique et une pratique sanitaires tenant compte des deux sexes est bien réelle, notamment dans les domaines de la recherche sur la santé et les maladies des femmes, mais aussi de l’étude de thèmes spécifiques à la santé des hommes. La Suisse a un grand retard à rattraper pour avoir trop souvent négligé, jusqu’ici, la variable genre dans la recherche. Or, l’importance des aspects liés au genre comme facteur d’influence sur l’évolution de la santé et des maladies humaines est connue depuis longtemps. Le service Gender Health conçoit des projets relatifs aux thèmes de la santé des femmes et des hommes; les thèmes de recherche actuels sont les suivants: «Les coûts de la santé imputables aux femmes sont-ils plus élevés que ceux imputables aux hommes?» Le service a réalisé, avec la collaboration de l’Observatoire suisse de la santé, de Neuchâtel (OBSAN), une analyse des coûts de la santé, en les différenciant selon le sexe. «La pauvreté favorise-t-elle les maladies?» Le programme prioritaire «Pauvreté des femmes, travail et santé» s’intéresse au comportement de santé des femmes en situation précaire. Dans une seconde étape, il vise à élaborer des stratégies et des offres permettant une amélioration durable

Il est de notoriété publique que l’aspect de l’efficacité des mesures médicales est objet de débat et représente une question délicate en matière d’économie sanitaire. Mais là n’est pas la question: bien que d’accord avec mon père sur la supériorité médicale de l’huile de foie de morue, ma mère n’a vraisemblablement pas pris la décision que mon père aurait prise. Pour elle, des facteurs autres que celui du prix entraient en ligne de compte: l’énergie investie dans le travail d’éducation et le bien-être (ou le mal-être, en l’occurrence) de l’enfant. La préférence accordée aux vitamines lui facilitait le travail et me rendait moins malheureuse – améliorant ainsi nos relations. En termes d’économie, elle atteignait un profit marginal élevé à moindres frais. La décision de mon père aurait été, quant à elle, relativement sous-optimale pour la famille. L’économie sanitaire est prisonnière de cette logique étroite et trompeuse, celle-là même qui aurait fait pencher la décision paternelle en faveur de l’huile de foie de morue. Elle occulte des questions importantes. Ainsi, on ne parle presque jamais des soignant(e)s et physiothérapeutes, plus de 100’000 en Suisse – dont 90% sont des femmes – parce qu’ils n’ont aucune compétence en matière de décision et vraisemblablement aussi parce qu’il s’agit de femmes. Ce sont pourtant ces personnes qui fournissent des soins quotidiens, comme

de la situation individuelle des femmes dans l’indigence.

Renforcer le réseau de recherche Le service Gender Health est à l’origine de la création, en novembre 2003, du réseau national pour la recherche sur la santé de l’homme et de la femme. Les structures existantes seront renforcées afin de garantir à long terme les échanges entre les chercheurs, au niveau suisse et international. Le service Gender Health tient également à la disposition des personnes intéressées des fiches d’information, du matériel de travail, des rapports et des bases sur le thème Gender Health (Pauvreté, genre et santé; Age, genre et santé; Santé des femmes et des hommes; Politique d’égalité des sexes, national; Genre et santé, international). Ces documents peuvent être téléchargés sur Internet (www.bag. admin.ch/gender/f/). Enfin, le service Gender Health prépare des sujets à l’attention du Conseil fédéral et du Parlement dans le domaine de la santé publique tenant compte du genre. Il a un rôle consultatif auprès de services demandeurs, au sein et en dehors de l’Administration fédérale, et participe de manière ponctuelle à des manifestations de formation continue à l’adresse d’experts du Gender Health. Contact: Service Gender Health, OFSP, 3003 Berne, tél. 031 325 43 45, fax 031 323 88 05, claudia.meier@bag.admin.ch des centaines de milliers d’autres femmes, payées et non payées. Pas une ligne dans la littérature d’économie sanitaire sur le fait que le travail de santé est fourni principalement par des femmes qui, non seulement luttent contre les maladies mais se préoccupent de la santé des individus et posent les bases du bien-être de la société. Où mentionne-t-on l’importance des prestations ou des relations humaines pour les réussites médicales? Pratiquement nulle part, car ces facteurs suivent une autre logique économique et d’autres rythmes que ceux de la production de biens de consommation. Pas de trace non plus d’une réflexion sur l’importance potentielle de ces aspects sur les modèles de décision en matière d’économie sanitaire. La grande majorité des personnes actives dans le domaine de la santé, payées ou non payées, sont des femmes. Pourtant, elles ne sont que très peu présentes dans le débat public malgré tout ce qu’elles auraient à dire. Les controverses actuelles sur la politique de la santé demeurent dominées par des hommes, politiciens, économistes de la santé, représentants des groupes d’intérêt ou journalistes. Impossible que les choses aillent bien dans ces conditions. Mascha Madörin, économiste

L’Office fédéral de la santé publique s’engage pour une politique de la santé égalitaire. Les femmes et les hommes sont inégaux devant la santé. Quel que soit le secteur considéré, des disparités, voire des inégalités, apparaissent entre les sexes: femmes et hommes n’ont pas le même comportement, face à leur santé, de même qu’ils n’ont pas accès aux offres existant dans ce domaine de manière similaire; par ailleurs, les sexes ne sont pas égaux devant la maladie; et enfin, les connaissances spécifiques à l’un ou l’autre sexe sont encore très lacunaires dans de nombreux secteurs de santé publique. Le plan d’action de la Suisse pour l’égalité entre femmes et hommes datant de 1999 énonce 21 mesures à prendre dans le domaine de la santé. Certaines d’entre elles ont été réalisées entretemps, d’autres sont en cours de l’être. La tâche est toutefois encore vaste dans de nombreux domaines. La mesure 19 du rapport requiert la mise en place d’un «service central pour la santé des femmes». Cet objectif a pu être partiellement atteint avec la création par l’Office fédéral de la santé publique, en 2001, du service Gender Health. Ce service s’engage au niveau national en faveur d’une politique de santé pratiquant davantage l’égalité des sexes et contribue ainsi à mieux préserver la santé des femmes et des hommes en Suisse. Les besoins des femmes et des hommes en matière de santé doivent être considérés sur un pied d’égalité dans tous les secteurs de la santé publique; les deux sexes doivent avoir les mêmes droits d’accès à toutes les institutions de soins. La présente édition de spectra offre un aperçu de quelques sujets abordant le thème Gender Health, présente les acquis et les actions restants à entreprendre pour que l’on puisse enfin parler d’égalité totale en matière de santé.

Pia Tschannen et Claudia Meier Coresponsables du service Gender Health Office fédéral de la santé publique


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Garçon ou fille, on ne passe pas de la même manière de l’en Une aide différenciée pour mieux franchir le passage vers la vie d’adulte. Il existe deux institutions d’aide aux adolescents en situation de risque à Winterthour: «jump» pour les garçons et «jumpina» pour les filles. Les deux projets ont été mis sur pied par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) dans le cadre de supra-f, le programme national de recherche en prévention des dépendances chez les jeunes en situation de risque. Le financement du programme par la Confédération arrive à échéance en 2004; la ville de Winterthour assumera ensuite elle-même le financement des institutions. Nous nous sommes entretenus avec les fondateurs et responsables de jump et de jumpina ainsi qu’avec une collaboratrice. spectra: Comment jump et jumpina ont-ils été créés? Markus Städler: L’OFSP avait demandé aux villes de soumettre des concepts de prévention secondaire et d’utilité publique en faveur des enfants et des adolescents en situation de risque (de dépendances). Ernst Wohlwend, conseiller municipal en charge des affaires sociales à l’époque, a reconnu la nécessité des offres de détection précoce et jugé judicieux de développer un projet de ce type à Winterthour en profitant des subventions fédérales pour démarrer. Collaborateur du service de prévention des dépendances, j’ai convoqué un groupe de réflexion constitué d’experts de l’aide aux jeunes et des milieux scolaires, afin de cerner le type d’offre réellement adaptée à un public cible d’enfants et d’adolescents dans le besoin. Nous sommes très vite tombés d’accord sur le groupe cible. Il est en effet apparu que les jeunes posant des problèmes complexes à Winterthour étaient avant tout des garçons sortant de l’école, en attente d’une formation ou d’un travail. Ces jeunes au comportement violent, désorientés et sans grandes perspectives réelles d’avenir étaient considérés comme difficiles par les représentants des différentes organisations d’aide aux jeunes. Les demandes en offres à bas seuil et proches de ces jeunes étaient connues depuis longtemps. Un groupe de travail a donc développé un concept socio-pédagogique et l’a soumis à l’OFSP qui l’a accepté. Pourquoi ce premier projet étaitil réservé aux garçons et aux jeunes gens? Pourquoi ne pas avoir proposé un projet mixte? Markus Städler: Il est vrai que «jump», projet uniquement réservé

aux garçons, a suscité des critiques parfois violentes, reprochant aux autorités de n’avoir, une fois de plus, pris de mesures que pour les jeunes les plus bruyants et les plus perturba-

garçons et des filles. Où se situent les différences et comment agissent-elles sur le développement des jeunes? Quelles sont les ressources sociales pour les garçons, quelles sont celles pour les filles? Quelles offres différenciées devrons-nous mettre en place compte tenu de ces réflexions? La majorité des jeunes impliqués dans nos projets proviennent des couches sociales modestes. Dans

«

Les adolescentes adorent les échanges en groupe sur des sujets divers comme l’amour, la beauté, la sexualité, les sensations corporelles. Les garçons ont beaucoup plus de peine à s’ouvrir aux autres, à devenir personnels.

»

Christine Gäumann.

teurs. Le conseiller municipal Wohlwend a donc promis de tout faire pour mettre sur pied un projet de même type pour les filles le plus vite possible, afin de répondre de manière spécifique à leurs attentes et à leurs besoins. Le retrait d’un autre projet supra-f dans une autre ville a permis de libérer des fonds et de financer notre projet. Trois raisons nous avaient conduits à ne pas envisager de projet mixte: - d’abord, nous nous attendions à la participation de nombreux jeunes étrangers à ce type de projet, ce qui s’est vérifié par la suite. La pression exercée sur un jeune garçon sortant de l’école pour trouver une place d’apprentissage ou un travail est bien supérieure, en raison du statut social de l’homme dans ces familles et ces cultures, que celle qui s’exerce sur les filles. Les garçons, eux, n’ont pas d’autre choix que de poursuivre une formation ou d’entrer dans la vie active. En revanche,

jumpina: l’exemple de Samira* (15)

Samira est arrivée à jumpina il y a un mois. Elle est en fin de cycle scolaire obligatoire. Ses contacts avec jumpina doivent lui permettre de trouver une solution d’intégration après l’école. Samira a été adressée à jumpina par son maître de classe. Il n’est pas rare que les directions d’école ou la commission d’école pren-

si elle ne trouve pas de place d’apprentissage, une jeune fille turque pourra aussi assumer un autre rôle socialement reconnu dans la famille et la société;

nent contact avec jumpina dans des cas semblables. Les collaboratrices de jumpina tentent maintenant de trouver une solution avec Samira, si possible une place d’apprentissage. Samira a des projets professionnels irréalistes et les collaboratrices de jumpina doivent le lui faire comprendre. Elles l’aident à présenter sa candidature pour des places d’apprentissage qui correspondent à son niveau scolaire et pour lesquelles elle a une chance réelle. La famille de Samira est originaire des Balkans, son père est invalide. La maladie du père est omniprésente et lourde à supporter. La mère travaille à mi-temps. Les attentes de la famille de Samira sont élevées. La jeune fille n’a pas le droit d’avoir un petit ami ni de sortir le soir. Ces restrictions provoquent des réactions de rébellion qui viennent s’ajouter au stress et à la charge scolaires. Au cours d’entretiens réguliers, les collaboratrices de jumpina l’aident à cerner ses désirs et sa situation familiale. Les parents de Samira sont également conviés aux entretiens pour entendre le point de vue et les craintes de leur fille. (* prénom fictif)

- ensuite, des études révèlent que les garçons libèrent une immense réserve d’énergie lorsqu’ils obtiennent une place d’apprentissage. Pour les filles, la recherche d’une place d’apprentissage ou d’un emploi n’est souvent pas ce qu’il y a de plus important, surtout dans les familles modestes et les familles de migrants; - enfin, et c’est peut-être la raison la plus importante, le travail de prévention des dépendances est différent avec les garçons et avec les filles. Lorsque l’on travaille avec des groupes mixtes, des comportements sexospécifiques apparaissent, souvent tellement dominants qu’ils en deviennent perturbateurs au niveau de l’interaction. Dans un environnement mixte, les filles veulent plaire et être admirées, les garçons marquent leur territoire et se comportent en véritables «coqs». C’est pourquoi nous essayons depuis longtemps de travailler séparément avec les filles et les garçons dans la prévention des dépendances. Les filles peuvent ainsi se retrouver entre elles et se confier leurs expériences et les garçons finissent eux aussi, après un certain temps, par s’ouvrir pour devenir très personnels. Christine Gäumann: ces expériences, nos réflexions professionnelles et la pression que nous ressentions ont donc dicté notre choix en faveur d’un premier projet pour les garçons pour lequel nous avons utilisé les moyens financiers à disposition. Mais nous n’avons jamais abandonné l’idée d’un projet parallèle pour les filles et avons eu la chance de bénéficier de moyens financiers de l’OFSP pour lancer, en juillet 2001, le projet pour les jeunes filles. En quoi les besoins des jeunes filles diffèrent-ils de ceux des jeunes gens? Christine Gäumann: pour répondre à cette question, il faut bien connaître les conditions de socialisation des

leurs milieux, les grandes idées admises dans les couches moyennes et supérieures de la société, comme l’égalité des chances pour les filles et les garçons, n’ont pas cours, ne sont pas encore réalisées tout simplement parce que, dans leurs familles, les rôles traditionnels des femmes et des hommes sont encore très fortement ancrés. Markus Städler: dans notre société, les garçons et les filles expriment leurs problèmes de manière très différente. Les garçons et les hommes extériorisent alors que les femmes ont plutôt tendance à se replier sur elles-mêmes. Des experts venus des Etats-Unis et du Canada dans le cadre d’un échange professionnel, ont été très étonnés lors de leur visite à jump et jumpina lorsque nous leur avons fait part de cette constatation. Ils nous ont expliqué qu’en Amérique du Nord, de nombreuses filles deviennent violentes parce qu’elles imitent les modèles masculins pour exprimer leur problèmes: elles commettent des actes de vandalisme, sont agressives et violentes, voire tombent dans la criminalité, autant de comportements que nous enregistrons ici presque exclusivement chez les garçons. Par exemple, aucune jeune fille n’est arrivée à jumpina à ce jour sur la recommandation d’un juge des mineurs, alors que c’est le cas à jump pour plusieurs garçons chaque année. Les filles attirent-elles moins l’attention que les garçons? Andrea Kromer: A jumpina, peu de jeunes filles expriment leur rébellion à travers la délinquance. La majorité réagit en perturbant l’enseignement scolaire de manière active et passive. Elles ont également tendance à se réfugier dans la résignation ou la dépression, à retourner les agressions contre elles-mêmes ou à développer des troubles alimentaires. Une minorité peut proférer des menaces de violence qui, parfois, dégénèrent en bataille dans la cour de l’école.


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enfance à l’âge adulte souvent des femmes aux parcours classiques qui n’ont jamais eu la chance de faire leurs propres projets. Ces adolescentes se trouvent en conflit car elles sont confrontées dans notre société et notre culture, à d’autres projets de vie féminins. Les responsables de jumpina ne peuvent comprendre les jeunes filles et les épauler pour surmonter leur conflit que si elles parviennent à refléter les idéaux féminins des adolescentes et leurs propres images de la femme. La migration est un sujet important, car vous accompagnez une majorité de jeunes étrangers. Comment abordez-vous ce sujet?

Andrea Kromer.

Christine Gäumann: Les adolescentes se définissent souvent par comparaison avec les autres. Elles sont également prêtes, par exemple, à parler de leur ressenti en groupe. Qu’est-ce que les autres peuvent penser et ressentir à ce sujet? Mais il y a aussi des sujets qu’elles n’aborderaient pas devant le groupe, comme les abus sexuels. Donc, vous travaillez plus souvent en groupe avec les filles qu’avec les garçons? Christine Gäumann: Oui, car les filles acceptent mieux les offres de groupe que les garçons. Le groupe est un cadre approprié pour éprouver les compétences sociales utiles à l’école et au travail. Par exemple, apprendre à respecter les règles, être capable d’écouter les autres, se faire sa place et jouer un rôle dans un groupe, etc… Les adolescentes adorent les échanges en groupe sur des sujets divers comme l’amour, la beauté, la sexualité, les sensations corporelles. Les garçons ont beaucoup plus de peine à s’ouvrir aux autres, à devenir personnels. Pour eux, le travail de groupe doit être intégré à du vécu, à de l’action, comme une excursion sous la tente, une sortie en snowboard ou un travail à l’ordinateur. Markus Städler: Lors du premier contact, les garçons sont souvent dominants, bruyants, ils se sentent en situation de concurrence. Nous savons que ce comportement cache un grand besoin humain d’être pris en considération, d’être respecté et valorisé. De nombreux adultes sont agacés par ce type de contact; souvent ils refusent le jeune ou cherchent à lui donner une leçon. Le contact est alors rompu avant même d’avoir été vraiment établi. Les pédagogues sociaux de jump ont placé le seuil assez bas; ils essaient toujours de cerner le jeune désemparé qui se cache derrière cette façade. Des entretiens individuels offrent davantage la possibilité d’arriver à l’individu que des discussions en groupe au cours desquelles les garçons ont beaucoup de peine à laisser tomber leur masque. Les garçons ont-ils l’apanage en la matière, ou les filles jouentelles également un rôle? Andrea Kromer: Oui, bien sûr. Chez elles, l’apparence, la beauté, le corps, les cheveux ou le maquillage sont très importants. Les filles se cachent souvent derrière un masque de co-

quetterie. Elles donnent l’impression d’être très ouvertes, mais c’est une «pseudo-ouverture». Elles cachent leurs véritables sentiments derrière cette ouverture. La hiérarchie du groupe est fondamentalement différente de celle qui existe dans un groupe de garçons: avec les filles, tout est affaire de relation: les connaissances, les amies, un petit copain que les autres trouvent beau, sympathique ou particulièrement cool. Christine Gäumann: Souvent, les adolescentes prennent pour modèles les groupes de filles qu’elles ont vus à la télé ou dans des magazines et dont elles reproduisent les comportements. Elles font mal la différence entre le monde de la télévision et la réalité, à tel point qu’elles ne sont plus capables de savoir quels vêtements conviennent à quelle situation. Elles n’ont aucun sens de la réserve et vont à l’école vêtues et maquillées comme si elles allaient en boîte, le ventre à l’air, sans remarquer que ce comportement est tout à fait déplacé. La sexualisation et l’érotisme présents dans les vidéo-clips sont très forts, beaucoup de jeunes filles essaient de correspondre à l’image qu’elles voient et de jouer les «jolies minettes» prêtes à tomber dans les griffes des «minets». Elles essaient d’attirer l’attention par un comportement aguicheur. Que se passe-t-il lorsque les adolescentes se promènent ainsi? Andrea Kromer: Même lorsqu’elles semblent très sûres de leur apparence, les filles sont en plein conflit. D’une part, elles veulent plaire au monde masculin, d’autre part, elles ne veulent pas être traitées de traînées par leurs familles. Elles n’ont pas le droit de salir l’honneur de la famille. A douze ans et demi, les adolescentes ont achevé la plus grande partie de leur puberté et sont sexuellement complètement développées. Mais dans leurs têtes et au niveau des sentiments, ce sont encore des enfants. La société les voit toutefois déjà comme des femmes. Cette érotisation dont elles jouent leur permet aussi d’imposer leur volonté – notamment auprès des enseignants. Qui sont leurs modèles? Christine Gäumann: Beaucoup d’adolescentes voient dans leurs mères à la maison des personnes au statut familial bas, auxquelles elles ont de la peine à s’identifier. Les mères sont

Markus Städler: En général, deux tiers à trois quarts des jeunes accueillis à jump sont des étrangers. Nous avons donc insisté pour intégrer un collaborateur biculturel kurdo-suisse à notre équipe. Ce fut, pour notre structure, un enrichissement précieux apprécié non seulement des jeunes étrangers mais aussi de leurs parents. Notre collaborateur «xénosuisse» est considéré comme quelqu’un qui sait ce que ressent un «étranger» en Suisse, cela crée des liens. Malheureusement nous n’avons pas réussi à mettre en place une structure analogue à jumpina malgré nos efforts intensifs.

Parlez-nous de la consommation de drogue chez les jeunes Andrea Kromer: La majorité des filles de jumpina comme la majorité des garçons de jump consomment de l’alcool, fument du kif et des cigarettes. Les jeunes migrantes ne boivent pas et ne consomment pas de haschich, mais elles fument toutes. A de rares exceptions près, les jeunes de jumpina et de jump ne consomment pas de drogues de synthèse. Nous avons également constaté qu’une baisse de la pression familiale ou professionnelle engendre une baisse de la consommation. jumpina@win.ch jump@win.ch markus.staedler@win.ch christine.gaeumann@win.ch www.supra-f.ch Se sont exprimés … Nos interlocutrices et notre interlocuteur à Winterthour étaient: Christine Gäumann, travailleuse sociale, coresponsable du programme «jumpina»; Andrea Kromer, travailleuse sociale et collaboratrice à «jumpina» ainsi que Markus Städler, psychologue, responsable du programme «jump» et coresponsable du programme «jumpina».

Markus Städler.

jump: l’exemple d’Erdil * (14) La famille d’Erdil est originaire de l’exYougoslavie. L’adolescent (14 ans) est né et a grandi en Suisse. Enfant perturbateur et difficile, Erdil a toujours eu des difficultés à l’école. Pendant les récréations il provoquait régulièrement des incidents dans lesquels il exploitait sa taille et sa force. Il a été exclu de plusieurs établissements scolaires pour comportement insupportable avant d’arriver dans un établissement pour jeunes en difficulté, dont il s’est enfui peu après son admission. Après un nouvel échec dans une seconde institution, Erdil a été adressé au service de psychiatrie ambulatoire à Zurich où un traitement médicamenteux n’aboutit qu’à un échec. Les parents refusaient de voir leur fils placé hors de leur foyer. Pour finir, le juge des mineurs, impliqué suite à des délits de vols et de bagarres, a autorisé le retour d’Erdil dans sa famille pour un essai de trois mois. Erdil habite de nouveau chez ses parents et vient au moins trois fois par semaine à «jump» pour quelques heures. D’une grande méfiance au début, il a peu à peu accepté de parler de lui. Il faisait des pe-

tits boulots à droite à gauche et y trouvait du plaisir. Trop jeune, il ne peut trouver de place d’apprentissage ni entrer dans un programme d’intégration au travail. Erdil retourne à l’école depuis trois semaines. En cas de problèmes, les responsables de l’école prennent immédiatement contact avec les collaborateurs de jump. Espérons qu’Erdil réussira son saut dans la vie, cette fois…


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spectra no 43 • Février 2004

La joie de vivre, prévention des dépendances pour les personnes âgées Problèmes de dépendances chez les personnes âgées: on ne parle pas des dépendances chez les personnes d’un certain âge, faute d’études fiables sur leur nature et leur ampleur en Suisse. Telle a été la conclusion du professeur Ambros Uchtenhagen, fondateur de l’Institut de recherche sur les additions à Zurich, le 14 novembre 2003, journée consacrée au „Réseau de recherche Gender Health“. Nous reproduisons ci-après, dans une version fortement abrégée, l’exposé du professeur Uchtenhagen sur le thème Genre et dépendance.

I

l n’existe pratiquement aucune information, en Suisse, sur la nature et l’ampleur des problèmes de dépendances des personnes d’un certain âge, faute de la moindre enquête représentative. Les experts en gérontologie confirment toutefois que le problème existe réellement. Les données statistiques disponibles, comme le rapport sur la santé de 1997, révèlent une forte recrudescence de la consommation quotidienne de somnifères, d’antalgiques ou de tranquillisants ainsi que d’alcool chez les femmes à partir de 60 ans et chez les hommes à partir de 70 ans. Parallèlement, la consommation d’alcool diminue en quantité, probablement en raison de la tolérance réduite du corps. Les environnements de vie jouent un rôle déterminant: les personnes vivant dans un home médicalisé, consomment nettement plus de calmants que celles qui vivent chez elles, peut-être parce qu’une vie communautaire paisible en institution n’est possible qu’avec la prescription de médicaments. Toutefois, fréquence de consommation n’est pas nécessairement synonyme de dépendance. La moyenne est de 2 à 10% de personnes dépendantes à partir de 60 ans et de 2 à 5% pour les personnes âgées de 75 ans et plus. On estime que les problèmes d’alcool touchent 20 à 40% des personnes âgées dans les hôpitaux psychiatriques et jusqu’à 50% dans les hôpitaux classiques. En revanche, il n’existe aucunes données épidémio-

logiques sur l’ampleur de la nocivité pour les personnes âgées, ni sur l’éventualité d’une recrudescence des phénomènes de dépendance avec l’age; toutefois, l’incidence de nouvelles dépendances avec l’âge est attestée. En Suisse, le nombre de personnes dépendantes est à peu près stable. L’augmentation de l’espérance de vie laissait présager, il est vrai, d’une augmentation des maladies liées aux dépendances, de même que la tendance à retarder l’entrée dans une maison de retraite en recourant aux soins à domicile, et qui peut néanmoins favoriser l’isolement. Or, il n’est pas possible, à ce jour, de constater une augmentation des maladies liées aux dépendances dont les situations évoquées seraient à l’origine.

Dépendants âgés ou dépendants avec l’âge? Lorsqu’on est dépendant, c’est pour la vie? Ce préjugé est démenti par le fait que de nombreuses personnes connaissent, au cours de leur existence, une accalmie de leur comportement de dépendance qui peut aller jusqu’à l’abandon de la dépendance. Il semble toutefois que deux tiers des personnes âgées dépendantes avaient déjà des problèmes de dépendance auparavant. Ceux qui développent une dépendance avec l’âge sont entre un tiers et la moitié. L’augmentation de la consommation d’antalgiques, de somnifères et de calmants génère une augmentation

parallèle du risque (mineur il est vrai) d’accoutumance. Ce risque est plus élevé chez les femmes que chez les hommes qui, de leur côté, ont une plus forte propension à développer des problèmes d’alcoolisme. Les raisons invoquées sont l’isolement, la perte de statut social, la perte de sensation et les troubles physiques.

Ne pas se faire voir Si une dépendance est découverte, c’est souvent par hasard, car la personne se cache pour agir. Pourtant, une consommation excessive de produits induisant une dépendance peut être maîtrisée. En général, les personnes âgées qui ont un problème de dépendance non révélé, développent des signes physiques et psychologiques qui ne trompent pas. Un médecin en trouvera les raisons en posant des questions simples; il sera ensuite possible d’aborder la question de la dépendance au cours d’un entretien ouvert et non moralisateur. La situation de chaque personne âgée joue un rôle primordial dans toute thérapie. Les traitements de sevrage servent à interrompre une intoxication durable et permettent au corps de se reposer, tandis que la réhabilitation et les mesures de réinsertion sont surtout destinées à des personnes plus jeunes. Il est important de trouver l’intervention thérapeutique adéquate. En effet, d’une part la consommation de substances induisant une dépendance constitue une sorte d’automédication destinée

à rendre la situation plus supportable. D’autre part, en présence de dégâts manifestes pour la personne concernée et pour son environnement (agressivité, chutes, symptômes psychotiques, négligence par ivresse permanente, exhibitionnisme ou tapage nocturne) il faudra recourir à une aide professionnelle, que ce soit sous forme de sevrage en hôpital, de traitement médicamenteux ou d’accompagnement thérapeutique du comportement.

Attention et joie de vivre Les spécialistes affirment qu’il est facile d’influencer une dépendance chez les personnes âgées. Les mesures les plus judicieuses sont celles qui atténuent l’utilisation problématique des substances toxiques, comme des moyens non médicamenteux pour retrouver le sommeil, un traitement ciblé de la dépression, une vie active en général et davantage de contacts sociaux. L’attention portée à une personne et la joie de vivre sont les meilleures conditions permettant d’éviter une dépendance. Des interventions précoces, comme des entretiens motivants avec un médecin, peuvent déjà avoir une influence favorable. Bibliographie et renseignements: Professeur Ambros Uchtenhagen, Institut de recherche sur les addictions, Zurich

«spectra» change de look Une source d’information appréciée. «L’important est dans «spectra», et «spectra» contient ce qui est important» est l’une des principales affirmations recueillies au cours d’une évaluation commandée par l’OFSP. Un an avant son dixième anniversaire, «spectra» change de look.

C

omme toutes les mesures de prévention de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), «spectra» a également été soumis à une évaluation en 2003, la seconde déjà. L’équipe d’évaluation – trois étudiants de l’Université de Lausanne sous la direction de Myriam Pasche de la Section Campagnes et Marketing de l’OFSP – a mené 19 entretiens avec des interlocuteurs choisis pour représenter les domaines de la «Jeunesse», du «Sida» et des «Dépendances», avec des généralistes de la santé publique et avec des acteurs politiques de toute la Suisse. Leurs réponses détaillées et différenciées aux questions posées sur l’éditeur, les sujets traités, le niveau rédactionnel, ainsi que sur les questions de forme et les attentes en général révèlent que «spectra» est perçu comme • l’organe «officiel» de l’OFSP et de sa section Sida et dépendances, • une source d’information actuelle et crédible, • l’incarnation du leadership en matière d’opinion, • capable de donner un aperçu des mesures de promotion de la santé et de prévention en Suisse à travers des articles brefs et compréhensibles,

• proche de la réalité et, jusqu’à un certain point aussi, comme plateforme de discussion pour divers partenaires. L’apparence actuelle de «spectra» a donné lieu à quelques observations. La densité du texte est jugée trop importante et la police d’écriture trop petite. Le souhait de continuer à recevoir le bulletin sur papier, et non seulement sous forme électronique, a été clairement exprimé. De même, les personnes interrogées s’accordent à penser qu’une alliance avec d’autres publications équivalentes constituerait plus une perte qu’un atout pour «spectra». Les «critiques» ont notamment porté sur la fréquente orientation des sujets sur le sida et les dépendances aux dépens de celui sur la promotion de la santé et la prévention. Les interlocuteurs ont apprécié et souhaitent davantage d’accents thématiques avec plusieurs articles, une plateforme de discussion offrant davantage d’expression à des opinions ne reflétant pas nécessairement celles de l’OFSP, une édition en ligne par mois et davantage d’efforts publicitaires pour atteindre une plus large diffusion de «spectra».

Nouvelle typographie, conception claire, davantage d’images Il ressort de l’évaluation que «spectra» rencontre un écho très positif. Un renouvellement ne pourra donc qu’améliorer ce qui est déjà bon. Lectrice et lecteur de «spectra», vous retrouverez de nombreux éléments familiers dans le «nouveau spectra» et constaterez des améliorations dans les détails. Le format, le volume et le papier demeurent inchangés. La présente édition de «spectra» n°43 a déjà réalisé certains des souhaits exprimés. Le choix d’une typographie sériph mieux lisible pour les textes d’une certaine longueur est sans doute l’élément le plus visible de la nouvelle mise en page. Il est prévu d’augmenter la part d’images lorsque c’est possible, de mieux structurer les textes et de mentionner de plus amples informations – source, adresse de commande, personne de contact – à la fin de chaque article. On renoncera à l’avenir aux rubriques service et annonces afin de libérer de l’espace en page 6 pour d’autres contributions rédactionnelles. D’une manière générale, «spectra» prend davantage

la forme d’un journal que d’un magazine pour s’affirmer en tant qu’organe d’information «officiel» et crédible de l’OFSP. Une nouvelle rubrique «Pour et contre» dans laquelle des opinions pourront s’opposer sur des sujets définis viendra compléter le «Forum» qui offre déjà une tribune à des opinions extérieures à l’OFSP.

Agenda sur Internet Suite à la nouvelle mise en page de «spectra», les rubriques «Agenda», «Publications» et «Contacts» de la page 6 disparaissent. Des adresses de contacts, des sites Internet et d'autres sources seront désormais indiquées à la fin de chaque article. Un aperçu des manifestations et des congrès dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé se trouve sur le site de l'OFSP sous www.bag.admin.ch/aktuell/ veransta/f/index.htm


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1 verre de trop et bonjour les dégâts Campagne 2004 «Ça débouche sur quoi?». La consommation abusive d’alcool coûte 6,5 milliards de francs chaque année. Chez les hommes âgés de 15 à 34 ans, un décès sur dix est lié à l’alcool. L’envie de boire pour se griser est inchangée. Le tristement célèbre verre de trop désinhibe et ouvre la porte à toutes sortes de problèmes. C’est pourquoi la nouvelle campagne du programme de prévention de l’alcoolisme «Ça débouche sur quoi?», qui commence le 9 février, lance des appels sans équivoque.

M

ême si la majeure partie de la population suisse contrôle sa consommation d’alcool, 600’000 personnes ont un comportement à risque. Cette attitude est source de maladies, d’accidents, de dépendances et de problèmes sociaux. Les adolescents et les jeunes adultes, en particulier, se croient tout permis et s’attirent en retour des problèmes dont les conséquences sont souvent lourdes – pour eux-mêmes, mais aussi pour leur environnement et les coûts sociaux. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) lance, en collaboration avec la Régie fédérale des alcools (RFA), la campagne de prévention de l’alcoolisme «Ça débouche sur quoi?». Il entend ainsi mener la population à réduire la consommation à risque d’alcool. «Ça débouche sur quoi?» met en place une stratégie efficace pour lutter contre les spiritueux les moins chers, les cokktails alcoolisés très en vogue (alcopops, premix), les nouvelles boissons à la mode dans les soirées: il y a lieu de rester vigilant, c’est-à-dire de boire non pas de manière immodérée, mais de manière réfléchie et déguster avec discernement. Deux autres programmes s’ajoutent à cette nouvelle campagne, l’une promouvant la formation des médecins de famille pour la détection précoce de la surconsommation d’alcool, l’autre visant à sensibiliser les communes.

La campagne d’affichage 2004 La campagne d’affichage «Ça débouche sur quoi?» reprend les signes visuels de l’année dernière et présente le verre de trop, qui marque souvent la limite entre consommation responsable et consommation irresponsable et qui occasionne des problèmes de toutes sortes: dans les relations, au travail, au volant, etc.

Ainsi le conseil «Regarde-toi en face plutôt qu’au fond d’un verre» reste d’actualité.

La reprise du message publicitaire à la télé et au cinéma Le spot cinéma/TV «Haleine chargée», qui traite indirectement du verre de trop, fête son retour cette année. Ce message thématise l’occasion manquée et montre que la tempérance est facteur de plaisir authentique.

www.programmealcool.ch Le site Internet www.programmealcool.ch offre aux spécialistes, aux personnes concernées et à ceux qui cherchent de l’aide des informations détaillées et des liens vers d’autres sites. S’adressant à un public de jeunes, «Le Club», propose des offres interactives, des liens et des messages de prévention. «Spacebar», le jeu électronique téléchargeable, reste lui aussi très populaire.

• de bonnes relations avec les parents • pas de délinquance • 50% fument quotidiennement du tabac (au moins 1 x au cours des 30 derniers jours) • 40% consomment de la drogue (au moins 1 x au cours des 30 derniers jours)

Que sont les jeunes «à risques»? N = 1148; âge moyen = 15.84 ans 18% 45%

37%

Risque faible

Risque moyen

Les jeunes qui se font remarquer par leur comportement et rencontrent d’importants problèmes à l’école ou en apprentissage risquent davantage de connaître des problèmes de santé dès l’adolescence et jusqu’à l’age adulte. Un rapport intermédiaire du programme de recherche supra-f conduit sous l’égide de l’OFSP révèle que les jeu-

Risque élevé

Risque moyen • caractéristiques dépressives et anxieuses • relation légèrement préjudiciable avec les parents • une certaine délinquance • 60% fument du tabac quotidiennement • 45% consomment de la drogue

nes à risques ne constituent pas un groupe homogène. L’analyse des données concernant plus de 1000 jeunes au comportement particulier, âgés de 11 à 20 ans, montre qu’il est possible de répartir le potentiel de risques sur trois groupes distincts:

Risque élevé • dépression et/ou anxiété • relations problématiques avec les parents • délinquance importante • 75% fument du tabac quotidiennement • 60% consomment de la drogue

Risque faible • pas de dépression ni d’anxiété

Bien que la consommation de substances ne soit pas le premier critère

Contacts: Questions sur la campagne: Elisabeth Stämpfli, OFSP, section campagnes et marketing, 3003 Berne, elisabeth.staempfli@bag.admin.ch Questions sur le programm: Anne-Rose Barth, responsable du programme «Ça débouche sur quoi?», OFSP, 3003 Berne, anne-rose.barth@bag.admin.ch www.programme-alcool.ch

d’identification des jeunes adressés à supra-f, mais les „troubles“ qu’ils présentent et leur comportement particulier, les trois groupes présentent une consommation de substances nettement plus élevée que celle des autres jeunes du même âge. Les 12 centres supra-f ont la tâche délicate d’identifier correctement le niveau de risque des jeunes afin de déterminer la meilleure intervention possible. Pour le groupe le plus important, celui des jeunes à risque faible, une offre de base comportant des mesures de soutien scolaire, professionnel et de promotion des compétences sociales suffit la plupart du temps. Pour les deux groupes de jeunes présentant parfois des troubles psychiques importants, d’autres interventions sont nécessaires, adaptées à leurs besoins particuliers. Autres informations dans la brochure supra-f «Avant qu’il ne soit trop tard…» (commande par téléphone au 031 323 11 76 ou en ligne sous www.bag.admin.ch/sucht/fr)


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Améliorer la surveillance systématique Programme de mesures de santé publique de la Confédération en vue de réduire les problèmes de drogue: il ressort de l’évaluation 1999 à 2002 qu’un certain nombre d’objectifs ont été atteints, d’autres pas. Un rapprochement des programmes de lutte contre l’alcoolisme, le tabagisme et les drogues serait souhaitable dans le cadre de la révision de la Loi sur les stupéfiants.

L

e programme de mesures de santé publique de la Confédération en vue de réduire les problèmes de drogue 1998 –2002 (ProMeDro II) est achevé. Le ProMeDro est soumis à une évaluation globale externe depuis son apparition, en 1991, conduite par l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive de Lausanne. L’évaluation devait notamment étudier l’évolution de la consommation de drogue. Pour y parvenir, les évaluateurs ont recouru à diverses enquêtes après de la population générale, des écoliers, des adolescents et des consommateurs de drogue. Ils ont, en outre, analysé les statistiques de traitements ambulatoires, les registres de décès liés à la drogue et de déclaration de maladies infectieuses ainsi que des données concernant l’application de la Loi sur les stupéfiants.

Augmentation de la consommation de cocaïne et de cannabis L’épidémiologie de la consommation de drogue révèle une diminution dans le cas de l’héroïne dès la deuxième partie des années nonante et une légère augmentation de la consommation de cocaïne, notamment dans la population qui l’utilise de façon récréative. Les tendances de la consommation de cannabis sont claires. L’âge de la première consommation est en baisse constante. L’augmentation est particulièrement importante chez les adolescents de 15 ans chez qui la consommation à plus que triplé entre 1990 et 1998 en passant de 8,5 à 30,8%. Les enquêtes auprès des milieux Techno ont également révélé une forte consommation de drogues synthétiques.

Moins de décès dus à la drogue Des progrès ont été constatés auprès des usagers des structures à bas seuil où la part des personnes qui s’injectent est en diminution. La part des personnes en traitement continue d’augmenter, ce qui entraîne une baisse du degré de gravité des problèmes. Sur la période analysée, le nombre de décès dus à la drogue diminue, ainsi que le nombre de nouveaux cas

de VIH chez les toxicomanes. En revanche, la prévalence des cas d’hépatite C est élevée. L’usage des préservatifs est en légère diminution, avec un niveau de protection élevé. L’accès à l’emploi ne s’est pas amélioré ces dernières années. Le bilan est donc relativement positif pour l’OFSP, avec la réalisation d’un certain nombre d’objectifs entre 1998 et 2002: l’institutionnalisation du traitement avec prescription d’héroïne, l’amélioration de l’analyse des travaux de recherche et d’évaluation, la restructuration progressive des traitements résidentiels, la mise en place d’une étude sur la prévention secondaire, l’introduction d’un nouveau programme de formation, etc. D’autres objectifs ne sont pas encore réalisés, comme l’amélioration de la qualité des traitements à la méthadone, l’harmonisation des programmes de prévention, le système d’assurance de la qualité en matière de recherche et d’évaluation, la mise en place d’un monitoring épidémiologique performant ainsi que la réorganisation des organes de contrôle.

Bilan des réalisations L’évaluation parvient aux conclusions suivantes selon les domaines: le nouveau service de prévention et de promotion de la santé, regroupant le pilotage de l’ensemble des programmes de l’OFSP, a sans doute favorisé de premières synergies. La mise en place d’un système de financement harmonisé pour les traitements résidentiels (FiDé) a déjà franchi d’importantes étapes. De même, le système d’assurance de la qualité (QuaTheDa) portant sur les prestations fournies par les institutions résidentielles s’impose de plus en plus. En ce qui concerne les traitements ambulatoires, l’amélioration de la qualité n’a été perceptible que durant la dernière période du programme. L’institutionnalisation de la prescription médicale d’héroïne est très avancée. En revanche, l’activité de l’OFSP dans le domaine carcéral ne semble plus être prioritaire, et il n’existe pas de données permettant de vérifier l’évolution de l’offre de traitement en prison.

Décès dus avec certitude à la drogue pour 1000 habitants

Décès dus à la drogue dans des pays européens sélectionnés

0.07 0.06 0.05 0.04 0.03 0.02 0.01 0.00 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Nécessité d’un monitoring national La Suisse ne dispose toujours pas de système de surveillance de la consommation de drogue, malgré la participation active de l’OFSP, depuis 10 ans déjà, au développement de divers instruments épidémiologiques, comme Act-info. La raison de cet échec se trouve probablement dans la forte dispersion des projets ou leur introduction trop tardive. Les évaluateurs recommandent donc à l’OFSP de mettre en place un système cohérent de surveillance de la consommation de drogue en Suisse en harmonisant les instruments exis-

tants, en comblant les lacunes dans les connaissances et en améliorant la coordination des activités. Finalement, le possible changement de statut du cannabis entraîné par la révision de la Loi sur les stupéfiants va nécessiter un rapprochement des programmes drogue, alcool et tabac afin d’en augmenter la cohérence. Source: Zobel et al., «Evaluation globale du programme de mesures de santé publique de la Confédération en vue de réduire les problèmes de drogue» (ProMeDro), www.health-evaluation.admin.ch

Du programme d’impulsion au programme global L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a mandaté, outre l’évaluation des ProMeDro I et II, une évaluation de l’adéquation de la mise en oeuvre de son programme de mesures aux niveaux fédéral, cantonal et communal. En d’autres termes il a voulu savoir si la mise en oeuvre du modèle dit «des quatre piliers» (prévention, traitements, réduction des risques et application de la loi (répression) – cette dernière demeurant exclue) pouvait être implémenté conformément aux objectifs fixés. Le bilan de l’analyse du ProMeDro II par l’Institut de sciences politiques de l’Université de Zurich et l’Institut d’études politiques et internationales de l’Université de Lausanne est largement positif. Les enquêtes attestent l’action positive du ProMeDro II sur le processus de coordination interne, sans toutefois lui reconnaître d’effet externe puisque ce deuxième programme ne présentait pas d’innovation. L’OFSP devra désormais axer sa stratégie, qu’il veut cohérente et orientée vers l’avenir, sur la nouvelle situation attendue après la révision de la Loi sur les stupéfiants. Si l’ancrage politique des mesures promues par le ProMeDro II est généralement qualifié de fort à très fort, il est encore insuffisant notamment dans les cantons de Neuchâtel, de Nidwald et de Vaud et, dans une moindre mesure, dans le canton de Thurgovie ainsi

que – parmi les villes soumises à l’enquête – à Bienne et Lugano et, dans une moindre mesure, à Aarau, Coire, Locarno, St. Gall et Winterthour. L’OFSP doit poursuivre les activités d’information et de documentation menées jusqu’ici et continuer à veiller à la coordination conceptuelle des objectifs et des mesures en matière de consommation de drogues légales et illégales.

Les statistiques nationales des décès dus à la drogue portent sur les cas indubitablement liés à la consommation de drogue ou à une overdose. Les différentes méthodes de saisies ainsi que le nombre de toxicomanes variant d’un pays à l’autre ne permettent toutefois pas une comparaison véritablement fiable des chiffres qui doivent donc être considérés avec la plus grande prudence. Les tendances, en revanche, sont beaucoup plus éloquentes: on peut ainsi observer dans certains pays (comme la Suisse et l’Espagne) des tendances nettes à la baisse des cas de décès dus à la drogue au cours des dix dernières années. Dans d’autres pays, la tendance est à la reprise depuis la deuxième moitié des années nonante, après avoir enregistré une baisse auparavant. La tendance à la baisse des

décès dus à la drogue en Suisse, exprimée en chiffres absolus, est la suivante: 409 personnes décédées en 1991 des suites de leur consommation de drogue, contre 167 en 2002, après une baisse régulière. Le premier risque de surdose (avec et sans décès) est toujours la consommation de mélanges (par ex. opioïdes, cocaïne, benzodiazépine, alcool) ainsi que la reprise de consommation après une période d’abstinence suite à un traitement ou une incarcération.

La Confédération, responsable et coordinateur Il appartient aujourd’hui à l’OFSP de relever un défi et de transformer un programme d’impulsion en matière de politique de drogue en un programme national global destiné à se focaliser sur les disparités dues au fédéralisme et, si possible, à les équilibrer. Pour ce faire, l’OFSP devra fixer des priorités régionales et résoudre la question de savoir comment réaliser les changements nécessaires dans les cantons et les villes à faibles structures, relativement peu concernés par le problème et plutôt critiques à l’égard des mesures de la Confédération. Source: Kübler/Widmer, Politische Verankerung der Drogenpolitik des Bundes, www.health-evaluation.admin.ch Contact: Markus Weber, Centre de compétence en évaluation (CCE), evaluation@bag.admin.ch, 031 323 87 24

Sources: •Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) •EUROSTAT www.europa.eu.int/comm/eurostat/


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