Newsletter Prévention et promotion de la santé Novembre 2007
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Accepter la publicité pour l’alcool à la télé? L’UE demande à la Suisse d’ouvrir ses écrans de télévision à la publicité pour l’alcool, les religions et les partis politiques si elle veut participer au programme européen de promotion cinématographique. L’éventuel retour de ces «trois fléaux du peuple» (formule du Conseil fédéral Moritz Leuenberger) font craindre aux experts de la santé un affaiblissement massif de la prévention de l’alcoolisme.
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Entretien: Dag Rekve, OMS, Genève Dag Rekve est un expert en matière d’addiction auprès du siège principal de l’Organisation mondiale de la santé à Genève. Il travaille actuellement sur la poursuite du développement de la résolution de l’Assemblée mondiale de la santé de 2005 pour réduire l’abus d’alcool. Quelles sont, selon lui, les chances de pouvoir imposer la prévention de l’alcoolisme au niveau politique?
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Ancrer la prévention du tabagisme au niveau mondial L’Assemblée mondiale de la santé a adopté, en 2003, la Convention-cadre pour la lutte antitabac (CCLAT). Il s‘agit de la première convention mondiale sur la santé établie par l‘OMS. Lors de leur deuxième session à Bangkok au mois de juillet 2007, les Parties ont concrétisé certaines mesures, notamment contre la contrebande et l’exposition à la fumée du tabac. La Suisse ne fait pas partie des 146 pays qui ont déjà ratifié la Convention tabac, mais elle était présente à la conférence en tant qu’observatrice.
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Elaborer une base légale par la prévention La prévention et la promotion de la santé peuvent – face à l’augmentation des maladies psychiques et non-transmissibles – contribuer à endiguer l’augmentation des coûts de la médecine. Toutefois, les bases légales ne sont pas encore suffisamment ancrées aux niveaux cantonal et fédéral. Le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l’intérieur d’élaborer, d’ici l’automne 2008, un avant-projet de loi visant à renforcer la prévention et la promotion de la santé.
Promotion de l’activité physique et d’un poids corporel sain: un sujet qui ne connaît pas de frontières Obésité et surcharge pondérale. Une alimentation déséquilibrée et une vie trop sédentaire sont la cause de toute une série de maladies chroniques. La Suisse a participé activement aux dévelop pements de stratégies internatio nales contre l’épidémie croissante d’obésité. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les maladies non-transmissibles ont représenté, en 2002 à l’échelle mondiale, 60% des décès et 40% de la charge de morbidité. Dans la majorité des pays européens, cinq des sept principaux facteurs de risque de ces maladies (hypertension, surcharge pondérale, hypercholestérolémie, sédentarité et faible consommation de fruits et légumes) sont liés à l’alimentation et à l’activité physique. Les deux autres facteurs de risque étant la consommation de tabac et d’alcool. Face à cette situation, l’OMS a adopté, en mai 2004, la résolution sur la «Stratégie mondiale pour l’alimentation, l’exercice physique et la santé» et invité les gouvernements des Etats membres à la transposer dans leur cadre national respectif. Au mois de novembre 2006, la Conférence ministérielle d’Istanbul a adopté la «Charte européenne sur la lutte contre l’obésité» dont l’objectif est de promouvoir un mode de vie adéquate où les objectifs sanitaires sont en harmonie avec les objectifs culturels et socioéconomiques et où les choix plus favorables à la santé sont facilités pour l’individu.
Programme national «Alimentation et activité physique» La situation en Suisse est comparable à celle d’autres pays européens. Ces dernières années, le nombre de personnes en surcharge pondérale, toutes classes d’âge confondues, a augmenté de manière préoccupante. Selon l’Enquête suisse sur la santé, 37% de la population adulte souffre de surpoids ou d’obésité; chez les enfants, la proportion est de 20%. En 2001, les coûts annuels des maladies dues à la sédentarité se sont élevés à CHF 2,7 milliards. Le Conseil fédéral a donc chargé des spécialistes de mettre en place, en Suisse, un Programme national alimentation et activité physique qui réponde aux recommandations de l’OMS. Le document-cadre, actuellement en consultation et qui sera probablement approuvé par le Conseil fédéral au cours du premier trimestre 2008, ébauche les lignes directrices d’une approche coordonnée au niveau national dans les domaines de l’alimentation et de l’activité physique.
Un globe de crudités. Toujours plus de pays encouragent l’activité physique et une alimentation saine – incluant davantage de fruits et légumes – et en font des priorités de la promotion de la santé et de la prévention.
Stratégie globale pour l’alimentation, l’activité physique et la santé et, enfin, de la Charte européenne sur la lutte contre l’obésité, résultat majeur de la Conférence ministérielle de novembre 2006 à Istanbul. La Suisse a également mis en oeuvre le premier Plan d’action européen Alimentation et politique nutritionnelle (2001) au travers d’une politique nutritionnelle nationale et travaille au développement et à la mise en oeuvre du Deuxième plan d’action européen (OMS 2007). Elle participe en outre régulièrement aux réunions de la Commission du Codex Alimentarius pour aider à l’intégration, dans la législation, de considérations majeures de l’information nutritionnelle. La Suisse soutient également activement l’HEPA Europe, le Réseau européen pour la promotion de l’activité physique favorable à la santé (www.euro.who.int/ who) dont l’objectif est de développer et d’introduire des mesures politiques et stratégiques en faveur d’une activité physique favorable à la santé.
Priorité politique en Europe
L’alimentation, l’activité physique et l’obésité sont des thèmes importants à l’échelle européenne également et qui sont abordés par les programmes de santé de l’UE. Un réseau pour l’alimentation et l’activité physique, la création Collaboration avec l’OMS d’une plate-forme d’action européenne, La Suisse a contribué activement aux la publication d’un Livre vert sur la prodéveloppements des stratégies interna- motion d’une alimentation saine et l’actionales de l’OMS et de l’OMS UE. Il tivité physique, sont quelques-unes des s’agit en particulier de la Stratégie euro- initiatives prises à ce jour par la Compéenne pour la prévention et le contrôle mission européenne. Dans la résolution des maladies non-transmissibles, de la du Parlement européen du 1er février
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suivantes, à la fois fondamentales et politiquement délicates: – alléger les pressions du marketing en faveur des aliments à haute densité énergétique, notamment sur les enfants; – mettre à la disposition du public des infrastructures abordables pour les activités récréatives et l’exercice physique; – introduire un étiquetage adéquat et plus compréhensible sur la valeur nutritionnelle; – promouvoir la marche et la pratique du vélo par l’amélioration de Une charte pour l’Europe l’aménagement urbain et des Les spécialistes sont unanimes pour atpolitiques de transport; tribuer la véritable cause de l’épidémie – prendre des mesures économiques d’obésité qui frappe le monde, aux mufacilitant les choix alimentaires plus tations rapides de l’environnement favorables à la santé, notamment culturel, physique et socioéconomique pour encourager la consommation de des individus, et sur le fait que seules fruits et de légumes. des mesures globales parviendront à renverser la tendance. Ces mesures re- D’autres mesures, parfois déjà contequièrent l’engagement de l’Etat, mais nues dans des processus en cours, peuaussi de trouver un équilibre entre la vent également contribuer à atteindre responsabilité des personnes et celle les objectifs fixés, à savoir: des autorités publiques et de la société. – promouvoir l’allaitement maternel; Pour atteindre l’objectif ultime, qui est – améliorer l’accès et l’offre à des de juguler l’épidémie et de renverser la aliments plus sains; tendance d’ici 2015, un train de mesu- – instaurer une offre d’éducation à la res préventives doit être mis sur pied, nutrition et d’éducation physique étant entendu que le choix et le type de dans les écoles; réalisation incombe aux Etats membres – réduire les proportions de graisses, qui tiendront compte de leurs besoins de sucre ajouté et de sel dans les spécifiques et de leur propre situation aliments préparés. politique. Contact: Nadine Stoffel-Kurt, La Charte européenne sur la lutte contre section Alimentation et activité physique, l’obésité, adoptée en novembre 2006 nadine.stoffel-kurt@bag.admin.ch par la Conférence ministérielle européenne à Istanbul, stipule les mesures
2007 sur la Promotion d’une alimentation saine et de l’activité physique, il est demandé que la lutte contre l’obésité et d’autres maladies liées à l’alimentation bénéficie d’une priorité politique dans l’Union Européenne et auprès de ses Etats membres. Au mois de mai 2007, la Commission UE a, sur la base de ces documents, adopté un Livre blanc intitulé «Une stratégie européenne pour les problèmes de santé liés à la nutrition, la surcharge pondérale et l’obésité» qui en appelle à des partenariats plus actifs dans ce domaine.
Promotion cinématographie européenne au détriment de la prévention des problèmes liés à l’alcool Reconduction de l’accord MEDIA entre la Suisse et l’UE. Le 21 septembre, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message sur la reconduction de l’accord MEDIA entre la Suisse et l’UE. Une approbation par le Parlement se traduira par une amélioration des débouchés sur le marché, et de la diffusion internationale du film suisse. Par ailleurs, l’accord oblige la Suisse à modifier sa loi sur la radio et la télévision pour permet tre la publicité pour l’alcool, la politique ou la religion. Les spécia listes de la prévention redoutent un affaiblissement insidieux de la prévention des problèmes liés à l’alcool en Suisse. L’accord permet aux réalisateurs suisses de participer de plein droit au nouveau programme européen de promotion cinématographique MEDIA 2007 pour les années 2007 à 2013. Dans le message portant approbation du nouvel accord, le Conseil fédéral demande un crédit d’engagement global de 67,4 millions de francs pour la contribution de la Suisse au programme, ce qui correspond à des tranches annuelles d’environ 10 millions de francs. Lancé le 1er janvier 2007, le programme MEDIA 2007 dispose d’un budget global de 755 millions d’euros, répartis sur une période de sept ans. Il a pour objectif de promouvoir le développement, la distribution internationale et la commercialisation des films européens qui, en raison de la diversité culturelle et linguistique sont confrontés aux difficultés d’un marché éclaté. MEDIA ne soutient pas les frais de production proprement dits mais traite des domaines en amont et en aval de la production: la formation des réalisateurs (notamment dans le domaine des nouvelles technologies), la réalisation de projets (scénarii), le doublage et, surtout, la distribution. La dernière génération des programmes MEDIA (2001– 2006) a permis de soutenir quelque 8000 productions de 30 pays. La moitié des films européens projetés actuellement dans les salles bénéficie de l’aide communautaire.
Plus contribution que promotion Le premier programme MEDIA de la Communauté européenne pour la promotion du secteur audio-visuel est entré en vigueur en 1991; il a été suivi d’un deuxième programme en 1996 puis d’un troisième en 2001. Après une longue absence, la Suisse est redevenue membre du programme le 1er avril 2006, ce qui signifie que la branche cinématographique suisse n’a pu bénéficier des mesures de promotion que pendant 9 mois, notamment pour la distribution, mais aussi le développement de projets et la formation. C’est ainsi que dans le domaine de la promotion sélective de la distribution, 8 distributeurs pour 27 films ont reçu un soutien financier à
En première ligne
A l’ère de la mise en réseau, les questions de santé connaissent elles aussi des interdépendances internationales, tant au hauteur de 460‘000 euros pour les frais vail de révision devra prendre en comp- niveau scientifique que technique. Ces derde sous-titrage ou de doublage ainsi que te la révision concomitante de la conven- nières années, la santé a également acquis un statut de plus en plus international sur de lancement. Au total, la Suisse a tion du Conseil de l’Europe. la scène politique. Le sommet du G8 des contribué au programme à concurrence «Fléaux du peuple» principales nations industrialisées se de 4,2 millions d’euros; seuls 2,8 millions d’euros sont revenus de Bruxelles. Les stations de télévision européennes penche régulièrement sur des questions «Nous considérons 65% comme un bon qui diffusent des fenêtres publicitaires sanitaires. Les nouveaux flux financiers, taux pour une première participation» suisses pourront donc, à partir de 2009, tant des pouvoirs publics (p. ex. le Fonds estime Laurent Steiert de la section du émettre selon les règles de leur pays mondial de lutte contre le sida, la tubercinéma auprès de l’Office fédéral de la d’origine. Concrètement, cela signifie culose et le paludisme) que des sources culture. Il ne faut pas compter non plus que ces stations pourront faire de la pu- privées (p. ex. la Fondation Bill et Melinda à l’avenir pouvoir récupérer la totalité blicité pour l’alcool, les religions et les Gates) se chiffrent en milliards. De nouveldu montant investi. L’accord MEDIA partis politiques. En d’autres termes, les organisations et de nouvelles formes n’en est pas moins important pour la nous assisterons au grand retour des de collaboration surgissent.
promotion du cinéma. «Il permet aux cinéastes, distributeurs et producteurs suisses d’accéder au marché européen et contient diverses mesures d’encouragement auxquelles notre pays peut participer. De plus, il ne faut pas oublier le côté immatériel. L’échange permanent apporte de nombreux avantages au cinéma suisse.» Pour Steiert, tous ces avantages seraient «presque impossibles» dans l’accord MEDIA. Il ajoute toutefois que l’assujettissement de la Suisse exigé par l’UE à la directive européenne «Télévision sans frontière» est une arme à double tranchant: «Nous ne sommes pas un service de publicité pour l’alcool!». Pour lui, cette condition entrave formellement et politiquement toute la procédure de manière massive.
Condition surprenante Ce n’est qu’au terme des négociations sur MEDIA 2007 que la Commission européenne a ajouté une nouvelle condition de manière très surprenante: la participation à MEDIA 2007 est assujettie à la condition que la Suisse applique, après un délai transitoire de deux ans, c‘est-à-dire à partir de novembre 2009, une autre disposition de la directive UE «Télévision sans frontière». Avec pour conséquence que les fenêtres publicitaires diffusées par les stations étrangères à l’intention du public suisse ne seront plus soumises à la législation suisse, mais uniquement aux prescriptions du pays d’origine. Il deviendrait ainsi possible de contourner l’interdiction appliquée en Suisse de toute publicité poli tique et religieuse, ainsi que de la publicité pour l’alcool. L’adaptation de la loi sur la radio et la télévision (LRTV) que cela entraînerait est du ressort du Parlement. Toutefois, les modifications exigées par l’UE sont lourdes de conséquence, à la fois d’un point de vue de politique des médias et de politique de prévention de la santé, si bien que toute entrée en matière sur une éventuelle révision de la LRTV devra être précédée d’une évaluation comparative minutieuse des intérêts de la politique des médias, de la politique de prévention et de ceux de la promotion du cinéma. Le Conseil fédéral décidera ultérieurement, et après avoir pesé soigneusement les intérêts en jeu, de l’opportunité de mettre en train une procédure de révision de la LRTV sur ce point précis. A chacune de ses étapes, le tra-
«trois fléaux du peuple» sur les écrans de télévision suisses, constatait le Conseiller fédéral et ministre des médias Moritz Leuenberger le 4 juillet dernier devant les médias du Palais fédéral. En effet, la Suisse interdit la publicité à la télévision pour ces «trois fléaux» – à l’exception du vin, de la bière et du cidre sur les radios locales et les TV régionales. Mais la Suisse n’est pas le seul pays européen à connaître une interdiction de la publicité pour l’alcool – celle-ci est également interdite en France.
La décision revient au Parlement Le 21 septembre 2007, le Conseil fédéral a décidé de signer le nouvel accord MEDIA. Pour que la Suisse puisse participer, l’accord bilatéral de 2004 (Bilatérales II) doit être renouvelé. Après sa signature, l’accord sera appliqué provisoirement pour permettre une participation de la création cinématographique suisse au programme dès 2007. Le Parlement doit entériner l’accord et adopter un crédit d’engagement de 10 millions de francs sur 7 ans. Aux intérêts du secteur du cinéma viennent s’opposer – en raison de la condition posée par l’UE – des considérations de politique de santé. La restriction de la publicité pour les boissons alcooliques est une mesure de prévention efficace, en particulier auprès des jeunes particulièrement réceptifs aux messages d’interdiction. Le Parlement devra peser soigneusement les intérêts en jeu: de meilleures chances pour le cinéma helvétique ou une politique de prévention des problèmes liés à l’alcool systématique. Tel sera le choix qu’il aura à faire.
La Suisse s’est engagée dans ce mouvement en élaborant une convention d’objectifs entre le Département fédéral des affaires étrangères et le Département fédéral de l’intérieur. Cette démarche fait de notre pays le premier à pratiquer une politique extérieure en matière de santé, soutenue conjointement par la ministre des affaires étrangères et le ministre de la santé (voir www.bag.admin.ch/internationales). L’importance croissante du secteur de la santé ne s’arrête pas aux frontières de l’UE. Il existe entre la Suisse et l’UE un intérêt commun à une coopération renforcée dans le domaine de la santé publique qui explorent, de ce fait, la possibilité de conclure un accord bilatéral en matière de santé Suisse – UE. La priorité est accordée à la participation de la Suisse à deux agences européennes – l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (CEPCM), ainsi qu’à l’adhésion de la Suisse à quatre systèmes d’alerte rapide et précoce, et à sa participation au Programme d’action communautaire 2007 – 2013 dans le domaine de la santé (PHP). Ce dernier constitue un cadre au financement de projets d’ampleur européenne, comme la coopération des systèmes de santé, l’influence des déterminants de santé (alimentation, alcool, tabac et consommation de drogues) ou des mesures visant à échanger des connaissances et des méthodes éprouvées comme la diffusion d’informations adaptée aux citoyens. Une participation suisse au programme de santé permettrait également aux acteurs suisses de prendre part à ces projets.
Contact: Anne Lévy, rèsponsable de la Section Alcool et Tabac, anne.levy@bag.admin.ch Gaudenz Silberschmidt Vice-directeur de l’Office fédéral de la santé publique Chef de la Division affaires internationales
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La réduction des risques tient le cap – mais n’est pas encore à destination Réduction des risques. En résumé, la 18e Conférence internationale sur la réduction des risques qui s’est tenue à Varsovie a délivré une image positive de l’évolution du travail de réduction des risques à l’échelle internationale. Les pro grammes visant une amélioration de la situation médicale, sociale et juridique des personnes consom matrices de drogues sont désor mais bien implantés. Toutefois l’intégration complète de la réduc tion des risques dans la politique en matière de drogue de tous les pays est encore loin d’être réalité. Quelque 1200 participants, membres de 580 institutions et venus de 82 pays se sont réunis à Varsovie du 13 au 17 mai 2007 pour assister à la 18e Conférence internationale sur la réduction des risque. Le congrès, organisé par l’International Harm Reduction Association IHRA, a voulu, cette année, tirer une sorte de bilan après 20 ans d’activité internationale.
A la fois plus différencié et plus global Il est désormais incontestable que la réduction des risques a dépassé le stade des balbutiements. Plusieurs indices le prouvent comme, entre autres, la recon-
naissance de la nécessité d’adopter des mesures spécifiques aux groupes-cibles. Ces groupes-cibles peuvent être des groupes ethniques, des détenus, des jeunes, des sans-abri ou des travailleurs du sexe. Si, dans le passé, les mesures se limitaient pour l’essentiel à la prévention du VIH/sida, les efforts aujourd’hui se sont nettement élargis. D’autres maladies, comme l’hépatite, la tuberculose ou le paludisme, mais aussi des risques sociaux et juridiques comme la stigmatisation, la discrimination ou l’absence de logement font l’objet d’une attention accrue. De plus, la réduction des risques ne se restreint plus, désormais, aux seules drogues illégales, mais inclut également l’alcool et la nicotine.
que ou juridique que sociale. En Russie par exemple, la remise de méthadone est toujours interdite. Dans de nombreux pays, les délits de drogue sont toujours passibles de la peine de mort. Des acteurs importants aux Etats-Unis et au Japon continuent de militer, lors de congrès internationaux, contre les activités visant à réduire les risques. Dans de nombreux pays, le ressentiment de la population civile entrave un travail efficace. A l’opposé, des nouvelles réjouissantes arrivent de nombreux pays d’Asie qui ont réagi à l’avancée des épidémies de VIH/sida par des programmes appropriés. En revanche, l’Afrique est toujours la lanterne rouge – essentiellement par manque de moyens financiers. En Amérique du Sud, le BréRéduction des risques: sil fournit un travail de pionnier; un droit humain d’autres pays ne peuvent ou ne veulent Gerry Stimson, directeur de l’IHRA, a pas encore s’associer à ce mouvement. souligné, lors de la conférence, les prinEngagement de la Suisse cipes élevés de la réduction des risques bienvenu qui s’appuient sur les droits humains à la vie, à la sécurité et aux soins médi- L’Office fédéral de la santé publique caux. Toutefois, cette conception ne fait (OFSP) a apporté, lors de la conférence pas l’unanimité partout dans le monde; de Varsovie, une contribution à la seshormis dans les pays de l’AELE, au Ca- sion «Harm Reduction Timelines», qui nada et en Australie, la réduction des faisait le point sur l’évolution de la rérisques ne s’est pas encore imposée duction des risques en Suisse, en Iran, comme partie intégrante de la politique en Russie et en Indonésie. Cette session en matière de drogue. Les raisons à cela constituait une exception dans la mesupeuvent être aussi bien de nature politi- re où les exemples qui y étaient présen-
tés émanaient de régions non anglophones. L’activité de la Suisse a rencontré un écho des plus positifs. La Suisse veut davantage s’impliquer dans les événements de ce type et, notamment, faire part de ses longues expériences avec les locaux de consommation, le traitement assisté à l’héroïne et le monitoring de ses activités.
Une activité qui date des années 80 déjà A la fin des années 80, une idée faisait déjà son chemin en Suisse, face à la situation précaire qui régnait sur la scène de la drogue: les personnes toxicodépendantes peuvent aussi recourir à un soutien social et médical si elles ne sont pas mesure de renoncer à la consommation de drogues illégales. Aujourd’hui, la Suisse dispose d’un réseau d’antennes de contact et d’accueil bien établi ainsi que d’une offre complète en prestations, comme la remise de seringues et de préservatifs stériles ou la création de locaux de consommation. Ces offres à bas seuil visent à réduire les risques de la consommation de drogue et à ouvrir aux toxicomanes une voie vers une stabilisation de leur état de santé et une intégration sociale. Contact: Thomas Egli, Section Drogues, thomas.egli@bag.admin.ch
I-ThETA – une nouvelle plate-forme internationale pour la formation en matière d’addiction 5 questions à René Stamm. Il existe, depuis 2005, un réseau internatio nal d’échange d’idées et d’expé riences consacré au thème de la formation en matière d’addiction. La plate-forme Internet i-ThETA.org, dont René Stamm de la Section Drogues de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) est l’un des initiateurs, veut être une plaque tournante destinée aux profession nels.
formation continue est presque toujours née d’initiatives institutionnelles et il y a peu de coordination aux niveaux nationaux. Cette hypothèse a été confirmée par les réponses apportées à un questionnaire envoyé par la CFD aux pays occidentaux. Il a mis en évidence à quel point ce secteur d’activités est hétérogène, que ce soit au niveau structurel, de la forme ou des contenus. L’idée était donc de créer un réseau international d’échange pour encourager les prestataires de formation (Universités, Hautes spectra: Qu’est-ce qu’I-ThETA? écoles et autres prestataires) à mieux se René Stamm: I-ThETA signifie Interna- connaître. Mais une ambition d’I-ThETA tional Think Tank Education and Training est également de permettre aux profeson Addiction. Il s’agit d’une plate-forme sionnels désirant se former d’avoir plus d’échange internationale consacrée spé- facilement accès à l’offre existante au cifiquement au thème de la formation en niveau international. I-ThETA a formelmatière d’addiction. lement vu le jour en septembre 2006 à Edinburgh.
Qui a créé I-TheTA et pourquoi?
I-ThETA a été lancé par l’OFSP au travers de sa Commission d’experts formation dans le domaine des dépendances (CFD). Il est né de la constatation que cette formation continue reste un secteur isolé à l’intérieur du champ des addictions et qu’il est peu mis en réseau aux niveaux national et international. Aucune des multiples conférences nationales ou internationale existantes par exemple ne thématise ce sujet. L’offre de
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comité de pilotage présidé par le Prof. Ambros Uchtenhagen. Il n’a pas de personnalité juridique et ne gère pas de fonds propres. Le secrétariat du réseau (10%) est actuellement géré par la CFD et c’est elle qui a financé la création du site www.i-theta.org. L’OFSP (qui finance la CFD) n’a ainsi donné qu’un financement d’impulsion. Dès mai 2008, le secrétariat d’I-ThETA sera repris par le partenaire écossais du réseau. I-ThETA organise une fois par année une «assemblée générale» en marge d’un grand congrès auquel ses membres participent de toute façon. En 2006 et 2007 s’était à l’occasion du congrès de l’ICAA et en 2008 se sera à Barcelone lors du Harm Reduction Congres.
qui constitue le centre du réseau et nous avons déjà réussi à placer le thème de la formation continue à l’agenda de 3 grands congrès internationaux.
Quelles sont les visions d’avenir pour I-ThETA?
La prochaine grande étape est d’organiser un symposium international entièrement consacré aux questions relatives à la formation en matière d’addiction. A l’origine c’est par là que nous avions voulu commencer. Mais nous avions dû nous rendre à l’évidence et constater qu’un travail de mise en réseau de base était nécessaire avant de pouvoir réaliser ce grand rêve. Une autre dimension de la vision est évidemment qu’I-ThETA s’établisse comme le lieu d’échange Quelles sont les activités d’expériences et de connaissances en déployées par I-ThETA? matière de formation et qu’il puisse enI-ThETA ne fonctionnant qu’avec très suite servir de référence pour des pays Qui participe actuellement à peu de moyens, les activités déployées émergeant. Le rêve ultime de certains I-ThETA et comment est-il ont été relativement modestes jusqu’ici. membres est finalement qu’I-ThETA ait organisé? Les premières forces ont été investies rassemblé suffisamment de reconnaisDes représentants des principaux pays pour recruter les membres et se donner sance internationale pour commencer à de l’Europe de l’Ouest, du Canada et de ces structures de fonctionnement légères proposer des standards de qualité en l’Australie constituent actuellement le et flexibles. Mais tout de même, nous matière de formation. Mais ceci est un cœur de cet organisme. I-ThETA est un avons rassemblé ces rapports de chaque rêve à long terme! réseau qui s’est donné une structure de pays participant, qui donnent des inforContact: René Stamm, fonctionnement la plus légère possible mations très intéressantes sur la situation Section Drogues, afin de ménager les ressources person- en matière de formation en addictions. rene.stamm@bag.admin.ch nelles et financières. Il est mené par un Nous avons créé la plate-forme internet
La Suisse collabore avec de nombreuses organisations internationales Organisations internationales. Dans le domaine de la santé, la Suisse entretient des relations avec le reste du monde tant au niveau bilatéral que multilatéral et s’engage activement dans de nombreuses organisations interna tionales. Face aux nombreuses menaces sanitaires, comme le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), la maladie de Creutzfeldt Jakob ou la grippe aviaire qui ne s’arrêtent pas aux frontières suisses, l’importance de la collaboration au sein d’organisations internationales n’est plus à démontrer. Il en est de même pour le tabac, l’alcool, les drogues, le VIH/sida ou l’obésité qui confrontent la plupart des Etats à des problèmes similaires, pour lesquels il est de plus en plus important d’avoir des échanges en matière de prévention, de projets, d’expériences ainsi que sur la manière de faire face à ces menaces. Les organisations internationales sont des lieux d’échange propices. En matière de santé, la Suisse est principalement active au sein de l’OMS, de l’OCDE et du Conseil de l’Europe. La liste ci-après, sans prétendre à l’exhaustivité, présente un aperçu de la collaboration de la Suisse en matière de politique des drogues.
La santé: un thème planétaire. Dans de nombreux domaines sanitaires, la Suisse fait partie d’un réseau de collaboration internationale.
INCB – Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS)
drogue et le blanchiment d’argent, ainsi qu’en faveur de l’amélioration de la colL’International Narcotics Control Board laboration Est-Ouest dans ces domaines. (INCB) veille au respect des quatre La Suisse en est l’un des membres perconventions des Nations Unies. Il fait of- manents et exerce des activités dans les fice d’organe de contrôle pour le com- secteurs susmentionnés. merce légal de stupéfiants, de substanOrganisation mondiale de la ces psychotropes et de précurseurs. Par santé (OMS) ailleurs, l’INCB établit chaque année un Nations Unies rapport sur la situation mondiale en La Suisse collabore également avec Le mandat de la Suisse comme membre matière de drogues illégales. La Suisse l’OMS, notamment pour élaborer des du groupe des pays d’Europe occiden- entretient des échanges intenses d’in- rapports sur la situation mondiale en tale au sein de la Commission des stupé- formation avec l’INCB dans le cadre de matière de drogue ou sur d’autres quesfiants de l’ONU a été renouvelé pour les la surveillance nationale contractuelle tions importantes. Elle participe, par années 2008 à 2011. En tant qu’organe de négoce légal de stupéfiants. exemple, à l’étude HBSC (Health Behade l’ECOSOC (Conseil Economique et viour in school-aged children; les résulConseil de l’Europe (Council of Social) de l’ONU, cette commission soutats de la dernière étude menée en 2006 Europe) met des propositions sur la politique seront connus en 2007) conduite tous internationale en matière de stupéfiants. Les échanges transfrontaliers en matiè- les quatre ans. La Suisse apporte son La Suisse présente sa politique des re de politique de drogue se font tradi- soutien à la formulation de résolutions drogues au sein de la commission, veille tionnellement au sein du «Groupe Pom- (Guidelines) et à la conception de maà rendre ses informations accessibles pidou». Ce groupe s’engage notamment nuels. à la communauté internationale et, in- dans les domaines de la recherche, de Rôle de la Suisse versement, profite de l’expérience des l’éthique, de la prévention, de la thérapie et de la lutte contre le commerce de La Suisse est activement représentée au autres. sein des ces organisations internationales et travaille en étroite collaboration Collaboration internationale Migration et Gender Health avec des Etats dont la politique de droLe secteur Migration et santé est égale gue suit une orientation similaire à la – IOM International Organization for ment un domaine dans lequel l’Office Migration sienne («like-minded countries»). Sa pofédéral de la santé publique collabore avec toute une série d’organisations internationales, à savoir: – Comité des Nations Unies pour l’élimi nation de toute forme de discrimina tion raciale (dans le cadre des rapports périodiques) – Conseil de l’Europe (dans le cadre du Livre blanc sur le dialogue interculturel) – ONU (dans le cadre du Pacte Interna tional relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) – CERD Comité pour l‘élimination de la discrimination raciale (dans le cadre des rapports périodiques) – OMS Europe (dans le cadre de la déclaration et du plan d’action sur la santé mentale) – OCDE/ OMS (dans le cadre du Country Review Switzerland)
Dans le domaine «Genre et santé», la Suisse entretient des contacts avec les organisations suivantes: – Conseil de l’Europe (dans le cadre d’une commission d’experts Genre et santé) – ONU (dans le cadre du Pacte Interna tional relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; dans le cadre de la mise en oeuvre de la résolution et de la plate-forme d’action de Pékin sur l’égalité des droits) – OMS Europe (dans le cadre de la déclaration et du plan d’action sur la santé mentale) – OCDE / OMS (dans le cadre du Country Review Switzerland)
litique des drogues innovante suscite toujours un vif intérêt auprès des autres pays, en particulier depuis que les derniers résultats de la recherche en attestent l’efficacité.
Collaboration bilatérale La Suisse accorde également une grande importance aux contacts bilatéraux qui viennent compléter la collaboration institutionnalisée au sein d’organes internationaux. La politique suisse en matière de drogues suscite de plus en plus l’intérêt de délégations étrangères qui se porte essentiellement sur les projets de réduction des risques et les efforts de poursuivre l’évolution du modèle des quatre piliers; la Suisse veut élargir ce fondement de sa politique en matière de drogues, qui tend à s’imposer toujours plus au niveau international, en un modèle de cube tridimensionnel qui fait la différence non seulement entre les quatre piliers mais aussi entre les différentes substances et les différents modes de consommation. (voir www.psychoaktiv.ch). Contact: Diane Steber Büchli, Division International, diane.steber@bag.admin.ch
Journée mondiale du sida – «15‘000 personnes séropositives intégrées dans la vie active» La Journée mondiale du sida a lieu le 1er décembre. Cette année, l’Aide Suisse contre le Sida rappelle qu’à l’heure actuelle, 70% environ des personnes vivant avec le VIH en Suisse exercent une activité lucrative, dont 70% à plein temps. Les personnes séropositives sont toutefois toujours confrontées à de très nombreux problèmes: discriminations, violations de la protection des données, harcèlement ou difficultés avec l’assu rance de l’employeur, sont encore monnaie courante.
Il reste encore beaucoup à faire pour bannir ces abus du monde du travail. Diverses actions dans de nombreux cantons marqueront, dès la dernière semaine de novembre, la Journée mondiale du sida du 1er décembre. Les manifestations organisées par les antennes régionales d’Aide contre le sida abordent le problème et présentent des offres nationales et régionales. Pour plus de renseignement ou pour télécharger des informations, voir sous www.aids.ch
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« Réussir à influencer le comportement des jeunes c’est, à long terme, modifier l’attitude de l’ensemble de la société face à la boisson.» Entretien avec Dag Rekve. Le Norvégien Dag Rekve a été respon sable du programme alcool auprès du Bureau régional de l’Organisa tion mondiale de la santé (OMS) à Copenhague avant de venir à Genève en 2005, au siège principal de l’OMS, au département Santé mentale et abus de substances psychoactives. Nous avons voulu savoir ce que cet expert pense des évolutions actuelles au niveau international, des défis auxquels l’OMS est confrontée et de la prévention contre l’alcoolisme en Suisse. spectra: Quelle est la mission de l’OMS en matière de réduction des problèmes liés à l’alcool? Dag Rekve: Nous sommes actuellement dans un processus dont l’objet est de définir dans quelle mesure l’OMS doit être active. Nous sommes une agence de l’ONU qui compte 193 Etats-membres et gérons six Bureaux régionaux. Chaque
« Le rapport mondial sur la santé de 2002 souligne clairement que l’alcool est, à l’échelle mondiale, le facteur de risque numéro 5 pour la santé.» année, les Etats-membres se réunissent ici à Genève pour tenir l’Assemblée mondiale de la santé qui prend des décisions importantes sur toutes les questions de santé possibles. En règle générale, nous travaillons avec des instruments non contraignants, comme les résolutions. Mais il existe également quelques instruments contraignants, comme la Convention-cadre sur le tabac. Les six régions ont leurs propres programmes qui tiennent compte des différences régionales. Certaines régions sont très actives en matière d’alcool, d’autres moins. L’OMS Europe est l’organisation qui a abordé la première la question de l’alcool, en 1992, avec le lancement du premier Plan d’action européen alcool. Après un gros travail technique comme l’élaboration de lignes directives pour des interventions brèves et autres actions du même genre, l’alcool est devenu une question politique lors de l’Assemblée mondiale de la santé de 2004. C’est ainsi qu’en 2005 une résolution a été adoptée sur la réduction des risques dans le domaine de l’alcool avec pour mandat de faire rapport, en 2007, sur les progrès accomplis par les Etatsmembres. Cette résolution a déclenché des développements intéressants dans un grand nombre d’Etats-membres. Entre-temps, toutes les régions OMS ont mis la question de l’alcool à leur ordre du jour.
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Où se situe la problématique de l’alcool par rapport à d’autres défis de la politique sanitaire? La charge que représente la maladie («Burden of Disease») a été identifiée lors d’une étude conduite depuis les années 1990 par l’OMS, Harvard et la Banque mondiale. Le rapport mondial sur la santé de 2002 souligne clairement que l’alcool est, à l’échelle mondiale, le facteur de risque numéro 5 pour la santé. Pour faire face à la négligence politique dont l’alcool avait été victime jusqu’ici, l’OMS s’est tournée vers la première commission d’experts (créée en 1980), organe scientifique suprême auquel elle recourt à titre consultatif. Ce groupe d’experts a présenté un rapport, actuellement sous presse, qui résume les dernières informations scientifiques disponibles sur le caractère dangereux de l’alcool pour la santé.
Est-il exact que la région Europe soit la plus touchée par les problèmes liés à l’alcool? Oui, dans la mesure où la consommation y est la plus élevée. Mais si l’on considère l’alcool comme facteur de risque, il apparaît, par exemple, que l’alcool est un facteur de risque très important aux Etats-Unis. Et dans les pays en développement à basse mortalité infantile, l’alcool est le facteur de risque le plus élevé. Ainsi, l’alcool est le principal facteur de risque pour la santé dans de nombreux pays d’Amérique du Sud et du Pacifique Ouest. Toutefois, la part des abstinents n’est pas négligeable: dans les deux pays les plus peuplés de la planète, la Chine et l’Inde, le taux d’abstinents est relativement haut, alors qu’il est très bas en Europe. Mais il existe aussi en Chine et en Inde un grand nombre de personnes présentant des modèles de consommation à hauts risques et nous prévoyons une forte recrudescence des problèmes liés à l’alcool prochainement dans ces pays. On peut donc affirmer sans aucun doute que l’alcool est une question de santé globale.
Quelles sont les mesures de prévention structurelle que l’OMS considère comme pertinentes? Il existe déjà des conventions-cadres dans plusieurs régions, qui toutes contiennent des mesures de prévention structurelle. Les informations basées sur des données probantes ne sont pas nécessairement applicables à tous les settings culturels, à toutes les régions géographiques ou à toutes les cultures de la boisson. Ces expériences proviennent majoritairement des nations industrialisées. Il convient notamment de vérifier quel est l’impact de la prévention contextuelle sur les pays en développement dans lesquels la consommation d’alcool vendu illégalement est très élevée, où il n’y a pas d’infrastructure pour prélever des impôts ni pour contrôler la vente, où la corruption joue un grand
rôle. Simplement exiger que l’on taxe l’alcool sans tenir compte des situations de ces pays n’aurait que peu de chance de succès. Le défi pour les prochaines années est double: nous devons trouver les mesures les plus efficaces basées sur des données probantes et, d’autre part, adapter ces mesures à toutes les situations différentes dans les divers pays.
Revenons à notre région géographique. Le problème essentiel chez nous n’est pas l’absence de système fiscal ou la corruption, mais l’acceptation des mesures prévues. Comment remédier à cette situation? C’est une question difficile et sensible, car nous ne parlons pas de santé mais de politique. Je constate parfois un manque de conscience, parfois un manque de volonté politique, parfois tout simplement que d’autres questions sont prioritaires. Bien des politiciens ne veulent pas se battre à ce sujet, car la lutte en matière d’alcool est épuisante et qu’ils n’ont pas l’énergie suffisante pour cela. Dans bien des pays, le sujet est épineux. Je suis fasciné à bien des égards par la manière dont la Suisse aborde beaucoup de choses. Celui qui se gare mal ou qui passe au rouge est immédiatement verbalisé. Tous ces contrôles sont acceptés sans broncher. Il existe en Suisse un
« On peut donc affirmer sans aucun doute que l’alcool est une question de santé globale.» bon potentiel d’acceptation des mesures de prévoyance structurelle. Tout dépend naturellement du cadre fixé. Si les gens ont l’impression que l’Etat les infantilise, le succès ne sera pas au rendez-vous. Mais si les mesures sont formulées de manière à être comprises comme protection de victimes innocentes d’automobilistes alcoolisés ou comme aide aux enfants de parents alcooliques, alors cela peut fonctionner. J’assiste à de très bonnes campagnes en Suisse, notamment celles de l’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies.
Quelles sont les bonnes pratiques de la prévention structurelle dans le domaine de l’alcool? Les plus efficaces sont naturellement le prix et la disponibilité des boissons alcooliques. Il s’agit d’une règle économique fondamentale qui ne s’applique donc pas uniquement à l’alcool. Il existe un lien indéniable entre le prix, la disponibilité et la consommation. La question est plutôt de savoir quels changements vont provoquer quels effets. Quel doit être le montant des taxes pour éviter des effets secondaires trop forts, comme la consommation accrue d’alcool illégal ou le transfert vers d’autres drogues. Nous manquons encore de connaissan-
ces scientifiques fondées en la matière. Mais une chose est claire: les taxes et la disponibilité sont des instruments très efficaces. Au-delà, il existe des mesures plus ciblées de prévention contextuelle, comme les mesures contre la conduite en état d’ivresse ou d’autres contre des comportements spécifiques. Sur le terrain et en thérapie, nous savons que l’intervention brève fait partie des mesures efficaces.
Vous venez de Norvège et vivez maintenant au bord du lac Léman, région viticole par tradition, où l’alcool est fortement enraciné dans le quotidien. Quel rôle joue l’alcool dans votre pays d’origine? Il y a, certes, quelques tentatives de viticulture en Norvège, mais c’est plutôt la production d’alcools forts qui est typique de notre pays. En soi, l’alcool a la même fonction culturelle qu’en Suisse, mais il fait encore plus fortement partie des fêtes et soirées festives qu’ici. En Norvège, on boit peu d’alcool lors des repas. La raison en est simple: le vin était une boisson quotidienne dans les pays producteurs, alors qu’en Norvège, où il n’y a pas de vignes, on brassait de la bière, dont la fabrication repose sur le grain – donc une denrée alimentaire. C’est pourquoi la bière était quelque chose de spécial, réservée à des occasions particulières. Par ailleurs, la conservation de la bière étant limitée, il fallait la boire rapidement, ce qui conduisait à des banquets qui duraient des jours. C’est de là que vient la culture de l’ivresse ponctuelle. Autrement dit: des bases culturelles différentes ont conduit à des modes de boissons différents. L’habitude de l’ivresse ponctuelle provoque beaucoup plus de violence et de trouble de l’ordre public, ce qui justifie des mesures de contrôles appropriées. Dans d’autres cultures en revanche, les effets individuels sur la santé sont plus importants.
L’ivresse ponctuelle a-t-elle augmenté ces derniers temps? Il y a des signes, bien que nous ne disposions pas encore de tous les indices de comparabilité. C’est dans le groupe des 16 – 30 ans qu’il nous manque le plus de chiffres; certes, nous disposons de données nationales, mais pas d’études internationales comparatives sur la consommation d’alcool. Les seuls éléments comparables sont livrés depuis 1995 par les études ESPAD et HBSC 1, donc des études européennes. Nous savons que l’ivresse ponctuelle est répan-
ESPAD: The European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs – Projet européen d’enquêtes scolaires sur l’alcool et d’autres drogues HBSC: HBSC Health Behaviour in School-aged Children (sur les comportements de santé des jeunes)
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leurs emplettes. Pour faire face à cette situation, les autorités finnoises ont massivement baissé les taxes, entraînant immédiatement une recrudescence des problèmes de santé.
Cela doit être très choquant à vos yeux que l’alcool en Suisse – également un pays très riche – soit si bon marché. Pour trois francs, les jeunes ont de quoi s’enivrer complètement à la bière.
Dag Rekve
due dans les pays scandinaves et qu’elle augmente dans certains pays. Mais cette situation est avant tout une question politique, notamment à cause des alcopops qui ont attiré l’attention sur les jeunes et leur comportement en matière de boisson. Nous disposons également de signaux clairs selon lesquels les jeunes femmes en particulier boivent davantage d’alcool pour être ivres.
Les jeunes qui s’habituent dès 14, 15 ou 16 ans à l’ivresse ponctuelle sont-ils plus exposés au risque de ne plus pouvoir abandonner ce comportement plus tard? C’est difficile à dire. Mais on peut affirmer que plus une personne commence à boire jeune, plus le risque de développer plus tard des problèmes d’alcool est important. Donc, plus on peut retarder le début de la consommation, mieux c’est et plus les effets sur la santé seront po-
« Quel doit être le montant des taxes pour éviter des effets secondaires trop forts, comme la consommation accrue d’alcool illégal ou le transfert vers d’autres drogues.» sitifs. Les jeunes qui n’ont pas achevé leur croissance et qui commencent déjà avec l’ivresse ponctuelle risquent des lésions du cerveau et portent préjudice à tout leur développement. C’est pourquoi la prévention des problèmes liés à l’alcool doit particulièrement s’occuper des jeunes dont les habitudes de boissons reflètent toutefois souvent la culture en matière de boisson de l’ensemble de la société. Si l’on réussit à influencer le comportement des jeunes il devient possible, à long terme, de modifier les habitudes de boissons de l’ensemble de la société.
L’OMS parle de 62'000 décès de jeunes européens dus à l’alcool par an. Ce sont les chiffres à l’état pur auxquels il faut ajouter la lourde charge que cela représente pour la société. Les chiffres sur la consommation d’alcool et l’ivresse ponctuelle chez les jeunes sont effrayants particulièrement en Europe de l’Est et dans certains pays de l’Europe du Nord. Il est important d’entreprendre quelque chose, mais pas chacun dans son coin, il faut intégrer l’ensemble du setting qui conduit à ces modèles de consommation.
En tant que Norvégien, vous connaissez la stratégie des prix de vente très élevés. Mais manifestement l’effet souhaité n’est pas évident dans votre pays. Tout dépend bien sûr de la manière dont on mesure. La Norvège a toujours travaillé sur la prévention structurelle et a toujours aussi affiché une consommation d’alcool moyenne peu élevée. En Norvège, il est de tradition depuis des lustres de boire pendant le week-end mais pas pendant la semaine. La forte taxation de l’alcool n’a pas eu beaucoup d’effet. On peut se demander ce qui se passerait si l’on levait cette forte imposition.
Comme en Finlande, lorsque le gouvernement finnois a baissé, en 2004, les impôts sur les boissons alcoolisées jusqu’à 40% pour empêcher que les Finlandais achètent de plus en plus d’alcool bon marché en Russie et en Estonie voisines? La Finlande a dû adapter ses taxes au Marché commun. Les Finlandais ont brusquement eu le droit de passer la frontière avec 110 litres de bière, 20 litres de liqueur et 10 litres d’alcool fort sans taxe – et ils pouvaient se rendre tous les jours en Estonie pour y faire
En matière d’alcool, rien ne me choque plus. Mais il faut garder l’oeil sur certaines choses, comme les prix des boissons alcoolisées par rapport à d’autres boissons. Que coûte une bière par rapport à de l’eau minérale ou à des sodas? Il est bien sûr très regrettable que la fixation des prix invite à consommer des boissons alcoolisées. Si l’on augmente les taxes sur l’alcool pour que les sodas soient comparativement moins chers, on attise de nouveaux débats – bien des sodas contiennent beaucoup de sucre et sont donc une option douteuse d’un point de vue sanitaire. La question principale doit rester: quelles sont les possibilités de ne pas consommer de l’alcool, quel choix les jeunes et les adultes ontils en la matière et comment ces choix peuvent-ils être influencés par des mesures de prévention contextuelle afin de faciliter la bonne décision?
Dans le journal d’aujourd’hui il y a un article sur les Devil Bags remplis d’alcools forts que l’on peut commander aussi sur Internet. Comment faire face à ces formes d’offres et à ces nouveaux canaux de distribution – souvent à l’intention des jeunes – inventés par l’industrie des alcools? Je pense savoir d’où vient l’idée. Dans les pays scandinaves, nous avons de tout temps apporté une certaine quantité d’alcool fort pour la verser dans les boissons, au bar ou au restaurant. Cette tradition devient maintenant une offre commerciale qui tire parti des expériences issues du domaine de l’illégalité et invite à contourner la loi. La nouvelle infrastructure du commerce et de la promotion – Internet par exemple – représente un défi majeur dans le domaine de l’alcool. Mais la mobilité croissante des personnes ouvre aussi de nouvelles possibilités presque illimitées de transport d’alcool au sein des pays et par delà les frontières. Comment aborder cette situation? Comment empêcher que ce trafic échappe aux mesures réglementaires? Le trafic transfrontalier nous cause de grands soucis, mais aussi toutes ces nouvelles opportunités et cette créativité inédite du commerce. Nous avons des contacts avec l’industrie de l’alcool pour savoir comment l’intégrer dans nos efforts de réduire les problèmes dus à l’alcool. Nous sommes convaincus que l’industrie de l’alcool doit prendre ses responsabilités. Pour ce faire, elle doit mieux comprendre les aspirations de santé publique et intégrer cette notion dans la planification et la conception de
nouveaux produits, lors de la production, du marketing, de la conception de l’emballage et de la vente. L’industrie se doit de faire face à ce conflit d’intérêts: comment aider à réduire les problèmes dus à l’alcool au risque de devoir supporter des conséquences sur le chiffre d’affaires?
Autre sujet issu de la presse du jour: à Interlaken, des parents sont invités à une réunion d’information pour rechercher des solutions aux problèmes avec les jeunes alcoolisés. Quelle est l’importance de ce type d’initiatives locales? C’est un domaine dans lequel nous allons devoir intensifier nos efforts à l’avenir. Comment faire pour exploiter de manière optimale toutes les initiatives possibles issues des communes en faveur de la prévention des problèmes liés à l’alcool ? La Suisse est un terrain idéal pour développer ce type d’activités. Car, si la prévention contextuelle est importante, la réduction des risques occupe
« Il est bien sûr très regrettable que la fixation des prix invite à consommer des boissons alcoolisées.» aussi une place de plus en plus grande. Un exemple: la vente de bière lors de grandes manifestations sportives dans des récipients en plastique – au lieu des bouteilles en verre. Si la mesure ne traite pas le problème à la racine – violence et débordements des supporters alcoolisés – elle contribuera, espérons le, à minimiser les dégâts. Ce qui est primordial, c’est qu’il existe un très grand potentiel si l’on exploite les synergies et que l’on coordonne, avec la sensibilité nécessaire pour les différences culturelles, les efforts aux niveaux local, régional, national et global, pour réduire les conséquences de la consommation d’alcool. C’est là que réside notre plus grand défi.
Notre interlocuteur Dag Rekve travaille au département Santé mentale et abus de substances psychoactives auprès du siège principal de l’OMS à Genève. Après des études d’économie, il s’est spécialisé en psy chologie et comportement de la dépen dance. Il a travaillé pendant 15 ans dans la prévention et la thérapie des dépen dances. Dag Rekve a été notamment membre de la commission des experts en dépendances auprès du gouverne ment norvégien. Il travaille actuellement à un niveau global sur la poursuite du développement de la résolution de l’Assemblée mondiale de la santé de 2005 pour réduire l’abus d’alcool.
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Conférence européenne sur le VIH/sida avec participation suisse Prévention du VIH/sida. La troisiè rapies nécessaires. Le problème de sanme conférence ministérielle de té posé par le VIH/sida est donc devenu l’UE sur le thème «Partenariat et un défi de politique globale pour l’UE. responsabilité – ensemble contre La Chancelière a qualifié la question du le VIH/sida» s’est tenue au mois de VIH/sida d’«affaire de dirigeants» et l’a mars 2007 à Brême (Allemagne). mise à l’ordre du jour tant du Conseil Une délégation suisse y a participé, des ministres de l’UE qu’elle a présidée à l’invitation formelle de l’Allema jusqu’au Sommet du G8 en juin 2007. gne. La situation en matière de La Suisse: rôle de pionnier et VIH/sida dans les nouveaux Etats modèle de responsabilité de l’UE et les pays voisins consti tue un nouveau défi pour l’UE – et Le fait que la Suisse ait été invitée à la pour la Suisse. conférence de Brême souligne le rôle de Après les conférences de Dublin (février 2004) et Vilnius (septembre 2004), il revenait à la nouvelle présidence de l’UE d’organiser la troisième conférence ministérielle sur la question du VIH/sida. La délégation suisse y a été invitée pour rendre compte de son travail exemplaire en matière de prévention du sida. Elle a également eu l’insigne honneur de participer, en tant que rapporteur, à l’atelier le plus important sur le «Rôle des acteurs étatiques et non étatiques dans la prévention du VIH/sida».
Situation précaire en Europe centrale et orientale Le discours d’Angela Merkel, Chancelière allemande et Présidente de l’UE à l’époque, a constitué l’apogée de la conférence. Pour elle, l’élargissement de l’Europe à l’Est constitue un nouveau défi pour la lutte contre le VIH/sida. Certains des nouveaux Etats-membres de l’UE, et en particulier les nouveaux voisins que sont notamment la Russie et l’Ukraine, ne sont en mesure ni de contrôler l’épidémie ni de garantir aux personnes concernées un accès aux thé-
pionnier qu’elle occupe depuis 20 ans dans le domaine de la lutte contre le VIH/sida. Pour beaucoup de pays, la Suisse est, à cet égard, un modèle et devrait offrir plus activement son expertise aux pays touchés, notamment sa gestion reconnue du problème de la consommation de drogue par voie intraveineuse. La nouvelle évaluation de la situation en matière de VIH/sida suite à l’élargissement de l’Europe vers l’est permet de tirer les conséquences suivantes pour la Suisse: – La Suisse doit observer au plus près comment la politique de l’UE se développe par rapport aux pays d’Europe centrale et orientale et à leurs épidémies de VIH. La propagation du VIH/sida est déclenchée principalement par les échanges de seringues entre usagers de drogues injectables dans ces pays, problème qui est tout simplement nié dans de nombreux pays touchés. Les épidémies incontrôlées dans ces pays peuvent devenir un défi, pour la Suisse aussi, par le biais de la prostitution (d’approvisionnement) et de la migration.
–L a Suisse devrait soutenir l’initiative de la Ministre fédérale de la santé, Ulla Schmidt, qui cherche, en collaboration avec l’industrie pharmaceutique, le moyen de permettre aux patients atteints du VIH/sida dans les pays les plus pauvres de l’UE l’accès aux thérapies antirétrovirales. – La Suisse doit associer le soutien des programmes contre le VIH/sida en Europe de l’Est à l’engagement de respecter les principes avérés du travail en matière de VIH/sida. Ces principes sont avant tout la prévention, la réduction des risques et la coopération avec la société civile et les personnes concernées.
deux organisations non gouvernementales que sont LHIVE (organisation nationale de personnes vivant avec le VIH/ sida en Suisse) et d’Aide Suisse contre le Sida. Tous ont salué l’engagement d’Angela Merkel en faveur de la lutte contre le VIH/sida pendant la présidence allemande de l’UE et apprécié la déclaration d’Ulla Schmidt qui a insisté sur l’importance des ONG dans le combat contre le VIH/sida. Il appartient à la politique, de prendre la direction politique de la lutte contre le VIH/sida et de veiller à mettre en place l’infrastructure et les moyens indispensables à la prévention. Mais il est du devoir de la société civile, et en particulier des ONG, d’entretenir un contact étroit avec les groupes-cibles menacés et de mettre en œuvre sans relâche des programmes de prévention. Il ne sera possible de pratiquer une prévention efficace qu’en responsabilité et partenariat communs avec la société civile. Contact: Luciano Ruggia, Commission fédérale pour les questions liées au sida, luciano.ruggia@bag.admin.ch
La Suisse dans le Think Tank européen VIH/sida
Le Think Tank on HIV/AIDS est un forum d’experts des Etats-membres et voisins de l’UE. Il a été fondé en 2004 par la Commission européenne pour faciliter et coordonner les mesures de lutte contre Rôle important des ONG le VIH/sida dans l’UE et les pays voisins La délégation suisse, conduite par le et promouvoir le transfert de connais professeur Thomas Zeltner, actuel di- sances. La Suisse y est représentée recteur de l’OFSP, était composée non depuis 2005, sur invitation de la Com seulement de représentants d’organisa- mission européenne.
tions gouvernementales, mais aussi des
Forum Recherche suisse sur le sida: un manque de priorité préjudiciable à l’international «Le modèle de recherche sur le sida orientée sur les patients et la maladie permet l’observation globale de l’évolu tion du VIH et du sida en Suisse, la coordination et l’optimisation des efforts de recherche, l’utilisation pertinente des moyens financiers ainsi que le transfert régulier du savoir dans la prévention, la santé publique et la politique de santé.» 1 Cette citation illustre la réputation internationale encore exceptionnelle jusqu’il y a peu de la recherche suisse en matière de sida – qui avait fourni dès 1990 une contribution importante à la compréhension des causes, du déroule ment et de la thérapie de l’infection par le VIH. Le principal facteur de succès était la collaboration interdisciplinaire et coordonnée des domaines de la recher che clinique, de la recherche fondamen tale en biomédecine et des sciences sociales/de la santé publique – qui a favorisé et marqué de son empreinte l’approche médicale, politique et sociale du sida dans notre pays. Le succès du modèle de prévention et de
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suivi suisse était scientifiquement solide ment ancré et servait de modèle au niveau international. Pour des raisons zélées d’économie, le Fonds national a supprimé le pôle de recherche sida du programme dont l’efficience se justifiait par la coordination interdisciplinaire et la priorisation. La pression aux économies, aussi inévitable fût-elle, n’aurait pas dû remettre le modèle en question. La principale victime de cette politique d’économie à court terme est la recher che en sciences sociales. L’impact sur la qualité du travail suisse sur le sida est sensible, la désorientation des antennes régionales de base tangible, le modèle international appartient désormais au passé. Il faudrait approfondir l’analyse, toutefois je voudrais citer un exemple. La recherche en prévention biomédicale avance à grand pas – mais où sont les études de médecine sociale et préventi ve qui nous montrent comment et quelle recherche doit être conduite en priorité et quelles méthodes sont acceptées dans quels groupes-cibles? Quel est l’impact des progrès de la recherche en matière de prévention sur la prévention primaire et secondaire, sur le travail
quotidien des aides contre le sida? Autre chose encore: la petite Suisse offre un environnement idéal pour une collaboration multicentrique et interdis ciplinaire. On se connaît, on a davantage tendance à conclure des compromis et à travailler ensemble vers un but commun que dans d’autres Etats européens, où il n’existe souvent qu’un ou deux centres de recherche d’importance internationa le et qui pratiquent plutôt la concurrence que la coopération. Pour l’instant, le pôle de la recherche clinique et thérapeutique sur le sida subsiste. L’étude de cohorte VIH 2 est une des cohortes VIH la plus citée dans le monde et, depuis 1998, un label de première qualité contenant les données de presque 15‘000 patients. Reste à espérer que les bureaucrates de l’écono mie continueront de ménager ce mor ceau de choix. Les conséquences des mesures d’économie seraient majeures – non seulement pour la recherche suisse, mais aussi pour les patients VIH dans le monde entier. Une recherche de grande qualité peut aussi être un article d’exportation appré cié. Là où la misère due au sida et au VIH
frappe le plus fort, c’est là aussi que la recherche est la plus déficiente. Il appar tient à la Suisse, siège de l’OMS et d’ONUSIDA de se démarquer à nouveau dans ce domaine. Ce que fait la Suisse, ou ce qu’elle ne fait pas, peut avoir des répercussions largement au-delà des frontières – comme l’avait si bien chanté le poète Mani Matter dans sa célèbre chanson sur l’allumette.
David Haerry – vit avec le VIH à Berne. Membre de l’European AIDS Treatment Group à Bruxelles et de l’Excutive Com mittee Forum for Collaborative HIV Re search à Washington D.C., il travaille en tant que consultant pour l’International AIDS Vaccine Initiative IAVI à Amsterdam. Prof. Michel Glauser, président de la Commission sida du Fonds national suisse, dans «Aids-Forschung Schweiz 2001» 2 www.shcs.ch
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La communauté internationale concrétise ses efforts de prévention du tabagisme Convention de l’OMS sur le tabac. Les parties à la Convention de l’OMS sur le tabac vont entamer les négociations sur un protocole concernant le commerce illicite des produits du tabac. C’est ce qu’ont décidé, à l’unanimité, les 146 Parties au mois de juillet dernier à Bangkok, lors de leur seconde session. De plus des recommandations pour lutter contre l’exposition à la fumée du tabac ont été adoptées.
n’assiste aux sessions des Parties qu’en qualité d’observatrice, ce qui suscite toujours des réactions d’incompréhension parmi les représentants d’autres Etats. La deuxième session de la Conférence des Parties à la Convention de l’OMS sur le tabac – comparable à une assemblée du Parlement ou de l’Organisation mondiale de la santé – s’est tenue en juillet 2007 à Bangkok.
La Suisse a signé, avec 168 autres Etats, la convention de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur le tabac, (Convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti tabac (CCLAT), en anglais WHO Frame work Convention on Tobacco Control (FCTC). La Convention de l’OMS sur le tabac est un contrat international destiné à lutter contre la consommation de tabac et à protéger contre l’exposition à la fumée du tabac. Ce traité multilatéral d’un genre innovant est le premier de sa catégorie à revêtir, pour de nombreux experts, le rôle de modèle pour des con ventions internationales sur la santé. Adoptée en mai 2003 par l’Organisation mondiale de la santé, la convention est entrée en vigueur en février 2005 et a déjà été ratifiée par 150 Etats (y compris l’Union européenne). La Suisse n’a pas encore ratifié la convention qui, de ce fait n’est pas contraignante pour notre législation. C’est pourquoi la Suisse
La contrebande de cigarettes de marque, authentiques ou contrefaites, est un commerce florissant. En 2006, 11% des cigarettes vendues dans le monde l’ont été pour le compte de la contrebande. Luk Joossens de l’association des Ligues européennes contre le cancer (ECL) et représentant de l’alliance pour une Convention-cadre (FCA) à la conférence de Bangkok traduit cette fraude en termes de perte fiscale annuelle d’un montant de 40 à 50 milliards USD. Les cigarettes illégales sont moins chères que les cigarettes légales et encouragent la consommation de produits du tabac bon marché. La contrebande sape donc les mesures de prévention du tabagisme.
La contrebande est source de pertes fiscales
Les avertissements ostensibles font partie intégrante des efforts de prévention du tabagisme à l’international.
lées à l’article 8 CCLAT. Ces recommandations s’adressent aux gouvernements nationaux et locaux et donnent des orientations claires pour mettre en oeuvre une protection efficace. La fumée du tabac nuit à la santé dès une quantité infinitésimale; il est donc impossible de fixer des valeurs limites. Divers groupes de travail ont étudié la question du conditionnement et de l’étiquetage des produits du tabac (article 11 CCLAT) et se sont penchés sur les thèmes de la publicité en faveur du tabac, Lutte contre le tabagisme passif de la promotion et du parrainage (artiÀ Bangkok, les Parties ont également cle 13 CCLAT) afin de pouvoir préparer adopté des directives sur la protection les directives ad hoc en vue de la procontre l’exposition à la fumée du tabac chaine session. qui concrétisent les dispositions stipu- Enfin, les travaux ont été poursuivis
dans d’autres domaines, comme celui de l’éducation, de la communication, de la formation et de la sensibilisation du public aux questions du tabac.
Prochaine session en Afrique du Sud Le Dr Hatai Chitanondh (Thailande) a été élu comme nouveau Président. Il dirigera le Bureau et présidera la COP III. Vehbi Esgel Etensel (Turquie) a été élu nouveau coordinateur pour la région EURO. Enfin, il a été décidé que la COP III aurait lieu en Afrique du Sud en 2008. Contact: Thomas Schuler, Division Droit, thomas.schuler@bag.admin.ch www.bag.admin.ch/fctc/
Recherche sans frontière Recherche internationale en matière de santé. Un accord bilatéral conclu avec l’UE permet à la Suisse de participer aux pro grammes de recherche européens en tant que pays associé avec tous les droits et devoirs qui en décou lent. Les opportunités de prendre part à la recherche internationale européenne, de participer à la détermination de l’agenda de recherche et d’exploiter le pool de connaissances offert par les études existantes conduites dans l’espace UE sont nombreuses. Si ces oppor tunités sont déjà utilisées, elles pourraient l‘être encore plus. En dehors de la recherche de l‘UE, de nombreuses ressources suscepti bles d’intéresser tant les chercheurs que les gens de terrain, demeurent.
permettant à l’UE d’encourager les activités de recherche et d’innovations dans presque toutes les disciplines. L’objectif de ces programmes-cadres est de créer un espace de recherche européen, ainsi qu’une économie et une société européennes basées sur le savoir. A travers l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et diverses autres institutions de recherche, la Suisse a elle aussi pu exercer une certaine influence sur le 7e PC.
Participation directe possible pour la Suisse
santé pour les années 2007 à 2013, soit 1 milliard d’euros par an. Le dialogue et la participation à des programmes de recherche de l’UE sont essentiels pour la Suisse, car c’est la seule manière de faire passer directement ses requêtes. L’OFSP saisit donc toutes les occasions pour placer des questions de santé publique ainsi que des questions s’orientant directement sur la politique et la pratique et des questions intéressant particulièrement la Suisse dans les programmes de recherche de l’UE. L’un des objectifs est aussi d’atteindre un équilibre entre la recherche dans le domaine de la santé publique et la recherche biomédicale classique. Afin de continuer à améliorer les conditions de participation suisse au 7e PC, l’association Euresearch soutient, sur mandat du Secrétariat d’Etat à la formation et à la recherche (SER), les chercheuses et les chercheurs en Suisse. Euresearch fonctionne comme un réseau constitué d’antennes régionales présentes dans chaque université et d’un « Head Office » à Berne. Elle offre des conseils gratuits, organise des manifestations d’information et répond aux questions par téléphone ou par courrier électronique.
Des organes de recherche suisses ont pu prendre une part active à la rédaction du programme de recherche du 7e PC et apporter ainsi des propositions de sujet concrètes. Les chercheurs suisses ont aussi la possibilité en tant que partenaires jouissant des mêmes droits – voire au titre de responsables de projet – de souLa recherche en matière de santé est mettre des projets de recherche, de parune priorité de l’UE comme le démon- ticiper aux recherches et, par là, d’obtetrent deux programmes actuellement en nir des fonds directement de Bruxelles. cours: à savoir le Programme d’action CORDIS, le Service Communautaire d’Incommunautaire dans le domaine de la formation sur la Recherche et le Dévelopsanté publique 2003 – 2008 et le 7e Pro- pement, fournit toutes les informations sur gramme-cadre de l’UE pour les activités les projets de recherche passés et présents, de recherche 2007– 2013 (7e PC), dans ce qui en fait un pool de connaissances Autres sources de savoir lequel la question de la santé est une non négligeable. L’UE met, par le biais du précieuses priorité. Les programmes-cadres sont le 7e PC, quelque 6 milliards d’euros à la principal instrument de financement disposition de la recherche en matière de La Suisse ne doit pas conduire elle-mê-
me des recherches dans tous les domaines, elle peut profiter des connaissances existantes – cela est vrai également pour l’UE. En la matière, le Health Evidence Network (HEN) (Réseau des bases factuelles en santé) de l’OMS est un autre pool de savoir très important. Il répond aux questions sur les sujets de politique de santé et offre des rapports ou des résumés de recherches existantes. Après un bref embargo, les sujets déjà traités sont disponibles sur le site Internet du HEN. On y trouve des rapports sur des questions comme: «Quels sont les effets des téléphones portables sur la santé humaine?», «Dans quelle mesure, selon les bases factuelles disponibles, la promotion de la santé à l’école améliore-telle la santé et prévient-elle les maladies et, en particulier, quelle est l’efficacité de la démarche des ‹écoles-santé›?». Enfin, son site web sert de point d’accès à de nombreuses sources de données. Contact: Markus Weber, Section Politique de recherche, évaluation et rapports, Markus.Weber@bag.admin.ch Liens: cordis.europa.eu www.euresearch.ch www.euro.who.int/hen
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Recherche de l’Administration fédérale – secteur santé – Plan directeur 2008 – 2011
digital
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http://www.bag.admin.ch/ themen/gesundheitspolitik/ 00388/00390/01221/index. html?lang=fr
Manuel «Diversité et égalité des chances. Les fondements d’une action efficace dans le microcosme des institutions de santé»
Le manuel, issu du projet Migrant Friendly Hospitals, est disponible en allemand, en français, en italien et, désormais aussi en anglais.
gratuit
H+, Hôpitaux de Suisse, Secrétariat central. www.hplus.ch
Titre
Date/lieu
Descriptif
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QuaTheDA Symposium 2007
15 novembre 2007, Berne
QuaThéDA - deux nouvelles dimensions: Renforcement de la coopération et qualité des résultats
www.quatheda.ch/f/ manifestations.cfm rene.stamm@bag.admin.ch
Forum Suisse Sida 2007
21 novembre 2007 Berne, Kultur-Casino, Herrengasse 25, Berne
Le Forum sera centré sur le document Vision 2010 de la CFS/EKAF.
Luciano Ruggia, OFSP luciano.ruggia @bag.admin.ch www.ekaf.ch
Journée nationale de la Réduction des Risques
13 décembre 2007 Volkshaus, Bienne
Infodrog. Eigerplatz 5, La journée est consacrée à la Campagne de sensibilisa- Postfach, 3000 Bern 14, www.infodrog.ch tion HepCH. Prix (repas inclus): matinée CHF 90.–, journée CHF 150.–
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Oui... … j’aimerais m’abonner gratuitement au magazine de prévention et de promotion de la santé «spectra»
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Veuillez me faire parvenir plusieurs exemplaires de «spectra»:
Impressum spectra Nr. 65, Novembre 2007 «spectra – Prévention et promotion de la santé» est un bulletin d’information de l’Office fédéral de la santé publique qui paraît six fois par an en français, en allemand et en anglais. Il publie également des opinions qui ne coïncident pas avec la position officielle de l’office. Editeur: Office fédéral de la santé publique 3003 Berne, Tél. 031 323 54 59, Fax 031 324 90 33, www.bag.admin.ch Réalisation: Pressebüro Christoph Hoigné, Allmendstr. 24, 3014 Berne hoigne@datacomm.ch Responsable de la commission de rédaction: Adrian Kammer, adrian.kammer@bag.admin.ch Textes: Collaborateurs de l’OFSP, Christoph Hoigné et d’autres auteurs Traduction: Marie-Françoise Dörig-Moiroud
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Photos: BAG, Christoph Hoigné Graphisme: Lebrecht typ-o-grafik, 3006 Berne Impression: Büetiger AG, 4562 Biberist Tirage: 7000 ex. allemands, 4000 ex. français, 1500 ex. anglais Il est possible de commander des numéros séparés et des abonnements gratuits à: Office fédéral de la santé publique, Section Campagnes, 3003 Berne Tél. 031 323 87 79, Fax 031 324 90 33 kampagnen@bag.admin.ch
Le prochain numéro paraîtra en décembre 2007
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Plus de poids pour la prévention et la promotion de la santé face à la médecine curative Nouvelle réglementation de la des dépenses pour le système de santé prévention et de la promotion de suisse (CHF 51,7 milliards). La Suisse se la santé. Le 28 septembre 2007, le trouve donc en dessous de la moyenne Conseil fédéral a chargé le Dépar de l’OCDE de 2,7%. tement fédéral de lintérieur (DFI) A côté de points forts comme l’efficacité d’élaborer, d’ici l’automne 2008, un démontrée des programmes nationaux avant-projet de loi visant à renfor conduits dans les domaines du VIH/sida cer la prévention et la promotion et de la vaccination, les succès remporde la santé. Le rapport «Prévention tés dans la prévention des accidents et et promotion de la santé» servira dans celle des maladies professionnelde base. Rédigé en réponse à deux les, la promotion de l’activité physique postulats, il indique que l’augmen et la prophylaxie de la carie ainsi que de tation des maladies non transmis l’ancrage de la fondation de droit privée sibles et des troubles psychiques Comment créer un équilibre sain entre la prévention, la promotion de la santé et la méde- «Promotion santé suisse», le système accine curative? Photo: Renato Brancaleoni tuel de prévention et de promotion de la nécessite de nouvelles bases légales de prévention et de promo santé révèle une faiblesse notable: par tion de la santé dans ces domaines. Modérer l’augmentation des perts en santé publique soulignent de- rapport à la prise en charge des malacoûts puis longtemps qu’il faudrait faire face dies, la prévention et la promotion de la Grâce à cette nouvelle loi sur l’organisation et les tâches, le Conseil fédéral escompte un renforcement durable de la prévention et de la promotion de la santé, ainsi qu‘une amélioration de la coordination et de l‘efficacité des activités en cours. Ce faisant, il tient compte d‘une des principales propositions formulées en octobre 2006 par l‘OCDE et l‘OMS visant au renforcement du système suisse de la santé et suit les recommandations publiées en juin 2006 par la Commission spécialisée «Prévention + Promotion de la Santé», mise sur pied par le DFI.
Base légale Les nouvelles bases légales, qui seront présentées dans un avant-projet à l‘automne 2008, régleront les aspects suivants: – mesures de la Confédération pour la prévention des maladies non trans missibles et des troubles psychiques; – coordination des activités de prévention de la Confédération, des cantons et du secteur privé par le biais d‘objectifs nationaux de prévention et de promotion de la santé; – coordination des activités de prévention des services fédéraux par le biais d‘une stratégie de prévention et de promotion de la santé du Conseil fédéral; – simplification et remaniement des structures de prévention.
La Suisse n’a pas fait exception en accordant, au cours des dernières décennies, une attention prépondérante à la médecine curative et au financement des systèmes de santé. Néanmoins, deux conditions de la politique de la santé sont de plus en plus remises en question: d’une part, l’augmentation des maladies chroniques, comme l’obésité, le diabète ou les troubles liés au stress, doit faire craindre un changement dans l’évolution de l’espérance de vie. D’autre part, les efforts accrus d’efficience ne pourront plus suffire à eux seuls, compte tenu de l’évolution démographique et de la technologie médicale, pour modérer l’augmentation des coûts. Des ex-
efficacement à ces évolutions négatives par le biais d’investissements accrus dans la prévention et la promotion de la santé.
Acteurs publics et privés En Suisse, de nombreux acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux réalisent à l’échelle nationale, cantonale et communale un grand nombre de programmes de prévention et de promotion de la santé. D’après des indications de l’Office fédéral de la statistique (données portant sur l’année 2005), la part des dépenses de prévention et de promotion de la santé se montait à CHF 1,1 milliard, soit environ 2,2% du total
Encadré 1 – Recommandations de la Commission spécialisée «Prévention + Promotion de la santé»
– Renforcement de la prévention et de la promotion de la santé dans le système de santé et dans la politique de santé, mais aussi d’autres secteurs politiques tels que politique de l’environnement, politique de l’éducation, politique économique et sociale. – Etablissement d’un processus structu ré, participatif et continu d’élaboration d’objectifs de santé nationaux dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé afin d’améliorer le pilotage et la coordination des mesures prises. – Prise en compte du principe de subsi diarité au niveau de la mise en oeuvre Importance de la prévention et et des mesures (pluralité des acteurs) de la promotion de la santé et renforcement des tâches et des La prévention et la promotion de la sancompétences des assureurs sociaux té permettent d‘éviter les décès préma(AMal, AA, AI).
–C réation d’une institution de préven tion des maladies et de promotion de la santé pour l’ensemble de la Suisse (regroupement des institutions actuel les) et regroupement des sources financières existantes accompagné d’un assouplissement du caractère obligatoire de l’affectation des impôts à la consommation. –C réation d’une loi fédérale sur la prévention et la promotion de la santé (loi-cadre) ainsi que d’une loi fédérale sur la lutte contre les maladies non transmissibles (en particulier égale ment les troubles psychiques). –V érification systématique des déci sions politiques et règles juridiques du point de vue de leur impact sur la santé.
turés et les mises à la retraite anticipée liées à la maladie, les pertes de production pour cause de maladie dans les enEncadré 2 – Propositions de l’OCDE et de l’OMS pour améliorer treprises, de préserver l‘autonomie des l’équilibre entre prévention et médecine curative personnes âgées et d‘éviter ou de retarpassé (p. ex. santé mentale ou obésité). der les besoins en soins. Etant donné – Coordonner les politiques par le biais d’une loi-cadre sur la prévention et la –P romouvoir des mesures de préven que la prévention et la promotion de la promotion de la santé. tion rentables. santé renforcent la culture sanitaire de largir certains programmes de dépis la population, elles permettent égale- – Se concentrer sur des thématiques par – E ticulièrement préoccupantes pour la tage du cancer, en particulier du cancer ment une demande et une utilisation santé publique (p. ex. consommation du sein. plus différenciées des prestations de de tabac et d’alcool, réglementation de – C réer des incitations à l’investissement santé, ce qui peut, à long terme, contril’adjonction de sel) ou ayant fait l’objet dans le domaine de la prévention et de buer à atténuer l‘augmentation des d’une attention insuffisante par le la promotion de la santé. coûts macroéconomiques en matière de Santé.
santé ne sont actuellement – exception faite de la lutte contre les maladies infectieuses et de la prévention des maladies professionnelles et des accidents – pas suffisamment ancrées que ce soit au niveau de la conception, de la politique, de l’organisation ou du droit, tant à l’échelle nationale que cantonale. Cette faiblesse structurelle a pour effet que la prévention des maladies et la promotion de la santé manquent bien souvent de pilotage et de coordination, mais aussi de transparence pour ce qui est des offres et des prestations.
Recommandations et propositions concrètes Le Département fédéral de l’intérieur (DFI) a, au mois de septembre 2005, mis en place la Commission spécialisée «Prévention + Promotion de la santé» et lui a donné pour mission de vérifier les conditions, ainsi que la faisabilité politique d’une nouvelle réglementation juridique de la prévention et de la promotion de la santé. La Commission spécialisée a présenté au DFI en juin 2006 un rapport sur l’avenir de la prévention et de la promotion de la santé en Suisse, lequel contient, entre autres, des recommandations de mesures à prendre pour renforcer la prévention et la promotion de la santé (cf. encadré 1). Dans leur rapport sur le système de santé suisse d’octobre 2006, l’OCDE et l’OMS parviennent elles aussi à la conclusion que la Suisse doit s’efforcer de mieux équilibrer la prévention et la médecine curative, d’autant plus que, en dépit d’un nombre important de programmes et de projets, la multiplicité des responsabilités dans ce domaine a conduit à des activités disparates et largement dépourvues de coordination. Pour améliorer le système, elles proposent entre autres les mesures figurant dans l’encadré 2. Contact: Salome von Greyerz, cheffe de la Section Stratégie et politique de santé, salome.vongreyerz@bag.admin.ch
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«La rechute, une chance?!» – première Journée nationale sur les problèmes liés à l’alcool Le 15 novembre 2007 verra la première édition de la «Journée nationale sur les problèmes liés à l’alcool». Cette manifestation succède à la «Journée suisse de solidarité avec les personnes tou chées par les problèmes liés à l’alcool» afin de sensibiliser et informer la population, sans tabous. Depuis dix ans, la «Journée suisse de solidarité avec les personnes touchées par les problèmes liés l’alcool» sensibilise la population aux souffrances vécues par les personnes dépendantes de l’alcool, et leurs proches. Durant ces dix années, la Journée de solidarité a suscité une grande attention, grâce à un large soutien du réseau. Afin d’assurer la pérennité et le développement de cette «Journée de solidarité», le groupe de planification lui donne une nouvelle impulsion: en 2007, la Journée de solidarité démarre avec un nouveau nom et des services améliorés destinés aux organisations régionales; on parlera désormais de la «Journée nationale sur les problèmes liés à l’alcool». Le point fort de la journée d’action 2007 porte le titre accrocheur «La rechute, une chance?!». Il permettra de montrer que le renoncement à la dépendance à l’alcool n’est pas toujours un chemin linéaire, mais que des détours ou des revers peuvent faire partie du processus de rétablissement.
Théâtre de rue, ludique et direct A l’occasion de la première édition de la «Journée nationale sur les problèmes liés à l’alcool», le 15 novembre 2007, une offre de soutien très spéciale est proposée aux centres régionaux. Le Fachverband Sucht a réalisé un concept permettant à ces centres de bénéficier de la présence de troupes de théâtre professionnelles préparées spécialement à cette action. Des acteurs professionnels confronteront les passants, dans les rues et sur les places publiques, au thème des «problèmes liés à l’alcool» d’une façon directe et pertinente. Ces actions se dérouleront dans une vingtaine de villes suisses. A chaque fois, 8 duos d’ac-
La rechute – presque inévitable dans un processus de sevrage – peut aussi être comprise comme une chance. C’est le message délivré par la première Journée nationale sur les problèmes liés à l’alcool. Photo: Gabi Ortner-Rosshoff
teurs et d’actrices proposeront leurs «interventions» pendant une heure environ, apportant ainsi leur soutien aux stands d’information présentés sur place.
Journée nationale sur les problèmes liés à l’alcool L’objectif de la Journée nationale sur les problèmes liés à l’alcool est de sensibiliser la population aux souffrances endurées par les personnes concernées par les problèmes d’alcool, et leurs proches. Il s’agit d’aborder des thèmes souvent tabous dans notre société ainsi que de faire mieux connaître les offres d’aide existantes. La Journée nationale sur les problèmes liés à l’alcool offre une plateforme pour toutes les institutions actives dans les domaines de la prévention, du conseil et de la thérapie des problèmes liés à l’alcool. Cette Journée nationale est ainsi une occasion d’informer le public sur les services de conseil, les offres de prestations, ainsi que sur ce que les personnes directement ou indirectement concernées peuvent attendre des diverses institutions, lorsqu’elles les contactent et qu’elles cherchent un soutien.
Aborder la question de la rechute Les chiffres qui permettraient d’avoir des données précises sur la proportion de personnes, en Suisse, qui rechutent sont lacunaires. Pourtant, la rechute n’en est pas moins un sujet important
dans le conseil et le traitement. Pendant le processus de rétablissement, de nombreuses personnes alcoolodépendantes y sont confrontées. Pour quelques-unes, cela reste au stade de discussion sur le risque de toucher à nouveau à l’alcool pendant ou après le traitement. Cependant, la plupart doivent apprendre à gérer des situations concrètes, dans lesquelles elles perdent à nouveau, pour une courte période ou plus longtemps, le contrôle de leur consommation d’alcool. De telles situations peuvent être très difficiles, tant pour les personnes concernées que pour leurs proches. Il est important de pouvoir appréhender de telles situations comme faisant partie du processus de rétablissement, qui offrent aussi la chance d’apprendre quelque chose sur soi et sur l’alco-dépendance. Quels sont les messages essentiels de la Journée nationale? Markus Theunert, coresponsable du projet et Secrétaire général du Fachverband Sucht: «Les personnes concernées et leurs proches assimilent souvent la ‘rechute’ à un ‘échec’. Lors de la Journée nationale sur les problèmes liés à l’alcool, les rechutes doivent s’inscrire dans un cadre permettant aux personnes concernées de progresser en s’appuyant sur leurs ressources.» Deux messages importants doivent être transmis: 1. Sortir d’une dépendance est un processus qui demande du temps et exige de la patience de la part de toutes les personnes impliquées. Le
Nouvelle publication: Qu’est-ce qu’on sait de l’état de santé des populations migrantes? Une nouvelle publication présente les résultats essentiels du Monitoring de l’état de santé de la population migrante suisse (GMM) réalisé en 2004. La publi cation vise à répondre aux questions suivantes: Quel est l’état de santé des migrants comparativement à celui de la population indigène? Vont-ils souvent chez le médecin ou à l’hôpital? Les migrants ont-ils plus de problèmes psychiques que les Suisses? Et quels facteurs influencent l’état de santé des immigrés? La première partie de la publication décrit succinctement les données rele vées pour le GMM. Elle montre, en
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pourcentages, la répartition des problè mes de santé et de l’utilisation de certai nes prestations de santé entre les diffé rents groupes de migrants interrogés. L’analyse révèle que de nombreux groupes de migrants affichent des valeurs de santé moins favorables et des risques plus élevés que la population indigène en la matière. Elle nous ap prend également que certains groupes sont capables de mieux évaluer leur santé et se comportent de manière à mieux la préserver. La seconde partie de la publication présente le résumé d’une analyse plus approfondie des données, cherchant à
identifier les facteurs responsables de la situation souvent plus défavorable des migrants en matière de santé. C’est ainsi que les interactions entre la santé, d’une part, et la migration, les facteurs socio culturels ainsi que les différentes struc tures socio-économiques et sociodémo graphiques, d’autre part, sont mis en évidence. La brochure de format A5 est disponible en allemand, en français et en anglais. Elle compte 54 pages et peut être com mandée gratuitement sur le site de l’OFSP sous: www.bag.admin.ch > Services > Online-Shop > Politique de la santé > Migration et santé.
processus n’est pas terminé à la fin du sevrage ou du traitement postcure. Une dépendance se développe sur plusieurs années, imprégnant le comportement de la personne concernée et de son entourage. Pour vaincre la dépendance, il faut peu à peu modifier son comportement, apprendre à gérer les difficultés sans avoir recours à l’alcool, et tout cela demande du temps. 2. Une rechute ne signifie pas un retour à la case départ. Les compétences acquises par la personne dépendante et son entourage durant la phase de traitement peuvent servir à gérer la rechute. Les rechutes peuvent aussi être une chance d’identifier plus précisément les points faibles et les risques et de mobiliser les compétences adéquates pour y faire face.
Nouvelle brochure Dans le cadre de la Journée nationale sur les problèmes liés à l’alcool, une brochure sera éditée en trois langues. Cette brochure donne des informations sur le thème de la rechute et décrit la situation difficile des personnes concernées, et de leurs proches. Des conseils pratiques viendront soutenir le processus de rétablissement des personnes concernées, et de leurs proches.
Un large soutien La Journée nationale sur les problèmes liés à l’alcool est organisée conjointement par les associations professionnelles et institutions comme l’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA), le Fachverband Sucht, le GREA, Blaues Kreuz, la Croix-Bleue, ingrado et les Alcooliques anonymes (AA). La priorité est donnée aux actions menées dans les régions. Le site Internet www.journee-problemesalcool.ch fournit une liste de toutes les activités organisées ainsi que de plus amples informations sur le concept et la question en général. www.journee-problemes-alcool.ch