Pascal BREMAUD (26 octobre 1972 – 4 novembre 2011) « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau… » Lm 3, 17-‐26 Ps 33 Mt 11, 25-‐30 «Et j’ai dit : ‘toute mon assurance a disparu avec l’espoir qui me venait du Seigneur…» Et comme en écho à ce passage du livre des Lamentations, il y a le dernier message que Pascal nous a laissé : «Pardon, mais mon corps ne répond plus à toutes les sollicitations… Tout m’est devenu insupportable… Je ne vis plus intellectuellement, spirituellement, moralement. Je ne ressens plus rien devant un cadeau, devant une parole d’encouragement. Je ne ressens plus rien devant la tristesse ou la plainte des autres. […] Je suis trop fragile pour être à la hauteur de tout. Je préfère partir maintenant ! ». Au cœur de la crise, alors que la tentation est grande de nous laisser entraîner par nos griefs et nos questions, laissons le regard du Christ changer notre regard. Alors que Pascal semble avoir été emporté par le non-‐sens qui fait tant de victimes dans notre société contemporaine, est-‐il possible de laisser résonner au plus profond de notre vie l’appel de Jésus ? «Venez à moi, vous qui ployez sous le poids du fardeau.» Lui qui a été jusqu’au bout de notre condition humaine, serait-‐t-‐il sourd au cri de Pascal qui l’a cherché avec passion durant son trop court passage parmi nous ? Nous n’avons pas d’explications toutes faites. La Foi n’est pas de cet ordre. Nous sommes placés face au drame de la liberté humaine et plus encore le mystère d’une rencontre. Oui, je dis bien mystère d’une rencontre ! Lors du décès du Père Gérard, au tout début de la mission dans la vallée de l’Andelle, Pascal qui se trouvait en stage dans la communauté écrivait : «Cet événement m’a fait prendre conscience de notre fragilité et de notre dépendance au Seigneur «seul Maître de la moisson » dont nous sommes les simples ouvriers1.» Des paroles, des images nous reviennent certainement à l’esprit… Ne sont-‐elles pas invitations à l’action de grâce pour remettre un fils, un ami, un compagnon de route, un collaborateur, un pasteur entre les mains de ce Père bienveillant dont le Christ ne cesse de révéler le vrai visage ? «Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélés aux tout-‐petits» Pascal avait choisi d’engager toute sa vie sur les pas du Fils. « Toujours en émerveillement devant les découvertes », « homme de prière, exigeant envers lui-‐même […],régulier, fidèle2 » Il manifestait une capacité d’indignation qui ouvrait le chemin de la Mission. « Pascal est simple […] Il est chaleureux. Il a un contact facile et se met facilement à l’écoute des gens. […] Il est passionné par la vie des personnes qu’il rencontre et sait mettre en œuvre un dynamisme missionnaire pour accompagner tous ceux qui le souhaitent3. » « Il regarde, il observe, il réfléchit, il écoute ». Le Curé qui l’avait eu en stage durant ses études à Paris poursuivait encore : «Par quelques remarques de sa part, j’ai pu voir que c’est un homme d’Église, ouvert, hostile à tout repli sectaire ; un homme d’aujourd’hui qui aime 1
Lettre de demande d’émission des vœux, 20 mai 2004. Formateur du Séminaire Interne. 3 Présentation de Pascal lors de l’ordination presbytérale, le 5 mai 2005. 2
ce monde à évangéliser4.» Il y avait également les témoignages de laïcs qui avaient travaillé avec lui – retenons en deux qui offrent une signification particulière : «Il aime entraîner vers Dieu, en s’effaçant lui-‐même. Il offre l’élan et le pont pour traverser mais il ne s’approprie pas le rôle du «meneur»5 . Et l’autre, en distinguant ce qu’il est pour nous et surtout pour le Seigneur, d’ajouter : «Là comme ailleurs, on peut, je pense, compter sur sa disponibilité, son ouverture et la profondeur de sa Foi pour «porter la Bonne Nouvelle», même si, en dernier ressort, c’est une affaire à régler entre le Seigneur et lui. À charge pour nous de l’entourer de notre amitié et de prier avec lui.6 » Pascal avait commencé son parcours vers le ministère sacerdotal pour son Diocèse d’origine : Luçon en 1998. Il rejoignait la Congrégation, en 2000 et au terme de ce temps de découverte, il écrivait : «Je crois que servir le Christ et les pauvres à la manière de Saint Vincent est une voie qui me convient même s’il me reste encore beaucoup de travail à accomplir. […] J’aime l’Église et je crois que la Congrégation de la Mission est un de ses instruments pour aller vers les pauvres7. ». Au terme du temps de Séminaire Interne qui manifestait son engagement au sein de la compagnie, il retenait : «L’essentiel pour nous est de «suivre le Christ Évangélisateur des Pauvres.» Vaste programme à redémarrer chaque jour. […] Je crois que nous devons nous efforcer de développer en nous un regard à partir des plus pauvres et une façon de travailler prioritairement destinée à eux, tout en leur laissant la liberté de décision concernant leur vie, leur devenir (sans décider à leur place)8.» En réponse, Pierre Cornée qui l’avait accueilli et qui a rejoint la Maison du Père au début du mois de septembre, écrivait : «Nous n’avons jamais fini de découvrir toute la richesse qui est mise à notre portée pour nous-‐même mais aussi pour ceux que nous rencontrons9.» Pascal était particulièrement proche de ceux et de celles qui souffrent. Durant ses deux années de coopération en Maurétanie (1996-‐1998), il avait fait cette expérience «d’une Église toute petite, minoritaire, mais néanmoins très vivante ». Il en tirait les conséquences : «À mon retour je portais la conviction que l’Église ne serait pas elle-‐même, sans une ouverture aux autres (quels qu’ils soient) et surtout à ceux qui auraient le plus tendance à désespérer. Dieu «ne veut-‐il pas que tous les hommes soient sauvés» ? (1Tim 2,4)10 ». Enfin reviennent à l’esprit ces mots de l’évêque auxiliaire de Lille, lors de l’ordination diaconale de Pascal à Bondues : «Respecter Dieu, c’est d’abord l’aimer pour lui-‐même, pour ce qu’il est. C’est le considérer comme un proche et non comme quelqu’un qui serait étranger à nos vies. À ce proche nous aimons confier nos inquiétudes et nos joies, nos souffrances et nos espoirs, mais aussi les inquiétudes et les joies, les souffrances et les espoirs de notre monde11.» Tu nous laisses Pascal, poursuivre notre route, fragiles, vulnérables ! Nous cheminons, travaillés par ce monde et ce temps… Nous cherchons ! C’est le Seigneur qui vient à notre rencontre ; il nous tire de nos tombeaux ! Pascal, en tant que prêtre, témoin des dons de Dieu, tu as été solidaire de notre humanité, 4
Lettre du Curé de la paroisse St Jean des deux-‐moulins du 2 juin 2004. Témoignage du 17 mai 2004. 6 Ibid. 7 Lettre au terme de la seconde année en tant que regardant, 22 avril 2002. 8 Bilan du Séminaire Interne du 23 juin 2003. 9 er Réponse du Visiteur du 1 juillet 2003. 10 Lettre de demande de commencer son cheminement au sein de la Congrégation de la Mission, du 27 mars 2000. 11 Mgr Pascal Delannoy, Bondues 16 octobre 2004. 5
jusqu’au point le plus tragique de notre société contemporaine. N’essayons pas de nous sauver par de trop faciles explications. Peut-‐être de nous ouvrir à ce Père «bienveillant». Puisse le départ de Pascal nous faire découvrir le don nouveau que nous accorde le Christ : «Prenez sur vous mon joug et mettez-‐vous à mon école, Car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes.» et de reprendre avec tous ceux qui nous précédent et que nous espérons retrouver un jour : «Je cherche le Seigneur, il me répond : de toutes mes frayeurs, il me délivre» Amen Élie DELPLACE VISITEUR de la Province de Paris