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Les cahiers n° 201 novembre - décembre 2012
Des liens pour aimer, partager, servir
Dossier //
La zoothérapie : Aider l'animal pour soutenir l'homme
Spiritualité //
« Mon père était un Araméen errant »
L’invité
//
Xavier Emmanuelli, ancien ministre et fondateur du Samu social
Magazine
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L’événement : Rome, la charité en direct du Synode Histoire : Aller au pauvre avec Sœur Rosalie Rendu
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L’invité : Docteur Xavier Emmanuelli, ancien ministre et fondateur du Samu social
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Courrier
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Dossier
La zoothérapie
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Quand les animaux aident à remonter la pente
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Entretien : Christophe Blanchard, maître-chien et sociologue 9 Reportage : Aider l’animal pour soutenir l’homme
Service
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Actus SSVP
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Actualités juridiques et sociales 17
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Spiritualité
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Réflexion : « Mon père était un Araméen errant » 24
Carnet de route : Retraite nationale chez la « Belle Dame » de La Salette 21
L’invité : Père Vincent Clossais : « De l’amour défiguré à l’amour transfiguré » 27
International
Contemplation
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Prier en Conférence 31
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Ce numéro comprend un encart d’abonnement entre les pages 2/3 et un bon de commande entre les pages 38/39.
édito //
La fragilité nous rapproche
© SSVP
L
a générosité est souvent l’occasion pour nous de partager nos richesses, qu’elles soient financières, matérielles, intellectuelles ou morales, avec ceux qui en sont plus ou moins démunis. Il s’agit de gestes spontanés qui contribuent à soulager diverses formes de pauvreté. Et pourtant, ce n’est pas là la charité de proximité à laquelle nous invitent Monsieur Vincent, Sœur Rosalie Rendu et sur leur exemple Frédéric Ozanam. La démarche vincentienne nous invite à établir une relation d’échange avec les personnes en situation de précarité reposant sur la réciprocité. Cette approche suppose alors un renversement de perspective. Elle repose non pas sur les
richesses que nous pouvons donner, accentuant ainsi une situation d’inégalité, mais sur nos fragilités qui sont un terrain d’échange plus accessible aux démunis et qui préserve toute leur dignité. Nous avons tous des fragilités que nous nous attachons à maîtriser, à surmonter et à occulter dans la relation avec l’autre. Elles sont pourtant une occasion de rencontre dans les difficultés. Consciente du temps que cela nécessite, la relation vincentienne exige une approche personnalisée dans la durée. à travers la démarche Diaconia, l’église de France met, elle aussi, l’accent sur les fragilités. Bertrand Ousset Président national
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Magazine // L’événement
Rome, la charité en direct du Synode
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ous sommes préoccupés, malgré quelques allusions pleines d'espoir à la charité, par le peu d'attention accordée à l'action socio-caritative de l'Église dans l'évangélisation telle que présentée dans les documents préparatoires du Synode […]. Nous constatons que n’y est pas reflétée la place du service de la charité dans le contexte et le processus d'évangélisation que l'Église est appelée à mener à bien et qui est l’objet de ce Synode. Ce manque de considération pour le service de la charité nous amène à exprimer quelques préoccupations. Nous savons que l'évangélisation est en soi œuvre de charité, car nous reconnaissons que la charité ne se réduit pas à l’action socio-caritative de l'Église, mais nous souhaitons que ce service de la charité soit pris en considération comme élément constitutif de la mission évangélisatrice de l'Église.
Michel Roy, de Caritas, se fait l'avocat de la charité.
Crise de crédibilité De plus, la crise de crédibilité de l'Église et, par conséquent, la faiblesse de sa mission dans la société actuelle, est un fait. Des enquêtes nous disent que les gens ne mettent pas leur confiance en l'Église des vérités, de l'orthodoxie. Par contre, les institutions ecclésiales dédiées à la « diaconie de la charité » suscitent la confiance. Comme si la diaconie de la foi était diffé-
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Les cahiers
Ozanam
© Michel Roy - E.Perriot.Secours Catholique
Lors du Synode sur « La Nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne », Michel Roy, secrétaire général de Caritas Internationalis, a plaidé pour que la charité soit au centre de l’évangélisation. Son intervention n’est pas sans rappeler ce qui préoccupait déjà Frédéric Ozanam : le témoignage chrétien passe par la charité. Au nom de toutes les associations de charité, il appelle les pères synodaux à la rétablir comme premier moyen d’évangéliser nos sociétés. Résumé de l’intervention.
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rente de la diaconie de la charité. La nouvelle évangélisation doit permettre de voir qu'il s'agit d'une seule diaconie aux deux visages. Plus encore, la diaconie de la charité devrait être le moteur de la mission, la porteuse de la vision. Si le service de la charité n'est pas considéré comme évangélisateur et n'entre pas dans la réflexion du Synode comme élément constitutif de l'évangélisation, l'évangélisation s’appauvrit et le service caritatif est
déformé et se réduit à une conséquence éthique de l'Évangile et à une tâche assistancielle. Les documents présynodaux ne reflètent pas adéquatement l'enseignement du Magistère pontifical sur le sujet. Ils ne reflètent pas l'enseignement de Benoît XVI qui nous offre des affirmations claires et lumineuses sur la dimension évangélisatrice du service de la charité qui ne peuvent être ignorées. Ils ne reflètent pas non plus des affirmations claires du Président du Conseil pontifical pour la Nouvelle évangélisation. Si ces lacunes étaient maintenues au Synode (un Synode consacré à l'évangélisation dans toutes ses dimensions, et non seulement à la catéchèse, à l'éducation ou à la pastorale familiale), nous perdrions une occasion unique de donner à la charité la place qui lui revient dans la mission évangélisatrice de l'Église et d’apporter à l’annonce de l'Évangile la signification et la crédibilité dont elle a besoin.
Sept propositions pour la charité Il y a beaucoup de chrétiens dans le monde qui, comme bénévoles ou salariés engagés, offrent leur vie et leur contribution à l'Église à travers des institutions et des œuvres caritatives. L’église perdrait un grand potentiel pour l'évangélisation si elle n’envisageait pas son engagement social comme un véritable instrument d'évangélisation et si elle ne leur donnait pas de messages de reconnaissance, d’orientation et d'encouragement à ce service. Et serait perdue une occasion unique d'améliorer et de renforcer l’ecclésialité de Caritas et des institutions de l’église dédiées à la charité. En effet, le chemin pour renforcer l’ecclésialité de l’action socio-caritative consiste à donner à la charité la place qui lui revient dans la mission évangélisatrice de l'Église et dans les structures pastorales de la communauté chrétienne. Prenant tout cela en compte et pour renforcer le dynamisme de la nouvelle évangélisation, nous voulons faire au Synode quelques propositions : 1. Présenter l’action socio-caritative de l'Église comme une dimension constitutive de l'évangélisation.
L’action caritative et sociale de l'église, dimension constitutive de la nouvelle évangélisation
2. Reconnaître le rôle central de la diaconie de la charité comme un moyen privilégié d'évangélisation. 3. Miser sur une ecclésiologie de la charité qui évangélise du social dans le social. 4. Considérer l'importance de l'exercice organisé de la charité dans le témoignage évangélisateur de l'Église. 5. Valoriser comme acteurs de l'évangélisation ceux qui exercent le ministère de la charité. 6. Animer la spiritualité exigée par l'exercice de la charité pour qu’elle soit évangélisatrice. 7. Clarifier le fait que proclamer l'évangile dans l'exercice de la charité n'est pas faire du prosélytisme. La question fondamentale dans la nouvelle évangélisation n'est pas seulement de savoir comment annoncer l'évangile, mais de nous demander si l'Évangile que nous annonçons est Bonne Nouvelle pour les pauvres, et si nous, comme Église, rendons crédible cet Évangile. La diaconie de la charité doit être le moteur de la mission et le signe de sa crédibilité. //
Benoît XVI pour la charité // L’appel de Benoit XVI à une « nouvelle évangélisation » a fait l’objet d’un Synode sur le thème « La Nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne », du 7 au 28 octobre 2012. Parmi la centaine d’experts venus du monde entier, et qui ont participé aux travaux des 250 évêques choisis par les conférences épiscopales, figurent quatre laïcs français, dont Michel Roy. Ce plaidoyer vient faire écho aux encouragements adressés le 21 septembre par Benoît XVI aux évêques français pour la démarche de Diaconia 2013-Servons la fraternité : « Je voudrais encore vous adresser mes encouragements pour la démarche Diaconia 2013, par laquelle vous voulez inciter vos communautés diocésaines et locales, ainsi que chaque fidèle, à remettre au cœur du dynamisme ecclésial le service du frère, particulièrement du plus fragile. »
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Dossier //
La zoothérapie : Quand les animaux aident à remonter la pente S
ans Loulou*, son berger allemand, David* aurait sans doute perdu espoir en la vie. Après la faillite de son entreprise, il a perdu son travail, sa maison et sa femme. Depuis quatre ans, il vit dans la rue. Loulou, lui, est resté fidèle malgré la galère. « Il ne me reste plus que mon chien. Ce n'est pas évident dans ma situation de m'en occuper, mais je ne pourrais pas m'en passer. Il sait m'écouter et me réconforter. Je l'aime comme une mère aime son enfant. C'est pour lui que je veux m'en sortir », confie le quarantenaire, les yeux émus et cernés. Comme David, de nombreuses personnes sans domicile fixe, surtout depuis une vingtaine d'années, adoptent un ami à quatre pattes, généralement un chien et rarement un chat ou un rat. Ils trouvent en lui un compagnon de réconfort pour affronter la dureté de leur quotidien et en parlent souvent comme de leur « enfant ». Le mot est fort, car c'est un de leurs rares liens sociaux, voire le seul.
© SXC
Plus qu'un ami : une mère, un défenseur, un enfant.
De nombreuses personnes sans-abri s'accrochent à la vie grâce à leur compagnon à poil. Plusieurs structures sociales ont compris la force de cette relation et s'appuient sur elle pour nouer des contacts, voire pour les guider vers une réinsertion. Texte et photos par Céline Marcon - Illustrations Ambroise Meyer-Bisch 6
Les cahiers
Ozanam
n°201 - novembre-décembre 2012
Un molosse pour se protéger Mais cette relation est mal comprise dans notre société et aggrave leur marginalisation. « Un centre de stabilisation m'a viré à cause de Togy, mon american staff [un pitbull, ndlr], car il le considérait comme dangereux. Pourtant, il est bien dressé », s'insurge Nicolas, 23 ans. Le bon
sens admet que dans la rue un molosse protège plus des dangers qu'un caniche. L'exemple de Nicolas n'est pas un cas isolé. La majorité des structures sociales refusent les animaux parce qu'elles craignent leur éventuelle agressivité, les contraintes d'hygiènes et le coût supplémentaire. Leurs maîtres préfèrent alors rester dans la rue. Comment pourraient-ils se séparer de l'être qui les raccroche à la vie ? Certains lieux, encore rares, l'ont bien compris et, au lieu d'exclure l'animal, s'en servent comme d'un tremplin pour l'aide. Amarrée sur un quai parisien, la péniche le Fleuron Saint Jean, de la couleur verte de l'espoir, est un des pionniers dans ce domaine. Inaugurée en 1999 par l'Ordre de Malte France et la Fondation 30 Millions d'Amis, elle est le premier cen-
tre d'hébergement à ouvrir ses portes aux chiens, avec vingt-cinq places pour eux et cinquante pour les hommes. Des consultations vétérinaires sont aussi offertes. Pour le directeur, Joseph Jouffre, cette ouverture va de soi : « La mission de l'Ordre de Malte est de s'occuper de tous les plus faibles, sans exclure personne. En plus, les chiens ne nous ont jamais posé de problèmes car, au contraire des préjugés, ils sont souvent bien dressés. Nous avons aussi instauré des règles, par exemple, ils n'ont pas le droit d'aller dans les parties communes. »
Se détacher de son binôme Un projet qui ne pourrait fonctionner sans la centaine de bénévoles réguliers. Il a fait des émules dans toute la France, notamment à Nantes ou à Avignon. Mais
à lire // Un guide pour l'accueil de public avec chiens Le guide Des maîtres et des chiens, publié par la FNARS (Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale), encourage les structures d'aide à ouvrir leurs portes aux personnes accompagnées de chiens. Pratique et concret, il fourmille d'informations sur la règlementation et donne des pistes pour l'organisation au quotidien. Il est disponible sur le site www.fnars.org. actuellement, seulement une centaine de lits sont disponibles dans la capitale pour les propriétaires d'animaux, et les villes de province sont moins bien loties. L'accueil de ce public particulier pose, il est vrai, des problèmes. L'association parisienne Les Enfants du Canal, qui accompagne des personnes en situation précaire, arrive à les contourner : « La relation des maîtres avec leurs chiens est si fusionnelle qu'ils ont du mal à leur imposer des contraintes, comme la muselière. Nous essayons de leur faire comprendre qu'elles sont indispensables dans les lieux publics et qu'il faut savoir se détacher de son binôme pour la liberté de l'un et de l'autre », explique Cédric Lautard, responsable de l'accueil de jour. Et d'ajouter : « Le chien peut nous servir d'outil de reliance,
« L'animal peut
nous servir d'outil de reliance » n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam
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Dossier // Contacts // La péniche le Fleuron Saint Jean (Paris). Tél : 01 45 58 35 35 Les Enfants du Canal (Paris) Tél : 01 53 62 06 65 Centre Saint-Benoît (Nantes) Tél : 02 51 82 28 66 Lianes (Strasbourg) Tél : 09 50 22 34 93 (de l'anglais rely : s'appuyer sur, faire confiance), notamment pendant les maraudes. Les personnes parlent parfois plus facilement de leur situation par le biais du chien, sans s'impliquer elles-mêmes. » Des associations se consacrent aussi à l'aide des animaux des personnes les plus démunies. Leur but premier ? Les sortir de l'isolement, car elles demandent plus facilement du soutien pour leur compagnon que pour elles-mêmes. Ainsi, les
quatre pattes disposent de leurs propres banques alimentaires (Croquettes du cœur, Gamelles pleines...), de services de soins gratuits, (Vétérinaires pour tous, Sapah...) et de « nounous », dans des chenils sociaux, pour libérer leur propriétaire lors de démarches administratives, professionnelles ou médicales.
Un compagnon pour l'insertion D'autres initiatives vont encore plus loin : elles placent la relation de l'homme et de l'animal au cœur de l'accompagnement social. C'est le cas du programme « Le chien, un compagnon pour l'insertion », lancé en 2008 à Nantes par le centre d'hébergement et de réadaptation sociale de Saint-Benoît et par Nathalie Simon, vétérinaire comportementaliste. L'adaptation à un nouveau mode de vie, avec un emploi et un logement, n'est une évidence ni pour
le chien ni pour son propriétaire. Après une évaluation de leurs potentiels et de leurs freins, l'axe de travail est de mener de front l'éducation du premier et la progression du second, comme le détaille Nathalie Simon : « J'enseigne au maître la communication positive, qui fonctionne mieux que les engueulades pour se faire obéir. Il apprend en même temps lui-même à communiquer en société. Et il progresse dans sa démarche d'insertion, car il est motivé par son chien, pour le mettre à l'abri. » Autre expérimentation à Strasbourg, dans un village d'insertion d'Adoma. Depuis 2010, les résidents peuvent assister une fois par mois à des ateliers avec leur chien. Animés par l'association Lianes, ils alternent exercices d'éducation canine et temps de discussion. Sa directrice, Sabine Roubire, en explique les objectifs : « Notre but est de créer du lien et d'apprendre à connaître les personnes par le biais indirect du chien. Nous essayons aussi de leur redonner confiance en elles, en valorisant la réussite des exercices. Par ailleurs, les animaux ont un effet apaisant et créent de la convivialité. J'ai constaté que des personnes, au début renfermées, sont arrivées à se détendre et à s'ouvrir aux autres. » Des premiers pas encourageants sur le chemin de l'insertion. // * Les prénoms ont été modifiés.
Sur la Seine, la péniche le Fleuron Saint Jean : des pionniers dans un bateau vert espoir.
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Les cahiers
Ozanam
n°201 - novembre-décembre 2012
Céline Marcon journaliste, pigiste pour la SSVP.
Entretien
Christophe Blanchard : « Les personnes sans-abri tissent souvent une relation très fusionnelle avec leurs animaux » Maître-chien et doctorant en sociologie, Christophe Blanchard termine actuellement une thèse sur les jeunes en errance accompagnés de chiens. Il plaide pour une intégration de l'animal dans l'aide sociale. Propos recueillis par Céline Marcon
Pourquoi acquièrent-ils des animaux ? D'abord, parce qu'ils sont des compagnons de galère fidèles, quoi qu'il arrive, et des substituts affectifs qui compensent un manque important d'amour. Ce sont des véritables soutiens pour mieux survivre dans un univers urbain hostile. Ils assurent aussi des fonctions pragmatiques, comme protéger leur maître pendant leur sommeil
L'animal représente-t-il une aide ou un frein à l'insertion dans la société ? Les personnes sans-abri tissent souvent une relation très fusionnelle avec leurs animaux, entre autres parce qu'ils vivent 24 heures sur 24 avec eux. D'un côté, elle peut être un support fort de médiation pour l'aide sociale. D'un autre côté, elle isole car elle rend difficile une séparation, même pour quelques heures. Actuellement, elle entraîne une marginalisation accrue Maître-chien de ce type de public, non et sociologue, à cause d'un manque de il regrette que volonté de leur part, mais ces compagnons isolent les SDF. parce que la majorité des structures ne sont pas adapou le réchauffer en période d'hiver. Dans tées à l'accueil des animaux. Par exemple, la rue, l'animal de compagnie est souvent comment ces personnes peuvent-elles un chien, car il est assez obéissant et maî- effectuer des démarches administratives trisable dans un espace public, contrai- ou professionnelles si elles ne disposent rement à d'autres espèces. C'est aussi pas de lieux pour faire garder leur chien ? une sorte d'éponge affective : il redonne Il est urgent que les pouvoirs publics et immédiatement la tendresse qu'on lui les professionnels du social prennent plus manifeste et il est assez expressif dans sérieusement en compte cette problématisa manière d'être. que et proposent de vraies solutions. // © D.R.
Quel est le portrait-type des personnes sans domicile accompagnées d'animaux ? La majorité sont des jeunes hommes dits « zonards », qui vivent avec deux à trois chiens. Ils sont surnommés les « punks à chien », mais si leurs tenues vestimentaires évoquent un peu les punks des années 1970, ils se différencient d'eux au niveau idéologique. Leur nombre a vraiment explosé il y a une vingtaine d'années, en lien avec l'émergence du mouvement free party [fêtes de musiques électroniques dans un cadre assez libre, ndlr] et les prémices de la crise économique. Ils sont souvent tombés dans la précarité après une adolescence chaotique, marquée par des ruptures familiales et des abandons. Il n'existe pas de chiffres officiels, mais certaines études estiment que la France compte de 30 000 à 50 000 jeunes en errance.
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Dossier // Reportage
Aider l'animal pour soutenir l'homme Offrir des croquettes aux animaux des personnes sans domicile fixe. L'idée simple mais originale de l'association Gamelles pleines a aidé des structures sociales à renouveler leur approche de ce public particulier. Reportage à Caen. Texte et photos par Céline Marcon
E
n ce vendredi d'octobre, le froid commence à se faire sentir dans les rues de Caen, en Normandie. à La Boussole, un centre d'accueil de jour, des plats chauds sont servis à des personnes en grande précarité, mais pas seulement. Leurs compagnons à poil, souvent des chiens, ont aussi droit de régaler leurs papilles. Les croquettes sont offertes par l'association Gamelles pleines et son président, Yohann Sévère, vient aujourd'hui ravitailler le lieu. Gamin, Choubaka et Coupdepelle, de magnifiques chiens de taille imposante, ont flairé la nourriture et manifestent leur joie. à voir le regard ému de leur maîtresse Fred, on comprend que l'initiative n'est pas si anodine qu'elle en a l'air. Au-delà du soulagement financier, la quarantenaire, qui vit dans un squat, est touchée qu'on donne de la considération à ses « trésors » : « Ils représentent toute ma vie et me donnent beaucoup de tendresse ».
© Gamelles pleines
Intégrer l’animal qui apporte tant de réconfort au maître.
Prendre en compte l'humanité
Gamin, Choubaka et Coupdepelle, trois trésors affamés.
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Ozanam
n°201 - novembre-décembre 2012
Intégrer l'animal dans l'aide sociale revient en fait à prendre davantage en compte l'humanité de son maître. Yohann en a pris conscience pendant l'hiver 2008, alors qu'il assurait des maraudes pour la Croix-Rouge : « Les personnes sans-abri considèrent leur animal comme leur famille et lui donnent la moitié de leur repas. Certains pensent qu'elles s'en sortiraient mieux en s'en séparant. Mais il leur apporte tant de réconfort qu'il faut plutôt les aider à s'en occuper. » Gamelles pleines est ainsi née et s'est développée, grâce aux dons de particuliers et d'entreprises, dans sept autres départements. L'année dernière, plus de vingt tonnes de croquettes ont été
«Notre but est de réduire
les contraintes par rapport à l'animal pour faciliter l'accompagnement des hommes.
»
Fred est reconnaissante envers Gamelles pleines, d'avoir sauvé ses chiens.
distribuées à des partenaires, comme La Boussole ou le Samu social. Autres missions : participer à des maraudes alimentaires et veiller à la santé des bêtes, avec l'aide de Vétérinaires pour tous. « L'hiver dernier, une épidémie a frappé nos chiens. Sans le soutien de Gamelles pleines, il y aurait eu plus de morts », raconte Fred.
L'animal comme médiateur Cet après-midi, la salle principale de La Boussole est bondée. Plusieurs chiens sont sagement couchés au pied de leur maître. Les croquettes, mine de rien, ramènent des gens qui n'osaient pas venir avant dans ce type de structure, comme le confirme la directrice Valérie Morange : « Ce n'est pas facile de demander de l'aide. Beaucoup de personnes entrent chez nous parce qu'elles sont motivées par le bien-être de leur animal. C'est une première prise de contact pour leur proposer ensuite des services pour elles-mêmes. » L'animal est un médiateur pour instaurer une relation, comme en témoigne aussi Yohann : « S'occuper des chiens nous a permis de créer
Contact Gamelles pleines : 7 bis rue Neuve Bourg l'Abbé 14000 Caen. www.gamellespleines.fr. mail : federation @gamellespleines.fr.
des liens avec des personnes, car elles se sont senties mieux comprises. » Cet après-midi, Yohann rend aussi visite à La Cotonnière, un centre de stabilisation et d'hébergement d'urgence géré par Adoma. à l'entrée, il croise une femme qu’il connaît bien : « Mon chien me cause des soucis », soupire-t-elle. Après avoir connu la rue, elle est aujourd'hui dans une phase d'insertion et n'arrive pas à adapter son chien à sa nouvelle vie. Yohann l'écoute et lui prodigue des conseils. C'est aussi un de ses rôles de répondre à ce genre de situations. Il rejoint ensuite Nathalie Charles, directrice de La Cotonnière, très satisfaite du partenariat avec Gamelles pleines : « L’association nous aide à accueillir les animaux en nous fournissant la nourriture et en répondant à nos questions, par exemple, sur la vaccination. » Et Yohann de renchérir : « Notre but est de réduire les contraintes par rapport à l'animal pour faciliter l'accompagnement des hommes. » //
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Service // Actus SSVP
Ozanam 2015 : « Rapport d’étonnement » Michel Rouzé, président du projet Ozanam 2015, nous propose un rapport très encourageant pour le renouveau que nous engageons.
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abitué aux traditionnelles complaintes vincentiennes sur le déclin inéluctable de notre Société, j’ai été heureux d’apprendre que tous s’accordaient à penser que sous cette cendre tiède chauffaient des braises qui ne demandaient qu’à rayonner. Que de bonnes surprises depuis le lancement de ce projet ! La première étant l’accueil réservé à Ozanam 2015 dès la
convention de mars qui fit salle pleine. La deuxième fut la réaction très positive des AG 2011 et 2012 aux propositions de réflexions, d’actions et de fonctionnement du projet. Comme si cette démarche allait de soi et que la mobilisation de tous s’imposait. Enfin la troisième surprise fut celle de l’implication des membres dans les travaux proposés dans cette phase de l’immersion. Les réunions décentralisées ont
jusqu’à maintenant réuni plus de participants que prévu ! Et les travaux complémentaires que vous réaliserez pourraient bien constituer une surprise supplémentaire. Cette mobilisation autour d’Ozanam 2015 doit être pour tous un grand réconfort. Le seul élan que cette démarche aura suscité nous rendra plus pertinents et unis dans notre engagement auprès des déshérités. // Michel Rouzé
Petit-déjeuner pour bien commencer la journée
D
ans la tradition vincentienne, ces repas permettent aux bénévoles et aux personnes accueillies de nouer des liens privilégiés. Chacun est accueilli comme il est et pour ce qu’il est, quelle que soit sa croyance ou sa galère. Sourire, écouter, un geste ou un regard, cela redonne un peu de courage et de force pour ne pas baisser les bras ! Mais au-delà des problèmes matériels, les Vincentiens sont le plus souvent confrontés à des misères morales et spirituelles. Parce que « l’amour est inventif à l’infini », comme aimait à le rappeler saint Vincent, le rôle des bénévoles est aussi d’éclairer, pour donner des repères, por-
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Les cahiers
Ozanam
ter à faire des projets et des choix. Car quiconque n’est pas en mesure de choisir sera toujours pauvre.
« Je vois Jésus » Par la force de la prière et en toute humilité, il faut tenter d’avoir le geste ou la parole qui permettra à l’autre de Les pauvres ont faim, mais aussi soif de repères. se sentir aimé et digne de Depuis, chaque matin, une bougie est pendre sa vie en main. « Je me sens bien ici, car le matin je vois allumée et réunit Vincentiens et hôtes Jésus », confia un jour Mohammed aux sous le regard bienveillant de Dieu. // bénévoles, tout en désignant du doigt le Jérôme Soprano, Président de la Confécrucifix qui surplombe la salle à manger. rence de Pantin
n°201 - novembre-décembre 2012
© SSVP
Tout l’hiver, trois jours par semaine, la Conférence de Pantin (93) organise des petits-déjeuners pour les personnes SDF ou en situation de précarité.
Témoignage d’une maraudeuse
Brèves // Annette Biret Nouvelle présidente du CD 26
La Conférence jeunes de Saint-Jean-Eudes (75) organise des maraudes, auxquelles Stéphanie participe depuis un an et demi. © pixarno - Fotolia.com
ous les mardis soir, par équipe de deux ou trois, nous partons à la rencontre des personnes dormant dans la rue. Nous retrouvons souvent les mêmes personnes lors de nos circuits. Au fil de ces rencontres, de véritables amitiés se nouent avec certains et les langues se délient. Nous apprenons à nous connaître, nous partageons les joies et les peines de chacun : un contrat décroché, un deuil…
68 ans, 2 enfants et 5 petits-enfants. à la suite d'une présentation de la SSVP par Bruno Dardelet, cette jeune retraitée a décidé de se mettre au service de notre association. Annette souhaite avant tout rompre la solitude des personnes âgées, tout en continuant d’assurer aides alimentaires et administratives auprès des plus démunis.
jean-Noël Chapelle Nouveau président du CD 61
Les plus beaux visages D’autres fois, les rencontres sont plus éphémères, mais ce sont toujours des sourires, des visages, des mots échangés, qui nous marquent parfois pour longtemps. Les plus beaux visages et les plus beaux
regards, je les ai croisés lors de ces maraudes : des visages dont la profonde dignité malgré la situation vous rendent d’un seul coup tout petit. » // Stéphanie Vallerent, bénévole vincentienne
2 La presse parle de nous
55 ans, 3 enfants. Cet ancien agriculteur, très investi dans l’aide à la personne, fait partie du réseau « Vocare » où il se forme pour devenir conseiller en orientation professionnelle. Son objectif premier est de rajeunir et de multiplier les Conférences locales.
© SSVP
«T
x 29/09/2012
La SSVP lors de la Journée internationale des personnes âgées Le 1 octobre, à l'occasion de la Journée internationale des personnes âgées, de nombreux bénévoles des petits frères des Pauvres et de la SSVP ont sillonné gares, places, hôpitaux, maisons de retraite dans plus de 100 villes de France pour donner une fleur aux passants, qui l'offriront à leur tour à une personne âgée souffrant de solitude. // er
x Nov-déc 2012
Bertrand Ousset lance un « appel aux dirigeantsserviteurs »
x 11/10/2012
« à la SSVP, nous offrons aux dirigeants, dans le cadre du bénévolat, de réunir ces deux notions : diriger et servir. […] Nous appelons les dirigeants-serviteurs à nous rejoindre pour une mise en pratique concrète, enthousiasmante qui nous dépasse tous. » //
« Je rends visite à des personnes âgées dans une maison de retraite. Avec les autres bénévoles de la Conférence jeunes, nous finissons la soirée par un temps de prière et nous étudions un texte, biblique ou autre. Cela m'a fait beaucoup de bien de rencontrer du monde et de me sentir utile. » //
Témoignage d’Adélaïde, bénévole de 23 ans
n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam
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Service // Face à face
Marie-France : « Les sans-abri soignent
mieux leur animal qu'ils ne se soignent »
A la retraite depuis peu, Marie-France Mani consacre la majeure partie de son temps libre à aider les plus démunis. Bénévole vincentienne au sein du Conseil départemental de l’Hérault (CD 34), cette ancienne pharmacienne au tempérament dynamique gère une épicerie sociale, jouxtée d’un chenil. Propos recueillis par Mathilde Rimbault
Une confidence « Ce qui m’intéresse avant tout, c’est le contact humain avec ceux que j’aide », confie Marie-France. « La rencontre avec une personne fragilisée par les difficultés de la vie. » Cette rencontre est le plus souvent furtive : « Un regard, quelques mots échangés, un sourire, un conseil, parfois une confidence, une complicité qui peut quelquefois s'étoffer de semaine en semaine lorsque la confiance grandit. Souvent, le plus important, c'est de savoir écouter. » En plus de recevoir un accueil chaleureux, les personnes trouvent ici toutes les denrées alimentaires de base, ainsi que des
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Les cahiers
Ozanam
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arie-France est chargée de la gestion d’une épicerie sociale et des relations avec la Banque alimentaire à Montpellier. « La spécificité de cette épicerie solidaire, c’est que, pendant le temps de leurs courses, les SDF qui ont un animal domestique ont la possibilité de le laisser dans un chenil », explique la bénévole. Avec son équipe composée de six autres Vincentiens, elle accueille les mardis, jeudis et vendredis des sans-abri parfois accompagnés de leurs chiens, des étrangers en situation irrégulière, des chômeurs, des personnes âgées, des femmes battues, des familles sans ressources et mêmes des étudiants.
La spécificité de cette épicerie fait la fierté de Marie-France Mani.
produits d’hygiène. Les produits sont vendus à 10 % du prix réel de leurs achats, afin d’éviter aux bénéficiaires de tomber dans l’assistanat. Mais Marie-France s’efforce également de récupérer un maximum de produits alimentaires destinés aux animaux, vendus eux aussi à 10 % de leur prix.
La dureté de la vie « Un chat ou un chien, c’est d’abord un lien social, un moyen de défense contre la dureté de la vie dans la rue. C’est une source de chaleur dans la nuit qui réconforte et une responsabilité. Mais un animal, c’est surtout un compagnon sur lequel on pourra tou-
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jours compter ! Généralement, les sans-abri soignent bien mieux leur animal qu’ils ne se soignent eux-mêmes. Ce qui leur revient vite cher ! » souligne-t-elle. Enfin, dans cette même démarche, le Conseil départemental de l’Hérault fait régulièrement venir un vétérinaire pour une séance de soins et de vaccination des animaux accueillis. Mais le CD 34 ne s’arrête pas là et envisage de nouveaux projets. De son côté, MarieFrance aimerait augmenter le temps de présence à l’épicerie sociale : « Nous voudrions pouvoir ouvrir un après-midi supplémentaire par semaine. Mais pour ça, il nous faudrait recruter plus de bénévoles ! » Elle travaille pour finir à l’acquisition d’un nouveau local, qui permettrait aux SDF d’être hébergés dans de meilleures conditions en période de grand froid. //
Chiffres // L’épicerie sociale de Montpellier, c’est en moyenne : 4 000 à 5 000 kilos de nourriture distribués par mois, et 100 kilos de croquettes par trimestre, 600 à 700 personnes aidées, Accueil d’une dizaine d’animaux par jour : 98 % de chiens, 1 % de chats, 1 % furets.
Paul et Jean-Michel : « Sans cette
"issue de secours", on serait à la rue »
Dans la pièce lumineuse malgré la pluie, un lit, une petite table, un coin cuisine. à côté, une salle de bains équipée. Tout est simple, propret. C’est l’un des vingt-cinq studios que propose l'association Issue de Secours, à Grenoble. Texte et photos par élise Chardonnet, pigiste
L
es résidents sont des hommes de plus de 50 ans, aux parcours de vie fracturés : accidents, maladie, alcoolisme, surendettement. Des hommes qui viennent se poser, car ici, à la différence des foyers, on est chez soi et on peut s’installer de façon pérenne. « Après un divorce difficile, j’étais déboussolé, j’ai vite perdu mon emploi, puis mon logement, tout s’est enchaîné et je me suis rapidement retrouvé à la rue. L’alcool, la manche, sont devenus mon quotidien. Dans la rue, j’ai appris la vie, j’ai connu les foyers, mais ici c’est différent, c’est chaleureux, et puis je suis chez moi », raconte Jean-Michel*, la cinquantaine, barbe et cheveux longs, les yeux bleus pleins de lucidité. « Moi, c’est la spirale du surendettement qui m’a conduit ici, ajoute Paul*, un autre résident. Jamais personne ne voudrait me faire confiance et me louer un appartement. Sans cet endroit je serais à la rue. » Chacun des résidents arrive avec son parcours, cabossé, mais on n’en parle pas au quotidien ; le respect de l’intimité est une valeur fondamentale de cette maison-relais. « Je ne veux pas parler du passé. Je préfère vivre le présent », ponctue Jean-Michel, qui trouve son bonheur dans l’entretien du jardin, les travaux manuels, ou les cours d’informatique proposés.
Avant Jean-Michel, déboussolé par son divorce, vivait dans la rue.
Marre des conflits
entrer et sortir quand j’en ai envie : on n’est plus des gamins ! » explique Bertrand*, droit et assuré. « Il y a quelque temps, j’ai invité mon frère, j’étais fier de lui montrer ma maison, ajoute Jean-Michel. Ça responsabilise, on fait attention à tenir son appartement propre, le ranger, en faire un lieu accueillant. » Certains, malades ou affaiblis, bénéficient d’une aide à domicile. Pour d’autres, c’est la présence d’un personnel soignant qui est essentielle. « J’ai eu des problèmes cardiaques », témoigne Paul, « je me suis senti en sécurité ici, car il y avait toujours quelqu’un à qui parler, et les infirmières passent tous les jours. » C’est là que se situe l’essence de l’association Issue de Secours : être autonome mais jamais seul, vivre sa vie mais croiser du monde, tisser des liens, retrouver la dignité et l’estime de soi. //
« Dans les foyers que j’ai connus, les repas étaient collectifs, les salles de bains et toilettes communes, on n’avait pas d’intimité. Et puis, on était avec des jeunes, * Les prénoms ont été modifiés. j’en avais marre des conflits de Paul a été pris dans générations, des problèmes de une spirale drogue et de violence. Ici, c’est de dettes. différent : dans cette maisonrelais, on peut cuisiner chez soi, mais aussi déjeuner ensemble dans la salle à manger trois fois par semaine. On est autonome, il n’y a pas de violence. J’aime surtout avoir mes clés, ma boîte aux lettres, pouvoir
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Service // Initiatives
La Deuxième marche : tremplin pour une seconde chance
«P
our des personnes SDF, la domiciliation administrative est une première marche pour sortir de la précarité. Avoir une adresse leur permet d’avoir accès aux aides sociales et aux papiers administratifs. Mais si on en reste là, leur situation stagne ! Voilà pourquoi j’ai voulu créer une Deuxième marche, qui donne à ceux qui le veulent vraiment, des clefs essentielles à leur réinsertion », explique en souriant la fondatrice.
Des séminaires pour personnes SDF « J’organise des stages composés de divers ateliers, sorte de séminaires de retour à l’emploi pour personnes SDF. » Elisabeth Tiberghien décrit avec passion les trois types d’activités qui composent ces sessions. Soins de la personne d’abord : des exercices physiques, comme de la relaxation, pour « recréer le lien avec son corps » ; des exercices de développement personnel, avec des cours de théâtre, un « relooking » et une coupe de cheveux ; ensuite le retour vers l’emploi : rédaction de CV et de lettres de motivation, atelier informatique et simulations d’entretien d’embauche. « Je suis aidée par des généreux intervenants extérieurs, reconnus dans leur domaine, qui donnent gracieusement de leur temps ! », s’enchante-t-elle.
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Les cahiers
Ozanam
« Je vais chercher mes participants dans le vivier de la Cellule RSA de la Société de Saint-Vincentde-Paul (Paris VIII e )», accueil qui reçoit de très nombreuses personnes de la rue en entretien quotidiennement. « Pour ce qui est de la sélection, je dirais que mon choix se fait en Elisabeth (au centre) deux temps. Il y a un pre- étudie les CV et les motivations. mier aspect rationnel dans lequel j’étudie leur CV, leurs motivations et Ils ont donc des conditions de vie correcl’envie dont ils font preuve. tes, de nouveaux vêtements, des contacts professionnels, et deux mois pour redeveUne petite lumière nir autonomes financièrement. « Enfin, je dans les yeux les mets en contact avec des parrains qui Dans un second temps, je fais aussi les suivront dans leur démarche. Ce sont confiance à mon intuition. J’essaie de des dirigeants d’entreprise qui ont le désir reconnaître ceux qui ont une petite lumière de se rendre utiles, "une bande de cathos dans les yeux… » Jusqu’à maintenant, cela en action", comme j’aime les appeler avec semble fonctionner puisque les vingt-cinq mon associé Thierry Bizot. C’est lui, producpremiers stagiaires ont tous confirmé teur de télévision et de cinéma (Elephant & leur potentiel en trouvant un emploi ! Cie), qui est mon fournisseur de parrains », « Lorsqu’ils terminent le stage, les cv et s’amuse-t-elle. Elisabeth Tiberghien, loin les lettres de motivation des bénéficiaires de se reposer sur ses lauriers, a encore sont à jour, ils touchent le RSA et ont bien de nouveaux projets pour l’année 2013 : souvent un ou plusieurs entretiens d’em- « Grâce aux dons reçus, je vais bientôt poubauche à venir. » Avec l’aide du Samu voir proposer des ateliers hebdomadaires social, la Deuxième marche leur fournit d’informatique et de recherche d’emploi, et également un logement pour deux mois. un cours mensuel de théâtre ! » //
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Elisabeth Tiberghien a fondé l’association « Deuxième marche », pour donner à des personnes SDF une chance de se réinsérer par l’emploi. Cette retraitée, juriste de formation, s’active et sa Deuxième marche, créée en octobre 2011, a déjà servi de tremplin à vingt-cinq personnes pour sortir de la rue ! Propos recueillis par Capucine Bataille
Actus juridiques et sociales
La dématérialisation des papiers pour personnes SDF
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our une personne qui vit dans la rue, conserver ses papiers est bien difficile, voire impossible. Comment les ranger dans un endroit à l’abri et au sec pour éviter de les abîmer ? Comment ne pas les égarer lorsqu’on n’a même pas un toit pour dormir ? Pourtant ces papiers – qu’ils soient justificatifs d’identité ou de droits à faire valoir – sont essentiels pour nombre de démarches. Et celles-ci seront d’autant plus longues s’il faut d’abord reconstituer ses papiers… L’arrivée des techniques numériques permet de tester des services de dématérialisation des papiers pour les SDF. Voici deux exemples d’initiative : 1. La fondation Abbé Pierre teste depuis un an dans la région PACA un dispositif de Bagagerie administrative sécurisée électronique (BASE). Il s’agit d’une borne
avec une tablette et un scanner reliés à internet : le titulaire numérise le papier original (CNI, passeport…) et dépose le fichier correspondant sur un site sécurisé ; il pourra alors à tout moment accéder à ce document, à partir de n’importe quel lieu lui permettant un accès internet. 2. Le service public (mon.service-public. fr) expérimente un système similaire pour permettre aux personnes sans domicile fixe et aux associations les accompagnant de stocker les documents administratifs indispensables de ces personnes. Cependant, un problème subsiste quant à la valeur du fichier numérisé. En effet, le scan n’est en fait qu’une copie, et non pas un original. Dès lors, un tiers — travailleur social, agent d’état civil — devra se porter caution pour certifier que le scan est valide, c’est-à-dire issu d’un authentique original. // Par Bertrand Decoux
Le don en nature
I
l peut prendre de très nombreuses formes : des produits offerts par les commerces du quartier ou les supermarchés (allant de la viennoiserie à l’ampoule électrique), la location de camionnette offerte pour un déménagement, les conseils gratuits d’un informaticien, etc. N’hésitez pas à solliciter les personnes autour de vous qui, trop souvent, ignorent la possibilité des dons en nature ! Pour ces dons, l’émission d’un reçu fiscal n’est pas obligatoire. Toutefois, à la demande de l’entreprise donatrice, l’association bénéficiaire pourra délivrer un reçu. Celui-ci peut comporter uniquement une description physique des biens reçus sans préciser aucune valorisation, comme il peut aussi en mentionner une. Celle-ci doit tenir compte du coût de revient du bien donné et non de son prix de vente. Les éléments mentionnés sur le reçu relèvent de la responsabilité de l’association. Si la valorisation est donnée par le donateur lui-même, et afin de dégager la responsabilité de l’association, celle-ci doit indiquer clairement sur le reçu fiscal la mention : « Valeur des biens reçus – information fournie par l’entreprise donatrice ». // Par Sophie Rougnon
Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site officiel : http://vosdroits.service-public.fr/ associations/F3177.xhtml n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam
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Service // Actus juridiques et sociales
Quand la précarité aggrave l’état de santé
L
e s mauvaises conditions de vie ont deux effets négatifs : aggraver les problèmes de santé et en générer. Les problèmes de santé repérés par les médecins intervenant auprès des personnes démunies concernent en premier lieu les infections respiratoires (près de 22 % des diagnostics), les pathologies diges-
tives (18 %) et les pathologies ostéoarticulaires (16 %). Plus d’un patient sur dix souffre d’une pathologie qui peut devenir grave, comme l’hypertension artérielle, le diabète, l’asthme, l’épilepsie, un cancer ou encore une psychose. Une pathologie psychique ou psychiatrique a été également repérée pour près de 11 % des patients reçus en 2011. Enfin, l’état bucco-dentaire des personnes rencontrées est particulièrement dégradé, comme le
Quelle aide médicale pour les migrants ? L’Aide médicale de l’État (AME) pour les personnes en situation irrégulière. Une personne en situation irrégulière et ne disposant d’aucune couverture sociale peut bénéficier de l’AME, à condition de résider en France depuis plus de trois mois. Les personnes qui sont à sa charge peuvent aussi bénéficier de l’AME. Si un ressortissant étranger est en instance de reconduite à la frontière dans un Centre de rétention administrative (C.R.A.), il peut également en bénéficier.
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Les cahiers
Ozanam
L'AME à titre humanitaire En dehors de ces situations, il est possible de bénéficier exceptionnellement de l'AME à titre humanitaire. La décision d'une éventuelle admission à l'AME à titre humanitaire ne relève pas de l'Assurance Maladie, mais appartient au ministre chargé de l'Action sociale. Il ne s'agit donc pas d'un droit mais d'une possibilité. Très peu de dossiers sont admis chaque année dans ce type de dispositif. Articulation entre l'AME, la CMU et la CMU complémentaire Si quelqu’un est admis à l'AME et que, par
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montre le nombre moyen de dents cariées et absentes. Les pathologies infectieuses se développent d’autant plus que les personnes atteintes n’ont pas les moyens ou le réflexe de se faire dépister. Pour le VIH et les hépatites, il est constaté que moins d’un tiers des patients connaissent leur statut sérologique. Chez les personnes démunies qui viennent se faire dépister dans les centres de Médecins du Monde en Île-de-France, le taux de celles atteintes par le VIH est de 2,3 %, soit près de onze fois le taux national. Pour les hépatites B et C, il est 10 et 6 fois supérieur au taux moyen de la population générale. // Par Benoit Pesme
la suite, sa situation de séjour en France se régularise, son dossier sera transféré à la Couverture maladie universelle (CMU) de base et/ou complémentaire. À l'inverse, s’il est bénéficiaire de la CMU et qu’il s’avère ne plus être en situation régulière, il pourra bénéficier de l'AME. Dans certains cas, même si une personne n’est plus en situation régulière, elle peut bénéficier d'un maintien de droits au titre d'un régime obligatoire d'Assurance Maladie. Ainsi, il est possible de bénéficier de l'AME pour la part complémentaire, tout en restant cependant soumis au dispositif du médecin traitant. // Par Benoit Pesme
Dr Jean-François Corty : « Pour les plus démunis, se soigner est un parcours du combattant » Entretien avec le Dr Jean-François Corty, directeur des missions France à Médecins du Monde : l’association s’inquiète de la dégradation de la situation qui frappe les personnes les plus démunies pour lesquelles l’accès aux soins est de plus en plus difficile. Les plus touchés sont les femmes seules et les mineurs en forte augmentation. Propos recueillis par Benoît Pesme
Quel est l’impact de la crise sur ces populations ? La crise économique accroît la précarité et augmente les besoins. De « nouveaux exclus » apparaissent. Ce sont des citoyens français, en situation de grande préca-
de santé publique et sur l’accès aux soins des plus précaires.
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à l’hiver 2012, quelle est la situation en matière d’accès aux soins ? Tous les indicateurs sont dans le rouge. Dans le bilan annuel que nous avons établi, nous constatons, de façon générale, une dégradation des conditions d'accès aux soins des plus démunis. La fréquentation des centres de Médecins du Monde est en croissance constante et rapide. Or, pour les plus démunis – dont plus de 98 % vivent en dessous du seuil de pauvreté — il faut faire un vrai parcours du combattant pour se soigner. Résultat : un tiers d’entre eux retarde ses soins. Un autre constat alarmant concerne les mineurs reçus dans nos centres : leur nombre a augmenté de 48 % depuis 2008. 89 % des enfants reçus pour la première fois par Médecins du Monde l’an dernier ne disposaient d’aucun droit ouvert à l’assurance-maladie. La loi leur garantit pourtant en principe un accès inconditionnel au système de soins, mais ils ne peuvent en bénéficier faute d’informations, faute de moyens.
Directeur à Médecins du Monde, il veut protéger la santé des pauvres et des migrants.
rité. Trop riches pour accéder à la CMU-C (couverture de maladie universelle complémentaire) et trop pauvres pour avoir une mutuelle. Par ailleurs, comme le système de santé est de moins en moins solidaire, il y a de moins en moins de remboursements, donc le reste à charge est de plus en plus conséquent. Cela a indéniablement un impact sur les dispositifs
Quelles sont les évolutions que vous attendez en matière d’accès aux soins pour les plus démunis ? Nous demandons plus de solidarité dans les politiques publiques et nous le dirons lors de la conférence de lutte contre la pauvreté et les exclusions des 10 et 11 décembre1 : le gouvernement doit, de toute urgence, prendre ses responsabilités et engager de façon concrète des politiques sanitaires et sociales en faveur des plus démunis. Médecins du Monde proposera plusieurs choses, dont la révision des politiques restrictives à l'encontre des migrants pour les protéger et favoriser leur intégration. // 1. La conférence de lutte contre la pauvreté et les exclusions annoncée par le président de la République se tiendra les 10 et 11 décembre 2012 au palais d’Iéna (CESE) à Paris.
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Service // International © SSVP
Treize présidents nationaux en formation à Douala Jean-Noël Gallois, animateur de la Commission internationale, raconte son séjour au Cameroun à l’occasion du premier séminaire des présidents nationaux d’Afrique francophone.
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Les cahiers
Ozanam
Règle internationale qu’ils doivent maintenant restituer auprès de leurs bénévoles. La présence de la SSVP est très inégale en Afrique, allant d’une poignée de Conférences pour quelques pays (Togo, Tchad, Sénégal) à un réseau dense comme au Bénin (190 Conférences), au Rwanda (216 Conférences) ou en République centrafricaine (222 Conférences). N’oublions pas la République démocratique du Congo, territoire immense, où survit dans des conditions très difficiles un maillage d’un millier de Conférences. Les problèmes auxquels les Vincentiens africains doivent faire face, eux, sont souvent identiques : communications difficiles, insécurité, absence de siège national Groupe du séminaire avec l'archevêque de Douala, Mgr Samuel Kleda.
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Marie-Grâce Biyag, Pdte SSVP-Cameroun et Jean-Noël Gallois.
permanent, manque d’argent, etc. Mais les solutions se dessinent, sous-tendues par la prière et une foi inébranlable. Une exceptionnelle coopération SudSud se met de plus en plus en place. Elle vient compléter l’aide que les Vincentiens d’Europe leur apportent par le biais de jumelages, dont le principe fondateur est l’échange sur un pied d’égalité entre les membres de la grande famille vincentienne. // Par Jean-Noël Gallois © SSVP
J
e me suis rendu à Douala du 30 août au 2 septembre pour co-animer le premier séminaire vincentien de formation des présidents nationaux de l’Afrique francophone. Ce séminaire a été rendu possible grâce à une importante aide financière de la SSVP France, que tant de liens unissent déjà à nos confrères du grand continent. Treize pays francophones étaient représentés lors de cette rencontre. Nous avons été chaleureusement accueillis par la présidente nationale du Cameroun, MarieGrâce Biyag. Les débats ont été remarquablement conduits par Basile Ondigui Fouda, responsable au niveau mondial de cette partie de l’Afrique. Basile était secondé par le Rwandais Maximilien Usengumuremyi et par l’aumônier national du Cameroun, le père Armand Frédéric Olanguina. Ce dernier était en charge de l’animation spirituelle, qui culmina avec la réception de la délégation par l’archevêque de Douala, Mgr Samuel Kleda et par le cardinal Christian Tumi. Au cours des ateliers, j’ai été frappé par la motivation des participants. Ils étaient très attentifs aux rappels des principes et valeurs de la Société de Saint-Vincentde-Paul, notamment aux références à la
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Carnet de Campagne route
itants. de 124 retra e p u ro g re Not Le magnifique sanctuaire Notre-Dame de La Salette.
Retraite nationale chez la « Belle Dame » de La Salette à l’occasion de la retraite nationale, de nombreux Vincentiens ont pris le temps de se retrouver pour une halte spirituelle de trois jours. Au cœur du magnifique sanctuaire de La Salette, ils ont redécouvert le message bouleversant laissé par la Sainte Vierge aux petits pâtres. Par Maryse Giraud-Renucci - Photos SSVP (sauf mentions)
à
1 800 mètres d’altitude, la basilique Notre-Dame de La Salette se dresse, majestueuse, au milieu d’alpages déserts en Pays de Corps, à mi-chemin entre Gap et Grenoble. C’est en cet endroit isolé que le 19 septembre 1846, une « Belle Dame » apparaît à deux enfants, Maximin et Mélanie, qui gardaient leurs troupeaux. Depuis 1872, des pèlerins venus du monde entier n’ont cessé d’affluer en ce lieu. C’est dans ce sanctuaire que nous nous sommes retrouvés pour une
Maryse GiRaud -RENUCCI membre du CA de la SSVP.
retraite nationale, autour de notre conseiller spirituel, le père Jérôme Delsinne. Nous étions cent vingt-quatre retraitants, venus des quatre coins de France, avec une forte participation des sudistes : quarante Varois, accompagnés du père Théodore, conseiller spirituel de la Conférence SaintGeorges de Toulon, et onze Marseillais. Les Provençaux seraient-ils les plus téméraires dans leurs pérégrinations ou plus ardents dans leur spiritualité ?
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Service // Service Carnet /de route de / Carnet Dans une hôtellerie confortable avec une excellente et copieuse restauration, nous avons vécu deux jours et demi d’intense activité spirituelle : liturgie des heures (laudes, vêpres, complies), Eucharistie, conférences.
Cinquantième anniversaire Notre séjour à Notre-Dame de La Salette coïncidait avec la date du 50e anniversaire de l’ouverture du 21e Concile : le célèbre Concile de Vatican II. Aussi, les cinq conférences animées par le père Delsinne nous ont permis de mieux comprendre cette période qui fut si importante dans l’évolution de l’église. Elles furent appréciées de tous. Le père Jérôme détailla et expliqua les chapitres les plus importants des constitutions élaborées par les membres conciliaires : Lumen Gentium, constitution dogmatique sur l’église ; Dei Verbum, constitution dogmatique sur la révélation divine ; Sacrosanctum Concilium, constitution sur la sainte liturgie ; Gaudium et Spes, constitution pastorale sur l’église dans le monde de ce temps. Il précisa enfin que ce Concile avait regroupé des pères de l’église catholique, des membres d’autres églises chrétiennes, mais aussi des laïcs, dont des femmes, ce qui était une grande première. Nos activités spirituelles étaient entrecoupées de temps de silence, de méditations et de quelques promenades pédestres qui permirent aux participants de goûter à la beauté de la nature environnante.
Messe dans le sanctuaire et conférence sur le concile de Vatican II.
Procession aux flambeaux autour des lieux d'apparition.
Beaucoup d’entre nous ont emprunté les chemins abrupts, découvrant un splendide panorama sur les vallées du Champsaur et sur le parc national des écrins. Cette retraite fut un véritable temps de ressourcement tant spirituel que physique.
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Les paroles de la « Belle Dame »
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Bertra nd Ou sset, P réside e nt n in ls e D e m Père Jérô
Les cahiers
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L’aube du samedi s’est levée, lumineuse, découvrant la beauté des alpages où l’automne teintait les espaces boisés d’ocre et de pourpre. L’église du sanctuaire émergeait au milieu d’un lac de brume cotonneuse, qui s’effilochait au fil des heures. Au soir, nous étions nombreux dans la fraîcheur de la
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La « Belle Dame » apparaît à deux enfants en 1846.
nuit pour une procession aux flambeaux autour des lieux des apparitions. Ce moment magique fut partagé avec des pèlerins polonais et italiens. Mais même les meilleures choses ont une fin. Les Vincentiens se sont finalement séparés dimanche aprèsmidi. Chacun est rentré chez soi, emportant dans son cœur les dernières paroles que la « Belle Dame » avait dites aux petits pastoureaux : « Eh bien, mes enfants, vous le [le message] ferez passer à tout mon peuple ! » Ces paroles étaient un envoi en mission. Elle nous exhorte tous à vivre ce que nous avons compris et appris durant cette retraite, bien au-delà de ces trois jours, dans nos départements, Conférences et Associations spécialisées. //
Extraits du message de la « Belle Dame » // « Avancez, mes enfants, n’ayez pas peur, je suis ici pour vous conter une grande nouvelle. Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller le bras de mon Fils. Il est si fort et si pesant que je ne puis plus le maintenir. Depuis le temps que je souffre pour vous autres ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse. Pour vous autres, vous n’en faites pas cas ! [...](La Vierge termine son discours en patois) Ah ! Mes enfants, il faut bien la faire [sa prière], soir et matin, ne diriezvous seulement qu’un "Notre Père" et un "Je vous salue". Et quand vous pourrez mieux faire, dites-en davantage. […] Allons, mes enfants, faites-le bien passer à tout mon peuple ! »
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© Bois-Colombevitrail- copyright CC BY-SA
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Beaucoup de Vincentiens ont découvert le superbe panorama.
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Spiritualité // Réflexion
« Mon père était un Araméen errant »
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L’errance a de nombreux visages. Marque de l’élection du peuple hébreu dans la Bible, qui fonde le devoir d’accueil de tout « errant » ou étranger, elle reste le signe d’une fuite en avant, d’une épreuve. Mais elle figure aussi la démarche de l’âme humaine, assoiffée de Dieu, la traversée du désert de celui qui n’a pas d’attaches. Par Jérôme Delsinne, c.m.
L
’errance peut relever du déplacement physique, d’un cheminement intellectuel, ou encore d’une pathologie mentale : errance de la pensée, errance de la recherche, de l’écriture, de l’imagination vagabonde. L’errance en réalité, sous ce dernier aspect, nous est à tous familière. La vie peut aussi comprendre des errances occasionnelles, voire être une longue errance. Ainsi elle intrigue, fascine ou au contraire, inquiète. On s’y jette, on y tombe, on y résiste ou encore on s’en préserve. Mais à quoi renvoie-t-elle ?
Un double sens
Jérôme Delsinne c.m., conseiller spirituel national de la SSVP.
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Les cahiers
Le verbe « errer » possède un double sens. Le premier venant du latin errare signifie « aller de côté et d’autre, au hasard, à l’aventure. » Verbe qui, au figuré, signifie s’égarer. Référence à la pensée qui ne se fixe pas, qui vagabonde. Mais ce verbe renvoie aussi à se tromper, avoir une opinion fausse, s’écarter de la vérité. Par le passé, l’errant était celui qui errait contre la foi, c’était le mécréant, l’infidèle, le pécheur, l’hérétique. Ici, l’errance qui est un éloignement conduit à l’erreur. Mais ce verbe errer ne doit pas être confondu avec un autre, qui se trouve dans l’ancien français et qui signifie aller, voyager, cheminer (du bas-latin iterare). C’est ce verbe qui est usité pour envoyer le peuple à la fin de la messe – Ite. Missa est –, pour parler de la présence
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érémitique des chrétiens géorgiens et aluaniens au Ve siècle marchant sur la trace des Hébreux, du chevalier partant pour Jérusalem, des ordres mendiants, du « Jacquet », du « Romieu » ou encore du pèlerin russe2, figures qui renvoient toutes à celle du Juif errant, figure historique et prototypique mais également personnage imaginaire tant peint par Chagal. L’errance peut donc s’envisager au moins sous deux aspects. D’ordinaire, elle est associée au mouvement, souvent à la marche, à l’idée de fuite, d’égarement, à l’absence de but. On la décrit comme une obligation à laquelle on succombe sans trop savoir pourquoi, qui nous jette hors de nous-mêmes et qui ne mène nulle part. Elle signifie échec pour ne pas dire danger. L’errance, vue sous cet angle, s’accompagne d’incertitude, d’inquiétude, de mystère, de solitude, d’angoisse et de peur. C’est une épreuve. Elle est perte de soi-même.
Comportement déviant ou quête Ce premier aspect de l’errance envisage l’errant comme un être égaré, désœuvré, à la dérive, tel le possédé gérasénien errant dans les tombeaux, sorte de SDF de notre période contemporaine qui ne sait plus qui il est. Bref, elle est considérée comme relevant d’un comportement déviant. Ainsi est-elle en effet parfois vécue. Mais l’errance est-elle toujours l’expression d’une crise ? Faut-il
© Commons Média
Le Passage de la mer Rouge, de Nicolas Poussin, 1634.
n’envisager que les affres de l’errance ? Sans doute pas, car elle possède de nombreuses autres facettes et peut porter en elle les prémices d’une démarche créatrice. Le peuple d’Israël a fait cette expérience de l’errance : d’esclave, il est devenu, en fuyant en toute hâte l’Égypte, libre en recevant la Loi et en traversant le désert pendant quarante ans. En référence au second verbe errer – iterare –, être errant c’est être, à un moment donné, sans attache particulière, allant d’un lieu à un autre, en apparence sans véritable but. En apparence seulement, car l’errance – c’est son deuxième aspect – peut être une quête. Une quête d’autre chose, une quête identitaire quelquefois mais, bien souvent une quête d’un ailleurs qu’Alexandre Laumonier appelle le « lieu acceptable » : « L’errance, terme à la fois explicite et vague, est d’ordinaire associé au mouvement, et singulièrement à la marche, à l’idée d’égarement, à la perte de soi-même.
« L’errance est la quête
incessante d’un ailleurs où je serai enfin accueilli, où je pourrai enfin m’arrêter.
»
Pourtant, le problème principal de l’errance n’est rien d’autre que celui du lieu acceptable. L’errant en quête du lieu acceptable se situe dans un espace très particulier, l’espace intermédiaire. […] L’errance est certainement l’histoire d’une totalité recherchée. Car l’errance n’est ni le voyage ni la promenade, etc. Mais bien : Qu’est-ce que je fais là ? » 3 Cette recherche du lieu acceptable distingue l’errance du voyage. Voyager, c’est quitter son domicile ordinaire pour l’inconnu, mais il y a un retour. On ne cherche pas n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam
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Spiritualité //
© Fresque de l’église d’Arena à Padoue
La Fuite en égypte, de Giotto, 1305.
1. Deutéronome 26, 5. 2. Récits d’un pèlerin russe. Cet ouvrage anonyme paraît en 1870. Il rapporte des récits d’un pèlerin russe à son père spirituel. 3. Alexandre Laumonier, « L’errance ou la pensée du milieu », Le Magazine littéraire, n° 353, « Errance », avril 1997, p. 20. 4. Ernst Bloch, Le Principe espérance I, traduit de l’allemand par Françoise Wuilmart, Paris, Gallimard, 1976, pp. 439-440.
un autre lieu où vivre. C'est un éloignement momentané de la mère patrie. Le plaisir de voyager dont a parlé Ernst Bloch dans Le Principe Espérance n’existe que si ce voyage est volontaire et souhaité, s’il relève d’une décision et d’un projet 4. Il exprime un désir d’horizons nouveaux, d’aventure, d’émancipation vis-à-vis d’un monde jugé étriqué. Voyager, c’est vouloir s’affranchir momentanément du connu.
S’affranchir pour devenir libre La marche guidée des Hébreux dans le désert fut donc un long périple à la recherche de ce lieu acceptable et promis dont l’inattendu, l’inconnu, l’errance, le doute, la soif et la faim sont les composantes. Dans cette errance sinaïtique, l’objectif n’est pas de se perdre – rester esclaves – mais au contraire de s’affranchir – devenir un peuple libre avant même d’arriver en terre promise. Être « Araméen errant », c’est faire le long apprentissage à la fois de la Loi, nouvelle de liberté, et d’une attache particulière avec le Seigneur, Dieu de nos pères, « Celui qui t’a fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude » (Deutéronome 5, 6). L’errance est la quête incessante d’un ailleurs où je serai enfin accueilli, où je pourrai enfin m’arrêter. Du
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fait de cette quête, il n’est pas envisagé de retour en arrière. Car l’errance relève de la nécessité intérieure, nécessité de partir, de porter ses pas plus loin et son existence ailleurs. Le retour serait la marque de l’échec de l’errance parce qu’expression de l’inaccessibilité de la quête. L’errance peut avoir une fin. L’Alliance marquera la fin de la séparation et de cette errance. « Maintenant, notre marche prend fin, devant tes portes, Jérusalem ! » (Psaume 121, 2). //
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Livre // Le Principe Espérance est un livre monumental, le plus important d’Ernst Bloch, philosophe « révisionniste » marxiste. L’auteur revient sur le concept d’utopie concrète où les potentialités individuelles aboutissent à l’actualisation, non dans la transcendance d’un ciel inaccessible, mais par le progrès de l’Histoire. Il présuppose que l’être des hommes est inachevé et que cet inachèvement appelle la recherche d’autres modulations de l’être : l’homme tel qu’il peut et tel qu’il doit être n’a pas encore existé jusqu’à présent et il doit advenir. L’homme est tendu vers l’avant. Il ne peut avoir de repos dans un immobilisme satisfait ou inquiet. Il a l’espoir chevillé au corps que la recherche d’un monde meilleur n’a jamais lieu en vain, qu’elle a toujours des prolongements et quelque chose d’irrépressible.
Témoignage
Père Vincent Clossais :
« De l’amour défiguré à l’amour transfiguré » Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler auprès des gens de la rue ? Tout petit, j’ai été marqué par l’expérience de mes parents, engagés auprès des personnes handicapées qu’ils recevaient dans leur ferme. Après des études agricoles, j’ai suivi une formation d’éducateur en parallèle de l’enseignement du séminaire, pour entrer dans la Mission de France. Mes activités de bénévolat auprès de personnes fragilisées (porteurs de handicaps, femmes prostituées…) m’ont alors conforté dans ce désir de m’orienter vers un travail social. En terminant mes études théologiques, j’ai présenté un mémoire sur les personnes prostituées : « De l’amour défiguré à l’amour transfiguré ». Ordonné diacre puis prêtre, je suis maintenant le répondant, à Grenoble, d’une équipe de la Communauté, dont tous les membres sont engagés auprès des personnes en précarité. Je suis travailleur social dans trois maisons-relais pour l’accueil et l’accompagnement de personnes ayant connu de grandes difficultés matérielles et morales : gens de la rue, prostituées, couples…, voire « gens à la rue » rencontrant des problèmes psychiques et psychiatriques ! En tant que prêtre, comment vivez-vous cet engagement ? Les gens qui viennent de la rue ont suivi
© D.R.
Le père Vincent Clossais, prêtre de la Mission de France, à Grenoble, témoigne de son engagement auprès des prostituées et des personnes à la rue. Propos recueillis par Juliette Asta
Faire mourir ce qui fait la précarité de leur vie.
un parcours chaotique. Ils arrivent cassés, fragilisés. Ils se sentent considérés comme des objets et non plus comme des personnes. Avant même de traiter les problèmes d’addiction qui les concernent souvent (alcool, drogue...), il faut les aider à reconstruire leur propre image, faire émerger en eux les éléments positifs restés étouffés par les difficultés rencontrées. Pour moi, c’est chercher à faire mourir en eux ce qui fait la précarité de leur vie et faire renaître tout ce qui est confiance en soi, dignité, désir, plaisir. Leur redonner « le souffle de Dieu ». à chaque rencontre, je suis replongé dans la signification de mon baptême et dans celle de la mort et de la résurrection du Christ.
La reconstruction d’une personne qui a connu la galère demande de la patience, du temps, comme l’a montré le Christ qui a su prendre le temps d’expliquer sa mission. J’ai aussi appris à ne pas juger ceux que j’accueille, car ils peuvent me toucher sur mes propres faiblesses et fragilités. Je retrouve avec eux l’humilité, la simplicité de cœur. « Laissez venir à moi les petits enfants. » (Marc 10, 14), car le Royaume de Dieu rassemble ceux qui ont gardé un cœur d’enfant. Nous cherchons à révéler en eux ce qu’il y a de positif et, en réalité, ce sont eux qui viennent nous révéler qui nous sommes vraiment et tout ce qui nous habite ! Comme l’a si bien dit saint Vincent de Paul : « Les pauvres sont nos maîtres » ! //
Note // La Mission de France a été créée en 1941 par des évêques catholiques, sous l’impulsion du cardinal Suhard pour « abattre le mur » qui sépare l’église d’une partie de la société. C’est un diocèse rassemblant des prêtres, des diacres et des laïcs engagés pour vivre l’évangile en milieu professionnel. http://catholique-mission-de-france.cef.fr
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Spiritualité // Contemplation
Repos pendant la fuite en Égypte, de Adam Elsheimer, 1609 - huile sur cuivre, Alte Pinakothek, Munich.
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De quoi demain sera fait ? Dis-moi, Seigneur, de quoi sera fait demain, mon demain à moi, celui de ceux que j'aime ? Tous ces demains semés d'espérances qui attendent de germer, les vois-Tu, Seigneur ? Les vois-tu ces espérances enfouies au plus profond de nos jardins secrets, là où personne n'entre sinon Toi et Toi seul ? Dis, les feras-tu éclore un jour nos espérances en graines, nos rêves, nos projets ? De quoi sera fait demain ? Après tout, qu'importe, puisque Ta présence, Seigneur, m'accompagnera au cœur de mes déserts, comme au plus fort de mes joies. Ta présence qui m'invite déjà à vivre aujourd'hui comme pour mieux réaliser demain. Non, ne me dis pas Seigneur de quoi demain sera fait. Dis-moi seulement que Tu es là. Robert Ribert
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Spiritualité // Parole de Dieu Par Juliette Asta
«
M
ais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens. »
«
T
Mc 10, 22
I
l nous est facile de nous comparer au jeune homme riche qui désire obtenir la vie éternelle, mais ne peut se résoudre à se détacher de tout ce qu’il possède pour suivre Jésus. Dans la culture religieuse juive, la richesse était considérée comme une bénédiction de Dieu. Et, à la réponse de Jésus, ce jeune homme à la vie irréprochable voit s’écrouler sa conception de la religion et de sa relation à Dieu. Il voulait tout obtenir mais aussi tout conserver. Il est ainsi placé devant un choix : tout garder ou tout quitter. Et nous, aujourd’hui ? Jésus ne condamne pas la richesse, mais ceux qui s’en font des esclaves. Être chrétien, c’est accepter de suivre Jésus, même si l’on n’est pas parfait, on fait ce que l'on peut ! Cependant le Christ nous appelle tous à apprendre le détachement, certes des biens matériels, mais aussi et surtout, à faire le vide intérieur pour mieux L’accueillir et accueillir les autres. Tout simplement, Il nous demande d’aimer. À nous de faire le bon choix et de ne pas choisir la tristesse ! //
a parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route. » Ps 118, 105
«L
a présence aimante de Dieu, à travers sa Parole, est une lampe qui dissipe les ténèbres de la peur et qui éclaire le chemin, même dans les moments les plus difficiles. » Ainsi s’est adressé Benoît XVI aux jeunes lors des JMJ de 2006. à la suite des disciples qui ont été nourris par la Parole de Jésus, laissons-nous éclairer au quotidien par cette Parole, à la lumière de l’enseignement de l’Église. Apprenons à redécouvrir par la lecture et la méditation des textes bibliques et religieux, la lectio divina, la richesse de cet enseignement pour être à notre tour une Lumière pour les autres. Souvenons-nous que cette Lumière ne vient pas de nous, mais de Dieu et que nous pouvons, à travers notre témoignage de vie, chacun à sa manière et avec ses talents propres, refléter le vrai visage du Seigneur. //
«
J
e suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, je suis celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant. »
Apo 1, 8
L © Juliette Asta - ND de La Salette
’Apocalypse de saint Jean est le livre dit de la Révélation. Dieu s’est révélé à nous en nous envoyant son Fils, JésusChrist. La tradition chrétienne assimile souvent Jésus à l’alpha et à l’oméga, première et dernière lettres de l’alphabet grec classique, ce qui symbolise l’éternité de Jésus et, par là même, l’éternité de Dieu. L’alpha nous ramène à la création du monde, l’oméga tourne nos yeux vers l’avenir. Dieu est le Tout-Puissant, Il a nos vies entre ses mains, Jésus nous révèle que c’est Lui qui nous cherche : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15, 16). Avec Lui, nous pouvons vivre en toute plénitude, mais Il nous laisse libres de choisir. Si nous Le suivons, nous connaîtrons la vie éternelle : en fait, n’est-ce pas ce que nous redisons à chaque Credo ? //
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Prier en Conférence Par Jean-Claude Peteytas
Prier avec les pauvres Jean-Claude Peteytas, Vincentien et diacre du diocèse de Périgueux, témoigne de son expérience de la prière avec les pauvres, à l’occasion de la mort d’un ami, Pierre.
J
’entends quelqu’un me héler dans la rue et me retourne pour apercevoir Antonio, un garçon que je connais depuis quelques années. Il fréquente l'accueil de jour, le Point chaud, lancé voici vingt-huit ans par la Société de Saint-Vincent-de-Paul, le Secours Catholique et l'église réformée de la Dordogne. Antonio me dit : « Est-ce qu'on ne peut pas faire une prière pour Pierre qui est mort ? Ce n'est pas un chien. C'est quand même un homme, il mérite une sépulture. »
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Un accident qui reste un drame De bonne heure à la rue, sans attache familiale, Pierre habitait un minuscule squat, non loin de la rivière qui traverse Périgueux. Il était devenu le compagnon d'infortune de la bande des jeunes fréquentant le Point chaud, venant chaque matin pour boire un café, se laver et se raser. Et voici que la bande de copains, ne le voyant pas un matin, ni le jour suivant, apprend que Pierre a été retrouvé mort sur la route au bord de l'eau. Les pompiers et la police sont venus. Il a été question de mort subite. Sans doute, une rupture d'anévrisme. Un accident qui pour les copains reste un drame. Mais le pire, c'est que le corps de Pierre a été inhumé discrètement, chez « les indigents ». C'est là qu'est intervenu Antonio me lançant : « Ne peut-on pas prier pour Pierre ? »
« Si, ai-je répondu à Antonio. Nous allons faire une célébration à l'église. » « O.K., mais on n'a plus son corps ! », regretta-t-il.
Un appel bouleversant Dans l'église du quartier de la gare, là où se trouve le Point chaud, Antonio est arrivé avec une douzaine des copains. Des accueillants se sont également joints au petit groupe. En cercle, autour du cierge pascal allumé, nous avons lu la parabole de l'enfant — ou du père — prodigue (Luc 15, 11 à 32). Les uns et les autres ont témoigné de leur histoire personnelle : rupture avec les parents, abandon de la
maison, la route, la rue, la galère : « J'ai multiplié les bêtises. Mais au fait, dit Jacques, si Dieu est comme le dit cette histoire, alors malgré ce qu'on a pu faire, il nous accueille ? » « Pierre était un chic type. Il partageait avec moi ses cigarettes, raconte JeanPaul. Moi je crois que maintenant il a trouvé le bonheur qu'il cherchait. » à mon tour, j'ai pris la parole et essayé d’expliquer que, même si nous ne sommes pas toujours reconnaissants envers Dieu, Jésus nous a dit qu'Il était venu pour que tous les hommes aient la vie en abondance. Soudain, dans le silence de l'église, Gérard a lancé un appel bouleversant : « Allez, les gars, on passe pour des pauvres types aux yeux de beaucoup. Mais on s'en fout – ce qui compte, il y a un père qui nous aime ! »
Interpelés en tant que Vincentien Voilà simplement la petite expérience d'un temps de prière avec les pauvres. Mais nous sommes interpelés en tant que Vincentiens, car saint Vincent de Paul nous invite à prendre en charge les pauvres « corporellement et spirituellement. » Nous faisons souvent de notre mieux pour soulager le corps. Mais si nous nous décidions dans nos Conférences et nos paroisses à y inviter « nos seigneurs et nos maîtres les pauvres » pour dire ensemble – et en vérité – le Notre Père ? //
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Magazine // Histoire
Aller au pauvre avec Sœur Rosalie Rendu Lors de la création de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, Frédéric Ozanam avait le désir de venir en aide aux plus démunis. Il sut pour cela s’entourer des bonnes personnes, et particulièrement de Sœur Rosalie, qui avait ce don de savoir aller au-devant des personnes exclues, d’« aller au pauvre ». Par Gérard Cholvy
© Edward R. Udovic, C.M.
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Gérard Cholvy professeur émérite à l’université Paul-Valéry, Montpellier-III.
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e 23 avril 1833, dans les locaux du journal la Tribune catholique, 18 rue du Petit-Bourbon-Saint-Sulpice [aujourd’hui au 38 rue Saint-Sulpice, une plaque sur l’immeuble rappelle l’événement], six jeunes Image pieuse de Sœur étudiants retrouRosalie dans sa jeunesse. vent un aîné, M. Emmanuel Bailly qui a 40 ans. Les jeunes gens souhaitaient former une « réunion toute consacrée à la charité… affirmer par des œuvres la vitalité de notre foi » alors que celle-ci, dans le Paris universitaire de ce temps, est contestée. M. Bailly qui avait participé, avant 1830, à une Société des Bonnes Œuvres, ne fut pas pris au dépourvu. Au demeurant, son épouse, associée à l’apostolat de Sœur Rosalie, au quartier Mouffetard, visitait, avec une amie, les indigents de son quartier. Insultée lors de l’une de ses visites, elle aurait dit à son mari : « Ce n’est point l’affaire de femmes que d’aller ainsi chez les ouvriers. Vous devriez y envoyer vos jeunes gens.1»
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M. Bailly partageait ce point de vue. M. Bailly présidait donc la première séance, ouverte par le Veni Sancte Spiritus, et une lecture de l’Imitation, le bestseller du monde catholique du XIXe siècle. Elle se terminera par le Sub Tuum, prière à la Vierge Marie, une façon de renouer avec les traditions de la Société des Bonnes Œuvres. Visiter les familles pauvres, les étudiants en étaient bien d’accord, mais comment ? Aucun d’entre eux ne connaissait de pauvres, ou pas assez. Il fut donc convenu d’aller demander une liste à la « Providence » du quartier Mouffetard, rue de l’Épée-de-Bois, dans le XIIe arrondissement (le V e actuellement). C’est M. Devaux – les étudiants d’alors se donnaient du monsieur – un étudiant en médecine, qui fut chargé de la visite. Il fut aussi décidé que les secours ne seraient pas donnés en argent.
Conséquences sociales désastreuses Fille de la Charité, Sœur Rosalie Rendu, était à Paris depuis 1802. Sa formation s’était faite sous la direction de la Supérieure de la maison de secours de la rue des Francs-Bourgeois-Saint Marcel, Sœur Tardy. Le quartier était en pleine expansion démographique avec ses conséquences sociales désastreuses. Depuis 1815, Sœur Rosalie était la supérieure de la maison de la Miséricorde, une charge qu’elle allait conserver
© patrimoine-histoire.fr
Axes // Vitrail de l'église Sainte-Rosalie (Paris XIIIe). Saint Vincent de Paul (à gauche) et Soeur Rosalie (en bas à droite).
jusqu’à sa mort, en 1856 : cabinet de consultation, pharmacie, vestiaire, cuisine économique, école. La récente épidémie de choléra de 1832 avait révélé le sens exceptionnel de l’organisation de la jeune supérieure. Elle devint « l’âme de ce faubourg » où, en 1803 déjà, selon son témoignage, il était difficile de « trou-
ver une femme qui se rappelât ses prières ». Déchristianisé le faubourg ? Non, il était non-christianisé, une distinction utile à faire, car pour être déchristianisé… il faut avoir été, au préalable, christianisé. Sœur Rosalie vit de l’esprit du fondateur de la Compagnie des Filles de la Charité, M. Vincent. Elle en a les méthodes, n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam
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Magazine // Histoire © patrimoine-histoire.fr
ceux qui commencèrent cette œuvre ardue : comment faire face à « une ignorance complète des notions élémentaires de la religion, […] à une impiété déjà raffinée chez quelques-uns ? » Ils virent « des athées de quinze ans […] qui répondent à une question de catéchisme par une plaisanterie de Voltaire 2». Une expérience de deux années restée sans beaucoup de récompenses. En 1835, non sans mal, la division en sections (deux au départ) intervint. Il est possible que les conseils de Sœur Rosalie aient pesé dans la décision 3.
Nef de l'église Sainte-Rosalie (Paris XIIIe).
n’hésitant pas, comme lui, à entrer en relation avec les personnes susceptibles de l’aider. Elle espère ainsi les rendre attentives au problème du paupérisme urbain. Comme M. Vincent, elle visite et prend en charge les familles. Elle fait face aux urgences. Comme lui, elle pense que ce sont les pauvres qui évangélisent les riches, une leçon que Frédéric n’oubliera pas. L’influence de Sœur Rosalie est fondamentale pour l’esprit de la Conférence de Charité, puis Société de Saint-Vincent-de-Paul (1835).
Sœur Rosalie Rendu fait partie des quelques saints qui marquèrent l'histoire de la capitale.
éducation religieuse de détenus La sœur fit bon accueil à Jules Devaux. Elle devait céder des bons contre leur valeur en argent, valeur donnée par les étudiants. Les ressources viennent d’une quête faite à la fin de chacune des séances du mardi. Ainsi la sœur Rosalie put poursuivre sa distribution de bons de vivres, alors même que le recrutement de la Conférence s’accroissait. Le 6 mai 1834, c’est à la demande de la sœur que des jeunes gens acceptèrent de prendre en charge l’instruction de trois jeunes ouvriers du quartier de Vaugirard. Vient ensuite la proposition concernant l’éducation religieuse de jeunes détenus enfermés dans la maison de correction de la rue des Grès, dans le quartier des Écoles. M. Le Prévost, un nouveau membre plus âgé, s’y imposa vite et Ozanam fut de
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Le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien. Aussi l’historien se trouve bien en peine de saisir les relations nouées entre les Confrères et Sœur Rosalie. On sait qu’en 1856 une controverse surgit à la mort de la sœur. Les adversaires d’Ozanam contestèrent alors son rôle de « fondateur » de la Société : 1. Sœur Rosalie a été « un des principaux instruments dont la Providence s’est servi ». 2. S’il fallait proclamer un fondateur, ce serait… M. Bailly 4. Depuis, une connaissance plus exacte des circonstances de la naissance et du contexte, de nouvelles sources, ont permis de voir en Frédéric « le principal fondateur » de cette œuvre commune. Ce qui unissait Sœur Rosalie et Ozanam : un sens aigu du service efficace des déshérités, une constante souplesse dans ce service, un esprit surnaturel, une volonté délibérée de préserver l’indépendance de l’action charitable. Ajoutons, chez Frédéric, une claire perception de la question sociale, de la justice, à distinguer de la charité, et le désir d’y faire face 5. // 1. E. Lacoste, Le père Vincent de Paul Bailly, Paris, 1913, p. 22, tradition recueillie par ce fils de M. Bailly. 2. « Origine de la Société », Manuel, 1845, p. 187-188. 3. Témoignage de Claudius Lavergne en 1874. 4. L’Univers, 11 février 1856. 5. Cf. notre Frédéric Ozanam, Fayard, 2003, et, maintenant, pour une approche plus facile et actualisée Frédéric Ozanam (18131853), Le christianisme a besoin de passeurs, Artège-Éditions 2012.
L’invité Xavier Emmanuelli, fondateur du Samu social de Paris, co-fondateur de Médecins Sans Frontières et ancien secrétaire d’état chargé de l’action humanitaire d’urgence, nous livre son regard sur l’exclusion. Propos recueillis par Capucine Bataille
© D.R.
Comment vous est venue l’idée de fonder un « Samu social » ? Xavier Emmanuelli : Lorsque j’ai été médecinchef à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, j’ai compris ce qu’était la grande exclusion. Une maison d’arrêt, c’est le dernier hébergement des personnes exclues, délabrées. J’ai voulu créer le Samu social pour faire autre chose que de ramasser les gens avec coercition, pour apporter une réponse autre que l’ordre public. C’était un autre moyen d’aborder les gens de la rue et de leur rendre leur dignité. Pour moi, cela commence par une attitude : dès que vous êtes exclu, vous ne bénéficiez plus des codes, du vouvoiement, du « monsieur, madame », etc. On vous donne des ordres ou on vous infantilise. Les rituels sont oubliés. Lorsque l’on veut travailler auprès des personnes exclues, la première chose à faire, c’est rétablir ces codes, ces approches, ces attitudes, ces gestes, ces mots habituels. On le fait naturellement, mais on ne sait plus faire face à une personne précaire ou fragile. Rendre à l’autre sa dignité, c’est simplement faire que ma propre attitude leur fasse se dire « Tiens, ce gars me considère comme appartenant à la famille humaine. »
D Xavier Emmanuelli « Rendre à l’autre sa dignité par ma propre attitude » r
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Magazine // L’invité Pour vous, qu’est-ce que la charité ? Xavier Emmanuelli : La vieille définition de la charité, c’est l’amour surnaturel. On a laïcisé le mot, pour parler aujourd’hui de bienfaisance qui vient de haut en bas, de celui qui a une place sociale plus élevée vers un plus faible. Elle ne vient plus en transverse… Or je pense qu’il faut avoir l’utopie de dire qu’on est tous de même rang et de même statut sur la Terre. C’est un postulat : il n’y a pas de surhommes, ni de sous-hommes. Certaines sociétés ont véhiculé cette idée… Nous savons comment cela s’est terminé. Donc si nous sommes de même rang, il nous faut faire attention à ce que personne ne soit traité comme « en dehors » de cette définition. Souvent, quand on parle « des exclus », c’est comme si on faisait de l’anthropologie : « Vous savez, cette tribu des gens de la rue. » Il est extrêmement dur de ne pas chosifier ceux qui sont très différents, sales, repoussants, qui puent… C’est un exercice difficile, mais il faut apprendre : « L’autre n’est pas mon pareil. C’est vrai. Mais c’est mon semblable ! » La charité, c’est comprendre que son devoir d’homme, et encore plus pour nous chrétiens, est d’admettre que nous faisons partie de la même famille. Et ce sera pour chaque exclu un premier pas vers la réinsertion. La réinsertion dépend-elle vraiment de notre regard sur l’autre ? Xavier Emmanuelli : Connaissez-vous cet adage : « Quand on est exclu, on est excluant » ? La citoyenneté sur le modèle de 1789, signifie que l’on naît tous libres et égaux en droit. Si vous ne reconnaissez pas implicitement sa place dans la communauté à chacun, vous participez à l’exclusion ! Lorsque vous croisez quelqu’un qui est « déchu » dans la rue, dans le métro, vous vous tenez à distance. Parce que vous craignez obscurément que les autres vous considèrent comme étant l’un d’entre eux. Vous ne craignez pas tant l’odeur ou un coup, vous craignez pour votre image. Socialement, nous n’existons que dans le regard des autres. Nous cherchons donc à construire et à préserver une image, pour protéger notre place dans la société. Nous faisons attention à notre apparence et à notre comportement. Nous
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Biographie // 1987 : co-fondateur de Médecins Sans Frontières 1987 à 1993 : médecin-chef à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis 1995 : fondateur du Samu social de la Ville de Paris 1995 à 1997 : secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé de l’action humanitaire d'urgence Depuis 1997 : Président du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées 1998 : fondateur du Samu social International et actuellement son président. 2005 : Commandeur de la Légion d'honneur et actuellement membre du conseil de l’Ordre national de la Légion d'honneur.
Xavier Emmanuelli raconte ses mémoires. Un bilan émouvant, rédigé avec la simplicité de l'oral. Éditions Les échappésCharlie Hebdo, 286 p., 17 €
n°201 - novembre-décembre 2012
essayons de donner une image réconfortante. D’ailleurs, lorsqu’on les écoute, ces personnes seules tentent, elles aussi, de donner une image valorisante. Comme nous tous. Et ce n’est pas un mal. C’est cela qui renforce le lien social. Mais quand on n’a plus cette possibilité de se valoriser parce que les autres nous évitent, alors le lien social se brise. Dans la parabole du Bon Samaritain, la première personne qui passe près de l’homme blessé est un religieux, qui craint de se rendre impur en touchant du sang. Il est coincé par ses principes, comme nous le sommes souvent aussi... Le second reste indifférent. Mais le troisième se sent concerné. Voilà la première attitude à avoir : se sentir concerné. Ce n’est pas si facile ! Il y a beaucoup d’obstacles. D’abord, l’image de soi, très forte dans notre civilisation du paraître. Ensuite, il y a ce sentiment que les exclus n’appartiennent pas vraiment au réel. Nous avons du mal à les percevoir dans leur individualité, à considérer leur personne. Enfin, nous sommes aussi rebutés par leur apparence, par notre propre maladresse, par le temps qui nous presse… Pensez-vous, comme le disait notre fondateur Frédéric Ozanam, qu’il sera un jour possible d’éradiquer la misère ? Xavier Emmanuelli : Si vous n’êtes pas convaincu que c’est possible, pourquoi se lancer ? Même si ce n’est pas pour tout de suite, nous devons être en
« L’autre n’est pas mon pareil. C’est vrai. Mais c’est mon semblable !
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»
marche et y croire. C’est ça, la communion des saints ! Sur Terre, chacun de nous, de sa naissance à sa mort, réclame implicitement : « Aime-moi ! » Et si on s’approche de ceux qui sont en mal d’amour, on a souvent peur de se faire happer par ce trou noir, cette demande de temps et d’affection. Alors on s’éloigne… Pourtant cela s’apprend : gérer ses maladresses, garder un juste équilibre dans la relation. Il ne faut pas être trop ambitieux. Chacun exploite ses talents à son niveau. On donne ce qu’on peut. Mais cela peut commencer par un sourire lorsque l’on croise quelqu’un qui se sait exclu. Je pense également que la crise va changer les choses en profondeur. Quand chacun de nous ne pourra plus obtenir des objets, petit à petit nous réduirons nos vies à l’essentiel. Dans la douleur, la crise simplifiera nos rapports sociaux. Il existe de vraies souffrances dues à cette crise, mais il y a aussi le côté positif de cette
futilité qui va disparaître un peu. L’éradication de la misère n’est sûrement pas pour maintenant, mais nous devons être en marche. Saint Vincent de Paul affirmait : « Les pauvres sont nos maîtres ». Avez-vous découvert cette même vérité au contact des pauvres ? Xavier Emmanuelli : Nous sommes pris par la vie, par son va-et-vient, la vie de tous les jours. Mais les pauvres, eux, sont dans un autre temps, dans une autre espérance. Ils sont dans une quête. « Heureux les pauvres », dit l’évangile. Heureux les gens qui sont au premier degré, comme les enfants, qui sont en contact direct avec la misère, mais aussi et surtout avec l’Espérance. Le monde appartient aux pauvres, parce qu’ils n’ont pas le superflu. Les pauvres, ils ont leur cœur et leurs talents. // n°201 - novembre-décembre 2012 Les cahiers Ozanam
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Magazine // Courrier Quelques paroles de donateurs Chers amis, Ce petit chèque donné avec amour. Je suis une mamie de 90 ans qui poursuit sa retraite en solitaire. Mais bientôt, le tournant et peut-être la surprise au tournant ?… Je vous embrasse tous. Mlle D.
Bien chers amis, Je ne savais pas qu’il existait encore des personnes avec un grand cœur, pensant à ceux qui souffrent, démunis de tout, souffrant du froid, de la faim ou vivant dans la rue. […] M. Fernand V.
1er et 2 décembre Comédie musicale Ozanam 7 et 8 décembre Formation des présidents de CD 8 décembre Rencontre des présidents des AS
Dans le n°199 des Cahiers Ozanam, à la rubrique Service/Actus sociales (p.18), vous avez rappelé la réglementation concernant les abandons de frais dans une association et ses éventuelles conséquences fiscales. N'aurait-il pas été utile de préciser que l'engagement des frais pour une action entrant dans l'objet de l'association nécessite l'accord des dirigeants ? Par ailleurs, en ce qui concerne les frais kilométriques, le renoncement exprès du bénévole n'est-il pas assujetti au droit au remboursement établi par une décision du Conseil d'administration ? Comment renoncer à se faire rembourser des frais kilométriques que l'association n'est pas en mesure de rembourser ou n'a pas décidé de le faire ? Cordialement, Simon Boissarie, trésorier départemental 24
12 janvier 2013 Réunion décentralisée à Paris pour les CD 75, 77, 93 et 94 17 janvier 2013 Bureau 1-2 février 2013 Conseil d’administration 22-23 mars 2013 Conseil d’administration 23-24 mars 2013 Comédie musicale Ozanam
Ozanam
Bon courage à tous les bénévoles et que ce message touche le cœur de vos destinataires !
à propos des abandons de frais
1er décembre Réunion décentralisée à Limoges
Les cahiers
Sœur Marie-Joseph
M. Marcel B.
Agenda
38
Bien chers frères de Saint-Vincent, Je suis restée 40 ans en communauté des Filles de la Charité de saint Vincent de Paul […]. Je ne peux rien vous donner, souvent je n’ai pas assez pour joindre les deux bouts…Par contre je continue ma vie de religieuse si bien que pour vous c’est tous les jours dans mon chapelet que je prie […]. Comptez sur mes prières pour le Seigneur et à Notre-Dame.
Les Cahiers Ozanam, revue de la Société de Saint-Vincent-de-Paul, 120, avenue du Général Leclerc, 75014 Paris www.ssvp.fr Directeur de la publication : Bertrand Ousset // Rédactrice en chef : Capucine Bataille // Rédacteurs : Juliette Asta, Capucine Bataille, Elise Chardonnet, Gérard Cholvy, Bertrand Decoux, Jérôme Delsinne, Jean-Noël Gallois, Maryse Giraud-Renucci, Céline Marcon, Benoît Pesme, Bertrand Ousset, Jean-Claude Peteytas, Mathilde Rimbault, Sophie Rougnon // Ont collaboré à ce numéro : Valérie Grabé, Clotilde Lardoux, Michel Rouzé, Jérôme Soprano, Stéphanie Vallerent, Christian Verheyde // Illustrations : Ambroise Meyer-Bisch // Service abonnements : Clotilde Lardoux, 01 42 92 08 17 // Photo de couverture : Gamelles pleines // Fabrication/ production : CLD, 33 avenue du Maine, 75015 Paris // Graphisme : Florence Vandermarlière. // Impression : Imprimerie de Champagne, Z.I. les Franchises, 52200 Langres // Numéro C PPAP : 310G79517 // Dépôt légal : Novembre 2012 – n°201 – 11/2012 // ISN : 1965 2917 // Abonnement 1 an, 5 numéros : 13 € Toutes vos informations et photos sont à envoyer à la rédaction huit semaines avant la date de parution (édition sous réserve d’espace) à capucine.bataille@ssvp.fr
n°201 - novembre-décembre 2012
La Comédie musicale
Ozanam
Les 23 et 24 mars 2013, à Notre-Dame de Passy (Paris) 70 jeunes acteurs, chanteurs, danseurs vous présenteront un spectacle sur la vie du bienheureux Frédéric Ozanam : sa foi, la fondation de la SSVP, sa rencontre avec Amélie.
“De la charité envers les plus pauvres à une formidable histoire d'amour.”
© Révélateurs Productions
Un spectacle à voir en famille !
par Révélateur Production, en partenariat avec la SSVP Renseignements : 06 78 66 57 63 www.ozanam-lespectacle.fr