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Dr HENRY PICKER

HITLER CET INCONNU Présentation et introduction de Percy Ernst SCHRAMM Professeur d'Histoire à l'Université de Göttingen Etant donné le tsunami de bourrages de crâne diabolisants auquel nous sommes continuellement soumis depuis 1945 au sujet d'Adolf Hitler et de tout ce qui concerne le IIIe Reich, le lecteur encore capable d'esprit critique a intérêt à se souvenir que les seules choses qui comptent véritablement dans les pages qui suivent sont les propos même du Führer. Le reste relève de l'interprétation ou de la propagande. A lui donc d'en juger par lui-même, au lieu de se laisser influencer ou intimider. *** Puisse-t-il aussi ne pas oublier tout le mal que ces vainqueurs d'Adolf Hitler, l'accusant unilatéralement de tous les crimes, ont fait à la planète et à l'ensemble de l'humanité!

PRESSES DE LA CITÉ PARIS


Le titre

original de cet ouvrage est :

HITLERS TISCHGESPRÄCHE IM FÜHRERHAUPTGUARTIER Traduit de l'allemand par R. JOUAN

© Dr. Henry Picker et Presses de la Cité, 1969. Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays, y compris TU. R. S. S.


NOTE DE L'ÉDITEUR L'édition allemande contient une énorme quantité de notes et de références à des documents allemands. Nous n'en avons conservé que celles qui sont nécessaires à l'intelligence du texte pour ne pas enfler démesurément le volume. Le lecteur scientifique que ces notes pourraient intéresser devra donc se reporter à cette édition allemande.


PREMIÈRE PARTIE AVANT-PROPOS ET COMMENTAIRES DE PERCY ERNST SCHRAMM


AVANT-PROPOS

L

A PREMIERE EDITION DE CES Propos de table parue en 1951 en Allemagne se trouve, depuis longtemps, complètement épuisée. Nous avons fait précéder la nouvelle de Commentaires. Dans une première partie, nous donnons des explications sur le texte, sur ses origines, sur les principes observés pour la présente édition. Dans la seconde, nous essayons, d'après ces Propos de table et d'autres témoignages, d'analyser le caractère de Hitler, ses façons de penser et de sentir ; nous y condensons, à l'intention des lecteurs pressés, ce qu'ils doivent savoir pour se faire une idée correcte de ces Propos de table. Dans la première édition nous avions — pour faciliter la lecture — groupé les propos par sujets et effectué, çà et là, des coupures pour supprimer des répétitions et des passages au contenu sans importance. Ici, nous présentons le texte exactement sous la forme conservée par le Landrat Dr Henry Picker après la guerre : d'abord des extraits des sténogrammes pris par son prédécesseur, le Ministerialrat Heinrich Heim, puis la rédaction faite par le Dr Picker lui-même, d'après les notes prises par lui durant les repas. Le Dr Picker prit ces notes malgré un ordre de Hitler — qu'il ignorait au début — mais avec la demi-approbation de Martin 13


HITLER CET INCONNU Bormann, directeur de la chancellerie du Parti, qui assistait régulièrement à ces repas. Les notes cessent en juillet 1942 parce que le Dr Picker fut alors muté, mais de toute façon à la suite d'une crise survenue au grand quartier général dont nous parlerons plus loin, Hitler renonça bientôt à prendre ses repas en nombreuse compagnie. Le Ministerialrat Heim ne put rien sauver de ses sténogrammes — beaucoup plus volumineux à l'origine. Il en existe cependant une version, parfois plus ample que celle du Dr Picker, mais elle provient du bureau de Martin Bormann qui se fit remettre ces sténogrammes ainsi qu'un double des notes du Dr Picker. Bormann modifia ces textes pour les utiliser à des fins politiques ; sa rédaction qui, avec d'autres papiers, parvint à Bolzano et y tomba entre des mains étrangères, ne mérite pas la confiance. En outre, elle n'est pas actuellement contrôlable, car elle se trouve en possession d'une personne habitant la Suisse romane qui refuse de les soumettre à un examen (une partie a été publiée en anglais et en français, mais il est impossible de savoir si la traduction est textuelle et complète). Dans ces conditions, notre besogne doit consister à publier les notes sauvées par le Dr Picker, plus le complément qu'il y a ajouté — d'après des notes plus anciennes — comme un document historique, donc sans y apporter de modification mais en éclairant, par des notes, tel ou tel événement dont il est question dans les Propos de table qui peut être oublié aujourd'hui. Quelques mots, enfin, sur le contenu du livre. Naturellement, il eût été souhaitable que les déclarations faites par Hitler durant et après ses repas, fussent sténographiées, comme celles qu'il fit lors des « conférences sur la situation militaire », tenues de l'automne 1942 jusqu'à la fin de la guerre. Ces sténogrammes ont été en partie détruits, il reste pourtant environ 900 pages ; elles donnent non seulement les déclarations détaillées de Hitler mais permettent de voir dans quelle mesure il permettait les objections et y réagissait. Dans les Propos de table, ce que disaient les auditeurs n'est qu'occasionnellement mentionné. L'historien doit cependant se réjouir que ces Propos de table aient été conservés. Pouvons-nous vraiment nous fier au texte qui nous est pré14


HITLER CET INCONNU senté ? Il était très difficile de prendre des notes, non seulement à cause de la défense faite par Hitler, mais aussi parce qu'il parlait de façon très décousue ; il n'était donc pas aisé de fixer l'essentiel de ce qu'il disait. Dans un cas particulier il est possible de comparer les notes du Dr Picker à un document indépendant et l'on peut affirmer, d'après les critères dont nous disposons, que celles-ci sont aussi dignes de confiance que le permettaient les circonstrances. L'historien est ainsi en droit de considérer ces notes comme un témoignage sûr — c'est encore plus vrai pour la partie rédigée d'après la sténographie du Ministerialrat Heim. La lecture déclenchera des réactions très diverses, selon le caractère du lecteur, mais il est à supposer que l'effet ne sera pas le même que celui produit en 1951. A cette époque, la connaissance de ce que Hitler déclarait ouvertement devant un cercle dont la discrétion lui paraissait assurée, devait, avant tout, susciter de la colère et de l'indignation. Malgré ce qu'on connaissait déjà., alors, des arrière-plans du III e Reich, tant de brutalité, de cynisme, de vues utopiques, constituaient encore une surprise. Il n'en sera certainement plus de même aujourd'hui ; d'autre part une question reste posée, à laquelle les très nombreuses publications parues dans l'intervalle, n'ont pas encore apporté de réponse satisfaisante : comment un homme a-t-il pu donner des ordres si effroyables, si odieux, être prêt à charger sa conscience d'autres atrocités si le pouvoir ne lui en avait été arraché des mains par la force ? Pour cette réponse, les Propos de table fournissent des éléments beaucoup plus directs que le Journal de Guerre de l'O.K.W. (haut commandement de la Wehrmacht), que les Mémoires plus ou moins subjectifs, voire que la sténographie des « conférences sur la situation », où Hitler se limitait à des sujets militaires. Plus on avance dans la lecture des Propos, plus on s'étonne de constater jusqu'à quel point ils révèlent la pensée hitlérienne. Maintenant que l'ordre chronologique est rétabli, on voit mieux la versatilité de son esprit, sa façon de sauter d'un sujet à l'autre, de s'exprimer toujours avec un sentiment d'infaillibilité, au hasard des inspirations et des suggestions, à cause de cette versatilité même. 15




HITLER

CET INCONNU

La deuxième partie des Commentaires esquisse ses vues sur la vie, l'art, la science et répond — dans toute la mesure du possible — à la question de savoir ce qui conditionnait ses préférences et ses aversions, d'où il tirait ses connaissances. Je me suis délibérément abstenu d'exploiter la littérature existante ou d'interroger d'innombrables témoins, car j'aurais eu l'obligation de faire entrer en ligne de compte des erreurs éventuelles dans ces souvenirs, la partialité, l'information unilatérale, etc. Mes commentaires doivent conserver un caractère aussi documentaire que le texte nouvellement édité. J'ai aussi sciemment résisté à la tentation d'avancer une explication psychologique. J'aurais quitté le sol ferme pour entrer dans un domaine où l'historien doit être accompagné d'un psychologue et d'un psychiatre. J'espère cependant présenter assez de faits pour stimuler une étude médicale du « cas Hitler » — là, l'historien doit se borner à un rôle d'assistant. Je n'aurais pu présenter le présent livre sans la précieuse collaboration de deux de mes anciens élèves, le Dr Andreas Hillgruber et le Dr Martin Vogt, à qui j'exprime ici, tous mes remerciements. Göttingen, 31 octobre 1963 Percy Ernst Schramm


I COMMENTAIRES SUR LA « FORME »

1. Sources fondamentales guerre.

pour comprendre Hitler

durant la

L

ES PROPOS DE TABLE NE doivent pas être considérés isolément, car nous disposons de plusieurs textes sur le comportement et la pensée de Hitler au cours de la période où, en sus de ses autres fonctions, il exerça aussi celle de chef militaire suprême. Ces textes ont déjà été publiés ou ne tarderont pas à l'être. II s'agit de huit ouvrages de caractère très différent mais qui se complètent pour restituer l'image de Hitler : a) En collaboration avec mes anciens élèves et désormais amis Andreas Hillgruber, Walther Hubatsch et Hans-Adolf Jacobsen, j'ai publié quatre volumes du Journal de Guerre du haut commandement de la Wehrmacht, tenu de 1940 à 1942 par feu le Ministerialrat Helmuth Greiner, et par moi de 1943 à 1945. Il fut rédigé sous le contrôle du sous-chef de l'état-major opérationnel (le général d'artillerie W. Warlimont jusqu'à la fin de 1944 puis le général des troupes de montagne A. Winter) et soumis à l'approbation du général Jodl, chef de cet état-major. II possède donc un caractère « officiel ». b) Le Journal du généraloberst Franz Haider, chef de l'étatmajor général de 1938 au 24 septembre 1942 (trois volumes). Il s'agit de notes prises par l'auteur pour se rafraîchir la mémoire dans l'exercice de ses fonctions, mais d'une telle ampleur qu'elles

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HITLER CET INCONNU constituent un véritable Journal. Le général se servait d'une sténographie personnelle, ce qui ne permettait pas à des tiers de déchiffrer immédiatement les notes et l'autorisait à y inclure des observations personnelles. Après la guerre, il les a dictées et fait dactylographier, de sorte qu'elles constituent un texte non seulement complet mais authentique. Il comble des lacunes présentées par le Journal de Guerre pour la période 1939-1942. D'autre part, l'état-major de l'Armée n'a pas tenu de Journal correspondant à celui du commandement de la Wehrmacht et ses archives ont été en grande partie détruites. c) Les ordres fondamentaux de Hilter ont été rassemblés et édités par Waither Hubatsch, sous le titre Directives de Hitler pour la conduite de la guerre, 1939-1945 (Bernard & Graefe Verlag für Wehrwesen, Francfort/mai 1962), II s'agit de 75 numéros, préparés par des autorités militaires ; il faudrait vérifier dans chaque cas dans quelle mesure ils reposent sur des directives données personnellement par Hitler et s'ils n'ont pas été modifiés par lui avant de les signer, d) Les sténogrammes que Hitler fit prendre de l'automne 1942 à la fin de la guerre lors des conférences sur la situation militaire (environ 103 000 pages), quoique mis au net en trois exemplaires, ont été en grande partie détruits, l'ordre de les brûler ayant été donné. L'armée américaine a pu s'assurer d'une partie. Même les fragments roussis contiennent des indications intéressantes. Helmut Heiber en a donné une édition complète et très satisfaisante en 1962 (Deutsche Verlags-Anstalt, Stuttgart). Les fragments conservés vont du 1 e r décembre 1942 au 23 mars 1945. Leur importance ne saurait être surestimée, car ils montrent comment Hitler traitait les affaires militaires, dans quelle mesure il laissait parler ses conseillers et acceptait leurs suggestions, surtout comment il réagit à la détérioration constante de la situation sur tous les fronts. Comme ce sont des sténogrammes, ils restituent tous les détails ; ils montrent, en particulier la tendance de plus en plus accusée à répéter certaines idées, à reparler de sujets déjà traités, de sorte que les conférences se prolongeaient inutilement. Ces fragments constituent, en plus de leur valeur technique, 20


HITLER CET INCONNU une documentation précieuse pour comprendre la psychologie de Hitler. e) Les discours, dont la plupart furent prononcés en public et connurent donc une vaste diffusion, mais aussi ceux qui demeurèrent secrets, ou s'adressèrent à un auditoire restreint. Max Domarus les a réunis et en a donné une édition critique, en deux volumes (Würzburg, 1962 et 1964), avec d'abondants commentaires. f) On possède également des Diktats de Hitler, des derniers mois de la guerre, conservés par Bormann. Ils n'existent qu'en traduction anglaise et française, l'original allemand n'est toujours pas accessible. On ne peut donc les accueillir qu'avec prudence et réserve. g) Est annoncée une publication des procès-verbaux sur les conversations que Hitler eut, de 1939 à 1944, avec Mussolini, Antonescu et d'autres hommes d'Etat étrangers. Elle aura pour base les notes, heureusement préservées, du Dr Schmidt, l'ancien interprète. Andreas Hillgruber la prépare pour Athenäum Verlag, à Francfort. Elle sera très précieuse pour apprécier la tactique, souvent tortueuse, de Hitler au cours de ces conversations. h) Enfin les Propos de table, tenus lors des repas de midi et du soir durant les premières années de la guerre. 2. Les Propos de table : considérations générales. Ils furent connus du public dès 1951 sous le titre Propos de table tenus au quartier général du Führer, 1941-1942, recueillis par H. Picker et présentés par Gerhard Ritter (Athenäum Verlag, Bonn) sous le patronage de l'Institut allemand pour l'histoire de la période nationale-socialiste. Parus en un temps où les autres sources fondamentales n'existaient pas encore, ils causèrent une sensation compréhensible. Ils n'étaient que fragmentaires et le seul fait qu'ils soient désormais complets, justifiait une nouvelle édition. Dans cette première publication, on omit, nous l'avons dit, des passages qui ne paraissaient pas intéressants et on groupa les autres selon la 21


HITLER CET INCONNU nature du sujet. Le lecteur pouvait ainsi savoir immédiatement ce que Hitler pensait sur tel ou tel problème, mais cette façon de faire donnait une fausse impression de « systématisation » de la pensée. Le moment est donc venu de remplacer cette première édition par une nouvelle qui, présentant un texte authentique et sans suppressions, peut se classer parmi les autres sources fondamentales sur Hitler. La préface de Gerhard Ritter, si profondément pensée, reste un témoignage important pour le début d'une étude de Hitler véritablement scientifique. Le Dr Henry Picker explique plus loin (partie B) comment, alors Regierangsrat du Land d'Oldenbourg, il fut envoyé, en mars 1942, au quartier général du Führer, comme représentant du ministre de l'Intérieur, prit part aux repas en commun, commença — à l'insu de Hitler mais avec l'approbation tacite de Martin Bormann rappelons-le -— à noter, en signes conventionnels, ce qui se disait, à le remettre ensuite au propre, et comment il fut autorisé par Hitler lui-même à emporter ses notes lors de son départ du quartier général, en juillet 1942. L'auteur a bien souligné que son texte ne peut se comparer à un Stenogramme ni à une bande enregistrée et constitue seulement un résumé de ce que Hitler développait longuement. Mais ce résumé — il faut le lui accorder — est remarquablement fait, Il restitue le langage, fortement émaillé d'expressions autrichiennes et assez débraillé, qui était de mise entre camarades du Parti et entre militaires et qu'on retrouve dans les sténogrammes des « conférences sur la situation ». Dans un cas particulier, on peut même vérifier l'exactitude de la restitution de Picker, car Helmuth Greiner, rédacteur du Journal de Guerre, ayant été invité occasionnellement à un repas, a également écrit un compte rendu de la conversation entendue qui concorde parfaitement avec le récit de Picker. A trois reprises, Bormann présenta les notes à Hitler et celui-ci déclara qu'elles constituaient bien une reproduction expressive de sa pensée. Cependant, le lecteur peut retirer de l'ensemble la fausse impression que Hitler se montrait, au cours des repas, un causeur extrêmement libre qui ne manquait jamais de sujets. Je sais, 22


HITLER CET INCONNU par mon prédécesseur à la rédaction du Journal de Guerre, feu le Ministerialrat Helmulh Greiner, qui assista lui-même à ces repas, que, lors de l'apparition de Hitler, toutes les conversations s'arrêtaient et que chacun attendait ce qu'il allait dire. S'il était encore préoccupé par ce qu'il venait d'entendre à la conférence sur la situation, s'il en conservait quelque colère, une atmosphère de plomb pesait sur l'assistance. Quelqu'un, autorisé par sa fonction ou par ses rapports avec Hitler, devait alors essayer par une question, une anecdote, une allusion à un incident, grand ou petit, de le faire parler. Comme les habitués connaissaient bien son « répertoire mental », il n'était pas difficile d'« embrayer ». Celui qui touchait un de ses thèmes favoris n'avait ordinairement pas longtemps à attendre. Au début de la campagne de l'Ouest, l'usage s'établit d'inviter à chaque repas un officier de l'état-major de la Wehrmacht. Cet usage fut repris au début de la campagne contre l'Union soviétique. Mais l'atmosphère générale, la répétition constante des mêmes thèmes, rendaient l'invitation si peu attrayante que les officiers perdaient vite tout désir de la voir se renouveler. L'aide de camp, chargé de ce soin, devait parer à ces défaillances par la persuasion, l'insistance, voire par un ordre. 3. Genre des notes, période où elles furent prises. Le Dr Picker fut envoyé le 21 mars 1942, indépendamment de sa volonté, au quartier général (alors installé au « Wolfsschanze », près de Rastenburg en Prusse-Orientale). Il commença immédiatement à prendre ses notes. Après avoir gagné la confiance de Martin Bormann, il put avoir à sa disposition les notes prises depuis le 21 juillet 1941 par son prédécesseur le Ministerialrat Heinrich Heim, que Hitler appréciait depuis longtemps à cause de son intérêt pour les questions artistiques, qui avait été l'associé du Dr Frank II, avocat de Hitler, et descendait de Julius von Liebig. Le Dr Picker raconte plus loin dans quelles circonstances cela se fit. En outre, Bormann lui remit un discours, demeuré jusque-là secret, prononcé lors de l'inauguration à Sonthofen de l'école d'administration des kreis — et gauleiter, et publié 23


HITLER CET INCONNU depuis pour mieux lui faire comprendre la « façon de penser » de Hitler. L'idée de Bormann était que Hitler avait « toujours » dit ce qu'il déclarait dans ses Propos de table. Etait-ce bien vrai ? C'est justement ce que la recherche devra essayer d'établir avec plus d'attention que jusqu'ici. Le Dr Picker a travaillé son texte : raturant, déplaçant, corrigeant. On en trouvera des traces dans le livre — ce qu'il a ajouté est mis entre parenthèses. Nous avons reproduit le manuscrit dactylographié. Le lecteur constatera que cela ne change rien au fond, mais explique, rend le style plus clair, plus coulant. Le Dr Picker porte l'entière responsabilité des modifications qu'il a pu introduire entre la prise des notes et la rédaction du manuscrit. Mais, après une étude sérieuse, nous n'avons aucune raison de supposer qu'il ait retouché ou changé quelque chose d'essentiel. Cette étude montre également qu'il a pris pour modèle les propos recueillis par Moritz Busch à la table de Bismarck, durant la guerre de 1870-1871. Dans ceux-ci, la voix du chancelier est, certes, la plus importante, mais non la seule. Dans le cas de Hitler, on pourrait plus justement parler de « discours de table » et non de « propos », et la ressemblance est grande avec ce que Luther disait pendant les repas. Il s'agit plutôt de « monologues », prononcés à l'époque où la puissance de Hitler était la plus grande mais où la chute s'annonçait déjà. Etant donné ce qui suivit, on pourrait parler de « monologues de l'Hybris ». Les propos recueillis par Picker vont jusqu'au 31 juillet 1942. Dès août, il quitta le quartier générai. Mais, la même année, il fut envoyé dans l'Ostfriessland comme Landrat avec, pour mission, de préparer les installations civiles de nouveaux quartiers généraux, prévus pour le cas d'une attaque à l'ouest. A cette occasion, il revit Bormann en avril 1943. Ensuite, ayant encouru, pour des raisons politiques, l'hostilité de Himmler et de von Ribbentrop, il jugea bon de disparaître de leur vue en s'engageant comme matelot dans la marine de guerre. Entre le 1 e r août et le 7 septembre 1942, H. Heim semble avoir pris d'autres notes qui, bien entendu, échappèrent à la connaissance de Picker. D'ailleurs, si celui-ci était resté au quartier général, il n'aurait bientôt eu plus rien à noter. Au début de septembre, alors que 24


HITLER CET INCONNU le Q.G. se trouvait encore à Vinnitsa (Ukraine), une crise se produisit, causée par l'arrêt de la progression du groupe d'armées A vers le Caucase, crise où se trouvèrent impliqués non seulement le maréchal List, chef de ce groupe d'armées, mais aussi le général Jodl. II en résulta que Hitler cessa de prendre ses repas avec d'autres personnes. « Par la suite, Bormann prit la chaise laissée vide par Hitler », a dit le général Warlimont. Après le retour au Wolfsschanze, en Prusse-Orientale, et jusqu'à la fin de la guerre, Hitler ne prit plus ses repas qu'avec les membres les plus proches de son entourage. Bormann aurait encore fait noter, de temps à autre, les propos tenus dans ce cercle restreint — le Dr Picker connaît une dizaine de ces notes. La documentation réunie par lui cessa donc définitivement. L'historien peut le déplorer mais se dire aussi qu'il n'y aurait pas eu grand-chose à en tirer. Hitler ne changea rien à ses conceptions et il était trop maître de soi pour parler des soucis qui l'accablèrent de plus en plus. Les invectives contre ses ennemis et ceux qu'il tenait pour des ennemis, n'avaient pas besoin d'être mises noir sur blanc, car elles se trouvent déjà dans les notes conservées.

4. Modifications leurs suites.

apportées par Bormann au texte de Picker et

Martin Bormann attacha un intérêt particulier aux notes prises par le Dr Picker parce qu'il y trouvait des « directives » pour le Parti que Hitler ne lui donnait pas sous forme écrite. Picker a raconté que, dans certains cas importants, Bormann lui ordonna de lui remettre ses notes. Transcrites sur papier à en-tête de la chancellerie du Parti et revêtues de la signature de Bormann, elles prenaient alors un caractère officiel. Mais ces « versions de Bormann » ne sont plus authentiques, car — Picker nous le dit — il les corrigeait « sans façon, donnait à certains passages une forme plus impérative et leur ajoutait des remarques marginales pour indiquer plus clairement à ses collaborateurs de la chancellerie du Parti la voie qu'il désirait suivre ». 25


HITLER CET INCONNU Bormann s'appropria — nous avons également le témoignage de Picker — non seulement ces notes « officielles » mais des doubles de celles que Picker avait prises sans pouvoirs particuliers. Il en envoyait un exemplaire à la « Führerbau » de Munich et l'autre au Berghof, à Berchtesgaden. Les premiers furent brûlés ; on ignore le sort exact des seconds. Cependant, Bormann les expédia, avec d'autres papiers, dans les Alpes où ils furent découverts après la capitulation. D'une manière que nous ne connaissons pas, ils tombèrent entre les mains de l'éditeur de Lausanne François Genoud, qui les offrit à des tiers pour la publication. Il en résulta ce qu'on appela les Remarques de Bormann, concernant la période du 5 juillet 1941 au 30 novembre 1944, qui parurent, en diverses langues, de 1952 à 1954 (1). Dans l'avertissement écrit pour l'édition française, M. Genoud parle de mille quarante-cinq pages dactylographiées. Les dictées de Hitler, prises par Bormann dans les derniers mois de la guerre (du 14/2 au 26/2, puis une le 2/4/1945) furent publiées tout d'abord par le Figaro. En livre, elles donnèrent Le Testament de Hitler, notes recueillies par Martin Bormann, de H. R. Trevor-Roper (avec un commentaire de François-Poncet), Paris (librairie Arthème Fayard) 1960. Une édition anglaise suivit en 1961. Les documents capturés n'ont donc été publiés, jusqu'ici, qu'en langue non allemande. Pour des raisons qui nous sont inconnues, le propriétaire actuel a refusé toutes les offres faites par des éditeurs allemands de les publier. Nous ne pouvons donc faire de comparaisons qu'avec ces textes étrangers. Là où c'est possible, on constate que la « version (1) L'édition française : Adolf Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix, recueillis sur l'ordre de Martin Bormann. Préface de Robert d'Harcourt, Paris, Flammarion : T. I (1952) va du 5 juillet 1941 au 12 mars 1942; T. II (1954) va du 21 mars 1942 au 30 novembre 1944. L'édition anglaise : Hitler's Table Talk 1941-44 (tr. par N. Cameron et H. R. Stevens). Préface de H. R. Trevor-Roper. Londres, Weidenfeld et Nisolson, 1953; reproduit l'ensemble des papiers que détient M. Genoud. L'édition américaine, parallèle, parut en 1953, chez Farrar, Straus and Young, Inc. L'Amerikanische Taschenbuchausgabe : Hitler's Secret Conversations 1941-1944. Préface de H. R. Trevor-Roper. A Signet Book, New York 1961, est une reproduction textuelle de l'édition anglaise.

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HITLER CET INCONNU Bormann » présente des différences provenant en partie de modifications et d'accentuations, et aussi qu'elle emploie la forme directe, alors que, pour les raisons qu'il expose, le Dr Picker se contente de la forme indirecte. Par conséquent, tant que les papiers Genoud n'auront pas été examinés par une autorité qualifiée, la valeur scientifique de cette « version Bormann », devra être considérée comme douteuse. S'il s'avérait que le texte des papiers a été correctement reproduit, on aurait, là où il se recoupe avec celui de Picker, une idée de la façon dont Bormann transformait les paroles de Hitler en « directives du Führer », sans rien apprendre de plus sur Hitler. Là où il n'existe pas de texte de Picker correspondant, la question se pose de savoir dans quelle mesure Bormann a retouché les notes dans l'intérêt des intentions poursuivies par lui.

5. Principes observés pour la présente édition. La tâche qui nous incombe consiste à présenter dans cette édition des Propos de table, le texte du Dr Henry Picker tel qu'il a pu le conserver après la catastrophe de 1945, c'est-à-dire sans modifications et sans suppressions, comme un document historique où — de même que dans les autres sources fondamentales — rien ne doit être changé. Elle nous est facilitée par le fait que, dès 1952, un érudit très sûr, M. le professeur Walther Mediger (Tchnische Hochschule Hannover), a entrepris de comparer les notes originales du Dr Picker avec le texte dactylographié pour éliminer les fautes et les divergences éventuelles. Sur notre conseil, le texte corrigé par le professeur Mediger, qui a servi de base à l'impression, a été remis aux Archives fédérales de Coblence pour qu'il puisse être soumis à quiconque douterait de l'exactitude de la reproduction. Conformément à nos principes, nous n'avons pas éliminé les incorrections de style, les répétitions, ni les autres irrégularités de forme. La ponctuation n'a été complétée ou éventuellement modifiée, que pour faciliter la lecture. Les abréviations, au 27


HITLER

CET INCONNU

demeurant assez rares, ont été complétées au bénéfice des lecteurs étrangers. Les notes donnent des explications au sujet des personnalités ou des événements cités dans le texte, qui peuvent être nécessaires pour la jeune génération. Nous nous bornons à une simple précision des faits. Nous ne nous sommes, par contre, pas permis de signaler de façon courante les jugements de Hitler, généraux, idéologiques ou historiques, qui sont partiaux, douteux ou faux. 6. Communications des médecins de Hitler et d'autres témoins (utilisées dans la IIe Partie). Dans les Commentaires sur le fond, nous n'avons pu essayer de tracer un portrait moral précis de Hitler, ses Propos de table seraient beaucoup trop insuffisants pour cela. Il ne peut s'agir que d'une « introduction », offrant au lecteur quelques points solides pour se retrouver dans le kaléidoscope des conversations. J'ai utilisé des notes prises, en captivité, au cours d'entretiens avec les anciens médecins de Hitler, les professeurs Karl Brandt et von Hasselbach. Ils vinrent, pendant un certain nombre de soirées, dans la chambre qui m'était affectée, répondirent aux questions auxquelles j'avais réfléchi durant la journée, et discutèrent celles qui se posaient au cours de ces entretiens ; ces discussions étaient extrêmement fructueuses, car ils avaient observé en médecins et essayaient, comme moi, de comprendre le grand « X » que Hitler constituait alors du point de vue psychologique. Ils mirent également à ma disposition des copies dactylographiées des déclarations faites par eux à l'armée américaine sur Hitler et son entourage. J'ai appris beaucoup de choses intéressantes dans le camp de prisonniers et à la prison de Nuremberg où je fus transféré comme témoin à décharge. En outre, ayant eu à rédiger le Journal de Guerre de l'O. K. W. de 1943 à 1945, j'ai pu m'entretenir couramment avec des officiers qui revenaient de la conférence sur la situation ou avaient eu quelque autre contact avec Hitler. En tant qu'historien, j'ai, dès cette époque, observé avec attention tout ce qui pouvait aider à comprendre cette personna28


HITLER CET INCONNU lité énigmatique, effrayante, échappant à toute classification ordinaire, Je ne lui ai jamais parlé personnellement ; à deux reprises je l'ai entendu, du dernier rang, s'adresser à des généraux et pu l'étudier attentivement. Dans la mesure où j'ai puisé dans cette expérience, j'ai cru pouvoir renoncer à indiquer la source de mes informations quand elle est nettement reconnaissable.

ANNEXE

Helmuth Greiner, Ministerialrat, rédacteur, de 1939 à la fin de 1942 du Journal de Guerre de l'O.K.W. parle des réunions de table de Hitler, auxquelles il participa fréquemment. Lors des repas du soir, lorsqu'il n'y avait pas d'invité particulier, mais seulement le groupe ordinaire, seize personnes en moyenne, repas qui, comme ceux du midi, étaient très simples, pour ainsi dire « bourgeois », Hitler se tenait au milieu d'un des grands côtés de la table, habituellement entre le général Jodl et le Reichspressechef Dietrich, avec, en face de lui, le maréchal Keitel, encadré par le Reichsleiter Bormann et le général Boden schatz ou bien l'Obergrupenführer Wolff. Il s'y comportait de façon très naturelle sans la pose qui caractérisait ses apparitions en public, se détendait sans aucune contrainte, intervenait dans la conversation dès qu'elle abordait un sujet qui l'intéressait ou bien commençait de lui-mcme quand un événement du jour l'y incitait. Ordinairement il ne s'adressait à personne en particulier, mais regardait dans le vide et il se lançait dans de longs exposés, presque toujours particulièrement intéressants car il donnait libre cours à son esprit et s'exprimait sans aucune réserve. Ces exposés permettaient de sonder son esprit et son cœur et de se faire une assez large idée quant aux motifs de son comportement. Ses développements, qui avaient toujours quelque chose de professoral, étaient le plus souvent déconcertants, car il ramenait à des principes simples des problèmes très difficiles de toutes les 29


HITLER CET INCONNU disciplines scientifiques, et les résolvait, en un instant, d'une manière très nette. Les fidèles — et tout l'entourage intime en était composé — y voyaient la marque du génie. Mais, si l'on étudiait objectivement ses jugements, on s'apercevait le plus souvent qu'il s'agissait de formules un peu trop primitives, venant d'un autodidacte assurément fort doué mais qui n'avait pas réfléchi à fond sur les choses et leur donnait la forme qu'il désirait leur voir. Hitler employait ces formules, stupéfiantes mais simplistes, de préférence quand il se livrait, ce qui était fréquemment le cas, à des considérations sur l'histoire d'Allemagne ou du monde pour en tirer des conclusions utilisables dans l'action politique ou militaire. S'il était servi par une remarquable mémoire de tout ce qu'il avait lu ou entendu, ses déclarations montraient cependant qu'il ne s'était occupé que superficiellement des questions historiques et n'avait jamais eu le temps de se livrer à une étude approfondie. Ses jugements précipités, ne résistant ordinairement pas à une critique objective, produisaient une impression désagréable parce qu'ils étaient présentés comme définitifs. Cette présomption, si caractéristique chez lui, et qui s'affirma encore avec les années, se développa de plus en plus avec sa conviction d'être d'une grandeur sans pareille. Dans ses idées religieuses, il ne s'élevait pas au-dessus d'un plat rationalisme et matérialisme excluant tout sentiment. S'il venait à en parler, il ne manquait jamais d'attaquer violemment les Eglises, particulièrement la protestante qu'il jugeait d'esprit plus rigide et plus réactionnaire, alors qu'il trouvait beaucoup de choses à excuser, voire à louer, dans le catholicisme ; il ne se décida pas facilement à agir contre les grands prélats catholiques qui combattaient le national-socialisme du haut de la chaire, et encore cette action dutelle avoir des raisons politiques. Le plus abject était l'accord servile, obséquieux, donné à ces attaques sans mesure contre les Eglises et le christianisme, par son proche entourage qui ne manquait jamais une occasion de se livrer à la plus basse flagornerie. Le fait que Hitler invoquait souvent la Providence quand il parlait de sa carrière ou des motifs qui l'inspiraient, et qu'il se qualifia fréquemment d'instrument entre les mains d'une puissance supérieure, pourrait donner l'impression qu'il était, au fond. 30


HITLER CET INCONNU profondément religieux. Mais c'était là, je crois, plutôt l'expression de la foi absolue en soi dont il était pénétré et qui ne cessa de croître avec les années, en même temps qu'une sorte de cabotinage dont il ne s'affranchissait jamais complètement. Incontestablement il avait des dons de comédien, quoique pas aussi grands que le croyait son entourage. Un soir, après une réunion au cours de laquelle Hitler avait imité un paysan de Haute-Bavière avec beaucoup de brio comique, le général Jodl me dit que le Führer, s'il n'avait pas choisi d'être homme d'Etat et chef militaire, eût été, probablement, le plus grand acteur de l'Allemagne. L'entourage n'était pas chiche de tels superlatifs. Lors de ces réunions, Hitler exposait volontiers ses idées sur l'art, plus spécialement sur l'architecture, domaine où il se prenait pour un connaisseur, voire pour un créateur, alors qu'il était, comme en presque tous les autres domaines, un amateur auquel manquait un sentiment artistique vraiment profond. La littérature et la philosophie semblaient lui être à peu près étrangères, car, malgré son habitude de parler sur tout, il n'abordait jamais ces sujets, sinon pour se réclamer de Nietzsche, comme c'était courant dans le national-socialisme, ou pour injurier grossièrement Thomas Man. Les grands esprits allemands, Gœthe en particulier, lui étaient complètement étrangers et si, dans la musique, qu'il aimait, il s'enthousiasmait pour Richard Wagner, c'était sans doute parce que l'art pompeux, grandiose, de celui-ci, l'attirait particulièrement et l'enivrait. Mais il y avait au moins un domaine dans lequel il était parfaitement à l'aise : celui de la technique moderne. Il lui manifestait un intérêt extraordinaire et y faisait preuve de dons incontestables ; combien de fois étonna-t-il ses auditeurs par l'ampleur et la précision de ses connaissances dans ce domaine, où il était également très bien servi par sa mémoire. Indiscutablement il eut des idées fécondes et une large vision des possibilités qui s'offraient. D'ailleurs, il reconnut très tôt l'immense rôle que la technique, le moteur plus spécialement, jouerait dans la guerre ; aussi poussa-t-il avec la plus grande énergie à la motorisation de la Wehrmacht, souvent contre la résistance passive des militaires de carrière, trop imbus de la tradition, qui considéraient cette motorisation avec scepticisme. Hitler constituait vraiment le 31


HITLER CET INCONNU type de l'homo faber des temps modernes, entièrement tourné vers la technique, avec toutes les limitations et les défauts que ce type présente. On remarquait chez lui un effroyable amenuisement des forces morales, et tous les sentiments humains paraissaient lui être étrangers. Jamais je n'ai entendu tomber de ses lèvres des mots indiquant qu'un cœur chaud battait dans sa poitrine. En revanche, toutes ses déclarations, annonçaient une personnalité complètement amorale, entièrement dominée par une ambition sans limite, par le désir insatiable de la puissance sans mesure.


II COMMENTAIRES SUR LE « FOND »

I. Considérations générales.

L

ES PROPOS DE TABLE constituent un fonds si vaste qu'il est impossible de les exploiter complètement. Durant douze bons mois — en fonction des événements, du hasard, de la composition de l'auditoire — une énorme quantité de thèmes furent abordés, tantôt seulement effleurés ou traités de façon négligente, tantôt poussés plus au fond ou encore exposés de façon doctorale à des disciples auxquels on ne saurait trop répéter des vérités établies. C'est justement cette diversité dans les propos, que nous pouvons suivre pendant toute une année, qui doit agir sur le lecteur : voilà donc ce que pensait Hitler, parvenu au faîte de sa puissance, alors qu'il s'imaginait avoir jeté les fondations de ce « Reich germanique millénaire » dont il rêvait — voilà donc quel était son « monologue de l'Hybris » (mot que nous avons déjà employé et sur lequel nous reviendrons). Le lecteur doit avoir constamment à l'esprit que, quelques semaines après la crise de septembre 1942, qui allait mettre fin à ces réunions autour de la table, ce serait l'échec de l'offensive contre Stalingrad, la contre-attaque de l'Armée rouge, le 19 novembre ; l'encerclement de la VIe Armée, le 23 ; la capitulation de cette armée le 2 février 1943, puis — après l'échec de la dernière offensive allemande contre Koursk — la prise de l'initiative par les Soviétiques.

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HITLER CET INCONNU Le lecteur se souviendra encore que les Américains et les Anglais débarquèrent les 7 et 8 novembre 1942 au Maroc et en Algérie que, le 13 mai 1943 — soit dix semaines après Stalingrad — les ultimes forces allemandes et italiennes capitulaient sur le sol africain, laissant désormais l'initiative à l'adversaire également à l'ouest. Hybris, cette arrogance méprisante du droit et de la morale, dont les prétendants se rendirent coupables dans l'Odyssée et dont il est question dans la tragédie attique, est l'antonyme d'Eumonie, le sentiment de l'ordre dans la légalité, de Diké, la justice, de Sophrosyne, la sagesse circonspecte : à travers toute l'Histoire elle a menacé d'égarer ceux qui détenaient la puissance dans leur poing. Elle y parvint avec certains, pas avec d'autres ; une analyse dans cc sens permettait d'établir une échelle de la véritable valeur historique. A l'époque contemporaine, aucun des puissants de ce monde n'a autant succombé que Hitler à l'Hybris. Lorsqu'on aborde la lecture des Propos de table sans préparation, la première réaction est de l'indignation pour l'impudence avec laquelle Hitler, parvenu au faîte de sa grandeur, professait des principes immoraux. Il est bien que ces propos nous soient rapportés tels qu'ils ont été tenus sans dissimulation, sans édulcoration, car, en tant que tels, ils fournissent un arsenal d'arguments contre ceux qui, tout au fond de leur cœur, gardent toujours un peu de leur vénération ancienne pour le Führer, mais aussi contre ces esprits tordus, à l'intérieur comme à l'étranger, qui croient devoir encore défendre, à tel ou tel égard, cet Hitler devenu, dans l'intervalle, l'objet de la malédiction universelle. L'aversion, la révolte contre cette façon de penser nous soulèvent toujours aujourd'hui, mais, aussi, une question historique se pose : Comment cela fut-il possible ? Comment un tel homme putil nourrir de telles idées et, en les appliquant, commettre de tels actes ? Le lecteur n'a pas à craindre que nous ignorions le danger dans lequel « tout pouvoir comprendre » conduit « à tout excuser ». Bien au contraire, l'explication avec cet homme qui donne le frisson constitue une nécessité politique de premier ordre. Si nous comprenons comment il est parvenu au pouvoir, comment il l'a développé et consolidé idéologiquement, comment il a pu égarer 34


HITLER CET INCONNU les Allemands et pourquoi, après les avoir égarés, il n'a plus été possible de l'arrêter, nous nous immuniserons contre le péril de voir se reproduire quelque chose de semblable ou d'analogue, de notre temps ou du temps de nos descendants. 2. Hitler en tant qu'individu et centre de tablée. Partons de faits bien établis. Hitler fascinait par ses yeux d'un « bleu éclatant », « rayonnants », un peu saillants, dont beaucoup de visiteurs ne pouvaient supporter l'éclat. Il connaissait bien ce pouvoir et regardait longuement les gens dans les yeux, puis abaissait lentement ses paupières. Il avait une très bonne vue mais devint presbyte pendant la guerre. Dès lors, il lui fallut des lunettes pour étudier une carte, fait qui fut soigneusement dissimulé ; il existe cependant des photographies le montrant avec ces lunettes. Pour lui faciliter la lecture des pièces dont il devait prendre connaissance luimême, on construisit des machines à écrire particulières, du « Führertype », avec des lettres deux fois plus grosses que les lettres ordinaires. II possédait une telle maîtrise de ses yeux qu'il pouvait, par plaisanterie, les faire loucher. De même, il avait une ouïe très aiguë et reconnaissait les personnes à leur pas. Son nez était affreux et ressemblait à une « pyramide ». La petite moustache atténuait l'effet désagréable produit par les narines grosses et larges. La bouche était relativement petite, le menton pas très développé. Les lèvres paraissaient minces, pincées. Il avait un front haut mais cela ne frappait pas parce qu'une mèche le recouvrait. Les cils n'étaient pas très abondants, contrairement aux sourcils et un renflement surmontait ceux-ci. Les pommettes étaient larges, les oreilles bien formées. On peut dire qu'il avait un véritable teint de jeune fille ; il était sensible au soleil et à la lumière et aurait dû porter des lunettes fumées mais il ne s'en servait pas. S'il souffrait d'un éclairage trop vif, il s'abritait les yeux avec la main. La chaleur et le föhn le gênaient également. 11 grisonnait régulièrement, sans tendance à la calvitie. Sa barbe n'était pas épaisse ; il se rasait lui-même et se coupait 35


HITLER CET INCONNU rarement. Il avait des dents bien soignées mais mauvaises, dont beaucoup étaient remplacées par des bridges (1). Il en avait conscience et, quand il riait, mettait la main devant sa bouche. La tête constituait la partie du corps la plus marquante. Hitler laissait les bras tomber naturellement ; il ne mettait les mains dans les poches que dans l'intimité. Les jambes n'étaient pas fortes ; il faisait, en posant d'abord le talon, des pas assez rapides, mais ses mouvements restaient mesurés. Si quelque chose retenait son attention, il s'arrêtait. S'étant aperçu qu'il avait tendance à grossir, il s'en affecta et réduisit son alimentation. Hitler était très propre et se lavait fréquemment les mains. Il changeait souvent de linge et faisait des remarques railleuses sur les invités peu soignés à cet égard. Il prenait un bain chaque jour, plus d'un s'il le pouvait. II se rinçait la bouche après les repas, attachait du prix à avoir les cheveux bien coupés et, au dehors, portait des gants. Néanmoins, il ne fut jamais élégant. Son veston l'enveloppait comme un sac, le pantalon tombait mal et il portait négligemment le manteau qui ne devait pas le serrer. La casquette était enfoncée sur le front. Il tenait à l'ancienne forme, mais son entourage lui en fit discrètement confectionner de plus hautes, plus « chic ». En civil, il portait des costumes à veston croisé ayant toujours la même coupe. Eva Braun choisissait ses cravates ; elles devaient rester discrètes, sans couleurs vives. Avec l'uniforme du Parti, il ne prenait pas le ceinturon. Ses hautes bottes, à double semelle, en cuir épais et mou, manquaient d'élégance. Les culottes formaient des creux au genou. Même ses admirateurs durent penser que, par l'uniforme, leur Führer restait inférieur à la plupart d'entre eux. Il n'avait besoin que d'un minimum de sommeil, ce qui constituait un avantage. Il l'attribuait au fait que, agent de liaison pendant la Guerre mondiale, il avait cessé de faire la différence entre le jour et la nuit. Pendant la période de lutte, il ne mangeait qu'après ses discours, ce qui le faisait se coucher très tard. Durant la Seconde Guerre mondiale, il prenait connaissance des (1) C'est par la denture que les Soviétiques identifièrent plus tard son cadavre.

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HITLER CET INCONNU nouvelles qui arrivaient vers minuit et ne gagnait donc son lit que fort avant dans la nuit. La nouvelle situation ne s'établissant pas avant midi, il n'avait plus normalement de décisions à prendre. Il dormait donc jusque vers ce moment. D'une sieste, il ne pouvait être question. Doué d'une excellente mémoire, Hitler possédait une faculté exceptionnelle de reconnaître les gens. Intellectuellement, il réagissait très vite et pouvait, de ce fait, s'adapter instantanément à une situation imprévue. Il se comportait en homme à l'esprit positif qui pouvait, en outre, s'appuyer sur son intuition. Ordinairement, il retournait longuement dans sa tête les décisions importantes, mais, en définitive, il s'abandonnait à ce qu'il appelait son « instinct », autrement dit sa clairvoyance politique. Pour les affaires banales, s'il n'arrivait pas à se décider, il recourait au vieux moyen de jouer à pile ou face. Toute superstition lui était pourtant étrangère. Sa force principale, estimait-il, résidait dans son pouvoir de simplifier les problèmes les plus compliqués et de raisonner logiquement — reste à savoir dans quelle mesure son interprétation était juste. Quand il avait pris une décision, il devenait extrêmement difficile de l'amener à la modifier, car il craignait, ce faisant, de diminuer son autorité. Il lui arrivait pourtant d'agir brusquement, instantanément, sans se préoccuper de se mettre en contradiction avec son attitude antérieure. En parlant en privé, il employait un nombre étonnamment élevé de mots tirés du vocabulaire de sa jeunesse. Dans son entourage militaire, il recourait fréquemment aux expression vulgaires du langage des soldats et des camarades du Parti. Il n'hésitait pas à employer des mots étrangers auxquels il trouvait de la « sonorité », et le faisait toujours avec justesse. Il se moquait des mots germanisés, la teutomanie lui restant, à cet égard, étrangère. « Où nous arrêterions-nous si nous voulions éliminer tous les mots étrangers ? (7/3/1942). » Il s'était choisi Schopenhauer pour modèle. Dans les Propos de table, il le considère comme le seul Allemand qui aurait pu se permettre de modifier la langue. Mais il ne peut être question d'un véritable sentiment de la langue chez Hitler, car, nous le 37


HITLER CET INCONNU verrons, il se tint à l'écart de ce qu'on appelle la grande littérature. Dans ses discours publics, où il n'employait des expressions locales et des mots d'argot que pour l'effet oratoire, il demeurait le propagandiste sachant ce que la foule désirait entendre et s'entendant à le concentrer dans quelque formule frappante. Cependant, il ne parvint jamais — contrairement à ce que fit fréquemment Bismark à cause de sa culture — à créer un de ces « mots ailés » qui enrichissent une langue. D'après le professeur von Hasselbach, Hitler se faisait régulièrement présenter des publications anglaises, américaines et françaises. « Il avait graduellement acquis les connaissances nécessaires pour les comprendre —- en dehors des notions de français apprises à l'école. Aussi, avant la guerre, faisait-il souvent projeter des films anglais ou français en version originale afin d'acquérir ces connaissances. » C'était, naturellement, très insuffisant pour pénétrer l'esprit d'une langue étrangère, ce qui ne l'empêcha pas de dénier à l'anglais la possibilité d'exprimer des pensées sortant du domaine concret, vieux cliché volontiers utilisé par les « racistes ». Dans sa jeunesse, il avait été, comme il le dit dans une conversation, un être à part, n'attachant aucun prix à la sociabilité : « Désormais, je ne peux plus rester seul... » Aussi, à Munich, choisit-il d'aller dans un restaurant qu'il appréciait plutôt que de prendre ses repas, seul, chez lui. Pendant la guerre, il considéra ces réunions comme une détente ; il consacrait normalement une heure au déjeuner et le dîner durait parfois plus de deux heures. Il aimait les histoires drôles et, à cause de sa mémoire phénoménale, savait lui-même fort bien en raconter en les accompagnant d'une mimique et d'imitations fort adroites, mais jamais de graveleuses et encore moins de grivoises. Le photographe Hoffmann, qui en disait parfois, détonnait dans l'entourage. Le restaurateur Rannenberg, appelé au quartier général à cause de ses capacités d'organisateur, y brillait particulièrement à cause de son esprit berlinois. Hitler prenait aussi plaisir aux farces que les convives se jouaient parfois entre eux, il se claquait alors la cuisse en riant ou se cachait les yeux ou la bouche avec la main. Ces réunions autour de la table constituèrent l'unique « luxe » que Hitler se permit pendant la guerre, car il menait une exis38


HITLER CET INCONNU tence vraiment Spartiate. En temps de paix, il se distrayait en allant, à Berlin, à la Scala ou au Wintergarten » (il n'eut jamais de goût pour le cirque) et les films constituaient son principal moyen de détente. En temps de guerre, il ne se rendit jamais au théâtre — sauf pour une représentation du Crépuscule des Dieux à Bayreuth — et il ne regarda plus, comme films, que les actualités qu'il considérait comme un important moyen de propagande et pour lesquelles il donnait parfois des directives. Mais il quittait la salle dès le début de la projection d'un film destiné à distraire son état-major ; il voulait ne pas être plus favorisé que les soldats du front. Comme il ne fumait pas. s'abstenait de café, ne buvait jamais de boisson alcoolisée et ne prenait qu'une chère végétarienne, il pouvait, à cet égard, soutenir le regard de n'importe quel « Landser » (poilu). A ce point de vue, il dépassa Guillaume II qui, à son quartier général de Pless, avait fait réduire la nourriture et s'était toujours montré très modéré en ce qui concernait la boisson. Il demeura jusqu'à la fin un « terrien », sans affinité avec la mer. L'angoisse mystérieuse de la tempête, le jeu des vagues ourlées d'écume, le reflet de la lumière sur les eaux calmes, le soleil sombrant dans les flots il n'eut que rarement ces spectacles devant les yeux et on ne trouve aucune trace des impressions qu'ils lui causèrent. La lutte des hommes contre l'élément marin, l'audace nécessaire au navigateur, n'entrèrent jamais profondément dans ses conceptions. En outre, il demeura toujours un homme d'en deçà du limes. Il restait pénétré de la culture méditerranéenne et ne partagea jamais le culte grotesque rendu par ses satellites aux anciens Germains. Il n'aimait pas les forêts de sapins ; il a même dit : « Je préfère me rendre à pied dans les Flandres qu'en sleeping à l'est. Seule la raison nous conseille d'aller vers l'est (4/2/1942). » Pour Berlin, il nourrissait des rêves grandioses ; comme capitale du « Grand Empire germanique de la Nation allemande » qu'il s'assignait pour ultime but, la ville prendrait le nom de « Germania ». Mais il n'y mettait pas son cœur. Il jugeait Berlin impropre à devenir une métropole de l'art : « Pour cela, il lui manque même l'atmosphère (3/5/1942) », jugement ridicule quand on considère la capitale allemande des années 20 où elle 39


HITLER CET INCONNU était la première ville d'Europe pour le théâtre et la musique, et où elle donnait le ton à toute l'Allemagne dans tous les domaines artistiques. Hitler avait fait du ski antérieurement ; il aimait la montagne mais, du moins dans son âge adulte, il n'éprouva jamais d'attrait pour l'alpinisme, pour la joie de grimper péniblement afin d'ctre récompensé par la vue d'un vaste panorama. I! ne pratiquait aucun sport ; la promenade constituait son unique exercice physique.

3. Le double visage de Hitler, ses réticences. Son entourage avait le sentiment que le « Chef » se préoccupait du bien-être de ses membres, qu'il partageait leurs joies et leurs peines ; il cherchait, par exemple, avant un anniversaire, quel cadeau ferait le plus plaisir à l'intéressé. A cet égard, les notes du Dr Picker sont très concluantes ; ce jeune juriste qui, jusquelà, n'avait considéré Hitler que de loin, comme un « homme d'Etat », fut très frappé par l'humanité qu'il rayonnait dans son cercle intime, par sa bienveillance envers les plus jeunes, par sa facilité à rire, par l'indulgence qu'il manifestait devant les bévues commises en sa présence. Certes, dans son cercle, Hitler, l'homme sans famille et sans amis, se montrait un bon « camarade », et il conserva toute sa vie le sens de cette camaraderie acquis pendant la Première Guerre mondiale. L'entourage savait aussi quelle forte impression produisait sur lui la vue d'une femme jolie, élégante. Il connaissait son attirance vers les enfants, remarquait son attachement pour ses chiennes, « Blondi » et « Bella », le plaisir avec lequel il observait leur comportement. Au Wolfsschanze il fit aménager un parcours analogue à celui qui sert à l'entraînement des soldats, pour voir si dans le franchissement des obstacles, les chiennes faisaient preuve d'intelligence et de courage. Quel homme pour avoir autant de sentiment envers les enfants, les femmes, voire les bêtes ! C'était là un des visages de Hitler, sans fard, authentique. Mais 40


HITLER CET INCONNU cet homme effroyable en avait un second, aussi authentique, qu'il ne montrait pas à son entourage. 11 disait couramment qu'il abattrait lui-même l'auteur de tel ou tel crime, mais l'entourage savait qu'il n'avait jamais tiré, personnellement, sur un adversaire politique ; on y voyait une « rodomontade ». De même, à table, il se répandait parfois en terribles menaces, mais il n'effleura qu'à peine les ordres épouvantables qu'il donna précisément à l'époque des Propos de table et qui coûtèrent la vie à des millions de personnes. Bornons-nous à citer quelques exemples : 16 septembre 1941 : Arrêt du groupe blindé Hoepner devant Leningrad, dont la population devait être anéantie par la famine. Idée analogue pour Moscou. 21 octobre 1941 : Fusillade de cinquante otages français en représaille du meurtre d'un officier allemand. Ordre à tous les théâtres d'opération de briser la terreur par la terreur. 20 janvier 1942 : Conférence de Wannsee : Décision de déporter les Juifs à l'est et début de leur destruction systématique. Février 1942 : Incorporation des détenus des camps de concentration à l'économie de guerre. 21 mars : Pleins pouvoirs donnés au gauleiter Sauckel pour enrôler des travailleurs étrangers. 26 avril 1942 : Pleins pouvoirs accordés par le Reichstag qui font de Hitler le chef suprême et arbitraire de la Justice. 10 juin 1942 ; Destruction du village tchèque de Lidice où les auteurs de l'attentat contre Heydrich s'étaient abrités passagèrement, à l'insu de la population. 23 août 1942 : Ordre au maréchal von Manstein : Premier temps : encercler Leningrad en cherchant la jonction avec les Finlandais ; deuxième temps : occuper la ville et la raser. Pour apprécier la valeur historique des Propos de table, il faut également avoir présent à l'esprit le visage pris par la guerre au moment où s'enregistrait ce « monologue de l'Hybris ». Le front se stabilisa bien après l'hiver 1941-1942, mais, au 30 avril 1942, l'armée avait perdu 1 167 835 hommes, soit un tiers de l'effectif qui entra en campagne le 22 juin 1941. Sur les 162 divisions d'infanterie du front oriental, 8 seulement étaient immédiatement utilisables, 3 autres après repos, 47 seulement 41


HITLER CET INCONNU pour des offensives limitées, 73 pour des missions défensives, 29 pour des emplois restreints, 2 complètement inutilisables. Le 4 avril, le groupe Sud, complété en priorité à cause de la mission prévue pour lui, avait un effectif un peu supérieur à 50 % de celui de 1941, les groupes du Centre et du Nord, à peine 35 %. Le nombre des avions avait diminué de 50 à 60 %. Ces effectifs devaient s'accroître avec des récupérés, de nouveaux mobilisés et la classe des jeunes gens de dix-neuf ans, mais le bilan ne laissait pas d'être inquiétant. L'O.K.m. estima que « la force de la Wehrmacht, conditionnée par l'impossibilité de la reconstituer pleinement en personnel et en matériel, reste inférieure à celle du printemps 1941 ». L'inquiétude se justifiait d'autant plus qu'il n'existait aucun espoir d'améliorer ces éléments. Dans le discours prononcé le 30 mai 1942, devant la nouvelle promotion d'officiers, Hitler déclara que le nombre des morts était très largement compensé par l'accroissement du nombre des naissances dû à la propagande du Parti — calcul peut-être valable pour une banque ou une industrie mais qui, concernant des vies humaines, constituait une véritable ignominie, et faux d'ailleurs, car la guerre détruisit finalement des millions d'existences. Incontestablement, la guerre était entrée dans une nouvelle phase après l'hiver 1941-1942, et Hitler, parfaitement renseigné, en était informé au plus profond de lui-même — quoiqu'il cherchât à bannir cette conscience dans un recoin de son cerveau. Le général Jodl l'a avoué quand il put parler librement (15/5/1945, à Mürwik) : Hitler et lui comprirent « après la catastrophe de l'hiver 1941-1942, qu'à partir de ce point culminant du début de 1942, la victoire ne pouvait plus être remportée ». Lorsque, à la fin de cette année, se produisirent la défaite en Libye, le débarquement allié en Afrique du Nord, l'amorce de l'encerclement de Stalingrad et la détérioration de la situation sur tous les fronts, « il devint clair, écrivit Jodl dans sa cellule de Nuremberg, non seulement pour les chefs militaires mais pour Hitler aussi, que le Dieu de la Guerre s'était détourné de l'Allemagne et était passé dans l'autre camp ». Autrement dit, alors que Hitler développait devant ses convives ses idées sur le remodelage du monde après 42


HITLER CET INCONNU la victoire allemande, il savait, tout au fond de lui, que cette victoire lui avait échappé. Mais il ne le confessa à personne, pas même aux « camarades », pourtant voués au secret le plus absolu, qui s'asseyaient à table avec lui. Hitler se tut, et il savait se taire mieux que personne. Le fait n'a pas manqué de frapper le Dr Picker : « Chose étonnante, même aux moments les plus tendus, tandis que les opinions se heurtaient parfois violemment aux conférences sur la situation de midi, du soir et de minuit, il (Hitler) n'abordait jamais de sujet militaire, mais pouvait longuement discourir sur la nocivité du tabac ou quelque thème analogue. » Picker remarqua également que, même lorsqu'il semblait parler le plus librement, Hitler, averti par son instinct toujours en éveil, taisait « des choses qui n'eussent trouvé aucune résonance dans son entourage et dans la masse de notre peuple ». Cependant, qui eût tendu l'oreille pendant les derniers mois désespérés, aurait pu percevoir une phrase révélant contre quelles idées Hitler se débattait au tréfonds de lui-même. Le 27 janvier 1942 — c'est-à-dire au plus fort de la crise de l'hiver alors que des percées ou des infiltrations de l'Armée rouge mettaient en péril tout le front oriental — il déclara que le commandement portait tout le poids de la responsabilité, mais que tant qu'i; existait, dans un Etat, 9 000 hommes prêts à aller en prison pour une idée, une cause n'était pas perdue : « Ce n'est fini que lorsque le tout dernier désespère ; mais s'il reste quelqu'un pour brandir le drapeau avec un cœur plein de foi, tout demeure possible. A cet égard, je suis de la plus extrême froideur : si le peuple allemand n'est pas prêt à s'engager à fond pour s'affirmer, eh bien, qu'il disparaisse ! » Le 12 avril, au moment où se préparait la nouvelle offensive, on parlait des plans du stade olympique. Les Allemands devaient apprendre à renoncer aux demi-mesures, à chercher des solutions en visant à remporter le plus grand succès possible, dit Hitler. Wallenstein l'avait compris, mais pas Hjalmar Schacht qui n'avait cessé de soulever des difficultés pour le réarmement. « Dans cette guerre, justement, il faut avoir toujours présent à l'esprit que, si nous la perdons, tout sera « frit » (sic). Il faut donc tout engager, sans réserve, sur le mot « Victoire. » 43


HITLER CET INCONNU « D'une façon ou de l'autre » constituait une de ses expressions favorites. A l'époque des succès, cela signifiait : si l'adversaire ne cède pas de bon gré, je le ferai céder par la force. A partir de 1942, cela signifia : si ça ne va pas au premier essai, cela ira au deuxième, au troisième, mais céder, capituler, non, jamais ! Le 10 janvier 1943, alors que le sort de Stalingrad était scellé, Hitler expliqua au maréchal Antonescu que, dans cette guerre, contrairement à la précédente, il s'agissait « d'être ou de ne plus être ». Si les Anglo-Saxons l'emportaient, ils ne seraient vainqueurs que conditionnellement, car la puissance de la Russie se dresserait contre eux : « Il naîtra un puissant empire bolchevique, disposant d'une industrie lourde, d'abondantes sources de matières premières et de masses humaines ; avec ces masses et cette énergie, la Russie reprendra ses anciens objectifs expansionnistes. » Et il souligna : « Si, dans ces circonstances, l'Allemagne et ses alliés sont contraints à se battre, c'est pour défendre leur existence et non pour conquérir des territoires. » Lors de la visite suivante du maréchal (12/4/1943), il parla encore plus clairement : « La guerre, il en avait la conviction absolue, ne pouvait avoir qu'une de ces deux issues : une victoire très nette ou une destruction totale. » Son modèle, Frédéric le Grand, n'avait été sauvé d'une situation désespérée que parce qu'il avait tenu sans faiblesse ; tenir, telle était désormais îa tâche du Führer, même si le cœur des autres commençait à battre la chamade. Il devait le faire impitoyablement. Un tel Führer devait, d'après lui, se fier « à la loi éternelle de la Nature » qui ne laisse survivre que le plus digne, le plus fort par le caractère. Si — contre la « Nature » — le Grand Empire germanique de Hitler s'écroulait, il en rejetait la faute sur les Allemands : « Le peuple se sera montré le plus faible », aux peuples orientaux, plus forts « appartiendrait exclusivement l'avenir. D'ailleurs, après le combat, il ne restera que les médiocres, tous les bons auront été tués. » La conception transparaît dans les Propos de table, mais elle était encore plus ancienne. La Méduse de la mythologie grecque pétrifiait ceux qui la regardaient. Si les convives de Hitler avaient pu voir son véritable visage, même les plus fidèles d'entre eux eussent été pétrifiés. 44


HITLER CET INCONNU Le personnage est bien difficile à cerner. Son amour pour les enfants et les chiens, le plaisir que lui causaient les fleurs, les choses cultivées, son admiration pour les jolies femmes, son goût pour la musique, tout cela était vrai, mais vraie aussi était la « froideur extrême » — une de ses expressions favorites — avec laquelle, faisant fi de toutes les considérations morales, il détruisait les opposants à son pouvoir et ceux qu'il considérait comme des adversaires. C'est à cause de ces deux visages qu'il produisait des effets si divers -— enthousiasmant les uns, répugnant aux autres. Il pouvait en changer d'un instant à l'autre, déroutant les uns comme les autres. Hitler, poussé alternativement par la raison, par le sentiment, par des impulsions troubles, fut le plus dissimulé de tous les personnages de l'histoire allemande. Mais s'il pouvait, comme bien peu, enchaîner des hommes à lui et les dominer, il savait aussi se dominer soi-même — si pénibles que furent certaines scènes faites à l'occasion des conférences sur la situation (Guderian en a rapporté une en détail dans ses Mémoires), il ne « perdait jamais contenance », quoique, avec le temps, ses nerfs se fussent usés à force de vivre dans une tension que très peu d'autres eussent pu physiquement supporter. C'est pourquoi il est si difficile de découvrir ce qu'il pensait et ressentait véritablement, dans quelle mesure il se laissait guider par la logique ou par les impulsions. Essayons d'obtenir quelques éclaircissements par les Propos de table. Nous commencerons par étudier son attitude envers ses collaborateurs, la famille, les femmes. Nous examinerons ensuite ses rancunes et ses inimitiés et jetterons un rapide coup d'œil sur son attitude envers l'étranger, l'économie, l'administration. Nous aborderons ensuite ses aptitudes artistiques, ses dons musicaux, ses rapports avec l'art, la musique, la danse, la littérature. Nous essaierons de reconstruire sa façon de penser, en tenant compte surtout de ses idées sur l'histoire et la biologie. Nous nous demanderons s'il possédait quelque religiosité ou s'il faut le considérer comme areligieux. Nous examinerons le technicien militaire, sa façon d'exercer le commandement, sujet que nous ne pourrons, évidemment, qu'effleurer. Enfin, une étude de sa force 45


HITLER CET INCONNU de volonté qui fut certainement son trait dominant, complétera cet « inventaire ». 4. Hitler et ses collaborateurs. Dès avant la guerre, l'opinion publique était si bien renseignée sur les familiers de Hitler que même des admirateurs du Führer en prenaient ombrage. Comment pouvait-il tolérer autour de lui des hommes manifestement incapables, d'autres dont l'absence de morale faisait scandale ? Le professeur von Hasselbach, à qui sa formation de psychologue permettait de plonger un regard sous la surface, apporte la réponse suivante : « Hitler a déclaré à plusieurs reprises que la connaissance des hommes constituait une de ses meilleures facultés, qu'il pouvait s'y fier entièrement. Une brève impression lui suffisait pour dire le genre d'esprit de quelqu'un et la meilleure façon de l'employer, « Le seul choix de ses collaborateurs permet de mettre en doute la justesse de cette conviction. Dans sa position, pourraiton penser, il devait essayer de s'entourer d'hommes particulièrement intelligents, expérimentés, intègres. Cependant, pour ne donner que quelques exemples, il fit d'un Martin Bormann son homme de confiance politique, d'un Schaub, le chef de ses aides de camp, et d'un Morell son médecin personnel. Il accueillit fréquemment et volontiers dans son intimité des gens comme Heinrich Hoffman, Hermann Esser ou Adolf Wagner, que le peuple allemand eût préféré ne pas voir dans l'entourage de son Führer. Assez fréquemment, avec fierté et satisfaction, il a parlé de la « Garde » constituée par ses Reichsleiter et Gauleiter, qui, par leur caractère et leurs capacités, restaient sans parallèle dans l'Histoire, et cela à une époque où le peuple connaissait parfaitement la faillite de la plupart d'entre eux dans presque tous les domaines, particulièrement dans leur façon de vivre. Les postes les plus importants de l'Etat allèrent à des hommes aussi inaptes que Ribbentrop, Hess, Frick, Rust, Axmann. « Comment Hitler put-il commettre de si grossières erreurs de jugement ? II est bien difficile de donner une réponse nette. Eta46


HITLER CET INCONNU blissons tout d'abord que si Hitler était convaincu de la qualification de son corps de dirigeants politiques, la composition de son entourage immédiat ne le satisfaisait pas complètement, mais il ne put jamais se résoudre à y apporter des changements radicaux. « Pendant toute sa vie, plus particulièrement durant la Première Guerre mondiale, il éprouva un sentiment très marqué de camaraderie, de fidélité et de gratitude pour les hommes qui avaient été ses compagnons de lutte, avaient consenti des sacrifices physiques et pécuniaires pour lui. Il ne comprenait pas Mussolini qui avait pour principe de changer fréquemment ses collaborateurs, il se croyait obligé de soumettre ses rapports avec ses anciens compagnons aux plus dures épreuves avant de rompre définitivement, et il ne le faisait qu'exceptionnellement. « Cela venait, en partie, de ce qu'il avait un esprit très conservateur. Il changeait le moins possible son programme de la journée, faisait quotidiennement la même promenade, conservait sa casquette démodée, fréquentait les mêmes restaurants, demeurait dans son logement inconfortable de Munich, et, pour les mêmes raisons, répugnait à se séparer d'hommes auxquels il était habitué. Cependant, il s'y serait certainement décidé plus souvent s'il avait été capable de voir certains de ses collaborateurs tels qu'ils étaient vraiment. Il a dit, à l'occasion, savoir que ses anciens compagnons n'étaient pas tous des anges, mais que, après tout, en être un n'entrait pas dans la nature d'un combattant. Cependant, les faiblesses qu'il constatait et qu'il croyait devoir tolérer pour ne pas se séparer d'un homme auquel il était habitué, entraînaient très souvent, à cause de la position de cet homme, des conséquences fatales. Des exemples comme ceux de Ribbentrop et de Morell, auxquels il n'était pas lié par la reconnaissance pour leurs services passés, prouvent au contraire qu'il jugeait mal les gens, sans quoi il n'aurait jamais pu proclamer que le premier était un nouveau Bismarck, et le second, un médecin et un savant exceptionnels. « On peut admettre que, dans beaucoup de cas, Hitler écarta délibérément des constatations désagréables pour justifier devant soi des hommes qu'il jugeait utiles et dévoués. D'autre part, il surestimait démesurément ses propres capacités et appliquait, par 47


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conséquent, à ses collaborateurs, une mesure plus faible. Quand il déclarait qu'un grand homme devait avoir comme épouse une femme insignifiante, parce qu'il ne pouvait lui consacrer suffisamment de temps, peut-être nourrissait-il des idées analogues au sujet de son proche entourage. » Ajoutons que Hitler avait vraiment un don étonnant pour sentir si la personne qu'il voyait lui était acquise, pouvait l'être ou si elle demeurait insensible à son influence ; il possédait, à cet égard, comme un « sixième sens ». Un seul homme, sans doute, sut se soustraire à cette « pénétration » : l'amiral Canaris ; il ne le fit arrêter qu'en 1944, quand les faits parlèrent trop nettement contre le chef de 1'Abwehr. On peut difficilement, aujourd'hui, se faire une idée du fluide qui émanait de Hitler. Il n'agissait pas toujours de la même façon. Un colonel m'a raconté que — convoqué avec d'autres officiers — il avait senti, en observant Hitler de près, une aversion monter en lui ; d'ailleurs, Hitler les congédia rapidement. Exemple inverse : une propriétaire terrienne de Poméranie, de famille noble et chrétienne, haïssait Hitler de tout son coeur ; elle le rencontra, par hasard, dans une station balnéaire de la Baltique, fut effleurée par son regard, en ressentit comme une commotion, et déclara qu'elle ne l'aimait toujours pas mais que c'était assurément un grand homme. 1l avait ainsi « pénétré » presque tous ceux qui l'entouraient et en avait fait des satellites dociles. 5. Idées sur la famille et les femmes. De nombreuses photographies montrent Hitler avec des enfants. La propagande les utilisa largement pour démontrer combien était essentiellement bon et humain, le Führer qui consacrait ses jours et ses nuits à assurer le bien du peuple allemand et qui, pour cela, renonçait à toute vie familiale. L'expression heureuse qu'a le visage sur ces photographies n'est pas un masque. Il aimait vraiment les enfants et, avec eux, se comportait d'une façon parfaitement naturelle. Il évoqua souvent dans ses discours, et même dans les Propos

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HITLER CET INCONNU de table, le problème du maintien de la famille comme cellule élémentaire de la vie sociale, et se préoccupa d'encourager les mariages. En 1941, sa conviction qu'il n'y avait pas à blâmer les rapports prénuptiaux, qu'ils garantissaient la bonne entente future entre les époux, ne se heurtait plus à une opposition aussi violente, d'autant qu'il pouvait invoquer les usages de la paysannerie de son pays et que beaucoup de ce qu'il disait au sujet de la double morale de « l'élite des dix mille » n'était pas contestable. Il semble avoir pris la vie telle qu'elle était et avoir voulu remplacer une façade lézardée par une éthique « naturelle », contrôlée par la raison. Il y avait autre chose qu'il ne disait pas, qu'il ne pouvait pas dire en public, s'il voulait conserver son prestige auprès de la masse. Les Propos de table fournissent de précieuses indications à cet égard. C'était la conséquence de ses conceptions de la sélection naturelle. Il considérait comme un bien que des hommes « racialement supérieurs » eussent des enfants illégitimes. Par exemple, lorsque, après la campagne à l'ouest, il visita les régions qu'avaient touchées la Première Guerre mondiale, il crut y voir un « matériel humain » considérablement amélioré par rapport à celui qu'il avait connu alors. « Les soldats allemands et anglais y auraient donc accompli une « nordification » dont les résultats sont aujourd'hui incontestables », a-t-il dit (20/7/1942). C'était, à ses yeux, non seulement légitime en « pays ennemi » mais également désirable en Allemagne. Quand il s'installa à Berchtesgaden, déclara-t-il le 23 avril 1942, il avait trouvé une population extrêmement mélangée dont il avait pris la régénération à cœur. « Si des enfants vigoureux et sains courent aujourd'hui dans cette région, le mérite en revient à la Leibstandarte (son garde du corps). Il faut envoyer des troupes d'élite partout où la composition de la population est mauvaise... On peut en installer sans crainte même en Mazurie et dans la forêt bavaroise. » On le mettait en rage en objectant que la moralité du peuple allemand en souffrirait. C'était un des nombreux cas où sa logique le conduisait à s'écarter de ses thèses ordinaires : protéger la famille et tolérer une « nordification » par des troupes d'élite, il y avait manifestement là une antinomie. S'il avait été conséquent avec lui49


HITLER CET INCONNU même, il aurait dû penser que cette « nordification » — en dehors des dommages moraux causés aux parents et aux frères — entraînerait une telle indignation contre ces troupes d'élite, donc contre le régime, que le gain de quelques milliers d'enfants « nordiques » serait plus que compensé par l'aliénation de centaines de milliers de gens. Ou'il n'aperçût pas pleinement cette réalité peut s'expliquer partiellement par le fait qu'il n'avait pas lui-même de famille et qu'il passa de nombreuses années de sa vie dans les milieux où les liens familiaux étaient plus ou moins distendus. Il a souvent dit lui-même à son entourage l'impression que lui causait la vue d'une jolie femme. Avant la guerre, il éprouvait à la fois du plaisir et une détente à avoir, en prenant le thé, une belle jeune fille comme interlocutrice ou d'enchaîner par sa parole des dames élégantes lors de ses réceptions. Quand il se laissait guider par les yeux, toute son animosité contre la noblesse et la bourgeoisie s'évanouissait brusquement. Hitler — il faut le reconnaître — se conduisit toujours de façon aimable et correcte envers les femmes. Durant la guerre, au Berghof, en dehors d'Eva Braun — totalement ignorée du public — qui y tenait le rôle de maîtresse de maison, il ne vit que les épouses amenées occasionnellement par ses invités. Eva Braun n'eut jamais accès au Wolfsschanze, le quartier général de PrusseOrientale. Les seules femmes y furent quelques secrétaires et la cuisinière qui lui préparait ses repas végétariens ; après l'abandon des repas pris en commun, il les fit parfois venir à ses entretiens mais seulement pour créer une sorte de diversion, de détente. Que Hitler, au tout dernier moment — lorsque, devant l'écroulement de son « Reich millénaire », il résolut de se suicider — ait tenu à épouser Eva Braun dans toutes les formes légales, constitue la seule éclaircie dans l'enfer du dernier acte. Cette scène, un peu ridicule (trouver un fonctionnaire « qualifié » fut naturellement très difficile) et de caractère « petit-bourgeois » (le monde croulait, qu'importait ce que la postérité pût penser d'Eva Braun ?) n'en fut pas moins humaine. Mais quel rôle la femme jouait-elle dans la pensée de Hitler ? « L'homme constitue l'univers de la femme ; elle ne pense à autre chose qu'accessoirement », a-t-il dit (10/3/1942). Elle n'est pas 50


HITLER CET INCONNU apte à la politique, car elle ne peut séparer la raison du sentiment. Elle doit se parer, même se montrer jalouse, mais ne pas s'occuper de « choses métaphysiques ». Engendrer est l'essentiel de sa nature : « Si une fille n'a pas d'enfant, elle devient hystérique ou malade. » La remarque faite par Hitler, le 25 juillet 1942, paraît étonnamment rétrograde : « Il doit être possible à un homme de marquer une femme de son empreinte. D'ailleurs, la femme ne désire pas autre chose ! » Ainsi donc Hitler n'avait pas « suivi » ce qui se passait déjà depuis plusieurs décennies — fait curieux mais, nous le constaterons, qui ne reste pas isolé. 6. Antipathies sociales et philosophiques. Quiconque a eu des débuts aussi difficiles que Hitler doit conserver de ses premières expériences, des prédilections et des aversions très marquées. Les Propos de table montrent jusqu'à quel point Hitler en restait imprégné alors qu'il se trouvait au pouvoir depuis presque une dizaine d'années et avait vaincu tous ses adversaires. Il est inutile de reproduire ici les propos tenus par lui sur les rois et les princes. Pour lui, les têtes couronnées et leur engeance étaient des « ganaches », des « imbéciles complets » et il considérait qu'il n'y avait pas à en tenir compte. Il parlait de la « couvée des Hohenzollern » et exprimait la colère que lui avait causée sa réception officielle par le roi d'Italie en mai 1938. Inutile aussi de rapporter ses attaques contre 1' « élite des dix mille » (expression fréquemment employée) et contre la bourgeoisie. « Aucune couche de la société, déclara-t-il le 15 mai 1942, ne se comporte aussi stupidement dans les affaires politiques que cette soi-disant bourgeoisie » ; elle n'aspire qu'à la tranquillité et à l'ordre et manifeste de la lâcheté dans son comportement politique (8/4/1942). On ne s'explique pas, objectivement, les attaques de Hitler contre cette classe dont l'activité efficace avait seule permis à l'Allemagne de se relever aussi rapidement après la détresse des années d'avant 1933. En tant que Führer et chancelier, il avait réussi à gagner une grande partie de cette bourgeoisie et il entretenait des rapports mondains avec des représentants 51


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importants de 1' « élite des dix mille ». Il sentait certainement que beaucoup de bourgeois et d'intellectuels lui demeuraient hostiles ou faisaient encore des réserves, mais la seule explication de son animosité contre eux doit être cherchée dans les rancunes amassées pendant sa jeunesse et encore aggravées durant les années de lutte, à cause de la rigidité de ses conceptions que nous rencontrerons encore souvent. Il n'est pas aussi facile d'expliquer son aversion pour les professeurs. Ceux-ci avaient fortement contribué, depuis le XIXe siècle, à accroître le prestige de l'Allemagne dans le monde, et le résultat de leurs recherches — même de ceux qui n'avaient rien de commun avec le Parti — constitua une aide énorme pour son IIP Reich, comme on put nettement le constater au début de la guerre. Pourtant, Hitler n'aimait pas les professeurs. « Si le monde répondait à ce que désire le professeur allemand, il n'y aurait, au bout d'un million d'années que des crétins, d'énormes têtes sur des corps réduits à rien (17/2/1942). » Il reprochait à la science professorale d'écarter de 1' « instinct », de cet instinct qui, chez lui, tenait une place si considérable. Mais, derrière, il y avait sans doute le soupçon que les professeurs pussent prouver que sa doctrine n'était pas inattaquable. Il eût été naturel que Hitler appelât les spécialistes les plus compétents pour se renseigner sur les progrès de la science. Il le fit tout au plus pour des médecins, des naturalistes, mais jamais, à ma connaissance, pour des archéologues, des historiens, etc. ; d'ailleurs, l'eût-il fait que, plus que probablement, il ne leur eût même pas laissé la parole. Au Wolfsschanze, par exemple, il eût été facile de faire venir de temps en temps de tels spécialistes, pour se détendre en même temps que s'instruire. Le Dr Karl Brandt a donné, après la catastrophe, l'explication suivante : « Vraisemblablement, il désirait avoir un milieu sans objections, sans critiques, comme caisse de résonance à ses discours dans lesquels il s'exprimait à cœur ouvert, à l'état de brouillon, pour ainsi dire, afin de mettre de la clarté dans ses idées. » Il ne voulait donc autour de lui aucun représentant de la bourgeoisie cultivée ou de l'intelligentsia, mais seulement des hommes qui avaient été « jetés hors des rails par la vie ou s'étaient faits eux-mêmes, exactement comme lui ». 52


HITLER CET INCONNU Hitler nourrissait une animosité particulière contre les instituteurs. Il s'en était formé une image précise : sales, infectés de socialisme, « un prolétariat intellectuel sans caractère ni intelligence ». Il voulait les remplacer par des femmes, pour utiliser ainsi l'excédent biologique de celles-ci. Il fallait aussi introduire dans l'enseignement des sous-officiers ayant quitté le service, habitués à mener des hommes et possédant le sens de la précision. Une instruction trop poussée abrutissait les enfants. Il ne fallait donc apprendre aux instituteurs que ce qui leur était nécessaire pour l'enseignement primaire. Un instituteur qui passait sa vie dans un village de paysans n'avait pas besoin d'une culture académique. D'ailleurs, enfourner des connaissances dans la tête des écoliers constituaient une stupidité. Deux ou trois ans après leur sortie de l'école, ils ne se rappelaient plus rien. Les programmes devaient donc être conçus pour leur inculquer uniquement un savoir qui leur permettrait de tenir effectivement leur place dans la vie. Leur faire passer beaucoup de temps au grand air serait bien plus sensé. On obtiendrait ainsi des éléments sains, capables de supporter des épreuves physiques, sans s'effondrer aussitôt (30/6/1942). Hitler n'admettait pas la thèse pédagogique selon laquelle seule une formation aussi poussée que possible permet à l'homme de tirer pleinement partie de ses dons. « Qu'importent la géométrie, la physique, la chimie à un garçon qui veut se consacrer à la musique? Qu'en retient-il par la suite. Rien (3/3/1942), » Sa haine pour les juristes se comprend facilement, car ils lui avaient donné bien du fil à retordre à la période de lutte et. même après la prise du pouvoir, ils lui créèrent encore beaucoup de difficultés. On peut seulement s'étonner de la violence de ses attaques. Les expressions qu'il employait et que l'entourage acceptait volontiers, doivent affecter péniblement ceux qui, encore aujourd'hui, lui accordent du crédit. Pour lut, tout juriste était corrompu ou le devenait avec le temps (29/3/1942). Ce n'était pas une carrière honnête et elle tournait au cabotinage dans les plaidoiries. Il allait jusqu'à établir une parenté entre les juristes et les criminels : « Même dans leur internationalité, il n'existe entre eux aucune différence (22/7/1942). » Il reprochait à la jurisprudence d'éliminer systématiquement la responsabilité ; elle ne 53


HITLER CET INCONNU s'accordait pas avec la vie. Aussi voulait-il mettre fin à la « charlatanerie » des jurés (29/3/1942). Pour lui, les financiers étaient des « fripouilles » (22/4/1942), ce qui se comprend car (quand il les laissait parler) ils n'avaient que des vérités désagréables à lui dire. On comprend aussi son aversion pour les fonctionnaires qu'il jugeait mesquins, dépourvus de bon sens, ignorant la vie pratique, ne pensant que dans l'abstrait. Jusqu'en 1914, il n'eut, avec l'administration, que des contrats passifs, soit qu'elle lui envoyât l'ordre d'appel sous les drapeaux ou intervînt autrement dans son existence ; à partir de 1918, il eut des heurts plus directs avec la « bureaucratie » et même après 1933, elle ne cessa de lui mettre des bâtons dans les roues, en invoquant tantôt une loi, tantôt une ordonnance. Von Stein et Bismarck eurent également des conflits avec les « bureaucrates », mais ils avaient une longue expérience de l'administration, alors que celle-ci demeurait complètement étrangère à Hitler. En ce qui concerne les francs-maçons, il tenait pour un fait établi qu'ils jouaient un grand rôle dans les coulisses de la politique. Par exemple, Franco n'ayant pas accepté ses offres, lors de leur rencontre à Hendaye (23/10/1940), il l'attribua au fait que le Caudillo était franc-maçon. Lorsque les S.S. confisquèrent les archives des loges et les réunirent à Berlin on fit la constatation, étonnante pour le Parti, qu'il y avait seulement 60 000 frères en Allemagne et que leur influence politique devait être considérée comme absolument inoffensive. Hitler se battait donc contre un fantôme, né de la polémique du XIX e siècle et qu'il avait accepté sans la moindre critique, par communauté d'esprit avec Ludendorff. Son attitude envers l'Eglise était plus complexe. Il a dit luimême la force des impressions conservées de sa jeunesse quand il servait comme enfant de chœur ou comme choriste. Dès l'école, il remarqua le conflit entre la doctrine religieuse et l'histoire naturelle et dans la mesure où il en étudia les conséquences, il s'éloigna de plus en plus du catholicisme, voire du christianisme. Dans un discours prononcé en octobre 1937 et resté secret, il déclara s'être « libéré, après de durs combats intérieurs, des idées religieuses acquises dans son enfance », et il ajouta : « Je me sens désor54


HITLER CET INCONNU mais libre comme un poulain au pré. » Dans sa conception du monde iJ ne resta comme élément religieux que le monisme courant d'avant la guerre. Dès lors, il fit carrément front contre tout ce qui était lié à l'Eglise ; elle engendrait l'erreur et atrophiait intellectuellement les chrétiens disait-il. Dans son tableau du monde, il lui assignait le rôle d'une adversaire aux idées rétrogrades, démodées, dont la doctrine constituait un scandale culturel et qui devait disparaître comme la sorcellerie. « Quiconque a quelque connaissance des sciences naturelles ne peut plus prendre au sérieux les enseignements de l'Eglise », déclara-t-il le 11 novembre 1941. Cependant, il comprenait que la solution ne pouvait être bâclée ; le sentiment religieux devait « tomber de lui-même, comme un membre gangrené ». Il n'était pas le premier à suivre une telle évolution, mais l'étonnant, dans son cas, fut son mépris haineux pour les « calotins ». papes compris, l'attribution à des mobiles exclusivement vils de toutes leurs réalisations. Il leur prêtait « un astucieux mélange d'hypocrisie et d'affairisme », parlait de « superstition satanique », d'« affectation » de l'amour — sa haine était si profonde qu'elle lui fournissait constamment de nouvelles formules péjoratives. Son idée de base émanait directement des polémiques du xix 1 siècle, elles-mêmes inspirées par le libéralisme vulgaire du siècle précédent. Les discussions modernes entre les religions n'entrèrent jamais dans son horizon, et son action contre les deux confessions, qui y déclencha des forces d'opposition, eut exclusivement un caractère politique, policier, mais jamais spirituel ni moral. Ici, la psychologie ne trouve plus son compte. Hitler croyait, à bon droit, connaître celle des foules et savoir en jouer, or, en la matière, il devint prisonnier d'une idée préconçue : pour mater l'opposition qu'il avait lui-même fait naître, il recourut à des moyens dont l'inefficacité était depuis longtemps démontrée. Là, il prouva de nouveau ses limites : face à l'Eglise, il demeura « borné ». L'Eglise évangélique n'entra dans son horizon qu'à l'époque du « Kirchenkamp », et il en retint moins encore que du catholicisme. « Une certaine cagoterie évangélique est encore pire que 55


HITLER CET INCONNU l'Eglise catholique (1/12/1941) », car celle-ci voit grand et est assurément raffinée dans la rémission des péchés (1/12/1941). De son unique entretien avec des dirigeants de l'Eglise évangélique, il traça, devant ses auditeurs, une image déformée dans laquelle des redingotes élimées et du linge douteux jouaient un rôle (7/4/1942) — un médecin parlerait d'allergie mentale. Finalement, à ses yeux, catholiques et protestants constituaient le même danger pour l'Etat et la culture. Ce qu'il leur préparait, il l'a dit, un jour, sans mâcher ses mots : « Notre plus grand mal, ce sont les prêtres des deux confessions. Je ne peux, pour le moment, leur donner la réponse qui convient, mais ils ne perdront rien pour attendre. Tout est noté dans mon grand livre. Le moment du règlement de compte viendra et je n'irai pas par quatre chemins. Je ne me laisserai pas embarrasser par des arguties juridiques. Seul comptera ce que commande la nécessité. Dans dix ans, tout cela aura changé, j'en suis persuadé. Nous ne pourrons éluder la solution radicale (8/2/1942). » Cette déclaration, qui a été sténographiée, donc prise mot à mot, rend vaines toutes les discussions pour savoir si le pape Pie XII et les prélats des deux Eglises ont agi correctement ; ils avaient un ennemi brutal, résolu à aller jusqu'au bout. On ne s'étonnera pas de voir revenir les propos antisémites comme un leitmotiv. Matériellement, ils n'apportent rien de nouveau, mais ils permettent de mieux reconnaître les deux faces de l'antisémitisme hitlérien. D'une part, il se fondait sur des faits prétendument établis et un biologisme pseudo-scientifique, de l'autre il s'inspirait d'une sémitophobie ridicule dans sa nature et effroyable dans ses conséquences : Le Juif est derrière Staline ; en Suède, la mince communauté juive exerce une « influence colossale » ; il est évident que le régime Roosevelt aux Etats-Unis est une organisation juive caractérisée, et ainsi de suite. On sera frappé par la façon dont un exposé objectif se termine brusquement, comme par un court-circuit mental, par une invective contre la « juiverie mondiale ». Quoi qu'il arrive dans le monde — sans excepter aucun pays — le Juif est derrière et il est responsable de tout ce qui est désavantageux pour l'Allemagne. On peut parler d'une obsession, d'un « tic ». A cet égard, Hitler est comparable à l'homme du Moyen Age qui voyait partout l'action du diable *, 56


HITLER CET INCONNU mais, alors que celui-ci se contentait de faire le signe de la croix ou, s'il avait le courage d'un Luther, de lui jeter un encrier au visage, c'était, pour Hitler, l'incitation à se venger sur les Juifs d'Allemagne et des pays occupés. Cet antisémitisme doit plonger ses racines dans les premières impressions d'enfance et se renforça, naturellement, pendant les années vécues à Vienne. Car — il l'a clairement rapporté dans Mein Kampf — ce fut l'époque où le bourgmestre Karl Lueger transforma la petite-bourgeoisie viennoise en troupe politique de choc contre les Juifs et où, dans les milieux nationalistes, on Schönerer donna des mots d'ordre antisémites. Il va de soi que les « années de lutte » durcirent encore Hitler contre les Juifs, car il se heurta à eux sous diverses formes. Le Protocole des Sages de Sion, édité depuis 1903 et dont il prit connaissance au printemps 1920, produisit une très forte impression sur lui : il y vit, noir sur blanc, que les Juifs voulaient détruire les Etats constitués pour établir leur domination sur le monde. Sans doute n'a-t-il jamais appris qu'il s'agissait d'un faux grossier, dont des recherches sérieuses ont complètement éclairci les origines. L'antisémitisme de Hitler eut donc des causes diverses, mais, même si l'on peut les reconnaître, quelque chose demeure inexplicable. Il y a eu avant et en même temps que lui, beaucoup de gens qui haïssaient ou méprisaient les Juifs, mais y en eut-il un seul chez qui l'aversion soit devenue aussi intense, aussi illogique ? Y en eut-il un seul que cette aversion ait poussé à perpétrer des crimes aussi horribles ? On a essayé d'expliquer ce « tic » de Hitler par le fait que quelque chose « cloche » dans son arbre généalogique, établi d'après les registres paroissiaux, que, peut-être, un maître juif aurait séduit une de ses aïeules placée chez lui comme servante. Cette explication, d'après laquelle Hitler aurait tourné vers l'extérieur la haine que lui inspirait cette origine illégitime et se soit vengé sur les Juifs de cet ancêtre désormais inaccessible, peut paraître plausible, mais les recherches l'ont remise en question, car la chronologie est douteuse. Il faut donc admettre que dans cet antisémitisme sans mesure, il demeure un point obscur qui échappe à toute explication rationnelle L'homme est si complexe que même 57


HITLER CET INCONNU la psychologie et la psychiatrie, malgré tous leurs progrès, doivent avouer que, elles aussi, se trouvent devant un « X ». 7. Hitler et l'étranger. Nous renonçons à rapporter, pays par pays, ce que Hitler a dit de l'étranger dans ses Propos de table et comment se répartissaient ses sympathies et ses antipathies ; ce serait fastidieux. Avant la guerre, il ne connaissait que l'Autriche et le sud de l'Allemagne, et il connut un peu de la France durant les hostilités. Dans les années de lutte, il ne franchit jamais les frontières allemandes ; le projet de se rendre aux Etats-Unis, que lui proposa la famille Hanfstaengl, ne se réalisa pas à cause du putsch de Munich. Après la prise du pouvoir, il se rendit en Italie ; ce fut, pour lui, une grande expérence artistique mais, naturellement, il n'eut pas l'occasion d'étudier de près le caractère italien. Ce qu'il vit des pays étrangers, après le début de la Seconde Guerre mondiale, ce fut à travers les vitres de son automobile blindée ou de son train spécial. Donc, en ce qui concerne la connaissance de l'étranger, Hitler en fut réduit, sa vie durant, aux images, aux films, aux rapports, oraux ou écrits, faits par des tiers. En cela il différa de Roosevelt et encore plus de Churchill, mais se rapprocha de Staline qui franchit pour la première fois la frontière russe en se rendant à la conférence de Téhéran (novembre 1943). C'est un fait qu'il faut garder à l'esprit pour comprendre l'image artificielle que Hitler se faisait de l'étranger. Elle dérivait de celle qu'on avait dans les milieux nationalistes allemands d'avant la Première Guerre mondiale et que déformait un sentiment arrogant de supériorité. La défaite de 1918 altéra fortement cette image répandue par la propagande, et, dans les années vingt, les milieux intellectuels et artistiques se livrèrent à de fructueux échanges avec l'étranger. Cela passa inaperçu de Hitler, car la littérature ne l'intéressait pas et il se prononçait catégoriquement contre l'art et l'architecture modernes, derrière lesquels il subodorait une machination juive. Comme, d'autre part, la défaite de 1918 n'en était pas, pour lui, véritablement une, il n'avait aucune raison de mettre en question l'ancien sentiment de supériorité. 58


HITLER CET INCONNU La renaissance de l'Allemagne, couronnée par la victoire jusqu'en 1942, lui confirmait la justesse de ce sentiment. Des lecteurs pourront s'étonner de trouver dans les propos beaucoup de mots aimables pour Staline — ils lui étaient inspirés par la confraternité des dictateurs. En revanche, il a dit des choses effroyables sur Roosevelt et Churchill. On ne pouvait s'attendre à ce qu'il éprouvât de la sympathie pour eux et on comprend sa haine puisqu'ils furent cause de son échec. Une vieille règle, maintes fois confirmée, veut que la haine rende clairvoyant ; elle ne se confirme pas dans le cas de Hitler. Non seulement il n'a pas cessé de les dénigrer, de les injurier, mais il les a traités « à la légère » ; c'est la dernière des choses à faire avec un adversaire, mieux vaut le surestimer que le sous-estimer. Pour cette erreur d'appréciation, l'Histoire a présenté à Hitler une bien lourde note à payer. Nous nous retrouvons devant le même phénomène : cet homme qui avait tant lu, qui disposait d'informations très complètes, si clairvoyant dans certains domaines, se laissait conduire par des sentiments dépourvus de toute logique, par des désirs pris pour des réalités, qui l'empêchaient de juger sainement. Les Propos de table permettent de se faire une idée assez nette sur son attitude envers l'Angleterre. Elle était déterminée par cette sorte de haine amoureuse, oscillant entre l'admiration et le dénigrement, qu'éprouvaient tant d'Allemands au XIXe siècle. « Ils sont d'une impudence sans pareille, je les admire pourtant ; nous avons beaucoup à apprendre d'eux (8-10/9/1941). » Il s'était fait projeter deux ou trois fois le film Les Trois Lanciers du Bengale, parvenu en Allemagne avant la guerre, et le livre de Thomas E. Lawrence sur ses aventures en Arabie l'impressionna fortement. Son espoir de voir l'accord naval de 1935 constituer un prélude à une entente entre l'Allemagne et l'Angleterre ne se réalisa pas et, s'il avait mieux connu celle-ci, il ne l'aurait jamais conçu. Il s'accrochait à la vision d'un rapprochement futur entre les deux pays qui naîtrait d'un antagonisme commun envers les EtatsUnis. L'idée pouvait se concevoir vers 1900 : dans le célèbre article de la Saturday Review, publié en 1896 avec l'épigramme « Ger59


HITLER CET INCONNU maniam esse delendam », les Etats-Unis étaient encore considérés comme l'autre ennemi potentiel de l'Angleterre. Mais, dès 1911, un accord entre Londres et Washington décrétait que tous les différends entre les deux pays seraient réglés par l'arbitrage et la Première Guerre mondiale amorça la « symbiose » entre les deux pays anglo-saxons qui subsiste aujourd'hui et leur permet de résoudre toutes les crises, économiques ou politiques. Le rêve de Hitler était désuet. 8. L'économie et l'administration. Dans ses Propos de table, Hitler aborda rarement des sujets économiques ; ce domaine ne l'intéressait pas et ses immenses lectures n'avaient jamais été dirigées dans cette direction. Il avait un principe : l'Etat ordonne et l'économie se conforme à ses ordres. Les circonstances le servirent à cet égard. Beaucoup de ses opposants pensaient qu'il échouerait sur les réalités économiques, qu'il serait au moins contraint de mettre de l'eau dans son vin. Ce ne fut pourtant pas le cas. Bien au contraire — avec l'aide de la géniale politique financière de Hjalmar Schacht — le développement des événements sembla lui donner raison : le redémarrage de l'économie, sa consolidation dans le cadre de l'autarcie, lui permirent de financer le réarmement sans déclencher de crise économique et même le financement de la guerre, qui avait causé tant de soucis au gouvernement durant la Première Guerre mondiale, s'effectua sans difficultés particulières. Un fait caractérise bien l'attitude de Hitler dans ce domaine : c'est en 1942 qu'il reçut pour la dernière fois son ministre des Finances, le comte Schwerin von Krosigk, et, par la suite, celui-ci put craindre que ses rapports ne lui parvinssent plus. Devant son auditoire, Hitler parla de nationaliser la production de fer, de pétrole, de charbon et d'énergie, mais il tenait à conserver la propriété privée, sans laquelle se créerait une bureaucratisation effroyable qui paralyserait tout ; il ne fallait pas tuer l'initiative personnelle. Cela s'appliquait uniquement aux capitaux dont les propriétaires restaient nettement visibles ; le 60


HITLER CET INCONNU monopole des sociétés privées serait, au contraire, radicalement éliminé. Il voyait dans les actions un objet de spéculation répréhensible qui assurait à des non-travailleurs les bénéfices du travail. II était donc contre les sociétés anonymes et pensait à leur nationalisation ; il envisageait l'établissement d'un intérêt unique pour toutes les actions d'Etat. La conception peut être qualifiée de naïve et on pourrait penser qu'elle remontait au temps où son conseiller financier était Gottfried Feder, fondateur du mouvement visant à « libérer l'Allemagne de l'économie capitaliste », mais elle eut son origine dans les années où le bourgmestre Lueger mobilisa la petite bourgeoisie viennoise contre le « Capital ». Dès cette époque dut se former le raisonnement : spéculation = gain facile et « criminel » = enrichissement sans travail = parasitisme juif. Hitler réglait de façon très simple le problème des dettes contractées pendant la guerre : les conquêtes avaient tant accru la fortune nationale que les dépenses de guerre se trouvaient plusieurs fois couvertes, d'autre part l'incorporation d'environ vingt millions de travailleurs étrangers, à qui Hitler comptait donner une rémunération moitié moins forte qu'aux travailleurs allemands, procurerait des profits très largement supérieurs aux dettes du Reich. « Finalement, déclarait-il pour balayer toutes les objections, l'Histoire enseigne qu'aucun peuple du monde n'a jamais succombé sous ses dettes (4/5/1942). » Deux jours plus tard, il proclamait : « Si la guerre n'est pas victorieuse, tout sera perdu ; par conséquent, on ne saurait faire trop de dettes pour s'assurer la victoire. » C'était une logique abstruse et une politique financière sans scrupules ; on comprend facilement, dès lors, pourquoi Hitler refusait de recevoir le ministre compétent. En ce qui concernait l'administration, il partait du même principe que pour l'économie : elle devait fonctionner et être en mesure de satisfaire immédiatement toutes les demandes du gouvernement. Il exprima à plusieurs reprises son refus d'une centralisation exagérée : les Länder devaient conserver leurs particularités en matière d'usage et de droit ; il désirait donc voir subsister un grand nombre de villes, petites et grandes, comme centres de la vie culturelle. Plus l'on décentraliserait, raisonnait-il, plus il serait 61


HITLER CET INCONNU facile de trouver des gens capables pour l'administration centrale qui leur procurerait l'occasion de s'élever au-dessus d'eux-mêmes. II fallait déléguer vers le bas le plus d'autorité possible. Hitler pouvait d'autant mieux faire des concessions aux Länder qu'il leur avait brisé l'échine dès 1933 et éliminé, par de nouveaux liens, tout danger pour le Reich. « Le fait qu'il n'y a, pour tout le Reich qu'une Wehrmacht, qu'une S.S., qu'une administration, agira puissamment. » Au cours de la guerre, le gouvernement central, déjà plus puissant, en temps de paix, qu'à aucun autre moment de l'histoire allemande, dut encore raidir les rênes. D'autre part, en intensifiant le terrorisme contre tous ceux qui étaient considérés comme des « ennemis de l'Etat », Hitler empêcha dans toute la mesure du possible la création de centres d'opposition. De ses idées sur la préservation de la personnalité des Länder et sur la délégation de l'autorité vers le bas, il ne resta rien dans la dure réalité. Une chose est encore à remarquer ; au cours de son existence, Hitler ne passa pas un seul jour dans une administration, il ne connut la machine militaire, durant la Première Guerre, que par ses rouages inférieurs, toute son expérience lui vint de l'organisation du Parti, dans lequel il fallait constamment improviser, diviser, réunir, modifier, amalgamer et, surtout, veiller à ce que personne n'y devint un danger pour le Führer. Hitler n'avait donc jamais connu d'administration régulière et la compétence qu'il croyait posséder, il l'avait acquise dans des conditions tout à fait exceptionnelles. On comprend facilement pourquoi il méprisait les « bureaucrates ». 9. Le goût de Hitler, ses rapports avec l'art. L'architecture représentait, pour Hitler, l'art suprême, venaient ensuite la sculpture et la peinture. II peignit à l'époque viennoise et — comme il le déclara à son auditoire le 10 mai 1942 — il eût passionnément désiré devenir architecte, mais la Première Guerre mondiale l'avait aiguillé sur une autre voie. Il se croyait très doué à cet égard et il annonça qu'il serait « probablement 62


HITLER CET INCONNU devenu un des premiers architectes sinon le plus grand de l'Allemagne ». Un rêve, car, pour construire, il faut non seulement de l'inspiration mais de solides connaissances qu'il n'eut jamais le temps d'acquérir. Ce n'était donc qu'un rêve ; d'habitude, les gens les cachent, de crainte d'éveiller des doutes, voire des railleries ; Hitler ne souffrait pas de telles inhibitions. A cet égard, joua un grand rôle la conception du « génie », née à la fin

du XVIII e siècle et transformée

en culte au XIXe,

qui donnait aux grands peintres, sculpteurs, comédiens, chanteurs et virtuoses musicaux, une place d'honneur dans la société. Hitler la leur accordait toujours et son entourage s'étonnait que sa mémoire eût conservé le nom de tant d'artistes de sa période viennoise ; dans ses propos il utilisait fréquemment les mots « génie » et « génial ». Pour lui, il existait une parenté entre le grand artiste et le grand homme d'Etat, et, dans la griserie du triomphe, il devint de plus en plus certain que la Providence lui avait donné, à lui aussi, du « génie », un génie qui lui aurait permis de devenir un très grand artiste mais qui — les circonstances l'avaient ainsi voulu — le ferait entrer dans l'Histoire comme grand homme d'Etat et chef de guerre et, comme constructeur, le rendrait supérieur à n'importe quel roi.

La psychanalyse leur ayant ouvert de nouveaux horizons, les hommes du XXe siècle ne savaient plus très bien que penser de cette conception du génie qui avait déjà tenu un rôle central chez Nietzsche mais dont, justement, par son exemple, l'apparentement à la démence avait été révélé. Hitler possédait-il vraiment des dons d'architecte ou n'était-ce qu'une auto-illusion ? On peut lui concéder une mémoire exceptionnelle des lieux. Un exemple suffira. En 1940, il visita l'Opéra de Paris et demanda à voir la « salle ovale » ; une telle salle n'existait pas, lui répondit-on. Il indiqua alors une porte en disant qu'elle se trouvait derrière. De fait, la salle était divisée depuis si longtemps par des cloisons qu'on ne se souvenait plus de sa forme originelle qu'indiquait encore seulement le plafond. Stupéfaction chez les Français, admiration dans la suite allemande. Comme peintre, il n'a jamais dépassé l'état d'apprenti et, comme architecte, il n'a jamais pu faire ses preuves. Mais il a 63


HITLER CET INCONNU beaucoup fait construire, de sorte qu'on peut imaginer ce qu'il aurait produit si son rêve s'était réalisé. La Chancellerie de Berlin — d'après l'impression que donnent les photographies — était démesurément « grandiose » ; le rapport entre l'homme et la construction, qui constitue toujours le problème fondamental de l'architecture, n'y était manifestement pas respecté. L'aménagement intérieur n'était qu'une reproduction, au superlatif, de celui des hôtels qui perpétue celui des châteaux à peine modernisé. Cette Chancellerie était plus imposante que le palais de Venise avec l'immense bureau de Mussolini et surpassait tout ce qu'ont pu faire les Américains. C'était une manifestation de mégalomanie qui donnait un avertissement au visiteur dès son entrée : Prenez conscience que vous pénétrez dans le lieu où réside le Führer du « Grossdeutsches Reich » ! Le Berghof, au-dessus de Berchtesgaden, dans un des plus beaux panoramas de l'Allemagne, indique le goût de Hitler en tant que « particulier ». Il avait acheté de modestes propriétés avec des constructions du terroir, et fit aménager l'ensemble en conservant l'ancien noyau comme bâtiments annexes. Extérieurement, le complexe qui en résulta n'avait rien d'architectonique. Après avoir traversé le vestibule, d'où l'on pouvait sortir sur un vaste balcon, on entrait dans la pièce centrale où Hitler recevait ses hôtes de marque et avait ses entretiens, un grand salon, avec une énorme baie vitrée, confortable, avec des fleurs, des tapis, des meubles, comme ceux qu'im industriel cultivé aurait pu installer dans sa maison de campagne ; aucune faute de goût mais rien, non plus, qui sortît des conventions bourgeoises, qui donnât une impression de modernisme, qui fournît une indication sur la personnalité du propriétaire. Hitler aimait les beaux tapis et accrochait aux murs des tableaux qui lui plaisaient mais qu'il faisait changer au bout de deux mois. Le Berghof renfermait un grand dessin de Durer, un magnifique portrait d'homme, qui a disparu. En revanche, une galerie ne saurait trop que faire, aujourd'hui, d'un tableau du peintre viennois Alt, quoiqu'il fût intéressant et bien peint. Une encyclopédie en plusieurs volumes se trouvait en un endroit facilement accessible. Hitler préférait les vieux meubles, mais il appréciait aussi les 64


HITLER CET INCONNU nouveaux quand ils n'étaient pas de style trop moderniste et avaient de l'allure. Il n'aimait pas les fauteuils de club, pas assez commodes. Il abhorrait, naturellement, la révolution introduite dans la fabrication du mobilier par la « Dessauer Bauhaus » qui choquait son sentiment de la beauté. Il avait le goût du matériau vrai, de la pierre, et s'opposait au stuc. Il critiquait les balcons, l'encadrement des fenêtres par des colonnes, c'est-à-dire qu'il restait imprégné des idées courantes avant la Première Guerre mondiale. Il attachait beaucoup de prix aux fleurs ; de gigantesques bouquets ornaient ses pièces et il en faisait une énorme consommation dans les fêtes données en temps de paix. Il appréciait les orchidées mais n'avait de préférence marquée pour aucune fleur particulière et ne s'intéressait pas à leur culture, c'était pour lui, uniquement un ornement ; il demeurait ainsi fidèle au style Makart de son époque viennoise. Dans le cadre qu'il se composa, Hitler fut loin de se montrer révolutionnaire, on peut même le considérer comme un traditionaliste resté attaché à des formes déjà abandonnées par la classe qui donnait alors le ton, cette classe qui, après s'être intéressée aux impressionnistes puis aux expressionnistes, s'enthousiasmait pour les laques chinoises et les estampes japonaises, particulièrement pour les portraits d'acteurs si fascinants et aussi, déjà pour les masques encore plus expressifs venus d'Afrique et d'Océanie. On ne trouve absolument rien de ces goûts chez Hitler qui n'appréciait même pas tout l'art européen. On aurait pu s'attendre à ce qu'il fît grand cas de l'art germanique, porté aux nues par les membres du Parti comme tout ce qui touchait aux anciens Germains. Nous constatons, au contraire, qu'il balayait tout cela, en remarquant (7/7/1942) que les Grecs avaient déjà construit le Parthénon à l'époque où les Germains en étaient encore à la poterie. Une autre fois il parla de « la magnifique clarté du monde antique ». Il tenait le Panthéon, qu'il vit lors de sa visite à Rome, pour un des monuments les plus parfaits de tous les temps, et il en fit sortir sa suite pour pouvoir se donner tout entier à sa contemplation. Il voulut également rester seul au Colisée et la grandeur des Thermes de Caracalla l'impressionna fortement. Le style roman, qui avait une certaine parenté avec celui qu'il 65 s


HITLER CET INCONNU patronnait, obtenait toute son approbation à cause de ses proportions nettes, de sa rationalité, de sa masse architecturale, mais aucun de ses monuments ne lui tenait particulièrement à cœur. En revanche, il répudiait le gothique à cause de sa verticalité exagérée, de son ornementation trop poussée. H n'appréciait que la cathédrale de Strasbourg, parce que, à son avis, la nef n'était pas aussi étriquée que dans les autres monuments gothiques. Le fameux pilier des anges l'enthousiasmait, peut-être à cause de sa distribution horizontale et du fait que les personnages sortent presque entièrement de la pierre. Il comptait, après la guerre, faire de cette cathédrale un monument à la gloire du soldat inconnu de la Seconde Guerre mondiale ! On peut en frémir après coup ! Il considérait les tableaux des vieux maîtres allemands comme des témoignages historiques et répudiait carrément Grünewald, parce que ses tableaux étaient « hideux ». La Renaissance italienne était pour lui, comme pour le comte de Gobineau, « l'aube d'un jour nouveau, les retrouvailles de l'homme aryen (21/7/1941). » Au fond, il faut être reconnaissant aux Jésuites. Qui sait si, sans eux, nous aurions pu abandonner l'architecture gothique pour celle, légère, aérée et claire de la Contre-Réforme ? Il reconnaissait sans réserve la grandeur de l'art italien — et, dans ce cas, s'affranchissait de tout sentiment national. Au palais Pitti, à Florence, il loua les proportions, les grosses pierres, la grandeur des fenêtres ; il fut impressionné à Naples par la cour du palais royal et, à Venise, par la statue du Colleoni. Sa rencontre avec l'Italie fut donc un « événement » pour Hitler, comme pour tant d'Allemands, mais il la regarda comme on la regardait le plus couramment au XIXe siècle. Depuis le fameux livre de Heinrich Wölfflin : La Renaissance et le Baroque, paru en 1888, les yeux des touristes cultivés s'étaient ouverts sur le baroque. Hitler ne le rejetait pas, mais n'était pas attiré par lui, et il le considérait de façon très éclectique. Le grand et la couleur lui plaisaient ; il approuvait Versailles dont il avait pu voir la copie faite par Louis II dans l'île du Herrenchiemsee ; mais du Belvédère de Vienne, le palais du prince Eugène, il ne 66


HITLER CET INCONNU retenait que des détails — d'ailleurs le baroque français était beaucoup plus « classique » que l'autrichien. Il appréciait Rembrandt et Rubens mais surtout à cause de leur importance historique, et Poussin aussi — rien n'indique cependant qu'il les aimât vraiment. Hitler, épris de clarté et de grandeur, ne pouvait, naturellement admettre le rococo, et le style Empire manquait de puissance. Parmi les romantiques, il appréciait Blechen et Waldmüller, regardait volontiers les tableaux de Caspar David Friedrich, révérait Rottmann, se trouvait en affinité avec Schwind et Feuerbach. Il voyait en Adolf von Menzel, un artiste possédant tous les dons unissant au génie de la conception, la sûreté et l'exactitude dans l'exécution, A Vienne, il avait eu des rapports avec le « style jeune » et il lui en resta quelque chose. Sa préférence allait aux peintres alors les plus cotés : les Viennois Makart et Alt, les Munichois Lenbach et Stuck, c'est-à-dire des hommes dont la réputation était déjà contestée avant la Première Guerre mondiale et n'a cessé, depuis, de baisser. Le musée colossal dont il rêvait pour Linz aurait surtout contenu des toiles du XIX e siècle. Il était fier d'avoir déjà acheté de si nombreux tableaux de Defregger et de son école, dont il avait empli toute une pièce. Il comptait concentrer à la « Nationalgalerie » de Berlin les œuvres des peintres germaniques et allemands, et exposer les autres ailleurs, pour accorder ainsi leurs droits à l'art méditerranéen et à l'art nordique. Ses connaissances artistiques se limitaient au XIXe siècle. Déjà il ne comprenait plus les impressionnistes. 11 tenait Liebermann pour un barbouilleur. En sculpture, il n'admettait que ce qui conservait un accent classique, comme la Fontaine aux taureaux d'Adolf von Hildebrand, à Munich. La Danseuse de Kolbe (1912) l'enthousiasmait, mais, naturellement, il n'appréciait pas ses oeuvres ultérieures. D'après lui. Klimsch devenait « de plus en plus grand et important » — alors qu'on pense l'inverse aujourd'hui. Pendant la guerre, il trouva le temps d'examiner une vieille collection de la revue Die Kunst, et il observa : « Quand on considère le niveau atteint par l'art encore en 1910. on doit 67


HITLER CET INCONNU constater, avec épouvante, combien il a baissé. » Nous ne parlerons pas ici des peintres et sculpteurs encore vivants qu'il patronna. Il y eut un « renversement de toutes les valeurs ». Des artisans furent brusquement transformés en grands maîtres et le talent qu'ils pouvaient avoir fut gâché par les commandes de Hitler. Des « artistes » qui n'eussent mérité que la risée générale se trouvèrent ainsi portés au pinacle, Hitler était persuadé qu'il ouvrait ainsi un meilleur chapitre dans l'histoire de l'art allemand. Pour l'exposition présentée à 1' « Haus der Deutschen Kunst », entre dix et douze mille expéditions arrivèrent, le mot étant d'autant plus justifié que le musée ressemblait à une grande gare. On en retint douze cents, ce qui, déclara-t-il le 29 juillet 1942, constituait, en soi, un résultat étonnant, un pourcentage exceptionnellement élevé. La valeur du choix était garantie, d'après lui, du fait qu'il avait été effectué nou par des artistes, qui pouvaient avoir l'esprit prévenu, mais par son photographe, Hoffmann (c'est-à-dire par un profane, aux goûts de petit-bourgeois) et le directeur du musée, Kolb ; les millions de visiteurs prouvaient qu'ils avaient bien choisi. C'était affirmer que lui et ses collaborateurs pouvaient distinguer, d'une manière infaillible, entre le bon et le mauvais. Hitler déclara souvent qu'il préférait voir les « mauvais » peintres en prison, dans un asile de fous, et même dans un camp de concentration pour « rééducation ». Le sort d'Ernst Barlach, à qui il fut interdit de continuer à travailler, prouve qu'il ne s'agissait pas d'une vaine menace. Un Reich, un Peuple, un Führer... et un Art ! Un art respectant la ligne politique du régime, répondant, par son caractère « pompier », aux goûts du public des petits-bourgeois ; un art qui faisait rétrograder l'histoire de plus de trente années, un art qui tuait tout ce qui était vivant, un art voisin de la camelote, dont les produits — quand ils n'ont pas été détruits — ont silencieusement disparu dans les débarras, alors que ceux de l'art véritable, qualifié de « dégénéré », étaient offerts à l'étranger à vil prix pour obtenir des devises.

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HITLER CET INCONNU 10. Rapports de Hitler avec la musique, la danse, ses insuffisances en littérature. La musique, comme l'art, joua un rôle capital dans l'existence de Hitler, bien qu'il ne jouât d'aucun instrument. Ayant constaté, quand il était choriste, qu'il chantait mal et faux, il n'essaya plus de le faire. A Vienne, il fit connaissance avec l'opéra et l'opérette ; il continua d'aimer la Chauve-souris et la Veuve joyeuse de Lehar et garda en mémoire beaucoup de noms de musiciens de l'époque, preuve de la force des impressions qu'il reçut alors. La musique de chambre ne lui disait rien. Il n'eut pas d'affinité avec Bach et Beethoven, même pas avec la musique des siècles précédents qui, justement au moment de ses années de formation, suscitait un intérêt de plus en plus vif. Toutes ses préférences allaient à l'opéra. Mozart, autant qu'on puisse le savoir, ne signifiait pas grand-chose pour lui ; il appréciait le Freischütz de Weber, également la Bohême et Madame Butterfly de Puccini, Aïda de Verdi, Tiefland d'Albert et tel ou tel opéra de Richard Strauss. Il ne tirait rien de Schumann, Brahms, Reger — pour ne nommer que quelques auteurs du XIXe siècle — et ne s'intéressa qu'occasionnellement à Bruckner. Le compositeur qu'il aima par-dessus tout fut toujours Richard Wagner qui le fascinait autant par ses thèmes et sa philosophie que par sa musique. Peu d'auditeurs des festivals de Bayreuth le dépassèrent dans l'intensité de l'abandon. « Quand j'entends Wagner, il me semble percevoir le rythme du monde antérieur !» déclara-t-il à son entourage (25-26/1/1942). Il existait au Berghof une large collection de disques et des phonographes de grande qualité, mais il en faisait rarement usage. Durant la guerre, il se priva complètement de ce plaisir. Dans la danse, il voyait, comme dans la musique, un des tout premiers moyens d'expression de la culture d'un peuple. II admirait les grandes ballerines à condition qu'elles restassent « musicales » et ne se livrassent pas à des acrobaties, sentiment qui devait remonter à sa période viennoise. Il n'avait aucun goût pour l'art chorégraphique moderne qui s'écarte de toutes les manières possibles du ballet traditionnel. D'une représentation 69


HITLER CET INCONNU de l'Opéra de Berlin, il emporta l'impression qu'il s'agissait de philosophes dansants dirigés par une femme très intellectuelle. Goebbels tenta de l'intéresser en lui montrant Gret Palucca, fameuse depuis les années 20. Il trouva que ce n'était plus de la danse au véritable sens du mot mais des bondissements désordonnés. Son idéal — remontant toujours au XIXe siècle — resta celui de la ballerine gracieuse, éthérée, paraissant planer, dont les évolutions ne poursuivaient d'autre but que celui de réjouir les yeux. Une autre remarque est à faire : Hitler apparentait le chef d'orchestre au meneur de foules, de même qu'il associait l'architecte à l'homme d'Etat. En 1926, a-t-il raconté, il fut amené à dire à ses auditeurs de Weimar, le contraire de ce que ceux-ci s'attendaient à entendre, et il apprit alors qu'il fallait opérer « avec habileté, avec lenteur, tout à fait à la manière d'un grand artiste » (Conversation 49). Pour devenir le grand séducteur jouant beaucoup mieux de la flûte de la suggestion collective que le fameux preneur de rats de Hameln, Hitler n'avait pas besoin de la Psychologie des Foules de Le Bon, ni de la Sociologia generale de Pareto, ses dons naturels, l'exemple des chefs d'orchestre et, surtout, une expérience pratique qui ne cessa de croître, lui suffisaient. S'il y a beaucoup à dire sur les rapports de Hitler avec l'art et la musique, l'inventaire demeure très réduit en ce qui concerne sa formation littéraire. Des classiques allemands il ne possédait que la connaissance acquise à l'école ou sur la scène — on s'étonne de trouver aussi peu de citations et de « mots ailés » dans ses discours. « Pour la poésie, en particulier pour la poésie lyrique, Hitler n'avait aucun sens (von Hasselbach). » Lire des romans constituait, pour lui, une perte de temps. Il s'exclut donc ainsi délibérément d'un des domaines les plus importants de la pensée allemande, et il ne profita pas de la possibilité de s'instruire sur les problèmes intellectuels de la première moitié du XXe siècle.

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HITLER CET INCONNU 11. Mémoire et savoir, ardemment développés mais toujours avec violence, ce qui le fit rester un autodidacte. Hitler possédait une mémoire stupéfiante, capable de retenir avec précision même les choses les plus banales et d'entasser tout ce qui lui était passé devant les yeux : ses maîtres et ses condisciples, les personnages des récits de Karl May, le nom de l'auteur d'un livre lu une seule fois, même la marque de la bicyclette utilisée par lui en 1915. Il se souvenait exactement des dates de sa carrière politique, des restaurants où il avait pris un repas, des rues qu'il avait parcourues. Il ne se vantait pas de cette qualité mais la jugeait toute naturelle. Il avait plus particulièrement la mémoire des chiffres. Aussi les officiers qui fui présentaient des rapports devaient-ils apporter la plus grande attention à ne pas entrer en contradiction avec des chiffres donnés précédemment, car Hitler s'emportait aussitôt, pensant qu'on voulait le tromper. Cette mémoire, un labeur acharné et un très fort pouvoir de concentration permirent à Hiler d'amasser, au long des années, un savoir dont l'ampleur ne cessait de susciter l'étonnement et, il faut le dire, l'admiration de ses auditeurs. Pour cette seule raison, Hitler tenait le grand premier rôle dans les conversations autour de la table, car, quel que fût le sujet abordé, il avait toujours quelque chose à dire. Si un point demeurait douteux, une consultation de l'encyclopédie montrait ordinairement qu'il avait raison. Afin de mettre de l'ordre dans ses idées, il pouvait arpenter sa chambre — parcourant des kilomètres, a-t-il dit lui-même. Mais il avait encore besoin de mettre ses réflexions pour ainsi dire « au propre ». Les réunions autour de la table lui procuraient — en plus d'une détente — l'occasion de le faire. Il saisissait un mot, prononcé par lui — ses auditeurs ignoraient ce qui l'occupait à ce moment — pour se lancer dans un véritable « cours ». Pour ordonner ses idées, il ajoutait souvent « premièrement », « deuxièmement », etc. Mais il lui arrivait fréquemment de se laisser aller à des digressions. Aussi ses propos présentent-ils tant de coq-à-l'âne qu'ils paraissent manquer complètement de logique. Cependant, il ne perdait jamais de vue 71


HITLER CET INCONNU son objectif. Ses déductions aboutissaient donc, après bien des détours, à la conclusion qu'il s'était fixée et que l'auditoire approuvait pleinement, cela va de soi. Jamais Hitler ne s'est astreint au raisonnement purement logique auquel l'Eglise catholique entraîne ses prêtres, et l'état-major général, ses officiers. Même pendant la guerre Hitler trouva le temps de lire. Il parla, à table d'une Histoire de l'Humanité que lui avait procurée Bormann, d'un ouvrage de Franz Petri sur le Legs germanique en Wallonie et en France septentrionale qui l'avait beaucoup intéressé, et d'une Histoire de la Hanse de Karl Page!. Il se fit procurer par le général Scherff les quatre petits volumes contenant les discours de Guillaume II, pour savoir comment celui-ci parlait au peuple. Il se croyait aussi « tenu de parcourir régulièrement les principaux journaux et périodiques allemands (von Hasselbach) ». Comme le montrent ces exemples, ses lectures n'eurent rien de systématique et furent surtout le fruit du hasard. A l'automne 1944 les médecins soupçonnèrent que les altérations inquiétantes de sa santé étaient la conséquence non pas de l'attentat du 20 juillet, mais d'un lent empoisonnement par la strychnine : avant d'en parler avec eux, il essaya de se faire une idée propre en consultant des ouvrages médicaux. D'une façon générale, il aimait étudier par lui-même les questions contestées, aussi conservait-il, même dans sa chambre à coucher, un fonds d'ouvrages de base. Sans nul doute, la méfiance demeurait toujours éveillée chez cet homme qui ne se fiait pleinement à personne. Il a déclaré, selon le professeur von Hasselbach que « pas un seul jour ne s'écoulait sans qu'il étudiât quelque livre important ». Il le faisait tard dans la nuit ou au petit matin, seuls moments où il se retrouvait seul. Il était impossible, dit encore le témoin, qu'il lût ce livre page par page, mais le mot « étudier » n'était cependant pas une expression de complaisance, car il comprenait et retenait effectivement l'essentiel de l'ouvrage. Hitler a déclaré lui-même qu'il lisait le livre à l'envers, comme font beaucoup de gens, afin de s'assurer que le contenu était intéressant. Si ce n'était pas le cas, il rejetait l'ouvrage ou bien ne poursuivait la lecture que pour polémiquer avec l'auteur. Comme il 72


HITLER CET INCONNU était inébranlablement convaincu que ses idées étaient justes, il ne pouvait être question d'examiner objectivement le texte, de le méditer, de le soupeser calmement. Aussi serait-il inutile d'essayer de dresser la liste des livres qu'il lut (1). Pour la plupart des gens on peut dire qu'ils ont adopté la pensée de tel ou tel maître ou auteur, subi telle ou telle impulsion, c'est impossible dans le cas de Hitler à cause de sa façon de lire ; on peut tout au plus parler de voisinage spirituel. On aurait pu penser que cet homme qui dévorait les livres pour accroître ses connaissances aimerait à entendre des maîtres qualifiés de la vie intellectuelle, à s'entretenir avec eux. Pas du tout, il ne se fiait qu'à lui. Il a dit, par exemple (28/1/1942): « Je réfléchis souvent aux causes de l'écroulement du monde antique. » Il aurait pu convoquer deux ou trois spécialistes pour en discuter avec eux, ce qui lui aurait permis non seulement de connaître le dernier état des recherches mais aussi de choisir les arguments qui lui eussent paru les meilleurs — comme le fit Guillaume II. qui savait écouter, pour rompre la monotonie de son exil. Mais Hitler avait sur tout des idées bien arrêtées et prenait immédiatement la direction de la conversation pour les exposer à son interlocuteur ou simplement pour les renforcer à ses propres yeux. Essayons de sonder cet extraordinaire savoir acquis grâce à sa mémoire exceptionnelle. L'école ne pouvait lui fournir un bagage bien considérable et, à l'époque de Vienne, il lut absolument au hasard ; il acquit ses connaissances dans des conversations, des articles de journaux et de revues, des brochures, des livres qu'on lui prêta occasionnellement. Il n'avait pas assez d'argent pour en acheter et s'il avait pu le faire, il s'en serait probablement procuré de valeur douteuse, car il n'avait personne pour le conseiller avec pertinence. Jusqu'à l'âge où il devint soldat — vingt-cinq ans — il n'eut jamais l'occasion de discuter avec quelqu'un de vraiment cultivé, n'eut jamais sous les yeux un exemple de construction méthodique de la pensée, par questions et réponses ordonnées. (1) Notons simplement sa déclaration du 21 mai 1942 que « dans sa jeunesse, les deux auteurs qui l'avaient le plus intéressé étaient (Fridtjof) Nansen et Sven Hedin ».

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HITLER CET INCONNU Le savoir avec lequel Hitler devint soldat et — sans l'avoir sensiblement accru — s'engagea dans la politique après la défaite, fut donc uniquement celui d'un autodidacte. On peut, à bon droit, qualifier d'étonnantes la ténacité et l'ardeur avec lesquelles il acquit ses connaissances, mais il souffrit jusqu'à la fin des désavantages que comporte ce genre d'instruction. Quand il eut pris le pouvoir, il n'était plus possible, selon von Hasselbach, de le faire revenir, par des arguments, sur la position adoptée par lui. « Une argumentation apaisante pouvait, en pareil cas, être très mal prise et aboutir à un effet contraire en raidissant encore des idées préconçues. » La conclusion est donc la suivante : à cause de sa mémoire et de ses lectures effrénées, Hitler possédait des connaissances d'une ampleur étonnante, mais elles conservaient un caractère désordonné, arbitraire, dû à sa formation autodidacte et qui ne changea pas parce qu'après son élévation Hitler ne se prêta pas à des discussions avec des spécialistes, dans sa conviction d'en savoir plus que quiconque même dans le domaine intellectuel. Il en résulte l'image d'une construction à colombages, élevée — faute de moyens — avec du bois à très bon marché et agencée — faute de conseils qualifiés — au petit bonheur ; pour remplir les intervalles, le constructeur prit des pierres là où il en trouva, vieilles ou neuves, trop grosses et mal taillées, encore solides ou déjà effritées, absolument au hasard. Il ne changea pas de méthode quand il eut la possibilité de se procurer les meilleures pierres ; il ne remplaça même pas le sapin qui s'était fendu entre-temps, car il avait la certitude que la conception de base était bonne et que la construction avait tout au plus besoin de quelques petites annexes. On peut même comparer Hitler à un collectionneur de pierres précieuses qui, ayant commencé par exemple avec des pierres vertes, cherche ardemment à agrandir sa collection mais en restant fidèle à cette couleur même quand il dispose de pierres de tous les tons parce qu'il est devenu, entre-temps, trop entêté pour exploiter cette chance. Chez lui, la soif d'apprendre se combina avec la rigidité intellectuelle et la présomption. Les Propos de table montrent bien les mauvais côtés de cette 74


HITLER CET INCONNU présomption. Elle lui fit accepter les nouvelles les plus insensées sans le moindre esprit critique. Par exemple, le 7 juillet 1942, on lui annonça que 95 %, voire 99 % des « putschistes » arrêtés lors des troubles de Serbie, avaient été condamnés antérieurement. 11 ne demanda pas comment on avait pu aboutir aussi vite à une telle constatation, car elle ne provenait certainement pas d'un aveu des « putschistes » eux-mêmes, et l'administration serbe eût été bien en peine de fournir le renseignement même dans le tiers des cas seulement. Hitler déclara pourtant que ce pourcentage ne l'étonnait pas, qu'il confirmait l'opinion qu'il s'était faite sur les révolutionnaires allemands de 1918-1919. Il était également convaincu qu'un officier suisse, qui présentait objectivement les événements de la guerre, avait été dépouillé de son grade pour cela (5/7/1942). Dans l'idée qu'il se faisait de l'Eglise catholique, il accepta facilement la nouvelle que Franco avait, par une loi, accordé les honneurs militaires dus à un maréchal à sainte Tununcisla, parce que, durant la guerre civile, elle avait protégé les « Blancs » à Ségovie. L'encylopédie, ordinairement consultée, restait muette sur cette sainte, mais n'importe quel hispanisant aurait pu lui dire qu'il n'avait jamais existé de sainte avec un nom si peu espagnol. 12. Hitler et l'Histoire. « Celui qui n'a aucun sentiment pour l'Histoire est comme un homme privé de l'ouïe ou de la vue ; il vit, mais quelle vie est-ce là? » demanda Hitler, le 27 juillet 1941. Cela peut paraître une paraphrase du mot de Gœthe selon lequel on reste un sot toute la vie si l'on ne tient pas compte de ce qui s'est passé depuis quatre millénaires, mais c'est un pur hasard, car Hitler n'avait aucun rapport étroit avec Gœthe. Sans aucun doute, Hitler pensait « historiquement, il se plaçait, lui et son œuvre dans l'Histoire, trouvait dans le passé la justification et l'annonce de ses actes et de ses projets. Comment voyait-il les temps passés. D'après les résultats de la recherche historique ou arbitrairement ? En étudiant ses jugements on obtient le tableau suivant : 75


HITLER CET INCONNU Il ne possédait manifestement aucune connaissance correcte de la préhistoire dont le déroulement général et une chronologie assez précise furent établis au x i x e siècle. Il se demandait si, d'après la mythologie grecque et germanique, on ne devait pas conclure qu'une catastrophe naturelle avait fait disparaître une humanité extrêmement évoluée (25-26/1/1942). L'objection que l'archéologie n'en découvrait pas trace, il la balayait en déclarant que le métal est plus éphémère que la pierre et que. d'autre part, cette civilisation avait pu exister dans des régions aujourd'hui recouvertes par l'océan. Ces idées ne lui étaient pas particulières, mais une seule conversation avec un chercheur sérieux lui aurait appris qu'il s'agissait de spéculations complètement dépourvues de base, dérivées d'une « aurea aetas » imaginaire et du mythe de l'Atlantide. Comment nous l'avons déjà dit à propos de ses jugements artistiques, Hitler, néo-classique, ne partageait nullement le culte nourri par la plupart de ses satellites pour les anciens Germains. Le 7 juillet, il déclara : « A l'époque où nos ancêtres fabriquaient ces auges de pierre et ces cruches d'argile, dont nos préhistoriens font tant de cas, on construisait une acropole en Grèce. » Il pouvait donc rendre hommage à la grandeur de la culture antique et à l'œuvre politique des Romains, en disant : « Les peuples méditerranéens furent les facteurs de la civilisation non seulement dans les millénaires qui précédèrent la naissance du Christ, mais aussi dans celui qui la suivit (7/7/1942). » La décadence du monde antique constituait le modèle de la situation qu'il voulait justement éviter. « Je réfléchis souvent aux causes de l'écroulement du monde antique », dit-il le 28 janvier 1942. Dans la même conversation, il en énonça la cause principale : la dégénérescence de la classe des maîtres qui eut de moins en moins d'enfants et la prolifération des esclaves. Ce n'étaient pas les Huns et les Germains qui avaient détruit l'Empire romain, déclara-t-il une autre fois, mais le christianisme, qui exerça alors un effet aussi destructeur que le bolchevisme de nos jours — variante d'une thèse présentée par Edward Gibbon au XVIIIe siècle et maintes fois débattue depuis. Le danger permanent était, pour lui, une submersion de l'Europe par les peuples asiatiques, comme cela s'était produit à 76


HITLER CET INCONNU l'époque des Huns et des Mongols, et ce danger eût été avivé par le bolchevisme s'il n'avait pas endigué celui-ci (discours de 1942). Sur le problème slave qui en découlait, il n'avait que des idées de profane : il faisait descendre les Bulgares des Turkmènes, et les Tchèques de tribus mongoles à cause de leur aspect physique — c'était là, du point de vue de l'historien, des stupidités mais personne ne le contredisait, non pas, dans ce cas, par lâcheté, mais par simple ignorance. Au Moyen Age, le danger venant de l'est avait été conjuré par les « empereurs allemands » (disait Hitler, méconnaissant ainsi le problème fondamental de la première histoire allemande). A leur tête, il plaçait Charlemagne. Dès avant la guerre, dans un discours prononcé à Erfurt, il fit justice de l'accusation d'être un « massacreur de Saxons » portée contre le grand Franc par Himmler et d'autres « éminences » avec le puissant soutien d'historiens indignes d'être pris au sérieux. Dans les Propos de table, des expressions élogieuses accompagnent ordinairement le nom de Charlemagne. Hitler admirait aussi les successeurs du Franc, parce que, à ses yeux, ils avaient détenu la puissance mondiale, sans contestation, durant cinq cents ans. « L'histoire des empereurs constitue la plus grande épopée — avec celle de la Rome antique — que le monde ait connue (4/2/1942). » Les empereurs avaient été d'une envergure « indubitablement tout autre que celle du petit propriétaire terrien que fut Henri le Lion ». C'était également un divorce d'avec les camarades du Parti qui présentaient Henri le Lion comme un modèle pour la colonisation de l'est. Hitler jugeait naturel que, dans les circonstances du moment, les empereurs se fussent dirigés vers le sud et non vers l'orient. Il voyait également un avantage — contrairement à l'opinion générale — dans l'élection de l'empereur. A son avis, la monarchie héréditaire conduisait forcément à la dégénérescence. A cet égard, l'empire médiéval se présentait plutôt comme une république, quoique de conception germanique (et, pourrait-on ajouter, comme une première forme du « Führerstaat »). Occasionnellement, Hitler reconnut dans la papauté une organisation grandiose (31/3/1942), mais, bien entendu, à cause de 77


HITLER CET INCONNU son germanisme extrême et de son anticléricalisme il était contre la Rome médiévale. Du point de vue culturel, il considérait l'époque du IIIe au XVIIe siècles comme rétrograde parce que l'Eglise, uniquement animée par son appétit de puissance, y restreignait l'esprit. De là, Hitler, à qui l'Eglise évangélique était encore plus étrangère que la catholique, en venait à approuver Luther en qui il voyait un grand homme, tout en lui reprochant de s'être arrêté à mi-chemin : après lui, son Eglise n'avait plus produit que des épigones (7/4/1942). Dans sa conception biologique, les guerres fratricides n'étaient pas à déplorer, car elles constituaient des phases nécessaires de 1' « accomplisement des peuples ». Le peuple allemand était le produit de la force, d'idées antiques et du christianisme (31/3/1942). Hitler encensait Rodolphe de Habsbourg pour s'être créé un fief à l'est, avoir vaincu Otakar de Bohême et restauré l'unité de l'Empire (23/4/1942). Il trouvait des mots encore plus élogieux pour son successeur qui avait « vraiment de très grandes qualités » (5/4/1942). Il fallait être reconnaissant à la monarchie des Habsbourg pour avoir maintenu l'esprit allemand alors que l'Empire se disloquait par le jeu des intérêts dynastiques. Le fait qu'il fût né en Autriche, qu'il y grandit, qu'il acquit ses premières impressions décisives dans la capitale impériale de Vienne, le marqua pour la vie. Mais il s'arracha volontairement à toute préférence et il reconnaissait que, dans le conflit fratricide, la Prusse avait finalement vaincu et rénové l'Empire. Il va de soi que, parmi les Hohenzollern, Frédéric-Guillaume I o r , ce « taureau d'absolutisme » lui plût particulièrement à cause de la rigueur de ses méthodes d'éducation. Il s'accrochait au modèle que Frédéric le Grand constituait pour lui, et cela d'autant plus qu'il comparait sa situation avec celle où s'était trouvé ce roi avant un retournement providentiel du sort. J'ai moi-même démontré ailleurs (1) la fausseté de cette comparaison. Au XIXe siècle, son grand homme était naturellement Bismarck, mais nous ne garantirions pas qu'il se soit efforcé de tirer des (1) Cf. mon Introduction au Journal de Guerre de l'O. K. W.

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HITLER CET INCONNU leçons des discours et écrits de son idole. Pourtant, quel profit il eût pu en tirer ! De son expérience personnelle il retint surtout la « politique d'encerclement » imputée à l'Angleterre, la France et la Russie, de 1904 à 1907. Il dut lire de nombreux articles à cette époque, la presse « nationale » étant imbue de cette crainte. Il connut certainement le livre du général von Bernhardi (l'Allemagne et la prochaine Guerre), paru en 1912, qui conseillait de faire sauter l'anneau par une guerre préventive avant qu'il se refermât. Quand il fut devenu « Führer des Grossdeutschen Reichs », intervenir à temps pour prévenir une menace analogue constitua une des idées directrices de sa politique. Là, il avait « appris » directement de l'histoire, mais, comme pour celle avec Frédéric II, l'analogie était fausse. Ce fut luimême qui, en sortant des frontières établies, forgea l'anneau qui, finalement, l'étouffa. Que les hommes ne tirent aucune leçon de l'Histoire est néfaste, mais qu'ils en tirent de fausses est autrement plus grave. On s'aperçoit partout que les connaissances historiques de Hitler si détaillées qu'elles fussent, restaient désordonnées, non « digérées », celles d'un autodidacte. On peut cependant distinguer des phases dans son concept de l'Histoire. Les Héros et le Culte des héros, de Carlyle, parut en 1841. A l'automne 1842, le roi Louis I e r de Bavière consacra, à Ratisbonne, le « Walhalla », temple destiné à recevoir le buste de tous les grands Allemands. Jusqu'au début du xx° siècle, toute l'histoire s'écrivit en partant du principe : « L'Histoire est faite par les hommes », et Guillaume II fut largement approuvé lorsqu'il fit border la « Siegesallee », au Tiergarten de Berlin, par les statues des Hohenzollern. A partir de 1900 — les progrès de la psychologie aidant — le principe fut remis en question, notamment par Karl Lamprecht. La Première Guerre mondiale acheva de le démolir, car l'Histoire dépassa tant les hommes qu'aucun d'eux — Lénine excepté — ni parmi les vainqueurs, ni parmi les vaincus, ne fut crédité de l'avoir faite. Désormais, en écrivant la biographie des grands personnages — la littérature sur Bismarck le montre bien — on s'attacha à chercher où leur œuvre était 79


HITLER CET INCONNU demeurée incomplète, là où ils avaient échoué, ce qu'ils voulaient, s'ils restaient d'actualité ou avaient déjà été dépassés. Mais, si ce n'étaient les grands hommes, qui donc déterminait l'Histoire ? Dès le xix 5 siècle, on se mit à étudier méthodiquement l'histoire sociale et économique pour voir dans quelle mesure Karl Marx avait raison. D'autre part, la recherche s'orienta aussi vers la puissance des idées. En 1908, Friedrich Meinecke publia le Cosmopolitisme et l'Etat national. De ce seul fait, la « Siegesallee » de Guillaume II devint la relique d'une époque révolue, non seulement du point de vue artistique mais aussi de celui de la nouvelle conception historique, car, dès 1900, on ne croyait plus aux hommes « qui font l'Histoire ». Si l'on analyse les idées de Hitler dans ce domaine, on constate qu'il n'apprit rien de tout ce qu'apportèrent les chercheurs en élargissant leur horizon à partir de 1900, mais qu'il garda la conviction qui avait conduit Louis I n r à offrir au peuple allemand le « Walhalla », temple de la gloire, dédié aux chefs d'armées, aux hommes d'Etat, d'Arnim à Bismarck, en même temps qu'aux maîtres de la pensée et de l'art. L'apparentement est manifeste entre cette conception et le « Führerprinzip » par lequel Hitler entendait triompher de la démocratie. Cependant, croire que l'Histoire l'amena à cette idée serait erroné. Le processus fut plutôt inverse : parce qu'il préconisait le « Führerprinzip », il en chercha les avantages dans l'Histoire et, parce qu'il crut reconnaître dans celle-ci que tout allait mieux pour les peuples quand ils étaient fermement conduits, il appliqua le principe avec encore plus de force. Dans le tableau qu'il se faisait, il plaçait donc au premier plan les grands événements déterminés par les grands hommes. Cependant, en opposition avec l'époque où l'attention se concentrait sur les guerres, les traités, les actions d'Etat, Hitler croyait le déroulement de l'Histoire prédéterminé de deux façons : d'abord par la géopolitique qui faisait une nécessité des conflits de puissance, thèse à laquelle le livre de Rudolf Kjellen, les Grandes Puissances du présent, qui connut de nombreuses éditions à partir de 1914. avait donné beaucoup de résonance, ensuite par l'idée, tirée de Darwin (sur laquelle nous reviendrons) que. même dans la lutte entre les peuples, c'est le droit du plus fort qui l'emporte. 80


HITLER CET INCONNU Des propos tenus par Hitler sur les autres peuples, nous retiendrons seulement ici sa tendance à apprécier leur grandeur d'après leur teneur en sang allemand. Pour lui, la classe dirigeante anglaise émanait des Bas-Saxons, et la masse des soldats engagés par l'Angleterre dans ses guerres était d'origine allemande. Les Etats-Unis avaient été créés en partie avec du sang allemand, et leur technique fleurissait parce que ses fondateurs étaient presque tous de souche souabe-alémanique. Parmi les Lombards, on reconnaissait encore aujourd'hui, d'après lui, une forte influence allemande. Les Allemands, encore, avaient aidé les tsars à étendre leur empire. Même Ataturk, « homme aux yeux bleus, n'ayant rien de commun avec les Turcs », il était prêt à l'annexer comme crypto-germain. Hitler voyait dans ces faits une preuve de sa thèse selon laquelle le peuple allemand était, lui aussi, capable de prendre une position mondiale : « Toutes les mesures organisatrices prises par lui chez les autres peuples s'inspirent de cette poussée inconsciente vers un élargissement de sa position de puissance » (discours de 1942). Tant qu'il ne s'agit pas de vérités banales, aucun des Propos de table concernant l'Histoire ne doit être accepté sans réserve. Dans la mesure où ils ne sont pas faux, il faut les considérer comme « louches » ou « distordus ». Ne commettons cependant pas la faute de donner une mauvaise note comme après un examen scolaire. Le degré de solidité des connaissances historiques de Hitler ne doit jouer aucun rôle dans l'appréciation de sa personnalité. Après tout, beaucoup d'hommes politiques n'ont rien su de l'Histoire, même de faux. Mais il faut retenir la sûreté apodictique avec laquelle il exposa ses thèses devant un auditoire complaisant, voire admiratif, car elle permet de voir dans quelle mesure ses idées étroites sur le culte des héros et la suprématie de la race allemande, formées sans conseil qualifié, jamais vérifiées par des discussions avec des spécialistes, influencèrent ses actes ; ce n'était pas de la science morte qu'il amassait, mais un explosif d'une force effroyable.

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HITLER CET INCONNU 13. Rapports de Hitler avec la médecine et les sciences naturelles, particulièrement la biologie : pseudo-darwinisme. Hitler n'était pas superstitieux et il a parlé de « la charlatanerie des horoscopes » (19/7/1942) auxquels croyaient tant de membres du Parti à commencer par Himmler et Hess. Il recommandait seulement d'éviter les mesures ayant quelque rapport avec le chiffre treize pour ne pas éveiller des craintes chez les hommes toujours attachés aux superstitions. Le professeur von Hasselbach atteste qu'il possédait, en médecine, des connaissances supérieures à la moyenne. « Il se faisait tenir au courant des plus récents progrès et réclamait de la littérature à ce sujet. Cependant, il ne hasardait aucun jugement devant le praticien et n'essayait pas d'influencer ses décisions. II voulait seulement en connaître les raisons, l'efficacité des médicaments, etc., d'une façon aussi précise que possible. En partant de cette attitude critique, il répudiait toute charlatanerie en ce qui concernait sa personne, mais louait les succès de la médecine scientifique ; en particulier, il prisait beaucoup celui qui fut remporté durant la Première Guerre mondiale dans la lutte contre les épidémies par des inoculations préventives. Sur d'autres points il avait des idées préconçues dont on ne pouvait le faire revenir ; il croyait, par exemple, que l'homme était, de nature, végétarien, et qu'une alimentation végétarienne le rendait plus capable d'efforts qu'une alimentation mixte. » S'il s'intéressait tant à la médecine, c'est que tout dépendait de sa santé. Quand une question le préoccupait, il essayait de la résoudre lui-même avec les ouvrages spéciaux qu'il avait sous la main, comme dans le cas de la jaunisse qu'il eut à l'été 1944. Même dans ce domaine, où les profanes se fient d'habitude au médecin, il avait ses opinions en propre. Il tenait le cancer — comme il l'exposa à son auditoire le 27/3/1942 — pour la conséquence d'un empoisonnement latent de l'organisme ; peutêtre était-il provoqué par une alimentation défectueuse. Le firmament étoilé l'impressionnait, mais pas du tout le clair de lune. Il s'intéressait à l'astronomie et donnait comme des thèses assurées ce qu'il avait lu : les cratères lunaires provenaient 82


HITLER CET INCONNU de la chute de gros météorites ; la terre n'était pas la seule planète habitée, etc. Il avait beaucoup lu sur les sciences naturelles, mais, là encore, ses connaissances demeuraient celles d'un autodidacte, et il ne prit jamais la peine de consulter un spécialiste. Celle qui l'attirait le plus, qui influa sur sa philosophie et, par conséquent sur sa politique, fut naturellement la biologie. Pour n'importe quel autre, on se demanderait quel fut le maître mais, là encore, il est impossible de le rattacher à une école de pensée. Il partait des lois sur l'hérédité de Gregor Mendel, universellement acceptées vers 1900, mais s'y maintint de façon rigide, sans se soucier de ce que les études entreprises sur les mutations à partir du début du siècle, avaient conduit à modifier dans l'idée originelle. Son autre témoin principal fut Charles Darwin dont il apprit la doctrine dans l'édition populaire faite vers la fin du X I X E siècle et il l'amalgama bien vite avec la théorie qui cherche à justifier, en politique, l'action du fort contre le faible. Comment les petits peuples eussent-ils pu se plaindre d'être violentés par les grands, puisque c'était un processus général dans la Nature ? En plus de cette doctrine de la « sélection naturelle dans la lutte pour l'existence », Hitler pouvait encore se servir du principe biologique de la « sélection génésique », d'après lequel la femelle est poussée vers le mâle le plus fort, et où, dans l'accouplement, le meilleur et le plus fort s'impose, car cela permettait d'accorder les rigides lois de l'hérédité avec le désir de créer une race meilleure. Il en découle l'idée d ' « évolution » qui domina toute la pensée de Hitler. N'est justifié, raisonnait-il, que ce qui est conforme au processus naturel, car la Nature a tout produit, on ne peut donc faire mieux que d'obéir à ses lois. Il en déduisait que la bicyclette était très bien, mais que le zeppelin était mal construit et qu'il fallait modifier la forme des navires (2/6/1942). « De même que l'oiseau représente un plus haut degré d'évolution que le poisson volant, le bateau est une préfiguration de l'avion. L'avenir appartient à l'avion », déclara-t-il encore (3/7/1942). Cette pensée de l'évolution le préoccupait tant qu'il disait souffrir souvent de vivre 83


HITLER CET INCONNU à une époque où on ne pouvait encore s'imaginer le monde futur. L'homme aussi était soumis à l'évolution. L'éducation devait donc veiller à orienter cette évolution dans la bonne voie et chercher à éliminer tous les facteurs menaçants. Ce devait être la tâche de la Jeunesse hitlérienne et du corps enseignant — à améliorer — pour les jeunes, de l'éducateur politique, en particulier de l'homme d'Etat, pour les adultes. Mais, à ses yeux, cela ne suffisait pas. « II n'y a pas un être, pas une substance, ni aucune institution humaine qui ne dégénère quelque jour... L'acier le plus dur s'avachit, les éléments assemblés se désagrègent (24/10/1941). » Cette issue fatale pour l'homme, la « mort raciale », ne peut être retardée que par l'endurcissement. Le plus fort vainc et se trouve justifié de ce fait. C'est d'ailleurs très bien ainsi, car cela permet l'amélioration des conditions d'existence des survivants. Le peuple qui répond à ces lois, reçoit mission, par la Nature, de se multiplier, mais il se heurte alors au manque d'espace vital. S'il essaye d'agrandir celui-ci par la force, il en a le droit ; l'intention de la Nature est bien de contraindre au combat pour renforcer le valeureux et le conduire à la victoire. Dès le 28 janvier 1942, il avait donné cette formule : « D'après la loi éternelle de la Nature, le sol appartient à celui qui le conquiert, parce que les anciennes frontières n'offrent plus assez de place à l'accroissement du peuple. » Rien que pour cette raison, le fort doit mettre beaucoup d'enfants au monde, cela crée de la misère et oblige à agir pour écarter le danger de la mort raciale. Que l'un dévore l'autre est effroyable, mais c'est ainsi (1/12/1942). L'idée fondamentale fut exprimée le 5 juillet 1942 : « II était un chaud partisan de la thèse selon laquelle, dans le combat des peuples, c'est toujours le meilleur qui remporte la victoire. A son avis, toutes les lois de la Nature seraient renversées si le médiocre l'emportait sur le plus fort. » Frédéric le Grand pensait déjà que la supériorité numérique était le facteur décisif : « Dieu est du côté des gros bataillons. » Si Hitler l'avait également pensé, il aurait compris que cette supériorité numérique était contre lui à partir de l'entrée en lice de la Russie ou, au plus tard, de celle des Etats-Unis, supériorité 84


HITLER CET INCONNU à laquelle s'ajoutait celle de la fourniture en matières premières et de la capacité industrielle. Mais — simplifiant effroyablement — il opposa l'affirmation que, dans la Nature, l'espèce la plus forte l'emportait constamment sur la faible, que, dans la lutte entre les hommes, celui qui était supérieur par le caractère triomphait toujours. De même qu'on peut être certain que le chien l'emporte sur le lièvre et le lion sur la gazelle, Hitler prédisait avec la même certitude la victoire des Allemands sur leurs adversaires de valeur inférieure. Ainsi — logiquement, avec l'assurance scientifique — Hitler assembla-t-il les maillons de cette terrible chaîne d'événements qui menaça toute l'Europe et entraîna finalement l'Allemagne à l'abîme. Que les conclusions d'un penseur aussi probe que Darwin, atteintes par des recherches exactes, aient pu servir à légitimer une politique de violence, ne constitue pas un fait isolé : dès qu'une découverte est connue elle échappe à son auteur, sert à des buts tout autres que ceux envisagés par lui et peut devenir dangereuse pour l'humanité. Les spéculations pseudo-darwiniennes ont joué un rôle plus ou moins important dans toutes les polémiques politiques des nations civilisées depuis le X I X E siècle, A cet égard, Hitler ne manqua pas de prédécesseurs, mais aucun d'entre eux ne tira jamais aussi impitoyablement les dernières conséquences de prémisses biologiques pour les transformer en actes. Il est manifeste aujourd'hui qu'il s'agît d'un enchaînement de conclusions fausses, ayant pour origine une fausse analogie entre les processus naturels et la vie en commun des peuples. Elle se forgea dans la tête d'un homme qui dédaigna de se faire informer par des spécialistes sur ces processus et par des diplomates ou d'autres experts qualifiés, sur les qualités et les défauts effectifs des autres peuples. Plus les triomphes de Hitler s'enflèrent, plus il méprisa ceux qui, en réalité en savaient plus que lui, et il s'affermit encore dans sa doctrine pseudo-darwinienne. Militairement, il n'apprit rien de Stalingrad, premier acte de la catastrophe, qui survint six mois après la fin de la notation des Propos de table ; cette première défaite, pas plus d'ailleurs que les suivantes, ne l'incita à revoir sa doctrine à la lumière 85


HITLER CET INCONNU des faits. Quand les réalités se firent de plus en plus contraires à son attente, il s'accrocha encore plus à sa pseudo-conclusion biologique que le plus fort par le caractère devait vaincre. 14. Hitler et la philosophie. Son monisme religieux. D'après le professeur von Hasselbach. Hitler s'intéressa beaucoup aux grands philosophes et fut particulièrement attiré par Schopenhauer et Nietzsche : « Un exemplaire des œuvres de Schopenhauer l'accompagna durant toute la guerre de 14-18. » Les Propos de table en parlent seulement comme un modèle de style. On sait qu'il fit imprimer sur parchemin les œuvres de Nietzsche à l'intention de Mussolini, mais les livres ne parvinrent à Rome qu'après la chute de celui-ci. Mussolini faisait partie des nombreux admirateurs de Nietzsche qui l'ont lu et foncièrement mal compris ; dans la mesure où Hitler approfondit ses œuvres, on peut penser la même chose de lui. Il serait à vérifier qu'il en ait jamais fait une citation textuelle. Ce qui dut lui faire croire qu'il était en affinité de pensée avec lui, ce furent les titres : Par-delà le Bien et le Mal, La volonté de Puissance, qui paraissaient répondre à sa doctrine, sa conception du « bouleversement de toutes les valeurs », sa lutte contre le christianisme, son culte de l'instinct pur, sa vision du « surhomme », surtout sa condamnation de la morale courante. Quoi qu'il en soit, pour « décharger » Nietzsche devant l'Histoire, il faut faire une constatation négative : que Hitler ait lu Nietzsche peu ou prou, il serait devenu, de toute façon, ce qu'il a été, car Nietzsche ne fut jamais, pour lui, plus qu'un témoin faussement employé à la décharge du III e Reich. Il m'est impossible de découvrir toute autre trace d'influence de philosophe sur Hitler. Cela dégage la voie pour aborder le problème principal. Dans un esprit aussi fortement porté vers les sciences naturelles, il n'y avait pas de place, semblerait-il, pour des convictions religieuse et, comme Hitler s'écarta de l'Eglise, la combattit même, on pourrait penser qu'il fut complètement irreligieux. On se tromperait cependant. Le professeur von Hasselbach le définit : 86


HITLER CET INCONNU « Un homme religieux ou, tout au moins, cherchant la lumière religieuse. » Il appuie cette opinion en signalant que Hitler, avant la guerre, s'occupa fréquemment de problèmes religieux et qu'il reconnaissait pleinement la nécessité de la religion pour la population, particulièrement pour les simples. Contrairement à des hommes comme le grossier Martin Bormann, il ne considérait pas le Parti comme un substitut de l'Eglise et il ne voulait pas être déifié, comme Lénine, après sa mort. Il parla longuement de la possibilité de jeter un pont sur le dualisme confessionnel du peuple allemand en l'aidant à acquérir une religion plus conforme à l'essence de l'homme moderne. Mais il ne désirait pas être lui-même le réformateur et il cherchait des propositions convenables ; dans l'intimité, il critiquait les « dévots » qui attendaient des incitations de sa part. Dans son univers spirituel, Jésus ne tenait naturellement aucune place en tant que Rédempteur, mais il reconnaissait sa grandeur humaine. « Il voyait dans le Christ, dit von Hasselbach, un homme exceptionnel, dont les actes furent présentés dogmatiquement sur certains points importants au cours des siècles suivants par l'Eglise, dans le sens de ses propres intérêts, et transmis ainsi déformés. En tant que Galiléen, il était d'origine aryenne et, en dehors de sa valeur éthique, il faut l'admirer parce qu'il fut un génial meneur de peuple dans la lutte contre le pouvoir et les abus des pharisiens corrompus. » C'était une « apologie » naïve et arbitraire que d'autres avaient déjà prononcée mais aussi un divorce d'avec Arthur Drews qui avait ému l'opinion publique par ses deux livres (1909-1911) sur le « Mythe du Christ » où il contestait l'existence historique de celui-ci. Au mot de « Dieu », Hitler substituait celui de « Providence », né au XVIIIe siècle et propagé par le libéralisme religieux, ou bien il parlait tout bonnement de « force créatrice ». Les observations au téléscope ou au microscope révélaient les lois de la Nature : « On doit les accepter humblement (27/2/1942). » Lorsque Hitler attribua à la Providence son salut lors de l'attentat du 20 juillet, beaucoup de chrétiens durent y entendre un blasphème, mais il n'est pas douteux qu'il y crût fermement. Le 24 octobre 1941 (soir), il prit nettement position contre l'athéisme pur : « Il est de fait que nous sommes de faibles créatures, 87


HITLER CET INCONNU mais qu'il existe une force créatrice. Le nier est absurde. Celui qui croit à des choses erronées reste encore supérieur à celui qui ne croit à rien. » L'idée concrète qu'il attachait au mot de Providence provenait de ses conceptions biologiques : « Il n'y a donc qu'une chose à faire : étudier les lois de la Nature afin de ne pas agir contre elles, ce serait, autrement se soulever contre le firmament ! S'il me fallait croire à un ordre divin, ce serait celui-ci: entretenir l'espèce (1/12/1941). » Si l'on se demande à qui il faut attribuer cette façon de penser on ne peut, ici encore, nommer un auteur déterminé, mais seulement évoquer l'entourage spirituel d'où sortait Hitler. Il faut citer avant tout Ernst Haeckel, disciple de Darwin, apôtre de la « loi biogénétique » et auteur du livre des Enigmes du Monde, qui prétendait répondre à tout (1899), 1' « Alliance moniste allemande », fondée en 1906 sur ses principes, et son disciple Wilhelm Bösche qui, dans des livres beaucoup lus, essaya de faire admettre l'évolutionnisme comme doctrine fondamentale. Dans l'esprit de Hitler, cette croyance à la Providence se confondit de plus en plus avec son culte du moi. Il avait, a dit Alfred Jodl, « une foi quasi mystique dans son infaillibilité en tant que Führer de la nation et de la guerre » : d'après le Dr Brandt, il nourrissait la conviction d'être « un instrument de la Providence. Il était imbu du désir ardent de tout donner au peuple allemand et de l'aider à sortir de ses embarras. Il était obsédé par l'idée que c'était là sa mission et que lui seul pouvait l'accomplir. » Hitler utilisait aussi la Providence pour se rassurer lui-même et plus les faits parlaient contre lui, plus il l'invoquait. Un vieux dicton proclame : « La détresse apprend à prier », Hitler, dans son monisme rationaliste, le confirma. 15. La morale de Hitler et ses conséquences démoniaques. Les convictions religieuses de Hitler exercèrent une action considérable en ce qu'elles lui servirent à justifier ce qu'il entendait par le mot « morale ». Mais quels autres facteurs déterminèrent celle-ci ? 88


HITLER CET INCONNU Au début de la Première Guerre mondiale, Hitler ne possédait encore aucune expérience en ce qui concernait la conduite des hommes ; il en acquit les premières notions comme militaire. Il serait fructueux d'étudier dans quelle mesure ce fait continua à l'influencer, positivement et négativement, jusqu'à sa fin — en particulier le sentiment de « camaraderie » dont nous avons déjà souligné l'importance. Son premier modèle fut, en tout cas, le chef de compagnie qui, soutenu par la confiance de ses hommes mais réclamant d'eux l'obéissance absolue, agit avec fermeté conformément à sa mission et réagit instantanément devant une situation imprévue. Mais cette expérience militaire devint insuffisante dès qu'il entra dans l'arène politique pour s'y affirmer. Les Propos de table fournissent beaucoup d'indications précieuses sur les principes qu'il observa dans la constitution de son Parti, dans la lutte contre ses adversaires, dans l'acquisition d'une presse dévouée à ses ordres, dans ses tractations avec la Chancellerie avant la prise du pouvoir et, d'une façon générale, sur les premières années du mouvement (1). On peut y voir la façon dont il cessa d'être un « commandant de compagnie » pour devenir un « chef de mercenaires » à qui tous les moyens étaient bons pour atteindre son but et que le comportement de ses hommes ne préoccupait guère. Il livre parfois des détails révélateurs, par exemple sur les « trucs » utilisés dans les « bagarres de salle » et la diffamation systématique des femmes qui osaient mal parler du national-socialisme. Mais il en va ainsi, à un degré plus ou moins élevé, dans tous les partis qui se servent de la masse contre les masses. Bornons-nous à constater qu'à 1' « époque du combat », Hitler et ses « camarades » ne se conduisirent pas comme des « mauviettes » et que, après la prise du pouvoir, ils ne virent aucune raison de revenir à la morale civile ou militaire. Au cours de ces années de lutte, Hitler devint non seulement un nouveau « preneur de rats », mais il acquit une très grande expérience de la façon dont il convenait de traiter ses ennemis (1) Bien entendu, il présente les faits comme ils lui conviennent et sa vérité historique reste sujette à caution.

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HITLER CET INCONNU et aussi ses adversaires et rivaux dans ses propres rangs. II cessa d'être un « chef de mercenaires » pour ne plus se laisser conduire que par le sens du pouvoir dont Machiavel présenta naguère la théorie. Point n'est besoin d'avoir lu même une ligne du Prince — ce qui est difficilement imaginable dans le cas de Hitler — pour devenir un « machiavéliste » encore plus machiavélique que le grand Florentin qui, après tout, ne s'était pas complètement libéré de toutes les obligations morales. Que Hitler ne reculât pas devant l'assassinat de ses adversaires — ce qu'on pourrait qualifier de « meurtre pseudo-légal » — il le prouva publiquement, en premier lieu, lors de la prétendue « révolte de Roehm » (30 juin 1934), en faisant abattre non seulement des adversaires, réels ou éventuels, mais aussi des « innocents », même d'après la définition du Parti, qui durent de mourir à une confusion de noms ou à une circonstance analogue. Roehm, « vieux camarade » que Hitler tutoyait et à qui il devait tant, fut une des victimes. Il pouvait paraître justifié, du point de vue purement machiavélique, de faire disparaître ce rival en puissance, mais ce qui reste stupéfiant c'est que jamais, pas plus à l'époque que plus tard, Hitler ne manifesta la moindre trace d'émotion, de chagrin, d'avoir dû se séparer ainsi de lui et d'autres « vieux camarades ». Il restait ainsi fidèle à luimême. Helmuth Greiner qui participa occasionnellement aux réunions autour de la table, a écrit, répétons-le : « Jamais je n'ai entendu sortir de ses lèvres un mot permettant d'entrevoir qu'un cœur chaud battait dans sa poitrine. » On eût dit que manquaient dans son âme, quelques cordes qui résonnent habituellement, même chez les hommes les plus endurcis dans la violence. Rappelons sa formule favorite sur sa « froideur absolue ». Dans les Propos de table, il a, une fois, justifié le manque de pitié par des considérations biologiques : « On peut trouver effroyable la façon dont les êtres se détruisent dans la Nature. La mouche est mangée par la libellule, qui est elle-même mangée par un oiseau, qui est, à son tour, tué par un plus gros... La chose sûre, c'est que nous ne pouvons rien y changer (1/12/1941). » Mais ce n'est qu'une explication après coup d'un 90


HITLER CET INCONNU phénomène psychologique qui devait être profondément enraciné dans la manière de sentir de Hitler. Rien de ce qu'on peut trouver dans sa vie : l'absence d'une famille, d'un milieu dans lequel il fût vraiment ancré, ne peut expliquer ce vide qui lui fit — sans sourciller — massacrer des millions de personnes et ordonner à d'autres millions de poursuivre un combat dépourvu de tout sens. Le psychologue, le psychiatre, trouveront peut-être une signification, l'historien ne peut qu'enregistrer cet effroyable vide et noter qu'il existait dès 1934, sans doute même avant. Il existe un parallèle historique : Robespierre qui fut aussi un de ces « terribles simplificateurs » qui entendent réglementer la vie multiforme d'après les dogmes nés dans leur cerveau, faire le bonheur du peuple et qui, en conséquence, aboutissent à une écœurante terreur. L'avocat français, disciple de Rousseau, subordonna la saine morale à sa morale jacobine. Au nom de l'humanité, principe de la Révolution, 1* « Incorruptible », aussi impitoyable que Hitler, envoya des gens, par pleines charrettes, à la guillotine avant d'y passer lui-même. Les Propos de table fournissent les indications les plus sûres sur les idées morales de Hitler parvenu au faîte de sa grandeur, car il pouvait y parler plus librement que dans ses discours publics, et si, à cause de son double visage, il n'y dit pas tout, il découvrit pourtant plus de lui-même que partout ailleurs. Il y a déclaré sans ambages qu'il se croyait en droit d'« intervenir impitoyablement » dès que cela lui paraissait nécessaire : découvrait-on une cellule de sabotage, il faisait pendre ses membres dans la cour de l'usine et réglait ainsi 1' « affaire » une fois pour toutes (1/12/1941) ; quiconque se dressait contre l'ordre social serait abattu sans pitié (27/1/1942) ; s'il se trouvait devant une mutinerie comme celle de 1918, il ferait « exécuter immédiatement tous les dirigeants des tendances adverses, y compris ceux du catholicisme politique », tous les détenus des camps de concentration, tous les éléments criminels, parce que « la mutinerie s'éteindrait d'elle-même faute de mutins et de sympathisants (7/4/1942) ». Le droit d'effectuer un tel massacre — dans son esprit il s'agissait de centaines de milliers de gens — il le trouvait dans le fait qu'au même moment tous les idéalistes

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HITLER CET INCONNU allemands donnaient le meilleur d'eux-mêmes au front ou dans la fabrication des armements pour assurer la victoire de l'Allemagne. Peut-on, dès lors, qualifier Hitler de « super-machiavéliste » que ne refrénait aucune loi ? Ce serait trop vite dit. Tirant sa conception du droit des « lois éternelles de la Nature », il ne reconnaissait le droit normal que s'il s'accordait avec ces règles, et n'hésitait pas à le violer si, à ses yeux, ce n'était pas le cas. Si quelqu'un lui avait dit qu'il était amoral, il n'aurait pas compris mais au contraire — avec la même logique que Robespierre — hurlé qu'on lui fichât la paix avec cette morale d'hier et d'avanthier, alors qu'il était, lui, l'apôtre de la morale de demain, la seule vraie et juste parce qu'elle s'accordait avec les lois de la Nature. En conséquence, les droits de l'individu ne pouvaient exister que dans la mesure où ils s'accordaient avec ceux de la collectivité : les juges doivent être imbus du principe que « le droit consiste non pas à protéger l'individu contre l'Etat, mais à empêcher que l'Allemagne succombe (29/3/1942) ». Chacun doit donc s'accommoder d'être traité en fonction de son degré d'utilité ou de nocivité pour la collectivité allemande, transplanté, restreint dans ce qu'il aimait jusque-là, commandé, voire assujetti ou exécuté. Mais dans l'esprit de Hitler, un peuple n'avait droit à l'existence que s'il était d'une race supérieure, et, dans ce cas, il pouvait s'étendre aux dépens des peuples inférieurs. L'idée qu'il pouvait s'agir d'un « asservissement » n'était pas, pour lui, concevable parce qu'elle n'entrait pas dans sa conception de la Nature : le lion n' « asservit » pas la gazelle, il fait simplement usage du droit que lui donne le fait d'être le plus fort. La différence entre les animaux et les humains venait de ce que ceux-ci pouvaient penser donc prendre des mesures pour assurer leur survivance dans le combat de l'existence. Le lion vieilli peut tomber malade, être menacé par le chasseur, avoir une descendance abâtardie. Les hommes sont exposés à des dangers analogues, dont le pire est la « mort raciale ». Ceux qui les dirigent ont donc le pouvoir de parer à ces dangers en temps utile par des moyens convenables. Les scrupules et la pitié seraient 92


HITLER CET INCONNU déplacés, car la souffrance individuelle ne compte pas quand il s'agit du bien de l'ensemble. Il en résultait pour Hitler un « impératif catégorique » qui renversait celui de Kant : le national-socialisme ne tirait plus le « principe d'une législation générale » du comportement moral des hommes entre eux, mais des lois de la Nature. Si quelqu'un trouvait cela barbare, c'était qu'il n'avait pas le jugement sain. Juger brutale cette morale, c'était méconnaître que tous les êtres vivants, les humains comme les autres, sont soumis à la juridiction impitoyable de la Nature. L'impératif suprême de la morale hitlérienne était donc : entretenir la force vitale du peuple allemand en s'affranchissant de tout scrupule suranné. Comment devait être l'homme qui le soutiendrait dans cette tâche ? Tout naturellement, l'expression « compagnon d'armes » se substitua à celle de « concitoyen », Les Propos de table parlent constamment du partisan idéal. Il doit être brave, dur, ferme de caractère, ne se laissant arrêter par rien, capable d'une ténacité extrême, apte à commander mais gardant l'esprit de camaraderie, prêt à tous les sacrifices et optimiste dans toutes les situations. Répondre à ce canon, se montrer impitoyable et intransigeant dans la poursuite du but fixé, c'est être « fanatique » — mot qui, avec celui d ' « absolu », prit de plus en plus de poids dans le langage hitlérien durant la guerre. L'effroyable dans cette morale était qu'elle fût concluante en soi et qu'elle obligeât non seulement à énoncer B après A mais à épeler tout l'alphabet, c'est-à-dire à combattre les communistes, les « calotins » des deux confessions, les francs-maçons, les « libéraux ». et, conséquence inévitable, à éliminer les faibles d'esprit, les romanichels et, surtout, les Juifs. Cela arrive non parce que Hitler fut un grand amoraliste, ne craignant pas les Erinnyes, mais justement parce qu'il fut « moral », à sa manière, jusque dans les dernières conséquences. L'effroyable dans cette morale, qui bouleversait tous les principes de l'éthique jusque-là astreignante, fut encore que, dans son cadre, Hitler agit avec une logique véritablement infernale, alors qu'ailleurs il se laissait si souvent entraîner par son « instinct » hors de cette logique. Massacrer des millions d'êtres, qui, avant Hitler, l'eût jamais pris sur sa conscience ? Les cruautés comman93


HITLER CET INCONNU dées par un Gengis Khan, un Timour, paraissent bien faibles à côté de celles qu'ordonna Hitler et qui peuvent seulement se comparer à celles qui eurent lieu pendant la révolution russe et la dictature de Staline. Les juristes ont trouvé, pour les qualifier, un mot nouveau : génocide, devenu, le 18 décembre 1948, un crime banni internationalement. Etait-ce nécessaire ? On a peine à imaginer qu'un homme puisse jamais donner de tels ordres... même en Chine, Mais ce qu'il y eut de plus épouvantable dans cette morale de Hitler fut qu'elle sortit d'une connaissance du monde acquise uniquement par la lecture et méditée solitairement en arpentant sa chambre. Ses principes éthiques devaient être ainsi, pas autrement. Restait seulement à décider par quelles étapes ils s'appliqueraient, si ce serait ouvertement ou secrètement, mais ce n'étaient plus là que des considérations tactiques qui ne touchaient pas au fond. 16. Visions d'avenir ; passage de la théorie à la pratique. Le Dr Picker parle de l'étonnante imagination de Hitler, des visions à couper le souffle qu'il faisait percevoir à ses auditeurs, de « regards jetés sur le paradis par une porte latérale ». Pendant la guerre, Hitler, l'architecte manqué, continua à s'occuper personnellement de ses projets de construction, par exemple du stade de Nuremberg qui devait avoir 400 000 places et une dimension comme le monde n'en avait jamais connue (6/7/42). Ses plans pour Nuremberg et Berlin montrent jusqu'à quel point l'imagination l'entraînait, réduisant les hommes à l'état de fourmis. Le mobile était le même que celui de Staline dans la réalisation de ses monstres architecturaux : surpasser les Etats-Unis, considérés jusque-là comme « le pays des possibilités infinies » tout au moins dans le domaine de l'architecture mégalomane, effort d'ailleurs historiquement condamné dès 1933 car des architectes de la nouvelle école — dont Gropius et Mies Van der Roche, chassés d'Allemagne par Hitler — apprenaient aux Américains à conserver la mesure, à rester humains, même dans le monumental. 94


HITLER CET INCONNU Ses conceptions sur la race amenaient Hitler à prévoir qu'il existerait, un jour, entre 150 et 200 millions d'Allemands, soit une population supérieure à celle des Etats-Unis et à celle de la Russie — la crainte de voir l'Allemagne incapable, par son chiffre d'habitants, de rivaliser avec les « grandes puissances », donc réduite à l'état de petit pays, obsédait les Allemands dès l'époque de Friedrich List et avait déjà donné beaucoup à penser aux « racistes ». Une telle augmentation ne pouvait s'obtenir uniquement par l'accroissement du taux des naissances. Himmler put expliquer, à la table de Hitler, sans soulever d'objections, comment on y parviendrait : il fallait donner « un coup de filet » en France, réunir des jeunes Français, racialement aptes, dans des internats « où on leur apprendrait qu'ils n'étaient Français que par hasard, qu'ils avaient du sang allemand et pouvaient donc se joindre au grand peuple germanique ». « Le Chef (Hitler) observa qu'il n'était pas particulièrement partisan de ces tentatives de germanisation, si l'on ne parvenait pas à rendre les intéressés idéologiquement sûrs (5/4/1942). » On ne produirait pas seulement ces deux cent millions d'Allemands mais on les transplanterait, pensait Hitler. Il imaginait qu'un jour, cent millions de germanisés seraient « installés » à l'est, dont vingt millions dans les dix années à venir (12/5/1942). Le projet de transporter en Crimée les Tyroliens du Sud — qui embarrassaient les rapports avec Mussolini — était donc, dans cet ordre d'idées, parfaitement logique ; par le climat et le sol, la presqu'île leur serait plus favorable que leur habitat du moment. Le transport ne présentait aucun problème. « Us n'auront qu'à descendre un fleuve allemand : le Danube, et ils seront tout de suite arrivés. » Il n'y aurait, non plus, « aucune difficulté physique ou psychique ». Les possibilités qu'offrirait le perfectionnement des moyens de transport jouaient aussi un grand rôle dans ses visions d'avenir. Il rêvait d'une liaison ferroviaire avec le bassin du Donetz, où les voies seraient à l'écartement de quatre mètres permettant à des wagons à étage de circuler à 200 km/h (27/4/1942). II construirait des autoroutes vers l'est où les voies seraient de onze et non plus de sept mètres. Devant ses yeux surgissaient, sur 95


HITLER CET INCONNU le sol russe, des villes nouvelles avec d'imposants palais gouvernementaux, totalement différents du style local, habités par des « Germains ». Même les nationalistes à l'esprit le plus biscornu n'avaient jamais rien imaginé de pareil ! Ces visions lui étaient-elles inspirées par la lecture des livres de Jules Verne, de Kurd Lasswitz et d'autres auteurs de romans d'anticipation, lus dans sa jeunesse ? Techniquement, elles étaient plus ou moins réalisables, mais que dire des conditions politiques nécessaires non seulement pour les réaliser mais aussi pour assurer leur durée ? Les Propos de table montrent qu'il s'était déjà fait des idées à ce sujet : autour des villes habitées par les Allemands, les villages russes seraient maintenus à un degré de civilisation inférieur, et les villes déjà existantes ne seraient pas améliorées « voire épargnées ». L'augmentation de la population serait freinée par l'emploi des moyens contraceptifs, et « il serait bien de favoriser l'avortement chez les femmes (22/7/1942) ». Etablir dans les régions occupées un système sanitaire sur le modèle allemand serait une « pure démence ». Pas question d'y pratiquer la vaccination et les autres mesures préventives. I! faudrait même en décourager le désir, « en répandant le bruit que les vaccinations sont très dangereuses ». Il entendait limiter même les soins dentaires. Un enchaînement d'idées analogues conduisit Hitler à conclure qu'il ne devait pas exister d'enseignement supérieur dans ces régions. L'instruction se bornerait à la connaissance des signes routiers, à l'acquisition d'un rudiment d'allemand et, en géographie, à savoir que îa capitale de l'empire se nomme Berlin ; « inutile d'enseigner le calcul et d'autres choses semblables ». Il fallait, avant tout, ne pas « lâcher les instituteurs allemands dans les territoires de l'Est (3/3/1942) ». 11 allait de soi que les habitants ne posséderaient ni armée ni administration autonome. Ce n'étaient pas des paroles en l'air, car, à l'époque des Propos de table, elles étaient déjà appliquées et perfectionnées en Pologne, dans le gouvernement général. Une étude récente (Hildegard Brenner, dans l'Encyclopédie 96


HITLER CET INCONNU allemande) montre ce que le Dr Frank accomplit en Pologne sur les instructions de Hitler : « Posséder un poste de radio était puni de mort... Des bibliothèques qui pouvaient rester ouvertes, on éliminait tous les ouvrages sur la géographie, toutes les cartes, tous les globes terrestres ; de même, tous les livres anglais et français, quel qu'en fût le contenu, tous les dictionnaires. Manquaient également les œuvres des grands écrivains classiques et polonais, historiques et philosophiques. Seuls quelques théâtres, collaborant politiquement, restaient ouverts, avec des programmes dépourvus d'intérêt : sketches « sexy », revues. Les pièces, les opéras, etc., étaient interdits. La musique classique, les chants populaires et nationaux étaient bannis des salles de concert. Les œuvres de Chopin se trouvaient en tête de la liste des choses défendues. Même dans les cafés, les numéros musicaux étaient soumis à une autorisation préalable. Pour « assurer la germanisation », les prestations en nature des paysans, les collectes de ferraille par les écoliers, étaient payées en eau-de-vie. L'alcoolisme et l'avortement devaient être encouragés. » Si Hitler avait vaincu, ses projets concernant la Russie seraient sans aucun doute devenus des réalités. Etait-ce imaginable, sans même parler d'immoralité ? La comparaison, maintes fois faite par Hitler et son entourage avec l'Inde, où 60 000 Britanniques tenaient en laisse 400 millions d'habitants, reposait sur une idée complaisante et a été réduite à néant par l'indépendance de l'Inde et du Pakistan, survenue entre-temps. Mais même l'impossibilité d'établir quelque chose d'analogue en Ukraine eût été immédiatement reconnue si Hitler avait été un véritable connaisseur de l'Orient, compris que son image de la Russie comme d'un pays habité par des « moujiks » dociles, habitués au knout, ne s'intéressant à rien en dehors du boire et du manger, était complètement fausse depuis l'abolition du servage et surtout depuis la révolution russe. Pouvait seul penser comme Hitler celui qui, ainsi que tant d'Allemands du XIXe siècle, restait imbu de la haine amoureuse éprouvée envers l'Angleterre, basée sur l'admiration, celui dont l'imagination voyait toujours les Américains marchant vers le Pacifique en se battant contre les Mexicains et les Amérindiens,

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HITLER CET INCONNU celui qui restait persuadé, avec Kipling, que le « fardeau de l'homme blanc » consistait à propager la civilisation européenne et s'imaginait que rien n'avait changé en Russie depuis Gogol, Tolstoï et Dostoïevsky. En réalité, on pouvait déjà percevoir, au lendemain de la Première Guerre mondiale, que l'époque était révolue de l'appartenance des autres continents à l'Europe. Depuis 1916, le Congrès national indien et la Ligue musulmane œuvraient pour secouer le joug britannique ; en 1926, l'Angleterre accorda, par la « Formule Balfour », l'égalité des droits aux dominions ; en 1933, les Etats-Unis promirent l'autonomie aux Philippines ; nous pourrions citer d'autres exemples. Il n'y avait pas besoin d'être très clairvoyant pour entrevoir la fin du colonialisme par lequel un peuple en dominait un autre. Même en laissant de côté toutes les considérations morales et en essayant de comprendre les projets de Hitler sous le seul angle politique, on aboutit à leur condamnation. Ils démontrent que l'âme des autres peuples lui demeura un livre fermé par sept sceaux, qu'il n'avait aucun sens des réalisations en cours depuis la fin de la Première Guerre mondiale au-delà des frontières du Reich, que son esprit restait entièrement dominé par les conceptions du XIXe siècle. Nous nous sommes déjà effrayés de son manque de commisération pour les asservis, de pitié pour ses adversaires, mais c'est seulement ici que nous constatons, dans toute sa nudité, l'absence totale, chez lui, de ces sentiments dont aucun grand monstre de l'Histoire n'est pourtant resté entièrement dépourvu. Quand on s'efforce de comprendre ce qui se passait en lui, toute compréhension échoue devant un tel vide. C'est là, nous le répétons, un phénomène que pourraient pénétrer tout au plus des psychologues et des psychiatres, et que seul Staline présente de son côté. 17. Connaissances techniques et capacités militaires. Nous arrivons au bout du tour d'horizon que permettent les Propos de table. Le lecteur se souviendra que nous n'avons pu éclairer que certaines facettes du « problème Hitler », notam98


HITLER CET INCONNU ment les facettes artistiques et idéologiques. Pour comprendre l'homme d'Etat, il faudrait étudier bien d'autres documents. II en est de même pour le technicien et le chef militaire, mais nous allons du moins essayer d'acquérir, à cet égard, quelques éclaircissements. Pour cela, nous disposons de trois témoignages, rédigés après la catastrophe, donc sous l'impression démoralisante de celle-ci, mais affranchis de tout soupçon d'adulation. Considérons d'abord leurs parties positives. « Les officiers de son entourage, écrivit, en 1945, le professeur von Hasselbach, son médecin, s'étonnaient constamment de la précision avec laquelle Hitler connaissait le calibre, le mécanisme, la portée d'un canon, le cuirassement et la vitesse d'un navire de guerre, allemand ou étranger, la résistance à attendre d'une fortification. Lors de la présentation de nouvelles armes ou de nouveaux avions, il reconnaissait avec une intuition surprenante les défauts et les qualités et proposait fréquemment des améliorations très efficaces. Il possédait une vaste connaissance du moteur d'avion ou d'automobile et s'intéressait énormément à d'autres questions techniques comme la fabrication des matières de remplacement. » Nous devons au général Jodl, qui put l'observer quotidiennement pendant des années, des renseignements concrets sur les nouveautés introduites par ses ordres dans les armements. Il intervint personnellement, nous dit Jodl, dans l'équipement de l'armée, car il tenait les techniciens militaires pour des esprits rétrogrades et trop bureaucratiques ; aussi fit-il appel à des spécialistes civils : « Il créa le ministère de l'Armement et des Munitions sous Todt ; seules la marine et l'aviation conservèrent la direction de leurs constructions. Dès lors, il fixa de mois en mois, en détail, la production d'armes et de munitions à réaliser, ainsi que leur nature. L'état-major de la Wehrmacht se bornait à lui fournir des données numériques sur la production du mois précédent. Ce n'est pas tout, son étonnante perception dans le domaine de la technique et de la tactique lui fit créer un armement moderne pour l'armée. On lui doit la substitution au bon moment du canon antichar de 75 millimètres aux 37 et 50, le remplacement des canons courts des chars par des 75 et 88 longs. 99


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C'est sur son initiative que furent construits les chars modernes : Panther, Tiger et Königstiger. » Le maréchal Erich von Manstein a confirmé et complété utilement les informations données par Jodl. Il déclare : « Hitler possédait une mémoire et un savoir étonnants ainsi que beaucoup d'imagination créatrice en ce qui concernait les questions techniques et les problèmes de l'armement. Il pouvait manifester une connaissance stupéfiante de la puissance des armes ennemies même les plus récentes et comparer nos chiffres de production avec ceux de l'adversaire. Il en faisait volontiers usage quand il voulait détourner l'attention dans une discussion qui ne lui plaisait pas. Sans aucun doute, il a agi avec beaucoup d'intelligence et d'énergie dans le domaine de l'armement. » J'ajouterai deux traits qui m'ont été rapportés par des témoins. En 1940, il devint nécessaire d'envoyer des canons antichars aux fantassins qui combattaient à Narvik. Seuls des sous-marins pouvaient les transporter. La marine signala que le modèle employé par l'armée, avec un affût et deux roues, ne passait pas par le panneau d'embarquement de ceux-ci. Hitler déclara avoir vu, lors de l'entrée en Autriche, un tel canon monté sur un tripode qui devait pouvoir être embarqué. Coups de téléphone. On trouva effectivement ce canon et il passait bien par les panneaux. Après le débarquement de Normandie, l'infanterie se plaignit constamment d'être clouée au sol par le tir des navires de guerre ennemis. Hitler, informé lors d'une conférence sur la situation, demanda à quelle distance à l'intérieur des terres pouvaient tirer les navires. Aucun des trois officiers de marine présents ne put répondre. Hitler déclara qu'il attendrait au lendemain pour avoir la réponse, mais qu'il fallait considérer le tirant d'eau des navires qui limitait leur approche de la côte ainsi que la différence des calibres. Il fit le calcul, pourtant difficile, en un clin d'œil. Ces capacités surprennent d'autant plus que Hitler ne reçut jamais d'enseignement technique et n'eut jamais, non plus, l'occasion d'acquérir une expérience pratique. Faut-il dire qu'elles étaient latentes en lui et se manifestèrent dès qu'il en eut besoin, comme l'eau restée dans la roche fait pousser de la mousse ? 100


HITLER CET INCONNU Bien entendu, il fut servi par son étonnante mémoire, surtout visuelle. En outre, dans ce domaine, il n'était pas inhibé par des préjugés idéologiques. Néanmoins, de telles considérations ne suffisent pas pour expliquer un tel phénomène. Des psychologues pourraient peut-être en dire plus. Contentons-nous de signaler ce côté positif de l'éducation autodidacte de Hitler qui, d'autre part, en présente tant de négatifs. Une pensée vient à l'esprit : que serait-il advenu d'un jeune homme possédant de tels dons si, pendant les vingt premières années de sa vie, il avait reçu une instruction solide, facilitée par des bourses, et avait été intelligemment guidé ? C'eût été, assurément, un constructeur sortant de la moyenne. Mais, même dans ce domaine, il avait ses limites. « En revanche, dit le professeur von Hasselbach, Hitler manifestait peu d'intérêt à d'autres questions techniques, par exemple à la technique des hautes fréquences et à la physique atomique, bien qu'elles lui fussent exposées. Il n'en reconnut l'importance que lorsque les progrès réalisés dans ce domaine par l'adversaire modifièrent décisivement en faveur de celui-ci la guerre aérienne et navale. » La compétence de Hitler restait donc limitée à la technique sans physique, sans chimie, etc., c'est-à-dire à celle qui faisait appel aux sciences exactes. D'autre part, Hitler se gêna lui-même en se persuadant chaque jour davantage qu'il en savait plus que quiconque dans le domaine technique. D'après le maréchal von Manstein, sa présomption eut également des conséquences fatales : « Par ses interventions, il entrava le développement de l'aviation en temps opportun. Dans le domaine des fusées et de l'arme atomique, il a, sans conteste, exercé une action de freinage. » Beaucoup de ses décisions, déjà considérées comme fausses à l'époque par les experts se sont effectivement avérées erronées (par exemple dans la construction de l'avion à réaction, où il gâcha une chance exceptionnelle), mais il appartient aux spécialistes d'en parier. Bornons-nous à constater que, même dans le domaine de la technique de la guerre, où il entendait vraiment quelque chose, il ne put utiliser ses dons à cause de son mépris pour les « gens du bâtiment », de sa méfiance envers tous ceux qui ne pensaient pas comme lui, de son incapacité à se débarras101


HITLER CET INCONNU ser d'idées préconçues même quand les faits parlaient contre

elles.

Ce savoir technique et sa compréhension de la guerre moderne lui donnèrent une position de force dans les discussions avec ses généraux ; à cet égard, il leur était égal, voire supérieur. Existe-t-il, à côté des constatations précédentes, une qualité qui puisse, au moins sous un certain angle, rendre plausible le fait que le « caporal de la Première Guerre mondiale » ait pu assumer le rôle de dictateur militaire dans la seconde ? Un chef de guerre, surtout s'il doit combattre sur plusieurs fronts, a besoin de posséder cette extraordinaire perception de l'espace qui faisait voir à Hitler des monuments où il n'était jamais entré. Cela ne suffit pourtant pas pour expliquer comment Hitler ait pu prendre un tel format, alors qu'il n'avait même pas commandé une compagnie dans le premier conflit et qu'il était un autodidacte encore plus dans le domaine stratégique que dans la technique des armes. Le maréchal von Manstein constate cher lui « un certain coup d'œil pour les possibilités opérationnelles », comme on en trouve souvent chez les profanes (mais avec cette restriction que ce coup d'œil fut gêné par une surestimation des moyens techniques et par un manque de perception de ce qui était réalisable). En 1945, le général Jodl a précisé les opérations dans lesquelles l'action de Hitler fut décisive (extension jusqu'à Narvik de la campagne de Norvège, attaque, à l'ouest, contre le centre et non contre l'aile droite). 1l n'est pas niable que Hitler ait manifesté certains dons dans le commandement — contre l'attente des spécialistes et, probablement, à sa propre surprise. En ravalant Hitler — comme ce fut le cas après la catastrophe — au rang de « caporal de la Première Guerre mondiale qui s'empara du commandement et commit faute sur faute, on s'interdit d'approcher le « problème Hitler », particulièrement énigmatique dans le domaine militaire. Hitler se rendit coupable d'erreurs éclatantes et suivit, dans la seconde moitié de la guerre, une stratégie dont les principes suscitent les plus graves reproches, mais, pour lui, la discussion doit se faire sur le plan où elle se fait ordinairement quand un capitaine est battu ou conduit ses armées à la catastrophe. 102


HITLER CET INCONNU Nous avons fait cette étude ailleurs (Introduction au Journal de guerre de l'O.K.W.) ; nous analyserons seulement ici les différences entre les conceptions de Hitler et celle de l'état-major général. L'auteur peut s'appuyer, pour cela, sur un mémoire relatif à l'offensive des Ardennes que le général Jodl annota dans sa cellule de Nuremberg. La manière, consacrée par une longue expérience, dont l'étatmajor général préparait ses plans — en en bannissant strictement toute imagination — y est comparée à celle employée par Hitler non seulement pour préparer ses plans mais aussi pour effectuer ses calculs. « De son temps de service, il conservait un sentiment très vif pour le simple soldat et, grâce à sa puissante imagination, il se représentait très bien les conditions de la vie au front bien qu'elles eussent considérablement changé dans l'intervalle. De son expérience il avait retenu qu'une troupe n'est plus sûre dès qu'elle sait pouvoir se replier — d'où son refus systématique d'approuver une proposition d'évacuation ou de repliement sur une nouvelle ligne. Il était convaincu que, si la ferme volonté de tenir existait, la plupart de ces propositions étaient inutiles. « Cette volonté, il la posait partout comme le facteur dominant. C'était également un héritage de sa période révolutionnaire. S'il s'en était tenu à la façon de penser de l'état-major général, il aurait dû, à chaque étape, envisager l'impossibilité d'atteindre la suivante. Dès lors, il ne se fût jamais lancé dans la conquête du pouvoir, car, par un raisonnement sobre, elle devait paraître irréalisable. Demeuré d'esprit révolutionnaire après avoir acquis ce pouvoir, il considérait, comme allant de soi, qu'un succès initial en permettait d'autres parce qu'il enflammait son propre camp et affectait l'autre. Comme il l'avait fait dans le domaine politique, il estimait nécessaire, dans le domaine militaire, de fixer l'objectif au-delà de celui qu'un calcul raisonnable jugeait possible, avec l'idée que ce calcul deviendrait faux dès l'obtention du premièrer succès et que, dès lors, l'énergie d'un camp se développant, celle de l'autre camp diminuant, il deviendrait possible de réaliser même l'invraisemblable. C'était ce sens qu'il attribuait au mot de « fanatisme », tant de fois réclamé de la Wehrmacht. La plupart des victoires qu'il remporta pendant les 103


HITLER CET INCONNU premières années de la guerre furent contraires aux prévisions de l'état-major général, et il en conclut qu'il avait le droit de compter de plus en plus sur le « fanatisme », cet élément impondérable, d'y voir le facteur décisif. S'il avait dû retirer un précepte de la Bible, le plus cher à son cœur eût certainement été celui qui proclame que la foi peut déplacer des montagnes. « C'est sans doute là que réside tout le problème du haut commandement allemand durant la Seconde Guerre mondiale : Hitler, s'appuyant sur ses premières victoires, put affirmer que c'était lui le véritable réaliste qui avait pu prévoir le déroulement effectif des événements justement parce qu'il avait tenu compte de l'incalculable, mais, par la suite, les conditions changèrent et ce fut l'état-major général qui eut alors raison. » Le Journal du général Engel, qui fut aide de camp militaire de Hitler durant la crise de l'hiver 1942-1943, en fournit une preuve frappante : Le 7 novembre 1942, Hitler déclara avoir maintes fois constaté que l'état-major général surestimait systématiquement l'adversaire ; les campagnes de Pologne et de France le démontraient de façon patente. Il fut immédiatement contredit. Le 19 novembre, les Soviétiques lancèrent l'offensive contre laquelle le général Zeitzler l'avait mis en garde et, à partir de ce moment, la pensée de l'état-major général ne cessa plus de se révéler très supérieure à celle de Hitler. Cela ne servit d'ailleurs pas, ou guère, parce que Hitler était alors fermement convaincu de sa supériorité sur ces « spécialistes » et ne revint plus sur cette conviction en dépit des défaites, même les plus lourdes. Contrairement à d'autres domaines, le déroulement des événements militaires permet, à la guerre, de dresser, après coup, un bilan net des succès et des échecs, des victoires et des défaites. A cet égard, le bilan de Hitler présente des points positifs et des points négatifs dont la somme reste négative. 1l convient, cependant, de rapporter ici une réflexion faite par le général Jodl dans sa cellule de Nuremberg. Dans une « esquisse de Hitler en tant que stratège », il explique que la stratégie de la guerre moderne englobe la politique intérieure et étrangère, l'économie, la propagande, l'action sur le peuple, qu'elle doit donc être conduite non par un général mais

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HITLER CET INCONNU par un homme d'Etat ; Hitler remplissait cette condition. Par conséquent, pour porter un jugement sur sa valeur comme chef militaire, il faut tenir compte des résultats obtenus dans ces domaines accessoires. A cet égard, la Seconde Guerre mondiale constitue un phénomène entièrement différent de la Première. Nous n'avons pas la prétention de dresser un tel tableau d'ensemble, mais nous pensons que nos remarques constituent des éléments valables pour le faire. 18. La volonté, force dominante chez Hitler. En 1944, quand s'amorça la percée en Normandie, Hitler déclara dans une conversation avec deux généraux ; « Mon devoir consiste, particulièrement depuis 1941, à ne jamais perdre le contrôle de mes nerfs quelles que soient les circonstances, et, quand il se produit une brèche quelque part, à trouver la façon et les moyens d'arranger l'affaire... « Je vis séparé du monde depuis cinq ans ; jamais je ne suis allé au théâtre, n'ai écouté un concert, vu un film. Je ne vis que pour une seule tâche, mener cette lutte, car, je le sais, s'il n'y a pas une volonté de fer derrière, elle ne pourra être gagnée... » Ne pas perdre le contrôle de ses nerfs, manifester une volonté de fer, ce sont là les clefs pour la compréhension de Hitler. Tous ceux qui eurent l'occasion de l'observer de près sont unanimes : la volonté constituait son trait dominant ; mais ils en virent aussi les ombres. Citons quelques témoins : Parlant de lui après Stalingrad, le général Jodl a dit : « Dès lors, il intervint de plus en plus dans les décisions opérationnelles souvent jusque dans les détails tactiques pour obtenir, par une volonté inflexible — ce que, à son avis, les généraux ne voulaient pas comprendre — qu'on tînt ou mourût sur place, que tout recul volontaire était fatal. » Le général Guderian a écrit sur Hitler, dans la dernière phase de la guerre : « Avec la ténacité du fanatique, il s'accrochait au moindre fétu de paille qu'il croyait apercevoir pour se sauver, lui et son œuvre, du désastre. De toute la force de sa volonté, il se donnait à cette idée, qui le dominait entièrement : « ne reculer 105


HITLER CET INCONNU nulle part, ne jamais capituler. » Il l'avait dit bien souvent et il devait s'y conformer. » Pour le maréchal von Manstein, cette surestimation de la force de volonté constituait « le facteur décisif dans la façon de commander de Hitler, cette volonté qu'il aurait suffi d'insuffler jusqu'au dernier grenadier pour justifier ses décisions, assurer le succès de ses ordres ». Cette volonté — von Manstein le déclare — est, en soi une qualité positive dont tout chef militaire doit être pourvu, mais, chez Hitler, elle s'associait à la foi dans sa « mission ». « Une telle foi conduit inévitablement à l'obstination, à la conviction que la volonté permet d'agir même au-delà des frontières posées par la dure réalité. » Le maréchal expose en détail comment Hitler perdit ainsi le contact « avec le sol des réalités » et commit des bévues stratégiques. Le professeur Carl J. Burckhardt a poussé encore plus loin l'analyse. Hitler, constate-t-il, réagissait immédiatement aux changements de circonstances et ainsi, malgré son omnipotence, perdait sa liberté. « Par le manque presque absolu de liberté, il se trouvait très proche de ceux qu'il dominait. Entre lui et les circonstances contraignantes agissait une force purement mécanique à laquelle il était soumis aussi bien que ceux qu'il avait enchaînés. » Hypertrophie de la volonté et, en conséquence, un asservissement croissant aux circonstances, c'est là un jugement très important. Le Journal du général Engel apporte une confirmation. « Prendre Stalingrad était une nécessité urgente pour des raisons non seulement opérationnelles mais aussi psychologiques, pour l'opinion mondiale et l'affermissement des alliés », déclara Hitler le 2 octobre 1942. Le 10, il compléta cette justification de l'attaque en disant qu'il fallait « faire sauter » Stalingrad, afin de « dépouiller le communisme de son caractère sacré ». On touche là du doigt la façon dont Hitler, le stratège, qui imposait sa volonté malgré les avertissements des experts, réagissait « mécaniquement » aux conséquences non militaires de la catastrophe menaçante, et, ce faisant, la rendait pire qu'elle n'était. C'est là le revers de la thèse avancée par Jodl que le stratège moderne doit être beaucoup plus qu'un chef militaire, car lorsqu'une opération est conduite par des raisons de propagande, ce

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HITLER CET INCONNU n'est plus de la stratégie. La stratégie de prestige est la plus mauvaise de toutes : « Dans le domaine de la guerre on ne peut pas bluffer éternellement, car la bataille non seulement révélera le véritable rapport des forces mais rendra inévitable un échec subséquent qui, par une saine stratégie, eût pu être évité. Frédéric le Grand survécut à Kolin. Hochkirch et Kunersdorf. » Le fait d'être entré en guerre avec des nerfs invraisemblablement solides servit Hitler. Ils tenaient toujours — comme le montrent les Propos de table — durant l'hiver de 1941-1942, alors que beaucoup d'autres, à sa place, les eussent perdus. Le Dr Picker nota, le 1er avril 1942 : « Le Führer est, physiquement, très solide au poste », et Goebbels dit que Hitler avait « une véritable nature d'ours ». Les décisions de cet hiver ne dépendirent pas de la santé de Hitler. Lorsque, le 15 janvier 1942, la IV e Armée reçut enfin l'autorisation de s'installer sur un front plus en arrière (huit jours avant le général Hoepner avait été chassé de l'armée pour l'avoir, proposé), Hitler termina son ordre par ces mots : « C'est la première fois, dans cette guerre, que je prescris d'abandonner un grand secteur du front. » Il dut autoriser un nouveau raccourcissement au début de mars, il déclara alors qu'il s'était « sciemment obstiné à ne pas lâcher un seul pouce de terrain ». Du fait que le front se stabilisa et qu'il put reprendre l'offensive à l'aile droite, Hitler conclut que ce résultat était dû, en grande partie, à ce qu'il n'avait pas perdu le contrôle de ses nerfs ; en conséquence, lorsqu'une nouvelle crise s'amorça à l'hiver suivant, il crut qu'il lui suffirait de montrer la même fermeté pour la conjurer. Le Journal du général Engel, qui assista aux conférences sur la situation durant les semaines décisives, montre avec une netteté effroyable comment la volonté de Hitler se transforma alors en un véritable roc contre lequel toutes les raisons sensées vinrent se briser. Il suffit de le citer sans commentaire : 19/11. — Mauvaise soirée, manifestement à cause de la catastrophe des Roumains, encore pas d'image bien nette... 20/11. — Conférence typique. Confusion inextricable à cause des Roumains, tout dépend de Heim (chef d'un corps blindé). Le Führer, lui-même, ne sait que faire... 107


HITLER CET INCONNU 21/11. — Rien que des mauvaises nouvelles; autre crise, au sud de Stalingrad, chez les Roumains. Jodl propose de faire évacuer tout le secteur de la Volga par la VIe Armée... Le Führer dit non avec les arguments ordinaires ; cela ne changera pas la situation et les Russes s'en apercevront... Toujours le Führer : « Quoi qu'il arrive, nous devons, dans tous les cas, conserver le terrain autour de Stalingrad. » En conséquence, dans la nuit du 22 au 23, ordre à la VIe Armée, encerclée entre-temps, de tenir sur place (et de ne pas tenter de percer) ; dans la nuit du 23 au 24 novembre, message du général Paulus disant que son armée est perdue si on ne l'autorise pas à évacuer les parties occupées de la ville, à dégarnir le front nord et à attaquer l'encerclement à l'ouest et au sud. Avis conforme du chef d'état-major général Zeitzler et du général von Weichs, chef du groupe d'armées B, Cependant, le 24 novembre, à cinq heures ordre de Hitler, par téléscripteur, à la VI e Armée de continuer à tenir Stalingrad. 24/11. — Grosse discussion au sujet d'une conversation radiotéléphonique avec le général Paulus. Le Führer rejette catégoriquement ses propositions, quoique Zeitzler les appuie... il répète avec force que Stalingrad ne doit être abandonnée à aucun prix... Conférence de plus en plus agitée. Le Führer rejette catégoriquement la proposition faite par le groupe d'armées de donner toute latitude au corps blindé pour passer à la contre-attaque. 26/11. — Longue discussion avec le maréchal von Manstein, successeur de von Weichs, qui propose des raccourcissements de front dans l'autres secteurs afin de se procurer des réserves. Führer reste calme mais rejette tout. Raisons : l'abandon de régions importantes serait considéré comme une faiblesse, réaction impossible sur les Alliés, perte de temps, car on ignore ce qui peut se passer à l'ouest, en Afrique ou ailleurs. Les idées de Manstein sont bonnes mais restent théoriques à cause de la situation générale... Zeitzler demande pour finir que toute liberté d'action soit laissée à la VI e Armée pour agir au mieux des circonstances. Führer rejette catégoriquement. Il ne peut être question que d'un dégagement, la masse de la IV e Armée blindée est là pour cela. Hitler se fie à l'affirmation faite par Goering que la Luftwaffe 108


HITLER CET INCONNU pourra ravitailler la VI e Armée encerclée. « Nous nous indignons d'un tel optimisme que même les généraux de l'état-major de la Luftwaffe ne partagent pas. Le Führer est enthousiasmé par le Reichsmarschall ; il réussira comme autrefois, il n'a pas la pusillanimité de la plupart des chefs de l'armée. » Le colonel Christian présente des objections à la conférence du 26. Le Führer écoute avec calme mais contredit. Ce n'est qu'une question de temps ; un organisateur de talent y réussira même s'il faut lui donner les pleins pouvoirs pour agir contre les généraux qui créent des difficultés à ce ravitaillement aérien (von Manstein, von Richtofen). Hitler ne change plus de position. La IVe Armée blindée contre-attaque le 12 décembre; elle parvient, le 18, à soixante kilomètres de Stalingrad mais est alors bloquée par les Russes. Comme ceux-ci ont crevé, le 16, le front des Italiens sur le Don, Hitler doit se résoudre à replier ce front parce que son principe de « tenir à tout prix sur la première ligne » ne s'applique pas dans ce cas. 18/12 (soir). — Von Manstein propose de nouveau une percée de la VI e Armée, seule façon de conserver une liaison avec Stalingrad donc de sauver la masse de l'armée. Moral très déprimé. Le Führer repousse encore cette proposition malgré l'insistance de Zietzler... 19/12. — Discussion très vive, car von Manstein propose de nouveau une percée de l'armée. Le Führer reste inflexiblement contre, toujours avec les mêmes arguments, il ne croit pas au sauvetage de l'armée. Nouvelles discussions dans lesquelles Hitler semble momentanément accepter l'abandon de Stalingrad. Les officiers responsables s'accrochent encore à l'espoir que Paulus prendra sur lui de tenter la percée ; mais le général, élevé dans la tradition de l'obéissance absolue, ne se résout pas à prendre cette décision — vraisemblablement, il était déjà trop tard pour lui aussi. 21/12. — Personne ne sait ce qu'il va se passer à Stalingrad. Le Führer reste silencieux et on ne le voit plus en dehors des conférences et des rapports... Le 25 décembre, von Manstein demande qu'on lui envoie des divisions du front du Caucase. Le 27, Hitler rejette cette pro109


HITLER CET INCONNU position qu'il juge inexécutable. Le 28. il lui faut pourtant accepter le repli de tout le front du Caucase. Que se passa-t-il alors dans la tête de l'homme qui prit une décision contraire à l'avis de tous les spécialistes et s'y tint rigidement ? A. Hillgruber qui rédigea le Journal de Guerre de l'O.K.W. en 1942, donne cette réponse : « On ne saura jamais avec certitude si Hitler crut sérieusement, à cette époque, à la possibilité de dégager la VI e Armée. Le 28 décembre encore, à la conférence sur la situation, Christian ayant signalé que von Manstein jugeait le ravitaillement aérien insuffisant donc impraticable, Hitler répondit que c'était « une question de rationalisation... II fallait en charger des spécialistes de l'exportation et non des bureaucrates ou des officiers d'état-major ignares. Il fallait envoyer des aliments concentrés. Il en existait et il allait s'en occuper personnellement (Journal d'Engel). » Pendant toute cette crise Hitler demeura isolé, inaccessible à tout enseignement, sachant tout mieux que tout le monde, recourant à des expédients qui ne suffisaient pas. Quelqu'un, devant tant de nouvelles catastrophiques, aurait sans doute perdu la tête, peut-être même pensé au suicide, mais Hitler demeura inébranlable dans sa volonté — non, le mot ne convient plus, dans son obstination. On constate de nouveau dans ce cas que s'il faut concéder certains dons positifs à Hitler, il faut observer aussitôt que, finalement, ils s'exercèrent négativement. Nous sommes-nous trop étendus sur ce point ? Nous ne le croyons pas, car ce fut la « péripétie » dans le commandement militaire de Hitler en même temps que dans toute la Seconde Guerre mondiale. Dans le drame antique, la péripétie était le moment où le Destin précipitait les héros dans l'abîme-. Cependant, dans cette guerre déclenchée par Hitler, il serait présomptueux de tout vouloir expliquer par le Destin. L'unique moteur fut cet homme sinistre qui, né à Braunau-sur-Inn, d'un petit fonctionnaire des douanes autrichiennes, se fit dictateur civil et militaire. En ces semaines dont nous venons de parler si longuement, Hitler se dressa, en repoussant « catégoriquement » les propositions les plus sensées, contre le Destin provoqué par lui, scellant ainsi sa destruction. Adolf Hitler n'aurait jamais 110


HITLER CET INCONNU pu vaincre, mais si sa fin fut si ignominieuse, si effroyable, ce fut lui-même qui le décida en ces semaines où il subit, en rase campagne, une défaite beaucoup plus lourde que celles de Cannes ou de Sedan, parce qu'il fut prisonnier de sa volonté figée, réagissant « mécaniquement ». Quem deus perdere vult, dementat prius. Après Stalingrad, les nerfs de Hitler commencèrent à le lâcher, mais son obstination demeura la même. Il en résulta qu'il se soulagea de plus en plus par des accès de colère quand les choses ne prenaient pas le cours voulu par lui — chaque fois il trouvait un responsable. Guderian qui le revit alors après en être resté éloigné pendant quatorze mois, déclare : « Il perdait facilement toute mesure dans des crises de rage et devenait imprévisible dans ses paroles comme dans ses décisions. » Jodl parle aussi de cette « excitation coléreuse », si redoutée que, lors des conférences sur la situation, il emmenait seulement les officiers dont la présence était strictement indispensable. Une remarque du maréchal von Manstein vaut cependant d'être retenue ; d'après lui, Hitler sentait instinctivement jusqu'où il pouvait aller avec un interlocuteur, ceux avec lesquels il lui fallait observer une certaine réserve, et ceux qu'il pouvait « intimider par quelque explosion de colère — sans doute souvent intentionnelle ». Avec un tel homme, on peut parfaitement admettre qu'au moment où il paraissait perdre la maîtrise de soi, il jouait la comédie pour maintenir l'interpellé sous sa domination. Que, dans la tension nerveuse sans cesse croissante où il vivait, il ait pu tenir si longtemps, constitue, pour les profanes, un véritable « miracle médical ». Car il ne fit rien — en dehors de promenades de durée limitée — pour entretenir sa santé de façon naturelle. Il faisait de la nuit le jour, ne renonçait pas à sa diète végétarienne qui fatiguait son estomac, prenait des médicaments avant et après le repas avec une exactitude pédantesque, et recevait de son médecin Morell — très suspect aux vrais médecins — des injections sans lesquelles il ne pouvait plus vivre. Que, physiquement, il ait pu soutenir un tel traitement durant des années, est vraiment inconcevable ! Une comparaison s'impose à l'esprit, celle avec une locomotive, 111


HITLER CET INCONNU servie par un mauvais chauffeur, toujours portée au rouge et qui parvient pourtant au terminus, A la fin de la guerre, les conséquences étaient manifestes. Un officier général qui le vit au bunker de la Chancellerie durant les dernières semaines, nous a transmis cette image : « Physiquement, il offrait un spectacle terrible. Il se traînait péniblement, lourdement, courbé en avant, de sa chambre à la pièce des conférences. Il avait perdu le sentiment de l'équilibre ; si on l'arrêtait sur le court trajet (vingt à trente mètres), il lui fallait s'asseoir sur un des bancs disposés le long du mur, ou s'accrocher à son partenaire. Il n'avait plus de force dans le bras gauche, la main tremblait constamment. » Il faut se garder de donner une explication médicale à son obstination. Après Stalingrad, dit Jodl, il ne prit plus aucune décision stratégique... « mais peut-être n'y en avait-il plus à prendre ». Un fait décisif est à retenir : même si ses nerfs étaient restés aussi solides que durant l'hiver 1941-1942, même si sa santé ne s'était pas dégradée, il n'y avait pour lui qu'une alternative : « capituler » (ce qu'il avait toujours juré de ne pas faire) ou bien se suicider pour laisser la place à quelqu'un d'autre, c'est-à-dire déclarer devant le monde entier sa faillite personnelle et celle du « Grossdeutsches Reich ». Peu avant sa fin, Hitler dit à Jodl : « J'aurais dû prendre cette décision, la plus importante de ma vie, dès novembre 1944 et ne jamais quitter le quartier général de Prusse-Orientale. » Le corps ruiné, de moins en moins maître de ses nerfs, il croyait pourtant pouvoir, avec sa volonté infernale, crispée — s'appuyant sur le souvenir de l'hiver 1941-1942 et l'exemple de Frédéric II — arracher au Destin un miracle sauveur. Qu'aurait pu atteindre une telle volonté si — freinée par la morale, tenue par la raison — elle eût poursuivi des buts justifiables devant Dieu et devant le monde ! Cette volonté, associée à l'idée pseudo-darwinienne que le plus fort par le caractère l'emporte toujours, lui devint fatale : cette volonté dont on ne perçoit aucun indice avant 1914, qui n'eut pas l'occasion de se manifester durant la Première Guerre mondiale mais qui, dans une ascension unique de vingt années, 112


HITLER CET INCONNU en fit le personnage principal de l'Europe, en deux ans le maître de celle-ci, de l'Atlantique au Caucase, du cap Nord à la Méditerranée, cette volonté qu'aucun revers n'avait pu briser, le conduisit, en deux ans et demi, à une chute comme le monde n'en avait pas connu.


III LE PROBLEME HITLER

EXAMEN MÉTHODIQUE

QUAND ON ABORDE LE problème que pose Hitler par sa personnalité, ses idées et son action sur des millions d'hommes, on cherche aussitôt à le classer en quelque endroit du développement allemand et à expliquer le fait qu'il fut si largement suivi, par quelque trait du caractère des Allemands, par quelque élément particulier de leur histoire. Dans cette optique, il faut attribuer à Luther, Frédéric le Grand et Bismarck le rôle de « précurseurs » du nationalsocialisme, et une revue aussi estimée que le Times Litterary Supplement n'a pas hésité, dans un article détaillé, à qualifier Léopold von Ranke de « pionnier » du IIP Reich. Pour comprendre Hitler, il ne faut pas trop attacher d'importance à son origine petite-bourgeoise. Dans notre analyse, nous en avons signalé des conséquences, notamment dans la partie « Rancune et goûts artistiques » : on pourrait certainement en trouver d'autres. Mais, dans l'ensemble, cela ne donne pas grandchose, car Hitler est sorti de sa classe sociologique sans jamais entrer dans une autre ; il n'appartient à aucune et, par conséquent. l'histoire sociale ne peut apporter une contribution sérieuse à sa compréhension. On peut aussi renoncer à essayer de rattacher la pensée de 115


HITLER CET INCONNU Hitler à l'Eglise catholique, c'est-à-dire à voir en lui une sorte de pape sécularisé avec la prétention à l'infaillibilité. Il s'écarta si vite de l'Eglise que son action sur lui — même par l'école — s'effectua bien avant que le « dogme » se soit affermi en lui. On peut croire qu'il se serait produit exactement la même chose si les parents avaient envoyé leur fils dans une école purement laïque. Certains peuvent chercher des parallèles entre le national-socialisme et le catholicisme, entre la structure du Parti et l'Eglise romaine, mais ce serait un jeu de l'esprit capable d'aiguiser le regard ici ou là mais ne permettant aucune pénétration véritable. Se demander si Hitler présentait des caractères typiquement allemands est plus intéressant, mais une contre-question se pose aussitôt : qu'est-ce qui est typiquement allemand ? A cause des traits distinctifs des souches, du partage confessionnel et des courants qui circulent toujours sous la surface, les réponses seraient multiples. Cependant, même si l'on se mettait d'accord sur ce qui constitue le caractère typique de l'Allemand, cela ne nous conduirait pas très loin dans le cas de Hitler, car si on le découvrait en lui, ce ne serait qu'un faible secteur de son être. Résumons-nous : Hitler ne peut s'expliquer par son origine sociale, par son école, par son milieu originel, ni par le fait qu'il soit sorti d'un peuple déterminé. Au mieux, il pourrait éclairer certains phénomènes particuliers, nous ne saisirions pas l'ensemble du problème. Hitler n'était, dans cet ensemble, ni « petitbourgeois », ni « catholique », ni « allemand ». L'essentiel en lui — comme il ressort de notre analyse — était singulier, formé par des dispositions spéciales, par certains faits de l'existence, par des prises de position précises pour ou contre, par certaines circonstances heureuses qui favorisèrent une ascension exceptionnelle. C'est avec ces données, qui se rencontrent seulement chez cet homme unique, qu'il faut essayer de comprendre Hitler — mais non de le « déduire ». Un problème purement historique, à résoudre par des méthodes inattaquables, en partant de certaines données, se heurte au rôle de « preneur de rats » joué par Hitler : comment put-il gagner tant de partisans et se les enchaîner pendant si longtemps ? Pour répondre à cette question, il faut explorer dans trois direc116


HITLER CET INCONNU lions : 1° analyser l'homme lui-même, les méthodes de sa propagande, ce qu'il dit et ce qu'il tut : 2° étudier les conditions créées par la perte de la guerre, l'inflation, la crise de 1929-1932, l'accroissement du chômage, qui permirent son ascension, créèrent les chances qu'il exploita après la prise du pouvoir ; enfin 3° voir si, du fait que l'Allemagne n'avait pu parvenir à une démocratie véritable, il y était plus facile à un homme comme Hitler d'acquérir le pouvoir que dans un autre pays de statut mieux assis. Nous n'avons pas à connaître de ce triple problème, qui est loin d'avoir été complètement discuté, car nous ne nous occupons ici que de Hitler, de Hitler seul. Notre but consiste seulement à pénétrer dans sa manière de sentir et de penser pour essayer de trouver la clef de ses actes. Bien entendu, il y a beaucoup à puiser dans les livres écrits sur Hitler par ses contemporains, mais il nous faut, dans chaque cas, établir s'il s'agit d'un témoin direct, s'il a écrit immédiatement ou plus tard, si c'était un partisan ou un adversaire, etc. Le plus sage nous paraît donc être de nous en tenir à une image qui pourra, qui devra, être complétée mais qui, à sa manière, aura un caractère « documentaire » dont les traits principaux ne changeront plus. Finalement, nous essaierons d'ordonner notre résultat dans l'Histoire, sans perdre de vue qu'il s'agit d'un problème ancré dans l'histoire sociale.

HITLER

EST

COMME

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Hitler, constate-t-on, présente le fait très particulier d'avoir été un insatiable « dévoreur » de livres, d'avoir entassé ce qu'il lisait dans une mémoire fonctionnant de façon exceptionnelle, et acquis, de ce fait, une connaissance de détails étonnamment vaste, sans être entré en contact intellectuel étroit avec un penseur dont on pourrait le considérer comme le disciple. Toutes 117


HITLER CET INCONNU les tentatives pour l'apparenter intellectuellement échouèrent sur ce fait. L'esprit de Hitler est comme une sorte de capharnaüm d'emprunts les plus divers, dans lequel il essaya, par sa seule pensée, de mettre un peu d'ordre et de logique. Nous citerons encore les noms de Haeckel, de Bölsche, de Houston Stewart Chamberlain, de Fridtjof Nansen et de Sven Hendln pour bien montrer l'hétérogénéité des auteurs que lut Hitler durant sa jeunesse sans qu'il soit possible de dire ceux dont il fut le plus près intellectuellement ou admira le plus. Chronologiquement, tout cela fut englouti avant 1914. On en déduit la constatation négative que tout ce qui fut intéressant pour l'histoire intellectuelle de l'Allemagne d'après 1914, ne parvint pas à la connaissance de Hitler ou fut rejeté en bloc par lui parce qu'il tenait pour inaltérable la position de principe adoptée une fois pour toutes et qui s'incrusta en lui de plus en plus. Ne pas oublier que le monde intellectuel d'avant la guerre ne fut pas accessible à Hitler dans ses expressions les plus représentatives, parce qu'aucun conseiller qualifié ne lui en ouvrit la porte, et qu'il acquit ses connaissances par la lecture des journaux, des périodiques, des lexiques et des livres mis le plus souvent par le hasard entre ses mains. Un exemple : il n'apprit les sciences naturelles que sous leur forme vulgarisée, c'est-à-dire de 1* « avant-veille », simplifiant à l'extrême les véritables problèmes, ou encore dans des ouvrages sans caractère scientifique, propageant des théories insoutenables que, faute de formation critique, il « gobait ». Donc, si l'on tenait à trouver un apparentement intellectuel à Hitler, il faudrait chercher dans la science populaire, vulgarisée, et procéder par analogie. On n'irait cependant pas très loin, car le résultat serait faussé à cause de la façon particulière de penser de Hitler qui, d'une part « simplifiait terriblement », de l'autre combinait arbitrairement. Et cela en resta là, car, lorsque les circonstances lui auraient permis de consulter des gens compétents, de se faire indiquer les livres les plus valables, il demeura un autodidacte, refusant d'écouter toute directive, et il en fut ainsi même à l'époque où il disposa de toutes les possibilités d'information. 118


HITLER CET INCONNU parce que, alors, le sentiment de sa « mission » lui rendait intolérable tout conseil. Intellectuellement, Hitler fut donc « unique », avec des dispositions qui, dans d'autres circonstances auraient pu le conduire à une existence entièrement différente, mais qui, par une carrière également unique, sans parallèle, le firent sortir d'une vie solitaire, asociale et passer, par les stades de la vie militaire, de celle de mercenaire, de celle de partisan luttant pour s'affirmer intérieurement et extérieurement, à la position d'un dictateur, supérieure à celle du prince de Machiavel, ne tolérant aucune contradiction. Dans la mesure où nous pouvons percevoir un apparentement intellectuel (qui, nous le répétons, ne peut être précisé), nous sommes ramenés au tournant du siècle. C'est vrai pour ses conceptions historiques, biologiques, en particulier pour son pseudo-darwinisme, pour son monisme qui exerçait tant d'attraction aux environs de 1900, pour son anticléricalisme vulgaire présentant les deux Eglises, catholique et protestante, comme des épouvantails que les libres penseurs avaient le devoir de combattre. Hitler croyait être séparé de Karl Marx par des mondes, mais, en qualifiant la religion « d'opium du peuple », celui-ci disait exactement la même chose que lui. C'est également vrai dans le domaine artistique. Il rendait hommage à Wagner et s'enthousiasmait par le ballet du XIXe siècle, admirable aux yeux, sans expression idéologique. En architecture et en sculpture, il se prononçait pour le néo-classicisme, et, en peinture, il voyait, dans l'école qui précéda l'impressionnisme, un modèle qu'il encouragea par la suite. D'année en année il entra ainsi de plus en plus en opposition avec les esprits attentifs à l'évolution de l'historiographie, des sciences naturelles, de la musique, de la danse, de l'architecture et de la peinture. En 1930 et surtout en 1940, plus personne, parmi ceux qui possédaient quelque poids dans les domaines intellectuel et artistique, ne se situait dans le monde d'où émanait Hitler et que, après la prise du pouvoir, il essaya arbitrairement de ressusciter. En conséquence, ce qu'il préconisait dans ces domaines et qu'il tenta de réaliser par des mesures draconiennes, constitua une 119


HITLER CET INCONNU « réaction », comme l'histoire allemande n'en avait pas encore connu dans le domaine culturel. Guillaume II s'était lui aussi dressé contre la « tendance » de son époque, donnant la préférence à Wildenbruch sur Hauptmann, à Menzel sur Liebermann, faisant sentir sa désapprobation aux impressionnistes, mais il n'avait pas été en son pouvoir d'arrêter le cours de l'Histoire. Malgré sa gloire impériale il dut accepter de voir les milieux intellectuels et artistiques contester ses conceptions. Par contre, Hitler avait la possibilité d'envoyer les « grincheux » dans un camp de concentration et de réaliser ses intentions. Hitler fut donc un « homme de 1900 » et il le resta jusqu'à la fin de sa vie. L'effroyable est qu'il put, grâce à son omnipotence, redonner passagèrement un semblant d'existence à ce monde périmé, poussiéreux, et se gagner autant de partisans. Peut-on pour cela le comparer à Julien l'Apostat qui, pour quelques années, fit revivre le paganisme et remit en question la victoire du christianisme ? Non, car l'empereur auquel l'Eglise a accolé cet injurieux surnom d' « apostat », était très cultivé pour son époque et se prononça pour un monde qui disposait encore de puissantes forces spirituelles et dont le rétablissement ne pouvait être considéré d'avance comme impossible.

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PROBLÈME

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Lorsque Hitler brossa devant sa tablée, le tableau du monde futur il savait, comme le général Jodl qui sut se taire, que « le dieu de la Guerre était désormais passé dans l'autre camp », mais il se garda bien d'en parler. Il se présenta toujours comme l'architecte d'une Europe nouvelle, affranchie du danger bolchevique, dans laquelle le « Grossdeutsches Reich » assumerait l'hégémonie pour un millénaire. Il put proclamer que, plus tard, la postérité verrait son plus grand mérite dans le fait qu'il aurait « empêché une invasion asiatique de l'Europe (24/7/1942) ». 120


HITLER CET INCONNU La lutte autour de Stalingrad cessa six mois et une semaine plus tard. A partir de ce moment, l'Armée rouge avança vers l'ouest. Vingt-sept mois plus tard encore, Hitler, comprenant que tout était perdu, se suicida ; le 9 mai 1945, la signature allemande apposée au bas de l'acte de capitulation reconnut que Hitler avait ouvert le chemin à l'Union soviétique jusqu'au cœur de l'Europe, donc réalisé exactement l'inverse de ce qui, d'après lui, devait être son plus grand mérite. Il avait non seulement échoué mais aussi corrompu l'Allemagne. Ce qui restait de celle-ci était mutilé à l'est, transformé en un immense champ de ruines, mais aussi menacé dans sa substance morale, dans sa production artistique et intellectuelle. Après Stalingrad et la Tunisie, c'est-à-dire à l'été 1943, un chef militaire et homme d'Etat ordinaire aurait compris que le cours des événements devenait irréversible et tiré les conséquences. Pas Hitler ; il se dressa contre le destin de toute son obstination, il devint donc un « prolongueur de guerre » et, l'attentat de Stauffenberg ayant échoué, put la poursuivre bien qu'elle eût perdu tout sens. Il le fit parce qu'il s'accrocha jusqu'au bout, avec une étonnante force de volonté, à la sinistre logique de sa « conception du monde » et à sa morale, contraire à tous les principes éthiques considérés comme valables jusque-là. Il fut donc victime de cette logique, de cette volonté, de cette « morale » — et, avec lui, les Allemands, l'Europe, le monde entier. De quoi était donc fait cet homme qui commit des choses aussi monstrueuses ? Quand on se pose cette question, ce qu'Alfred Jodl écrivit dans une cellule de Nuremberg, peu avant sa pendaison, vient aussitôt à l'esprit : « Est-ce que je connais bien cet homme aux côtés duquel j'ai mené durant de longues années une existence si remplie d'épines et de renonciations ? N'a-t-il pas joué avec mon idéalisme, ne s'en est-il pas servi à des fins qu'il dissimulait au tréfonds de lui-même ? Qui peut se vanter de connaître quelqu'un tant qu'il n'a pas ouvert jusqu'au repli le plus secret de son cœur ? Aujourd'hui je ne sais même pas ce qu'il a vraiment 121


HITLER CET INCONNU pensé, su et voulu, je sais seulement ce que j'ai moi-même pensé et supposé à ce sujet. » Une fois, Hitler a levé un coin du voile. Le 23 mai 1939, le grand amiral Raeder lui demanda ses véritables intentions ; il avait, répondit-il, trois manières de garder le secret : « La première, quand nous causons tous deux en tête à tête ; la seconde, je la garde pour moi ; la troisième, quand il s'agit de problèmes d'avenir que je n'ai pas pensés jusqu'au bout. » C'est un de ses rares propos qui permettent d'approcher de la substance de son être. Il en découle qu'il existait simultanément plusieurs Hitler : celui que connaissait le public ; celui qui, parmi ses convives, se comportait « en camarade », sans toutefois rien leur dire de ce qui l'occupait ; celui qui parlait des problèmes en cours avec des autorités tenues au secret ; celui qui parcourait « des kilomètres » dans sa chambre en retournant dans sa tête — dédaigneux de tout conseil — la prochaine décision à prendre ; enfin, celui « dont l'esprit toujours en mouvement — dit Jodl — pouvait braquer un projecteur dans les ténèbres de l'avenir et éclairer longuement devant les yeux de son entourage militaire quelque chose de saisissable ou de menaçant », cet Hitler inquiétant, extrêmement secret, qui flairait les problèmes de l'avenir mais ne les pensait pas jusqu'au bout, surtout quand son esprit inquiet lui fit de plus en plus percevoir l'abîme dans lequel son Hybris devait quelque jour le précipiter. Contre ce « tout dernier » Hitler, se dressait de toute sa force l'avant-dernier, celui qui arpentait sa chambre, refusant la raison, s'opposant au destin inévitable de toute sa volonté devenue de l'obstination, celui dont « fanatique » constituait le mot clef, parce qu'il s'accrochait toujours à sa conviction que la volonté du caractère le plus fort l'emporte toujours dans l'Histoire. Cet avant-dernier Hitler devait constamment exhorter le tout dernier au silence et, en même temps, essayer de ranimer sa foi de plus en plus vacillante dans la victoire finale. Qu'il y parvînt jusqu'à la fin est un fait effrayant, aujourd'hui déjà incompréhensible, à peine croyable étant donné sa déchéance physique. Cela fut pourtant : cet « avant-dernier » Hitler donna de la 122


HITLER CET INCONNU force à celui qui discutait les secrets de service avec ses généraux et surtout à celui qui s'adressait au public. C'est justement parce qu'il était si multiple, si secret, qu'il est devenu le personnage le plus funeste de l'histoire allemande. Quiconque s'occupe des paroles et des actes de Hitler doit constamment se rappeler que même Alfred Jodl, qui, pendant de longues années le fréquenta quotidiennement et fut un des rares à pouvoir vraiment discuter avec lui, a dû déclarer, après mûre réflexion, que cet homme demeurait pour lui un livre fermé de sept sceaux. Il faut donc nous contenter de l' « inventaire » dressé dans les pages précédentes. Pour pénétrer plus avant dans le caractère de Hitler, l'historien a besoin, redisons-le encore une fois, du concours du psychologue et du psychiatre qui devront euxmêmes faire appel à des médecins, car on ne peut dessiner une image caractériologique sans posséder une nette connaissance de l'évolution de l'état de santé. Il est extrêmement désirable qu'un tel groupe se constitue pour discuter le complexe des questions en partant de tous les faits connus et, si possible, en s'aidant des déclarations de témoins encore vivants. Cependant, même un tel groupe ne pourra parvenir qu'à une vérité approchée, que les progrès de la médecine permettront sans doute de compléter ou de modifier. Dans cette analyse de la pensée de Hitler nous demeurons donc en deça du Rubicon psychologique, autrement dit nous nous arrêtons là où le sol cesse d'être solide sous les pas de l'historien. Nous savons que le thème est loin d'être épuisé, mais nous croyons pouvoir faire observer que nous n'avançons aucune supposition, qui pourrait se révéler trop hasardée et présentons seulement un « inventaire », basé sur des documents, qui conservera sa valeur même après des années. Même quand les médecins auront parlé et qu'aura été éclairci ce qui reste encore problématique, le « fait Hitler » demeurera inquiétant en tant que limite de l'individualité humaine. Les générations qui nous suivront auront toujours à réfléchir sur l'épouvantable destin de l'homme effroyable qui pendant douze ans décida de l'Allemagne et, pendant deux années, fit trembler le 123


HITLER CET INCONNU monde, car ce fait extraordinaire n'est pas compréhensible avec les conceptions et la morale généralement admises. Dans Vérité et Fiction, Gœthe a indiqué dans quelle direction la pensée doit s'orienter, lorsqu'il parle du Démoniaque : « Ce ne sont pas toujours les hommes les meilleurs, se recommandant par l'esprit, par les talents, rarement par la bonté de cœur ; mais ils irradient une force immense et exercent une puissance incroyable sur toutes les créatures, voire sur les éléments, et qui pourrait dire jusqu'où leur action peut s'étendre ? Toutes les forces morales réunies ne peuvent rien contre eux ; c'est en vain que les hommes éclairés essayent de les faire considérer comme des abusés ou des trompeurs — la masse est attirée vers eux. Presque jamais ils ne se heurtent à des égaux, et rien ne peut les arrêter que l'univers contre lequel ils entreprennent un combat ; c'est sans doute de telles considérations qu'est né le dicton étrange mais si expressif : nemo contra deum nisi deus ipse (ne peut rien contre Dieu qui n'est pas Dieu soi-même). L'auteur fit recopier ce passage par sa femme à la fin de la guerre parce qu'il ne s'en souvenait plus textuellement. En le relisant, il eut le sentiment que le passage s'appliquait à Hitler tout en ne s'y appliquant pas. Gœthe, jetant son regard pardelà les siècles, parlait de l'être démoniaque sans avoir jamais eu l'occasion de mesurer jusqu'à quel point cet être pouvait être atroce, satanique, infernal. Nous, nous en avons fait l'expérience, mais notre langue ne contient pas de mot pour exprimer la forme de démonisme qui s'incarna dans Hitler.


DEUXIÈME PARTIE PROPOS DE TABLE DE HITLER, RECUEILLIS PAR LE DR HENRY PICKER, AU QUARTIER GENERAL


I « UNE JOURNEE AU QUARTIER GENERAL DU FUHRER »

CES PROPOS FURENT tenus par le Führer au Wolfsschanze, près de Rastenburg, du début de la campagne de Russie au 16 juillet 1942, puis, à partir du 17 juillet 1942, au Werwolf, près de Vinnitsa (Ukraine). S'ils le furent en un autre lieu, à la Chancellerie de Berlin, au Berghof, sur l'Obersalzberg, ou au restaurant munichois « Osteria », le fait est signalé. Le 21 mars 1942, je fus affecté au quartier général du Führer, au Wolfsschanze. Le télégramme me parvint à la gare centrale de Munich où j'allais monter dans un train de recrues de la Marine. Qu'on s'imagine ma surprise, car j'appartenais à la corporation interdite des juristes, ne portais ni l'uniforme de la Wehrmacht, ni celui du Parti, et ne devais ma carrière de fonctionnaire qu'à des examens réguliers. Le Junker-courrier avait déjà lancé ses moteurs quand je me présentai à l'aérodrome de Berlin. Une véritable bataille s'était livrée au téléphone pour que je pusse, en quelques heures, faire transformer un costume civil bleu en uniforme de la Hitlerjugend afin de ne pas détonner dès mon arrivée au quartier général. A midi, le thermomètre extérieur marquait encore — 6° et l'avion, qui restait, pour des raisons de sécurité, entre trois cents et cinq cents mètres d'altitude, survolait les interminables champs de neige de la Prusse-Orientale. 127


HITLER CET INCONNU Une auto attendait à l'aérodrome de Rastenburg. Nous arrivâmes au Wolfsschanze vers quinze heures trente après avoir franchi les deux premières enceintes. A notre vue s'offrirent des arbres et des buissons aux branches nues, cinquante centimètres de neige sur le sol et, de part et d'autre de sentiers, huit ou neuf abris en béton armé, sous des sapins, avec des sentinelles emmitouflées dans d'épais manLeaux fourrés. Le tout produisait une impression d'extrême solitude, renforcée par le nombre réduit du personnel du quartier général. L'amabilité avec laquelle on m'accueillit, moi, le « nouveau », répondait bien à l'esprit communautaire prêché par Hitler, rayonnant au-dessus des individualismes, supprimant l'éparpillement des partis politiques et la guerre de classe. Presque aussitôt, au mess, on me servit un déjeuner tardif : une soupe de haricots blancs avec deux tranches de pain biscuité, deux mandarines et une tasse de thé. En dehors de la salle à manger réservée à Hitler et à ses invités, le bunker du mess en contenait deux autres : une pour les collaborateurs, une pour les gardes. Toutes étaient garnies par des meubles en chêne, de couleur naturelle, lambrissées à mi-hauteur, avec un plancher en bois et des lanternes murales à demi vitrées pour assurer l'éclairage. La salle à manger de Hitler contenait vingt chaises en chêne clair, à dossier droit, autour d'une grande table cirée, en chêne également ; Hitler avait sa place au milieu, du côté des fenêtres. Aux murs pendaient des gravures sur bois représentant Götz von Berlichingen, Henri 1 e r , Ulbrich von Hutten, etc., et, face à la place de Hitler, une grande carte et un récepteur de radio. Dans un coin, il y avait une table ronde où nous, les plus jeunes, nous tenions le plus souvent. Dans le coin diagonalement opposé se trouvait une petite desserte, sur laquelle on voyait, jour et nuit, l'élixir que prenait Hitler pour son estomac, ce qui prouve combien peu il se préoccupait d'un attentat durant l'époque où je résidai au quartier général. J'employai le reste de l'après-midi à explorer les bureaux et les chambres à coucher des divers abris. Les petits bureaux recevaient pour la plupart la lumière du jour, avaient des murs blanchis à la chaux, des lampes du genre à demi encastré, une 128


HITLER CET INCONNU armoire, un siège, des étagères et un tabouret en bois de couleur naturelle. Les chambres à coucher étaient étroites, à éclairage artificiel, avec un lavabo encastré, une bouche de ventilation et des meubles en bois de couleur naturelle. Hitler n'était pas mieux monté que les autres, mais son bureau était assez grand pour servir de salle de discussion et de salle à manger pour les dîners de service (dits « Führertafel »). En me rendant au dîner je rencontrai Bormann qui allait prendre Hitler au « Chefbunker », et je commis une gaffe en disant quel plaisir c'était, pour un citadin, que de respirer l'air enneigé de cette solitude forestière. Il me signala que Hitler éprouvait un véritable malaise physique à la vue de la neige qui lui rappelait la désastreuse retraite devant Moscou. J'attendis dans le vestibule du mess, avec deux jeunes officiers, que Hitler fît son apparition. Dehors, c'était déjà la nuit noire. En conséquence, Linge, son ordonnnance, lui éclairait le chemin, avec une lampe de poche, du Chefbunker au mess. Quand Hitler entra, son visage parut, sous la casquette en velours brun, avec la visière à liséré d'or, très frais, rosi par le froid. Il se tenait avec raideur bien qu'il semblât un peu voûté aux épaules. Tandis qu'il nous examinait de ses gros yeux bleus inquisiteurs, s'informait auprès de chacun de nous de ses décorations militaires, et nous tendait la main avec une certaine réserve, on sentait dans cette petite cérémonie, pourtant banale, ce fluide qu'il rayonnait d'une façon si remarquable. J'appris plus tard que même des personnalités au caractère aussi entier que le grand-amiral Raeder ou le maréchal von Kluge, finissaient par se laisser convaincre au bout d'une heure d'entretien avec lui. Il possédait tellement l'art de parler aux hommes qu'il écartait souvent, par pur magnétisme, même les meilleures objections de ses conseillers. A son entrée dans la salle à manger, ses collaborateurs, alignés à la porte, le saluèrent le bras tendu, il répondit brièvement et prit place au milieu de la table, avec, à sa gauche, le général Jodl, chef d'état-major de la Wehrmacht, à sa droite, le Dr Dietrich, Reichspressechef, et, comme vis-à-vis, le maréchal Keitel et le Reichsleiter Martin Bormann. Appartenaient encore à l'entourage permanent les aides de camp : général Schmundt, capitaine de vaisseau von Puttkamer, major Engel et commandant aviateur

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HITLER CET INCONNU von Below, plus les aides de camp civils : Gruppenführer Schaub et Brigadeführer Albert Bormann (frère de Martin), les officiers d'ordonnance : S.S.-Haupsturmführer Schulze et Pfeiffer, les médecins : professeur Brandt et Dr Morell. S'y ajoutaient les agents de liaison : ambassadeur Hewel (Affaires étrangères), général Bodenschatz (Luftwaffe), S.S.-General Wolff (S.S.), général Buhle (organisation de l'Armée), amiral Krancke (Marine), colonel Scherff (section historique), le Dr Koppen (ministère de l'Est). Le général Jodl avait le colonel aviateur Christian pour adjoint, le Reichspressechef, le H.J.-Führer Lorenz pour délégué, et le maréchal Keitel, le major Gabriel et le capitaine Kleckel, officier des renseignements, pour aides de camp. Tandis que nous mangions la soupe au chou-fleur, puis du pain avec vingt grammes de beurre et un peu de fromage blanc, j'appris que les soldats du quartier général recevaient le même menu. On servait le plat unique et sans viande exactement comme dans les familles et compagnies allemandes. Aussi ne m'étonnai-je pas d'apprendre que, lors d'une visite privée à Munich, Hitler, à qui l'on demandait ce qu'il désirait manger, ait désiré des boulettes de pommes de terre à la bavaroise. Au dîner, on donna de la bière dans de petites bouteilles, tandis que Hitler se faisait apporter de l'eau gazeuse et son élixir pour l'estomac. Tout le personnel recevait le même menu, préparé dans les mêmes ustensiles, avec la même garniture, sauf que, les jours « avec viande », il obtenait un plat carné, alors que Hitler en restait à sa diète végétarienne. A table, on ne se parlait qu'à mi-voix et l'on se taisait dès que Hitler disait quelque chose. L'atmsophère était celle d'un profond respect pour Hitler, et telle que, parfois, des généraux et des hommes politiques chevronnés renversaient leur verre, d'émotion, quand Hitler leur adressait la parole. Après le repas, Hitler se faisait régulièrement apporter ses lunettes à monture d'or par Linge ou un serveur, lisait attentivement, feuille après feuille, les dépêches que lui remettait le chef de la presse, puis les tendait, pour la plupart, à Keitel ou Bormann, ou bien donnait, à voix basse, des instructions que ses aides de camp notaient ou exécutaient immédiatement, en silence. De même que dans une école on illustre par des exemples les 130


HITLER CET INCONNU règles données par Aristote et Machiavel, ces observateurs aigus des réalités politiques, je veux, en tant que chroniqueur, rapporter un incident qui caractérise l'attitude de « pater patriae » prise familièrement par Hitler. Un soir, on servit des noix. L'ambassadeur Hewel qui, par exception se trouvait à côté de Hitler, eut la malchance de faire sauter un éclat de la coque qui atteignit Hitler à la tempe droite. Hitler interrompit sa lecture, leva les yeux par-dessus ses lunettes, et dit, d'un ton de réprimande légère : « Faites donc sauter vos coquilles de noix dans une autre direction, monsieur Hewel ! » puis il se remit à lire comme si rien ne s'était passé. Hitler se mettait à parler à propos d'une dépêche, d'un mot prononcé pendant le repas, au sujet des problèmes qui l'occupaient, pour mettre de l'ordre dans ses idées ou bien pour entretenir ses invités, les intéresser, les orienter dans une direction déterminée. L'étonnant était que. même aux jours de plus grande tension, il ne parlait jamais des problèmes de guerre du moment, mais que — même quand la discussion avait été très vive lors des conférences sur la situation militaire, qui avaient lieu avant le déjeuner, avant le dîner et à minuit — il pouvait discourir sur la nocivité du tabac ou quelque sujet analogue. Quand il parlait, il n'y avait pas de véritable conversation, car les membres permanents du quartier général préféraient rester silencieux. Après des années de vie commune dans cette solitude, ils savaient ce qui allait se dire, pour la nième fois, sur tel ou tel sujet. Il s'agissait donc presque exclusivement d'un monologue, illustré de temps en temps par un exemple ou complété par une précision de spécialiste, que donnait l'un ou l'autre des collaborateurs. Cependant, Hitler pouvait écouter un invité qui apportait quelque chose de nouveau, et l'inciter à fournir plus de détails sur une bataille, un plan économique ou une visite à l'étranger, mais il y avait rarement un véritable débat. Je n'ai gardé, à cet égard qu'un seul souvenir : l'amiral Krancke discuta un soir avec acharnement et passion sur des thèmes se rapportant à la Marine. On ignore généralement que Hitler éprouvait un plaisir visible lorsqu'un des convives le contredisait en respectant les formes et en donnant un bon argument. Par exemple, il ne manqua plus 131


HITLER CET INCONNU jamais de me serrer la main, bien que je fusse, par l'âge et le rang, l'un des convives les plus infimes, à partir du jour où je parai, en soulevant l'hilarité générale, une de ses attaques contre les juristes. Lors de ces monologues, j'appris à connaître un Hitler très différent de l'image acquise par les photographies, les journaux, les on-dit. Il s'y montrait tel qu'il était ; ses idées jaillissaient le plus souvent spontanément ; il assemblait avec une sûreté de somnambule les morceaux de mosaïque pour en faire un tableau du monde parfaitement logique et cohérent, et il surprenait toujours par son extraordinaire façon de simplifier les problèmes. Il y manifestait ce sens très aigu de la psychologie des masses qui lui permettait — sachant l'homme moderne moyen ignorant de l'histoire et incapable de porter un jugement politique — de déclencher, par des formules brèves, extrêmement suggestives, dans des réunions de milliers de personnes, des tempêtes d'enthousiasme qui demeuraient incompréhensibles à l'étranger. Le plus souvent il commençait à parler de sa voix creuse mais très audible, lentement, en hésitant, en réfléchissant — même quand il plaisantait. Mais s'il s'enflammait sur un sujet, regardant au-delà des assistants avec des yeux de fanatique, il développait phrase après phrase, idée après idée, image après image, réussissant avec la même puissance magique, à prendre sous son charme les Allemands comme les étrangers et même à se gagner les auditeurs hostiles. Est-ce que cela venait de l'abondance de ses exemples ou de son intelligence étonnante, dans laquelle s'associaient la soif de savoir, le don de comprendre, la mémoire et une volonté inébranlable de réformer le monde et les hommes ? Cela venait-il de sa connaissance pléthorique des détails par laquelle il stupéfiait, lui, l'autodidacte, son interlocuteur, et qu'il s'efforçait constamment d'élargir par la lecture, sachant trier tout ce qui lui était utile de l'inutile, en imprégnant « sa tête », regroupant, enregistrant ? La fascination qu'il exerçait provenait-elle des visions à couper le souffle qu'il donnait de ses projets d'avenir, de ces « regards jetés sur le paradis par la porte de côté » par lesquels il savait communiquer à ceux qui lui posaient des questions concrètes, le sentiment de la justesse de ses « conceptions » ? Cela venait-il de son imagination étourdissante ou de 132


HITLER CET INCONNU la conviction si nette de sa supériorité personnelle ? N'avait-il pas eu raison quatre fois contre les mises en garde données par les Affaires étrangères : lors du rétablissement du service militaire obligatoire, de la remilitarisation de la Rhénanie, de l'incorporation de l'Autriche et de la crise des Sudètes ? En tout cas, il avait un tel art d'exposer les choses à ses convives qu'on oubliait facilement la violence de ses attaques — particulièrement contre les hommes d'Etat étrangers, les francs-maçons, la bourgeoisie, l'Eglise, les Juifs, les juristes et les diplomates. Cependant, même quand il s'animait le plus, un instinct très sûr lui faisait taire les sujets qui n'auraient pas trouvé de résonance dans son auditoire, ni dans la masse de notre peuple. On peut citer la persécution des Juifs qu'il voila, pour ses compagnons de table, en parlant des préparatifs faits pour créer un Etat national juif dans l'île de Madagascar. De même, dans son conflit avec l'Eglise, il invoquait l'exemple de l'empereur Julien, et, tout en approuvant la religion en tant que croyance à une puissance divine créatrice, essayait de détruire la doctrine des confessions chrétiennes par des raisons de bon sens et d'ébranler la hiérarchie ecclésiastique. Après le dîner, Hitler retournait à son bunker à moins qu'on ne présentât à son approbation les dernières actualités cinématographiques. La deuxième salle à manger du mess servait à cette projection une fois par semaine. Hitler se faisait présenter les séquences parfois à deux reprises, critiquait, faisait des suggestions, ou dictait un commentaire nouveau. Après cette projection, il prenait congé discrètement de son entourage, car il refusait d'assister au film récréatif qui suivait. De même qu'il n'était plus jamais allé au théâtre depuis le début de la guerre, il croyait devoir renoncer aux films tant qu'un soldat du front demeurerait privé de ce plaisir. Il ne fit que deux exceptions : en voyant un film à l'occasion d'une visite du Duce et en assistant, à Bayreuth, à une représentation du Crépuscule des Dieux donnée au profit des blessés. Au lecteur qui, ajoutant foi aux déclarations de la presse étrangère, pourrait penser que Hitler avait les allures d'un chef de brigands, mes notes montreront clairement qu'il devait, au contraire, son auréole incomparable à ses manières parfaitement 133


HITLER CET INCONNU humaines, à son énorme maîtrise de soi, à son mode de vie Spartiate et à la virtuosité avec laquelle il maniait les individus et les masses. Même lors des conférences sur la situation militaire qui se tenaient à minuit dans son bureau, je n'ai jamais entendu dire — particulièrement durant les crises — qu'il se soit départi d'une altitude disciplinée et égale. A ce sujet, je n'ai pas interrogé les représentants typiques de la masse aveuglément entraînée par la tourmente nationale, car ce fut justement leur manque de discernement, de courage civique, d'indépendance intérieure, qui conduisit Hitler à mépriser les hommes, à ne plus les considérer comme des individus mais seulement comme une matière brute pour la réalisation de ses projets. Je ne me suis pas, non plus, renseigné auprès des spécialistes purement militaires à qui la flagornerie envers Hitler faisait perdre, à mon avis, leur sentiment de responsabilité envers le peuple allemand. Pour le faire, je me suis adressé à un soldat aussi objectif, aussi clairvoyant que le général Jodl qui, contrairement au maréchal Keitel, ne qualifiait pas Hitler de « génie militaire », mais au contraire, même en ma présence, lui présentait des critiques. Il m'a dit : « La puissance d'imagination et d'évocation de Hitler transformait les théories qu'il avait à cœur, en une matière vivante, de sorte que, dans les problèmes militaires les plus difficiles, il avait toujours des parallèles sous la main qui plaçaient les faits nouveaux sous la lumière de faits déjà connus, et permettaient de les décortiquer jusqu'au noyau essentiel, de simplifier même les plus compliqués. En outre, lors des terribles revers de l'hivei 1941-1942, il ne perdit pas un seul instant la foi en soi. Cela m'a convaincu. » La matinée de Hitler commençait par la prise de connaissance des renseignements sur les attaques aériennes de la nuit. Entre neuf et dix heures, il faisait, dans l'enceinte du quartier général, sa promenade quotidienne au cours de laquelle n'importe lequel d'entre nous, même le plus simple soldat, pouvait lui présenter ses doléances personnelles. Par exemple, lorsque le maître d'hôtel de notre mess — père de sept enfants — fut renvoyé sur-le-champ par Bormann parce que, malgré le danger d'un attentat, il avait fait descendre une caisse dans la cave du 134


HITLER CET INCONNU mess sans en vérifier le contenu, il eut, avant de partir, la possibilité de se plaindre à Hitler de sa malchance, Hitler lui fit donner un poste de consolation à la Chancellerie du Reich d'où, quand l'orage fut apaisé, on le fit revenir à cause de sa compétence. Bien entendu, personne n'eût osé parler à Hitler sans nécessité, car les médecins ne cessaient de signaler que ces promenades quotidiennes étaient nécessaires pour sa santé et l'importance qu'avaient, pour le détendre, les jeux avec son chien de berger. En outre, ses manières et son mode de vie très simples ne pouvaient qu'éveiller la sympathie des humbles ; on pensait à César qui essayait, lui aussi, par des moyens analogues de se protéger contre la maladie et les maux de tête. Le ministre Speer et le maréchal Milch constatèrent par euxmêmes que Hitler ne constituait pas un rabat-joie au cours de ces promenades lorsque nous, les jeunes, nous livrions à quelque niche. Au « Werwolf », par une journée étouffante, tous deux nous firent tant courir, le capitaine Schulze et moi, sous les prétextes les plus divers, que, pour nous venger, nous installâmes leurs chaises longues en plein soleil, de sorte qu'ils furent conduits à ôter leur tunique d'uniforme, à baisser leurs bretelles et à ouvrir leur col de chemise. Nous avions choisi l'endroit de manière qu'ils ne pussent reconnaître que trop tard l'approche de Hitler durant sa promenade et, pour le saluer, ils se dressèrent devant lui comme des « artistes de cirque en déshabillé ». Hitler remarqua que nous nous éloignions à pas précipités, comprit aussitôt la situation, et se borna à nous dire : « Est-ce que ça vous presse tant que ça ? » Dès ma première tournée matinale, je constatai que l'emploi du temps était, au quartier général, tout autre que dans un service militaire ordinaire. Le courrier, les journaux et les documents apportés de Berlin par l'avion, n'arrivaient qu'après dix heures et l'on ne pouvait se mettre pleinement au travail qu'ensuite. Cependant — quoique aucun règlement ne limitât les loisirs — ce travail se prolongeait souvent jusqu'à minuit, car il était interdit de remettre au lendemain ce qu'on pouvait faire le jour même. Ce n'était assurément pas agréable pour les personnes âgées comme le maréchal Keitel qui était un lève-tôt, d'au135


HITLER CET INCONNU tant plus qu'il devait s'attendre, jusqu'à minuit, à être convoqué par Hitler pour quelque question urgente, car celui-ci ne s'étendait sur son lit de camp — comme j'ai pu le constater moimême — qu'après en avoir terminé avec ses cartes, ses plans, ses rapports, ses notes, et ce n'était, le plus souvent, que vers deux heures du matin. Il pensait manifestement avoir reçu de la nature une constitution qui lui permettait de dormir aussi peu que Frédéric le Grand, Napoléon ou Bismarck. Le quartier général s'animait vers onze heures trente. Le général Hadler (plus tard Zeitzler), chef de l'état-major général, apparaissait avec ses généraux pour la conférence de midi sur la situation qui avait lieu dans le bunker militaire et étudiait l'engagement des unités jusqu'à l'échelon du bataillon. Après l'exposé éventuel d'un commandant de groupe d'armées ou d'un officier du front spécialement qualifié, Jodl, puis Haider présentaient leur rapport. La conférence commençait vers midi et pouvait durer plus de deux heures. Je n'ai jamais eu connaissance des fameux accès de colère signalés par la presse étrangère ; en revanche, je n'ai jamais entendu Hitler interrompre Jodl ou Haider quand, par les beaux jours, la conférence se tenait à la table de campagne de Keitel, devant les fenêtres ouvertes de la « salle des conférences ». Il attendait régulièrement, pour parler, que les autres eussent terminé leurs exposés. Il attachait énormément de prix à ce que les représentants du front ne pussent s'entretenir au préalable avec le chef de l'état-major général afin qu'ils s'exprimassent sans avoir subi l'influence de celui-ci. Un aide de camp me raconta que la maîtrise de soi de Hitler se trouvait parfois durement mise à l'épreuve par les débats interminables. Une fois, où la discussion ne semblait pas devoir finir, il dit : « L'amiral Krancke parle sans arrêt des affaires de la Luftwaffe et Goering des problèmes de la Marine. Personne ne se préoccupe de la santé de Hitler. » Il en résultait que le petit et replet professeur Morell, volontiers qualifié de « charlatan et affairiste médical », accourait avec sa trousse de médicaments pour le « remonter » par des injections à effet rapide, sans avoir toujours — me dit-on — reçu de son patient l'autorisation d'essayer sur lui de nouveaux pro136


HITLER CET INCONNU duits pharmaceutiques ou de nouveaux traitements, ou lui en avoir parlé au préalable. Le professeur Brandt, confrère de Morell, s'exprimait avec beaucoup de scepticisme sur les injections de celui-ci, estimant que ces « remèdes de cheval » devaient, à la longue, produire des effets très nocifs pour les nerfs, le cerveau et le cœur, dans un organisme sousmis à une tension aussi permanente que celui de Hitler. Au déjeuner qui suivait la conférence de midi tout se passait comme je l'ai déjà raconté pour le dîner. Si Hitler ne parlait pas sur quelque thème particulier ou ne s'amusait pas des plaisanteries que l'ambassadeur Hewel et le photographe Hoffmann étaient toujours prêts à lancer, il donnait des indications habilement dosées sur ses projets pour la paix. Il exposait alors ce qui serait à faire à l' « ère sociale » pour améliorer le niveau de vie général, dans le domaine de la santé, du logement, des loisirs, des voyages de vacances, de la culture au foyer, de la beauté de la profession, des soins à donner à la mère et à l'enfant. Il parlait du droit au travail, qui transformerait les travailleurs d'esclaves de la machine en maîtres de la technique, et ferait disparaître aussi bien la lutte des classes du capitalisme que la détresse apportée aux masses par le bolchevisme. Il formulait volontiers des aphorismes sur les questions d'art qui constituaient le narcotique le plus efficace pour son cerveau toujours bouillonnant. Même dans sa politique, il se considérait comme un artiste, un sculpteur, qui, en se servant du peuple allemand comme « maillet » et avec pour « matériau » l'Europe, la Russie occidentale et l'Ukraine, créerait un gigantesque « Reich millénaire » selon ses idées. Il présentait les monuments les plus représentatifs de l'Antiquité et de l'époque moderne comme la preuve manifeste que l'Europe n'était pas seulement un continent mais une unité de civilisation historique, qu'elle opposait la multiplicité de la culture personnelle à l'uniformité de celle de l'homme américain ou bolchevique, que, dans cette lutte pour l'unification, elle approuvait le national-socialisme, parce qu'elle se concevait non pas comme une macédoine mais comme une communauté des peuples constituée par l'Histoire. Fréquemment, sur un ton convaincant, Hitler affirmait son horreur de la guerre qui impose d'indicibles souffrances à des 137


HITLER CET INCONNU millions d'êtres humains. Mais cette guerre était inévitable parce que, tôt ou tard, les anciennes puissances mondiales devaient réagir contre la révolution allemande provoquée par le nationalsocialisme, source d'une civilisation véritablement socialiste et forgeuse de l'unité européenne. Un accord pacifique entre le capitalisme et le bolchevisme d'une part, le national-socialisme de l'autre, n'était pas concevable. Malgré l'énorme déploiement de forces et le fracas que réclame désormais l'Histoire pour faire accomplir à l'humanité un pas petit mais nécessaire, il avait le désir justifié d'utiliser, dans un avenir prévisible, l'immense énergie du peuple allemand pour la stabilisation pacifique du nouvel état de choses. Il disait « stabilisation pacifique » à dessein, car, après avoir réalisé, par la force, l'unification de l'Europe, il faudrait se souvenir que celle-ci n'a jamais toléré longtemps l'hégémonie d'une nation autrement que sous la forme du « primus inter pares », c'est-à-dire celle prise par la Prusse dans le Reich de Bismarck. Même au Moyen Age, où elle aspirait pourtant puissamment à l'unité, cette Europe n'a jamais toléré qu'une nation régnât directement sur les autres, sa culture et sa civilisation — donc sa vie tout entière — reposent sur la libre concurrence entre tous ses composants. Napoléon, lui-même, à SainteHélène, en était arrivé à une telle notion de l'Europe. Après le déjeuner, Hitler s'occupait des affaires civiles, en emmenant dans son bureau soit les ministres convoqués à cet effet au quartier général, soit son « éminence grise », Martin Bormann. Vers dix-huit heures se réunissait la conférence dite du soir, à laquelle n'assistaient, en règle générale, que des membres du quartier général, et qui s'occupait des problèmes de la guerre aérienne. Comme celle de midi, elle se tenait le plus souvent dans le bureau de Hitler, au Chefbunker. Maintes fois j'entendis l'écho de l'étonnement causé par sa connaissance des détails, même dans des domaines ordinairement étrangers au commandement et qui lui donnait comme une auréole de « sur-technicien ». Je fus moi-même témoin, un jour, d'une manifestation de ce savoir technique exceptionnel. A table, un officier d'étatmajor parla d'un nouveau canon russe. Bien vite pressé de questions précises auxquelles il ne pouvait répondre, il dut reconnaître 138


HITLER CET INCONNU que, même dans ce domaine bien spécialisé, Hitler en savait plus que lui. Ses adjoints militaires se plaignaient pourtant constamment de ce que, à cause de sa « fidélité de Nibelungen », il maintînt à leur poste des chefs qui ne possédaient plus la compétence, l'énergie et l'amour des responsabilités qui leur auraient été nécessaires, refusant de les déplacer vers des fonctions où ils fussent devenus inoffensifs. Au sujet de Haider, ils disaient que celui-ci avait complètement méconnu, pendant la campagne de l'hiver 1941-1942, devant Moscou, la puissance de l'appel lancé par Hitler à la nation. Il fut stupéfait par l'ampleur des effectifs, du matériel et des vêtements que Hitler fit littéralement sortir du sol. Le 17 juillet 1942, le quartier général se transporta dans les baraquements de la forêt de Vinnitsa, en Ukraine, et, pour la première fois, on perçut un net craquement dans la structure du commandement. Pour apprécier les propos que tint Hitler à cette époque, il faut connaître la naissance de l'opposition de ce qu'on appela le « Parti de la Wehrmacht », dont le mot d'ordre fut : « Oui au Führer ; non au Parti. » Je vis pour la première fois un militaire — l'amiral Canaris, chef de l'espionnage — refuser, sous un prétexte de service, une invitation à dîner de Hitler. La méfiance de celui-ci envers ses conseillers militaires crût visiblement ; il s'irrita de plus en plus contre les officiers qui attendaient des ordres avant d'agir, contre les premiers sabotages patents, contre les hésitations des spécialistes qui, dans toutes les situations, mettaient, à son avis, « à côté de la plaque ». Un jour, il envoya le major Engel en avion pour se renseigner directement sur une situation délicate dans un secteur du front. Evidemment, ces tensions n'apparurent pas tout de suite au quartier général de Vinnitsa. Dans les derniers temps de mon séjour, il put encore arriver qu'un soir, le capitaine Schulze et moi, fûmes si occupés à remplir nos verres que nous ne vîmes pas Hitler se lever de table ; presque aussitôt, dans un rire général, il se rassit avec tout l'état-major en disant : « Nos deux jeunes camarades n'ont pas encore terminé ! » Mais le maréchal Keitel, toujours en quête d'un arrangement, devint alors si troublé que, un jour où Hitler se présenta à table plus tôt qu'on ne l'attendait, il s'occupa personnellement de hâter le service, et. 139


HITLER CET INCONNU en annonçant : « Mon Führer, le déjeuner est servi », se mit à dos tous les militaires. Peu après mon départ du quartier général, en août 1942, une rupture définitive se produisit entre Hitler et ses conseillers militaires, en particulier avec le général Jodl, au sujet de la responsabilité pour la double offensive vers Stalingrad et le Caucase. Ce fut la fin des repas pris en commun et, par conséquent, des propos de table au quartier général. Des sténographes assermentés, que le Reichsleiter Bormann fit venir de la direction du Parti, durent brusquement — sans formation militaire pour la plupart — noter tout ce qui se disait dans les conférences sur la situation. Hitler voulait que chacun prît désormais la responsabilité de ses dires, comme s'il sentait, au tréfonds de sa conscience, qu'il avait dépassé le zénith de ses triomphes et que le char de l'Allemagne roulait vers la plus terrible catastrophe qu'il eût connu depuis des siècles.


II

LES PROPOS DE TABLE,

1-36 R E D I G E S P A R

LE DR PICKER D'APRES LES NOTES STENOGRAPHIQUES DU MINISTERIALRAT HEIM (21/7/1941-11/3/1942)

1.

27/7/1941 (nuit) (Wolfsschanze). DANTE ET LUTHER, CRÉATEURS DU LANGAGE L'AMITIÉ QU'ON DOIT AVOIR POUR LE DUCE ET LES ITALIENS PARIS COMPARÉ AU CHARME DES VILLES ITALIENNES

AU FOND, NOUS DEVRIONS ETRE reconnaissants aux Jésuites. Qui sait si, sans eux, nous eussions pu passer de style gothique à l'architecture légère, aérée et claire de la contre-réforme ? En face des efforts de Luther pour ramener au mysticisme un haut clergé complètement mondanisé, les Jésuites ont fait appel à la joie des sens. Luther n'entendait nullement lier l'humanité à la lettre des Ecritures ; il y a de lui toute une série de réflexions dans lesquelles il prend position contre elles et constate qu'elles contiennent beaucoup de mauvais. Le protestantisme a, lui aussi, brûlé des sorcières, mais cela ne se fit pour ainsi dire pas en Italie. Le Méridional traite avec plus de légèreté les affaires de la foi. Le Français aussi se comporte sans aucune contrainte à l'église, alors que, chez

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HITLER CET INCONNU nous, on risque de se faire remarquer si on ne s'agenouille pas. En revanche qu'il (Luther) ait osé se dresser contre le pape et l'organisation de l'Eglise, voilà la première révolution ! En traduisant la Bible, il a remplacé nos dialectes par la langue allemande (et exprimé le tempérament et l'esprit de la nation dans des caractères uniformes). Le parallèle entre le développement de l'Allemagne et celui de l'Italie est frappant. Les créateurs de la langue se dressèrent contre la volonté de domination universelle de la papauté : Dante et Luther. Un seul homme conduisit chacune des deux nations à l'unité, malgré les intérêts dynastiques. Elles devinrent des Etats contrairement au désir du pape. Une rencontre avec le Duce m'est toujours une joie particulière. C'est une très grande personnalité. Curieux qu'il ait travaillé en Allemagne comme ouvrier du bâtiment à la même époque que moi. Assurément, mon programme est né en 1919 et je ne savais alors rien de lui. Notre doctrine repose sur des fondements spirituels qui lui sont propres ; mais chaque homme résulte de sa pensée et de pensées étrangères. Qu'on ne dise donc pas que les événements d'Italie sont restés sans influence sur nous. La chemise brune n'aurait probablement pas existé sans la chemise noire. La marche sur Rome, en 1922, constitua un tournant de l'Histoire. Le seul fait qu'elle eût pu se faire, nous donna une impulsion. (Le ministre Schweyer (1) me reçut quelques semaines plus tard ; il ne l'aurait pas fait sans cela.) Si le marxisme avait alors pris Mussolini de vitesse, je ne sais pas si nous aurions pu tenir. Le national-socialisme était encore une plante bien chétive. Si le Duce mourait, ce serait un grand malheur pour l'Italie. Quand on circule avec lui dans la villa Borghèse et qu'on le compare avec les bustes romains, on pense immédiatement : c'est un César ! Il a certainement en lui l'héritage d'un des grands hommes de cette époque. A côté de leurs faiblesses, les Italiens possèdent beaucoup de (1) Ministre de l'Intérieur dans le gouvernement bavarois (1921-24). (2) Construite au XVIIe siècle, célèbre par sa collection de sculptures.

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HITLER CET INCONNU qualités qui nous les font aimer. L'Italie est la patrie de la notion d'Etat. L'Empire romain fut la seule réalisation politique vraiment grande. Le sens musical du peuple italien, son goût des proportions harmonieuses, la beauté de sa race ! La Renaissance constitua l'aube d'un jour nouveau, de celui où l'homme aryen se retrouva. Et notre propre histoire sur le sol italien ! Celui qui reste indifférent à l'Histoire est comme privé d'ouïe ou de visage. Assurément, il peut vivre ainsi, mais qu'est-ce qu'une telle vie ! L'enchantement de Florence et de Rome, de Ravenne et de Sienne ou de Pérouse ! Comme la Toscane et I'Ombrie sont belles ! Le moindre palais de Florence ou de Rome a plus de valeur que tout le château de Windsor. Si les Anglais détruisaient Florence ou Rome, ce serait un crime. Pour Moscou, il n'y aurait pas grand dommage, ni, malheureusement, pour le Berlin d'aujourd'hui. J'ai vu Rome et Paris. Paris, je dois le dire, n'a rien, l'Arc de triomphe excepté, de comparable par la grandeur au Colisée, au château Saint-Ange, voire au Vatican, œuvres collectives qui dépassent l'individuel. Dans les constructions de Paris il y a toujours quelque chose de bizarre, soit ces œils de bœuf, inacceptables dans l'ensemble, soit un pignon qui écrase la façade. Quand je compare le Panthéon antique avec celui de Paris, comme celui-ci me paraît mal construit ! Et quelles sculptures ! De ce que j'ai vu à Paris rien ne m'est resté, mais Rome m'a vraiment empoigné. Quand le Duce est venu nous voir, nous avons pensé faire bien les choses, mais notre voyage en Italie, la réception — malgré tout le cérémonial périmé — la traversée jusqu'au Quirinal, ce fut bien différent. Naples, le château excepté, pourrait se trouver n'importe où en Amérique du Sud. Mais il y a la cour du Palais, quelle grandeur dans les proportions, tout y est harmonieusement calculé ! Je souhaiterais de pouvoir vagabonder en Italie comme un peintre inconnu. Au lieu de cela : des groupes ici, des groupes là, et le Duce qui ne peut pas regarder plus de trois tableaux ; en conséquence, je n'ai rien vu en peinture. La Sicile, aussi, doit être merveilleuse. 143


HITLER CET INCONNU 2.

22/711941 (nuit). AMITIÉ ANGLO-ALLEMANDE ?

L'Anglais est supérieur à l'Allemand par le sentiment qu'il a de sa valeur personnelle. Seul possède ce sentiment qui sait commander. Des Allemands travaillent, dans le monde entier, sans recevoir le salaire qu'ils mériteraient ; on reconnaît leurs capacités. Mais le fait qu'ils vivent de leur seul travail, les fait paraître pitoyables à ceux qui profitent d'eux. D'où vient que les Allemands fussent si mal considérés dans le monde anglo-saxon d'avant la guerre mondiale ? Vers 1870, nous avions un taux d'accroissement de population très élevé. En conséquence, entre deux cent mille et trois cent mille devaient s'expatrier chaque année. Le seul remède eût consisté à intégrer ces gens dans le circuit du travail. Comme production n'entraient en question que les produits fabriqués en partant des deux matières premières allemandes : le charbon et le fer. Jusque-là, c'était l'Angleterre qui couvrait les besoins en produits de cette sorte. Les Anglais insistaient sur la qualité et réclamaient en conséquence des prix élevés. Dans ces conditions, pour faire quand même des affaires, il ne reste qu'à offrir ses produits à un prix inférieur à celui du monopole. Notre assiduité au travail nous permit d'assurer la production en série. Les articles étaient moins chers, mais ne pouvaient avoir la même qualité que les produits anglais. Nous étions des débutants et ignorions les secrets de fabrication. Aussi advint-il que lors d'une exposition universelle à Philadelphie, dans les années 80, la production allemande fut qualifiée péjorativement de « camelote ». Avec le temps, nous avons cependant pu surclasser la qualité anglaise dans trois genres de produits : l'indusrie chimique, avec, en tête, les produits pharmaceutiques, les colorants et, juste avant la guerre, l'extraction de l'azote de l'atmosphère ; les appareils électriques et les instruments d'optique. L'Angleterre ressentit si vivement cette concurrence qu'elle réagit de toutes ses forces. Mais des tentatives politiques comme 144


HITLER CET INCONNU l'élévation des droits de douane et la conclusion d'accords commerciaux, pas plus que l'apposition de la marque « Made in Germany », n'y purent rien. Pour l'Anglais, la forme d'existence de l'ère victorienne constituait l'idéal de vie. Il avait alors à son service les innombrables millions d'hommes de son empire colonial, plus de trente-cinq millions de travailleurs dans son propre pays. S'y ajoutaient environ un million de bourgeois de la classe moyenne et un millier de seigneurs à qui allait, sans peine pour eux, le fruit du travail des autres. L'avènement de l'Allemagne fut un malheur pour cette caste dirigeante. En fait, notre développement économique scellait déjà le sort de l'Angleterre et, dans l'avenir, l'Empire britannique ne pourra se maintenir qu'avec l'appui de l'Allemagne. La fin de la guerre, j'en suis certain, sera le début d'une amitié durable avec l'Angleterre. Mais, pour que nous puissions vivre en paix avec elle, il faut d'abord la mettre k.-o„ c'est ce que l'Anglais attend de quelqu'un qu'il doit respecter. Il faut effacer 1918. A la question de savoir si le Reich sera armé contre les dangers de l'existence dont l'Angleterre menace d'être la victime, on peut seulement répondre : Oui, et c'est pourquoi je m'occupe autant des arts. En Angleterre, la culture, comme le sport, est le privilège exclusif des seigneurs et dans aucun autre pays Shakespeare n'est aussi mal joué. Ils aiment la musique mais elle ne le leur rend pas. Ils n'ont pas non plus de penseur de toute première grandeur. En quoi la National Gallery intéresse-t-elle la masse du peuple ? Leur réforme n'est pas née, comme l'allemande, d'une crise de conscience, mais d'une affaire d'Etat. A Bayreuth, on voit plus de Français que d'Anglais. Ceux-ci n'ont aucun opéra, aucun théâtre où l'on travaille comme on le fait dans nos centaines de théâtres allemands. J'ai pourtant fait la connaissance de beaucoup d'Anglais et d'Anglaises que nous estimons, même si ceux à qui nous avons eu officiellement affaire n'étaient pas à la hauteur. Ils constituent cependant avant tout le peuple auquel nous pouvons nous associer. 145


HITLER CET INCONNU 3.

I j8ll941 (nuit), LA BUREAUCRATIE

On me demande constamment de dire quelques mots d'éloge au sujet de la bureaucratie. Ce m'est impossible. Assurément nous possédons une administration propre, incorruptible, vétilleuse. Mais elle est « surorganisée », débordée en partie. On n'y recherche pas la réussite, on n'y attribue pas de responsabilités définies à certaines fonctions, rien ne s'y fait par initiative. Et avec cela, on y est toujours rivé à son siège. A une exception près (l'armée), il y a beaucoup plus de souplesse dans les forces armées que dans le secteur civil. Et pourtant les soldes y sont souvent insuffisantes. En outre, une idée fixe : la législation doit toujours être la même pour tout le Reich. Pourquoi pas une réglementation pour une partie du Reich ? Et dans leur idée une réglementation mauvaise mais uniforme est préférable à une bonne mais non uniforme. Ce qu'il faut, c'est que la direction garde une vue d'ensemble de l'activité administrative et conserve tous les fils entre ses mains. La Wehrmacht accorde ses plus hautes récompenses à celui qui — agissant contrairement à ses ordres — sauve une situation par sa clairvoyance et son esprit de décision. Dans l'administration, ne pas exécuter une prescription vous coûte toujours la tête : le mot exception y est ignoré. Le courage de prendre des responsabilités manque donc. La seule chose bien c'est que nous allons avoir peu à peu (par le développement de la guerre) tout un continent à administrer. Le seul fait que le soleil n'y sera pas partout simultanément à la même place interdira l'uniformité. Nous sommes obligés de régir, avec une poignée de gens, des régions de trois cents à cinq cents kilomètres. Evidemment, la police doit toujours y être prête à tirer. Les hommes du Parti y mettront bon ordre. Nous aurons certainement à payer pour apprendre : des erreurs ne sont pas toujours évitables. Mais qu'importe si l'on peut m'annoncer, dans dix ans : « Dantzig, l'Alsace et la Lor146


HITLER CET INCONNU raine sont bien allemandes quoique trois ou quatre erreurs aient été commises à Colmar, et cinq ou dix ailleurs. » Pourvu que nous ne perdions pas les provinces, nous pourrons accepter ces erreurs. Dans dix ans, nous disposerons d'une élite où nous pourrons faire appel à celui-ci ou à celui-là quand quelque difficulté nouvelle sera à surmonter. Il en sortira une nouvelle espèce d'hommes, ayant une véritable nature de maître, quoique nous ne pourrons pas les employer à l'ouest : les vice-rois. 4.

218/1941 (midi). LA BOURGEOISIE

Rien d'étonnant que le communisme ait eu son plus solide bastion en Saxe, que nous n'ayons pu gagner les travailleurs saxons que graduellement, ni qu'ils soient aujourd'hui parmi nos plus fidèles : la bourgeoisie y était d'un esprit particulièrement borné. Aux yeux des économistes saxons nous étions, nous aussi, des communistes. Réclamer l'égalité sociale, c'était faire du bolchevisme. Le mal qu'ils ont pu faire aux artisans est inimaginable. Il y avait là une ploutocratie analogue à celle de l'Angleterre d'aujourd'hui. La Wehrmacht avait déjà constaté une détéroriation progressive du matériel humain en Saxe. le ne reproche pas aux petites gens d'avoir été communistes : on ne peut le reprocher qu'aux intellectuels qui voyaient dans la misère un moyen d'atteindre leur but. Quand on pense à cette racaille de bourgeois, le rouge vous monte encore au front. La masse suivit la seule voie possible. Les travailleurs ne participaient aucunement à la vie nationale. Lors de l'inauguration d'un monument à Bismarck, par exemple, ou d'un lancement de navire, aucune délégation ouvrière n'était invitée ; on n'y voyait que des chapeaux hauts de forme et des uniformes. Pour moi, le haut-de-forme s'identifie à la bourgeoisie. Rien de plus beau que de regarder de vieilles Woche (1). Il (I) Hebdomadaire le plus lu par la bourgeoisie avant 1914.


HITLER CET INCONNU faut voir ça, c'est moi qui vous le dis ! A un lancement de bateau, rien que des hauts-de-forme, même après la révolution ; le peuple assurait tout au plus la figuration à l'arrivée des hautes personnalités. Une fois (1890), le Kaiser reçut une délégation d'ouvriers ; ce fut pour les engueuler, les menacer de leur retirer sa faveur. Devant leurs camarades, les délégués n'eurent qu'à interpréter le discours impérial. Pendant la guerre, c'était trop tard. D'autre part, on fut trop lâche, on n'osa pas écraser la tête de la social-démocratie. Bismarck voulait le faire, mais avec une législation sociale ; cette voie, suivie pendant vingt ans de façon constante, aurait conduit au but. Thälmann (1) est le type même de ces petits esprits qui ne pouvaient agir autrement qu'ils le firent. Le mal, chez lui, fut de ne pas être aussi intelligent que Torgler (2) par exemple. Il était plus borné. J'ai donc pu laisser courir Torgler alors qu'il me fallut arrêter Thälmann, non par esprit de vengeance mais parce qu'il constituait un danger. Dès que la grande menace de la Russie sera écartée, il pourra aller où il voudra. Je n'ai pas eu besoin d'enfermer les sociaux-démocrates parce qu'aucun pays étranger ne pouvait leur fournir les moyens de nous nuire. Le pacte avec la Russie n'a jamais impliqué que nous devions prendre une autre attitude envers le danger intérieur. Nos communistes, en soi, me sont mille fois plus sympathiques qu'un Starhemberg (3) par exemple. C'étaient des natures solides qui, s'ils avaient séjourné plus longtemps en Russie, en seraient revenus complètement guéris.

(1) Thälmann, président du P.C. allemand de 1925 à 1933, assassiné à Buchenwald le 28-8-44. (2) Torgler, président de la représentation parlementaire communiste. Acquitté au procès de l'incendie du Reichstag. (3) Le prince von Starhemberg participa au putsch de Munich, en 1923, mais joua ensuite un rôle important dans le « Mouvement de défense intérieure » autrichien.

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HITLER CET INCONNU 5.

21811941 (soir). RIDEAU DE FER ? LES FOURNISSEURS D'ÉNERGIE DE L'AVENIR

Si la Russie se barricade, c'est uniquement pour empêcher que des comparaisons soient possibles. Staline dut introduire le bolchevisme dans les Etats baltes pour que les soldats d'occupation ne pussent y faire des comparaisons intolérables. Au début, il n'envisageait pas de le faire. Nous voulons façonner l'Allemagne de façon à faire perdre ses idées préconçues à quiconque y viendra. Je ne veux imposer le national-socialisme à personne. Si l'on me dit que d'autres restent des démocrates, très bien, qu'ils restent en toute circonstance des démocrates libéraux. Les Français, par exemple, conserveront leurs partis ; plus il y aura chez eux de mouvements sociaux révolutionnaires, mieux cela vaudra pour nous. Ce que nous faisons actuellement est déjà très bien ; beaucoup de Français ne souhaiteront pas nous voir quitter Paris. Ils sont suspects aux Français de Vichy à cause de leurs rapports avec nous ; inversement, Vichy ne voit peut-être pas d'un mauvais œil que nous soyons à Paris parce qu'il faut toujours y compter avec des mouvements révolutionnaires. Lors de l'organisation définitive de notre économie, il faudra veiller à assurer l'augmentation du cheptel. II sera aussi très important de consacrer au moins quatre cent mille hectares à la culture des plantes donnant du caoutchouc, afin de couvrir nos besoins. L'utilisation de la houille n'en est, chez nous, qu'à ses débuts à cause de la puissance des intérêts privés capitalistes. L'énergie hydraulique devra avant tout être employée par les gros consommateurs, l'industrie chimique, etc. Nous devrons accorder des primes à la production de tout kilowatt supplémentaire en nous rappelant nos vieux moulins. L'eau coule, il suffit de construire un barrage et on se procure ce dont on a besoin. Le charbon s'épuisera bien un jour, mais il y aura toujours de l'eau. On peut exploiter cela d'une manière très différente de celle d'aujourd'hui. On peut construire barrage après barrage, utiliser la

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HITLER CET INCONNU moindre chute d'eau. On obtient ainsi un écoulement plus régulier de celle-ci. Et l'on peut aussi construire de façon à être à l'abri des bombes. Le procédé Fischer (1) est une des inventions les plus géniales jamais faites. La Norvège doit devenir, un jour, la grande centrale d'électricité de l'Europe septentrionale. Les Norvégiens auront enfin, là, une mission européenne à remplir. Je ne sais pas ce qu'il en est en Suède. En Finlande, il n'y a malheureusement rien à faire. Si toutes nos villes adoptaient le procédé de récupération du gaz dans les détritus, comme à Munich (qui couvre ainsi 12 % de ses besoins), ce serait une chose énorme. Dans la Welzerheide, le gaz sort de terre, à Wels on se chauffe avec lui. Il ne faudrait pas s'étonner si l'on y trouvait du pétrole quelque jour. Pour l'avenir, l'eau, le vent et les marées sont assurés. Pour le chauffage on emploiera vraisemblablement l'hydrogène. 6.

9/8/1941 PRINCIPES DU SENTIMENT DE L'HONNEUR CHEZ LES OFFICIERS

Les principes servant de base à la conception de l'honneur chez les officiers ont été discutés plusieurs fois ces derniers temps, à table, entre Hitler et les généraux. En conséquence, le commandant en chef de l'armée (maréchal von Brauchitsch) en a tiré les instructions suivantes. Le commandant en chef constate qu'une incertitude s'est récemment produite à l'intérieur de la Wehrmacht en ce qui concerne la conception de l'honneur ; elle a son origine dans la détérioration et l'évolution des principes, dues à la guerre, dans l'accroissement considérable du corps des officiers et dans le rajeunissement des officiers qui occupent des postes de commandement. Cela n'était pas inattendu mais nécessite une intervention à temps pour que le corps tout entier n'en souffre pas. (1) Le procédé Fischer-Tropsch, utilisé dans la production des hydrocarbures.

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HITLER CET INCONNU (Il est désirable que ces directives soient communiquées confidentiellement. Leur utilisation par le Parti n'est pas à envisager.) L'officier n'est pas seulement tenu de remplir d'une façon exemplaire ses obligations de carrière. Il a aussi le devoir d'être, pour le peuple tout entier, un modèle par son sentiment de l'honneur, et comme représentant de la façon de vivre allemande. L'honneur constitue la plus haute notion morale pour les Allemands. Conserver l'honneur est donc le devoir suprême de l'officier. Sa valeur personnelle et la considération qu'on lui porte dépendent de la fermeté et de l'incorruptibilité de ce sentiment. Le but de la formation doit être de le développer et de l'approfondir. J'énumère les principes suivants : Avant tout vient l'amour du Führer, du Peuple, de la Patrie. L'officier doit donc nettement se séparer de ceux qui se tiennent en dehors de la voie et de la lutte allemandes. Il a le devoir d'imposer sa foi dans la victoire à ceux qui faiblissent ou hésitent. Ses parents les plus proches doivent nourrir les mêmes sentiments. L'honneur de l'officier sera atteint par exemple si son épouse se laisse aller à des déclarations punissables comme « insidieuses ». L'officier, en tant qu'incarnation du commandement allemand, a démontré également, dans cette guerre, que risquer sa vie au « champ d'honneur » constituait l'ultime et plus haut accomplissement de son métier de soldat. Mais les devoirs de la vie quotidienne réclament aussi, souvent, du courage, et parfois un combattant inébranlable devant l'ennemi ne manifeste pas le même « courage civil ». Prendre la responsabilité de ses erreurs et de ses fautes, ne pas craindre les déclarations et les discussions désagréables, voire humiliantes, défendre son opinion devant un supérieur, en gardant les formes nécessaires, quand l'intérêt général ou le devoir sont en jeu, exécuter une décision reconnue comme juste en dépit de tous les obstacles et de toutes les difficultés, lutter contre ses propres faiblesses et ses insuffisances, tout cela, c'est également se montrer brave. La fidélité consiste à accomplir jusqu'au bout le devoir accepté. Etre loyal, c'est se préoccuper de ses subordonnés. Qui pense 151


HITLER CET INCONNU d'abord à soi, à son bien-être, qui n'est pas toujours prêt à aider et à conseiller ses soldats dans toutes les difficultés de la vie courante, qui impose des privations sans se les imposer à soimême, manque à ce devoir de loyauté. La fidélité, c'est la camaraderie. Celle-ci ne se borne pas à l'harmonie de l'existence en commun mais s'éprouve dans le besoin et le danger. La camaraderie, c'est l'aide désintéressée et dévouée apportée face à l'ennemi comme dans la vie quotidienne. La loyauté, c'est le respect des grandeurs de notre histoire. Juger un événement passé n'est permis qu'à celui qui a prouvé dans les faits qu'il était compétent pour le faire. L'officier doit toujours tenir parole. Le simple respect de soi l'exige : un homme, une parole. La parole d'honneur doit être intangible. Blesser la vérité par manque de courage atteint l'honneur. Faire des déclarations inexactes ou négligentes aussi. Mentir pour en tirer des avantages personnels est déshonorant. Faire son devoir, c'est servir l'ensemble sans penser à soi. Etre dur envers soi-même et toujours prêt à s'engager à fond justifient seuls les prérogatives attachées au rang et au grade. C'est parce que l'officier doit veiller jour et nuit sur sa troupe, parce qu'il est responsable de la vie de ses subordonnés, parce qu'il a de lourdes obligations à remplir, parce qu'il est le dernier à se reposer, qu'il se voit attribuer un logement et un service personnel. Des avantages personnels non justifiés, quelle qu'en soit la nature, sont contraires à l'honneur et sapent le prestige de l'officier. Chaque guerre comporte pour quelqu'un de mal assuré intérieurement, le danger d'acquérir l'esprit de mercenaire. On voit apparaître le manque de scrupules, l'égoïsme, la jactance, la suffisance. Celui qui ne peut se maîtriser, limiter ses prétentions personnelles, qui se vante et dénigre les succès des autres, qui n'agit que par ambition, par soif du profit, qui prétend disposer de « bonnes relations », perd la considération dont son entourage revêt l'homme intègre. La propreté intérieure, c'est de penser et d'agir chevaleresquement, c'est-à-dire avec modestie, discré152


HITLER CET INCONNU tion, sans ambition ni envie. En temps de guerre, ces qualités sont encore plus nécessaires à l'officier. Toute femme a droit au respect de l'homme à moins qu'elle ne s'en prive elle-même par des actes déshonorants ou répréhensibles ou par tout autre comportement contraire à la morale. Interroger des femmes sur leur vie privée, particulièrement sur leur vie conjugale, n'est pas compatible avec ce respect. Le mariage, principe de la famille, assure la vie et l'avenir du peuple. Le garder pur est une obligation morale. L'officier, que son rôle de chef met particulièrement en évidence, doit mener une existence exemplaire, incarner cette haute conception et l'appliquer dans sa propre famille. L'adultère dans son ménage ou dans un autre est contraire à l'honneur. S'en rendre coupable envers sa femme, c'est rompre sa promesse de fidélité. L'infidélité de la femme oblige le mari à défendre l'honneur de sa maison contre celui qui le blesse. L'honneur est exposé à des attaques extérieures. Toute offense, toute mise en doute de l'intégrité morale le touche à moins qu'elles ne proviennent de quelqu'un qui n'est pas maître de ses sens ou qui est connu comme un homme vil. L'officier doit repousser immédiatement de telles attaques et veiller à ce qu'elles ne recommencent pas. En principe, les injures, les offenses et autres atteintes à l'honneur (adultère, par exemple) doivent être aussitôt signalées au supérieur qui a dès lors l'obligation de lui faire obtenir réparation, si l'offenseur ne l'offre pas de lui-même, éventuellement en recourant aux moyens prévus par le code de l'honneur. Le recours au duel ou à d'autres mesures (telles que le divorce) n'est pas à recommander. Il faut faire la différence entre la « défense de l'honneur » et l'attitude qui est réclamée d'un officier. Celle-ci comporte exclusivement le comportement en public (manières, présentation, observation de la discipline, tenue). Les marques de respect militaires ne sont pas des choses secondaires, les supérieurs doivent donc veiller, dans un but éducatif, qu'elles soient observées. Les infractions sont à punir par la voie disciplinaire ou judiciaire.

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HITLER CET INCONNU 7.

8 et 9/9/1941 (nuit), 10/9 (midi, soir et nuit). L'ALLEMAGNE, MURAILLE DE L'EUROPE CONTRE L'ASIE ANGLETERRE ET ÉTATS-UNIS ORGANISATION DE L'EUROPE COMME ZONE ÉCONOMIQUE LES ARMES DE L'AVENIR

Le sentiment que les Anglais ont de leur valeur est né dans l'Inde, Ils ne l'avaient pas il y a quatre cents ans. Dans cet énorme espace (l'Inde), ils ont été contraints de gouverner des millions d'hommes avec une poignée d'individus. Ils n'auraient d'ailleurs pu fournir des vivres et des objets de consommation courante à une collectivité européenne plus importante. Vouloir réglementer la vie sur ce nouveau continent avec cette poignée d'hommes ne pouvait leur venir à l'esprit ; aussi n'y eut-il pas d'activité de la part des missions anglicanes. Cela eut de bon que le patrimoine spirituel des Indiens ne fut pas entamé. L'Allemand s'est fait détester dans le monde entier en se mettant à jouer à l'instituteur partout où il paraissait. Ce n'était pas un bon moyen de rendre service aux peuples, car les valeurs qu'on cherchait à leur transmettre n'en étaient pas pour eux. Ce sens du devoir, tel que nous l'entendons, n'existe pas chez les Russes. Pourquoi vouloir le leur inculquer ? (Lors de notre installation dans l'espace russe) le « paysan du Reich » devra occuper de magnifiques maisons. Les autorités habiteront de merveilleux bâtiments, les gouverneurs, des palais. Autour des organes administratifs se construira tout ce qui sert à l'entretien de la vie. Dans un rayon de trente à quarante kilomètres autour des villes s'étendront de beaux villages, reliés par des routes excellentes. Viendra ensuite l'autre monde, dans lequel nous laisserons les Russes vivre comme ils l'entendent. Seulement, nous les dominerons. En cas de révolution, il suffira de larguer deux ou trois bombes sur leurs villes et l'affaire sera réglée. Une fois par an, on conduira une troupe de Kirghizes à travers la capitale du Reich pour frapper leur imagination par la force et la grandeur de ses monuments de pierre. L'espace oriental sera pour nous ce que l'Inde a été pour les 154


HITLER CET INCONNU Anglais. Si je pouvais seulement faire comprendre au peuple allemand ce que cet espace représente pour l'avenir ! Les colonies sont d'une possession précaire, mais cette terre est sûre pour nous. L'Europe est une entité non pas géographique mais conditionnée par la race. Nous comprenons maintenant pourquoi les Chinois décidèrent d'élever une muraille pour écarter les attaques incessantes des Mongols. On en vient à désirer une muraille géante pour protéger le nouvel Orient contre les hordes du centre de l'Asie. Mais ce serait contraire à l'Histoire qui enseigne que, dans les régions défendues par des fortifications, il se produit un relâchement des forces. Tout compte fait, la meilleure défense est encore une muraille vivante. Si un peuple a le droit de procéder à des évacuations, c'est bien nous, car nous avons à maintes reprises évacué nos propres gens : rien que de la Prusse-Orientale, 800 000 personnes ont été transplantées (1). Ce qui montre combien nous, les Allemands, sommes sensibles, c'est qu'il semble d'une cruauté extrême de débarrasser notre pays de ses 600 000 Juifs, alors que nous avons accepté sans récrimination, parce que nous la jugions inévitable, l'évacuation de nos propres compatriotes. Nous ne devons plus laisser un seul Allemand quitter l'Europe pour l'Amérique, Nous devons attirer les Norvégiens, les Suédois, les Danois, les Hollandais dans les territoires de l'Est ; ils deviendront des membres du Reich. Nous nous trouvons devant une grande tâche : appliquer une politique raciale méthodique. Il faut le faire, ne serait-ce que pour parer aux conséquences des unions consanguines qui s'implantent chez nous. De toute façon, nous ne pourrons employer les Suisses que comme hôteliers. Nous ne voulons pas assécher des marécages. Nous ne prendrons que la meilleure terre, le fond le meilleur. De la région marécageuse nous pourrons faire un immense champ de manœuvres, de trois cent cinquante kilomètres sur quatre cents, avec des cours d'eau et tous les obstacles que la nature présente aux troupes. (1) Allusion à l'évacuation d'environ 750 000 Allemands en conséquence de la cession aux Polonais de territoires orientaux par le traité de Versailles.

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HITLER CET INCONNU Il va sans dire qu'il serait très facile, aujourd'hui, à nos divisions bien aguerries d'écraser une armée anglaise. L'Angleterre se trouve déjà en état d'infériorité du fait qu'elle ne dispose pour ainsi dire d'aucune possibilité d'entraîner ses troupes ; pour se procurer les grands espaces nécessaires, il lui faudrait démolir trop de châteaux ! Jusqu'ici, dans l'Histoire, il n'y a eu que trois batailles d'anéantissement : Cannes, Sedan et Tannenberg (1). Nous pouvons être fiers que deux d'entre elles aient été livrées par l'armée allemande. Aujourd'hui se sont ajoutées celles de Pologne, de l'Ouest et, maintenant, de l'Est. Toutes les autres furent des batailles de poursuite, y compris Waterloo. Sur celle de la forêt de Teutberg nous nous faisons des idées fausses, à cause du romantisme de nos professeurs d'histoire ; à cette époque, on ne pouvait pas plus que maintenant livrer bataille dans une forêt. En ce qui concerne la Russie, deux conceptions s'opposèrent. Selon l'une, Staline choisirait la tactique en retraite de 1812; d'après l'autre, nous nous heurterions à une résistance acharnée. Dans cette dernière, je me trouvais pratiquement seul. L'abandon des centres industriels de Pétersbourg et de Kharkov équivaudrait, pensais-je, à une reddition, une retraite dans de telles conditions aboutirait à l'anéantissement : à cause de cela, le Russe essaierait de défendre ces positions à tout prix. Nous avons engagé nos forces en conséquence et le déroulement des événements m'a donné raison. L'Amérique — même si elle décidait de travailler furieusement pendant quatre ans — ne pourrait remplacer tout ce que l'armée russe a perdu à ce jour. Si l'Amérique aide l'Angleterre, c'est seulement parce qu'elle pense ainsi rapprocher le moment où elle recueillera son héritage. Je ne serai plus là, mais je me réjouis pour le peuple allemand à la pensée qu'on verra, un jour, l'Allemagne et l'Angleterre marcher, réunies, contre l'Amérique. L'Angleterre et l'Allemagne comprendront ce qu'elles peuvent attendre l'une de l'autre. Nous aurons alors trouvé l'allié qui nous convient. Ils sont d'une outrecuidance inouïe, ces Anglais, mais je ne les en admire pas moins ; nous avons beaucoup à apprendre à cet égard. (1) Une quatrième s'y ajouta dix-huit mois plus tard : Stalingrad.

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HITLER CET INCONNU Si quelqu'un prie pour que nous soyons victorieux, c'est bien le shah de Perse ; dès que nous parviendrons chez lui, il n'aura plus rien à craindre de l'Angleterre. La première chose à faire sera de conclure un traité d'amitié avec la Turquie, sur la base qu'elle se chargera de défendre les Dardanelles. Aucune puissance n'a quoi que ce soit à y voir. En ce qui concerne l'organisation de l'économie, nous n'en sommes encore qu'au tout début et j'imagine quelle chose merveilleuse ce sera de bâtir une économie commune à l'Allemagne et à l'Europe. Que ne gagnerions-nous pas, par exemple, si nous réussissions à utiliser les vapeurs d'eau, qui se dégagent de la fabrication du gaz et sont aujourd'hui perdues, pour chauffer des serres qui ravitailleraient nos villes, pendant tout l'hiver, en légumes et en fruits frais? Rien n'est plus beau que l'horticulture. J'avais toujours pensé jusqu'ici qu'une armée ne pouvait subsister sans viande. Je sais maintenant que les armées de l'Antiquité ne recouraient à la viande que dans les périodes de disette et que l'alimentation des armées romaines se basait presque uniquement sur les céréales. Quand on considère toutes les forces créatrices qui sommeillent dans l'espace européen — l'Allemagne, l'Angleterre, les pays nordiques, la France, l'Italie — on peut se demander quelles sont, en regard, les possibilités américaines ? Les Anglais sont fiers de l'attachement à l'Empire manifesté par les dominions. Assurément cet attachement constitue en soi quelque chose de beau, mais il ne durera que tant qu'un fort pouvoir central restera capable de l'imposer. Le fait qu'il n'y aura dans le nouveau Reich qu'une Wehrmacht, qu'une S.S. et qu'une administration exercera un effet puissant. De même que l'ordonnance de la vieille ville, enserrée dans ses murailles, diffère forcément de celle de la ville moderne, nous devrons gouverner les nouveaux espaces d'une autre façon que l'ancien Reich. L'essentiel est que tout ce qui doit être fait le soit de manière uniforme. En ce qui concerne l'Autriche, il était juste de détruire l'ancien Etat centralisé, au détriment de Vienne, et de rétablir les anciens Etats de la Couronne. Une énorme quantité de points de friction 157


HITLER CET INCONNU a ainsi disparu. Chaque gau est heureux d'être son propre maître. Les armes de l'avenir ? L'armée de terre au premier rang, puis l'aviation, puis la marine à la troisième place. Avec quatre cents chars à l'été 1918 nous eussions gagné la guerre. Notre malheur vint de ce que la direction d'alors ne reconnut pas à temps la valeur des armes techniques. L'aviation est la plus jeune des armes, mais elle a fait d'énormes progrès depuis dix ans et on ne peut encore dire qu'elle a atteint la limite de ses possibilités. En revanche, la marine n'a pour ainsi dire subi aucun changement depuis la guerre mondiale. Il est tragique que le croiseur de bataille, quintessence de la maîtrise humaine de la matière, ait perdu toute signification à cause du développement de l'aviation. Celui-ci peut se comparer au miracle technique que représentera, à la fin du Moyen Age, l'apparition du chevalier en armure sur son cheval caparaçonné. Un grand navire de combat coûte autant que mille bombardiers et quel temps il faut pour le construire ! Dès que la torpille silencieuse sera inventée, cent avions représenteront la mort d'un croiseur. Dès maintenant un grand navire de guerre ne peut plus se maintenir dans un port. 8.

24110/1941 (soir). L'ÉGLISE, LA RELIGION ET LA SCIENCE

Il n'existe aucun être, aucune substance mais, non plus, aucune institution humaine qui ne finisse par vieillir. Cependant, chaque institution doit se croire éternelle, sous peine de s'abandonner elle-même. L'acier le plus dur s'amollit, tous les éléments se désagrègent. Aussi sûrement que la terre aura sa fin, toutes les institutions trouvent un jour la leur. Ces phénomènes ne se déroulent pas selon une ligne droite, mais selon une ligne ondulée, avec des hauts et des bas. L'Eglise s'est trouvée en conflit permanent avec la libre recherche. A certaines époques, sa résistance fut telle qu'il en résulta des explosions. Par la suite, l'Eglise s'est repliée et la science a perdu de sa force d'impact. Aujourd'hui, à dix heures, lors du cours d'instruction religieuse, 158


HITLER CET INCONNU on explique l'histoire de la création d'après la Bible, puis, à onze heures, au cours d'histoire naturelle, on expose la théorie de l'évolution. La contradiction est absolue entre les deux. A l'école, j'ai remarqué cette contradiction et m'en suis choqué. Je demandai au maître du second cours ce que voulait bien dire celui du premier, et je les mettais ainsi tous deux dans l'embarras ! L'Eglise essaye de s'en tirer en déclarant que le récit de la Bible doit être considéré comme symbolique. Qui eût osé dire ça il y a quatre cents ans eût été rôti avec accompagnement d'hosannas. En se faisant tolérante, l'Eglise a regagné un peu du terrain perdu au cours des siècles précédents. Elle profite du fait qu'il est dans la nature de la science de chercher méthodiquement la vérité. La science n'est rien de plus qu'une échelle où l'on grimpe. A chaque échelon, le regard porte un peu plus loin. Mais la science ne voit pas non plus jusqu'au bout des choses. S'il se révèle que ce qu'on tenait récemment pour vrai ne constitue qu'une partie de la vérité qui ne fait pas sauter la porte de l'éternité, l'Eglise se rengorge en proclamant : nous l'avions bien dit ! Mais la science ne peut agir autrement. Si elle voulait prendre un caractère dogmatique, elle deviendrait elle-même une Eglise. Quand on dit que l'éclair provient du Bon Dieu, ce n'est pas inexact. Mais, ce qui est certain, c'est que le Bon Dieu ne dirige pas l'éclair comme le prétend l'Eglise. La définition donnée par l'Eglise est un abus, à des fins terrestres, de la création. La vraie piété réside dans la conscience profonde de l'insuffisance humaine. Celui qui voit Dieu seulement dans un chêne ou dans un tabernacle et non partout, ne peut être profondément pieux, car il reste attaché aux apparences et s'il tonne, il craint d'être foudroyé en punition de tel ou tel péché. Quand on lit les polémiques des XVIIe et XVIIIe siècles français ou les entretiens entre Frédéric le Grand et Voltaire, on en vient à avoir honte de la platitude de nos conversations actuelles. La science est arrivée à une question extrêmement importante : savoir s'il existe une différence substantielle entre l'organique et l'inorganique dans la nature : on a des corps devant soi et on ne peut dire s'ils sont organiques ou inorganiques. L'Eglise se récriera tout d'abord, puis elle se taira et maintiendra ses leçons à côté des autres. Mais, un jour, les immenses

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HITLER CET INCONNU progrès des sciences de la Nature feront sauter le dogme. C'est d'ailleurs logique. Lorsque le cerveau humain progresse d'un pas dans sa pensée et a la chance de pouvoir soulever un coin du voile épais, cela ne peut rester sans conséquences. Les dix commandements sont des règles d'existence parfaitement louables. L'Eglise et la religion s'y interpénètrent. Les Eglises sont nées du fait que la religion a reçu une représentation organisatrice. Tous les hommes éprouvent sensiblement la même chose dans leur subconscient, mais il l'expriment différemment. L'un ne reconnaît son insuffisance que lorsqu'elle le prend au collet, l'autre la comprend sans qu'il soit besoin de l'eau, du feu ou d'un tremblement de terre pour la mettre en lumière. Chacun a, dans son subconscient, le sentiment que la puissance humaine a des limites. Le microscope nous démontre que l'échelle des grandeurs s'étend non seulement vers l'extérieur mais aussi vers l'intérieur : microcosme — macrocosme. A cela s'ajoutent certaines constatations très naturelles, par exemple que telle ou telle chose est nocive pour l'homme, d'où le jeûne et les recettes de vie saine. Ce n'est pas par pur hasard que les prêtres furent également les médecins en Egypte. Si la science moderne n'éliminait que ça, elle ferait du mal. Inversement, si le clérical était employé pour étouffer le progrès humain, ce serait intolérable et toutes les religions feraient un jour naufrage. Chez les hommes vieillissants les tissus ne sont plus suffisamment élastiques. L'homme normal voit avec répugnance la mort d'un autre. Si un ami vous demande ; « Dites donc, avez-vous fait votre testament ? » vous pensez qu'il manque de tact. Plus on est jeune, moins on y pense. Mais les vieux s'accrochent frénétiquement à la vie. D'une façon générale ce sont les plus pieux. L'Eglise leur ouvre ses perspectives : la fin de l'existence n'a aucune importance, la vie continue et est encore plus belle. Et n'oubliez pas de me léguer votre petit magot ! C'est à peu près ainsi que cela se passe. Y a-t-il une seule Eglise qui ne se fige dans des dogmes ? Non, elle deviendrait de la science. La science ne peut pas expliquer pourquoi les choses de la nature sont telles qu'elles se présentent aux yeux. C'est là que la religion intervient en apportant une assurance. Cependant, sous la

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HITLER CET INCONNU forme de l'Eglise, elle se met en contradiction avec la vie. L'autorité du prélat se fonde sur le fait que sa leçon s'élève au statut de dogme, et l'Eglise se perdrait elle-même si elle ne s'en tenait pas fermement à son enseignement dogmatique. Mais ce qui cesse d'être juste au regard doit se transformer ou disparaître. C'est l'évolution éternelle. Il suffit de garder devant les yeux le fait que : 1) l'homme d'aujourd'hui possède une vue en profondeur du passé dont ne disposaient pas ses ancêtres d'il y a mille ans : 2) nous avons une vue de l'espace que l'Antiquité ne possédait pas. Parmi les deux milliards et demi d'habitants de la terre, nous trouvons cent soixante-dix grandes croyances dont chacune affirme être la seule à posséder la vérité sur l'au-delà. Cent soixante-neuf doivent donc être dans l'erreur, car une seule peut avoir raison. Aucune des religions d'aujourd'hui n'a plus de deux mille cinq cents ans. Mais il existe des êtres d'un rang supérieur à celui du babouin depuis au moins trois cent mille ans. Le pithécanthrope se distingue moins de l'homme le plus bas dans l'échelle humaine que celui-ci d'un esprit comme Schopenhauer, par exemple. Quand on regarde dans de telles profondeurs, deux mille ans sont une période bien courte. Du point de vue matériel l'univers, pour nous, se compose des mêmes éléments, qu'il s'agisse de la terre, du soleil ou des autres étoiles. Il est devenu impossible d'imaginer que la vie organique existe seulement sur notre planète. Est-ce que les connaissances scientifiques rendent l'homme plus heureux ? Je ne sais pas. Mais les hommes sont heureux avec des confessions très différentes. Il faut donc se montrer tolérant dans ce domaine. Faire croire à l'homme, comme l'a fait avec insistance la science libérale du siècle précédent, qu'il est un maître de la création, est insensé, cet homme qui, pour avancer plus vite, monte un saurien à tout petit cerveau (c'est-à-dire le cheval) ! C'est ce que je trouve le pire. Les Russes pouvaient se dresser contre leurs popes, mais ils n'avaient pas le droit d'engager, de ce fait, une lutte contre la puissance suprême. C'est un fait que nous sommes de faibles 6

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HITLER CET INCONNU créatures, mais aussi qu'il existe une force créatrice. Vouloir le nier, c'est de la sottise. Celui qui croit à quelque chose de faux est encore au-dessus de celui qui ne croit à rien. Un professeur bolchevique peut s'imaginer triompher de la création. Nous maîtriserons de tels hommes. Que nous puisions dans le catéchisme ou la philosophie, nous conservons une possibilité de repli alors qu'eux, avec leurs considérations matérialistes, ne peuvent, à la fin, que s'entredévorer ! 9.

11/11/1941 (soir). TRIOMPHER DE L'ÉGLISE, NON LA DÉTRUIRE

Le Parti a bien fait de s'écarter de l'Eglise. Il n'y a jamais eu de services religieux chez nous. Mieux vaut — pensai-je — me laisser mettre au ban ou excommunier pendant un certain temps. L'amitié de l'Eglise coûte trop cher. Si je réussis, je devrai me laisser dire : c'est à la bénédiction de l'Eglise que tu le dois. Je préfère me passer de cette bénédiction et n'avoir pas de note à payer. Il n'y avait pas de pays plus bigot que la Russie. Tout s'y accompagnait de cérémonies religieuses. Cela n'a pas empêché les Russes de recevoir des raclées. Les prières des cent quarante millions de Russes ont manifestement eu beaucoup moins de valeur (par exemple dans la guerre russo-japonaise) que celles de la nation nippone bien moins nombreuses. De même, pendant la Guerre mondiale, leurs prières ont eu moins de poids que les nôtres. Mais, même à l'intérieur, les calotins furent incapables de maintenir l'ordre établi. Ce fut le bolchevisme. Oui, les milieux réactionnaires y ont contribué : ils ont éliminé Raspoutine, et avec lui une force qui aurait pu conférer une saine affirmation à l'élément slave. S'il ne s'était trouvé des volontaires nationalistes en 19191920, le clergé eût été, chez nous également, la victime du bolchevisme. Les calotins deviennent dangereux quand les choses vont mal pour un Etat, Les forces négatives s'assemblent alors pour causer des troubles ; quelles difficultés les papes n'ont-ils 162


HITLER CET INCONNU pas créées aux empereurs germaniques ! Je ferais volontiers appel à la prêtraille si cela pouvait arrêter un seul avion anglais ou russe. Mais, pour le moment, les servants de la D.C.A. sont plus utiles que les manieurs de goupillon. Dans les pays latins, il s'en est maintes fois fallu de peu que le bolchevisme n'élimine radicalement ce qui ne tient plus très bien en soi. Lorsque les plébéiens furent mobilisés pour le christianisme dans l'Antiquité, les classes intelligentes avaient perdu le contact avec la culture antique. Aujourd'hui, quiconque est instruit des sciences naturelles ne peut plus prendre au sérieux les enseignements de l'Eglise : ce qui est en opposition avec les lois de la Nature ne peut venir de Dieu, et le Bon Dieu lui-même n'épargne pas les églises de sa foudre. La philosophie religieuse basée essentiellement sur les conceptions antiques reste au-dessous du niveau (scientifique) de l'humanité actuelle. En Italie et en Espagne cela se termine par un égorgement. Je ne veux pas de cela chez nous. Soyons heureux que le Parthénon soit toujours debout, le Parthenon et d'autres temples, bien que nous n'ayons plus rien à voir avec leur signification religieuse. Comme il serait bien d'en avoir encore plus ! Nous ne courrions pas pour cela le danger d'adorer Zeus ! Il en va de même chez nous. Du Moyen Age nous ne tenons pas de documents plus grandioses (que les églises). En iconoclaste, je balaie tout ce qui a été construit chez nous entre le Ve et le XVIIe siècle. Je crée une lacune. Combien le monde en serait appauvri ! Je ne sais rien de l'au-delà et j'ai l'honnêteté de l'avouer. D'autres affirment en savoir quelque chose sans que je puisse leur prouver qu'il en est autrement. Je n'entends pas contraindre une fille de la campagne à adopter ma philosophie. L'enseignement de l'Eglise est aussi un genre de philosophie, quoiqu'il n'aspire pas à la vérité. Que les hommes ne peuvent penser pareillement sur les grandes choses ne fait de mal à personne. Tout débouche sur une constatation de l'impuissance de l'homme en face des lois éternelles de la Nature. Ce n'est pas mauvais non plus, à condition de parvenir à la reconnaissance que le salut de l'homme réside dans une tentative pour comprendre la Providence divine et non à croire qu'il 163


HITLER CET INCONNU peut se dresser contre les lois. Si l'homme se soumet humblement à l'homme, c'est merveilleux. Tous les bouleversements constituant un mal, le mieux serait, je pense, de pouvoir venir à bout de l'Eglise sans douleur, par un éclairement spirituel progressif. Les couvents de femmes pourraient venir en tout dernier lieu. La vie intérieure est, pour l'homme, quelque chose de merveilleux. Il faut simplement en arracher le vénéneux. Beaucoup a déjà été fait, à cet égard, au cours des deux derniers siècles. Il faut faire comprendre (aux gens d'église) que leur royaume n'est pas de ce monde. Frédéric le Grand a admirablement contré leur tentative pour s'immiscer dans les affaires de l'Etat, Certaines des notes écrites par lui en marge de requêtes de pasteurs ont la sagesse d'un jugement de Salomon, et un caractère définitif. Chaque général devrait les connaître. L'humanité progresse avec une lenteur dont on a honte. En Joseph II, la maison de Habsbourg a produit une pâle copie de Frédéric le Grand. N'eût-elle donné qu'un homme de la grandeur de celui-ci, une dynastie se trouve justifiée devant l'Histoire. Nous l'avons vu pendant la Guerre mondiale, le seul pays belligérant qui fut vraiment religieux était l'Allemagne ; elle ne l'a pas moins perdue. Quelle odieuse hypocrisie d'entendre aujourd'hui ce franc-maçon fieffé de Roosevelt parler de christianisme ; toutes les Eglises devraient se dresser pour le lui interdire puisqu'il agit d'une façon diamétralement opposée à tous les principes chrétiens. L'Eglise est entrée dans sa période de décadence. Cela peut encore durer quelques siècles, mais l'évolution accomplira ce que la révolution n'aura pas fait. En faisant une découverte, chaque savant arrache un morceau du piédestal. On se prend souvent à déplorer de vivre en un temps où l'on n'aperçoit pas encore très bien la forme du monde futur. 10.

1/12/1941 (nuit). LA LOI NATURELLE DU COMBAT POUR LA VIE LA BEAUTÉ, JOIE NATURELLE DES SENS ET LA TARTUFERIE CHRÉTIENNE

Quelqu'un demande s'il est juste de reprocher à une femme 164


HITLER CET INCONNU de n'avoir pas divorcé d'avec son mari juif, après la prise du pouvoir, ou si, au contraire, il ne s'agit pas d'un sacrifice à l'opinion générale plus blâmable qu'édifiant. Quelqu'un observe qu'en épousant un Juif une Allemande fait preuve d'un tel manque d'instinct racial qu'elle s'exclut de la communauté. Ne dites pas cela. Il y a dix ans, notre classe intellectuelle n'avait aucune idée de ce qu'est un Juif. Nos lois racistes sont extrêmement dures dans des cas particuliers assurément, mais pour les apprécier il ne faut pas partir des cas particuliers ; par elles je préviens d'innombrables conflits futurs. Il y a eu chez nous, j'en suis persuadé, des Juifs dont le comportement a été très correct, qui se sont abstenus de tout ce qui pouvait nuire à la collectivité allemande ! Combien furentils, c'est difficile à dire. Mais aucun n'a engagé le combat pour la collectivité allemande contre ses frères de race. Il me souvient d'une Juive qui écrivit contre Eisner (1) dans le Bayrische Kurier ; elle était contre lui non pas par intérêt pour l'Allemagne mais pour des motifs plus concrets. Elle lui disait de ne pas poursuivre sa politique parce qu'il pouvait en résulter une réaction dangereuse pour les Juifs. C'est comme dans le quatrième commandement ; « Tes père et mère honorera afin de vivre longuement » ; pour un Juif, un précepte moral ne vaut rien en soi, il doit procurer un profit. Beaucoup de Juifs n'ont pas conscience du caractère destructeur de leur existence. Mais qui détruit la vie s'expose à mourir, et c'est bien ce qui leur arrive. A qui la faute quand le chat mange la souris ? A la souris qui n'a jamais fait de ma) à un chat ? Nous ne comprenons pas quel sens peut avoir le fait que nous voyons les Juifs détruire des peuples. Serait-ce que la Nature les ait créés pour que, par la décomposition qu'ils provoquent, ils fassent entrer ces autres peuples en action ? A ce point de vue, Paul et Trotsky sont les plus estimables de tous les Juifs. Par leur activité ils ont déclenché la réaction de défense. Celle-ci suit leur action, comme le bacille suit le corps dont il a causé la destruction. Dietrich Eckart m'a dit, un jour, n'avoir connu qu'un (1) Président du gouvernement révolutionnaire bavarois du 8-11-1918 au 21-2-1919, assassiné par le comte Arco Valley.

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HITLER CET INCONNU seul Juif bien : Otto Weininger (1) qui se suicida après avoir reconnu que le Juif vivait de la décomposition des autres peuples ! Il est curieux que des métis juifs, à la deuxième ou troisième génération, s'allient fréquemment avec des Juifs, mais que la nature élimine les éléments mauvais ; à la septième, huitième ou neuvième génération, le sang redevient pur, ce qu'il avait de juif ayant disparu. On peut trouver horrible que, dans la Nature, tous les êtres s'entre-dévorent. La mouche est happée par la libellule, celle-ci par un oiseau qui est à son tour tué par un plus gros. Ce gros oiseau devient, en vieillissant, la proie des microbes et ceux-ci trouvent aussi le destin fixé pour eux. Si nous disposions de microscopes grossissant des millions de fois, nous découvririons des mondes nouveaux ; tout, dans le monde, est gros ou petit selon ce à quoi on le compare. La seule chose sûre, c'est qu'on n'y peut rien changer ! Même quand on s'ôte la vie, tout retourne à la Nature : la matière, l'esprit et l'âme. Le crapaud ignore ce qu'il était antérieurement et nous ne sommes pas mieux renseignés sur nous. Aussi faut-il étudier les lois de la Nature pour ne pas agir contre elles, autrement, ce serait s'insurger contre le ciel ! S'il me faut croire à un ordre divin, c'est celui-ci : préserver l'espèce ! Il ne faut pas, d'ailleurs, priser si haut la vie de l'individu. Si son maintien était nécessaire, il ne disparaîtrait pas. Une mouche pond des millions d'œufs qui se perdent, pourtant il y a toujours des mouches. Ce qui doit demeurer, ce n'est pas la connaissance acquise mais la substance cérébrale d'où naît la connaissance. Personne n'est obligé de regarder l'existence d'un point de vue d'où rien ne paraît digne d'être désiré. L'homme a des sens pour découvrir le beau. Combien le monde est riche pour celui qui sait s'en servir ! En outre, la Nature lui a donné le désir de faire partager à d'autres la joie que lui cause tout ce qui est beau. Le beau doit exercer de l'empire sur l'homme, le tenir sous sa contrainte. Comment s'expli(1) Otto Weininger (1880-1903), auteur du livre très connu Sexe et Caractère.

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HITLER

CET INCONNU

quer autrement que tant d'êtres soient prêts, en temps d'épreuve, à sacrifier leur vie pour la pérennité de leur race ? Notre seul malheur est d'avoir une religion qui étouffe la joie des sens. Une certaine tartuferie évangélique est pire que la catholique. Chacune des deux Eglises a sa nature propre mais, à cet égard, l'évangélique produit l'effet d'un glacier nordique alors que la catholique, d'une expérience plus que millénaire et nourrie de l'intellect juif, se comporte avec habileté. Elle permet à l'homme tous les péchés du carnaval — sachant très bien qu'elle ne pourrait les leur interdire — pour l'inciter, à partir du mercredi des Cendres, en lui dépeignant les tourments de l'Enfer, à ouvrir largement sa bourse au profit de l'Eglise jusqu'au retour du temps où il peut de nouveau profiter des joies de la vie ! 11.

13/12/1941 (midi). CHRISTIANISME OU

RELIGION

DE

LA RACE

La guerre finira un jour. Dès lors, la dernière grande tâche de notre époque sera de résoudre le problème religieux. La nation allemande ne sera pleinement assurée qu'après. Je ne m'occupe pas des questions de foi, mais je ne peux tolérer qu'un calotin s'occupe de questions temporelles. Il faut donc que le mensonge organisé soit brisé, que l'Etat demeure le maître absolu. Dans ma jeunesse, mon idée était d'agir à la dynamite. Depuis, j'ai compris que l'affaire ne pouvait être bâclée. Cela doit tomber comme un membre gangrené. Il faudrait arriver à ne plus avoir que des gâteux parlant en chaire seulement à de vieilles femmes. La jeunesse saine est avec nous. Je n'ai rien à dire contre une Eglise d'Etat absolue, comme celle des Anglais. Mais il ne peut être vrai qu'on puisse éternellement tenir le monde avec un mensonge. Nos peuples ne se virent imposer le christianisme qu'aux VIe, VIIe et VIIIe siècles par les princes qui avaient partie liée avec la prêtaille. Ils s'en étaient bien passé auparavant. J'ai six divisions de S.S. dont les hommes sont absolument sans religion, cela ne les empêche pas de mourir avec la plus grande sérénité. 167


HITLER CET INCONNU Le Christ était aryen, mais Paul s'est servi de sa doctrine pour mobiliser la pègre et organiser un prébolchevisme. Celte intrusion a fait disparaître la belle clarté du monde antique. Qu'est-ce qu'un Dieu dont le seul plaisir est de voir les hommes s'humilier devant lui ? Un exemple, simple et net : le bon Dieu crée les conditions du péché. Après y avoir réussi avec l'aide du diable, il fait enfanter par une vierge un fils qui, par sa mort, rachète l'humanité. Je pourrais encore m'enflammer pour le paradis des musulmans, mais que dire du fade paradis des chrétiens ? Sur terre, nous avons eu Richard Wagner et là-haut, on n'entend plus que des alléluias avec agitation de palmes, avec des enfants en bas âge et des vieillards chenus ! Les gens des îles adorent encore au moins les forces de la nature. Le christianisme enseigne la transsubstantation qui est bien la chose la plus folle qu'ait inventé un cerveau humain en délire, une dérision de tout ce qui est divin. Un nègre, avec son tabou, est infiniment supérieur à celui qui croit au miracle de la transsubstantation. On en arrive à perdre toute considération pour l'humanité. Pas pour la masse qui n'a jamais rien appris d'autre. Mais dire que des ministres du Parti et des généraux pensent que nous ne vaincrons pas sans la bénédiction de l'Eglise ! Depuis trois cents ans les Allemands se battent sur la question de savoir si Dieu, dans la communion, se matérialise sous une ou deux espèces. Sur le plan religieux, nous sommes plus bas que quiconque. Même le christianisme des Japonais est une adaptation à leur monde. Ils possèdent une religion qui les ramène à la nature. Je ne peux remplacer par rien l'idée que la religion chrétienne se fait de l'au-delà parce qu'elle n'est pas soutenable. Mais l'idée d'éternité se trouve fondée dans l'espèce. L'esprit et l'âme reviennent certainement dans le grand réservoir commun, comme les corps. Nous servons d'engrais à l'humus d'où naît la vie nouvelle. Pas besoin de me casser la tête sur le comment et le pourquoi ! Nous n'approfondirons pas la nature de 1 âme ! S'il existe un Dieu, il donne à l'homme non seulement la vie mais aussi l'intelligence. Si je règle ma vie sur cette intelligence donnée par Dieu je peux me tromper, mais je ne mens pas.

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HITLER CET INCONNU La conception matérielle que l'Eglise se fait de l'au-delà échoue sur la seule remarque que ceux, contraints d'en haut de regarder la terre, souffriraient le martyre et enrageraient de voir les hommes accomplir toujours les mêmes fautes. H. St. Chamberlain (1) commit l'erreur de croire au christianisme comme à un monde spirituel. L'homme mesure toute chose par rapport à lui, il qualifie de grand ce qui l'est plus que lui, de petit ce qui n'atteint pas sa taille. Une chose est certaine : nous nous trouvons quelque part dans l'échelle du monde. La Providence a créé chaque individu dans son espèce et lui a accordé beaucoup de joies. Je voudrais arriver à ce que chacun sût qu'il vit et meurt pour son espèce ! Ce qu'il faut, c'est éduquer l'homme pour qu'il juge digne des plus grands honneurs celui qui accomplit quelque chose de particulier pour entretenir la vie de l'espèce. J'ai bien fait de tenir la prêtraille à l'écart du Parti. Eglise ou pas Eglise, telle était la question qui se posait le 21 mars 1933, à Potsdam (2). J'ai conquis l'Etat en dépit de la malédiction des deux confessions. Si j'avais alors composé avec les Eglises — nous allâmes au cimetière pendant que les officiels assistaient au service religieux — je connaîtrais aujourd'hui le même sort que le Duce. Au fond, c'est un libre penseur, mais il s'est laissé aller à faire des concessions alors qu'il aurait mieux fait d'agir de façon plus révolutionnaire, comme moi. Je serais entré de force au Vatican pour mettre à la porte toute la compagnie. « Excusez-moi, je me suis trompé ! » aurais-je dit ensuite. — Mais ils se seraient alors trouvés dehors ! En tout cas, je ne souhaite pas que les Italiens ou les Espagnols se débarrassent du christianisme : quand on l'a, on conserve des microbes en soi.

(1) Philosophe (1855-1927), beau-fils de Richard Wagner, auteur d'un livre très contesté : Les Principes du XIXe siècle. (2) La « Journée de Postdam », grande journée inaugurale du nouveau régime, quelques semaines après la prise du pouvoir. Durant la cérémonie religieuse à l'église de la garnison, Hitler et Goebbels se rendirent au cimetière de Luisenstadt, sur la tombe des « vieux combattants ».

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HITLER CET INCONNU 12.

18/1/1942 (soir). HINDENBURG ET LES DÉBUTS DE HITLER LA LA

DICTATURE

DÉFAILLANCE DE

ROUMAINE

VON

PAPEN EN

1932

Toute ma vie n'a été qu'un perpétuel effort de persuasion. En 1932 j'eus un entretien de plusieurs heures avec Meissner au Kaiserhof ; toute sa vie, me dit-il, il avait été un démocrate mais sans doute dans un sens différent de celui que nous imaginions. En réalité, nous n'étions pas très loin l'un de l'autre, et il désirait tout faire pour nous aider auprès du Vieux Monsieur (Hindenburg). Ce n'était pas facile, car toutes les conceptions de celui-ci le dressaient contre nous. Meissner, je dois le dire, fut le premier à m'expliquer de façon convaincante la position du Vieux Monsieur. Sur qui devait-il s'appuyer ? Les nationaux-allemands étaient des incapables. Il n'agirait jamais, lui, contre la Constitution. Que lui fallait-il faire ? Collaborer avec certains sociaux-démocrates et gens du Centre lui était très pénible. En plus, il avait de l'aversion pour Hugenberg qui, en 1925, l'avait qualifié de traître justement parce qu'il avait conservé Meissner. Le Vieux Monsieur m'invita : « Je voudrais connaître vos idées, monsieur Hitler. » Il était quasiment impossible de communiquer sa conception du monde par-dessus un tel abîme. Je ne pouvais le toucher qu'en parlant de questions de caractère militaire. J'établis immédiatement le contact avec le soldat, mais établir le contact politique fut un véritable tour de force. Quand j'eus fini, il alla jusqu'à m'approuver. Puis il se rappela un incident survenu en Prusse-Orientale. « Vos garçons ne devraient pas agir comme ils le font. A Tannenberg, récemment, ils se sont mis à crier : « Réveille-toi ! Réveille-toi ! » Je ne dors pourtant pas ! » Des gens avaient fait croire au Vieux Monsieur que ce cri s'adressait à lui, alors qu'il s'agissait du mot d'ordre : « Allemagne, réveille-toi ! » Aussitôt après, il me déclara qu'il m'entendrait toujours quand il y aurait à décider de quelque chose. C'était déjà beaucoup. Cependant, l'influence des milieux qui m'étaient hostiles 170


HITLER CET INCONNU restait si forte que, en 1933, je ne pus tout d'abord le voir qu'en présence de von Papen. Un jour, von Papen manqua. J'allai seul le trouver. « Où est donc M. von Papen ? Je vais cependant causer avec vous ! » Papen dut regretter, à son retour, d'être parti en voyage. Le Vieux Monsieur le tenait pour une espèce d'écervelé mais l'aimait beaucoup. Papen avait très bien su le manœuvrer. Il s'est aussi acquis des mérites. La première impulsion vint de lui. C'est lui qui ouvrit la première brèche dans la Constitution sacro-sainte. Qu'il ne soit pas monté plus haut... (1) Si Antonescu ne trouve pas l'audience du peuple, il est perdu. Qui ne dispose que de l'exécutif ne peut se maintenir. Ataturk a assuré sa domination grâce au parti du peuple. Il en va de même en Italie. S'il arrivait quelque chose à Antonescu, rien n'assurerait sa succession. Les prétendants commenceraient immédiatement à se battre dans l'armée. Moi, j'aurais fait fusiller Horia Sinna (2) et fait de la « Légion » la base du pouvoir. Sans base politique solide on ne peut ni régler la question de succession ni assurer la direction politique normale. A cet égard, les Hongrois sont supérieurs aux Roumains. Le gouvernement hongrois a bien un parlement — qui nous serait intolérable — mais l'exécutif en est affranchi. Le malheur de von Papen fut de n'avoir rien (derrière lui) ! Nous n'étions pas assez forts pour le couvrir. Je ne l'aurais d'ailleurs pas fait, car il n'était pas qualifié pour ça. Le déficit du budget du Reich et des Länder atteignait cinq milliards et demi. En outre, il y avait cinq milliards à payer à l'ennemi. « Un succès colossal ! me dit-il en rentrant de Genève (3), alors que cent cinq milliards étaient prévus sur le papier. » Au 30 janvier 1933, il n'existait que quatre-vingttrois millions dans les caisses du Reich. « Avec quoi comptezvous payer? » demandai-je. « Il faut payer, sans quoi on nous exécutera », répondit-il. « Comment ? Nous n'avons rien qu'on (1) Le manuscrit est tel. (2) Chef de la « Garde de Fer », qui exécuta un putsch contre Antonescu en janvier 1941, puis fut enfermé dans un camp de concentration allemand. (3) Sans doute de la conférence de Lausanne (16-6 au 9-7-1932).

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HITLER CET INCONNU paisse saisir. » Quand je demandai trois milliards pour les armements, on m'objecta cette obligation envers l'étranger, « Ce que vous voulez donner à l'étranger sera bien mieux employé à l'intérieur », dis-je. Je fis nettement comprendre mon point de vue à l'ambassadeur d'Angleterre quand il vint présenter ses lettres de créance. « Voulez-vous dire que l'Allemagne nouvelle ne reconnaîtra pas les engagements pris par les gouvernements antérieurs ? » demanda-t-il. « Des accords, oui, des chantages, non ! répondis-je. Je tiens pour du chantage tout ce qui porte l'estampille « Traité de Versailles » -— Formidable ! fit-il. Je vais en rendre compte à mon gouvernement immédiatement ! » Personne, ni en Angleterre ni en France, ne nous a désormais plus rien réclamé au sujet d'un paiement. En ce qui concerne les Anglais, je n'avais aucun souci, mais j'avais peur que les Français ne saisissent le prétexte pour occuper Mayence par exemple,

13.

18/1/1942 (nuit). LE PROGRAMME DU PARTI — L'HIVER RUSSE

On me demande parfois pourquoi je ne modifie pas le programme du Parti. Pourquoi le modifierais-je ? C'est désormais de l'Histoire. C'est avec ce programme que le Parti s'est fondé le 24 février 1919. S'il faut y changer quelque chose, c'est à la vie de le faire. Le N.S. (national-socialisme) n'est pas comme une revue médicale ou militaire qui se doit de publier l'ultime état des connaissances. Quelle chance pour le gouvernement que les gens ne pensent pas ! N'ont à réfléchir que ceux qui donnent un ordre et ceux qui l'exécutent. S'il n'en était pas ainsi, aucune société humaine ne serait possible. Le difficile, dans notre situation n'est pas l'hiver en soi, mais d'avoir des hommes et de ne pouvoir les transporter, d'avoir des munitions et de ne pouvoir les faire parvenir, d'avoir des armes et de ne pas pouvoir s'en servir. Malheur aux chemins de fer s'ils ne se débrouillent pas mieux la prochaine fois ! Il est tout de même mieux que j'aie parlé moi-même le 30, 172


HITLER CET INCONNU et non Goebbels (1). Ce qu'il faut, c'est garder la mesure, dans l'exhortation, entre le raisonnable et la rhétorique. Goebbels, dans un appel au front, a dit de rester dur et détendu. Je ne me serais pas exprimé ainsi. Au front, le soldat n'est pas détendu mais résolu. Pour le comprendre, il faut être passé par là. Il arrive de découvrir un crâne quelque part et chacun de s'écrier aussitôt : « Voilà comment étaient nos ancêtres. » Qui peut dire si l'homme de Neandertal n'était pas un singe ? En tout cas, nos ancêtres ne se trouvaient pas en ce lieu à l'époque. Notre pays était alors un pays misérable qu'ils traversaient tout au plus. Quand on nous interroge sur nos ancêtres, c'est toujours aux Grecs qu'il faut se référer. 14.

19/1/1942 (soir). LES DUELS POUR

DES

FEMMES

Avant 1933, j'ai toujours eu de la peine à empêcher les duels entre nos hommes. Je les ai tout simplement interdits. Quelques-uns des meilleurs parmi nous se sont troué la peau de cette façon stupide. Et pour quelles raisons ! Un jour, nous nous trouvions au Reichsadler (2). Hess était là avec sa femme et sa belle-sœur. Un étudiant à moitié ivre se conduisit de manière inconvenante envers ces dames. Hess le pria de sortir en lui disant sa façon de penser. Le lendemain, deux individus vinrent lui demander raison de la leçon ainsi infligée à leur camarade. Je lui défendis d'y donner suite. Je me fis envoyer les deux types. « Voilà un homme qui s'est battu pendant quatre ans contre l'ennemi. N'avez-vous pas honte ? » leur demandai-je. La mort de Strunk, notre seul correspondant de guerre de réputation mondiale, constitua une perte irréparable. Sa femme fut offensée et lui tué. Où faut-il chercher quelque raison ? Deux hommes peuvent se trouver dans un conflit échappant à la compétence d'un tribunal. S'ils se disputent une femme, il (1) Discours fait au palais des Sports de Berlin, par Hitler, à l'occasion de l'anniversaire de la « prise du pouvoir ». (2) Restaurant de Munich.

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HITLER CET INCONNU faut bien trancher la question d'une façon ou de l'autre. L'un d'eux doit disparaître. Cela ne sert pas au pays. En ce qui concerne les bagarres à la campagne, je suis pour la tolérance. Le jeune est mal vu, dans un village, s'il ne se bat pas pour quelque fille. Rien de tragique dans cette affaire. Il arrive qu'un tribunal condamne comme un assassin ordinaire celui qui assomme son adversaire. Il suffit qu'il ait dit, un jour : « Je te réglerai ton compte ! » pour qu'on y voit un meurtre avec préméditation. Mais où irions-nous s'il fallait considérer comme des meurtriers probables tous ceux qui profèrent de telles menaces à la campagne. En pareil cas, je ferme un œil quand il s'agit de braves garçons. La peine capitale est commuée en emprisonnement et la mise en liberté conditionnelle ne tarde pas. Qui aujourd'hui a encore parmi nous le droit de se défendre ? Il n'y a plus d'honneur individuel. Si le D.A.F. (front du travail) réclamait pour ses membres le droit de se battre en duel, il ne resterait plus que quelques pauvres diables sans honneur. Par principe, je n'autoriserai le duel qu'entre ces messieurs de l'Eglise et des juristes. Il existe un moyen beaucoup plus noble et offrant bien plus de possibilités de prouver qu'on est utile au pays. Il faut voir beaucoup plus grand dans ce domaine. Plus les événements de la vie sont importants et plus négligeables paraissent de telles choses. Combien de familles ont ainsi connu le malheur ! Le duel ne prouve rien. Quelqu'un peut avoir mille fois raison, la seule chose qui compte, c'est de mieux viser que l'autre.

15 .

20/1/1942 (midi). SÉLECTION DES OFFICIERS

Dans l'ancienne armée allemande, il y avait des choses extrêmement bonnes mais d'autres extrêmement périmées. La socialdémocratie en est résulté, ce qui ne se serait jamais produit si l'armée et la marine n'avaient tout fait pour séparer l'ouvrier du peuple. Il ne pouvait arriver à rien ; l'institution des Feldwebel174


HITLER CET INCONNU Leutnants et des Offizier-Stellvertreter (1) devait se révéler funeste. Chaque régiment a quelques officiers sur lesquels on mise. Beaucoup de ceux-là auraient pu en faire partie, mais la voie leur était barrée. Inversement, tout instituteur pouvait devenir officier automatiquement, beaucoup ne s'en sont pas montrés dignes. Quand quelqu'un a fait ses preuves, on sait qu'il est apte au commandement et on doit lui donner le grade attaché à l'unité qu'il conduit. En fin de compte, seul un capitaine doit commander une compagnie. C'est nécessaire, ne serait-ce que pour lui donner de l'autorité. Il est arrivé que des Offizier-Stellvertreter aient commandé une compagnie pendant deux ans, ou un lieutenant, un bataillon. On doit à la troupe de donner à son chef le grade qu'il a mérité. Il en va de même pour le commandement d'un régiment. Il ne faut pas que pour des raisons de pur formalisme, un chef de bataillon commande à la place d'un colonel. En temps de paix il faut forcément revenir à un ordre bien déterminé. Je me méfie des officiers à l'esprit trop pédagogique. Reste à savoir s'ils agissent correctement à l'instant décisif. Dans la bataille actuelle, un commandant de compagnie de plus de quarante ans est une absurdité. Il doit avoir vingt-cinq ans, le commandant de régiment aux environs de trente-cinq et le chef de division autour de quarante. Un coup d'œil sur la liste de nos officiers généraux suffit : ils sont tous trop âgés. Pour décider du poste à donner à quelqu'un, il ne faut plus tenir compte de la liste d'ancienneté — comme en Angleterre. 16.

21/1/1942 (midi). GOUVERNEMENT DES PEUPLES ÉTRANGERS

Il n'est pas exclu que nous parvenions par une action régu(1) Ces dispositions furent prises pendant la Première Guerre mondiale pour promouvoir des adjudants et des maréchaux des logis-chefs sans les faire entrer pour cela dans le corps des officiers. Demi-mesure, qui fut alors condamnée par tout le monde.

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HITLER CET INCONNU lière de deux cents ans à résoudre le problème des nationalités. Il était déjà résolu quand commença la guerre de Trente Ans. Dans les années 40 du siècle dernier, un Tchèque avait honte de parler sa langue. Il mettait sa fierté à parler l'allemand et le comble de l'orgueil était d'être pris pour un Viennois. L'introduction du suffrage universel, égalitaire et secret, devait forcément conduire à un effondrement des Allemands en Autriche. Les sociaux-démocrates se mirent par principe du côté des Tchèques, la haute noblesse aussi. Le peuple allemand est trop intelligent pour la noblesse. Celle-ci a toujours eu de la préférence pour les peuples périphériques. Les Tchèques valaient mieux que les Hongrois, les Roumains, les Polonais. Une petite bourgeoisie laborieuse se constitua, consciente de ses limites. Aujourd'hui encore ils nous considéreront avec colère mais avec une immense admiration : « Nous autres, gens de Bohême, ne sommes pas destinés à gouverner. » On n'apprend à diriger que dans le gouvernement des peuples étrangers. Les Tchèques auraient perdu leur complexe d'infériorité, s'ils en étaient venus à se considérer, avec le temps, comme supérieurs aux autres peuples périphériques d'Autriche. On ne peut plus s'imaginer la situation d'avant mars 1939 : comment cela fut-il possible ? Après des siècles de repliement sur nous-mêmes, nous devons apprendre à agir plus activement. Il faut entre cinquante et cent ans. Nous avons pu en dominer d'autres. L'Autriche en est le meilleur exemple. Si les Habsbourg ne s'étaient pas alliés à l'autre camp, les neuf millions d'Allemands auraient pu venir à bout des cinquante millions d'autres. On dit que des Indiens se battent pour les Anglais, c'est vrai, mais d'autres peuples se sont aussi battu pour les Allemands en Autriche. En Basse-Saxe, la capacité à commander est comme chez elle. La classe dirigeante anglaise en est sortie ! Grâce à ses méthodes de recrutement, la S.S. constitue un réservoir de chefs avec lesquels on pourra gouverner tout l'ensemble, dans cent ans, sans avoir beaucoup à réfléchir pour trouver ceux qu'on emploiera. L'essentiel est de s'affranchir de l'esprit de clocher. C'est 176


HITLER CET INCONNU pourquoi je suis heureux que nous soyons en Norvège et ailleurs. Les Suisses ne sont qu'un rameau raté de notre peuple. Nous avons perdu des Germains qui se trouvent comme Berbères en Afrique du Nord et comme Kurdes en Asie Mineure. Kemal Ataturk fut l'un d'eux, un homme aux yeux bleus qui n'avait rien de commun avec les Turcs. 17.

24 j111942 (soir). L'ANGLETERRE ENTRE L'EUROPE ET L'EMPIRE

Dès le temps de paix, il faut baser son armement sur les ressources dont on est sûr de disposer en temps de guerre. La nécessité nous a contraints, en 1936 — lors de l'ouverture du plan de quatre ans — à chercher des matières de remplacement. On ne peut se faire une idée de ce que réclame, rien qu'en instruments d'optique, une armée de plusieurs millions d'hommes ! Une orientation s'affirme en Angleterre, qui dit : nous n'avons rien à gagner en Europe. L'ancienne guerre nous a laissé seize milliards de dette auxquels deux cents sont venus s'ajouter. Les conservateurs diront : on pourrait, en acceptant de lâcher l'Inde, remporter un succès rapide, à bon marché, dans le nord de la Norvège par exemple. La Nouvelle-Zélande et l'Australie se sauveront peut-être. Mais l'Inde, il « faut » la conserver. Du point de vue capitaliste, l'Angleterre est le pays le plus riche de la terre. La bourgeoisie devient héroïque quand on menace son porte-monnaie. Il ne reste que deux possibilités : liquider en Europe et conserver l'Orient, ou l'inverse. Pas possible de garder les deux. Un changement de gouvernement se produira avec la résolution de liquider en Europe. Ils garderont Churchill tant que la volonté de poursuivre celte guerre à tout prix subsistera. S'ils étaient vraiment malins, ils termineraient la guerre, parce qu'ils porteraient ainsi le plus grave coup à Roosevelt. Ils pourraient dire : l'Angleterre n'est plus en mesure de continuer la guerre ; vous ne pouvez pas nous aider, nous sommes donc forces de prendre une attitude différente à l'égard de l'Europe.

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HITLER CET INCONNU L'économie américaine craquera et Roosevelt avec elle, l'Amérique cessera de constituer un danger pour l'Angleterre.

18.

Nuit du 25 au 26/1/1942.

ÉPOUSE OU MAITRESSE — LES CHIENS — LA CRÉATION DE L'HOMME LA PÉRIODE GLACIAIRE — AVENIR DU CHRISTIANISME POLITIQUE MALGRÉ SOI

Ne pas être marié est une chance pour beaucoup de personnalités dirigeantes ; l'ctre eût abouti à la catastrophe. Il est un point sur lequel la femme ne comprendra jamais l'homme, c'est lorsque, dans le mariage, l'homme ne lui consacre pas le temps auquel elle croit avoir droit. Tant qu'il s'agit des autres, elles disent toutes : Je ne comprends pas cette femme. Moi je n'agirais pas comme elle ! Mais chacune devient déraisonnable quand il s'agit de son mari. Il faut le reconnaître : une femme qui aime son mari ne vit que pour lui ; elle n'apprend qu'il y a autre chose pour elle qu'après avoir eu des enfants ; elle réclame donc de son mari qu'il vive aussi pour elle. Mais l'homme est l'esclave de sa pensée : son travail et ses obligations l'absorbent et il peut y avoir des moments où il se dit : au diable, cette femme, au diable ces enfants ! Quand j'y songe, je me dis qu'en 1932 je n'aurais pu passer que quelques jours chez moi, et encore, je n'y eusse pas été pleinement mon maître. « Tu n'es jamais avec moi ! » se plaint la femme quand ses pensées absorbent soudainement un homme. Assurément, on ne peut toujours être dans les bras l'un de l'autre ! Même la séparation apporte une sorte de joie à la femme, celle du retour. Quand un marin rentre chez lui, c'est, chaque fois, comme un nouveau mariage ! Après une absence de plusieurs mois, il retrouve toute sa liberté durant quelques semaines. Cela n'aurait jamais pu être pour moi. Ma femme m'eût toujours fait le même reproche : « Et moi ? » Avec cela, le tourment qu'on se cause parce qu'on voudrait bien faire plaisir à sa femme ! Moi, je n'aurais jamais montré

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HITLER CET INCONNU qu'un visage contristé, soucieux, à moins de négliger tous mes devoirs ! Voilà pourquoi il vaut mieux ne pas se marier. Le mauvais côté du mariage, c'est qu'il crée des droits ! Pour cette raison, il est bien préférable d'avoir une maîtresse. L'obligation disparaît, tout devient un cadeau. Ceci ne vaut, bien entendu, que pour les hommes supérieurs. Je ne crois pas qu'un homme comme moi se marie jamais. II s'est fait — intellectuellement — un idéal de femme en empruntant à celle-ci sa silhouette, à celle-là ses cheveux, à une troisième son esprit, à une quatrième ses yeux, et c'est avec cette sorte de sonde qu'il aborde toute nouvelle créature. Mais cela ne peut pas aller ainsi. Il faut se réjouir quand on trouve chez une femme quelque chose de parfait. Il n'y a rien de plus beau que de former un jeune être ; une fille de dix-huit à vingt ans est malléable comme de la cire. Il doit être possible à un homme de la marquer de son empreinte. D'ailleurs elle ne désire que cela ! L'amoureuse (Ara) de Kempka (mon chauffeur) est une très gentille fille. Mais je ne crois pas qu'ils puissent être heureux ensemble. Pour cela. Kempka s'intéresse trop exclusivement à la technique et elle, elle est trop intelligente. Quelles belles femmes il existe ! Un jour, nous nous trouvions au Ratskeller de Brème. Entre une femme. On eût cru être transporté dans l'Olympe ! Tout simplement éblouissante ! Tout le monde posa couteau et fourchette, n'ayant plus d'yeux que pour cette femme. Une autre fois, plus tard, à Brunswick, Par la suite, je me suis fait les plus amers reproches, et tous ceux qui m'accompagnaient aussi : une délicieuse chose blonde se précipita vers ma voiture pour m'offrir un bouquet. Tout le monde se souvint parfaitement de l'incident, mais personne n'eut l'idée de demander son adresse à la jeune fille pour que je pusse lui envoyer un mot de remerciement. Blonde, grande, merveilleuse ! Mais vous savez ce que c'est : la bousculade partout, toujours se presser ; j'en ai encore de la peine. Un jour, je me rendis à une fête au Bayrischen Hof (hôtel de Munich) ; il y avait beaucoup de jolies femmes resplendissantes 179


HITLER CET INCONNU de l'éclat de leurs bijoux. Une autre entra, si belle que, du coup, tout le reste s'effaça (elle ne portait aucun bijou). C'était Mme Hanfstaengl. Je J'ai revue chez Erna Hanfstaengl (1) en même temps que Mary Stuck, trois femmes plus belles l'une que l'autre — quel spectacle ! Même quand j'habitais Vienne, j'ai rencontré beaucoup de jolies femmes. Je suis un ami des bêtes et j'aime particulièrement les chiens. Cependant, je n'éprouve aucun attrait pour un boxer par exemple. Si je devais encore en avoir un, ce serait un chien de berger. De préférence une chienne. M'attacher à un autre genre de chien me paraîtraitt une infidélité. Quelles bêtes merveilleuses : intelligentes, attachées à leur maître, braves, sensibles et belles ! Un chien d'aveugle est une des choses les plus émouvantes qui soient. Il l'emporte sur tous les autres et seule la chienne se relâche à cet égard dans le temps qu'elle porte des petits. Il est plus attaché à l'homme que n'importe quel autre de son espèce. S'il va voir une amie, il revient tout de suite et avec la conscience mauvaise. Quelqu'un m'offrit un chien de berger durant l'hiver 19211922. Mais il regrettait énormément son ancien maître et ne put s'habituer. Je décidai donc de m'en séparer. Mais il n'avait pas fait cent pas avec son nouveau maître qu'il s'est arraché à lui, a bondi vers moi et m'a posé les deux pattes sur les épaules. Je l'ai gardé. « Muck », que me donna Graf (2), s'habitua plus rapidement. II monta l'escalier avec réticence mais comme il aperçut « Blondi » (3) en haut, ce fut, le lendemain, une joie indescriptible. Un nouveau chien s'adapte plus facilement quand il y en a déjà un autre. Il suffit même qu'il décèle, à l'odorat, que son nouveau maître a eu un chien. C'est l'animal domestiqué depuis le plus longtemps. 11 vit avec l'homme depuis trente millénaires. Seulement l'homme, dans sa suffisance, ne veut pas s'apercevoir qu'il existe d'énormes diffé(1) Sœur d'Ernst Hanfstaengl. Hitler eut beaucoup de rapports avec la famille Hanfstaengl. (2) Ulrich Graf (1878-1945), garde du corps de Hitler jusqu'en 1923, (3) La chienne préférée de Hitler.

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HITLER CET INCONNU rences entre les chiens — même de la même race. Il y en a de stupides et d'autres si intelligents que cela en devient angoissant. J'ai actuellement entre les mains un livre sur l'origine des races humaines. J'y avais déjà "beaucoup réfléchi et je dois dire que lorsqu'on examine de plus près les anciennes traditions, les contes et les légendes, on aboutit à des conclusions bien étranges. On est frappé par le manque d'ampleur du regard que l'homme peut jeter sur son passé. Les plus anciens témoignages écrits remontent à trois ou quatre mille ans. Le mot « conte » vient de conter. Les contes ne nous seraient pas parvenus si les transmetteurs n'avaient pas été de notre genre. Qui nous donne le droit de penser que l'homme n'a pas été, dès l'origine, ce qu'il est maintenant ? L'étude de la nature nous apprend que des mutations se sont produites et transmises dans le règne végétal et dans le règne animal. Mais dans aucune espèce on ne trouve un saut d'une ampleur égale à celle que l'homme a dû faire pour passer de l'état simiesque à son état actuel. Si nous considérons les Grecs, qui étaient aussi des Germains, nous y constatons une beauté qui reste supérieure à celle qu'on trouve aujourd'hui. Et cela vaut aussi pour leurs réalisations intellectuelles — seule la technique leur a fait défaut — en particulier dans la sculpture. 11 suffit de comparer la tête de Zeus ou d'Athénée avec celle d'un croisé ou d'un saint du Moyen Age. En regardant encore plus loin, les Egyptiens de l'époque antérieure étaient des hommes d'une égale grandeur. Quarante générations seulement se sont succédé depuis la naissance du Christ. Nos connaissances s'arrêtent à quelques millénaires avant celle-ci. Le conte ou la légende ne peuvent sortir du néant. Le phénomène précède toujours l'idée. Rien ne nous empêche de penser, et je crois qu'il serait bon de le faire, que la mythologie constitue le souvenir d'une ancienne réalité. Toutes les traditions parlent d'un déluge. Ce qu'en fit la Bible n'est pas né sur le sol juif mais a été emprunté aux Babyloniens et aux Assyriens. Dans la tradition nordique, c'est une lutte entre des dieux et des géants. Je ne vois qu'une explication : quelque catastrophe naturelle a fait disparaître une humanité 181


HITLER CET INCONNU qui possédait une civilisation très développée. Ce que nous trouvons aujourd'hui sur la terre peut être un vestige qui, se souvenant de l'image d'autrefois, revient progressivement à cette civilisation. Qui nous assure que la hache de pierre, découverte dans nos régions, a bien été inventée par celui qui la portait ? Il me semble plus juste de supposer qu'on a reproduit en pierre quelque chose qu'on avait vu auparavant dans une autre matière. D'ailleurs, on ne sait pas s'il y avait du métal avec les instruments de pierre. Le fer et le bronze ont une existence limitée. Cela peut expliquer qu'on trouve seulement des objets de pierre dans certaines couches de l'écorce terrestre. Il n'est pas dit, non plus, que la vie de l'humanité disparue dans la catastrophe se soit déroulée dans nos régions. L'eau couvre les trois quarts de la surface terrestre. Un huitième seulement de cette surface est accessible à notre exploration. Qui sait les découvertes que nous ferions si nous pouvions explorer le sol actuellement recouvert par les eaux ? Je penche pour la théorie cosmique de Hörbinger (1). Peutêtre une interférence de la lune s'est-elle produite dix mille ans avant notre ère. Il n'est pas exclu que la terre ait alors envoyé la lune sur son orbite actuelle. II est également possible que notre terre ait alors aspiré l'atmosphère qu'avait la lune, ce qui aurait radicalement transformé les conditions de vie de l'humanité. On peut imaginer que des êtres existaient à n'importe quelle altitude ou profondeur, parce que la pression atmosphérique ne se faisait pas sentir. On peut également penser que la terre s'est entrouverte, que l'eau s'est précipitée dans le cratère, produisant d'effroyables explosions et provoquant des pluies diluviennes auxquelles un seul couple humain put échapper en trouvant refuge dans quelque grotte restée au-dessus du niveau des eaux. La question, à mon avis, ne se résoudra que si, un jour, quelqu'un, faisant intuitivement des rapprochements, ouvre le chemin à la science exacte. Autrement, nous ne pourrons jamais regarder derrière le rideau que la catastrophe a fait tomber entre nous et le monde antérieur. (1) Hans Hörbinger, ingénieur autrichien (1860-1931), auteur de Glazial Kosmogonie (1912).

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HITLER CET INCONNU Quand on examine les religions à leur début, on les trouve plus humaines. Elles sont nées, je crois, du fait qu'on a pris des conceptions abstraites, souvenirs pâlis d'un passé lointain, pour les entourer de conceptions intellectuelles dont l'Eglise s'est servie pour assurer son pouvoir. L'époque qui s'étend du milieu du IIIe siècle au milieu du XVIIe est certainement celle où l'homme a atteint son niveau le plus bas. Elle fut dominée par la soif du sang, l'ignominie, le mensonge. Je ne crois pas que tout ce qui a existé doive subsister. La Providence a donné l'intelligence à l'homme pour qu'il se comporte d'après elle. Elle me dit que le règne du mensonge doit finir et aussi que ce n'est pas encore possible. Pour ne pas me rendre complice du mensonge, j'ai tenu la prêtraille à l'écart du Parti. Je ne recule pas devant la lutte que j'aurai, s'il le faut, à livrer, et j'agirai aussitôt que les faits montreront que c'est possible. C'est contre mon gré que je suis devenu un homme politique. Pour moi, la politique n'est qu'un moyen pour atteindre un but. Certaines gens croient qu'il me serait très pénible de ne plus être, un jour, aussi actif que maintenant. Non pas ! Le jour où je pourrai quitter la vie politique, laisser derrière moi tous ses soucis, ses tourments, ses contrariétés, sera le plus beau de ma vie. Je le ferai dès que j'aurai rempli ma mission politique après la fin de la guerre. J'aimerais ensuite, pendant cinq ou dix ans, donner carrière à ma pensée et la coucher sur le papier. Les guerres passent. Seules les œuvres de la culture ne passent pas. D'où mon amour de l'art. La musique, l'architecture ne sontelles pas les forces qui montrent le chemin à l'humanité montante ? Quand j'entends du Wagner, il me semble percevoir le rythme du monde antérieur ! 19.

27/1/1942 (midi). L'ÉTAT ET LA SOCIÉTÉ EN TEMPS DE CRISE CRISE SOCIALE EN ANGLETERRE POLITIQUE NATIONALE-SOCIALISTE

Pour ses guerres, l'Angleterre employa surtout des soldats de sang allemand. Les quatorze cent mille morts de la guerre mon183


HITLER CET INCONNU diale constituèrent sa première grande saignée. Et comme elle en a été affectée ! Pour se protéger contre les conséquences économiques, les Anglais auraient dû abandonner le régime capitaliste ou bien secouer le fardeau de leurs cent cinquante milliards de dette. Ils ont fait un essai, mais de façon régulière, en ramenant leurs dépenses d'armement au minimum afin de pouvoir payer les intérêts de leur dette de guerre. Il en fut sensiblement de même après les guerres napoléoniennes. Ils tombèrent alors très bas et ne se rétablirent qu'à l'époque victorienne. On ne peut fonder une véritable domination du monde que sur son propre sang. L'Etat romain n'eut recours aux affranchis qu'après avoir épuisé le sien. Ce fut seulement après la troisième guerre punique qu'il y eut des légions d'affranchis. Sans la venue du christianisme qui sait ce qu'aurait été l'histoire de l'Europe ? Rome eût conquis toute l'Europe et la ruée des Huns se fût brisée sur les légions. C'est le christianisme qui a abattu Rome, pas les Germains ni les Huns. Ce que le bolchevisme met aujourd'hui en scène sur des principes technico-matérialistes, le christianisme le réalisa sur des principes théorico-métaphysiques. Quand la couronne voit le trône chanceler, elle fait appel au soutien de la populace. On ferait mieux de dire Constantin « le Traître » et Julien « le Fidèle » au lieu de Constantin « le Grand » et Julien « l'Apostat ». Ce que les chrétiens ont écrit contre Julien est exactement le flot d'insanités déversées sur nous par les Juifs, alors que les écrits de Julien sont la pure vérité. Si l'humanité voulait bien étudier l'Histoire, quelles énormes conséquences en résulteraient ! On encensera un jour le fascisme et le national-socialisme pour avoir préservé l'Europe d'une nouvelle crise de ce genre. Je vois là un grave danger pour l'Angleterre. Les conservateurs pourraient connaître des choses effroyables si la masse prolétarienne prenait le pouvoir. Si le parti conservateur avait consulté le peuple sur la guerre ou la paix, quand Chamberlain revint de Munich, il aurait acquis une écrasante majorité. Alors 184


HITLER CET INCONNU que j'étais à Memel (1), Chamberlain me fit dire par un tiers qu'il comprenait pleinement la nécessité d'effectuer alors ce règlement, mais qu'il ne pouvait pas le dire tout haut. Le clan Churchill l'aurait attaqué férocement. Organiser une élection l'eût sauvé. Pour chaque grand événement j'ai fait aussitôt procéder à un plébiscite. L'effet en est toujours très grand aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. C'est seulement à ce moment que le parti travailliste est entré en lice. Le Juif mit l'affaire en branle. Si Hoare prenait aujourd'hui le pouvoir, il lui suffirait de remettre les fascistes en liberté (2). Les Anglais doivent résoudre des problèmes sociaux qui sont mûrs pour l'être. Cela peut encore se faire régulièrement de haut en bas, dans la raison. Je tremble pour eux s'ils ne le font pas, car ce sera l'âme populaire bouillonnante qui le fera, avec la démence qui conduit à la destruction. Des gens comme Mosley (3) eussent résolu le problème en se jouant, trouvé un compromis entre le conservatisme et le socialisme, ouvert la voie à la masse tout en conservant à l'élite ce dont elle a besoin. Les préjugés de caste ne sont plus de mise à une époque où le prolétariat dispose comme aujourd'hui d'hommes de grande valeur. Tout règlement raisonnable doit favoriser l'ascension sociale. Je veux permettre par les écoles — les Ecoles Adolf-Hitler et, plus tard, les établissements d'éducation N.S. — que même le garçon le plus pauvre puisse accéder à la plus haute situation, s'il en a, en soi, la capacité. Le Parti veille également à ce que quiconque, si ses convictions politiques le justifient, puisse s'élever. dans le domaine des affaires et dans le monde administratif, en dehors des voies normales d'avancement. Sinon des émeutes se produisent. Le Juif attise la tension pour s'en servir. II faut (1) Hitler se rendit à Memel le 23-3-1939, lors de la réannexion de ce territoire à l'Allemagne. (2) Sir Samuel Hoare (plus tard : Lord Templewood), alors Ambassadeur à Madrid. Hitler le croyait prêt à négocier avec lui s'il succédait à Winston Churchill comme Premier ministre. (3) Sir Oswald Mosley, chef des fascistes anglais.

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HITLER CET INCONNU créer un mouvement qui refoule à la fois les conservateurs abrutis et les anarchistes judéo-bolchevistes. Des éléments raciaux différents composent le peuple anglais. De là le danger de voir une guerre de classes se transformer en guerre de races. Celle-ci peut être évitée si l'on juge les hommes sur leur comportement et non pas sur l'apparence physique. L'aspect et les capacités sont souvent différents. La sélection peut se faire d'après l'apparence ou bien — comme le fait le Parti — d'après le comportement dans la vie. Je ne m'occupe pas de l'organisation des professions, mais il est vraiment stupide d'employer à construire des routes quelqu'un qui serait tout au plus capable de les balayer et à balayer les routes quelqu'un qui pourrait les construire. La profession n'a rien à voir avec la situation sociale, proclame le national-socialisme. C'est ce qu'il a de conciliant. On ne doit pas considérer un enfant d'après la situation de son père mais d'après ses dons, ses capacités. Il peut avoir des capacités que ses parents n'ont pas. Chez nous, tout est sorti de la paysannerie. Il faut empêcher qu'on étouffe les possibilités de s'élever de façon continuelle. Si l'on procède systématiquement à une sélection égale pour tous, d'après les capacités, l'aspect et les dons finissent par se correspondre. J'en ai eu la très forte impression lors du lancement du Tirpitz à Wilhelmshaven (1/4/1939). Les ouvriers étaient d'une véritable noblesse. Le peuple se développe uniquement dans le sens de l'intellectualisme, oubliant ainsi ce que l'énergie signifie dans la vie de la nation. Pour maintenir l'ordre social, il importe d'avoir non seulement de la tête mais aussi un poing, sinon vient un jour où la force se dissocie de l'esprit et écrase la tête. Un conflit entre la force et l'esprit se résout toujours au profit de la force. La classe sociale qui n'est qu'esprit se sent une sorte de mauvaise conscience. Quand survient une vraie révolution, elle n'ose pas s'affirmer. Elle s'assied sur ses sacs d'écus et se montre lâche. Moi, j'ai la conscience pure. Que l'on me signale un garçon de talent et je m'en ferai aussitôt le protecteur. Rien ne peut m'être plus agréable que de m'entendre dire : « Mon Führer, voici quelqu'un d'un talent rare qui pourrait être un jour Führer de la nation. » 186


HITLER CET INCONNU J'abats impitoyablement quiconque se dresse contre l'ordre social. L'ordre social que je bâtis peut résister même à la masse. C'est contre du granit que les autres se jetteraient. Toute tentative pour ébranler notre Etat sera noyée dans le sang. Mais tout ce qui peut être fait pour favoriser les gens honnêtes le sera, dans le sentiment d'une haute responsabilité envers le peuple tout entier. Certains sont plus aptes à commander, d'autres plus aptes à obéir. Mais commander sans avoir personne pour exécuter ne sert à rien. Tel que l'organisme populaire se montre aujourd'hui, il est nécessaire de maintenir notre culture. C'est un problème de froide raison : Qui est capable de commander, qui d'exécuter ? Les deux sont absolument nécessaires pour le maintien de l'ensemble. Celui qui se montre capable de commander reçoit l'autorité. Elle ne doit nulle part être attribuée à qui est incapable de commander. Pratiquement, il y a cependant pour chacun, d'une part des supérieurs, de l'autre des subordonnés. La responsabilité est supportée par le commandement ! Si les Anglais relâchaient les neuf mille fascistes (1), ceux-ci casseront les reins aux ploutocrates et le problème sera résolu. Je crois, personnellement, qu'une cause n'est pas perdue tant qu'il existe, dans un Etat, neuf mille personnes prêtes à se faire mettre en prison pour une idée. Elle ne l'est que quand le dernier homme en vient à désespérer. Rien n'est perdu tant qu'il existe un homme pour tenir un drapeau avec un cœur plein de foi. Là-dessus, je suis d'une rigueur implacable : si le peuple allemand n'est pas disposé à s'engager corps et âme pour survivre, alors, il devra disparaître ! 20.

28/1/1942 (midi).

Quand on pense que Frédéric le Grand eut à se battre à un contre douze, on se fait l'effet d'être un bien pauvre bougre ! Cette fois, c'est nous qui avons cette supériorité ! N'est-ce pas vraiment une honte ! (1) Les fascistes anglais furent arrêtés en 1940, lors de la menace d'une invasion.

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HITLER

21.

CET INCONNU

28/1/1942 (nuit, dans le train) (1). LA LIMITATION ET L'ACCROISSEMENT DES NAISSANCES

Je réfléchis souvent aux causes de l'écroulement du monde antique. La classe dominante s'était enrichie ; elle nourrit dès lors le souci d'assurer à ses héritiers une vie exempte de soucis. Plus on a d'enfants, moins chacun d'eux reçoit, se dit-on. On en vint ainsi à réduire le nombre des naissances. Le nombre des esclaves était un des éléments dont dépendait la puissance des maîtres. Finalement, la classe dirigeante se trouva si faible, par le nombre et par l'activité intérieure, devant la masse des gens vivant dans l'assujettissement, qu'elle fut absorbée par cette masse dès l'instant où le christianisme eut effacé les frontières entre les castes. La France, par son système de deux enfants seulement, est exposée au danger d'une stagnation croissante. Non que les produits d'origine française laissent à désirer par la qualité, mais il manque l'impulsion offrant la garantie que la tendance à mener une vie purement conservatrice ne l'emporte sur le désir de se créer de nouvelles possibilités techniques. L'enfant sera notre salut ! Si cette guerre nous coûte 250 000 morts (1) et 100 000 estropiés, ces pertes se trouvent déjà compensées par l'accroissement du nombre des naissances qui s'est produit depuis la prise du pouvoir. Elles nous seront remplacées plusieurs fois dans les établissements que j'offrirai à l'Est au sang allemand. Je considérerais comme un crime d'avoir fait couler le sang uniquement pour pouvoir exploiter des richesses naturelles à la façon capitaliste. D'après la loi éternelle de la nature, le sol appartient à celui qui le conquiert parce que les anciennes frontières n'offrent plus assez d'espace à l'accroissement de son peuple. Le (1) Cette conversation eut lieu dans le train spécial qui ramenait Hitler du Wolfsschanze à Berlin. (2) D'après les statistiques, les pertes de la Wehrmacht s'élevèrent à 2150000 morts, et le total, en ajoutant les pertes civiles, dépasse six millions.

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HITLER CET INCONNU fait d'avoir des enfants qui veulent vivre justifie notre revendication de l'espace récemment acquis à l'Est. Le fait d'avoir toujours un excédent de naissances constituera notre chance, car cela crée des nécessités, et la nécessité contraint à se remuer. Nous ne courons pas le danger de nous arrêter au stade de développement qui nous a donné notre supériorité d'aujourd'hui. La nécessité nous oblige à nous tenir constamment à la pointe du progrès technique. A elle seule elle assure notre avance. Toute vie se paie avec du sang. Cela commence à la naissance. Si quelqu'un dit qu'une telle vie ne lui plaît pas, je ne peux que lui conseiller de se suicider, car s'il ne la supprime pas, elle lui apportera chaque jour de nouvelles terreurs. Mais pourquoi être pessimiste ? A tout moment la vie offre tant de belles choses, pourquoi ne pas s'en contenter ? Les forces créatrices élisent domicile chez l'optimiste. Mais, à la base de tout, il y a la foi. 22.

4/2/1942 (soir) Wolfsschanze. LA POLITIQUE IMPÉRIALE ET LE SUD

Charlemagne est un des plus grands hommes de l'Histoire parce qu'il sut mettre à la raison les mauvaises caboches allemandes. Nous savons aujourd'hui pourquoi nos aïeux sont allés non vers l'Est mais vers le Sud : tout le pays à l'est de l'Elbe était alors exactement ce que la Russie est pour nous aujourd'hui. Ce n'est pas pour rien que les Romains avaient horreur d'escalader les Alpes ni sans raison que les Germains les descendaient. La Grèce n'était qu'un bocage de chênes et de hêtres, les oliviers ne sont venus qu'après. Si la Haute-Bavière est aujourd'hui plus chaude, cela vient de ce que l'Italie n'a plus de forêts. La destruction des cultures méridionales a produit un changement de climat. Maintenant les chaudes brises du sud peuvent atteindre les Alpes et passer au-delà. Le Germain avait besoin d'un climat ensoleillé pour développer ses capacités. C'est en Grèce et en Italie que l'esprit germanique a trouvé un premier terrain favorable ! Il lui a fallu de nombreux

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HITLER CET INCONNU siècles pour aménager des conditions d'existence convenables également sous le climat nordique. La science l'y a aidé. Etre envoyé en Germanie fut longtemps pour le Romain analogue à ce que fut pour nous, durant un temps, une affectation à Posen. Qu'on s'imagine : des pluies perpétuelles transformant toute la région en marécage. Les monuments mégalithiques n'étaient certainement pas des lieux de culte, mais des refuges où les gens se retiraient pour se sortir de la boue envahissante. Ce pays était froid, humide et morne. A une époque où les autres possédaient déjà des routes pavées, notre pays n'avait aucun témoignage de civilisation à montrer. Seuls les Germains maritimes en possédaient une teinture. Ceux qui demeurèrent au Holstein restaient arriérés au bout de deux mille ans, alors que leurs frères émigrés en Grèce avaient atteint un niveau de civilisés. Ce qui se maintient à travers tout, c'est la « boustifaille ». A mon idée, la soupe que j'ai trouvée au Holstein est le brouet des Spartiates. Je reste sceptique sur les trouvailles faites dans nos régions : les objets ont été, le plus souvent, fabriqués ailleurs. Les Germains les obtinrent en échange de l'ambre de leurs côtes. Ils ne dépassaient pas l'évolution des Maoris actuels, mais le profil grec et le masque des Césars romains étaient courants parmi eux. Parmi nos paysans on en trouverait bien au moins deux mille avec ce masque, je crois. Si Henri le Lion ne s'était pas insurgé contre le pouvoir impérial, l'idée de l'Est ne lui serait pas venue. S'il avait pu faire ce qu'il voulait, les Slaves eussent reçu une classe dirigeante germanique, mais ce ne serait pas allé plus loin. Combien de sang s'est ainsi slavisé ! Je préférerais aller à pied dans les Flandres qu'aller en voiture dans l'Est. Seule la raison nous incite à y aller. Quel plaisir j'éprouve quand je peux quitter Munich, vers mars, pour gagner la Rhénanie. Au retour, cela cesse dès le Rauhen Alb, on retrouve une aimable vallée vers Ulm puis l'air froid du plateau bavarois nous reprend. Je plains ceux qui sont condamnés à toujours vivre sous cette épreuve. Mais nous nous sommes établis sur ce plateau, il faut bien nous en accommoder. A l'Est, il y a du fer, du charbon, du blé. du bois. Nous y 190


HITLER CET INCONNU construirons de belles fermes, de bonnes routes, et ceux qui y grandiront aimeront leur nouvelle patrie comme c'est le cas pour les Allemands de la Volga. Aujourd'hui, si je veux étendre une véritable civilisation au Nord et à l'Est, il me faut prendre tout d'abord des gens du Sud. Il serait impossible de faire remanier Berlin par un architecte prussien patenté. Une chose est certaine : pour avoir le droit d'élever la voix dans le monde, nous devons nous référer à l'époque impériale. Tout le reste est si neuf, si incertain, si imparfait. L'histoire impériale est la plus grande épopée qu'ait connue le monde à côté de celle de la Rome antique. Qu'on s'imagine l'audace qu'il fallait à ces grands bonshommes pour franchir si souvent les Alpes avec leurs chevaux. Quelle classe ! Ils ont même gouverné depuis la Sicile ! Un seul malheur : que les auteurs dramatiques n'aient pas encore exploité cette grandeur de l'époque impériale. Il a fallu que Schiller aille glorifier un arbalétrier suisse ! Les Anglais ont Shakespeare, mais, en dehors de cela, leur histoire ne contient que des énergumènes ou des nullités. Une tâche grandiose s'offre au cinéma allemand : rien n'est plus puissant que l'histoire de l'Empire qui, pendant cinq siècles, a dominé le monde d'une façon incontestée. Quand je me rencontre avec les chefs des autres rameaux germaniques, je me trouve, du fait de ma patrie, dans une position admirable : je peux rappeler qu'elle fut un grand et puissant empire, avec une ville impériale — durant cinq siècles — et que je n'ai pas hésité une seule seconde à sacrifier cette patrie à l'idée du Reich. Durant la lutte pour le pouvoir, j'ai si durement forgé le Parti qu'il est devenu comme un aimant qui attire à lui tout ce qui est en fer quand on le traîne sur la terre. Dans quelques années, je dois donc y avoir tout ce qui est digne du nom d'homme, peu importe le nombre. Il faut procéder de même en ce qui concerne la contruction du nouveau Reich : partout où il y a du sang germain dans le monde nous puiserons le bon. Les autres, avec ce qui leur restera, ne pourront rien contre ce Reich germanique. 191


HITLER CET INCONNU 23.

7/2/1942 (soir).

Un peuple croît très rapidement tant qu'il y a de la terre pour tous les cadets d'une famille. Avoir de la main-d'œuvre intéresse le paysan. Il se sert des enfants durant tout le temps qu'ils grandissent. Ils ne restent pas ensuite à sa charge s'ils peuvent euxmêmes s'établir. Il n'en va plus de même s'il est obligé de les entretenir toute sa vie : la natalité décroît immédiatement. A cet égard, l'Est donnera enfin beaucoup plus de liberté de mouvement au peuple allemand. Presque tous les créateurs de la technique américaine sont de souche souabo-alémanique. 24.

8/2/1942 (midi). LA JUSTICE EN TEMPS DE GUERRE

Notre magistrature n'est pas encore suffisamment souple. Elle ne perçoit pas le danger qui nous menace du fait que la criminalité a trouvé une sorte de brèche par laquelle elle pourra déferler sur la société quand le moment lui paraîtra venu. D'innombrables vols par effraction sont toujours punis d'un simple emprisonnement alors qu'ils sont commis par des récidivistes endurcis. Si nous tolérons que de pareilles choses puissent se produire à la faveur du black-out, en six mois l'insécurité régnera. C'est déjà le cas en Angleterre et des gens y demandent que l'on recoure aux méthodes allemandes. Dans beaucoup de régions, on vole jusqu'à 40 % de toutes les marchandises. Pendant la Guerre mondiale, un déserteur était puni d'une peine de forteresse et ramené au rang de simple soldat. Mais le brave soldat, que devait-il supporter, lui ? Celui qui trafiquait avec succès à l'arrière s'en tirait fort bien s'il se faisait prendre. Si on ne l'acquittait pas, il menait une vie magnifique à la prison. Les volés devaient récupérer les biens perdus à la sueur de leur front. Quant à l'autre gaillard, il pouvait faire fructifier le fruit de ses rapines. Chaque régiment avait quelque propre à rien ; qu'écopait-il ? 192


HITLER CET INCONNU Trois ou quatre ans de prison ! Cela rendait furieux les soldats du front. Au front, une vie ne pèse pas lourd. Ici, on entretient une canaille aux frais de la collectivité ! Quelle contradiction ! Après dix ans de réclusion, un homme est perdu pour la collectivité. Qui voudrait lui donner du travail ? De tels gaillards, il faut les mettre dans un camp de concentration ou les tuer. En ce moment, c'est cette seconde solution qui convient, ne seraitce que pour l'exemple. Toujours pour l'exemple, il faut traiter de même tous les complices. Au lieu d'agir ainsi, la magistrature se penche avec amour et soin sur un dossier pour prononcer un jugement dans la ligne ordinaire en temps de paix. Il faut à tout prix en finir avec de telles pratiques. Le juriste ne considère pas les répercussions pratiques de l'application de la Loi mais le criminel connaît bien ses façons de procéder et il fonde ses agissements sur cette connaissance. En constatant que les vols dans les trains sont punis tout au plus de quelques années de prison, les criminels se disent : si ça tourne mal, on en sera quitte avec une vie bien organisée, parfaitement hygiénique, où l'on ne risque pas de devenir soldat. Personne ne pourra rien contre moi, le ministre de la Justice est là pour y veiller. Si la guerre est perdue, on pourra prétendre aux plus hauts postes. Si elle est gagnée, on peut compter sur une amnistie. En pareil cas, les juges devraient appliquer la loi sur les actes préjuciables au peuple (1) ; quelques-uns le comprennent, pas les autres. Le plus grand mal est causé par les prêtres des deux confessions. Je ne peux pas encore leur donner la réponse qui convient, mais tout est noté dans mon grand livre. Le moment viendra de régler nos comptes et je le ferai sans tergiverser. Je ne me laisserai pas embarrasser, à pareille époque, par des arguties juridiques. Je ne me guiderai que par des considérations d'opportunité. Tout changera radicalement en dix ans, j'en suis convaincu. Une solu(1) Loi célèbre du 5-9-1939, permettant de faire abstraction de toute base formelle d'accusation contre les adversaires du régime.

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HITLER CET INCONNU tion radicale est inéluctable. Si l'on croit nécessaire de fonder la société humaine sur une chose dont la fausseté est reconnue, alors une telle société ne mérite pas d'être préservée. Mais si l'on croit que la vérité constitue une base suffisante, alors on doit, en conscience, se prononcer pour cette vérité et extirper le mensonge. Les générations futures ne comprendront plus les époques qui resteront entachées d'un tel scandale. Il a fallu cesser de brûler les sorcières, de même ces séquelles doivent être éliminées. Mais il faut, pour cela, poser certaines fondations. 25.

17/2/1942 (midi). BONS ET MAUVAIS COMMANDEMENTS LE MONDE ANTIQUE ET LE CHRISTIANISME L'UNIVERSITAIRE DÉPOURVU D'INSTINCT

Les véritables fascistes sont amis de l'Allemagne. Mais la clique de la Cour (italienne) est farouchement l'ennemie de tout ce qui est allemand. Le Duce m'a dit une fois, à Florence : « Mes soldats sont de braves garçons mais je ne peux avoir confiance dans mes officiers ! » La dernière fois que je l'ai rencontré (1), il s'est exprimé de façon encore plus tragique. J'ai fait moi-même cette expérience, en particulier avec von Pfeffer (2). Quand certaines gens prennent une mentalité déterminée, cela finit par leur passer dans la chair et dans le sang. La morale, l'idéalisme sombrent dans un opportunisme où il n'existe plus de frontière entre l'idéalisme et l'égoïsme. Un mouchard ne peut pas être un bon officier. Or, ce Roatta (3) est un mouchard. En juin 1940, il a saboté le plan

(1) A Florence, le 28-10-1940; la seconde fois au Wolfsschanze, du 25 au 29 août 1941. (2) Capitaine Pfeffer von Salomon, chef des S.A. de 1926 à 1930. (3) Général Roatta, chef de l'état-major général italien, puis commandant la 2° armée italienne en Croatie et Dalmatie. Il convainquit Mussolini que le plan prévoyant l'emploi de vingt divisions italiennes contre l'Ouest, par la vallée du Rhin, était impraticable.

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HITLER CET INCONNU prévoyant l'entrée en action de troupes italiennes par la vallée du Rhin ! Tant que cette maffia des hautes sphères n'aura pas été éliminée, il ne pourra s'établir de véritable élite. Elle est aussi vile que la maffia des bas-fonds : une conspiration d'intérêts, où, malgré la bêtise, on conserve l'instinct animal qui fait reconnaître le talent. Et ce sont les plus impertinents adversaires du talent ! Rien ne s'améliorera en Italie tant qu'elle ne se sera pas donné un gouvernement autoritaire. De tels gouvernements peuvent durer des millénaires. La constitution vénitienne a duré pendant neuf cent soixante ans. Durant tout ce temps Venise a dominé la Méditerranée orientale par le doganat. Avec une monarchie, ce n'eût pas été possible. Mais la base était trop étroite pour obtenir plus. Cependant, tout ce qui pouvait l'être l'a été avec ce régime. Nos villes hanséatiques l'ont prouvé également. Seule la puissance impériale leur a manqué. On ne peut pas, à la longue, dominer, avec six mille familles spartiates, trois cent quarante mille ilotes et régner, en outre, sur l'Asie Mineure et la Sicile. Que cela ait pu se prolonger pendant plusieurs centaines d'années, c'est la preuve de la grandeur de cette race. Le grand événement du monde antique — qui amena sa chute — fut la mobilisation de la populace sous l'enseigne du christianisme qui n'avait alors pas plus de rapport avec la religion que le socialisme marxiste n'en a (aujourd'hui) avec la solution du problème social. Le monde antique n'a pas compris le judéo-christianisme, il avait le goût de la clarté, l'esprit de recherche était libre. La conception des dieux se fondait sur la coutume mais n'était pas contraignante. Nous ne savons pas s'il se faisait une idée bien précise sur ce qui suivait la mort. Il avait plutôt celle de l'impérissabilité de la matière ; les êtres vivants représentaient la vie éternelle. Des idées assez proches régnaient chez les Japonais et les Chinois au temps où la svastika fit son apparition parmi eux. Le Juif est intervenu chez nous. Il a introduit l'idée insensée que la vie se poursuit dans l'au-delà : on peut exterminer la vie dans ce monde puisqu'elle refleurit dans cet au-delà, alors qu'en réalité l'homme cesse d'exister en perdant sa forme. Sous 195


HITLER CET INCONNU le couvert d'une religion, le Juif a introduit l'intolérance là où tout n'était que tolérance et vraie religion : une admirable intelligence humaine et une attitude souveraine, d'une part, l'humble sentiment de la limite de tout le savoir et le pouvoir de l'homme, de l'autre, qui dressait même des autels au dieu inconnu ! Ce même Juif qui introduisit le christianisme en fraude dans le monde antique, causant ainsi la mort de cette chose admirable, a de nouveau trouvé un point faible : la conscience sensible de nos contemporains. Cela s'est fait, comme autrefois, par une substitution de nom : Saul était devenu Paul, Mardochée est devenu Marx. Il s'est glissé par un joint de la structure sociale pour déclencher deux révolutions dans le monde. La paix ne peut résulter que d'un ordre naturel. Cet ordre présuppose une organisation des nations où les plus capables dirigent. Le subordonné reçoit ainsi plus qu'il n'obtiendrait de lui-même. La juiverie a détruit cet ordre. Elle a aidé la bestialité, la vilenie, la bêtise à vaincre. I1 a fallu quatorze cents ans au christianisme pour atteindre le plus haut degré de la bestialité. Nous ne pouvons donc pas dire que le bolchevisme est déjà maîtrisé. Plus nous éliminerons radicalement le Juif, plus nous nous mettrons à l'abri de ce danger. Le Juif est le catalyseur où prend feu le mélange inflammable. Un peuple qui n'a plus de Juifs revient à l'ordre naturel. En 1925, j'ai écrit dans Mein Kampf et dans un autre texte non publié, que la juiverie mondiale voyait dans le Japon son dernier adversaire sur lequel elle ne pourrait mordre. L'instinct de la nature et de la race est si solide chez les Japonais que le Juif sait qu'il ne pourra les détruire par l'intérieur, il faut donc le faire par l'extérieur. L'Angleterre et l'Amérique ont tout intérêt à s'entendre avec le Japon, mais le Juif essaiera de les en empêcher. Je ne saurais dire s'il le fait sciemment ou seulement par instinct. L'élite intellectuelle d'Europe, universitaires, hauts fonctionnaires, à qui a été entonnée quelque connaissance, n'y a rien compris. Dans certains domaines toute science professorale a un effet funeste : elle éloigne de l'instinct. Les hommes en sont égarés. Un nabot qui n'a que du savoir craint la force. Au lieu de se dire que la base du savoir doit être un corps sain, il rejette cette

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HITLER CET INCONNU force. La nature s'adapte aux façons de vivre, et si Je monde était confié au professeur allemand pendant quelques siècles, il n'y aurait plus, au bout d'un million d'années, que des crétins, avec une énorme tête sur un corps réduit à rien. 26.

19/2/1942 (nuit). ERREURS DE LA POLITIQUE COLONIALE NÉCESSITÉ DES THÉÂTRES SALLES DE CONCERTS ET MUSÉES

A peine arrivons-nous dans une colonie que nous y construisons des jardins d'enfants et des hôpitaux pour les indigènes. Cela me met en rage ! La femme blanche est dégradée au service des Noirs, et la prêtraille s'y ajoute avec sa fabrication des anges. Toutes ces cajoleries aboutissent à faire détester les Allemands. C'est un comble ! Pour les indigènes, c'est une brimade. Ils ne comprennent pas. Le remerciement, c'est qu'ils nous considèrent comme des pédants qui ont plaisir à manier la matraque. Les Russes ne deviennent pas vieux. Cinquante à soixante ans. Pourquoi irions-nous les vacciner ? Il faut l'imposer à nos juristes et à nos médecins : pas de vaccination, pas de propreté ! Qu'on leur donne du schnaps et du tabac autant qu'ils en voudront. Même chez nous la vaccination a ses adversaires. D'autre part, les Noirs ne deviennent crasseux que quand les missionnaires les habillent. A leur état naturel ils sont très propres. Pour un missionnaire, l'odeur de la crasse humaine est un parfum divin, ce sont eux-mêmes des pourceaux. Quand nos prêtres-pourceaux interrogent un enfant sur ses péchés, au confessionnal, ils lui apprennent ainsi ce qu'est le péché. Il en est de même quand ils enseignent les indigènes. En 1911 encore, un Bavarois a été condamné à quinze jours de prison à Breslau, bastion clérical, pour scandale public parce qu'il circulait en culotte de peau. Aujourd'hui, les deux sexes se rencontrent au bain sans qu'on y voie du mal. A Rome, les calotins veillent que les manches et les robes des jeunes filles aient une certaine longueur et que les femmes se couvrent la tête. Si le Bon Dieu avait voulu que les choses ne soient pas telles 197


HITLER CET INCONNU qu'elles sont, il aurait fait l'homme autrement. Seuls les calotins s'en offusquent parce que leur mode d'éducation les rend pervers. Si le danger de voir le bolchevisme submerger l'Europe n'avait pas existé, je ne serais pas intervenu dans la révolution espagnole. La prêtraille eût été extirpée. Si elle dominait chez nous, l'Europe retournerait à l'Age des Ténèbres. Nous souffrons d'une pénurie de théâtres. On en a construit beaucoup dans les années 70, mais leur nombre est devenu très insuffisant à cause de l'accroissement de la population. Il y a cent ans, Munich disposait de trois mille cinq cents places pour une cinquantaine de milliers d'habitants : le théâtre de la Résidence, le Théâtre national, et le théâtre du Peuple, à la porte de l'Isar. Aujourd'hui, pour neuf cent mille habitants, il n'y a que cinq mille places. Mon programme de constructions pour Linz n'est donc pas exagéré. Berlin a maintenant trois Opéras mais quatre millions d'habitants. A Dresde, il y en a un pour six cent mille âmes. Berlin pourrait facilement en avoir quatre ou cinq. S'ils étaient bien répartis, tous devraient faire salle comble. Pour l'opéra, l'opérette, la comédie, il faudrait, dans chaque genre, un théâtre de pointe à prix élevés. Mais l'Opéra de Berlin est, aujourd'hui, très supérieur à une salle comme celle de l'Opéra de Nuremberg. Le Deutsche Theater est à la tête du spectacle, à Berlin. Après la guerre, ma première visite a été pour lui, avec Dietrich Eckart (1) on y jouait Peer Gynt, toujours dans la traduction d'Eckart alors que Munich avait adopté depuis longtemps une traduction juive. Je ne puis donner d'opinion sur le théâtre munichois, car je répugne à y aller. Le théâtre d'Etat s'y serait beaucoup amélioré avec Golling (2). De même, on loue beaucoup le Volkstheater. Les Kammerspiele viennent de remporter un très grand succès avec Othello. Quelles salles de concert devrait posséder Berlin quand on pense que Leipzig, avec six cent mille habitants, a la Gewandhaus ! Quand on s'en occupe, on peut mener une fabuleuse vie (J) Dietrich Eckart (1868-1923), poète et critique, membre du « Parti ouvrier » avant Hitler, exerça une grosse influence sur celui-ci. (2) L'acteur Alexander Golling.

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HITLER CET INCONNU culturelle dans une petite ville : il faut seulement y renoncer aux spectacles de tout premier ordre. Je pourrais vivre à Weimar ou à Bayreuth. La grande ville est très ingrate : ses habitants sont comme des enfants, ils se jettent avec frénésie sur quelque chose et l'abandonnent avec la même promptitude dès qu'il paraît du nouveau. Celui qui veut vraiment chanter trouve des conditions plus favorables en province qu'à Berlin. Dommage que nous n'ayons pas, à Dresde, un gauleiter plus ami des arts. Busch serait devenu le plus grand chef d'orchestre allemand après Krauss et Furtwängler, mais Mutschmann (le gauleiter) voulait lui imposer de vieux camarades du Parti dans son orchestre pour y introduire l'esprit national-socialiste ! Je tiens à constituer un musée de maîtres allemands à Trondhjem (1). Les musées comme ceux de Dresde, Munich, Vienne ou Berlin devraient disposer d'au moins deux millions par an pour accroître leurs collections par des acquisitions. Bode (2) se débrouillait d'une autre façon. Il possédait un talent extraordinaire pour taper les gens riches, à Berlin — des Juifs pour la plupart — qui lui versaient d'énormes contributions et que le Kaiser anoblissait ensuite. C'est là un domaine dans lequel je compte mettre de l'ordre. Il faut qu'un tel directeur ait la possibilité d'acquérir vite, sans chinoiserie de comptabilité, telle œuvre qui risque de tomber dans le commerce. 27.

22/2/1942 (nuit). ORIENTATION ET LIBERTÉ DE LA PRESSE

L'organisation de notre presse est vraiment admirable. La loi empêche que les divergences d'opinion entre les membres du gouvernement soient portées sur la place publique. Les journaux ne sont pas faits pour ça. Nous avons éliminé la conception selon laquelle la liberté politique consiste dans le droit, pour chacun, de dire tout ce qui (1) Lapsus? Mais Trondhjem pouvait être considérée comme une ville du « grand Empire germanique de la Nation allemande ». (2) Wilhelm von Bode (1906-1920). Directeur des musées de Berlin.

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HITLER CET INCONNU lui passe par la tête. Amman (1) tient en main plus de la moitié de la presse allemande. Quand j'appelle Lorenz (2) pour lui faire connaître mon opinion en quelques phrases, cela se trouve dès le lendemain matin dans chaque journal allemand. Le Dr Dietrich (3), si petit de taille, est un technicien remarquablement habile. Il n'écrit pas très bien mais ses discours sont souvent de premier ordre. Je suis fier qu'il me soit possible, avec ces deux hommes, de renverser la route de cent quatre-vingts degrés — comme ce fut le cas au 22 juin 1941 (4). Aucun autre pays ne peut le faire. Notre presse illustrée a pris un bel essor mais, pour pouvoir concurrencer les illustrés anglo-saxons à l'étranger, le Leipziger Illustrierte devrait être plus captivant. Les Berliner, Müncher — et Wiener-Illustrierte sont bien, particulièrement l'IB (Illustrierter Beobachter). Le Kölner-Illustrierte s'est mis récemment en vedette par sa publication de documents politiques. En revanche, on pourrait se passer du Deutsche Illustrierte. Le journal Das Reich est splendide. En temps de paix, il nous faudra un journal du dimanche analogue à Das Reich pour la campagne. Il paraîtrait le samedi et les paysans l'auraient le dimanche. Il contiendrait beaucoup d'illustrations, serait facile à lire et donnerait aussi un roman pour intéresser les filles. Les Anglais sont favorisés en ce qui concerne l'illustration et le texte, ils en reçoivent inépuisablement de tous les coins du monde. Mais nous allons pouvoir progresser. 28.

24/2/1942 (midi). UN ARTISTE EST IRREMPLAÇABLE

Le fils du vieux Roller (5) a été tué. Des dizaines de milliers d'hommes ne pourraient mieux servir leur peuple qu'en allant (1) Max Amann, adjudant de Hitler pendant la guerre, directeur des éditions du N.S.D.A.P. (2) Représentant au Q.G. du Reichspressechef. (3) Dr Otto Dietrich, Reichspressechef. (4) Début de la campagne de Russie. (5) Metteur en scène autrichien.

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HITLER CET INCONNU au front. Mais en est-il de même pour un artiste ? N'importe quel idiot de Russe peut l'abattre. Nous mettons énormément de gens en sursis d'appel, quel mal y aurait-il à leur ajouter cinq à six cents hommes de talent ? De tels hommes sont irremplaçables. Comme metteurs en scène nous avions tout juste Siewert, Benno von Ahrendt et Prätorius. Le jeune Roller s'était ajouté à eux, en Autriche. Pourquoi Schirach (1) ne m'a-t-il pas prévenu. J'ai vu son Friedenstag, c'était grandiose. C'était un garçon courageux ; il avait déjà dû fuir durant la lutte pour le pouvoir, il s'est certainement engagé comme volontaire. J'aurais pu le rappeler ou l'employer autrement mais, pour des raisons particulières, il ne voulait plus rester à Vienne. 29.

26/2/1942 (soir). LES BALKANS ET L'ALLEMAGNE

La Roumanie ! S'il arrivait quelque chose à Antonescu, que s'y passerait-il ? Je tremble quand j'y pense. Le roi (2) est un sale petit crapaud, il n'aide même pas sa mère à descendre de voiture parce qu'il craint de porter atteinte à sa dignité royale. Il m'a regardé avec stupéfaction quand j'ai placé sa mère, et non lui, à ma droite (3). A la vérité, c'était contraire au protocole. Mais on ne peut plus respecter ça aujourd'hui. Le paysan roumain n'est qu'une pauvre tcte de bétail. Tout ce qu'on voit d'autre part est incontestablement de l'espèce la plus misérable. Le film Stadt Anatol a parfaitement montré ce milieu balkanique bouleversé par la production pétrolière. Que des gens puissent, sans rien faire, se trouver en possession d'une fabuleuse source de richesses, du simple fait que le hasard a mis sous leurs pieds un gisement de pétrole, c'est contraire à l'ordre naturel ! Une ville comme Bucarest se développe uniquement grâce à (1) Gauleiter de Vienne depuis 1940. (2) Le roi Michel, alors âgé de vingt ans, devenu roi par l'abdication de son père, mais Antonescu exerçait la plénitude du pouvoir, (3) Lors d'une visite à Berlin, le 26-11-41, du roi Michel et de sa mère, née princesse de Grèce.

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HITLER CET INCONNU des spéculations sur les terrains. J'ai pu, en son temps, convaincre Erzberger de s'être livré à un ignoble trafic de ce genre : un lotissement devait être créé entre Pankov et Berlin. On devait défaire les rues. Il suffit qu'on sache qu'un tel lotissement est projeté pour que les prix — même officiellement — montent de deux cents pour cent. Au Parti, nous avons pu prouver qu'un terrain, valant, en or, 110 à 120 000 marks avait été acheté par Erzberger, averti par une indiscrétion, et revendu, avec un monsignore, 3 700 000 marks. C'est pourquoi nous avons introduit dans le programme du Parti une clause contre les spéculations de terrain. Pourquoi les intéressés n'en tireraient-ils pas un petit bénéfice ? Mais réaliser de tels gains simplement parce que l'autorité publique envisage de prendre une mesure, c'est inadmissible ! Pour les autoroutes, j'ai récemment promulgué une loi qui permet de dédommager honnêtement les paysans. Tous les tyrans ont construit des routes militaires : les Romains, les Prussiens, les Français. Elles courent tout droit alors que toutes les autres sinuent de sorte qu'il faut trois fois plus de temps pour aller d'un point à un autre. Dans sa grande masse le peuple veut être gouverné, c'est pourquoi il s'émeut de si énorme façon quand il se passe quelque chose. Par exemple, l'affliction fut très profonde lors de la mort de Todt (1) : cela montre que le peuple veut être conduit par les meilleures têtes. A cet égard, les Hongrois sont plus favorisés que les Roumains. Je voudrais que les Roumains soient à la place des Croates et inversement. Il faut construire des routes partout mais pas partout de la même façon. Nous ne devons pas uniformiser quand il s'agit de la région flamande ou des Pays-Bas. Ces régions doivent conserver leur caractère, ne serait-ce que parce que nos femmes ont plaisir à porter quelque chose qui vient d'un autre pays. Et c'est encore plus beau quand cela entre en contrebande ! Les Hongrois sont les nationalistes les plus forcenés qui soient. Avec quelle (1) Le Dr Fritz Todt se tua, le 8-2-42, dans un accident d'aviation dont les causes n'ont jamais été bien éclaircies.

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HITLER CET INCONNU rapidité ils assimilent ce qui est allemand ! Ils donnent des postes d'autorité à tous les Allemands capables de diriger. Nous ne maintiendrons nos minorités (en Hongrie) qu'en prenant l'Etat sous notre contrôle, ou il faudra les retirer. Les petits groupes allemands y dégénèrent, à cause des mariages consanguins, sauf en Transylvanie. Je l'ai constaté dans les rassemblements de Nuremberg : ils sont racialement abâtardis. Tous les meilleurs éléments entrent au service de l'Etat hongrois. Quand une telle sélection s'effectue pendant des siècles, il ne reste qu'un rebut. Ces minorités, nous les installerons dans les grands établissements que nous voulons créer à l'Est. Rapatrier des minorités est toujours coûteux, mais les installer sur des terres évacuées par d'autres, c'est différent. C'est une question d'autorité gouvernementale. Je pense pour ma part que, tout compte fait, il faudra retirer les Allemands de Hongrie si nous vouions vivre en paix avec celle-ci. Cela se discute pourtant. Par exemple, si nous voulions refaire du Danube un fleuve entièrement allemand. Dans ce cas, il faudrait adopter une autre politique. Une solution consisterait à établir tous les Allemands déplacés, au sud-est, le long du Danube. Les Hongrois et les Roumains ne se réconcilieront jamais, même s'ils voient un ennemi commun dans l'Allemagne. Il faudrait donner une aussi bonne terre aux gens du Banat. Si j'installe à l'Est 1 500 000 Allemands de l'étranger, il me faudra construire une autoroute de mille cinq cents kilomètres ; ils s'installeront comme en un chapelet, tous les cinquante ou cent kilomètres, avec ici et là une grande ville. Vu d'un certain point de vue, le Nord est plus important que le Sud. Mais, le Danube, c'est le Danube, nous ne pourrions jamais le remplacer. Il faudra nous établir fortement aux Portes de Fer pour qu'elles ne puissent être bloquées. Malheureusement, la terre y est très mauvaise. De bons Allemands n'y seront pas attirés. Mais nous pleuplerons la région grâce aux mines de cuivre. C'est une de nos plus grandes possibilités d'obtenir du cuivre, surtout si nous ne vivons pas en bonne intelligence avec la Yougoslavie. Le manganèse que je ne voudrais pas traiter sur place sera envoyé en amont du Danube. Celui-ci assure la liaison avec la Turquie. On ne peut faire de grande politique qu'avec des arrières bien assurés. 203


HITLER CET INCONNU 30,

27/2/I942 (midi). DIEU, SA MISSION ACTUELLE, LA TOLÉRANCE POUR L'AVENIR

La Providence envoie toujours la victoire à qui sait correctement employer le cerveau dont il est doté. La Nature ne tient aucun compte des questions de droit inventées par les juristes. Cela a été reconnu de tout temps et exprimé par le plus sensé précepte de la terre : Aide-toi, le Ciel t'aidera ! Cela veut dire que l'homme forge lui-même son bonheur ou son malheur. La création ou Providence est certainement quelque chose d'immuable, mais l'idée que s'en font les êtres est sujette à bien des variations. Pourquoi Dieu n'a-t-il pas donné à l'homme la possibilité de se faire une idée juste sur tout ? Toute personne instruite sait que la conception catholique de Dieu n'a même pas derrière elle dix pour cent de l'humanité : dans le même temps, les hommes, créés par la même Providence, ont conçu des milliers de fois différentes. Mais nous avons aussi une vue en profondeur des choses : nous savons que ce christianisme n'occupe qu'une toute petite période de l'histoire de l'humanité. Dieu a créé les hommes. Nous en sommes devenus par le péché mortel. Dieu leur en avait donné la possibilité. Il regarda pendant cinq cent mille ans comment ils s'en tiraient. Puis l'idée lui vint d'envoyer son fils incarné. L'événement prit une importance colossale par le détour d'un homicide. Les autres ne veulent pas y croire. On les y contraint par la force. Mais si le bon Dieu s'intéresse vraiment à cette révélation, à quoi bon les brodequins et les poucettes ? A cela s'ajoute que la plus grande partie des catholiques n'y croient pas non plus. Seules les vieilles femmes vont à l'église parce qu'il leur faut renoncer aux joies terrestres. C'est du bois mort, il n'y a rien à en tirer. Une partie de l'association (le clergé catholique) a des intérêts dans l'affaire. Mais il est dangereux qu'une association aussi peu désintéressée bafoue ainsi la création. N'est-ce pas se moquer de Dieu de la plus impudente façon ? Une affreuse idolâtrie ? Ce qui distingue l'homme de la bête, la plus merveilleuse 204


HITLER CET INCONNU preuve de sa supériorité sans doute, est le fait qu'il ait compris qu'une force créatrice devait exister ! Il suffit de regarder dans un télescope ou dans un microscope pour reconnaître que l'homme a la capacité de comprendre cette loi. Mais il faut demeurer humble ! Si l'on identifie cette force créatrice à un fétiche, l'idée de Dieu s'écroule quand ce fétiche devient défaillant. Pourquoi se battre, si l'on peut tout obtenir par la prière ? Lors de la guerre d'Espagne, le clergé aurait dû dire : Nous nous défendrons par la prière. Mais il a stipendié des païens (les Marocains), grâce à quoi la sainte Eglise a pu rester en vie. Si je suis un pauvre diable et que je meure sans avoir le temps de me repentir : tant pis pour moi, mon compte est bon ! Mais si je possédais dix marks et que je les ai versés antérieurement à l'Eglise, alors tout va bien. Et le créateur du monde aurait voulu ça ? Qu'une petite paysanne ou quelque ignare le croient, bon, je n'ai rien à dire. Mais que des gens intelligents puissent s'adonner à une superstition aussi satanique... Pourtant des centaines de milliers de personnes ont été torturées en son nom. Et cela sous le masque hypocrite de l'amour ! Aucun mensonge ne peut durer éternellement. Je ne crois pas que la vérité puisse être étouffée indéfiniment. Elle finit par vaincre ! L'ère de la tolérance totale viendra, je peux l'imaginer, où chacun fera son salut comme il l'entend. Le monde antique a connu cette tolérance. Personne ne cherchait à convertir les autres à ses dieux. Je ne vais pas à l'église pour entendre la messe. Je regarde seulement la beauté de la construction. Je n'aimerais pas passer aux yeux de la postérité pour quelqu'un qui a fait des concessions dans ce domaine. Je sais que l'homme, étant faillible, peut commettre des milliers d'erreurs. Mais il ne peut pas être question de faire quelque chose de contraire à ce qu'on sait vrai. Il ne faut jamais s'accommoder personnellement d'un tel mensonge. Non parce que je cherche à scandaliser les autres, mais parce que j'y vois une insulte à la Providence éternelle. Je suis heureux de me sentir complètement libre à cet égard. Je me trouverai bien dans la société historique où j'entrerai s'il existe une Olympe. J'y rencontrerai les esprits les plus éclairés de tous les temps. J'ai refusé d'aller à l'église le 21 mars 1933. Dans le Parti, 205


HITLER CET INCONNU je ne me suis jamais occupé de la confession de mon entourage. Je ne voudrais pas que. le jour où l'on m'enterrera, il y ait un seul calotin dans un rayon de dix kilomètres. Si l'un d'eux pouvait m'être de quelque secours, je désespérerais de la Providence. J'agis conformément à ce que je constate et comprends. Je ne peux empêcher qu'on prie silencieusement, mais je ne tolère pas le blasphème. Je renonce à leurs prières. Si je suis nécessaire à quelque chose, c'est par une volonté supérieure que je suis là. En plus, cette Eglise qui assure le salut, me semble bien cruelle. Je n'ai encore jamais trouvé de plaisir à me faire le bourreau des autres, bien que je sache que, sans la force, on ne peut pas s'affirmer en ce monde. La vie n'est donnée qu'à celui qui se bat le plus vigoureusement pour elle. Sa loi, c'est « Défends-toi ! » L'époque où nous vivons a vu le commencement de l'écroulement de cette affaire. Cela peut durer encore cent ou deux cents ans. Je suis navré de devoir, comme Moïse, n'apercevoir que de loin la Terre promise. Nous entrons dans une conception du monde ensoleillée, vraiment tolérante : l'homme doit être en mesure de développer les capacités reçues de Dieu. Il faut seulement empêcher que s'établisse un nouveau et encore plus gros mensonge : le monde judéo-bolchevique. Mon devoir est de le briser. 31.

Nuit du 28/2 au 1/3/1942. DANS LA VILLE WAGNÉRIENNE DE BAYREUTH

En 1925, les Bechstein (1) m'invitèrent chez eux, à Bayreuth. Ils habitaient dans la Lisztstrasse, à ce que je crois, à deux pas de Wahnfried. Ils doivent posséder encore la maison. Je ne voulais pas y aller. Je craignais d'augmenter les difficultés de SiegEried Wagner (2) qui était un peu dans la main des Juifs. J'arrivai à Bayreuth vers onze heures du soir. Lotte Bechstein (1) Famille du facteur de pianos bien connu. Mme Hélène Bechstein faisait partie des bienfaitrices particulières de Hitler (les « amies maternelles »). (2) Fils de Richard, compositeur lui-même.

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HITLER CET INCONNU était encore debout, mais ses parents s'étaient couchés. Mme Wagner vint le lendemain matin, de bonne heure, et m'apporta quelques fleurs. Quelle animation dans la ville ! Il existe beaucoup de photographies de l'époque, prises par Lotte Bechstein. Dans la journée, je circulais en culotte de peau ; au festival, je revêtais le smoking ou l'habit. Les journées libres étaient toujours merveilleuses. Nous avons fait des excursions dans les Fichtelgebirge et la Suisse franconienne. Même en dehors de cela, nous menions une vie fabuleuse. Quand j'allai au cabaret « Eule », j'entrai tout de suite en sympathie avec les artistes, hommes et femmes. En revanche, je n'étais pas encore assez célèbre pour qu'on empiétât sur ma tranquillité. Dietrich Eckart, qui avait été critique à Bayreuth, me disait toujours : « Tu sais, à Bayreuth, l'atmosphère est quelque chose de merveilleux, » Un matin, m'a-t-il raconté, ils avaient fait irruption à 1' « Eule » et étaient allés dans un pré, derrière le théâtre des festivals, pour y jouer l' Enchantement du vendredi saint. Ce fut, paraît-il, tout à fait splendide. Le premier Parsifal que j'ai entendu était chanté par Cleving, d'une allure et d'une voix extraordinaires. J'avais déjà vu la pièce à Munich, puis j'entendis le Ring et les Maîtres chanteurs. Entendre chanter Wotan par ce Juif de Schorr m'a mis en rage ! C'était, pour moi, une profanation. Pourquoi n'avoir pas fait venir Rode de Munich. Il y avait encore un artiste de très grande qualité : le Kammersänger Braun. Je suis resté des années sans y retourner et j'en ai eu beaucoup de peine. Mme Wagner en fut aussi très fâchée, elle m'écrivit douze fois, me téléphona vingt-cinq fois. Je n'ai jamais traversé Bayreuth sans lui rendre visite. Elle a toujours fait son possible — et c'est un grand mérite de sa part — pour rallier Bayreuth au national-socialisme. Quant à Siegfried, il était lié d'amitié avec moi mais neutre en politique. Les Juifs lui eussent tordu le cou, il ne pouvait faire autrement. Maintenant le sortilège est rompu : on joue plus d'œuvres de lui. Ces sales youpins avaient réussi à le démolir. J'ai entendu le Bärenhäuter dans ma jeunesse ; Der Schmied von Marienburg doit être son meilleur ouvrage. Il y a encore bien des choses à entendre et à voir ! J'ai assisté, à Berlin, à la représentation de la Novice de 207


HITLER CET INCONNU Païenne, une œuvre de jeunesse de Wagner ; les mélodies dans le style de Mozart y fleurissent, le nouveau ne perce qu'en deux ou trois endroits. 32.

1/3/1942 (soir). L'ÈVE ÉTERNELLE — LES PROBLÈMES DU MARIAGE

La plus belle toilette perd immédiatement son charme pour une femme du moment où elle aperçoit la même sur une autre. Un jour, j'en ai vu une quitter l'Opéra uniquement parce qu'elle venait de voir entrer, dans la loge opposée, une femme vêtue de la même robe qu'elle. « Quelle audace ! Je m'en vais ! » Quand une femme se pare, elle s'y applique souvent avec la joie secrète d'en irriter une autre. Elles ont la capacité qui nous échappe, à nous, les hommes, d'embrasser une amie tout en la piquant d'une épingle. Il serait tout à fait vain de vouloir les changer sur ce point. Mais laissons-là ces petites faiblesses. Tant mieux si cela suffit pour les rendre heureuses ! Il vaut mille fois mieux les voir s'occuper ainsi que de s'adonner à la métaphysique. Quelle catastrophe quand une femme se met à réfléchir aux problèmes de l'existence ! Comme elles peuvent alors nous porter sur les nerfs ! Les pires sont les femmes peintres qui ne s'intéressent à la beauté qu'en dehors de leur personne. Certaines sont extrêmement soucieuses d'elles-mêmes, mais seulement jusqu'à ce qu'elles aient trouvé un mari. Avant elles se battent pour ne pas engraisser de quelques dizaines de grammes. Après, elles prennent des kilos. Une femme pourrait elle-même nous dire : Pourquoi vous rasez-vous ? Pourquoi faites-vous une raie dans vos cheveux ? Personne ne reste tout à fait tel que la Nature l'a fait. Il y a quarante ou cinquante ans, je me rappelle, seuls se rasaient les acteurs et les curés. A Leonding (1), il n'y avait qu'un seul homme sans barbe, il passait pour un excentrique ! La barbe (1) Faubourg de Linz où Hitler passa la plus grande partie de son enfance.

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donne énormément de caractère à certaines têtes, mais, dans l'ensemble, on reconnaît beaucoup mieux l'expression sans elle. D'ailleurs, ce n'est que la poursuite d'un processus commencé il y a des millions d'années : l'homme a perdu graduellement ses poils. Là où les femmes sont plus nombreuses que les hommes, elles luttent constamment pour éliminer des rivales : l'instinct de la conservation. Tout lui est subordonné. La plus douce peut devenir une bête fauve quand une autre lui enlève son ami ou son mari. Cet instinct est plus ou moins développé. C'est chez les plus féminines qu'il est le plus fort. On parle toujours de la dépravation des femmes. Peut-être est-ce une qualité ! Retourner à un Etat purement masculin constituerait une régression pour l'humanité. A l'époque préhistorique, les sociétés matriarcales dominaient certainement. Un peuple ne meurt pas par défaut d'hommes, mais seulement par défaut de femmes ! Après la guerre de Trente Ans, la polygamie fut rétablie : la nation a retrouvé sa force grâce à l'enfant illégitime. On ne peut régler cela par la loi. Mais tant qu'il y aura deux millions et demi de femmes vouées au célibat, nous ne pourrons proscrire les enfants nés hors du mariage. J'ai plus d'estime pour une fille mère qui élève son enfant que pour une vieille fille. Le préjugé social est en train de s'effacer. La nature s'impose de nouveau. Nous sommes sur le bon chemin. J'ai souvent appris que des filles avaient des enfants, notamment les servantes de brasserie. Le bonheur qu'elles ont à pouvoir élever ces enfants est vraiment touchant. Si une fille n'a pas d'enfant, elle devient détraquée ou malade. Il est frappant que, chez presque tous les peuples, les femmes soient plus nombreuses que les hommes. Si l'on ne voyait tant de gens sains autour de soi on en viendrait à mépriser la vie. Je le ferais si je ne regardais que la prétendue élite. Heureusement, je n'ai jamais perdu le contact avec la masse beaucoup plus saine. A la campagne cela va si loin qu'on ne reproche jamais à un prêtre d'avoir des rapports sexuels... S'il couche avec sa bonne, le village se tranquillise : les enfants et les autres femmes auront la paix ! Ce n'est pas par le cerveau qu'on jette sa gourme, disent les paysannes. 209


HITLER CET INCONNU C'est dans la prétendue élite des dix mille que se rencontre la plus grande hypocrisie. J'ai connu des choses invraisemblables. Des gens font un crime à d'autres d'avoir des aventures en dehors du mariage, alors qu'ils ont épousé eux-mêmes des divorcées ! Il m'est arrivé de rappeler à quelqu'un sa propre histoire alors qu'il se comportait ainsi. Il faut s'imaginer que le mariage répond bien peu à ce que veut la Nature : l'accomplissement du grand désir de la vie. La chance suprême est que deux êtres, destinés l'un à l'autre par la Nature, se rencontrent. Mais il y a tant de facteurs qui interviennent pour rapprocher des gens ou les empêcher de se rapprocher. Combien de filles entrent au couvent parce qu'elles n'ont pu avoir l'homme qu'elles voulaient. Exception faite de celles qui avaient vraiment la vocation, les deux tiers de nos religieuses sont des amoureuses déçues. Bien peu d'êtres ont pratiquement la possibilité de faire valoir leur droit à la vie.

33.

3/3/1942 (midi). MÉTHODES DE GOUVERNEMENT - FORMATION SCOLAIRE

Si nous accordions à une des provinces conquises le droit d'avoir une armée ou une aviation, c'en serait fait de notre domination. Le chemin de l'autonomie conduit à l'indépendance. On ne peut pas conserver par des institutions démocratiques ce qu'on a pris par la force. Je suis du même avis que les tories britanniques : soumettre un pays libre à seule fin de lui rendre un jour la liberté, ça ne tient pas debout. Verser du sang confère le droit de dominer. L'Inde ne conserverait pas sa liberté plus de vingt ans. Les Anglais s'accusent aujourd'hui d'avoir mal gouverné le pays, parce que celui-ci ne manifeste aucun enthousiasme. Ils l'ont parfaitement gouverné. Leur erreur était de s'attendre à de l'enthousiasme. S'ils n'y avaient pas fait la loi, il n'y aurait pas, aujourd'hui, trois cent quatre-vingts millions d'Indiens. L'Angle210


HITLER CET INCONNU terre a exploité l'Inde, mais celle-ci a bien profité de la domination anglaise. Ne lâchons surtout pas les instituteurs allemands sur les territoires de l'Est. Nous perdrions les parents et les enfants, nous perdrions tout le peuple parce que ce qu'ils lui inculqueraient ne servirait à rien. Le mieux serait de leur apprendre un langage par gestes. La radio fournira à la collectivité ce qui lui convient : de la musique à gogo. Mais le travail intellectuel doit lui être interdit. Il ne faut pas imprimer un seul iota. La civilisation européenne l'a fait et comment en a-t-elle été récompensée ? Par un anarchisme intellectuel ! Les hommes vivent d'autant plus heureux qu'on les laisse en paix. Sinon, on se suscite les pires ennemis ! Si l'on écoutait les pédagogues, notre premier acte devrait être d'ouvrir une université à Kiev. Avant tout, il ne faut rien apprendre à quelqu'un de plus qu'il n'en a besoin. C'est le surcharger inutilement ! Mieux vaut lui montrer la beauté. Je pars de ce qui est nécessaire à un enfant. Eveiller le sens de la beauté était certainement l'idéal dans la haute société grecque. Aujourd'hui, on gave les gens de savoir. L'école ne doit donner que des connaissances générales sur lesquelles se fonde l'enseignement spécialisé. Je dois orienter l'éducation vers la grandeur. Les événements mûrissent. Quelle tête il faudrait à un enfant pour y entasser l'histoire de sa petite patrie, celle du Land et encore celle du Reich. Ce que nous vivons aujourd'hui, nos enfants auront plus tard à l'apprendre par cœur. Le cerveau ne peut pas tout recevoir. Le banal ne doit être connu que dans ses grandes lignes. Enseigner deux langues à tous les élèves des classes moyennes n'a aucun sens. Un quart n'en auront pas besoin. Il suffit de donner des notions générales, d'enseigner le français pendant trois ans au lieu de quatre et de n'y consacrer, durant la quatrième, qu'une heure par semaine au lieu de trois, cela permettra à l'enfant de voir si c'est un domaine pour lui. A quoi bon enseigner la géométrie, la physique, la chimie à un garçon qui veut être musicien ? Qu'en retient-il ? Rien. Il faut renoncer à tous les détails. De mon temps, il fallait 211


HITLER CET INCONNU — pour être reçu à un examen — obtenir une note minimum en telle ou telle matière. Si un élève est particulièrement brillant dans une matière, pourquoi exiger cela de lui ? Il faut le pousser dans sa voie ! Il y a quarante ans, notre enseignement de l'histoire se bornait à apprendre des dates, des noms de potentats, de guerres et des découvertes. On ne donnait jamais de vue d'ensemble. Et quand le professeur n'est pas doué, cela devient une véritable torture. Les petites têtes n'y comprennent plus rien ! C'est absurde : parce qu'un élève obtient une note insuffisante dans une matière, il ne peut devenir ce qu'il voulait être. Quand on examine de plus près le programme d'enseignement, on aboutit à la conclusion qu'une bonne partie était stupide. Il tuait l'âme des enfants ! Très peu seulement réussissaient ! Quand on pense qu'un maître peut gâcher toute la vie d'un homme, il faut conclure que la direction d'une nation ne peut se baser sur l'enseignement scolaire. Il faut laisser à la vie la possibilité de corriger. La seule chose qui compte, c'est ce qui est réellement fait, pas la note... Parfois un gosse a tant de vitalité en lui qu'il ne peut rester en repos un seul instant : il n'est pas inattentif, mais il ne veut pas écouter. Sa conduite est seulement de la turbulence. Comment pourrait-il se comporter autrement ? Peut-être réussira-t-il mieux, plus tard, que les bons élèves. Mais certains maîtres s'irritent devant un tel petit démon. Cela se comprend. Mais le gosse doit avoir la possibilité de montrer ce qu'il vaut. D'une façon générale, je travaillais dix fois moins que mes condisciples. Je bâclais toujours mes devoirs. J'ai cependant compris l'histoire. J'ai souvent pris en pitié mes camarades : « Tu viens jouer ? — Non, j'ai encore quelque chose à faire ! » Et il bûchait ! Il était reçu à l'examen. Il avait gagné. Mais si quelqu'un de l'autre bord émergeait, l'indignation était grande : Comment ça ? Mais nous, nous avons travaillé ! — parfaitement, mais certains ont quelque chose en eux, d'autres pas !

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713/1942 (midi). LA LANGUE, LES POÈTES, LES PENSEURS

Si l'on compare l'anglais à l'allemand et l'allemand à l'italien, on peut dire : l'anglais n'a pas la possibilité d'exprimer ce qui sort du domaine des faits et des idées concrètes. L'allemand a la faculté d'étendre les connaissances au-delà de la limite des choses prouvées. Le peuple allemand est le peuple des penseurs parce que notre langue nous permet d'avancer dans l'inconnu. Chez moi, au Berg (1), j'ai entendu discourir un aveugle de guerre italien, ça sonnait magnifiquement à l'oreille, une véritable apothéose ! Traduit, ça ne disait plus rien, le vide ! L'italien est la langue de la musique ! Nous ne sommes pas entraînés à parler seulement pour parler. Nous ne nous grisons pas de mots sonores. Mais nous nous appauvrissons en voyelles et il faut faire attention à ne pas trébucher. Nous n'avons plus de poètes aujourd'hui et nous essayons de compenser cette déficience par un raffinement du mot. Mais le mot n'est qu'un moyen pour une fin. Dans l'expression de la pensée, il s'agit de l'employer justement, à bon escient. Si nous nous abandonnions sans contrôle à cette recherche du mot, notre langue finirait par perdre toute son harmonieuse sonorité et cesserait d'être belle ! Malheureusement, nous nous voyons déjà limités, dans l'essentiel, aux voyelles a, e, i. Cela enlève de la musicalité à la langue et l'appauvrit. Quand je dis kurzschriftler au lieu de Stenograph, je me fais l'effet de parler le polonais ! Le mot est d'ailleurs une sottise en soi : l'inventeur aurait baptisé ainsi sa découverte si cela lui avait plu. Les gens qui recommandent de telles germanisations sont les ennemis mortels de la langue allemande. Si on les suivait, nous ne pourrions plus rien exprimer de précis en quelques mots, la sonorité deviendrait de moins en moins grande, notre langue finirait par ressembler au japonais : un (1) Le Berghof, à Berchtesgaden.

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HITLER CET INCONNU croassement ; elle deviendrait un caquetage. Je me demande si on pourrait encore y chanter ! Réjouissons-nous donc de disposer d'un vocabulaire assez riche pour exprimer les nuances de la pensée. Acceptons avec reconnaissance pour leur sonorité les mots étrangers que nous adoptons. Qu'on s'imagine : si nous commentons à expurger notre langue de ces mois étrangers, où nous arrêterions-nous ? Sans parler des erreurs possibles quant à la racine. Nous perdrions le fruit du travail de plusieurs générations. Finalement, il faudrait aussi nous débarrasser de tout ce qui vient de l'étranger. Arrêtons là cette plaisanterie ! Logiquement, il faudrait aussi renoncer à la chose qu'exprime le mot proscrit. L'honnêteté nous commanderait de bannir avec le mot theater ce qu'il représente. Le conserver serait donner à croire que nous l'avons inventé. Seuls les plus grands penseurs d'un peuple peuvent avoir droit de modifier sa langue. Avant nous, un seul aurait pu se le permettre : Schopenhauer ! Seul un génie peut déterminer si les mots existants suffisent pour exprimer un envol de pensée. Tant qu'un peuple reste vivant, il acquiert sans cesse de nouvelles notions, de nouvelles connaissances. Impossible de s'insurger là contre. Il faut l'accepter ! Si un mot étranger s'acclimate chez nous et sonne bien, tant mieux, c'est un enrichissement de notre vocabulaire. Mais il faut faire attention à une chose : que tout le monde le prononce bien comme il doit l'être. Entre l'orthographe et la prononciation, il ne faut pas cette discordance que présente l'anglais. Du moment qu'une langue dispose d'une lettre pour chaque son différent, il n'est pas admissible que la prononciation d'un mot dépende de la connaissance de la langue dont il est originaire. Il doit être écrit de façon qu'en le lisant, chacun le prononce correctement ! 35.

RAPPORTS ENTRE LES SEXES

10/311942 (nuit).

Tout ce qui se produit a une cause, La jalousie de la femme 214


HITLER CET INCONNU est l'instinct de la conservation ; elle remonte à l'époque très ancienne où la femme dépendait entièrement de la protection de l'homme ; pensons seulement à l'embarras de la femme durant la grossesse et au temps qu'il faut à un enfant pour s'occuper seul de lui-même. Sans l'homme, la femme était perdue. Aussi aimait-elle le héros. Il lui donnait un sentiment de sécurité. Elle veut l'homme héroïque et, quand elle l'a, elle ne le lâche plus facilement. L'homme aussi est jaloux de la femme qu'il aime. Mais la jalousie féminine atteint une ampleur beaucoup plus grande : une mère est jalouse de sa bru, une sœur de son frère. J'ai assisté à une scène caractéristique faite par une femme mariée — Eva Chamberlain (1) — à son frère également marié. Quelque chose de vraiment insensé ! Les soeurs acceptaient la présence de la jeune femme parce que le malheur était arrivé. On ne tenait aucun compte du fait qu'elle eût donné quatre enfants à son mari. Ni de ce qu'elle lui fût restée fidèle. Il suffit de regarder les enfants ; si une parenté est vraiment marquée, c'est bien chez eux ! Parmi mes amies maternelles, seule la vieille Mme Hoffmann (2) me manifesta toujours une sollicitude sans ombrage. Même avec Mme Bruckmann (3) il m'arriva quelque chose ; jamais plus elle n'invita en même temps que moi une dame de la société munichoise après avoir surpris le regard que celle-ci me jeta lorsque, au salon, je m'inclinai devant elle pour prendre congé. Elle était très belle et je devais l'intéresser, rien de plus. Je connais une femme dont la voix devenait rauque d'émotion si seulement j'adressais deux mots à une autre. A côté de celui de la femme, l'univers de l'homme est très vaste. Il appartient avant tout à son devoir et ne pense aux femmes que par intermittence. L'homme constitue l'univers de la femme. C'est aux autres choses qu'elle pense seulement par intermittence. La différence est considérable. La femme peut aimer beaucoup plus profondément que (1) Fille de Richard Wagner. (2) Carola Hoffmann, veuve d'un professeur, (3) Elsa Bruckmann, femme de l'éditeur munichois Hugo Bruckmann.

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HITLER CET INCONNU l'homme. Sa valeur intellectuelle n'entre guère en cause. Par exemple, ma mère eût fait bien piètre figure auprès de nos grandes dames cultivées. Elle vécut pour son mari et ses enfants. Mais elle a donné un grand fils au peuple allemand. Les mariages uniquement basés sur l'attrait sexuel se défont facilement : ça peut se remplacer n'importe où ! La séparation est autrement pénible quand il existe une camaraderie et que l'un s'épanouit dans l'autre. Il est inadmissible qu'une femme puisse être appelée à déposer en justice sur des questions d'ordre intime. Je l'ai fait supprimer. D'autre part, je ne peux pas sentir le mouchardage. On raconte une bien belle histoire sur Frédéric le Grand : il convoqua un jour que le chef de la police pour se plaindre d'être moins bien renseigné que certaines Cours étrangères. « Oui, répondit le fonctionnaire, il faudrait que j'aie le droit d'employer les mêmes moyens d'observation que les autres. — A ce prix-là, non, fit le roi. J'y renonce ! » Personnellement, je ne me suis jamais servi d'un service de renseignements et je ne recevrai jamais un espion. Il y a là quelque chose de répugnant. Quant aux espionnes, n'en parlons pas. Non seulement elles se prostituent, mais elles jouent la comédie du sentiment à l'homme qu'elles vont livrer ! Dans ma jeunesse, j'étais plutôt un solitaire et me passais fort bien de compagnie. Maintenant, je ne supporte plus la solitude et j'éprouve un très grand plaisir à dîner avec une femme, et je préfère aller m'attabler à l'Osteria (restaurant de Munich) au lieu de prendre mon repas seul, chez moi. Je ne lis jamais un roman ni presque jamais un feuilleton. Pourquoi le ferais-je, ça ne pourrait que m'agacer ! Nous possédons dans l'Augsburger Abendzeitung le plus vieux journal d'Europe. Qu'Amann l'ait laissé subsister, c'est bien. Dommage que les Fliegenden Blätter aient disparu et que la Jugend ait autant dégénéré. Quand on ne peut conserver côte à côte une vieille entreprise et une jeune, je suis d'avis qu'il faut supprimer la plus récente et maintenir celle qui existe depuis longtemps.

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36.

11/3/1942

(nuit).

NOCIVITÉ DU TABAC - BERLIN, CAPITALE MONDIALE

A la porte du domicile d'un marchand de Nuremberg, il y avait un écriteau : Les fumeurs sont priés de ne pas entrer ici. J'en aurais bien fait poser un semblable à ma porte. Récemment, j'ai dit au Reichsmarschall : « Croyez-vous, Goering, que cela fasse bonne impression quand on vous voit photographié la pipe au bec ? Que diriez-vous d'un monument qui vous représenterait avec un cigare entre les dents ? » Il est inexact de penser que les soldats ne supporteraient pas la vie du front sans fumer. Ce fut une faute, à mettre au compte du commandement de l'armée d'alors, que d'attribuer, au début de la guerre, une ration quotidienne de tabac. On ne peut plus revenir là-dessus. Mais cela devra cesser dès le retour de la paix. Nous pouvons employer nos devises à un meilleur usage qu'à introduire du poison parmi nous. Je commencerai par les jeunes. Il suffira de leur dire : Ne prenez pas exemple sur les vieux. J'ai vécu longtemps à Vienne dans des conditions très pénibles, sans prendre un repas chaud pendant des mois. Je vivais de lait, de pain sec. Mais je dépensais treize kreuzers par jour pour mes cigarettes. J'en fumais quotidiennement trente à quatante. Un kreuser valait alors plus que dix Rpf (Pfennige) d'aujourd'hui. Puis une idée m'est venue : Dis donc, si au lieu de dépenser treize kreuzers en cigarettes, tu achetais du beurre pour ton pain. Ça te coûterait cinq kreuzers et tu aurais encore du bénéfice. J'ai aussitôt jeté mes cigarettes dans le Danube et n'ai jamais plus fumé depuis. Si j'avais continué à fumer, je n'aurais jamais pu, j'en suis persuadé, supporter les soucis qui m'accablent depuis si longtemps. C'est peut-être à cela que le peuple allemand doit son salut. J'ai vu tant d'hommes éminents succomber à cet empoisonnement par le tabac. Mon père, tout d'abord, puis Dietrich Eckart, 217


HITLER CET INCONNU Troost (1) ! Je perdrai aussi Hoffmann (2) pour le même motif. Berlin, en tant que capitale mondiale, ne pourra se comparer qu'à l'ancienne Egypte, à Babylone ou à Rome ; qu'est-ce que Londres, qu'est-ce que Paris à côté de cela ?

(1) Le professeur Paul Ludwig Troost (1878-1934), architecte de Hitler (2) Photographe de Hitler.


III LES PROPOS DE TABLE N° 37-199 RECUEILLIS A LA TABLE MEME DE HITLER, AVEC UN SYSTEME DE NOTATION PERSONNELLE PAR LE DR HENRY PICKER (21/3-31/7/1942)

37.

21/3/1942 (soir) (Wolfsschanze). BOMBES SUR PARIS — LA MAISON DES ARTISTES A MUNICH

L A GUERRE DOIT ETRE maintenue à la périphérie. Si des avions britanniques bombardent des Parisiens, c'est leur affaire, et cela vaut mieux que si c'était des Berlinois. A Paris, il ne faut défendre avec de la D.C.A. que les usines importantes (1). En outre, les Parisiens n'ont pas aussi froid dans leurs caves que les Berlinois, car leur climat est moins rude. Dommage qu'il faille continuer la guerre à cause d'un ivrogne (Churchill) au lieu de se consacrer à des œuvres de paix comme l'art. Le mobilier de la Maison des Artistes, à Munich, représente quelque chose d'unique. Dommage que les trésors de la maison Kaulbach (où habita Wagner) aient été dispersés aux quatre coins du monde. On n'y voit plus qu'un très beau tapis. Les plus beaux tapis qu'il (Hitler) ait jamais vus, c'est chez Ribbentrop, où l'on remarque tout de suite l'absence de rideaux. Chacun peut donc constater que tout va bien pour le ministre des Affaires étrangères ! Belles aussi les tables sans tapis imaginées par le professeur Troost. Chez les paysans allemands on trouve (1) Il s'agit manifestement du premier grand bombardement des usines Renault, à Billancourt, dans la nuit du 3 au 4 mars 1942.

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souvent des tables en bois d'érable, admirablement cirées, très, très belles. Dommage que le savon soit si rare. Keitel : Chez ses parents, on recouvrait la table d'une natte de paille qu'on nettoyait avec du sable. 38.

LE SALUT MILITAIRE DANS L'HISTOIRE

22/3/1942.

D'après une déclaration faite au général Schmundt (1), le Chef (Hitler) penserait à généraliser le « salut allemand » dans la Wehrmacht, à la place du salut militaire qui se fait en portant la main à la coiffure. Le colonel Scherff, de la section historique de l'O.K.W, lui a remis la note suivante : Dans l'ancienne histoire allemande il n'y avait pas de geste avec la main. La formule générale de salut était « Heil wis ! », c'est-à-dire « Puisses-tu rester sain et sauf » (cf Procope, dans son Histoire des Dieux, vers 555), et dans l'épopée anglosaxonne Beowulf salue le roi Rüdigers, en disant : « Heil Dir ! » mais après avoir déposé les armes offensives. L'idée que le salueur se trouve personnellement sans défense est donc à la base du salut. Le vivat poussé par les électeurs après le couronnement de l'empereur s'accompagnait d'une levée de la main droite. Nous trouvons un geste analogue chez les lansquenets. A partir du XIIe siècle, le salut se christianise : « Dieu soit avec toi ! » Par la suite, l'idée de désarmement se manifeste de plus en plus : se découvrir, présenter les armes, saluer de l'épée, et, à partir du début du XVIIIe siècle : porter la main à la coiffure. On ne trouve pas de « salut romain » particulier. Elever le bras en geste de prière n'apparaît qu'à la fin de l'Empire, dans le culte de l'empereur. Chez les Romains, le salut militaire consistait à porter la main à la coiffure comme chez nous, aujourd'hui. (1) Premier aide de camp pour la Wehrmacht auprès de Hitler depuis le 28-7-1938.

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HITLER CET INCONNU Le Dr Porsche (1) et Speer (2) devant présenter de nouveaux blindés au Chef, les convives, des généraux, sont nombreux au déjeuner. 39.

Après-midi. LETTRE PASTORALE DES ÉVÊQUES ALLEMANDS

Après le déjeuner je colle un téléscript du service de sécurité et le remets à Hitler en présence de Bormann. Tous les évêques allemands, annonce-t-il, ont lu en chaire une lettre pastorale déclarant que le gouvernement national-socialiste a rompu l'union sacrée du temps de guerre, basée sur le concordat, bien que le peuple allemand soit chrétien à 93 %, que d'innombrables catholiques puisent dans leur foi la force de se conduire héroïquement au front et soient décorés de ce fait. Qui va à l'église pour satisfaire ses besoins spirituels est poursuivi, les prêtres sont surveillés, aucune influence de l'Eglise n'est permise dans les écoles (par exemple dans les institutions nationales-socialistes), l'instruction religieuse des enfants est entravée ; le commandement « Tu ne tueras point » est violé par l'ordre gouvernemental de mettre à mort les malades incurables, et par la projection de films tendancieux (« J'accuse ») ; la propriété n'est plus respectée (saisies de couvents) de sorte que les religieux revenant du front ne retrouvent plus leur monastère, et que d'autres atteintes à la propriété privée sont à craindre. Hitler ordonne de n'engager aucune polémique, mais de réagir en permettant à la presse d'envoyer au front oriental des mises au point honnêtes et positives. 40.

Soir.

Je suis assis entre le Standartenführer Rattenhuber (3) et le capitaine Baur (4). Celui-ci me dit que le Führer s'est indigné (1) Ferdinand Porsche (1875-1951), constructeur de la Volkswagen. (2) Speer, ministre des Armements depuis le 8 février 1942. (3) Chef de la garde personnelle de Hitler. (4) Pilote de Hitler.

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HITLER CET INCONNU d'une sentence trop douce rendue contre un assassin de femmes, car il considère le meurtre des femmes et des enfants comme particulièrement odieux. Si d'autres jugements analogues étaient prononcés, le Chef ferait envoyer au diable le ministère de la Justice, par une loi du Reichstag. Il est vraiment grand temps d'avoir un véritable ministre de la Justice (1). 41.

23/3/1942 (midi).

Führer : Il a lu dans la nuit le livre de von Bouhler sur Napoléon. L'ouvrage lui a beaucoup plu, il est très bien écrit et représente un très gros travail. Il montre bien comment l'Angleterre a contraint Napoléon à faire la guerre — exactement comme avec nous. Si on ne le comprend pas, on ne rend pas justice à Napoléon. Le livre montre aussi clairement que si Napoléon a échoué, ce fut surtout parce que ses collaborateurs n'étaient plus à la hauteur de leur tâche. Il n'échappe pas au reproche d'en avoir choisi d'aussi médiocres. « Les parents ne sont pas des êtres humains (allusion au film « Les parents sont aussi des êtres humains »). » Croire que les liens du sang sont les plus forts est une erreur, comme le prouve l'histoire de nombreuses maisons princières allemandes. Le fantassin supporte toujours le poids principal du combat. Alors que d'autres disposent de véhicules et, de ce fait, vivent un peu mieux, lui doit toujours trotter, emporter des vivres au moins pour un jour. L'invention la plus heureuse pour lui a été celle de la cuisine roulante — une trouvaille russe — qui a rendu possible la guerre de mouvement, en lui assurant au moins un repas chaud par jour. Il a lu avec beaucoup d'intérêt des collections de Die Kunst (2). Quand on considère le niveau artistique qui existait encore en (1) Depuis la mort du Dr Gürtner, survenue le 29-1-1941, il n'y avait qu'un ministre de la Justice par intérim, le secrétaire d'État Schlegelberger. Le Dr Thierack ne prit le portefeuille que le 24 août 1942. (2) Principale revue d'art moderne, s'adressant au public cultivé, publiée depuis 1899 par les Éditions Bruckmann, à Munich.

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HITLER CET INCONNU 1910, on est conduit à constater avec épouvante qu'il a, depuis — prenons 1930 comme date de comparaison -— considérablement baissé. L'influence juive s'est exercée de façon dévastatrice. Il faut féliciter Staline de n'avoir pas permis aux Juifs de toucher à l'art. Quand il prend un livre, il regarde d'abord la fin, puis quelques pages au milieu, et il ne commence la lecture qu'après s'être fait une impression positive. 42.

23/3/1942. Lundi, soir. MARTIN BORMANN. LA GUERRE SOUS-MARINE ET ROOSEVELT

Le Führer entre dans la salle à manger, salue tout le monde, puis dit, avec un sourire : « Il y a des étincelles ! » en indiquant la cabine téléphonique, près de la porte, d'où l'on entend la voix de Bormann tempêter. Le Reichsleiter Bormann jouit d'une situation exceptionnelle auprès de Hitler, il représente tout le secteur civil devant lui, se trouve souvent et longtemps avec lui. Herr Bormann est le « chancelier de fer » du Parti, il possède une énorme puissance de travail, décide et tranche avec une assurance absolue. Dans ses façons de s'exprimer, il parle plus haut que n'importe quel autre ici. Tout d'abord, il y a une assez longue discussion sur le degré en alcool de la bière. Puis, à la fin du repas, alors qu'il s'est fait apporter ses lunettes pour lire les nouvelles de presse (Dietrich), le Chef prend prétexte de celles-ci pour parler des questions d'armement et de commandement. Il se réjouit particulièrement d'un grand succès des sous-marins. Nous voulons publier ces destructions de tonnage américain en même temps que celles effectuées par les aviateurs dans les convois anglais vers Malte. Intervention de Bodenschatz (1) : Les A.nglais sont vraiment de bons combattants navals pour oser envoyer de tels convois, (1) Le général Bodenschatz, représentant permanent du commandement de la Luftwaffe au Q.G.

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HITLER CET INCONNU sans cuirassés, contre l'écrasante supériorité de l'aviation italienne. Intervention de Hewel (l) : Contrairement aux Hollandais qui sont aussi de bons marins mais pas des combattants navals. Führer : « Ne sont plus !» — Il est bien, pour une fois, de publier un grand succès des sous-marins. Soixante-douze mille tonnes (coulées), c'est plus que les Américains ne peuvent construire en un mois. Sûrement, ils vont désormais construire des bateaux par tranches préfabriquées, mais si c'est relativement facile pour les coques, ce ne l'est pas pour les machines. Tout le problème est là. Roosevelt est atteint d'aliénation mentale, comme un professeur l'a proclamé publiquement il y a quelques années. Il déclare la guerre et non seulement il se laisse complètement surprendre par les Japonais, mais il continue à faire naviguer ses navires de commerce sur ses côtes comme en temps de paix — et se les fait démolir. Il circule, affolé, entre Washington et sa propriété (2) à cause du danger aérien. Même ses déclarations devant les journalistes montrent qu'il a le cerveau dérangé. Avec sa façon de gouverner, il sème l'hystérie dans tout le pays. Comment expliquer autrement que des hommes sensés aient pu être pris de panique, à Chicago, parce que, dans une émission à la radio, on annonçait un débarquement de Martiens ! M. Roosevelt n'avait évidemment pas compté avec nos sousmarins. Nous avons pris de l'avance en nous limitant délibérément à un nombre réduit de types de sous-marins, ce qui nous permet de les construire en série. On peut changer un détail sur tel ou tel bateau, mais le principe de la construction reste le même. Avant tout : notre flotte sous-marine constitue l'une des armes décisives. Ah, si M. Roosevelt avait réussi à maintenir l'Islande en dehors de la guerre, comme bordure de son hémisphère occidental — ainsi qu'il s'exprime — pour que les Anglais n'aient plus à surveiller que le petit espace de mer entre l'Islande et le continent ! Seulement, à cause de la tournure prise par les événements, c'est maintnant tout l'Atlantique et non plus uniquement la route maritime du nord de l'Angleterre qui sert de (1) L'ambassadeur Hewel, représentant des Affaires étrangères. (2) Il s'agit de la propriété de Roosevelt située dans l'État de New York.

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HITLER CET INCONNU zone d'action à nos sous-marins et ils y profitent des nuits, longues de huit à dix heures, mieux qu'en Méditerranée. Peu après, le Führer se rend, avec les vingt-quatre convives, à la salle de projection, pour regarder les actualités cinématographiques. ïl n'apporte qu'une correction : la guerre assurera la liberté d'alimentation à toute l'Europe et pas seulement à l'Allemagne comme le dit le commentaire. Il se réjouit de séquences montrant des enfants enthousiasmés. 43.

24/3/1942 (soir). LE ROI BORIS DE BULGARIE MAINTIEN DU SECRET SUR LES PROCÉDÉS TECHNIQUES RECRUTEMENT DE LA WEHRMACHT PROPRIÉTÉ PRIVÉE ET SOCIALISATION JEUX ET LOTERIES MONOPOLES

Ce soir, le Chef était particulièrement de bonne humeur. C'est peut-être dû à sa conversation avec le roi Boris de Bulgarie (1), venu en visite officielle et qui est très aimé — d'autant plus qu'il vient toujours avec les mêmes collaborateurs et est très poli. Le Chef a déjeuné avec lui — plus Keitel et Bormann — au Chefbunker. Ce soir, à l'occasion de la lecture des extraits de nouvelles étrangères, le Chef déclare que les démocraties — qui croient pourtant devoir tout critiquer chez nous — se hâtent d'imiter nos perfectionnements techniques ou des choses analogues, dès qu'elles en ont connaissance. Il n'est donc pas raisonnable de renseigner les pays ennemis sur les résultats de nos expériences et les perfectionnements qui en découlent, par des communications à la presse ou des publications. Aujourd'hui, il faut garder le secret absolu sur ces sujets. Au dîner, le général Jodl met sur le tapis la question de (1) Le roi Boris de Bulgarie était un des rares hommes d'État de l'Europe du sud-est qu'appréciât Hitler, malgré son refus de participer à la guerre contre la Russie. La Bulgarie servit de contrepoids à la Turquie.

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HITLER CET INCONNU l'emploi des hommes par la Wehrmacht. Pendant la (Première) Guerre mondiale, on envoyait un pêcheur dans les unités de montagne ou un boucher dans les bureaux — pour donner quelques exemples frappants. Aujourd'hui, la Wehrmacht essaie de ne plus placer, pour des « raisons de formation », les individus dans un champ d'action militaire complètement étranger à son caractère, mais de l'employer selon ses capacités pour le plus grand bien de l'ensemble. Au-delà du cadre de la Wehrmacht, observe le Chef, l'autorité militaire doit ne pas perdre de vue les intérêts généraux de la nation et considérer le réservoir humain comme national. Lorsque, par exemple, un monsieur âgé, qui exerce une activité civile importante pour l'effort de guerre, vient se présenter à l'autorité pour demander sa mobilisation parce que, officier de réserve, il en a assez de passer la guerre dans ses foyers et d'être, de ce fait, regardé de travers, il faut faire le raisonnement suivant : si on le mobilise, il passera probablement la guerre dans les services administratifs de la Wehrmacht, qui sont inutilement gonflés par ces vieux officiers de réserve. Son activité sera perdue pour l'effort de guerre — lui, le Führer, a vu un cas semblable. Il est donc de beaucoup préférable de lui faire continuer cette activité sous l'uniforme qu'on voudra, plutôt que de l'enrôler dans les services administratifs déjà pléthoriques, La propriété privée doit absolument être protégée en tant que possession individuelle. Il est parfaitement naturel et sain que quelqu'un consacre une partie de l'argent qu'il gagne à se constituer un bien familial. Si ce bien consiste en une usine, celle-ci — si la famille est de bonne souche — sera certainement mieux dirigée, donc avec plus de profit pour la collectivité, par un membre de la famille que par un fonctionnaire. A cet égard, le Chef ne peut que souligner l'importance qui s'attache à préserver l'initiative privée. Mais, il est aussi expressément contre la propriété anonyme de l'action. Sans rien faire pour cela, l'actionnaire touche un dividende plus élevé quand les ouvriers de la société sont diligents et non paresseux, quand elle est dirigée par un ingénieur de valeur et non par un bousilleur. Si l'actionnaire est avisé, il par226


HITLER CET INCONNU ticipe, dans son anonymat, à plusieurs sociétés et réalise ainsi des gains de spéculation sans avoir à craindre de subir des pertes qu'il ne pourrait rattraper d'un autre côté. Le Chef a toujours été opposé à ces revenus tirés de la spéculation sans effort, et il les a combattus. De tels gains ne peuvent être permis qu'au peuple dans son ensemble, dont les ouvriers et les ingénieurs ne seraient pas récompensés autrement pour la part qu'ils prennent à l'accroissement des profits d'une société par actions. Les compagnies capitalistes anonymes doivent donc être entre les mains de l'Etat qui peut émettre, à l'intention de ceux qui veulent faire fructifier leurs économies, des bons officiels avec des intérêts fixés par lui qui sont payés régulièrement. On évitera ainsi ces spéculations, qui procurent un revenu sans effort — système dont vit actuellement toute l'Angleterre. D'autre part, il est nécessaire de traiter de cette façon toutes les propriétés anonymes pour maintenir, en dépit des difficultés, la valeur de la monnaie et le prix des denrées essentielles. Celui qui achète un tapis persan pour mille R.M. au lieu de huit cents, est un imbécile ! Mais on ne peut l'empêcher d'être aussi bête ! On ne peut, non plus, empêcher quelqu'un de gaspiller son argent à la loterie ou dans les jeux de hasard, puis, quand il est ruiné, de se faire sauter la cervelle. Au contraire, lorsque quelqu'un qui s'est ruiné tient absolument à s'ôter la vie, on peut se demander si l'Etat, principal profiteur de ses gaspillages, ne devrait pas prendre à sa charge les frais d'enterrement, car l'Etat profite du gagnant non seulement par l'impôt mais aussi par un prélèvement sur ses gains. Le tenancier lui paie l'impôt sur le chiffre d'affaires, etc. Finalement, il récolte plus de 50 %. Les loteries, quand on les considère avec philosophie, ont cependant du bon. On ne rend pas les gens heureux seulement avec des réalités, il faut leur laisser des illusions. La plus grande partie des gens vivent de projets irréalisables pour la plupart. La meilleure des loteries est donc celle où l'on ne sait pas tout de suite si l'on a gagné ou perdu, mais où le joueur attend pendant un an, se nourrit d'illusions pendant un an, peut forger pendant un an des projets de bonheur. L'Etat autrichien le 227


HITLER CET INCONNU savait et en a habilement tiré parti, aussi y a-t-il toujours eu des gens heureux même aux périodes les plus sombres. La loterie est certainement sortie du jeu privé — vraisemblablement au début du XVIIIe siècle — quand un malin a pensé qu'il était préférable d'assurer les gains à l'Etat plutôt qu'à des particuliers. Si cet Etat emploie l'argent ainsi acquis à des fins honnêtes, par exemple à la construction d'hôpitaux, l'affaire prend un caractère moral ; le miseur peut non seulement se bercer d'illusions jusqu'au tirage mais encore, s'il perd, se consoler en se disant qu'il a participé à une bonne œuvre. Le Chef a discuté en détail avec le Gauleiter Robert Wagner (Bade puis Alsace) le maintien des casinos de jeux à Wiesbaden ; le caractère humainement sympathique de la loterie ne se retrouve pas dans ce cas, mais, si l'on avait fermé ces casinos, les énormes profits réalisés par la station thermale auraient disparu. Les joueurs n'en auraient pas été corrigés — ils auraient continué à jouer de l'autre côté de la frontière, donc au profit des Français. Le Chef a demandé le montant des devises rapportées par les casinos. Puis il a réfléchi que par exemple cent mille R.M. en devises représentaient une somme peu importante quand on la possédait mais très, très considérable quand elle vous manquait. Il en a conclu que les joueurs des casinos — avant tout les étrangers — présentaient de la valeur dans la mesure où ils perdaient de l'argent — en particulier des devises. L'expérience a justifié le maintien de quelques casinos allemands. Ils se sont révélés constituer de véritables attrape-mouches pour les devises et ont aidé, par leurs énormes profits, comme ceux de Wiesbaden, à sauver l'économie allemande. Il va de soi que les gains de ces établissements qui résultent non d'une prestation de travail mais de l'exercice d'un monopole, doivent aboutir dans les sacs de l'Etat et non dans des poches individuelles. Le Reichsleiter Bormann ayant fait observer que le principe devrait s'appliquer à toute la production de l'énergie, le Chef répond : Exactement ! Le monopole de l'énergie appartient à l'Etat qui émet des titres de rente et permet ainsi aux gens de s'intéresser à ce monopole, donc à lui-même. Car si les choses vont mal pour cet Etat, le souscripteur peut faire une croix sur 228


HITLER CET INCONNU ses titres, il se rend compte ainsi que son sort est lié à celui de l'Etat. Même aujourd'hui, les gens sont si bêtes qu'ils ne comprennent pas cette interdépendance avec l'Etat. Ce qui vaut pour la production de l'énergie vaut également pour celle des matières premières essentielles : pétrole, charbon, fer, houille blanche, Dans ces domaines il faut élimer les compagnies capitalistes, mais il ne faut pas empêcher le particulier de détourner un ruisseau pour faire marcher son moulin. Un fait démontre bien la malhonnêteté des méthodes employées par les sociétés anonymes : Schweyer, l'ex-ministre bavarois de l'Intérieur, qui ne devait son portefeuille qu'à son insigne sottise, touchait une pension de 38 000 R.M. de la Bayerwerk en tant qu'ancien président. Le Chef a fait supprimer cette pension, malgré toutes les objections juridiques qui lui furent faites, parce que cet homme n'avait jamais rendu des services justifiant, de loin, une telle rémunération. Pour comprendre combien cela était éhonté, il suffit de se rappeler que, d'après la loi, le chancelier du Reich reçoit 34 000 R.M., donc quatre mille de moins. Déjà, dans sa jeunesse, le Chef s'est occupé du problème posé par les monopoles capitalistes. 11 apprit alors que la Compagnie autrichienne de Navigation du Danube, recevait de l'Etat une subvention de quatre millions dont elle reversait aussitôt un quart aux douze membres de son conseil d'administration. Il constata aussi que deux de ceux-ci appartenaient à un des grands partis politiques. Chacun avait empoché 80 000 couronnes pour veiller à ce que son parti votât bien la subvention. Mais les socialistes acquirent la majorité et ils n'avaient personne au conseil d'administration. Un crack en résulta. Le ministre compétent fut assez bête pour ne pas apprécier les conséquences du scandale politique, et il envoya immédiatement le directeur en prison au lieu de s'entendre avec lui ou de lui casser les reins. La Compagnie, à cause des attaques au parlement et dans la presse, renvoya tout son personnel de direction et, comme les membres, grassement payés, de son conseil d'administration s'étaient arrangés pour empêcher la construction d'une voie ferrée le long du Danube, ce fut la population qui en supporta les conséquences. L'affaire s'arrangea cependant par 229


HITLER CET INCONNU l'adjonction au conseil d'administration de deux membres supplémentaires qui furent les deux socialistes les plus importants. C'est pour avoir basé tout son système économique sur les principes du capitalisme que l'Angleterre se trouve aujourd'hui si peu solide. Lui, le Führer, a interdit, en son temps, qu'un membre de conseil d'administration puisse être simultanément député au Reichstag. Les gens qui occupent de tels postes ne peuvent plus réfléchir objectivement sur beaucoup de choses ; il a également défendu que les dirigeants du Parti aient des obligations envers des sociétés capitalistes industrielles ou économiques. De même, les serviteurs directs de l'Etat, comme les officiers ou les fonctionnaires, ne peuvent être autorisés, en bonne conscience, à faire fructifier leurs économies que par des titres d'Etat, ce qui les met à l'abri de toute influence douteuse étrangère à celui-ci. 44.

25/3/1942 LES SUJETS DE PLAINTE COÛT DU RÉARMEMENT

Hitler déjeune au Chefbunker avec le maréchal List. Au mess, l'ordonnance du Chef me remet pour que je la transmette, une note sur la baisse du moral dans la population. Hitler a écrit une annotation : « Si ce que les gens racontent était vrai, tout serait perdu depuis longtemps. Mais la véritable attitude du peuple se base sur quelque chose de plus profond, sur une assurance intime. Autrement, on ne s'expliquerait pas qu'il puisse faire tout ce qu'il fait. » Le directeur d'une école primaire de Planitz, en Saxe, a demandé à ses élèves une rédaction sur le thème : « De quoi se plaint-on ? » L'inspecteur estime que c'est inadmissible, mais le Reichsleiter (Bormann) observe avec raison. « Quand un maître, dans tout le Reich, se livre à une telle expérience, le mal n'est pas bien grand, mais il serait très mauvais que ce maître fût imité largement. Il ne faut pas parler de choses de ce genre avec les enfants ; on doit constamment leur montrer la grandeur de notre époque en s'appuyant sur des exemples qui ne manquent pas. On mesure alors combien les petites aggravations des difficultés

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HITLER CET INCONNU de la vie sont négligeables dans l'ampleur de cette lutte pour l'existence. » Il est frappant de constater que dans les propos injurieux rapportés par les enfants, le nom du Reichsmarschall (Goering) revient constamment. « Il n'y a plus rien en Allemagne, en particulier plus de savon, ni de lessive. Je voudrais bien savoir avec quoi Goering lave ses vestes blanches ! Est-ce qu'il reçoit un supplément ? Il doit pourtant les laver deux ou trois fois par semaine !» — « Depuis déjà trois jours, je fume des feuilles de tilleul. Tu peux imaginer comme c'est mauvais. Mais Goering, quand on le voit au cinéma, il a toujours un gros cigare planté dans le museau ! Ah ! ces grosses légumes !» — « Les autres, vous savez bien, les ministres, même Georing, ils ont toujours quelque chose à se mettre sous la dent. Mais ces pauvres bougres de Russes, ils crèvent la faim. Il leur faut bouffer de l'herbe. » — « Les grands ont suffisamment à manger. Hermann Goering supprimerait le Führer s'il le pouvait. Alors ils ne s'occuperaient plus de nous mais seulement d'eux-mêmes !» — « Savez-vous quand la guerre finira ? Quand la culotte de Goebbels ira à Goering ! » Et encore : « J'ai demandé un jour à une femme si elle avait des vieilleries à donner. « Si on avait pris autant de choses à l'est qu'on le prétend, il n'y aurait pas besoin de faire la collecte des vieux objets. » Et elle m'a claqué la porte au nez. » — « Mon homme m'écrit de bien vilaines choses. Il voudrait casser son flingue contre le mur. Son estomac lui pend jusqu'aux talons, tant il a peu à bouffer. Le front reçoit bien des munitions mais pas de boustifaille. » — « Une femme affirme que les prêtres vont être enrôlés. Le Führer va certainement interdire les fêtes de Noël. Ces effrontés de gosses ne mettent même plus le pied à l'église. » — « Mon grand-père dit toujours : Ah ! les pertes, les pertes ! Ils ont reçu un tas de télégrammes à la poste, mais ils ont l'ordre de n'en afficher que quelques-uns par jour ! » Ces propos, rapportés par des fils d'ouvriers ou d'employés montrent simplement — comme l'observe l'inspecteur — que les gens ont besoin de se soulager, mais cela ne signifie pas qu'ils négligent leurs devoirs. Le Reichsleiter me complimente sur la note que, sur son désir, 231


HITLER CET INCONNU j'ai rédigée au sujet des propos tenus par le Führer au dîner du 24 mars. (En conséquence d'un entretien qu'il a eu avec Hitler, il me donne les observations suivantes à transmettre :) Quartier général du Führer, 25/3/1942 Bo/Kü. La note du secrétaire d'Etat Reinhardt au sujet de la nécessité de maintenir de bas prix dans les territoires occupés à l'est, appelle les remarques suivantes : Depuis le rétablissement du service militaire obligatoire, le réarmement a englouti des sommes énormes qui restent complètement à découvert. Il y a deux solutions : — les récupérer à la longue par l'impôt sur tous les citoyens allemands ; — ou bien les compenser par des gains réalisés dans les territoires occupés à l'est. La seconde devrait s'imposer tout naturellement. Le Führer estime donc qu'il faut absolument bloquer les prix et les salaires dans les territoires occupés à l'est, et aussi, bien entendu, le niveau de vie des habitants. Les gains réalisés par la différence de prix entre ces territoires et le Reich devraient exclusivement aller à celui-ci. Le Führer souligne encore que les monopoles et par conséquent leurs profits doivent rester entre les mains des autorités du Reich. Chose incompréhensible, on a parlé de céder à Herr Reemtsma (1) le monopole du tabac dans les territoires occupés à l'est. Le Führer l'interdit formellement et il a bien souligné qu'il devait être entendu, d'avance, que ce monopole reviendrait au Reich. D'ailleurs, ce monopole sera également établi dans le Reich, comme le Führer le désire depuis longtemps. Pour les mêmes raisons, la plus grande partie des exploitations agricoles doivent demeurer, comme c'est le cas, entre les mains de l'Etat qui en recueillera uniquement les profits. Ceux-ci pourront servir à l'amortissement des dépenses de guerre. Indépen(1) Directeur de la plus grande maison de tabac en Allemagne.

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HITLER CET INCONNU damment de cela, l'augmentation nécessaire de la production agricole ne s'effectuera que dans les grandes exploitations. Signé : Bormann. 45.

Soir. L'ART CHORÉGRAPHIQUE

Le Chef dit avoir vu, dans l'après-midi, les plus extravagantes photographies qu'il ait jamais eues entre les mains. Il s'agit de celles d'une girl qui est chargée d'apprendre les belles manières aux officiers de réserve de l'armée américaine. Une exagération du culte de la girl à s'en prendre la tête à deux mains ! Mais, aux Etats-Unis, on devient plus facilement colonel que chez nous lieutenant et la promotion aux grades élevés n'est souvent qu'une transaction d'hommes d'affaires. Le Chef en vient à parler de la danse ; il faut accorder aux Américains, dit-il, le mérite d'avoir présenté des danseuses d'une véritable valeur, comme nous n'avons pu encore en produire aucune ! I1 pense, en particulier, à Myriam Verne dont l'art gracieux, élégant, est un ravissement esthétique sans pareil. 11 est grand dommage qu'on n'ait pu obtenir pour elle l'autorisation de sortir des Etats-Unis. Elle avait dansé non seulement au Metropoltheater de Berlin mais aussi lors du gala donné à la Chancellerie. La danseuse, qui a appris très vite l'allemand, a parlé favorablement de lui — même après le début de la guerre — aux Etats-Unis et en France. De même, Marion Daniels qui a paru à la Scala, puis au Gärtnerplatztheater de Munich, dans la Veuve joyeuse, est une grande artiste, quoique, personnellement, il préfère de beaucoup la danse gracieuse à la danse acrobatique qu'on ne peut considérer comme esthétique mais seulement comme digne d'admiration. Le fait que cette artiste se soit bornée à lui demander un autographe quand il est allé la complimenter, lui a fait un très grand plaisir. Quel entraînement extraordinaire réclament de telles danses ! Un entraînement qui va jusqu'à la limite des possibilités humaines, jusqu'à l'extrême résistance du corps. 233


HITLER CET INCONNU Il en est ainsi de tous les arts acrobatiques, en particulier de celui du funambule. Le Chef a fait interdire les spectacles trop angoissants, car il est inutile, en temps de guerre, de soumettre les nerfs de la population à l'épreuve qu'ils comportent. Mais il s'irrite encore en pensant à la façon dont étaient rétribués les acrobates, au temps du Système, par exemple les fantastiques Tillergirls — qui attiraient tout le monde au cabaret — alors que de sales conférenciers juifs empochaient jusqu'à 3 000 R.M. par soirée pour débiter leurs sottises ! Combien de fois, à Munich, il a fait disperser les représentations où de pareils benêts se permettaient d'insulter la Croix gammée ou d'autres symboles nationaux. Dommage que ce ne fût pas possible à Berlin, car la direction des théâtres ne louaient aux S.A. que trois cents places au maximum sur trois mille, et encore en les répartissant de manière qu'ils pussent être immédiatement agrippés par les verts (policiers), s'ils se mettaient à siffler. La danse est, avec la musique, le plus ancien moyen d'expression culturelle d'un peuple, mais des trémoussements de farceurs n'ont rien à voir avec elle. Les danseuses doivent être en premier lieu sensibles, musiciennes, mais pas intellectuelles. Cela explique que ce sont deux Berlinoises — les sœurs Höpner — qui dansent le plus superbement les valses viennoises, y prenant des poses comme on n'en voit pas de plus belles sur les vases grecs. Cependant, en dehors de leurs valses, leur apparition au gala de la Chancellerie ne fut qu'une parodie à côté de la performance de Myriam Verne, parce qu'elles n'avaient pas soumis leur programme à l'approbation préalable. En conséquence de quoi, il avait décidé ne plus jamais rien montrer à ses invités sans l'avoir vu à l'avance, et il ne l'avait jamais regretté. On avait voulu le persuader, pour ne pas faire affront à Goering, de ne produire, lors d'une de ses représentations, que le ballet de l'Opéra de Charlottenburg, formé par le maître Kölling selon les principes de la danse grecque classique, et de renoncer à celui de l'Opéra de Berlin. Il avait, Dieu merci, vu d'abord une répétition et pu constater qu'il s'agissait de philosophes dansants — conduits par une femme hautement intellectualisée. Il avait été encore plus déçu par la performance de la Palucca où il ne s'agissait plus d'une danse au sens esthétique du mot 234


HITLER CET INCONNU mais d'une véritable gigue avec des dislocations du corps. Il s'était laissé rouler par Goebbels qui lui avait conseillé de se rendre à cette répétition avec une vivacité soulignée par de grands gestes. Myriam Werne qui dansait comme si elle planait et paraissait à peine effleurer le sol des pieds, avait en revanche démontré que la danse était bien un art et que pour pratiquer un art il faut avoir avant tout du talent. Hitler se lève en observant qu'il doit retourner à sa tâche. Finalement, il est de ces hommes que leur travail absorbe le plus complètement. 46.

26/3/1942. FRANCE-ALLEMAGNE L'ATTENTAT DE LA BRASSERIE MUNICHOISE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS LA COUR INTERNATIONALE DE LA HAYE

Le Chef en vient à parler, au dîner, des rapports franco-allemands. Il s'étonne que les Français, au procès de Riom (1), n'aient pas posé à ceux qui les ont poussés à la guerre une question évidente : « Pourquoi avez-vous déclenché cette guerre en dépit des assurances de paix et des offres sincères du Führer allemand, qui a respecté même les points sur les i ? » Et aussi de ce que, par un renversement complet des responsabilités, ils ont reproché aux accusés de ne pas avoir suffisamment préparé la guerre, ce qui place le vieux maréchal Pétain dans une situation extrêmement fausse vis-à-vis de l'Allemagne. Il demande où en est le procès de Grünspan, le Juif qui assassina le conseiller d'ambassade von Rath, à Paris, procès qui, dit-il, « devrait être fort intéressant ». (1) Au procès de Riom (19-2 au 4-4-42) il s'agissait d'établir les responsabilités dans l'insuffisance de fa préparation à la guerre et dans les fautes de commandement qui avaient conduit à la défaite de 1940. Le procès fut interrompu parce qu'il portait atteinte au prestige du gouvernement de Vichy et que Hitler le désapprouvait manifestement. Une crise en résulta qui se termina par un nouveau ministère de Pierre Laval, le 18-4-42.

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HITLER CET INCONNU Le Chef parle de l'attentat commis à la Bürgerbräukeller (1), à Munich. L'homme arrêté, dit-il, est très retors. Il a dit uniquement ce qu'on savait déjà d'autre part. Cependant Otto Strasser, cela a été établi, se trouvait alors en Suisse et avait déclaré, dans une interview, que Hitler et Ribbentrop allaient être liquidés. De même le Premier ministre hollandais et Herr Eden (ministre anglais des Affaires étrangères) étaient au courant — cela ressort des documents qui lui ont été soumis. Le Chef parle ensuite de la Société des Nations. Cette institution fut le plus grand attrape-nigaud qu'on ait jamais présenté au peuple allemand dans toute son histoire. L'Allemagne lui a versé des millions alors que tes petits pays qui votaient toujours contre elle, s'abstenaient de payer leur quote-part. Les fonctionnaires mis à la disposition de la Société des Nations étaient payés par elle, aussi, comme les princes de l'Alliance rhénane depuis une centaine d'années, les princes indiens entretenus par l'Angleterre, ils faisaient passer leurs devoirs envers leur pays après ceux envers l'institution. Genève devint un lieu où le printemps et l'été ne se différenciaient plus de l'automne et de l'hiver, où tout le monde, en conséquence, se trouvait très bien et gagné par l'atmosphère. A l'époque, le Chef avait envoyé comme observateur un écrivain appartenant aux S.A. et d'opinion très radicale. Malheureusement, cet écrivain s'était révélé ne pas être un penseur. Quand lui, le Führer, avait décidé que l'Allemagne quitterait la Société des Nations, cet écrivain était venu le trouver pour essayer, en invoquant toutes les raisons possibles, de l'y faire rester. La Cour internationale de La Haye était un autre attrapenigaud. Un procès, dans lequel l'Allemagne avait indiscutablement raison, fut traîné indéfiniment en longueur. (1) L'attentat eut lieu de 8-11-1939. Son auteur, le menuisier Georg Elser, qui semble avoir agi seul, fut arrêté comme il essayait de franchir la Frontière suisse près de Constance. Hitler pensa qu'il s'agissait d'une action du « Front noir », d'Otto Strasser. Rien n'a jamais confirmé ce soupçon. Il n'y eut pas de procès. Elser fut enfermé dans un camp de concentration et tué peu avant la fin de la guerre, ce qui fit penser que l'attentat avait été monté par le S.D.

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HITLER CET INCONNU 47.

27/3/1942 (midi). LES FEMMES DANS LA POLITIQUE FORMATION DES PEINTRES

Au déjeuner, le Chef parle de l'immixtion des femmes dans la politique. De nombreux exemples historiques prouvent, soulignet-il, que la femme — même la plus intelligente — est incapable de séparer, en politique, ce qui relève de la raison et ce qui relève du sentiment. Elle est particulièrement dangereuse quand elle donne libre cours à sa haine. Les Japonais, lui a-t-on dit, auraient, après l'occupation de la province de Shanghai, offert au gouvernement de Tchang Kaï-chek, de retirer leurs troupes du territoire chinois, si la Chine acceptait : a) le maintien d'une garnison militaire dans la concession internationale de Shanghai ; b) la signature d'accords commerciaux favorables. Tous les généraux avaient conseillé à Tchang Kaï-chek d'accepter. Mais Mme Tchang Kaï-chek, poussée par sa haine implacable contre les Japonais, leur parla et retourna la plupart d'entre eux, de sorte que l'offre vraiment généreuse des Japonais fut finalement repoussée. Le Chef signale aussi l'influence exercée par la danseuse Lola Montés sur Louis I e r de Bavière qui était pourtant, de nature, un souverain très raisonnable et compréhensif. Mais elle n'avait eu de cesse avant de le faire dérailler. Le Chef dit que, ces derniers jours, il a de nouveau étudié des collections de Die Kunst. En 1910, notre production artistique demeurait à un niveau vraiment extraordinaire mais, malheureusement, elle n'avait plus cessé de dégénérer. En peinture, on n'avait plus présenté au peuple allemand que d'affreux barbouillages depuis 1922. La rapidité de la dégénérescence de l'art à l'époque du Système prouve bien la nocivité de l'influence des Juifs dans ce domaine. Et cette influence s'exerça d'une façon incroyablement impudente. Par des critiques mutuelles, ils suggérèrent au peuple, qui croit tout ce qu'il voit imprimé noir sur blanc, une conception qui présentait les plus abominables croûtes comme le fin du fin artistique. 237


HITLER CET INCONNU Même la prétendue élite qui, d'habitude, croit pouvoir se fier à son jugement, se laissa embobiner et avala tout ce qu'on lui présenta. Le comble fut que les Juifs — comme la confiscation de leurs biens le révèle maintenant — employèrent l'argent acquis par la vente de ces croûtes à se procurer d'excellents et précieux tableaux. Tous les rapports sur les confiscations opérées dans les riches demeures juives, signalent les trésors artistiques qui y étaient exposés ou accrochés aux murs. Il faut se féliciter de ce que, en parvenant au pouvoir en 1933, le national-socialisme ait fait disparaître, une fois pour toutes, cette camelote. En visitant les expositions, le Chef a toujours fait enlever radicalement tout ce qui n'avait pas de véritable valeur artistique. On lui accordera que, aujourd'hui, quand on visite la maison de l'Art allemand (1), on n'y trouve plus un seul tableau devant lequel on n'éprouve pas le sentiment qu'il émane d'une inspiration pure et qu'il peut y être exposé en toute conscience. Il en a même fait disparaître des œuvres couronnées par l'Académie prussienne quand elles ne valaient rien. Il est vraiment regrettable que l'Académie prussienne des beaux-arts ne soit pas à la hauteur de sa tâche. Le fait que ses professeurs et ses maîtres s'encensent mutuellement, n'améliore pas les choses. Le ministre de la Culture (Rust), qui se comporte devant l'art comme un hippopotame, s'y laisse prendre et accorde des récompenses à des croûtes. Il se laisse endormir, exactement comme le peuple allemand par les Juifs quand ils dominaient dans ce domaine. Cette camelote, dit-on, est difficile à comprendre, pour y parvenir il faut en être bien pénétré, etc. Déjà, en 1905-1906, quand le Chef alla à l'Académie de Vienne, il vit des barbouillages qu'on présentait, avec le même délire verbal, comme des « recherches ». Il n'est pas du tout l'ami des académies, car les professeurs qui y enseignent sont soit des artistes qui n'ont pu s'imposer dans le combat de la vie, soit des maîtres de grand talent qui ne peuvent y consacrer que deux heures tout au plus de leur journée

(1) Construite à Munich (13-4-35) sur un projet du professeur Troost et sous l'influence de Hitler.

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HITLER CET INCONNU ou qui considèrent cette activité comme une occupation de leur vieillesse. Les véritables artistes ne se forment qu'en apprenant les uns des autres ou bien — comme ce fut le cas pour les grands maîtres — en travaillant dans un atelier. Des peintres comme Rembrandt, Rubens, etc., durent recourir à des aides parce qu'ils ne pouvaient suffire aux commandes. Parmi ces aides ne restèrent comme élèves pouvant être employés à long terme que ceux qui faisaient preuve de réelles capacités techniques et prouvaient leur talent en participant à de grandes œuvres. Ceux qui ne voulaient rien faire se trouvaient vite évincés. Dire — comme on l'affirme faussement dans les académies — que le génie ne doit rien qu'à soi-même est une absurdité. Même un génie doit apprendre et travailler pour pouvoir produire par la suite. Sans une parfaite connaissance du mélange des couleurs, de l'apprêt, et sans une étude soigneuse du dessin anatomique, on n'aboutit à rien. Combien de dizaines de croquis un artiste aussi doué que Menzel dut-il faire avant de peindre son « Concert de flûtes à Sans-Souci » ! Il faut, nous aussi, en venir à ce que les futurs artistes reçoivent leur première formation dans des ateliers de grands maîtres et s'instruisent ainsi dans une tradition comme celle qui se rattache aux noms de Rembrandt, de Rubens, etc. Dans les tableaux de ceux-ci, il est très difficile, pour cette raison, de distinguer ce qui est du maître lui-même et ce qui est de ses élèves, parce que ceux-ci, en les peignant, sont aussi devenus des maîtres. Les œuvres extraordinaires de nos dessinateurs qui furent pratiquement tous formés dans des ateliers, constituent une autre preuve convaincante de la valeur de cette formation. Ce fut vraiment un malheur que l'Etat ait un jour mis la main sur l'enseignement artistique et que le nombre des académies existant aujourd'hui ait été réduit à deux (Düsseldorf et Munich) ou à trois (Düsseldorf, Munich et Vienne). Il compte laisser subsister ces académies, mais il souligne bien que, à son avis, la formation dans des ateliers de grands peintres est bien supérieure. Lorsque, après la guerre, il pourra réaliser son programme de constructions — et il a l'intention d'y affecter des milliards — il ne fera appel qu'à des hommes de talent sûr et écartera tous les 239


HITLER CET INCONNU autres même s'ils lui sont cent fois recommandés par des académies. 48.

Après-midi.

COLLABORATION DE HITLER AVEC LA PRUSSE. LE VOL DE RUDOLF HESS EN ANGLETERRE. LE CERVEAU MILITAIRE DU QUARTIER GÉNÉRAL

Dans l'après-midi, je vais voir le Hauptbannführer Lorenz, représentant du Reichspressechef et rédacteur en chef à l'agence de renseignements allemande, qui s'occupe des communications par téléscripteurs et ondes courtes. Nous causons de son activité. II remet au Chef les messages qui arrivent chaque jour (trente à quarante). Ceux qui ont Je plus ému Hitler furent ceux relatifs au « sabordage du (cuirassé Graf) Spee » (13/12/1939), à la « destruction du cuirassé Bismarck » (27/5/1941) et au « vo! de Hess » (10/5/1941). Hitler apprit le vol de (son adjoint) Hess (vers l'Ecosse) alors qu'il causait avec Goering et Ribbentrop au coin de l'âtre, Lorenz ayant demandé à être reçu pour une communication très importante, Il dicta à Lorenz un premier communiqué, puis, — après avoir été mis au courant, vers midi, de la première annonce anglaise — il rédigea, en conférence avec Goering, Bormann et Ribbentrop, le communiqué détaillé du lundi qui expliquait le départ de Hess pour l'Angleterre par une maladie chronique qui avait fini par affecter son cerveau. Lorenz n'a pu me dire ce qui s'était réellement passé, car, en de tels moments, le visage de Hitler devient un masque absolument impénétrable. Les Russes ont attribué le vol de Hess au « rêve d'une alliance angloallemande », constamment caressé par le Führer, Il me paraît significatif que Hitler ait repoussé toutes les suggestions d'agir contre la famille de Hess et aussi qu'il ait laissé remettre à Mme Hess la lettre envoyée d'Angleterre par son mari. (Cette lettre fut signalée par Mme Hess elle-même. Bormann reprocha très vivement à la censure de ne pas l'avoir découverte dans le courrier.) J'ai vu cette lettre, l'intéressant me paraît être que, dans l'abondance des détails qu'elle donne, on ne décèle absolument aucune trace de dérangement cérébral. Le Führer refusa de 240


HITLER CET INCONNU faire arrêter les complices du vol malgré toutes les insistances de Bormann. Lorenz transmet aussi les instructions données par Hitler à la presse (qui, actuellement, concernent surtout l'Inde et les trafics anglo-américains). L'article publié par Goebbels dans Das Reich lui fut soumis par Bormann pour approbation préalable. Lorenz me parle avec éloge de Keitel qui se lève tous les matins à huit heures, se met au travail à neuf quoiqu'il soit sexagénaire, ne se couche ordinairement pas avant minuit et qui, depuis la prise du commandement de l'Armée par le Führer doit encore s'occuper de l'administration de celle-ci. Le chef de l'état-major général est le général Haider ; c'est lui qui a préparé les plans pour la campagne de Russie d'après les ordres du Chef. Le généra! Jodl assume la direction de l'ensemble des opérations, y compris celles d'Afrique et des Balkans ; il est extrêmement souple pour un quinquagénaire et il jouit, avec Keitel, de la confiance particulière du Führer. On le considère comme le « cerveau ». 49.

Soir. LES PLAISANTERIES A TABLE LIMITES DE LA SCIENCE CONSERVATEURS ET TRAVAILLISTES EN ANGLETERRE

Je recommence à dîner avec le Chef. Il connaît si bien ses convives qu'il a regardé de haut, à midi, l'adjoint au directeur du Front du Travail, parce que celui-ci ne s'était pas présenté à lui au préalable. Le Führer rit beaucoup de deux ou trois plaisanteries de Hoffmann (le photographe), du genre : « Savez-vous pourquoi le cygne a un cou si long ? Pour qu'il ne se noie pas ! » Il rit de si bon cœur à de telles plaisanteries, quoiqu'il déteste les histoires graveleuses à sous-entendu, qu'il se cache les yeux de la main. Il prend du bon côté ma réplique au général Jodl ; celui-ci m'ayant demandé — à cause de mon uniforme — « jusqu'à quel âge on pouvait appartenir à la Jeunesse hitlérienne ? », je ripostai en lui demandant « s'il nourrissait des ambitions et désirait se faire pistonner dans la Jeunesse hitlérienne ? ». De même, comme on racontait qu'un militaire russe prisonnier, qui 241


HITLER CET INCONNU conduisait loyalement, depuis un an, un camion de ravitaillement immédiatement en arrière de notre front, avait révélé qu'il était général et réclamé de l'avancement, Hitler — se joignant à l'hilarité générale — décida : « Qu'on lui confie toute une colonne de camions î » Un cas de maladie ayant été cité, Hitler se met à parler du cancer (1). Le radium est devenu complètement inutile pour son traitement à cause d'une remarquable invention qui emploie une sorte de rayon X ; une application de dix à quinze minutes sur le foyer du mal suffit. D'autre part, les victimes sont surtout les gens qui travaillent dans la fumée : les goudronneurs, les fumeurs (même sans nicotine). On ne sait malheureusement pas si le cancer résulte du hasard ou s'il faut l'attribuer à des causes bien déterminées. Il doit s'agir d'un empoisonnement continu de l'organisme, qui ne provient pas d'une infection extérieure ou d'une infection transmise par le système respiratoire, mais par une mauvaise alimentation. L'homme est assez bête pour croire qu'il faut se nourrir avant tout d'aliments cuits, c'est-à-dire dépouillés de leur valeur chimique, quoique la différence des effets produits par le riz décortiqué et par le riz non décortiqué devrait lui donner à réfléchir. Il en va ainsi de notre science : on ne sait rien de précis sur l'origine d'une misérable fistule, on n'étudie pas la maladie la plus simple et la plus répandue, mais on connaît dans tous ses détails la magnificence de l'au-delà, avec son ciel, son enfer et toutes ces sottises. A l'occasion de quelques nouvelles sur la situation dans l'Empire britannique et particulièrement en Angleterre, Hitler se met à parler des rapports du ministre Cripps (2) avec le Premier ministre Churchill. Il est indéniable qu'en Cripps l'Angleterre possède un deuxième grand homme d'Etat qui ne peut être négligé et dont l'influence s'exerce largement. Les syndicats anglais ont récemment proposé un programme de (1) La question intéressait Hitler qui crut, un temps, avoir un cancer du larynx. L'opération effectuée sur les cordes vocales révéla qu'il s'agissait d'un polype inoffensif. (2) Sir Stafford Cripps, dirigeant du parti travailliste, ambassadeur à Moscou depuis juin 1940, entra comme Lord du Sceau dans le cabinet de Churchill le 20-2-1942, Hitler s'exagère ici beaucoup son rôle.

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HITLER CET INCONNU socialisation de la propriété foncière et immobilière, des établissements industriels et des moyens de transport ; c'est un grave avertissement au sujet de la situation intérieure du pays. Il n'est cependant pas à supposer qu'un tel programme puisse se réaliser dans l'Angleterre d'aujourd'hui et de demain, ni qu'un Anglais raisonnable y pense sérieusement, surtout après l'expérience faite dans ce domaine par les Russes depuis plus d'une décennie. Sans doute faut-il y voir le signal d'une crise provoquée par une mauvaise économie, un manque d'organisation du secteur civil, les défaites militaires et la famine dont souffrent les citoyens. Le fait que même un parent du roi aurait été arrêté (?) est intéressant. Mais il ne faut pas donner trop d'importance à de tels signes de crise, car même si le roi n'exerce aucune influence sur la conduite de la politique britannique, il n'en constitue pas moins un facteur politique important tant qu'il existe une armée britannique. Cette armée est monarchiste et se recrute dans la classe des conservateurs qui, même aujourd'hui, ne manifeste aucune disposition à faire des concessions vers le bas. Un simple coup d'œil sur les illustrés anglais qui contiennent énormément de photographies du monde aristocratique suffit pour montrer que plus des deux tiers des personnalités représentées portent l'uniforme. Les Anglais des classes dirigeantes, particulièrement de l'aristocratie, qui constituent le parti conservateur, ne sont en rien comparables à notre vieille bourgeoisie qui formait, avant 1933, le Deutsch-national Volkspartei et le Deutsch Volkspartei. Ce sont plus exactement des représentants de l'Empire britannique, avec une tradition et une forme de société bien arrêtées qui ne sont nullement prêts à capituler devant le peuple comme les dirigeants de la société française (1789). Bien au contraire ! Grâce à une organisation géante, ils essayent d'inculquer leurs idées au peuple et de lui communiquer l'esprit de la saine Angleterre qui produit tant de marins et d'aviateurs héroïques. Si le parti travailliste, après que Cripps (homme de confiance de Staline) a rendu populaires les tendances socialistes en Angleterre, essaye de l'emporter sur les conservateurs, il lui fau243


HITLER CET INCONNU dra, pour réussir, trouver d'abord un Cromwell, car les conservateurs ne lâcheront certainement pas sans combat. Lui, le Chef, trouve beaucoup moins sympathique une Angleterre qui vire au rouge qu'une Angleterre conservatrice, car, dans l'espace européen, une Angleterre « socialiste », peut-être avec une teinte soviétique, constituerait un foyer d'incendie, où la misère amènerait une telle situation que trente millions d'Anglais paraîtraient « trop nombreux » pour l'île. Le Chef espère donc que la mission confiée à Cripps dans l'Inde, la mission la plus difficile qu'un Anglais puisse recevoir aujourd'hui, échouera. La guerre civile ne sera évitée en Angleterre que si une propagande de longue haleine ne parvient pas à mobiliser les masses en faveur du programme des syndicats. S'il avait à choisir entre Cripps et Churchill, il préférerait encore cent fois celui-ci quoique ce soit un pourceau sans caractère, saoul pendant le tiers de la journée, car un homme comme Churchill qui s'use à cause de l'âge, du tabac et de l'alcool, est beaucoup moins à craindre qu'un intellectuel bolcheviste de salon tel que Cripps. Dans un moment de lucidité, Churchill comprendra peut-être que si la guerre dure encore deux ou trois ans, c'est la fin inéluctable de l'empire. Cripps, démagogue hâbleur et déraciné, ne comprendra jamais qu'il est temps de s'arrêter parce que l'empire craque dans toutes ses coutures. De même qu'il ne fait aucun effort pour se gagner le peuple anglais — organisé dans le parti travailliste et plongeant jusqu'aux plus profondes couches humaines — il gardera intérieurement une position fausse envers tous les problèmes politiques. Pour bien juger Cripps et les dangers qu'il représente, il faut se rappeler que les tories ont toujours été les porteurs de l'idée impériale et que le programme social hypocrite d'un Cripps créerait des difficultés inouïes entre les îles Britanniques, les Canadiens catholiques, les Australiens et les Sud-Africains. Il faut donc souhaiter de tout cœur que Cripps échoue aux Indes. Pour sa part, lui, le Chef, doute qu'il trouve un écho suffisant parmi les Indiens. Car l'apparition des Japonais aux frontières de l'Inde, la chute de Singapour, etc., ont tellement secoué les Indiens qu'ils suivent désormais non plus des accepteurs de 244


HITLER CET INCONNU compromis comme Nehru mais des chefs comme Bose (1). Si Cripps essayait de susciter, par le chantage ou la prière, une résistance aux Japonais, Nehru malgré ses dispositions conciliantes, ne lui serait d'aucun secours. Il en serait de celui-ci comme de nos socialistes de 19i 8 qui furent entraînés par les masses dans une direction déterminée, quoi qu'ils en eussent. Ebert, par exemple, se rendit à la manifestation du parc de Treptow pour parler contre la grève des munitions. Mais, rien que pour pouvoir se faire écouter de la foule, il dut lui dire des choses agréables à ses oreilles et, poussé par les applaudissements, il prononça un discours d'une heure et demie en faveur de la grève. Tout orateur politique court le même danger dans une telle atmosphère. Lui-même avait pu constater à Weimar, en 1926, quelle habileté, quelle patience, quel grand art, il fallait pour diriger dans la direction souhaitée une foule qui s'attend à entendre le contraire de ce qu'on a à lui dire. En ce qui concerne la masse indienne, il est certain qu'elle veut se séparer de l'Angleterre. 50.

28/311942 LE FLAIR DE HITLER (SAINT-NAZAIRE) POLÉMIQUE AVEC LES U. S. A.

Ce que le Führer déclare à table est si souvent d'une telle hauteur de pensée et d'un tel style, qu'on pourrait s'en servir directement comme d'un document. On constate constamment qu'il a décortiqué tous les problèmes qui se sont posés à lui et qu'il est arrivé, par la réflexion, à des solutions claires et nettes. L'énigme que constitue ce charme s'expliaue essentiellement par le fait que, méditant constamment sur les sujets politiques et militaires, il a déjà examiné sous tous ses angles celui qu'évoque un interlocuteur. On ne peut s'étonner qu'il ait ainsi acquis un véritable flair. Avant-hier, à midi, sous l'effet d'une intuition, il a ordonné de (1) Subhas Chandra Bose, chef nationaliste indien. Hitler le reçut le 29 mai 1942.

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HITLER CET INCONNU renforcer ia défense d'une de nos bases de sous-marins sur la côte de l'Atlantique que les Anglais ont attaquée hier, à deux heures du matin. Ils y ont perdu un destroyer, quatre torpilleurs, neuf vedettes, etc. (Les journaux publient aujourd'hui les indications que Hitler avait dictées hier, à table, à Lorenz !) « Il a été constaté, ces derniers temps, que dans la polémique engagée avec les Etats-Unis, on emploie fréquemment des arguments impropres. Ce que nous reprochons en premier lieu à ce pays, c'est son manque total de culture. Par exemple, l'adulation écœurante dont la star fait l'objet prouve l'absence générale d'idéaux vraiment élevés. La recherche effrénée du sensationnel, qui ne recule pas devant de répugnants combats de boxe entre femmes, des luttes dans la saleté et la boue, la présentation d'avortons en public, l'exhibition des parents de criminels particulièrement méprisables, etc., constitue une preuve patente du manque de culture de ce pays. « Devant de tels faits, nous dénions à M. Roosevelt le droit de se poser en juge de l'Allemagne. « Cet argument doit être au premier plan dans notre règlement de comptes avec cet hypocrite. En revanche, il est complètement erroné de se moquer de la recherche des perfectionnements techniques à laquelle se consacrent les Etats-Unis. Mais le fait décisif est que c'est ici, dans le Reich, que cette recherche est la plus poussée et obtient ses plus grands succès. « L'Allemagne possède les plus belles autoroutes du monde ; c'est elle qui construit les automobiles les plus rapides, comme l'ont abondamment démontré les résultats des grandes compétitions internationales. « Les chercheurs et inventeurs allemands ont trouvé de nouvelles matières premières dont on se moquait justement aux Etats-Unis. Aujourd'hui, elles nous rendent autonomes, alors que ceux-ci, après avoir perdu leurs possessions et leurs bases économiques d'Extrême-Orient, constatent l'insécurité de leur système économique. Pour ces raisons, nous avons le droit de les prier énergiquement de s'abstenir de prendre des airs de tuteur en parlant de nous et de l'Europe. Les Etats-Unis n'ont pas prouvé qu'ils avaient quelque chose à apporter au monde, ni 246


HITLER CET INCONNU dans le domaine du progrès ni dans celui de la direction spirituelle du peuple américain. » 51. A cause des grandes conférences militaires, il y a eu tant de convives à la table du Chef que j'ai dû prendre mes repas dans la pièce adjacente — salle 2. Soir. LES SOUVENIRS DE HOLLANDE, DE BELGIQUE, DU DANEMARK ET DE SUÈDE CENSURE DES ACTUALITÉS CINÉMATOGRAPHIQUES

Après le dîner, le Chef se déclare content que la reine de Hollande Wilhelmine se soit enfuie, et ne soit pas restée comme le roi des Belges, Léopold, dont la présence constitue un élément dont il faut tenir compte. Ce que les Japonais méditent de faire des colonies hollandaises nous est donc à peu près égal. Du moins, elle (la reine Wilhelmine) ne gêne pas la réunion du monde germanique autant que les rois du Danemark et de Suède qui se soignent si bien qu'ils deviennent très vieux et embarrassent tout le monde. En ce qui concerne le Danemark, il faudra, tôt ou tard, chercher une solution dans la personne de Clausen (1), d'autant plus que le soutien apporté à Mussert, en Hollande, et à Quisling, en Norvège, s'est révélé très profitable. Le Chef va ensuite exercer la censure des actualités cinématographiques. (Elles sont projetées dans le réfectoire du Casinobunker. Les séquences proviennent du front, de l'intérieur et du monde. Elles restent muettes. Un officier d'ordonnance lit le commentaire prévu de sorte que Hitler peut y apporter des modifications pour le rendre compréhensible à tous les auditeurs.) Ce soir, les photographies relatives aux sous-marins lui plaisent particulièrement ; il ne faut pas dire, précise-t-il, qu'il en est (1) Chef des nationaux-socialistes danois.

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HITLER CET INCONNU lancé plusieurs par semaine, mais qu'ils descendent de façon ininterrompue des cales de construction. 52.

29/3/1942

(Hitler commence sa journée en prenant connaissance des bombardements de la nuit, qui lui sont signalés séparément par la Wehrmacht, la police et le Parti). Les Anglais ont bombardé Lübeck dans la nuit du 28, et détruit quatre églises, la salle d'armes de l'hôtel de ville, de vieilles maisons patriciennes, quatre-vingts pour cent de la vieille ville, deux ou trois musées avec la plus grande partie des trésors artistiques, dont des livres précieux, et dévasté par le feu une cinquantaine de rues. Le Führer est très ému, d'autant plus que les six mille bombes incendiaires, deux cent cinquante bombes explosives et deux mines aériennes ont tué deux cents personnes et en ont grièvement blessé autant. La D.C.A. ne suffisait manifestement pas pour une attaque de cette ampleur (1). 53.

Soir. LES JURISTES •— LA HANSE

Au dîner, le Chef parle de la procédure judiciaire. Au début, déclare-t-il, il prit son polype (de la gorge) plus au sérieux qu'il ne le méritait. Comme il craignait un cancer, il décida de rédiger un testament, de sa main, sur papier timbré. Cela lui demanda un effort particulier, car, comme on le sait, il est habitué depuis des années à dicter ses idées à une dactylographe ou sténographe. Quand ce fut fait, il eut connaissance d'un arrêt de la Cour de cassation déclarant nul le testament d'une vieille dame parce que le lieu de rédaction était imprimé au préalable et non manuscrit. 11 se posa alors une question : si le testament du Chancelier (I) Il s'agissait du premier des « bombardements de terreur » (aera bombing) qui furent ordonnés par le cabinet de guerre britannique à l'Airmarschal Harris, devenu chef du « Bomber Command » le 23-2-1942. L'attaque de Lübcck fut effectuée par 234 bombardiers.


HITLER CET INCONNU du Reich pouvait être considéré comme ne répondant pas aux conditions légales restait-on vraiment dans le domaine du Droit ? C'était là, conclut-t-il, une chinoiserie qu'il fallait absolument faire disparaître. En conséquence, il convoqua le ministre de la Justice, Gürtner, pour lui exposer le cas. Par la suite, une loi abolit cette absurdité. Une autre constatation le frappa : des particuliers de plus en plus nombreux lui faisaient des legs qu'il refusait toujours, sauf un seul qu'il fit transférer au service social du Parti, mais, dans l'acte de renonciation, sa signature dut être obligatoirement confirmée par celle d'un avocat. Donc, juridiquement, la signature d'un avocat avait plus de crédit que celle du Chancelier, accompagnée du sceau du Reich. Aucun homme sensé ne peut le comprendre, pas plus que toute la jurisprudence élaborée par les juristes en grande partie sous l'influence de Juifs. Finalement, tout le Droit de notre époque ne vise qu'à déplacer la responsabilité. Le Chef fera donc tout son possible pour déconsidérer l'étude du Droit, de ce Droit-là, car elle ne peut former des hommes aux nécessités de la vie et aptes à garantir à l'Etat le maintien de son ordre naturel. Elle ne peut conduire qu'à la disparition du sentiment de responsabilité. Il ne conservera dans l'administration judiciaire qu'une véritable élite de juges. Toute cette sottise des jurys sera supprimée. Il veut pousser un verrou pour qu'un juge ne puisse se dégager de la responsabilité d'une sentence prononcée par lui, en disant qu'elle a reçu l'assentiment des jurés. Il veut seulement des magistrats de grande classe qui, naturellement, seront bien rémunérés. Ils devront être profondément convaincus que le but du Droit doit être non pas de défendre le particulier contre l'Etat, mais d'assurer que l'Allemagne ne s'écroule pas. Gürtner n'est pas parvenu à former ce genre de magistrats. Luimême a eu beaucoup de peine à s'affranchir des conceptions juridiques et il n'est arrivé que graduellement à d'autres plus raisonnables, lorsque sous l'effet de menaces, d'une part, du ridicule, de l'autre, il a été forcé de prendre des décisions conformes aux nécessités de la vie pratique. Qu'il ait pris Gürtner comme ministre de la Justice, parce que 249


HITLER CET INCONNU celui-ci s'était montré particulièrement compréhensif à son égard est absolument faux (1) Il lui a fallu, au contraire, la plus grande objectivité, une objectivité éclairée, pour nommer à ce poste l'homme qui l'avait fait arrêter antérieurement. Mais en épluchant la liste des candidats éventuels, il n'en avait pas trouvé de meilleur. Car Freissler (2) était un bolchevik dans son genre et l'autre (Sclegelberger) (3) était ce qu'il semblait être, il suffisait de le voir une seule fois. Le Chef a fait de très bonne heure l'expérience des juristes. En 1920, lors de sa première grande réunion publique à Munich, le conseiller à la cour Wagner s'offrit comme orateur. Cette proposition l'enchanta, car il avait toujours considéré qu'un col raide donnait accès à la classe cultivée, et il pensa que cet homme pourrait attirer d'autres juristes. Cependant, à cause de sa prudence innée, il résolut de le faire parler tout d'abord devant la vingtaine de membres du Parti, à la Sternecker Bräu. Ils entendirent alors ce magistrat, la tête branlante, les mains tremblantes, exposer une nouvelle structure de l'Etat où la parenté s'installait sur la famille, la lignée sur la parenté avec, tout en haut, la mère de cette lignée. Par la suite, il se montra toujours particulièrement prudent avec les juristes, et ne fit que trois exceptions : von der Pforten (4), Polmer (5) et Frick (6). Von der Pforten était exactement à l'opposé de Gürtner : quelqu'un ayant la fibre révolutionnaire. Pöhner se considérait d'abord comme un Allemand et ensuite seulement comme un fonctionnaire. Il le déclara formellement lors du procès pour haute trahison. Frick aussi s'était, à l'époque, comporté impeccablement et seuls ses avertissements, donnés en sa qualité d'adjoint au préfet de (1) Allusion à la légende selon laquelle Gürtner se serait opposé à l'expulsion de Hitler, comme « étranger indésirable », à sa sortie de la prison de Landsberg. (2) Secrétaire d'État à la Justice en mars 1942. Les dirigeants du N.S.D.A.P. le considéraient avec une certaine méfiance, car il avait séjourné pendant plusieurs années en Russie comme prisonnier de guerre. (3) Il était de taille très petite. (4) Mort des blessures reçues lors du putsch du 9 novembre 1923. (5) Préfet de police de Munich de 1919 à 1921. Participa au putsch. (6) Directeur de la police politique à Munich, sous Pöhner. Ministre du Reich de 1933 à 1943.

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CET INCONN

police, permirent au Parti d'alors d'exercer son activité. Il couvrit toujours le mouvement. Sans lui, le Chef ne serait jamais sorti du bloc. Mais maintenant... Il existait malheureusement des nationaux-socialistes qui, quoiqu'ils eussent, à un moment, fait des choses extraordinaires pour le Parti, avaient peur de leur ombre. Ils reculèrent dès que le Parti avança au-delà de ce qu'ils pouvaient comprendre ou s'étaient imaginé, et, ayant dit A, ne purent se décider à dire logiquement B et C. Dietrich Eckart, qui avait lui-même travaillé le Droit durant quelques semestres, se faisait un jugement très net sur les juristes. Il cessa l'étude du Droit « pour ne pas devenir un parfait crétin », disait-il. Il clouait au pilori de la façon la plus nette, cette jurisprudence qui, d'après lui, rongeait le peuple allemand comme un cancer. Le Chef crut, au début, qu'il fallait le dire sous une forme atténuée mais comprit avec le temps que c'était inutile. Il déclarait aujourd'hui, de la manière la plus formelle, que, pour lui, tout juriste devait avoir l'esprit déficient de nature ou au bout d'un certain temps. En passant en revue ceux qu'il avait rencontrés dans sa vie, mais surtout les avocats et les notaires, il aboutissait toujours à la conclusion que les hommes droits, ayant bien les pieds sur la terre, avec lesquels il avait naguère commencé son combat politique en Bavière, avec Dietrich Eckart à son côté, constituaient un groupe véritablement sain. Le soir, le Chef parle de l'honnêteté du travail et du commerce au Moyen Age. La comparaison avec les conditions actuelles montre bien à quel niveau les Juifs nous ont conduits. Par exemple, pour bien apprécier la pleine signification de la Hanse, il faut considérer non seulement la puissance politique qu'elle représentait mais aussi sa probité foncière. Jamais elle ne transporta de marchandises sans avoir de garantie absolue au sujet de leur poids et de leur qualité. Le cachet dont elle les revêtait avait une très haute valeur dans les comptoirs intérieurs et extérieurs. Si les tisserands d'une ville remettaient au comptoir hanséatique de Lübeck, pour envoi à Bergen, un ballot de tissus ne répondant pas exactement aux prescriptions de la Hanse, cette ville se trouvait mise à l'index pendant dix ans, et aucun membre de la Hanse n'acceptait plus ses marchandises durant ce

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HITLER CET INCONNU temps. La décision était prise non parce que le comptoir de Bergen signalait la défectuosité de ce ballot, mais parce que celui de Lübeck, examinant après coup un échantillon, constatait que la trame ne comptait pas le nombre de fils voulu. Si, aujourd'hui encore certaines maisons de Brème et de Hambourg restent si fortement attachées à la tradition du commerce imposée à cause du châtiment impitoyable infligé à toutes les honnête, c'est à la Hanse qu'on le doit. Cette honnêteté s'est infractions. En refusant de transporter des marchandises, donc de leur conférer la garantie de son sceau, si largement apprécié, la Hanse condamnait un commerçant à la ruine, en réduisant son négoce au minimum. L'exemple de la Hanse exerça de l'effet sur toute la vie artisanale du Moyen Age et fit que, par exemple, le prix du pain demeura le même pendant quatre siècles et celui de l'orge, donc de la bière, pendant cinq ou six, dans toutes les monnaies. L'honnêteté devint le principe fondamental non seulement du commerce, mais aussi de la production artisanale, les corporations et les guildes y veillèrent tout particulièrement. Un boulanger, par exemple, qui trichait sur la qualité de sa farine, était plongé à plusieurs reprises dans un récipient plein d'eau jusqu'à la limite de la noyade. Ce principe de l'honnêteté de l'économie artisanale ne fut ébranlé que lorsqu'on commença à laisser sortir les Juifs des ghettos. Car le Juif, cette immonde canaille, a fait dépendre les prix de l'offre et de la demande, c'est-à-dire qu'ils n'ont rien à voir avec la qualité de la marchandise. Par l'introduction des contrats de vente, le Juif a donné une base juridique à ses fraudes, et il en est résulté, au cours des deux derniers siècles, à quelques exceptions près, cet avilissement de notre commerce qu'il faut absolument faire disparaître. Pour y parvenir, l'élimination de la juiverie constitue la condition préjudicielle. 54.

30/311942 (soir). LES COLONAIS, COLOGNE ET LA RÉCLAME

La conversation du soir porte largement sur l' « eau de Cologne », la façon de la protéger et des sujets analogues. 252


HITLER CET INCONNU L'ambassadeur Hewel, qui est colonais. déclare que la protection de l'appellation « eau de Cologne » a été vainement tentée depuis des années et qu'elle est juridiquement impossible. S'il en est ainsi, répond le Führer, il instituera, lui, la protection des appellations de cette sorte. Elle est nécessaire, ne serait-ce que pour des raisons d'exportation. Depuis très longtemps la Löwenbräubier, de Munich, constitue notre bière d'exportation la plus importante. Si une brasserie de Berlin fabriquait également une bière du même nom, même d'une qualité non inférieure, les buveurs de bière étrangers se trouveraient devant un produit de même appellation mais différent. Rien que de ce fait, il en résulterait une baisse des exportations. Le Führer désire, en conséquence — le Reichsleiter (Bormann) en avisera aussitôt le ministre Lammers (directeurs de la Chancellerie du Reich) — que les articles de haute qualité soient protégés contre les contrefaçons. Et cela doit se faire à très bref délai, par une procédure claire et simple. Il ne doit plus être possible, par exemple, à une firme berlinoise de produire de 1' « eau de Cologne ». Cette appellation doit être expressément protégée contre des imitations dans d'autres villes. S'il n'existe pas à Cologne de maisons plus anciennes que « Jean-Marie Farina, sur la place de Juliers » et « 4711 (numéro de rue) Ferdinand Mühlens », l'appellation d ' « eau de Cologne » devrait être réservée à celles-ci, d'autant plus que, sur le marché des cosmétiques, elles occupent une position supérieure à celle des Français. Même à Cologne, aucune autre maison ne doit être autorisée à produire cette eau. Cette précaution est nécessaire, car rien n'empêcherait une firme berlinoise d'installer une filiale à Cologne à cette fin. Le Führer rit tant des plaisanteries dites par Hewel en dialecte colonais et de ses remarques facétieuses sur l'espoir caressé par lui de prendre femme dans la maison Mühlens, qu'il se cache les yeux à plusieurs reprises avec la main. Il parle ensuite de sa dernière visite à Cologne (avant le début de la guerre) où plusieurs centaines de milliers de personnes sont venues lui faire, devant son hôtel, la plus grande ovation de sa vie. Le cadre, le climat et le vin ont fait du Colonais un être particulièrement aimable et son humour est autrement plus fin que 253


HITLER CET INCONNU celui, trop caustique, du Berlinois, et celui, trop cru, du Munichois. Mais ce qu'il a de mieux ce sont ses chorales d'hommes ; lors de sa visite, elles étaient certainement les meilleures de toute l'Allemagne. Et lorsque lui, le Führer, quitta la Rheinlandhalle, toutes les cloches de Cologne se mirent à sonner. Merveilleux... Le Chef parle ensuite des vertus de la réclame. Pendant toute une année, la maison Odol afficha son nom seul, sans commentaire, sur les murs de sa petite ville — et chacun, intrigué, se demanda ce qu'il signifiait. Puis, quand ce nom et le flacon sous lequel il se trouvait, furent devenus très familiers, le commentaire parut : « Odol, la meilleure eau dentifrice. » Le succès fut foudroyant. Une telle réclame ne doit pas être interdite comme juive. En imposant un article très utile en soi, elle épargne le travail de toute une génération. Le professeur Hoffmann propose une affiche pour la poudre insecticide inventée par le professeur Morell, médecin du Führer : un nègre qui crève un pou géant avec le slogan : « Le pou doit crever ! » Quand les rires se sont apaisés, le Führer observe que si sa poudre est vraiment efficace, Morell deviendra le bienfaiteur des futures générations de soldats et qu'il lui fera élever une statue colossale le représentant en train de tuer un pou avec un jet de poudre sortant d'un cornet. 55.

31/3/1942 midi. (Wolfsburg). LA BULGARIE ET LA TURQUIE

Au déjeuner, le Chef parle des rapports de l'Allemagne avec la Bulgarie et la Turquie et dit que, pour nous, l'alliance de la seconde est très sensiblement plus précieuse que celle de la première. Aussi est-il constamment prêt à signer un traité de commerce avec les Turcs ; nous leur vendrions des armes et garantirions l'intégrité de leurs frontières et l'inviolabilité des détroits. En tant que riverains de la mer Noire (1), ce traité nous donne(1) Il se considérait manifestement comme le propriétaire de la Crimée et de l'Ukraine.

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HITLER CET INCONNU rait l'avantage de ne pas être seuls pour la défense de ces détroits. Le régime de la Turquie garantit la stabilité d'une alliance avec ce pays. Le fait que le pouvoir soit passé facilement de Kemal Ataturk à Inonu, démontre que le système autoritaire y est bien implanté et si fortement ancré dans l'esprit de la population nationaliste, particulièrement dans celui de la jeunesse, qu'on peut le considérer comme stable. De même, à cause de son orientation religieuse, l'Islam, (le régime turc) n'est attiré ni vers la Russie ni vers une autre grande puissance. En Bulgarie, c'est tout le contraire. L'Eglise bulgare manifeste de nettes tendances vers Moscou. Aujourd'hui encore, c'est-à-dire au temps du régime soviétique, la population bulgare demeure foncièrement panslaviste. Par exemple, quand son Premier ministre rentra d'Allemagne, où il venait de signer la fructueuse adhésion au Pacte tripartite (I), ce n'est pas lui mais une équipe de football soviétique que la population acclama à la gare de Sofia. De plus, la Bulgarie ne possède pas de régime bien assuré, le roi Boris est assis sur un tonneau de poudre. L'idéal est donc une alliance avec la Turquie, comme pendant la Guerre mondiale ; elle nous couvrirait en permanence contre une évolution de la Bulgarie dans le sillage politique de la Russie. 56.

Soir. (Wolfsschanze.)

CHARLEMAGNE ET LA POLITIQUE IMPÉRIALE. « REICHSKANZLER » OU « FUHRER ». LES ERREURS POLITIQUES DE NAPOLÉON, COMPARAISON AVEC FRÉDÉRIC II. RÉPUBLIQUE OU MONARCHIE ? LA PAPAUTÉ ET VENISE... LE MEILLEUR RÉGIME POUR L'ALLEMAGNE

(Dans le cours du repas, je reçois une carte du Reichsleiter Bormann avec l'instruction suivante, bien caractéristique de sa manière) : « Ne vous bornez pas à retranscrire cette conversation dont l'importance vous échappe vraisemblablement, mais mettez-vous à votre bureau immédiatement après le repas pour rédiger une note au propre. » (1) Le 1 e r mars 1941.

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HITLER CET INCONNU L'actuelle politique orientale de l'Allemagne, déclare le Chef, incité par une remarque de Bormann au sujet d'Henri I e r , n'a pas de parallèle historique. Des combats, il est vrai, même très importants, se sont livrés à diverses reprises sur les frontières orientales, mais ils furent provoqués par les migrations asiatiques qui posaient une alternative : se défendre ou se laisser submerger ; on ne peut donc y voir l'expression d'une politique orientale déterminée de la part de l'Allemagne. Les historiens se trompent également en croyant déceler chez Henri le Lion une politique de ce genre. II reconnut simplement qu'il ne pouvait se tailler un fief qu'à l'est. A l'époque impériale, on ne trouve pas trace d'un intérêt manifeste pour l'est, de vastes projets de colonisation. La politique impériale conserva un caractère de race et, de ce fait, s'orienta vers le sud. L'est, avec ses peuples de races complètement étrangères, avec seulement, çà et là, une couche germanique superficielle, ne l'intéressait pas. En revanche, le sud, la Lombardie plus particulièrement, s'intégrait dans le cadre racial du Saint Empire romain germanique, et constitua donc un problème toujours actuel. Le fait qu'il existait encore au XIVe siècle, à Florence, un parti impérial allemand, démontre bien le caractère racial de l'idée d'Empire. Qui sait si nous ne tiendrions pas toujours solidement la Lombardie si des vassaux comme Henri le Lion, violant leur serment de fidélité à l'empereur, ne s'étaient mis constamment en travers de la politique de celui-ci et ne l'avaient contraint à revenir en toute hâte de ses campagnes dans le sud pour éteindre l'incendie déclaré entre-temps dans sa maison. Dans l'unité de la politique impériale tout se fondait sur le succès. C'est pourquoi les Souabes, qui furent les plus fidèles au sens de l'idée impériale, méritent la plus haute considération de notre part. Le Chef estime erroné d'encenser les vassaux comme Henri le Lion pour leurs incartades, car, indubitablement, leur politique fut alors orientée contre l'Empire. Aussi a-t-il dit à Rosenberg qu'il ne fallait pas ternir l'image des grands empereurs au profit de parjures, ni traiter de massacreur des Saxons un héros comme Charlemagne. L'Histoire doit toujours être replacée dans son cadre. Qui nous 256


HITLER CET INCONNU garantit que dans mille ans — quand, pour quelque raison, le Reich devra reprendre une politique dirigée vers le sud — quelque professeur de lycée imbécile ne proclamera pas : « Ce que Hitler a fait à l'est partait d'une bonne intention mais, tous comptes faits, n'en constituait pas moins une absurdité ; c'est vers le sud qu'il aurait dû marcher ! » Un serin de ce genre ira peut-être même jusqu'à le qualifier de massacreur des Autrichiens parce que, lors de la réincorporation de l'Autriche, il a fait coller au mur tous ceux qui cherchaient à s'opposer à cette opération. Sans la force, il eut été impossible de mater les tribus allemandes avec leurs caboches carrées et leur particularisme, aussi bien à l'époque de Charlemagne qu'à la nôtre. D'ailleurs, le peuple allemand n'est pas le produit des idées antiques et du christianisme, mais celui de la force, des idées antiques et du christianisme. C'est uniquement avec l'aide de la force qu'il a pu être soudé à l'époque impériale pour former un reflet de l'ancien Empire romain sur le sol de la chrétienté représentée par une Eglise universelle. Un homme comme Charlemagne s'est alors moins laissé guider par des considérations de puissance politique que par le désir antique du développement civilisateur, des réalisations culturelles. Ces réalisations, comme l'Antiquité le démontre, ne sont possibles que dans le cadre d'une organisation d'Etat fortement concentrée. Car la civilisation est une oeuvre collective, et une oeuvre collective réclame de l'organisation. Qu'adviendrait-il d'une usine qui ne serait pas fermement organisée, où chaque ouvrier viendrait quand cela lui conviendrait, et ferait le travail qui lui plairait ? Rien ne va sans organisation, c'est-à-dire sans contrainte et, par conséquent, sans renoncement à l'individualisme. La vie tout entière n'est qu'une renonciation perpétuelle à la liberté individuelle. Plus un homme s'élève, plus cette renonciation doit lui être facile, car, du fait même de son élévation, il en aperçoit mieux la nécessité. C'est ce qui distingue celui qui, dans un Etat sain, parvient au sommet, de celui qui demeure dans la masse : sa clairvoyance se développe en même temps que s'accroît la valeur du service rendu par lui. Si l'homme de la rue refuse de renoncer à sa pipe ou à son 257


HITLER CET INCONNU pot de bière, le Chef dit : « Parfait ! C'est justement parce que tu ne comprends pas la nécessité de ce renoncement, que tu restes, mon ami, un homme de la rue et que tu n'es pas devenu une personnalité dirigeante de l'Etat ! » Et c'est très bien ainsi, car il faut aussi des hommes de la rue. Ceux-ci méritent également d'être considérés dans la mesure des services qu'ils rendent à la collectivité dans le cadre de leurs capacités. En agglomérant, par cette sagesse pratique, simple et naturelle, les individus allemands dans une organisation serrée, Charlemagne a créé un empire qui — même après avoir disparu — continua à porter ce nom. Il l'a si bien nourri de la substance de l'ancien Empire romain que, durant des siècles, les habitants du continent européen, l'ont considéré comme la continuation de celui-ci, à la reconstruction et au maintien duquel visait toute la pensée politique d'alors. Si cet Empire romain germanique fut qualifié de « saint », cela n'eut rien, mais absolument rien à voir avec l'Eglise ou avec des considérations religieuses. En opposition avec l'idée de « Reich », celle de « Reichskanzler » (chancelier) s'est malheureusement dégradée au cours des siècles et — après avoir passagèrement retrouvé toute sa splendeur avec un géant — a fini par perdre toute grandeur avec des avortons comme Wirth, Brüning, etc. Sous la forme autoritaire que nous avons donnée à notre vie politique, elle doit disparaître. Elle ne convient plus, aujourd'hui, pour désigner le chef de l'Etat, car, par son sens historique, elle suppose qu'il existe une autorité au-dessus du Chancelier, que cette autorité porte le nom d'empereur ou de président. Dans notre forme d'Etat actuelle, la meilleure désignation est celle de « Führer ». Elle exprime que le chef de l'Etat constitue la plus haute autorité choisie par le peuple allemand pour le conduire. S'il se produit des interférences, comme, par exemple, lorsqu'on lit, sous une photographie : « A côté du Führer on voit l'Oberführer Un tel, son aide de camp », cela n'a aucune importance tant que lui, le Chef, reste vivant. Mais, quand il disparaîtra, il faudra trouver autre chose et donner au mot « Führer » un sens très précis. Finalement, il ne viendrait à l'idée de personne d'appeler un « Strassenbahn-Führer » (conducteur de tramway), « Strassenbahn-Kaiser » ! 258


HITLER CET INCONNU Il est mauvais de changer la désignation que la forme de l'Etat implique pour son chef. Napoléon, par sa politique de népotisme, commit sa grande erreur en ayant le mauvais goût de faire remplacer le titre de « Premier consul » par celui d ' « Empereur », car c'était sous ce titre de « Premier consul » que la Révolution, qui ébranla le monde, le plaça, lui, le général républicain, au-dessus du Directoire, cette « assemblée de brasserie En abdiquant ce titre, il trompa et perdit les Jacobins, ses anciens amis et déçut ses innombrables partisans, à l'intérieur et à l'étranger, qui voyaient en lui l'incarnation de la rénovation spirituelle découlant de la Révolution française. Qu'on s'imagine l'effet que cela produirait sur les Munichois et sur le monde entier, s'il lui venait l'idée, à lui, le Chef, de paraître en carrosse doré dans les rues de Munich ! Cette faute de goût ne fit rien gagner à Napoléon, car les anciennes monarchies le considérèrent tout naturellement comme un parvenu. La seule chose qu'il obtint d'elles fut l'octroi d'une fille des Habsbourg, dont l'apparition blessa profondément les Français dans leur orgueil national, car la jolie Joséphine, dont il dut alors divorcer, était pour eux une républicaine fanatique et en outre la femme qui s'était élevée, avec lui, jusqu'à la première place de l'Etat. Un fait démontre bien la commotion que l'adoption de ce titre d'empereur produisit en Europe : Beethoven, qui avait dédié à Bonaparte une de ses symphonies, la déchira et la foula aux pieds en disant : « Ce n'est pas un héros mais seulement un homme ! » Le tragique fut qu'il ne comprit pas qu'en prenant ce titre, en instituant une cour et un cérémonial, il se ravalait au rang de dégénérés et constituait une cage de singes. Lui, le Chef, considérerait comme de la démence la proposition de prendre un titre comme celui de duc et de se placer ainsi sur le même plan que les nombreux imbéciles qui le portent. Egalement, en protégeant ses parents, Napoléon manifesta une incroyable faiblesse humaine. Quand on parvient à une position comme la sienne, il faut s'affranchir du sentiment de la famille. Au lieu de cela, il plaça ses frères et ses sœurs à des postes éminents et les y maintint même quand ils eurent fait la preuve 259


HITLER CET INCONNU de leur incapacité. Seul le sens corse de la famille, aussi développé que l'écossais, explique l'inconséquence avec laquelle — au lieu de se débarrasser de toute cette famille à cause de sa médiocrité manifeste — il envoya chaque mois, à ses frères et sœurs, des lettres pour leur dire ce qu'il fallait faire ou ne pas faire et crut qu'il pourrait remédier à leur incapacité en leur promettant ou en les privant d'argent. Une rupture se produisit dans sa vie des qu'il commença à manifester ce sentiment de la famille. Le népotisme est le système de protection le plus puissant qui soit : la protection du Moi. Partout où il intervient dans la vie d'un Etat — les monarchies en sont le plus bel exemple — l'affaiblissement et la ruine en résultent. Son apparition supprime le principe du mérite. Frédéric le Grand s'est montré plus ferme que Napoléon parce que, même dans les décisions les plus graves et aux heures les plus sombres, il ne perdit jamais de vue la persistance des choses. Dans de telles situations, Napoléon capitula. Cela explique que Frédéric put, pour son œuvre, s'appuyer sur des collaborateurs très supérieurs à ceux de Napoléon, car là où celui-ci plaçait au premier plan les intérêts du clan familial, celui-là choisit des hommes dont il fit des compétences. Aussi, malgré le génie de Napoléon, le plus grand esprit du XVIIIe siècle fut-il Frédéric le Grand. Dans la résolution des problèmes fondamentaux de l'Etat, il sut s'affranchir de toute inconséquence. D'ailleurs, il avait, à cet égard, reçu une éducation de fer de son père. Frédéric-Guillaume, ce taureau d'absolutisme. Pierre le Grand, lui aussi, reconnut clairement la nécessité de se débarrasser du sens de la famille dans les affaires d'Etat. Dans une lettre à son fils que lui, le Chef, vient de relire récemment, il dit catégoriquement qu'il le déshériterait et l'excluait de la succession au trône ; car il serait vraiment malheureux de lui transmettre le gouvernement de la Russie s'il ne se préparait pas avec une application de fer à son futur rôle, ne trempait pas sa volonté et n'affermissait pas son état de santé. Porter le meilleur à la tête de l'Etat constitue un grand problème dont la solution, il faut le reconnaître, ne peut être exempte de toute cause d'erreur.

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HITLER CET INCONNU Fait-on une république dont le président est élu par tout le peuple, on court le risque de voir choisir un polichinelle sous l'effet de l'argent, de la réclame, etc. Fait-on une république dans laquelle le pouvoir est exercé par une petite coterie de familles, c'est comme une compagnie dans laquelle les actionnaires choisissent comme directeur le plus faible, afin de pouvoir jouer eux-mêmes un rôle. Fait-on une monarchie où la succession au trône est héréditaire, on contrevient à la loi biologique d'après laquelle un homme d'action épouse régulièrement une femme au caractère féminin très accusé, passif, dont le fils hérite. Fait-on une république dont le président est élu à vie, on s'expose au danger de le voir mener une politique égocentrique. Fait-on une république dont le président change tous les cinq ou dix ans, la direction de l'Etat ne présente plus aucune stabilité et l'exécution de plans dont la réalisation réclame un temps plus long qu'une existence humaine, se trouve compromise. Place-t-on un vieillard sénile à la tête de l'Etat, il n'y joue qu'un rôle de représentation, c'est d'autres qui gouvernent sous son nom. (Ces considérations conduisent au résultat suivant :) 1. Les chances de ne pas avoir un complet imbécile à la tête de l'Etat sont plus grandes dans le libre suffrage qu'inversement. Les empereurs germaniques élus en constituent la meilleure preuve. On ne trouve pas un seul crétin parmi eux, alors que, dans les monarchies héréditaires, sur dix monarques il y en a au moins huit qui seraient incapables de faire marcher une boutique dans la vie civile. 2. Comme chef d'Etat il faut choisir une personnalité qui, dans les limites de la prévision humaine, garantisse une stabilité de la direction à long terme. C'est nécessaire non seulement pour obtenir une direction heureuse, mais surtout pour permettre la réalisation des plans à longue échéance. 3. Il faut s'assurer que le chef de l'Etat soit affranchi de toute influence économique qui pourrait le contraindre à prendre des décisions indésirables. Il doit donc être soutenu par une organisation politique qui puise sa force dans le peuple et se trouve au-dessus de toutes les considérations économiques.

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HITLER CET INCONNU Deux constitutions ont fait leurs preuves au cours de l'Histoire : a) La papauté, en dépit des crises dont les plus graves furent provoquées par l'empereur allemand, et malgré un principe spirituel parfaitement absurde, simplement à cause de l'organisation grandiose de l'Eglise. b) La république de Venise qui, par l'organisation de sa direction, fut capable de dominer toute la Méditerranée orientale. Cette constitution et, avec elle, la république de Venise, durèrent neuf cent soixante ans. Que le chef de cette république (Venise) fût élu par seulement deux cents à cinq cents familles, ne constitua pas un mal ; car cela permit de choisir les meilleurs parmi ces familles qui se sentaient étroitement associées à l'Etat. La différence entre ce régime et celui de la monarchie héréditaire saute aux yeux. Jamais un nigaud ou un gosse de douze ans n'y eut la possibilité d'y devenir chef de l'Etat — comme ce fut fréquemment le cas dans celle-ci — seuls furent choisis des hommes qui avaient fait maintes fois leurs preuves. Imaginer qu'un gosse de douze ans, voire de dix-huit, puisse gouverner un Etat, est vraiment ridicule. Dans ce cas, le pouvoir est exercé par quelqu'un d'autre, un conseil de régence, par exemple. Mais si les membres de ce conseil ne sont pas d'accord, l'absence d'une personnalité capable de décider comment il faut faire, se fait durement sentir. Une telle décision ne peut être prise par un garçon de dix-huit ans, elle a besoin d'être bien réfléchie par un esprit mûr. Qu'on pense à ce que serait le roi Michel de Roumanie sans l'important maréchal Antonescu. Ce garçon a été élevé d'une façon parfaitement stupide, d'autant plus que son père l'a abandonné à des femmes dans les années décisives pour la formation. Qu'on pense encore au roi Pierre de Yougoslavie (1) qui, porté au pouvoir, donc à l'heure capitale de sa vie, s'est réfugié dans une cave pour y pleurnicher. Pour bien mesurer la profondeur du gouffre il suffit de considérer la formation d'un homme normal qui veut réussir dans (1) Déclaré majeur à dix-sept ans, après le coup d'État du 21 mars 1941.

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HITLER CET INCONNU la vie et celle d'un tel héritier du trône. L'homme normal doit s'instruire en bûchant jusqu'à une heure tardive de la nuit et travailler constamment avec application pour s'affirmer dans la vie pratique. On croit fournir à un futur roi ce qui lui sera nécessaire pour jouer son rôle, en lui enseignant des bagatelles. Un tiers du programme consiste à lui apprendre à jacasser en des langues étrangères, un autre tiers à lui enseigner les distractions mondaines : équitation, tennis etc., et seulement pendant le dernier tiers on essaye de lui inculquer la science de gouverner, et encore d'une façon très superficielle, à l'ordinaire, car chaque précepteur craindrait, en administrant deux ou trois mornifles bien méritées, d'encourir à tout jamais la disgrâce du futur souverain. Le résultat, ce sont des garçons comme Michel de Roumanie et Pierre de Yougoslavie. De l'ensemble de ces considérations, le Chef a tiré les conclusions suivantes pour la direction de l'Etat allemand : 1. Le Reich allemand doit être une république. Le Führer est élu et revêtu de l'autorité absolue. 2. Une représentation populaire doit subsister pour appuyer le Führer et, si nécessaire, intervenir dans la direction de l'Etat. 3. Le Führer est élu non par cette représentation mais par un Sénat. Celui-ci ne possède que des attributions limitées. Il est composé non par des membres inamovibles, mais par les titulaires de certaines hautes fonctions qui doivent eux aussi changer. Les membres du Sénat doivent être pénétrés, par leur éducation et leur carrière, de la nécessité de choisir le meilleur comme Führer et non une nouille. 4. Le choix du Führer doit s'effectuer, non sous les yeux du peuple mais derrière des portes closes. Dans l'élection du pape, le peuple ignore ce qu'il se passe dans la coulisse. Il est même arrivé que les cardinaux se battent entre eux. Il a fallu les séquestrer pour la durée de l'élection. De même, pour le choix du Führer, les discussions devront rester limitées entre les électeurs. 5. Le personnel du Parti, de l'Armée et de l'Etat prêteront serment au nouveau Führer dans les trois heures qui suivront sa désignation. 6. Le nouveau Führer devra observer une séparation précise et rigoureuse entre le législatif et l'exécutif. Dans le mouvement,

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HITLER CET INCONNU les S.A. et les S.S. sont uniquement les exécutants des décisions politiques du Parti, de même, l'exécutif n'a pas à s'occuper de la politique mais seulement exécuter — par les armes s'il le faut — les directives politiques reçues (de l'autorité compétente). Une forme d'Etat (basée sur ces principes) ne peut, non plus, espérer être éternelle, mais elle durera certainement deux ou trois siècles car elle se fonde sur des considérations tirées de la raison, alors que l'organisation millénaire de l'Eglise catholique est bâtie sur l'absurdité. 57.

1/4/1942.

Le Führer est en très bonne santé, solide au poste, quoiqu'il travaille énormément et ait été très affecté par la catastrophe de Lübeck. Soir. REMANIEMENT DES MUSÉES

Le Chef a déclaré au dîner, m'a-t-on rapporté, qu'il fallait conserver le souvenir en images de notre période de lutte au bénéfice des générations futures. Pour cela, il a acheté, dès 1932, à Munich, la collection Rehse où se trouvent rassemblés les premières affiches nationales-socialistes et les documents concernant l'évolution du mouvement. Cette collection, complétée par les archives centrales du Parti, sera conservée, sous ce nom, comme musée du Parti. D'autre part, il s'efforcera de donner de nouveau du caractère aux musées allemands en les libérant de telle ou telle collection qui y détonne. Par exemple, il projette de retirer de la Nationalgalerie de Berlin les tableaux des Espagnols pour les transférer au Kaiser-Friedrich-Museum, où il compte rassembler les modèles de l'art roman et spécifiquement chrétien. A l'avenir, la Nationalgalerie n'exposera plus que les meilleures créations des maîtres germaniques et allemands. Il créera un musée spécial pour l'art moderne des XIXe et XXe siècles. 264


HITLER CET INCONNU 58.

Soir. L'AMITIÉ FRANCO-ALLEMANDE DIPLOMATES ALLEMANDS POSITION DE RIBBENTROP ENVERS L'ANGLETERRE LA RUSSIE ET LE JAPON

On lui dit constamment qu'il faudrait attirer les Français, nous les gagner, etc. Certains d'entre nous les aiment beaucoup en particulier. Mais, mettez-en trois ensemble, et vous avez aussitôt le nationalisme et l'hostilité envers l'Allemagne. Le 5 avril, le professeur Morell est chargé de veiller à ce que les Français n'emploient plus sous le nom de « Moralline », la « Germanin (1) » découverte dans les années dix et dont ils ont acquis le brevet par le Diktat de Versailles. De nombreuses fois il s'est laissé entraîner à placer la clémence avant la justice, par exemple en ne faisant pas fusiller, lors du meurtre d'un soldat allemand d'occupation, le nombre d'otages antérieurement annoncé. Deux officiers viennent, de nouveau, d'être assassinés traîtreusement. Les Français ne savent vraiment pas se montrer dignes d'un traitement bienveillant de notre part. De même, ils sont toujours en coquetterie avec les Etats-Unis, quoiqu'ils sachent pertinemment son opinion sur les rapports franco-américains. Mais il réglera les comptes avec le gouvernement de Vichy dès que l'action contre la Russie sera terminée et qu'il aura ainsi ses arrières assurés. Il attendra ce moment : jusque-là, il appartient aux diplomates d'observer correctement la situation et d'en rendre dûment compte. Malheureusement, nos diplomates restent trop à la surface des choses. Comment s'expliquer autrement que l'ambassadeur Ott puisse signaler de Tokyo un mécontentement de la population japonaise alors que le Japon vient de remporter sa première grande victoire depuis quatre ans dans la guerre de Chine ? A notre époque, un ambassadeur ne doit plus se contenter de se renseigner dans les milieux diplomatiques et auprès de quelques grandes maisons de commerce, car, au Japon comme chez (1) Remède contre la maladie du sommeil.

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HITLER CET INCONNU nous, les boutiquiers considèrent les dangers ou les risques sous l'angle de leur porte-monnaie. Un ambassadeur doit étudier la mentalité du peuple, pénétrer ses sentiments, découvrir les courants de force, étudier sa structure (paysannerie saine, bourgeoisie lâche, aristocratie pourrie, etc.). Mais la diplomatie reste si distante qu'elle ne s'est même pas encore préoccupée des Allemands répartis dans le monde, pour s'occuper d'eux, les renseigner, les diriger (un de nos consulats a-t-il jamais aidé un Allemand de l'extérieur ?) ; c'est justement pour ça qu'il a fallu créer l'Organisation des Allemands de l'extérieur au grand dépit des Affaires étrangères. (Remarque.) A cet égard, l'ambassadeur Hewel m'a fait, le 4 de ce mois, des déclarations intéressantes. A la différence du Führer, le ministre des Affaires étrangères ne s'intéresse pas seulement aux rapports, mais il souhaite aussi que nos représentants diplomatiques exercent une influence sur la politique des pays où ils se trouvent ; il veut qu'ils agissent de façon active sur la presse, sur la vie culturelle et par des expositions, etc. Malheureusement, il n'existe, parmi notre cinquantaine de diplomates, que cinq ou six esprits supérieurs, les autres étant tombés plus ou moins au niveau de simples postiers. Par exemple, notre ambassadeur à Moscou, von der Schulenburg, et son attaché militaire, le général Köster, se sont laissés duper continuellement au sujet du déploiement des forces russes à nos frontières. Nous pouvons considérer comme une chance que Ribbentrop n'ait jamais basé sa politique sur la sûreté de l'alliance avec la Russie, mais que, depuis son ambassade à Londres, il ait insisté, avec autant de fermeté que dans son opposition à la guerre contre l'Angleterre, sur la nécessité d'un rapprochement très étroit avec le Japon qu'il a finalement réalisé. En ce qui concerne l'Angleterre, Ribbentrop pense que, par la façon qu'il a de vivre dans son empire, l'Anglais y est considéré avec moins d'antipathie que l'Allemand, par exemple, et même comme très utile. Il pense aussi et l'a toujours dit, que l'Angleterre — qui, avec soixante mille hommes, en dirige trois cents millions dans l'Inde — ne se contentera jamais d'une position de second plan dans le monde. Si l'Allemagne sort victorieusement

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HITLER CET INCONNU de la grande explication comme la puissance mondiale, notre prochaine génération aura donc à la combattre, si la guerre actuelle, contre elle, n'est pas menée jusqu'au bout. Les insuffisances de l'armement de la France (révélées au procès de Riom) montrent combien le moment actuel est favorable, car elles donnent à penser qu'il n'en va pas mieux en Angleterre, ce que semble confirmer la mollesse de ses attaques aériennes, alors qu'elle n'aura jamais de meilleure occasion d'attaquer : notre aviation est immobilisée à l'est ; au sud les Italiens nous ont causé une grosse déception. Hewel déplore cependant que Ribbentrop soit si méfiant et gaspille si inconsidérément les moyens mis à sa disposition par le Führer (construction continuelle de nouvelles maisons, aménagements immobiliers, etc.). 59.

2/4/I942 (midi). UN VÉRITABLE ROI PARLE DE L'ATTENTAT POLITIQUE

Au déjeuner, le Chef parle de la personnalité du roi de Bulgarie et exprime toute sa considération pour lui en tant qu'homme. D'ailleurs, il a été à bonne école avec son père, le tsar Ferdinand, qui fut le monarque le plus habile que lui, le Chef, ait jamais connu. On peut reprocher au tsar Ferdinand d'avoir été pire qu'un Juif en ce qui concernait l'argent, mais il faut admirer sa hardiesse, son amour des responsabilités. S'il s'était trouvé sur le trône d'Allemagne au lieu de Guillaume II, il n'aurait certainement pas attendu 1914 pour engager la guerre mais l'aurait fait dès 1905 ; avec la même habileté qu'il manifesta lors de l'effondrement de 1918 pour conserver le trône de Bulgarie à son fils, il aurait assurément trouvé le moyen de sauver l'Allemagne de la catastrophe. En outre, Boris est d'une rare culture et possède des connaissances supérieures à la moyenne dans tous les domaines de la science ; depuis des années il n'a pas manqué une seule ouverture du « Ring » wagnérien à Bayreuth. Contrairement aux autres monarques, le tsar Ferdinand mena 267


HITLER CET INCONNU durement son fils et le poussa énergiquement dans toutes les branches du savoir du militaire et de l'homme d'Etat. Ainsi, sous la férule de ce vieux renard de Ferdinand, se forma un renardeau, qui a su s'affirmer au milieu de toutes les complications balkaniques, qui connaît parfaitement tous les champs de bataille bulgares de la Guerre mondiale, et qui entretient d'excellents contacts par correspondance ou autrement, avec toutes les personnalités politiques ou militaires. En 1919, Boris conserva son trône en entrant à Sofia à la tête d'une division et, en 1934, il dénoua la crise (1) en se comportant d'une manière aussi virile. Une nuit, a-t-il raconté, il fut prévenu que les lumières, éteintes dans les casernes de Sofia à vingt-deux heures, s'étaient rallumées à vingt-trois et brûlaient encore à minuit. Il comprit immédiatement qu'on en voulait à sa vie, car les attentats alors commis dans les Balkans contre les hommes d'Etat trouvaient régulièrement ceux-ci en chemise de nuit. Il revêtit son uniforme et attendit les assassins l'épée à la main. Quand ils parurent, il s'adressa au meneur : « Vous voulez me tuer. Qu'avez-vous donc contre moi ? Espérez-vous faire mieux ? » Les assassins furent déconcertés et demandèrent à rentrer dans leur caserne pour discuter. Boris retint le meneur (2) et lui annonça qu'il allait le nommer Premier ministre afin qu'il fît ses preuves. Bien entendu, un an plus tard, cet homme avait échoué. En racontant cet attentat, le roi Boris fit une remarque très pertinente : le plus dangereux eût été d'appeler la police. Les assassins se laissèrent détourner de leur dessein par la présence d'esprit du roi, mais si celui-ci avait appelé la police, ils l'eussent tué très certainement. A notre époque, l'attentat demeure malheureusement un moyen d'action politique, comme le montre celui exécuté contre notre ambassadeur en Turquie, von Papen (3). Cet attentat fut très instructif parce que les auteurs se sentirent trahis par les instigateurs russes. Un prétendu appareil fumigène fut remis à l'auteur principal pour l'aider à couvrir sa fuite, or, il s'agissait d'une (1) Putsch des officiers (2) Georgieff. (3) 25 février 1942.

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de l'Association Zveno, d'orientation gauchiste.


HITLER CET INCONNU charge explosive qui le tua (1). Ses complices parlèrent alors sans ménager les intérêts soviétiques. Le Chef a toujours répudié l'attentat comme moyen d'action politique, même avant la prise du pouvoir. L'attentat n'est d'ailleurs payant que dans ces cas très rares. 11 ne peut procurer un grand succès politique que s'il élimine l'homme dont dépend toute l'organisation et la force de l'adversaire, Cependant le Chef y a toujours été opposé même en pareil cas. L'attentat politique demeure une très dangereuse possibilité dans les Balkans parce que les populations y nourrissent toujours l'esprit de vendetta. Kemal Pacha (Ataturk) fit donc bien d'adopter, aussitôt après avoir pris le pouvoir, une nouvelle capitale où la police put facilement contrôler tous les mouvements des individus. 60.

RÉCEPTIONS D'HOMMES D'ÉTAT ÉTRANGERS ET VISITES OFFICIELLES

Soir.

Le protocole, dit le Chef, est, de tous les services des Affaires étrangères, celui qu'il apprécie le moins. Quand un homme d'Etat étranger vient en visite officielle à Berlin, le protocole met le grappin sur lui de six heures du matin jusqu'à très avant dans la nuit. Il envoie des Balkaniques, qui aimeraient un spectacle léger, amusant, comme l'opérette, à quelque représentation austère de Faust ou de Tristan. Des hommes âgés qui, venus pour avoir des entretiens politiques, auraient besoin d'au moins une demi-journée de détente, sont traînés de réceptions en dîners où ils rencontrent toujours les mêmes personnes. Pour la plupart, le protocole constitue une véritable torture. Si, du moins, ce protocole était assez raisonnable pour donner aux visiteurs des voisines de table d'un grand charme personnel et connaissant leur langue. A cet égard, nous avons la chance, à (1) Par précaution, l'assassin mit le fumigène en marche avant l'attentat et fut tué.

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HITLER CET INCONNU Berlin, de disposer de telles personnes grâce à des actrices comme Lil Dagover, Olga Tschechowa et Tiana Lemnitz. Une fois, le roi Boris de Bulgarie manifesta de nouveau sa finesse. Quand on lui offrit de le recevoir à Berlin, il insista pour y séjourner à titre privé, afin, dit-il, de ne causer aucun embarras à personne. Bien entendu, il désirait seulement échapper à cette torture du protocole. Aussi, au lieu d'aller voir Faust ou quelque opéra, assista-t-il à des représentations des Bettelstudenten et du Comte de Luxembourg, où il s'amusa royalement. Dans le cas des princes balkaniques, il faut toujours penser — comme l'a souligné le roi Boris lui-même — qu'ils ne peuvent s'absenter de leur pays pendant plus de huit jours sans risquer de perdre leur trône. En échapant à l'atmosphère lourde d'attentats, de révolutions, etc., des Balkans, ils sont heureux, chez nous, de voir une opérette comme la Veuve Joyeuse, au lieu d'assister aux représentations imposées par le protocole, où ils voient brandir des poignards nus tout comme dans leur pays. Le seul prince balkanique (1) qui pût quitter son Etat pendant plus de huit jours ^ans difficulté, était l'ancien shah de Perse ; avant la Guerre mondiale il faisait chaque année un voyage à l'étranger. Mais c'était une exception. Le protocole se trompe aussi lourdement en pensant qu'il peut traîner chaque étranger à travers des musées, en attribuant, pour l'examen d'un tableau un temps déterminé au bout duquel l'accompagnateur frappe le sol de sa canne à pommeau d'or pour signaler la poursuite de la visite, sans tenir aucun compte des désirs de l'hôte. Tant qu'il n'adaptera pas son programme aux sentiments humains les plus naturels, il compliquera très lourdement la vie de ceux qu'il reçoit. A Paris, le protocole agit tout autrement. Le visiteur est accueilli en grande pompe, avec des soldats en brillant uniforme, et reçu à l'Elysée ; ensuite, il jouit de six jours de liberté. La 'presse parisienne, si bavarde à l'ordinaire, observe, sur la façon

(1) Lapsus du rédacteur? Il s'agit sans doute de Nassir ed-Din III (assassiné en 1896).

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HITLER CET INCONNU dont l'hôte emploie ce temps, une discrétion qui ne peut qu'éveiller sa sympathie. Après un séjour aussi agréable, un homme d'Etat balkanique, de retour dans son pays, n'a plus qu'un désir : retourner à Paris l'année suivante. Pour le faire, il lui faut, naturellement, trouver quelque raison officielle, et la France a toujours tiré de gros avantages de son habile façon de recevoir les étrangers. Avant de déployer leur « art », nos diplomates devraient se mettre à la place d'un de ces hommes d'Etat balkaniques. La ville d'où vient celui-ci est ordinairement si petite qu'il y connaît même les porteurs de bagages. Comme c'est le cas pour les princes de l'Inde, on l'accouple habituellement, dès l'âge tendre, avec une femme, comme un bœuf avec une vache. Un tel homme respire plus librement lorsqu'il sait qu'à cause de la discrétion de la presse, il peut sans danger « s'envoyer » une jolie fille. Aussi faut-il, quand des visiteurs étrangers viennent à Berlin ou à Vienne, leur laisser deux journées bien à eux. Cela crée d'excellents rapports politiques et rapporte un tas de devises. Lorsqu'il alla à Rome, le Duce s'arrangea, avec beaucoup de compréhension, pour lui laisser le temps d'examiner à loisir les œuvres d'art qui l'intéressaient ; aussi, par la suite, a-t-il veillé tout particulièrement que les hommes d'Etat italiens en visite chez nous ne fussent gênés qu'au minimum par le protocole. Le résultat a été époustouflant. Les Italiens viennent chez nous avec enthousiasme. 11 a donc convenu avec Goering que celui-ci ou lui-même leur accorderaient une heure ou une heure et demie d'entretien afin de leur fournir un motif pour venir en Allemagne. Après quoi, les Italiens peuvent librement se confier aux soins des prétendus spécialistes berlinois du cœur, de l'estomac, des dents, etc. 61.

3/4/1942 (midi). LE TOURMENT DE LA POPULARITÉ

Au déjeuner on dit beaucoup de plaisanteries dont le Chef rit de bon cœur, en se couvrant les yeux de la main à plusieurs reprises. Il fait lui-même quelques remarques personnelles et 271


HITLER CET INCONNU raconte, entre autres choses, qu'il avait été naguère un assez bon skieur, mais qu'en entrant de plus en plus sous les projecteurs de la publicité, il avait dû y renoncer. En tant que Führer, on ne doit se produire que dans des domaines dont on possède bien la maîtrise, sinon les esprits malveillants s'emparent de la moindre mésaventure pour vous dénigrer. La popularité constitue un véritable tourment, mais on ne peut rien contre elle, que la maudire. Il a réussi, pendant quatre ans, à empêcher que des photographies de lui fussent publiées. Des hommes des S.A. démolirent, un jour, l'appareil d'un Italien qui voulait le photographier et le Chef fut, de ce fait, attaqué en justice. Les S.A., déclara-t-il au juge, avaient seulement voulu empêcher l'Italien de prendre une vue d'hommes en uniforme, le Diktat de Versailles nous interdisant toute organisation paramilitaire. Au juge de prendre ses responsabilités, si le procès faisait naître quelque incident diplomatique. L'affaire se termina par un non-lieu, au grand ébahissement de l'Italien. Il fit la connaissance de Hoffmann parce que ses gens voulurent empêcher celui-ci de prendre des photographies de lui, ce qui était d'ailleurs plus facile à l'époque parce qu'on se servait d'appareils gros comme une caissette et non, comme maintenant, de caméras de poche. Hoffmann alla trouver Dietrich Eckart et prit l'engagement de ne pas publier ses photographies, engagement qu'il a loyalement tenu. Après sa sortie de prison, il ne put plus empêcher qu'on le photographiât. Dès lors, c'en fut fait de sa vie privée. Depuis, la police empoisonne son existence ; à partir de 1933, il lui a fallu l'accepter comme un mal nécessaire, mais souvent, par son activité même, elle attire l'attention des assassins éventuels. Dès qu'il est annoncé quelque part, l'agent de police local, que chacun connaît dans les petites localités, paraît en uniforme de gala, fait l'important, oblige à « évacuer » les rues plusieurs heures à l'avance ; finalement, ces rues sont tellement pleines de monde, que la voiture ne peut avancer qu'au pas par crainte de blesser quelqu'un. En conséquence, il arrive souvent avec du retard aux réunions ou cérémonies, et les gens de dire aussitôt : « Le Führer, lui aussi, n'est pas régulier. » 272


HITLER CET INCONNU Il ne peut plus circuler en voiture que sur les autoroutes après que l'alerte ait été donnée pour que des barrages soient établis devant les localités voisines. Autrement, il lui faut recourir à l'avion ou au train. Mais, par exemple, faire une visite privée à une dame à Munich ou ailleurs lui est absolument impossible. Une heure auparavant, douze Schupos paraissent devant la porte de la maison et la foule s'amasse aussitôt derrière eux. Il se réjouit que la terrasse de la Maison de l'Art allemand, à Munich, soit si haute qu'il puisse s'y reposer, l'été, sans qu'on lui tende sans arrêt des mains à serrer ou des autographes à signer. 62.

Soir, LE DUALISME ANGLO-ALLEMAND EST-IL NÉCESSAIRE ?

Au dîner, le Chef parle de la composition raciale de l'Angleterre et de l'Allemagne. L'Angleterre possède une élite admirable dans ses classes supérieures, mais les classes inférieures sont de la saloperie. Il en va autrement chez nous où la moyenne reste très satisfaisante dans les classes inférieures. Il suffisait, pour s'en convaincre, de voir les ouvriers allemands de l'arsenal à côté des délégations ouvrières de tous les (autres) pays européens, lors de l'inauguration de la quatrième entrée du port de Wilhelmshaven. De même, la moyenne, dans notre Jeunesse hitlérienne, est bien supérieure à celle de toute la jeunesse anglaise. Mais la classe dirigeante anglaise — même la femme raide, maladroite et sans grâce de cette classe — est considérée comme une élite millénaire. Aussi aurait-il volontiers mené cette guerre contre le bolchevisme en association avec la marine et l'aviation anglaises. Mais l'Histoire suit impitoyablement son cours et veut que le problème posé par la vie côte à côte, même pour des gens apparentés par le sang, soit résolu par une lutte où le plus fort prend le plus faible sous son aile et supprime tout dualisme. Il en fut ainsi, il y a quatre-vingts ans, pour la Prusse et l'Autriche. Il en est ainsi aujourd'hui pour l'Angleterre et l'Allemagne. 273


HITLER 63.

CET INCONNU 4/4/1942 (midi).

LA PHILOSOPHIE JAPONAISE ENCROUTEMENT DE L'ART AUX ÉTATS-UNIS ET EN ANGLETERRE LE ROI D'ANGLETERRE EST-IL UN NOUVEAU GUILLAUME II ? EDUCATION DES ENFANTS LA SÉLECTION POUR LE SERVICE DE L'ÉTAT LA LOI DE SÉLECTION NATURELLE VALEUR DU CARACTÈRE

Au déjeuner, le Chef parle de la religion d'Etat ou, plutôt, de la philosophie d'Etat des Japonais. Cette philosophie, qui est une des raisons principales de leurs succès, n'a pu se maintenir comme principe d'existence du peuple que parce que celui-ci est resté protégé contre le poison du christianisme. Comme dans l'Islam, la religion japonaise est dépourvue de tout terrorisme et contient seulement l'espoir de la félicité. Le terrorisme est seulement une idée juive répandue par le christianisme et, chez nous, il n'a fait que jeter la perturbation dans nos sentiments. Dans le domaine de la foi, les conceptions terroristes n'ont d'autres effets que de détourner les hommes de l'optimisme et de leur inspirer une lâcheté sans fond. Maintenant que nous avons réussi à éliminer le Juif et le christianisme de la vie politique allemande, nous comprenons, en regardant le développement des Etats-Unis ou de l'Angleterre, jusqu'où ces éléments peuvent conduire un peuple. Un seul exemple : aujourd'hui, dans ces pays, on paie très cher les productions de cette fiente d'art juif dont lui, le Chef, dans le cadre de son action, a débarrassé l'Allemagne. Le monde bourgeois, avec tous ses connaisseurs, n'ose pas protester. On ne peut dire qu'une chose : lâcheté, ton nom est bourgeoisie. Bien que la juiverie se soit assuré par la presse, le cinéma, la radio et l'économie, une position dominante, qu'en outre, aux Etats-Unis, elle ait asservi toute l'humanité inférieure, avant tout les Noirs, et qu'elle ait déjà passé le nœud coulant au cou de la bourgeoisie américaine comme à l'anglaise, pas un de ces bourgeois n'ose prononcer un « mot dur » à l'égard des Juifs. 274


HITLER CET INCONNU Les développements intérieurs que nous constatons aux EtatsUnis et en Angleterre sont les mêmes connus par nous en 1918 : le Juif qui, dans son impudence, se mêle absolument de tout, les curés qui cherchent à conserver leurs mesquins avantages matériels aux dépens du peuple et, pour couronner le tout, un roi aveugle. L'actuel roi d'Angleterre (George VI) se comporte exactement comme Guillaume II, qui, par frousse, reculait devant toute décision en 1918 et était constamment prêt à amener le pavillon. Sous un tel monarque, le Juif peut vraiment s'en donner à cœur joie et instiller son poison spirituel dans tout le monde bourgeois. Le plus beau est que ces idiots de bourgeois des Etats-Unis et d'Angleterre, tout comme les nôtres naguère, croient que l'économie ne peut exister sans le Juif, que, sans celui-ci, l'argent ne circulerait plus. Exactement comme si, avant cette immixtion des Juifs dans notre vie économique, il n'y avait pas eu d'économie florissante, en Méditerranée par exemple. Aussi pense-t-il, lui, le Chef, que nous devons former notre future classe dirigeante assez durement pour qu'elle soit à tout jamais affranchie d'une telle lâcheté. Il est donc partisan d'un système d'héritage où un seul enfant recevrait tout, et où les autres seraient lancés dans le monde avec l'obligation de gagner eux-mêmes leur vie. Un père qui aime vraiment son fils doit veiller à le munir d'une bonne éducation en même temps que d'un bon héritage. Une bonne éducation doit : a) façonner comme il faut le caractère de l'enfant ; b) lui donner des connaissances solides ; c) être persistante dans son orientation et ses méthodes. En outre, un père riche doit donner le moins d'argent possible à son fils. Pour élever celui-ci correctement, il faut constamment se souvenir que la nature ne connaît pas de ménagements. Tant que la paysannerie a observé ce genre d'héritage, elle est demeurée saine. Un enfant héritait de la ferme, les autres ne recevaient rien ou peu. C'est exactement ce que fait la noblesse anglaise : un seul hérite du titre, les autres se débrouillent comme ils peuvent. 275


HITLER

CET INCONNU

C'est seulement en empêchant que les cailles tombent toutes rôties dans la bouche d'un enfant qu'on évite qu'il soit lâche et paresseux. Aussi le Chef a-t-il prescrit que les fermes établies dans les territoires de l'est, demeurent indivisibles. Seul l'enfant le plus méritant en héritera de ses parents, les autres se débrouilleront. Ce sera également un bien pour la famille, car celle-ci ne doit avoir qu'un chef pour conserver son statut à travers les générations. Etant donné qu'un homme ne peut passer toute sa vie dans l'ouate, le Reichsleiter Bormann a raison de citer en exemple l'éducation rigide donnée dans nos internats. Il ne devrait y avoir, au service de l'Etat, que des hommes courageux et capables, à sa tête, que quelqu'un de vraiment très brave. Car la classe inférieure du peuple, soumise, de par la vie, à une sélection rigoureuse, peut se montrer impitoyable contre des dirigeants lâches. Ainsi s'explique que, en 1918, le « mouvement d'en bas » balaya le château de cartes vermoulu de la monarchie. Si un seul des monarques allemands était resté avec ses divisions comme le roi Boris de Bulgarie, en déclarant qu'il ne songeait nullement à disparaître, la catastrophe nous eût été épargnée. Car le destin est tolérant et clément, il ne laisse s'écrouler que ce qui est irrémédiablement pourri. Tant qu'il subsiste un rameau encore fort, le destin le laisse survivre. Mais ces chiffes molles de princes allemands tremblaient tellement dans leur culotte qu'ils ne comprirent même pas l'absurdité de la nouvelle annonçant que la 2e division de la Garde avait capitulé! Le fait que l'évêque anglais de Canterbury ait pu déployer en chaire le rideau soviétique, montre bien que les choses en sont au même point en Angleterre, que tout y est pourri jusqu'à la moelle. On n'a pas le droit d'avoir de la pitié pour ceux que le destin a condamnés à leur perte. Nous devons nous réjouir de ce que l'actuel roi d'Angleterre soit entraîné vers la chute par les Juifs, la prêtraille et de lâches bourgeois, comme nos potentats vermoulus le furent en leur temps. Prendre en pitié nos anciens 276


HITLER CET INCONNU princes serait erroné. Il faut au contraire nous féliciter de ce qu'aient disparu avec eux les derniers obstacles à l'unité allemande. Seul mérite de la compassion le fantassin du front ou l'inventeur qui, malgré un travail honnête, ne parvient pas à s'affirmer. Et encore cette compassion doit-elle se limiter à nos compatriotes. Dans le domaine de la sélection aussi, la Nature est la meilleure préceptrice. On ne saurait rien concevoir de mieux que l'obligation imposée par elle à tous les êtres vivants : se développer par un dur combat. Il est caractéristique de constater que les classes supérieures qui, naguère, ne se sont jamais préoccupées de la misère des centaines de milliers d'émigrants allemands, éprouvent de la commisération pour les Juifs, bien que ceux-ci aient des complices dans tout le monde et sachent s'adapter à tous les climats. Les Juifs prospèrent partout, même en Laponie et en Sibérie. L'amour et la pitié, une classe dirigeante pensant correctement devrait les réserver exclusivement à ses compatriotes. A cet égard, le christianisme est un bon maître, car, dans l'amour du Dieu unique désigné par lui, il est le plus fanatique, le plus exclusif, le plus intolérant. L'amour de la classe dirigeante d'Allemagne doit s'adresser d'une manière aussi fanatique, exclusive et intolérante à ceux de ses compatriotes méritants qui accomplissent leur devoir envers la collectivité avec loyauté et courage. Quant à lui, c'est au fantassin allemand qui a dû tenir en première ligne durant le dernier hiver, que vont, avant tout, son affection, sa sympathie. Même pour choisir les chefs il faut considérer que la guerre, c'est également la vie, qu'elle constitue même la vie sous son empreinte la plus forte, la plus classique, et que seul peut devenir un chef celui qui a, dans une guerre, fait la preuve de ses qualités viriles. La force de caractère est, pour lui, supérieure à tout. Un caractère fortement trempé s'impose même avec un savoir peu développé. Les hommes au caractère le mieux trempé, les plus braves, les plus hardis, mais aussi les plus opiniâtres et les plus endurants, sont désignés pour commander dans la Wehrmacht. Mais il faut aussi des caractères semblables dans le gou277


HITLER CET INCONNU vernement, sinon on perd par la plume ce qu'on a conquis par le glaive. On pourrait presque dire qu'il faut à l'homme politique encore plus de courage qu'au soldat qui sort de sa tranchée pour aborder l'ennemi, car une décision courageuse prise par lui peut sauver la vie à une quantité de soldats. Aussi ne devrait-il jamais être pessimiste. Le mieux serait de tordre le cou à tous les pessimistes, car, au moment décisif, leur savoir n'aboutit qu'à des jugements négatifs (mon voisin me murmure que c'est une allusion à von Brauchitsch et à Haider). L'hiver dernier a justement montré qu'il fallait être un grand optimiste pour ne pas échouer quand on possède un grand savoir, car ce savoir suggérait une quantité de situation analogues qui s'étaient terminées par un désastre. Cela permit de faire une constatation : en temps de crise, les érudits font passer trop facilement la girouette du positif au négatif et se trouvent réguluèrement soutenus dans leur irrésolution par le sentiment populaire. Mais l'optimiste, même s'il ne possède pas un aussi grand savoir, trouve toujours une issue dans son subconscient ou dans sa saine raison. Dieu soit loué ! Les optimistes constituent la grande majorité dans notre peuple. C'est d'ailleurs là-dessus que l'Eglise a monté son affaire. Car, tout compte fait, son enseignement n'est qu'une indication aux optimistes qu'une vie encore plus riche de promesses suit celle-ci s'ils se rangent à temps du côté de la bonne confession. Mais, surtout, en face de l'éternel objectivisme de l'homme, la véritable optimiste est la femme qui, dès les premières semaines, reconnaît en son enfant toutes les capacités et ne cesse plus jamais d'y croire.

64.

Soir. LA PRUSSE ORIENTALE ET LES AUTOROUTES VERS L'EST

Au dîner, le Chef indique qu'il faudra donner à l'Est allemand toute une série de jolies villes neuves, car il ne convien278


HITLER CET INCONNU drait pas que seuls l'ouest et le sud possèdent des centres vraiment attirants. Un fait montre combien la Prusse-Orientale restait écartée, en 1914, du reste de l'Allemagne : ses habitants ne surent rien de la crise ouverte par l'invasion russe et, en dehors de la victoire de Tannenberg, continuèrent à tout ignorer de la situation. Aujourd'hui encore, alors qu'on va, sans y attacher d'importance, de Berlin à Munich, le voyage de Berlin à Königsberg paraît une expédition ! Il faut donc rapprocher l'est par la construction de belles autoroutes qui conduiront à des lieux intéressants, attirants, comme les villes baltes de Riga et de Revel, ou bien Novgorod. 11 faut également que les officiers et les fonctionnaires cessent de considérer une affectation à l'est comme un exil.

65.

5/4/1942 (midi) L'ESPIONNAGE ÉCONOMIQUE COLLABORATION DE HITLER AVEC LES SOVIÉTIQUES LE NOBLE PEUPLE FINLANDAIS LENINGRAD ET LA FAMINE DE 1941-42

Au déjeuner, le Chef charge M. le professeur Morell de veiller que les Français ne produisent plus, sous une autre forme, la « Germanin » trouvée par les Allemands après une recherche de plusieurs années. Le traité de paix devra comprendre une clause interdisant aux Français d'exploiter les brevets qu'ils se sont assurés par le Diktat de Versailles. D'autre part, il est stupide de communiquer à l'étranger nos procédés de fabrication par le système des licences. Même le Brésil, qui n'a à son crédit aucune invention particulière, croit pouvoir profiter des circonstances pour suspendre la protection des brevets et utiliser les nôtres sans frais. Le Chef désire donc qu'à l'avenir, tous les brevets allemands demeurent secrets. Il a déjà remarqué depuis longtemps que divers peuples, par 279


HITLER CET INCONNU exemple les Russes et les Japonais, qui n'ont eux-mêmes réalisé aucune découverte importante, quand ils désirent fabriquer un article déterminé, disons une machine-outil, en font venir un modèle d'Amérique, un d'Angleterre et un d'Allemagne, s'en procurent les plans si possible, et, en se servant des trois, en construisent un qui est naturellement meilleur. Une année de collaboration avec les Soviétiques lui a montré jusqu'à quel point cette impudence pouvait aller. Utilisant sans vergogne la situation difficile où il se trouvait, ils ont demandé à lui acheter des appareils d'observation pour l'artillerie, des croiseurs, voire des cuirassés entiers, avec les plans. Comme tout était alors pour lui en équilibre sur une lame de couteau, il dut leur livrer un croiseur lourd. Dieu merci, il put le leur fournir sans artillerie en retardant la livraison des pièces détachées. Il fit alors une expérience qui restera à tout jamais une leçon pour lui : quand les techniciens russes vinrent chez nous pour acheter une machine et qu'on leur eut tout montré dans l'usine intéressée, ils insistèrent pour voir un modèle démonté, dans un coin précis d'un hall déterminé, dont ils donnèrent tous les détails. Grâce à l'organisation du communisme, ils disposaient donc d'un réseau d'espionnage très développé qui, dès cette époque, leur valait les meilleurs résultats. Au déjeuner, le Chef parle de la lutte héroïque soutenue par les Finlandais. Après leur première guerre avec les Russes (1), les Finlandais vinrent le trouver pour lui demander de devenir un protectorat allemand. Il ne regrette pas d'avoir refusé, car la conduite héroïque de ce peuple, qui, au cours de six siècles, a fait la guerre pendant cent ans, est digne des plus grands éloges. Il vaut beaucoup mieux se faire un allié de ce vaillant peuple que de l'incorporer dans le Reich germanique, car il en résulterait certainement des difficultés. Avoir les Finlandais sur un flanc et les Turcs sur l'autre constitue pour nous la solution politique idéale. (1) Guerre russo-finlandaise du 28 novembre 1939 au 12 mars 1940.

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HITLER CET INCONNU Indépendamment de ces considérations, la Carélie et le climat de tout le pays ne nous conviennent pas à nous autres, Allemands. Lorsque lui, le Chef, alla y rendre visite à nos braves soldats et s'entendit demander par eux ce qu'il comptait faire de ce pays stérile, que même les Russes n'avaient pas tenté de coloniser, il dut se joindre à leurs lamentations. Pour la Norvège, il en va autrement, car le voisinage du Gulf Stream lui confère un climat plus favorable. Le Reichsführer des S.S. ne doit donc pas s'imaginer qu'il remplacera les colonies pénitentiaires soviétiques du canal de Moursmansk par les détenus des camps de concentration, car lui, le Chef, compte employer cette main-d'œuvre pour construire dans le vaste espace russe les usines d'armement nécessaires. D'ailleurs, cet espace russe qui passera sous notre souveraineté nous posera des problèmes qui nous donneront de la besogne pour les prochains siècles. Dans la région centrale, il faudra tout d'abord planter des roseaux, etc., dans les immenses marais de manière à endiguer, pour les hivers futurs, les attaques de l'extraordinaire froid russe. D'autre part, il faudra faire de grandes plantations d'orties sélectionnées, car une firme de Hambourg est parvenue à confectionner, avec la fibre de cette plante un textile très supérieur au coton par la qualité. Finalement, il est impératif de reboiser l'Ukraine pour arrêter les pluies torrentielles qui y constituent un véritable fléau. Le Chef attribue aux chasseurs le fait que 37 % du sol de l'Allemagne restent boisés, alors que, par exemple, on a détruit les forêts tout autour de la Méditerranée sans se rendre compte de leur utilité. La question de savoir ce qu'il adviendra de Leningrad ayant été posée, le Chef répond : Leningrad doit disparaître. Comme l'a déclaré un de nos trois invités d'aujourd'hui qui viennent de recevoir la Croix de chevalier avec feuilles de chêne, la population est déjà tombée à deux millions d'âmes sous l'effet de la famine. Quand on considère que, d'après le rapport de l'ambassadeur turc en Russie, il n'y a plus rien de convenable à manger même dans la ville diploma-

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HITLER CET INCONNU tique (1), et que les Russes ne vivent plus que de viande de cheval crevé, on peut imaginer dans quelle proportion cette population décroîtra encore. L'artillerie et les bombardiers ont déjà largement contribué à la destruction de la ville. A l'avenir, la Neva constituera la frontière entre la Finlande et nous. Même les ports et les chantiers de Leningrad doivent disparaître, car la Baltique doit devenir une mer intérieure allemande et personne d'autre que nous ne peut y dominer. Il faut s'assurer une fois pour toutes qu'il ne subsistera aucun grand port à la périphérie de notre Reich. Indépendamment de cela, nos besoins maritimes seront largement satisfaits par le développement de nos propres ports et des ports baltes ; nous n'aurons aucunement besoin de celui de Leningrad qui gèle pendant la moitié de l'année. Soir.

66. LES TRAITÉS IMPOSÉS PROVOQUENT DES TOURS DE PRESTIDIGITATION. NOUVEL ORDRE EUROPÉEN PAR LA CRÉATION D'UN REICH AVEC INCORPORATION DE LA NORVÈGE, DE LA HOLLANDE, DE LA POLOGNE ET DE LA TCHÉQUIE ?

Au dîner, le Chef parle, en termes très défavorables, de l'attitude des autorités centrales lors de la catastrophe de 1918-1919. De nombreux industriels s'efforçèrent, à l'époque, de soustraire ^ la connaissance de l'ennemi des armes créées après de longues et dures recherches. Ils ne rencontrèrent aucun appui auprès des autorités centrales, se trouvèrent placés dans des situations extrêmement difficiles et furent même accusés de trahison. On ne peut plus savoir si, pour exécuter le Diktat de Versailles, on livra 50 000 ou seulement 30 000 canons. Le Chef admet que la trahison était alors fort répandue en Allemagne. Mais les autorités auraient dû traiter les traîtres comme Pöhner et Frick (1) Kouibychev (Samara), sur la Volga, où le gouvernement soviétique et le corps diplomatique s'installèrent à partir d'octobre 1941.

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HITLER CET INCONNU le firent à Munich. Lorsque, grâce aux microphones installés dans les logements de la Commission ennemie de désarmement, ils apprenaient qu'un traître essayait de lui communiquer des renseignements, ils envoyaient des policiers — qui se donnaient pour des Français — pour le chercher et l'arrêter aussitôt. Le traité de Versailles offrait lui-même des possibilités si l'on avait sérieusement voulu freiner le désarmement. Qui aurait pu nous empêcher de construire un grand nombre de vedettes rapides, le Diktat n'imposant aucune limite pour des unités de ce tonnage ? Pour les autres navires de guerre, on aurait pu leur donner un déplacement plus considérable que celui qu'on était obligé de déclarer officiellement. Personne n'eut remarqué, par exemple, que le tirant d'eau d'un croiseur lourd ne répondait pas du tout à la déclaration officielle. De même, l'armée de 100 000 hommes aurait pu être constituée en une pure école d'officiers et de sous-officiers, et le temps de service réduit de quelques années, de sorte qu'on aurait pu entraîner suffisamment de soldats pour disposer d'une armée de 800 000 à 900 000 hommes en cas de nécessité. Seulement, il ne fallait pas, bien entendu, charger des froussards de le faire. Lorsque lui, le Chef, décida de reprendre la fabrication des pièces de 210 mm, un de ces froussards réduisit à six la commande de soixante canons ordonnée par lui. Il dut faire comprendre une fois pour toutes à ces messieurs que, quand on décide de violer une prescription de traité, l'ampleur de cette violation n'a aucune importance. Personne n'aurait pu, de même, nous empêcher de construire des abris en béton à la frontière franco-allemande, en les présentant comme des caves d'asiles pour enfants, d'hôpitaux, etc. En cas de guerre, nous eussions immédiatement disposé d'un système d'abris analogue à notre Westwall actuel. Aujourd'hui, nos autorités militaires ont à s'assurer que les Français ne se livrent pas à des travaux de ce genre. On leur a rapporté que l'amiral Darlan, le vice-chef d'Etat, aurait déclaré, dans son appel aux Français, parmi une quantité de choses inoffensives, qu'un des buts de sa politique serait de prendre des précautions pour l'avenir. Le Chef n'a malheureusement pas encore eu l'occasion de lui 283


HITLER CET INCONNU demander la signification de cette déclaration mystérieuse (1). Le cas échéant, il lui aurait signalé que c'était là un domaine où lui-même se mouvait depuis le début de son combat et que ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces ! Pendant les cinquante prochaines années, la tâche de la France sera avant tout de s'acquitter de la dette de Versailles. Au dîner, le Reichsführer S.S. déclare que, à son avis, la façon de régler au plus vite le problème français consisterait à donner, chaque année, un coup de filet dans la population germanique de la France. Il faudrait essayer d'envoyer, dès l'âge tendre, les enfants de cette couche dans nos internats où on leur apprendrait à se dépouiller de leur nationalité française, acquise par hasard, à se réclamer de leur sang germain et à s'intégrer ainsi dans le grand Reich germanique. Le Chef déclare ne pas être très partisan des tentatives de germanisation si elles ne sont pas assurées idéologiquement. En ce qui concerne la France, il faut penser que sa réputation militaire n'est pas due à l'état d'esprit du gros de sa population, mais simplement au fait qu'elle a su profiter, sur le continent, de constellations militaires qui lui étaient favorables (par exemple lors de la guerre de Trente Ans). Chaque fois qu'elle s'est trouvée devant des Allemands résolus, elle s'est fait rosser, sous Frédéric le Grand, en 1940, etc. Le fait qu'un génie militaire comme le Corse Napoléon ait pu la conduire à de grandes victoires historiques n'y change rien. La massse des Français tend à s'embourgeoiser, de sorte que si l'on enlevait la descendance germanique dans sa classe dirigeante, ce serait déjà un coup très dur pour la France. Le Reichsführer S.S. parle ensuite de ses rapports avec Mussert, le chef des nationalistes hollandais. Il a compris que celui-ci cherchait à reprendre sa légion. Mussert lui a déclaré qu'il avait (I) Le dernier entretien entre Hitler et Darlan eut lieu le 11 mai 1941. L'amiral — en liaison avec le soulèvement antibritannique en Irak et l'aide apportée par la France à l'Allemagne en Syrie — avait ouvert l'espoir d'une collaboration franco-allemande. Mais il avait démissionné depuis et fondé ses espérances sur la politique américaine. Après son départ du gouvernement, le 18-4-42, il demeura commandant en chef des forces françaises et successeur désigné du maréchal Pétain.

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HITLER CET INCONNU besoin de cette légion hollandaise, actuellement sur le front oriental, pour soutenir militairement sa prise du pouvoir en Hollande. Himmler ne lui a laissé aucun espoir à cet égard et, au contraire, lui a signalé que, après la guerre, la Hollande ne pourrait avoir qu'un nombre de soldats égal à celui des légionnaires qui auraient combattu sur le front oriental, qu'elle n'aurait pas besoin d'une armée, la défense de son territoire demeurant exclusivement de notre ressort. D'autre part, il ne serait pas nécessaire d'entretenir une grande armée fédérale dans un but de représentation. Mussert, dit le Chef, lui a fait une déclaration assez remarquable au sujet du serment prêté par les légionnaires. Le Chef lui demanda alors s'il croyait qu'il avait lui-même, de gaieté de cœur, partagé sa patrie, l'Autriche, en plusieurs petits gaue en vue de faire disparaître les tendances séparatrices et de faciliter l'intégration dans le Reich germanique. Après tout, l'Autriche possédait une histoire de plus de cinq siècles avec des périodes d'une véritable grandeur. 1l faut, bien entendu, se montrer extrêmement prudent quand on discute ces questions avec des Hollandais et des Norvégiens. On doit se souvenir qu'en 1871, la Bavière ne nourrissait nul désir de s'associer à la Prusse ; il fallut toute l'adresse de Bismarck pour l'amener à entrer dans le cadre de la grande Allemagne. En 1938, le Chef n'a pas dit aux Autrichiens qu'il voulait les fondre dans l'Allemagne, mais a bien souligné au contraire qu'il désirait les fondre ainsi que les Allemands dans le grand Reich germanique. Il faut donc bien montrer aux Germains du nord-ouest et du nord qu'il s'agit d'un Reich germanique, d'un « Reich » tout court, où l'Allemagne constitue seulement la principale source de force idéologique et militaire. Le Reichsführer S.S. remarqua, à l'appui de cette façon de voir, que, actuellement, tous les gens vivant en Hollande ne se sentent pas liés par un sentiment bien net d'unité. Les Frisons, par exemple, ne se sentent pas attachés par le sang aux autres Hollandais et on ne perçoit pas chez eux une conscience nationale, fondée sur l'idée incontestée d'un Etat hollandais. A son avis, les Frisons hollandais préféreraient s'unir aux Frisons établis en deçà de l'Ems, auxquels ils sont rattachés par le sang. Le maréchal Keitel le confirme d'après son expérience personnelle 285


HITLER

CET INCONNU

et signale que les Frisons d'en deçà de l'Ems désirent ardemment constituer une région administrative ethnique avec ceux d'au-delà de l'Ems. Le Chef y réfléchit pendant un moment puis déclare que, dans ce cas, il faudra réunir dans une même province les Frisons des deux rives de l'Ems. Il faudra le dire à Seyss-Inquart (1) Le Reichsführer S.S. parle ensuite de la création en Hollande de deux établissements d'enseignement nationaux-socialistes pour les garçons et d'un troisième pour les filles, entrant sous l'appellation, approuvée par le Führer, de « Reichsschulen. » Les élèves se composeront pour un tiers de Hollandais, d'Allemands pour les deux autres. Après un certain temps de formation, les Hollandais passeront aussi dans les Napolas allemandes (2). En vue d'assurer que l'enseignement dans ces écoles sera bien conforme à l'idée de Reich germanique, le Reichsleiter S.S. n'a pas voulu accepter d'argent hollandais pour la construction de ces établissements ; le financement sera effectué exclusivement par la trésorerie du N.S.D.A.P. Si nous voulons empêcher que du sang germanique pénètre dans la classe dirigeante des pays régis par nous et agisse ensuite contre nous, il faudra, à la longue, soumettre à une telle formation tous les possesseurs de sang allemand présentant quelque valeur. Le Chef souligne la justesse de cette idée. Il ne faut à aucun prix commettre la faute de vouloir éduquer par !a seule Wehrmacht allemande les éléments qui nous paraîtront avoir quelque valeur dans les autres pays sans s'être assuré qu'ils sont bien acquis, par une instruction préalable, à l'idée du Reich germanique. Aussi regarde-t-il avec scepticisme l'engagement de légions étrangères sur notre front oriental. Il faut toujours conserver à l'esprit que chacun de ces légionnaires, s'il n'est pas pénétré de l'idée que le Reich germanique constituera la nouvelle « Europe » unifiée, doit avoir le sentiment de trahir son pays. La chute de la monarchie danubienne montre bien le danger qui menace. Elle aussi avait cru qu'elle se gagnerait les autres peuples, par exemple les Polonais, les Tchèques, etc., en les for(1) Commissaire du Reich aux Pays-Bas. (2) Nationalpolitische Erziehungsanstalten ment nationaux).

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(Établissements

d'enseigne-


HITLER CET INCONNU mant militairement dans l'armée autrichienne. Au moment décisif, il lui fallut constater que c'étaient justement ces hommes qui portaient le drapeau du séparatisme. Aussi ne faut-il pas essayer de constituer le Reich germanique sous l'ancien drapeau allemand. Pas plus que la Bavière n'est entrée dans l'empire en 1871 sous le drapeau prussien, nous ne pourrons unir les peuples germaniques sous celui, noir-blanc-rouge, de l'ancien Reich. C'est pourquoi le N.S.D.A.P., champion de la réunion de tous les Germains, a donné d'avance le nouveau symbole sous lequel ceux-ci pourront s'unir : le drapeau à croix gammée. Le Chef met spécialement en garde contre une grosse germanisation des Tchèques et des Polonais. Le Reichsführer S.S. observe, à ce sujet, qu'il a fait prendre en tenaille par des populations allemandes la nation polonaise, historiquement la plus tenace, afin de la neutraliser. Il a convenu avec Frank, gouverneur général de Pologne, que la province de Cracovie avec sa capitale purement allemande (1), et celle de Lublin, seraient colonisées par des Allemands. A partir de ces deux bastions, on refoulera lentement les Polonais. Il ne peut être question de traiter les Polonais avec indulgence, déclare le Chef. Sinon on referait la même expérience qu'après tous les partages historiques de la Pologne. Si la nation polonaise a réussi à survivre, c'est parce qu'elle a pu ne pas prendre au sérieux les Russes comme maîtres et qu'elle est parvenue, face aux Allemands, à se ménager une position qui en fit un facteur important de notre politique intérieure, courtisé principalement par le catholicisme politisé. Il faut veiller avant tout que des Allemands ne se mélangent pas aux Polonais et n'apportent ainsi un nouveau sang germanique à la classe dirigeante de ceux-ci. Le Reichsführer S.S. a parfaitement raison de souligner que les généraux polonais qui offrirent une résistance sérieuse en 1939, étaient presque exclusivement de sang allemand. C'est une expérience déjà vieille : les descendants allemands les plus capables s'insèrent dans la classe dirigeante du pays où ils se trouvent et perdent leur caractère

(1) Il y a manifestement une erreur d'audition, car c'est faux, bien entendu.

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HITLER CET INCONNU allemand ; dans les minorités qui subsistent et se réclament du sang allemand, ne restent que les médiocres. La même prudence qu'envers les Polonais doit être observée envers les Tchèques qui sont entraînés, depuis plus de cinq siècles, à jouer les sujets sans éveiller la méfiance. Au temps de sa jeunesse, de nombreux Tchèques arrivaient à Vienne, en apprenaient très vite le dialecte, puis s'insinuaient aux premiers postes de l'Etat, de l'économie, etc. On ne devra jamais perdre de vue que cette guerre ne pourra être gagnée en temps de paix que si le « Reich » se conserve racialement pur, car notre force, par exemple envers les EtatsUnis dont la population ne sera plus guère supérieure à la nôtre, résidera dans le fait que notre noyau racial sera beaucoup plus développé, étant germanique aux quatre cinquièmes.

67.

CONSULS, TITRES ET DÉCORATIONS

6/4/1942, midi.

Au déjeuner, le Chef se plaint de la façon défectueuse dont sont choisis nos consuls. Le plus souvent, les intérêts allemands sont confiés à des consuls qui s'intéressent seulement au titre et à certaines affaires et pas du tout aux aspirations allemandes ni aux Allemands de l'étranger. Aussi, faudra-t-il après la guerre, remanier radicalement le système. Il est assurément onéreux de constituer à l'étranger, sur le modèle anglais, des représentations diplomatiques constituées par des gens compétents et bien payés, mais le succès justifie la dépense. La mission du diplomate consiste, en effet, à orienter les intérêts allemands dans le bon sens et à inciter la direction, par des rapports judicieux, à prendre les mesures nécessaires. Avec des représentations diplomatiques fonctionnant bien on pourra également se passer d'un grand organisme central à Berlin et n'y employer qu'un faible personnel. Le Chef s'était demandé si l'attribution de décorations allemandes à des étrangers donnait des résultats particulièrement 288


HITLER CET INCONNU intéressants. L'ambassadeur Hewel n'ayant pu l'affirmer de façon nette, il a lui-même étudié le problème. Après tout, les décorations — celles avec des brillants exceptées — coûtent seulement de 2,50 à 25 R.M. alors que les étuis à cigares en or que nous donnions jusqu'ici en valaient 670. Malgré cette moindre valeur, les décorations obtiennent de bien meilleurs résultats, car les hommes en sont aussi avides que de titres. Il faut en tenir compte, même si cela ne paraît pas juste. En tout cas, il n'est nullement partisan de faire des affaires avec des titres, de dire, par exemple : pour 100 000 R.M. nous vous nommerons vice-consul, pour 500 000 consul et pour 1 000 000, consul général. L'Allemagne impériale crut se procurer des revenus supplémentaires en vendant ainsi des titres de conseillers commerciaux. Mais il faut être très prudent dans l'attribution des titres et des décorations si l'on désire leur conserver de la valeur. C'est ce que le vieux Fritz fit avec le Conseil d'Etat prussien, ce produit d'une misérable tentative de renaissance prussienne, quand il voulut insuffler de l'énergie à ce corps inerte.

68.

7/4/1942 RENONCEMENT DE HITLER A AVOIR DES ENFANTS LES RÉVOLUTIONS ET LEUR RÉPRESSION L'ÉGLISE ET L'ÉTAT

Le Reichsleiter Bormann est parti hier midi, en avion, pour Berchtesgaden où sa femme vient de lui donner un neuvième enfant — un garçon. Le Chef lui en a accordé la permission en déclarant qu'il devait « se sentir bien heureux » ! Une larme furtive a montré combien il lui en coûtait, à lui-même, de renoncer au bonheur d'être père de famille. D'autre part, une quantité de membres du Q.G. sont partis en vacances pour Pâques et, en dehors du ministre des Affaires étrangères, nous n'avons reçu aucun invité de qualité particulière. Hier soir, le Chef a dîné en tête à tête avec le ministre des Affaires étrangères dans son bunker. 289 10


HITLER CET INCONNU Soir. Au dîner, le Chef parle de la révolution de 1918-1919. Quand on l'étudié attentivement, on constate qu'elle ne fut inspirée par aucun motif idéologique, mais menée principalement par des canailles à peine sorties de prison ou d'établissements pénitentiaires. En relisant les rapports sur le déroulement de la révolution à Cologne, à Hambourg, ou ailleurs, on s'aperçoit que le prétendu mouvement populaire était devenu du vol, du pillage, tout ce qu'il y a de plus ordinaire. On ne peut donc éprouver que du mépris pour les lavasses qui cédèrent devant cette chiennerie. Si une révolte se déclarait aujourd'hui en quelque endroit du Reich, il réagirait immédiatement de la façon suivante : a) Le jour même où serait connue la nouvelle, il ferait arrêter chez eux et exécuter tous les meneurs des courants d'opposition, y compris ceux du catholicisme politique. b) Tous les détenus des camps de concentration seraient fusillés dans les trois jours. c) Tous les éléments criminels, qu'ils fussent en prison ou en liberté, seraient également arrêtés, d'après des listes préparées à l'avance, et exécutés dans les trois jours. L'élimination de ces quelques centaines de milliers de personnes rendrait inutile toutes les autres mesures, car la révolte s'éteindrait d'elle-même faute d'éléments et de complices pour la nourrir. Il trouverait la justification morale de ces exécutions dans le fait que tous les idéalistes allemands exposent leur vie au front ou bien travaillent de toutes leurs forces à la production des armements pour assurer la victoire de l'Allemagne. Il est vraiment scandaleux, dit le Chef au dîner, que les églises du Reich reçoivent des subventions de l'Etat extraordinairement élevées, contrairement à ce qui se passe dans les pays expressément catholiques, l'Espagne exceptée. S'il ne se trompe pas, les églises reçoivent encore aujourd'hui neuf cent millions de R.M. Pour ce prix-là, la prêtraille consacre la plus grande partie de son activité à saper la politique nationale-socialiste ; dans les périodes de tension nationale, l'Eglise 290


HITLER CET INCONNU catholique a toujours essayé d'acquérir des positions de force aux dépens de la collectivité allemande. La misère de l'empereur et de l'empire n'a jamais constitué, pour les calotins, l'occasion de manifester des sentiments patriotiques, mais au contraire a toujours été l'occasion d'avancer leurs affaires égoïstes. Aussi est-il vraiment déplorable qu'un homme aussi fort que Luther, qui ébranla l'Eglise catholique jusque dans ses fondements, n'ait trouvé que des épigones pour successeurs. Sinon l'Eglise catholique n'aurait jamais pu retrouver en Allemagne ces assises relativement solides qui lui ont permis de se prolonger jusqu'à notre temps. Il se demande sérieusement si les millions donnés aux églises ne seraient pas mieux employés à construire (à l'est) des fermes de paysans-soldats. D'après Himmler, une telle ferme avec tout le matériel nécessaire, coûterait 23 000 R.M. On pourrait ainsi en donner plus de trois mille par an aux militaires qui, après douze années de service, adopteraient la carrière de paysan. Ces militaires devraient, au préalable, s'engager à n'épouser que des filles de paysan. Au cours de leur dernière année de service on les enverrait dans une école agricole, dans la région où ils compteraient s'installer, afin de leur donner une formation convenable. Ces écoles sont indispensables, car, dans le Reich futur, les conditions d'exploitation seront si différentes que chaque région nécessitera un enseignement particulier. L'Eglise catholique ne devrait pas recevoir une subvention supérieure à cinquante millions. Le mieux serait de la verser aux prélats qui en assureraient la répartition, seul moyen de donner à cette répartition un caractère « juste », « officiel ». Avec ces cinquante millions, on obtiendrait plus qu'avec les neuf cents d'aujourd'hui, car, les prélats pouvant disposer de cette somme selon leur bon plaisir, lui lécheraient les bottes, à cause d'elle, comme l'apprend l'expérience de l'Histoire. Si l'on peut acheter des prélats avec de l'argent, il faut le faire. Il n'y a plus rien à craindre, pense-t-il, d'un prince de l'Eglise qui entend jouir de la vie. Seuls les ascètes fanatiques, aux yeux creux, sont à redouter. Après la guerre, il prendra des mesures qui gêneront considérablement l'Eglise catholique pour se gagner la jeune généra-

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HITLER CET INCONNU tion. Il ne permettra plus, par exemple, que des enfants se destinent à entrer dans les ordres dès l'âge de dix ans parce qu'ils ignorent encore à quoi ils se condamnent avec le célibat, etc. On ne pourra entrer dans les ordres qu'à vingt-quatre ans sonnés et après avoir servi au Front du Travail et dans l'Armée. Celui qui acceptera alors le célibat pourra devenir prêtre. Il y a même des fous qui proposent d'obliger les dirigeants du Parti au célibat ! A cet égard, il est intéressant de savoir comment les couvents se sont remplis jusqu'ici. Les femmes y sont surtout conduites pour des raisons sentimentales. Les hommes, pour la plupart, y sont poussés non par le sentiment ou la raison, mais par une détresse quelconque. Lors du procès des couvents (1), on constata que des chômeurs y étaient entrés et que, plus tard, ayant voulu s'en échapper, ils furent repris et ramenés par les frocards. On devra donc se réjouir de ce que, par la dissolution des couvents, de nombreux hommes capables et désireux de travailler, pourront recouvrer leur liberté. Cette dissolution ne présentera pas de bien graves difficultés, car la plupart possèdent la personnalité civile, on peut donc les liquider par contrat avec le supérieur. Il suffit de lui assurer une rente mensuelle de 500 R.M. et une de 200 ou 100 R.M. à ses plus proches collaborateurs, pour qu'ils soient prêts, dans la plupart des cas, à abandonner leur existence monacale. Dans l'ancienne Autriche, on liquida ainsi un millier de couvents. Il est regrettable de ne pouvoir, dans une explication avec l'Eglise catholique, considérer l'Eglise évangélique comme un adversaire de même taille. Il a pu le constater, de ses yeux, lors de la réception diplomatique annuelle. Le nonce et l'évèque qui l'accompagnent sont si splendidement vêtus qu'ils représentent l'Eglise catholique avec énormément de dignité. Les représentants de l'Eglise évangélique ont des faux cols de propreté douteuse, des redingotes fripées ; ils détonnaient tellement qu'il leur fait savoir, la première fois, qu'il était disposé à leur payer un cos(I) 1935-36, Le régime exploita de prétendus trafics de devises et des cas d'homosexualité pour dénigrer l'Église catholique,

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HITLER CET INCONNU tume convenable, aux frais de l'Etat, pour la réception suivante. Ces représentants sont tellement mesquins qu'ils essayèrent de noircir l'évêque national évangélique à ses yeux en venant lui raconter que celui-ci avait dépensé 1400 R.M. pour se faire aménager une chambre à coucher et un salon d'attente. S'ils avaient reproché une dépense de 30 000 R.M. à l'évêque national, pape de l'Eglise évangélique, leur répondit-il, il les aurait compris et eût pris ces frais à la charge de l'Etat. Mais, en s'exprimant ainsi, ils se jugeaient eux-mêmes. Ces hommes ne sont pas de taille à faire de l'Eglise évangélique un adversaire valable pour l'Eglise catholique. A l'époque de la lutte pour la déposition de l'évêque national, Goering fit noter un coup de téléphone du pasteur Niemöller (1) qui, parlant de Hindenburg, déclarait : « Nous avons donné l'extrême-onction au Vieux. Nous l'avons si bien graissé qu'il peut maintenant rendre son âme de paillard. » Niemöller s'étant présenté le même jour pour demander au Führer, avec des paroles hypocrites et force citations de la Bible, d'intervenir contre l'évêque national, il fait lire par Goering ce coup de téléphone. Goering se tenait, les jambes écartées, comme Bismarck lors de la proclamation de l'Empire à Versailles. Les représentants de l'Eglise évangélique se recroquevillèrent alors tellement, de frousse, qu'il n'en resta presque plus rien. Le président von Hindenburg, à qui il rapporta l'incident aussitôt après, tira alors un trait sur toute l'affaire en disant : « Le moindre curaillon s'imagine être un pape. »

69.

8/4/1942 (midi). LES FICELLES DES CAMPAGNES ÉLECTORALES

Au déjeuner, le Chef parle de ses luttes politiques. Au début de sa campagne, il donna comme mot d'ordre qu'il s'agissait de gagner à son idéologie non pas les bourgeois, pleins de lâcheté, qui n'aspirent qu'au calme et à l'ordre, mais la classe ouvrière. (1) Pasteur à Berlin-Dahlem, ancien commandant de sous-marin.

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HITLER CET INCONNU Les premières années de lutte furent donc consacrées à convertir les travailleurs au national-socialisme. Les moyens suivants furent employés : 1. Les affiches furent imprimées en rouge écarlate, comme celles des partis marxistes. 2. Il fit circuler des camions couverts de ces affiches, arborant des drapeaux rouges et munis de haut-parleurs. 3. Il veilla que les partisans du mouvement vinssent aux réunions sans cravate et sans faux col, sans soigner leur tenue, afin d'éveiller la sympathie des travailleurs manuels. 4. Il essaya d'effrayer par une propagande tapageuse et la tenue débraillée des assistants aux réunions, les éléments bourgeois qui — sans être des fanatiques — voulaient adhérer au N.S.D.A.P., afin de ne pas laisser entrer de telles poules mouillées dans les rangs du mouvement. 5. II fit expulser sans douceur les adversaires politiques par l'équipe de protection des salles pour que la presse adverse — qui, autrement ne soufflait mot des réunions — attirât l'attention sur celles-ci en signalant ces mauvais traitements. 6. Il envoya quelques orateurs dans les cours oratoires des autres partis, de façon à connaître les thèmes qu'on y développait et à pouvoir, dans les réunions contradictoires, les réfuter avec pertinence. Il se débarrassait des femmes qui parlaient pour le camp marxiste en déclarant qu'elles avaient des bas percés ou des enfants pouilleux, etc., ce qui les rendait ridicules. C'était la meilleure façon d'agir contre elles, car aucune femme n'est accessible à un argument raisonnable, et les faire expulser par le service de protection aurait pu aliéner l'assistance. 7. Surtout, dans les réunions contradictoires, il parlait toujours librement et faisait pousser, par des membres du Parti, des cris qui — paraissant exprimer des sentiments d'auditeurs — appuyaient ce qu'il disait. 8. Lorsque des policiers assuraient la garde de la salle, il chargeait des femmes d'attirer leur attention sur des adversaires politiques, voire des inconnus, placés près de l'entrée, parce que, en pareil cas, ils agissent absolument sans sentiment ni raison, comme des chiens soudainement lâchés, et qu'on peut ainsi s'en débarrasser parfois complètement. 294


HITLER CET INCONNU 9. Il faisait disperser des réunions d'adversaires par des membres du Parti qui se donnaient pour des pacificateurs et, sous ce masque, déclenchaient des bagarres. Grâce à ces moyens il parvint si bien à se gagner les bons éléments de la classe ouvrière que, lors d'une des dernières campagnes qui précédèrent la prise du pouvoir, il put faire tenir jusqu'à 180 000 réunions. Julius Streicher (1) joua un grand rôle dans cette conquête de la classe ouvrière. On lui doit, en particulier, d'avoir enlevé la citadelle du marxisme, Nuremberg, bien que la population — dans la mesure où elle s'intéressait à la politique — se composât exclusivement de Juifs et d'ouvriers organisés dans les partis socialistes et communistes. En réservant ses invectives uniquement aux Juifs, il réussit à séparer les ouvriers de leur direction juive, bien que ce fussent, dans ce cas, des métallurgistes, c'est-àdire des hommes non dépourvus d'intelligence et fermement attachés au marxisme. Jamais il n'oubliera le service alors rendu par Streicher. Streicher était également un maître dans la tactique des réunions, il rendait non seulement ridicules mais impossibles les secrétaires syndicalistes qui lui apportaient la contradiction, et essayait, au contraire, de convaincre les ouvriers qui discutaient. 70.

9/4/1942,

C'est enfin le dégel. Le Chef en avait assez de voir éternellement de la neige. Après la guerre, dit-il, il demandera à Mussolini de mettre à sa disposition quelque coin de désert où il fera chaud et où i! pourra dresser sa tente pendant l'hiver. Sa première parole, en entrant, est : « Messieurs, voici le printemps ! » Cela le met d'excellente humeur. Pendant le repas, il observe que cette guerre, aura, comme la précédente, provoqué une vaste normalisation dans le domaine technique. Il ne faudra pas ensuite, comme après la précédente, (1) Le fameux gaufeiter de la Franconie centrale, éditeur du journal antisémite et ordurier Der Stürmer. Il n'était plus en place depuis 1940.

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HITLER CET INCONNU renoncer à celte normalisation, ce qui serait indésirable pour des raisons aussi bien militaires qu'économiques. En ce qui concerne l'économie, il suffit de montrer l'exemple des Etats-Unis d'Amérique. Les grandes usines d'automobiles se sont concentrées sur quelques modèles et les ont produits en série, de sorte que même un ouvrier a pu s'acheter une voiture sur ses économies. Nous, au contraire, nous avons construit modèle après modèle et constamment modifié celui qui existait pour tenir compte des demandes passagères du marché. Il en résulte qu'il nous faut une grande diversité de pièces détachées pour les moteurs alors qu'elles sont standardisées largement aux Etats-Unis. Pour des raisons militaires, il faudra limiter à dix ou douze modèles la production des automobiles après la guerre pour orienter le génie de nos inventeurs vers une large simplification des moteurs. La puissance de ceux-ci s'accroîtra non par la création de cylindres nouveaux mais par l'augmentation du nombre des cylindres standardisés. De même, il faut chercher à simplifier le tableau de commande. L'important est de trouver un moteur unique qu'on emploierait aussi bien pour les cuisines roulantes que pour les ambulances, les avions de reconnaissance, les tracteurs des canons d'infanterie. Le moteur de 28 CV de Volkswagen suffirait parfaitement à ces fins militaires. Cette guerre constitue aussi la preuve patente qu'en campagne, les grandes vitesses sont tout à fait superflues. Il faut nous débarrasser de toute cette folie de l'auto. Si les véhicules militaires les plus importants, même les cuisines roulantes, les ambulances, etc., peuvent rouler entre 10 et 20 km/h, cela suffit largement. Le moteur unique à rechercher doit remplir deux conditions : 1. Etre refroidi par l'air. 2. Etre facilement interchangeable. Cette interchangeabilité est nécessaire parce que — la guerre le démontre — il est plus difficile de se procurer des pièces détachées que de les prendre sur un véhicule dont le châssis est bousillé mais dont le moteur demeure intact. 296


HITLER CET INCONNU Il va de soi que la réalisation de ce moteur unique entraînera une large simplification des procédés de fabrication. Le Chef aborde brièvement le thème de la chasse. C'est une passion qui unit étroitement les chasseurs comme une francmaçonnerie moderne. De grosses firmes industrielles ont déjà acquis de grandes réserves pour pouvoir conclure des affaires avec des hommes politiques qui sont des chasseurs passionnés, car — comme l'a observé un jour l'ancien bourgmestre de Vienne, Neubacher — on peut tout demander à un chasseur en lui faisant miroiter la perspective de tirer quelque beau gibier.

71.

LE PETIT MOT « SI » EN POLITIQUE. FUSILLER, SEUL REMÈDE CONTRE LA PANIQUE SUR QUOI REPOSE LE MORAL D'UN PEUPLE ?

Soir.

L'ambassadeur Hewel ayant dit qu'à Berlin, on ne considérait pas l'ambassadeur Alfieri (1) comme particulièrement capable, le Chef répond que cet homme a si bien servi, en son temps, l'amitié germano-italienne, que ses faiblesses ne présentent, à côté, aucune importance. Lors de la crise de 1934, causée par la révolte nationale-socialiste en Autriche, Mussolini prit la seule décision fausse de sa vie en mobilisant contre l'Allemagne (2) et Alfieri opta pour celle-ci. Les gens qui mirent alors Mussolini en garde contre l'amitié trompeuse et les manigances des Français et de leurs amis italiens, et parvinrent à le faire renoncer à des mesures plus graves, furent bien peu nombreux. Alfieri en fut et il rendit alors un service inappréciable non seulement à l'Italie mais aussi à l'Allemagne, car celle-ci, désarmée, eût constitué pour les forces réunies de l'Italie, de la France et de l'Angleterre, un champ de (1) Dino Alfieri, ambassadeur d'Italie à Berlin de mai 1940 à juillet 1943. (2) Lors du putsch national-socialiste de Vienne (25-7-1934) au cours duquel le chancelier Dollfuss fut assassiné, Mussolini envoya deux corps d'armée à la frontière autrichienne pour manifester son désir de voir l'Autriche demeurer indépendante.

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HITLER CET INCONNU bataille où les destructions eussent été au moins égales à celles de la guerre de Trente Ans. L'homme politique doit donc avant tout être classé d'après sa valeur positive et jugé d'après ce qu'il a fait. En politique, il faut partir des faits réels, on ne peut jamais dire qu'il serait arrivé telle ou telle chose si les dirigeants avaient pris une autre décision ou si une guerre s'était terminée autrement. Par exemple, si la bataille des Champs catalauniques n'avait pas été une victoire de Rome sur les Huns, la floraison culturelle de l'Occident n'aurait jamais été possible et la civilisation eût connu un désastre comme celui dont nous sommes menacés de la part des Soviétiques. En politique il faut se déshabituer de prononcer ce petit mot « si ». Où en serions-nous aujourd'hui « si » les Tchèques étaient doués de quelque imagination et « si » les Polonais avaient le sens des réalités et plus d'application au travail ? C'est justement parce que le Polonais est un imaginatif et le Tchèque un réaliste, que nous avons pu si rapidement régler les nouveaux rapports dans l'ancienne Tchéquie et l'ancienne Pologne. Il est, de même, inutile de se demander ce qu'il se serait produit, « si » l'intervention de Mussolini n'avait pas stabilisé le front italien en Albanie (1). Tous les Balkans se seraient embrasés à un moment où nos forces n'avaient pas suffisamment progressé vers le sud-est. Le plus grave eût été qu'on n'aurait pu se fier aux assurances d'amitié des Russes. Vraisemblablement, nous n'aurions pu décider le roi de Bulgarie à laisser entrer nos commandos civils afin de préparer le déploiement de nos forces, car il est, de nature, non pas un loup, mais un renard et il ne se serait jamais exposé à un péril aussi grand. Le renard, comme on le sait, préfère les chemins où il peut, si nécessaire, effacer ses traces. Justement à l'occasion des difficultés rencontrées sur le front d'Albanie, le Chef s'était demandé ce qu'il fallait faire quand des (1) L'attaque inconsidérée de l'Italie contre la Grèce, le 28 octobre 1940, dont la responsabilité incomba presque entièrement à Mussolini, échoua très vite. Le repli précipité en Albanie (novembre 1940) faillit tourner à la catastrophe. La situation fut sauvée, non grâce à l'intervention de Mussolini mais parce que les Grecs ne disposaient pas de moyens suffisants.

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HITLER CET INCONNU unités militaires se repliaient sans ordre et refusaient de faire front. Il était arrivé à la conclusion qu'il n'y avait qu'une seule façon de réagir : fusiller. Fusiller non pas le petit fantassin, ce pauvre bougre qui supporte tout le fardeau de la guerre et doit en outre s'accommoder d'un ravitaillement insuffisant, de la vermine, etc., mais fusiller le chef le plus élevé en grade des troupes qui se replient, même s'il s'agit du général en chef. Il est vraiment curieux, observe le Chef au dîner, que des gens aussi chrétiens que les Anglais et les Américains, encaissent, malgré toutes leurs prières, de si rudes coups de la part de ces païens de Japonais. Manifestement, le Dieu de l'Eglise est avec le héros nippon et non avec la nurse anglaise ou américaine. Rien d'étonnant à ce que les Japonais, à cause de leurs conceptions religieuses, remportent de plus grands succès que les Anglais et les Américains chrétiens, car, chez eux, le peuple vénère avant tout le « héros » prêt à sacrifier sa vie pour l'existense et la grandeur de sa nation. Dans l'Eglise chrétienne, au contraire, la plus grande vénération va aux prétendus « saints » qui, par exemple, restent debout pendant des années sur une seule jambe, ou qui, au lieu de profiter des jolies filles, préfèrent coucher sur des épines. Il y a là, évidemment, quelque chose qui cloche, comme en tant d'autres points de l'Eglise. On ne peut donc s'étonner si le christianisme propagé par l'Eglise catholique prêche non pas l'optimisme mais le pessimisme et si les hommes, au lieu d'être exaltés par la promesse des félicités éternelles, comme dans la religion japonaise, sont tourmentés en permanence par la crainte de l'Enfer. On peut inspirer à un enfant, dès l'âge de trois ans, une angoisse qui persistera toute sa vie. Beaucoup d'adultes conservent une certaine peur des pièces sombres, de la nuit en général, parce que, dans leur enfance, on leur a dit que dans l'obscurité pouvaient se trouver un ogre, un voleur, etc. Il est difficile de débarrasser quelqu'un de telles craintes, et, pareillement, de la terreur de l'Enfer que l'Eglise catholique lui a instillée dans son bas âge. Tout homme raisonnable qui va une bonne fois au fond des choses, constate forcément que tout l'enseignement de l'Eglise n'est qu'une énorme stupidité. Comment l'homme pourrait-il être lardé, rôti et torturé en Enfer, 299


HITLER CET INCONNU alors que le corps, du simple fait de la décomposition naturelle, ne peut participer à une résurrection ? Quelle sottise de présenter le Ciel comme désirable alors que, d'après l'Eglise, n'y entrent que ceux qui ont raté leur vie, par exemple les arriérés mentaux. Quel plaisir aurait-on à y retrouver tous ceux dont l'imbécillité vous a écœuré dans la vie, bien que la Bible dise : « Heureux les pauvres d'esprit ! » Quel charme aurait-on à n'y rencontrer que des femmes laides et bêtes ? Car, nous dit-on, n'entrent au Ciel que ceux qui ont le moins possible de péchés sur la conscience. Quoique le nombre des péchés augmente à mesure qu'on avance en âge, il n'y a pas un ecclésiastique qui soit disposé à quitter la vie dès sa jeunesse, et même les cardinaux sexagénaires essayent de prolonger le plus possible leur séjour ici-bas. En considérant l'ensemble de la foi catholique, il faut constater qu'elle constitue un mélange incroyablement subtil de charlataneries et d'esprit pratique, exploitant le fait que l'homme s'accroche aux habitudes acquises. Un ecclésiastique intelligent ne peut vraiment pas croire aux sornettes qu'enseigne l'Eglise. La meilleure preuve est que l'Eglise catholique ne veut plus, aujourd'hui, entendre parler de l'escroquerie des indulgences. Beaucoup d'hommes raisonnables s'accrochent encore à l'Eglise simplement parce qu'ils pensent qu'il faut avoir un soutien dans la vie et que l'Eglise, tant qu'elle n'aura pas été remplacée, vaut tout de même mieux que rien malgré tous ses défauts. C'est oublier que la population respecte la morale à cause non de son éducation religieuse mais de l'influence des autorités. Si l'Eglise n'avait, conformément à sa doctrine, prêché que l'amour dans l'application de ses conceptions morales, elle ne serait certainement pas allée très loin. Aussi, conformément à son principe que la main droite doit ignorer ce que fait la gauche, a-t-elle fait respecter ses règles morales avec la plus grande brutalité — en particulier en brûlant des milliers de braves gens. A cet égard, nous sommes beaucoup plus humains que l'Eglise, car nous faisons observer le commandement : « Tu ne tueras point » en exécutant le criminel alors que l'Eglise, quand elle détenait le pouvoir exécutif, le torturait de cent manières, l'écartelait, etc. Maintenir la morale dans un peuple est une tâche que l'homme d'Etat peut accomplir aussi bien que n'importe quelle Eglise. Il 300


HITLER CET INCONNU lui suffit de donner force de loi aux conceptions morales admises par la couche la plus saine de ce peuple et d'engager nettement la force de l'Etat derrière ces lois. 72.

10/4/1942 (midi). LA MUSIQUE COMME APPAT DANS LA PROPAGANDE L'ART DE L'HOMME D'ÉTAT : « PARLER SANS RIEN DIRE » LA RICHESSE N'EST PAS UN MAL SOCIAL COURTOISIE ENVERS LES ÉTRANGÈRES

Au déjeuner, le Chef explique la différence qui doit exister entre la propagande intérieure et la propagande extérieure. Les émissions radiophoniques destinées à l'Angleterre doivent contenir beaucoup de musique convenant au goût anglais, pour que les auditeurs s'y habituent à prendre nos émissions quand les leurs ne leur donnent pas satisfaction à cet égard. Le bulletin de renseignements à leur intention doit se borner à citer des faits en s'abstenant de les commenter. Par exemple, les renseignements au sujet des intérêts d'affaires que la haute finance britannique possède dans certaines fabrications d'armements, dans le commandement et dans la façon de faire la guerre, doivent être donnés de façon que l'auditeur anglais puisse lui-même tirer ses conclusions. Une simple énumération des faits ne peut manquer de produire son effet conformément au principe : « Goutte à goutte l'eau creuse la pierre. » Bien entendu, en ce qui concerne notre peuple, nos émissions radiophoniques doivent accompagner les faits de commentaires pour bien faire comprendre leur signification à l'opinion, car des commentaires clairs et justes constituent la meilleure façon d'amener le peuple à développer encore son effort. En conséquence, le Chef recommande de toujours parler dans nos émissions de « ce poivrot de Churchill » et de « ce criminel de Roosevelt ». Aujourd'hui, j'assiste seulement au déjeuner du Chef. Au vu des dépêches, il constate que Cripps a échoué dans sa mission aux Indes — comme il s'y attendait et comme les adversaires anglais 301


HITLER CET INCONNU de Cripps le souhaitaient — du fait que le « Congrès panindien » a rejeté ses propositions. Le discours prononcé par Cripps à cette occasion est fort intéressant, il montre sa maîtrise dans l'art de « parler pour ne rien dire », art qu'on ne saurait trop recommander à tous les hommes politiques. Si l'Angleterre finit par perdre l'Inde, ses ploutocrates devront se serrer la ceinture d'un cran. Il ne faudrait pas conclure de cette observation que lui, le Chef, soit, par principe, contre les riches. Si l'on sait maintenir leur influence politique dans les limites raisonnables, il n'y a rien à dire contre leur existence. Car, un riche ne pouvant manger dix fois plus qu'un pauvre, le problème du ravitaillement d'un peuple, dans les périodes difficiles, est moins grave s'il existe cent mille riches pour soixante-dix millions d'habitants que si tous les pauvres accédaient brusquement à l'aisance et consommaient trois fois plus qu'auparavant. Le riche n'est donc pas, en soi, un mal pour la société. L'ambassadeur Hewel raconte avoir abandonné sur la coupole de Saint-Pierre, une jolie Américaine, qui visitait l'Europe en deux semaines, parce que sa seule réaction avait consisté à dire que les rues de Rome étaient plus étroites et plus sales que celles de Washington. Ce n'est pas une façon d'accroître le prestige allemand à l'étranger, observe le Chef. L'Allemand a manifestement encore beaucoup à apprendre en ce qui concerne la courtoisie à observer envers les étrangères. On ne peut attendre d'une jolie femme — à quelques exceptions près — qu'elle s'intéresse à une conversation intellectuelle, elle nourrit seulement l'ardent désir d'être admirée par tous les hommes qu'elle trouve sympathiques.

73.

Soir. LA PLUS LONGUE PÉRIODE DE CONCORDE ALLEMANDE

Au dîner (me rapporte-t-on), le Chef a parlé du morcellement de l'Allemagne en petits Etats. La création des parlements de Länder avait plus développé les intérêts locaux que l'existence des 302


HITLER CET INCONNU princes, car ses intérêts ne concernaient plus une seule personne mais plusieurs (diètes). En abolissant ces parlements, il a fait régner la concorde depuis déjà neuf ans — jamais elle n'avait encore duré aussi longtemps dans le Reich.

74.

11/4/1942 (soir). LE « MYTHE » DE ROSENBERG STALINE ET LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE

Au dîner, le Chef déclare que le Mythe de Rosenberg (1) ne peut être considéré comme une œuvre officielle du Parti. Lui, le Chef, a expressément refusé, en son temps, de donner au livre un tel caractère, car le titre, lui-même, est incorrect. Il ne faut pas dire, en effet, qu'on oppose le Mythe du XXe siècle, c'est-àdire quelque chose de mystique, aux conceptions spirituelles du XIXe mais bien, au contraire, quand on est national-socialiste, dire qu'on oppose la foi et la science du XXe siècle au mythe du XIXe.

Fait caractéristique, le gros des lecteurs de l'ouvrage de Rosenberg ne se trouve pas parmi les vieux camarades du Parti. Il fut même extrêmement difficile de placer la première édition. Ce fut seulement quand le livre eût été cité dans une lettre pastorale, qu'on parvint à vendre les premiers 100 000 exemplaires. Le cardinal Faulhaber (2), de Munich, ayant commis la sottise de citer des passages du Mythe dans une conférence épiscopale, pour les combattre, une deuxième édition est devenue possible. La vente s'est accélérée quand le livre a été mis à l'index, car on a supposé qu'il exposait une hérésie du Parti. Lorsque l'Eglise catholique s'est mise à publier tout ce qui essayait de réfuter les idées de Rosenberg, le tirage est monté à 170 000 ou 200 000 exemplaires. Le Chef se réjouit toujours en constatant que seuls nos adversaires s'intéressent sérieusement à l'ouvrage. Lui-même, comme (1) Le livre de Rosenberg s'intitule Le Mythe du xxe siècle. (2) Archevêque de Munich de 1917 à 1952.

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HITLER CET INCONNU beaucoup de gauleiters, n'en a lu que de petits morceaux, car, à son avis, il est trop difficile à comprendre. Au dîner, le Chef déclare qu'il faut chercher l'indice d'un niveau élevé de civilisation non pas dans la liberté individuelle, mais dans la limitation de cette liberté à l'intérieur d'une organisation rassemblant le plus possible de races de valeur égale. Si on laisse aux hommes toute leur liberté, ils se comportent comme des singes. Aucun ne peut supporter qu'un autre possède plus que lui. Plus ils habitent près les uns des autres, plus leur animosité est grande. Plus les rênes de l'organisation d'Etat se relâchent et accordent de place à la liberté individuelle, plus on engage le destin du peuple dans la voie de la régression culturelle. Entendre toujours parler de communauté le fait sourire, comme si la communauté pouvait se créer avec des paroles ! Quand, dans sa petite patrie, la jeunesse paysanne des fermes environnantes se réunissait à l'auberge, ce sentiment de communauté s'exprimait toujours, l'alcool aidant, par des bagarres et des coups de couteau. Seule l'apparition des gendarmes soudait toute cette société en une grande communauté. C'est la force qui, seule, crée et maintient la communauté. 1l ne faut donc pas condamner Charlemagne parce qu'il imposa par la force l'organisation d'Etat qu'il jugeait nécessaire au peuple allemand. Si Staline a, au cours des dernières années, employé des méthodes analogues à celles de Charlemagne, il faut se rappeler l'état culturel des Russes avant de lui casser une canne sur le dos. Staline a également reconnu qu'il fallait rassembler les Russes dans une organisation très rigide pour assurer l'existence politique des nombreuses races réunies dans l'U.R.S.S. et réaliser, au profit de l'individu, des progrès que celui-ci ne peut effectuer de lui-même, par exemple dans la science médicale. Par conséquent, dans le gouvernement des peuples qui nous seront soumis à l'est du Reich, notre principe suprême devra être de satisfaire le désir de liberté individuelle le plus largement possible, d'éviter toute organisation d'Etat et de maintenir les membres de cette population à un niveau culturel aussi bas que possible. Il faudra partir du point de vue que le rôle de ces populations 304


HITLER CET INCONNU sera, avant tout, de nous servir économiquement. Nous devons tirer des régions russes occupées tout ce qu'il est possible d'en tirer économiquement. On peut les inciter à livrer leurs produits agricoles ainsi qu'à fournir de la main-d'œuvre aux mines et aux usines d'armement, en leur offrant nos produits industriels dans des magasins où ils pourront acheter tout ce qui leur plaira. Si l'on voulait, en dehors de ça, s'occuper du bien-être des individus, on n'y parviendrait pas sans une organisation du genre de notre administration, et on attiserait seulement la haine contre nous. Car, plus les hommes sont primitifs, plus ils ressentent toute restriction apportée par la contrainte de leur liberté personnelle. En outre, avec une organisation administrative, on leur donnerait la possibilité de constituer une grande unité et même de retourner cette organisation contre nous. On ne peut donc leur accorder, tout au plus, que l'administration communale et encore seulement dans la mesure nécessaire pour entretenir la maind'œuvre, c'est-à-dire pour assurer la satisfaction des besoins quotidiens de l'individu. De même, ces communautés villageoises devront être constituées de manière qu'elles ne puissent s'associer avec les communautés voisines. En tout cas, il faudra interdire la formation d'églises groupant les habitants d'une grande région. Le mieux pour nous, serait que chaque village ait sa secte avec une conception de Dieu particulière. Même s'il en résultait des cultes magiques, comme chez les Nègres et les Indiens, nous pourrions nous en réjouir, car cela accroîtrait les tendances séparatrices dans l'espace russe. Quand il déclare qu'aucune grande organisation d'Etat ne devra être montée et que nos commissaires devront se borner à la surveillance générale et à la direction de l'économie, cela signifie naturellement que toute autre forme d'organisation sera interdite aux peuples assujettis. On n'y enverra donc aucun instituteur ; l'école n'y sera pas obligatoire. Apprendre à lire, à écrire, etc., aux Russes, aux Ukrainiens, aux Kirghizes, ne pourraient que nous nuire, car cela permettrait aux meilleures têtes d'acquérir une certaine connaissance de l'Histoire et ferait donc germer des idées qui seraient inévitablement tournées contre nous. 305


HITLER CET INCONNU Il est bien préférable d'installer un haut-parleur de radio dans chaque village pour raconter les nouvelles et fournir des sujets de conversation, plutôt que de rendre les gens capables d'acquérir indépendamment des notions de politique, d'économie, etc. Il ne faudra pas, non plus, se laisser aller à parler à la radio, à ces peuples assujettis, de leur histoire antérieure, mais on leur donnera de la musique et encore de la musique. La musique joyeuse fait naître l'ardeur au travail. Et si les gens pouvaient beaucoup danser, ce serait excellent du point de vue général, comme nous en avons fait l'expérience au temps du Système. Une seule chose devra être organisée dans les territoires russes occupés : les communications, car l'ouverture d'un pays par des voies de communication constitue une condition importante pour sa domination et son exploitation économique. C'est le seul domaine dans lequel nous pourrons « former » les assujettis. En ce qui concerne l'hygiène, nous n'avons aucun intérêt à leur communiquer ce que nous savons et à leur fournir ainsi une base, qu'ils ne désirent pas absolument, pour l'accroissement de la population. Nous n'effectuerons donc pas dans ces régions des opérations de propreté comme chez nous. De même, la vaccination sera réservée aux Allemands, Il n'y aura de médecins que pour les Allemands. Il serait également stupide de les faire profiter des soins dentaires. Cependant, il faudra procéder avec prudence pour que notre tendance ne soit pas apparente. Si un malade a absolument besoin d'un dentiste, eh bien ! on pourra faire une exception. La plus grande sottise qu'on pourrait commettre dans les territoires occupés serait de donner des armes aux peuples assujettis. L'Histoire montre que tous les peuples de maîtres ont succombé quand ils l'ont fait. On pourrait même dire que la livraison d'armes à ces peuples constitue une condition sine qua non pour la disparition des maîtres. Il est donc nécessaire de faire assurer l'ordre et la sécurité dans tout l'espace russe occupé, par nos propres troupes. Les territoires de l'Est seront couverts par un réseau de points d'appui militaires. Tous les Allemands habitant dans ces régions devront rester en contact personnel avec eux, c'est-à-dire se sentir liés personnellement à l'un d'eux. En outre, ils devront être forte-

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HITLER CET INCONNU ment organisés pour permettre, dans notre politique de colonisation, d'enfoncer un coin allemand de plus en plus puissant dans les territoires qui nous seront soumis.

75.

12/4/1942 (midi). COMME WALLENSTEIN : TOUT SUR UNE CARTE LES INSTITUTEURS BUTS DE L'ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Au déjeuner, le Chef parle de la construction du stade olympique. Quand il fut question de faire se dérouler les Jeux olympiques en Allemagne, le ministère de l'Intérieur fit établir deux projets de stade à Berlin, coûtant l'un 1,1, l'autre 1,4 million. Aucun des auteurs de ces projets ne pensa que ces jeux offraient une occasion unique d'acquérir des devises et d'accroître notre prestige à l'étranger. Il sourit encore de la mine ébahie de ces gens quand il leur déclara qu'il fallait prévoir au moins vingt-huit millions pour la construction d'un nouveau stade. En fait, il coûta, au total, soixante-dix-sept millions mais nous rapporta un demi-milliard de devises. Cet exemple démontre que nous avons beaucoup à apprendre pour nous dégager de l'esprit des demi-mesures et chercher toujours le succès le plus grand, la solution la plus grandiose. Wallenstein avait raison de refuser de réunir, comme on le lui demandait, une armée de cinq mille hommes, et de dire qu'il pouvait seulement en constituer une de cinquante mille. Dépenser même un seul pfennig pour une armée pas assez forte pour combattre et vaincre est une pure folie. Il est décisif, pour la conduite d'une guerre, de forger dès le temps de paix l'armée en fonction de ce qu'on attend d'elle et des succès militaires qu'on désire. Un homme comme Schacht ne l'avait malheureusement pas compris et il compliqua extraordinairement le réarmement. Il venait à chaque instant trouver le Chef pour lui dire qu'il ne fallait pas demander à l'économie 307


HITLER CET INCONNU allemande plus d'un milliard et demi (par an) sous peine de la ruiner. Aujourd'hui, après avoir demandé cent fois plus à cette économie, elle fonctionne, comme auparavant, à pleine puissance. Dans celte guerre, justement, il faut constamment se rappeler que si nous la perdons, nous perdrons tout. Il faut donc, de toutes ses forces, s'accrocher à un seul mot : « Victoire. » Si nous la gagnons, les milliards dépensés pour la Wehrmacht n'auront plus aucune importance, car ils ont été compensés rien que par les approvisionnements en matières premières qui sont tombés entre nos mains l'année dernière, en Russie. Au déjeuner, le Chef parle de l'enseignement scolaire. Malheureusement les maîtres se composent uniquement d'hommes inaptes à assurer leur existence dans les libres carrières de la vie. Les hommes qui se sentent la force de produire et de réaliser ne deviennent pas des enseignants, tout au moins des instituteurs. Il a gardé, d'une façon générale, un mauvais souvenir des maîtres qu'il eut dans son enfance. Rien que par l'apparence ils étaient malpropres, avec des cols sales, une barbe mal soignée, etc. Dans le Reich intermédiaire (1), la social-démocratie adopta ces hommes et par toute sorte de cours spéciaux leur inspira un sentiment de suffisance que rien ne justifiait. Quand on lit les productions intellectuelles des instituteurs, quand on entend leurs opinions politiques ou leurs revendications, on est obligé de constater qu'il s'agit d'un prolétariat intellectuel particulièrement bête et privé d'indépendance, qui constituait une des colonnes du système aujourd'hui disparu, Dieu merci. Si ces gens se plaignent encore de ne pas être assez bien payés par l'Etat, il faut leur faire observer que n'importe quel adjudant de la Wehrmacht est un meilleur éducateur qu'eux, car enseigner le b,a,ba, à de petits garçons et à de petites filles n'est vraiment pas sorcier. Il faut s'étonner que ces instituteurs puissent se représenter chaque année devant leurs élèves pour recommencer la même chose. Pour une telle répétition, seule la femme est adaptée physiquement (1) Cela veut dire la République de Weimar.

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HITLER CET INCONNU et psychologiquement. Une mère ne considère pas comme une corvée de mettre au monde et d'élever ses enfants, l'un après l'autre. La femme s'accommode très bien du travail de sténodactylo où il s'agit d'un travail de répétition presque entièrement mécanique, Elle est donc particulièrement désignée pour apprendre à lire et à écrire à des élèves. Il faudra s'arranger pour procurer au plus grand nombre possible des deux millions d'Allemandes qui restent célibataires toute leur vie, la possibilité d'exercer le métier d'institutrice qui répond si bien à leur sentiment maternel. Il y a quelques années, des instituteurs vinrent le trouver pour lui demander de continuer à former les jeunes en dehors de l'école. Devant le succès de la Jeunesse hitlérienne, on peut se réjouir de ce qu'il repoussa alors carrément cette proposition. Comme les enseignants ne savent pas, à quelques rares exceptions près, conduire les jeunes avec une autorité absolue, il tient pour indiqué de former des rengagés de l'armée pour les employer dans les écoles populaires progressistes. Ces engagés étant passés, avant leur entrée dans la Wehrmacht, par la Jeunesse hitlérienne et le Service du travail, connaissent donc, par expérience, les méthodes de formation du Parti, ils aborderont cette mission avec toutes les dispositions nécessaires. Il faudra simplement, dans les deux dernières années de leur douze ans de service, les envoyer dans des établissements préparatoires pour leur donner les connaissances qui leur permettront d'être d'excellents maîtres. Si cette façon de faire était couronnée de succès et si l'on parvenait à recruter suffisamment d'engagés pour cette besogne, on obtiendrait des éducateurs qui, par leur service militaire, auraient appris à former des hommes et qui se comporteraient, devant leurs élèves avec du caractère et non comme des salauds. Les instituteurs ont cherché à se faire de la réclame en accréditant la prétention que la Prusse gagna la guerre de 1866 grâce à ses instituteurs. C'est une pure sottise. Si la Prusse gagna la guerre de 1866, ce fut à cause de la supériorité du fusil à aiguille et d'autres facteurs analogues qui n'avaient absolument rien à voir avec l'action des instituteurs. Une seule chose est vraie : durant tout le siècle dernier, l'enseignement scolaire en Allemagne fut très supérieur à ce qu'il était à l'étranger. Vouloir y contre309


HITLER CET INCONNU dire en invoquant l'exemple des collèges anglais serait une grave erreur, car les résultats obtenus par ceux-ci dépendaient du fait qu'ils recrutaient leurs élèves uniquement dans l'aristocratie. Les écoles allemandes s'occupaient de toutes les couches de la population et la moyenne des résultats obtenus par leurs pupilles ne pouvait donc se comparer à celle obtenue par l'élite anglaise. Il doit cependant être possible, grâce à une transformation des méthodes d'enseignement, d'aboutir à des résultats supérieurs à ceux des collèges anglais. C'est pourquoi il a fait créer les établissement nationaux-socialistes qu'on appelle maintenant les « Reichsschulen ». Il a donné comme principe à ces écoles de découvrir et d'éduquer une élite de garçons et de filles venant de toutes les classes de la société. La formation doit viser à les rendre physiquement forts, à leur donner un caractère ferme et un esprit souple. Il espère atteindre ce but grâce aux maîtres qu'il a donnés à ces écoles, et qui participent à toutes les épreuves imposées à leurs élèves, même aux sauts en parachute et à l'entraînement motorisé. Ce sont les résultats des Jeux olympiques qui lui ont fait comprendre que les « Reichsschulen » pouvaient donner des résultats extraordinaires. Alors que les Anglais, malgré la formation de leurs collèges, ne remportaient que huit médailles d'or, la jeunesse sportive allemande en moissonnait trente-trois. Que ne réalisera-t-elle pas lorsque l'éducation sera donnée dans ces écoles avec un esprit sportif à cent pour cent !

76.

Soir.

L'UNIVERSITÉ DE HEIDELBERG ET LE RECRUTEMENT ÉTRANGER DISCRÉTION ET CAMOUFLAGE L'ART ET LES LETTRES

En parcourant la liste des nouveaux ministres de Bulgarie, le Führer a remarqué que de très nombreuses personnalités bulgares ont acquis en Allemagne le titre de docteur ou d'ingénieur. Il estime donc opportun de faciliter l'acquisition de ces titres par les étrangers. Ceux qui étudieront dans nos universités et en repar310


HITLER CET INCONNU tiront avec un diplôme, s'efforceront, durant toute leur vie, de ne pas nous nuire. A l'avenir, une série de villes universitaires comme Erlangen, Glessen, peut-être même Würzburg, auront sans doute de la difficulté à se maintenir à flot. Recevoir des étudiants étrangers ne peut que leur être profitable. Avant tout, il faut s'occuper de recevoir ces étudiants étrangers à Heidelberg dont l'Université jouit d'une réputation particulièrement bonne dans tout le monde anglosaxon. Au dîner, le Chef déclare qu'il faut se montrer très prudent dans les communications qu'on fait à ses alliés. Il a dû constater que, malheureusement, même les Italiens n'observent pas toute la discrétion nécessaire quand l'objet de ces communications ne touche pas directement à leurs intérêts. Ils ne se sont pas fait scrupule de faire allusion, même dans la presse, à certains projets. Il ne dit donc aux Alliés que ce qu'ils ont absolument besoin de savoir et encore seulement quand il ne peut pas attendre plus longtemps pour le faire. Pour le reste, il les laisse complètement dans le vague et même quand ils posent des questions sur un point précis, il répond de façon évasive. A cet égard les Anglais nous enseignent ce qu'il ne faut pas faire, car il n'existe pas, dans le monde, une seule autre presse qui puisse, comme la leur, jacasser en se réclamant de « sources bien informées ». Oui, ce bavardage de la presse anglaise va si loin que le gouvernement s'est vu contraint, à cause de l'influence qu'elle exerce sur l'opinion publique, à se lancer dans des opérations comme celle de Norvège, par exemple, qui ne cadrent pas du tout avec les plans de guerre généraux. Dans ce domaine, les Russes sont beaucoup plus adroits. Non seulement ils ne parlent jamais publiquement de leurs intentions militaires, mais ils ont monté, avec leur presse, une immense opération de camouflage de leurs forces armées. La campagne de Finlande de 1940 — comme l'entrée en Pologne qui se fit avec des chars et des armes désuets et avec des soldats ma! vêtus — ne fut qu'une grande manœuvre de déception, car, dès cette époque, la Russie possédait un armement auquel seuls ceux de l'Allemagne et du Japon pouvaient se comparer. Après le dîner, le Chef déclare qu'il doit à une série de hasards 311


HITLER CET INCONNU heureux d'avoir pu acquérir pour notre peuple une quantité d'oeuvres d'art de très grande valeur. Rien que pour le musée de Linz (1), il a acheté mille tableaux de maîtres anciens, surtout des hollandais, des flamands, mais aussi un Léonard de Vinci, quelques Schwind, un Feuerbach. etc. En outre, alors que personne ne pensait à collectionner les toiles des maîtres du XIXe siècle, il s'en est procuré un grand nombre. Au musée de Linz, il pourra faire un classement par écoles. Par exemple, il rassemblera dans une grande salle des tableaux de Defregger et, dans les salies adjacentes, des bonnes œuvres de ses élèves ou des peintres qui se sont inspirés de lui. Quiconque voudra étudier la peinture du XIXe siècle devra se rendre à Linz, parce que là seulement, il trouvera des collections complètes. 11 s'est procuré les toiles de vieux maîtres surtout par la confiscation des biens juifs dans l'étendue du Reich ou par des achats de tableaux ayant appartenu à des Juifs. Il a pu ainsi obtenir des trésors de l'Ermitage que des Juifs russes avaient fait passer aux Etats-Unis et que des Juifs américains ont ramenés en Hollande (2). Malheureusement, sur soixante Rembrandt, il n'a pu en obtenir que sept. Il les a acquis pour neuf millions de R.M. en rachetant les créances sur une affaire juive en faillite. Il est difficile de savoir ce que possèdent les Juifs, car ils gardent leurs œuvres d'art pour eux, sans les exposer dans des musées. Cependant, dans les biens confisqués en Allemagne, il ne s'est pas trouvé une seule pièce d'art « dégénéré ». Les Juifs ont, par leur presse, tant perverti le goût (du reste) de l'humanité que le Chef a pu vendre à l'étranger les toiles rassemblées pour l'exposition de I' « Art dégénéré », et se procurer cinq tableaux de maîtres italiens pour une seule croûte. Les Juifs n'auraient pu acheter tant de trésors artistiques en Allemagne, si l'on avait manifesté plus de compréhension pour les artistes. Schinkel travailla pendant toute une année à un projet de château que les Hohenzollern voulaient construire en Crimée, finalement ils se décidèrent pour une autre construction et (1) Après l'Anschluss, Hitler conçut le projet de doter Linz de musées qui abriteraient une des plus grandes collections artistiques du monde. (2) Pour se procurer des devises, les Bolcheviks vendirent une partie de la collection du musée de l'Ermitage, à Leningrad, enflée par des confiscations.

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HITLER CET INCONNU Schinkel ne reçut qu'une tabatière comme rémunération. Un autre artiste qui travailla aussi longtemps à un projet de monument pour Bismarck, ne reçut rien du tout. A cause de la misère où on les réduisait, les artistes se voyaient contraints d'assurer, par contrat, toute leur production à des marchands juifs. Aujourd'hui, Dieu merci, les idées ont changé. Par exemple, le Chef a veillé à ce que le revenu annuel d'Arno Brecker (1) qui atteignait le million, ne soit pas diminué de plus de 15 % par les impôts. 77.

13/4/1942 (soir). DÉVELOPPEMENT DU MOTEUR D'AVION ET DE LA VOLKSWAGEN

Aujourd'hui, le Chef a reçu le grand amiral (Raeder) de sorte qu'il n'a pas paru au déjeuner et que le dîner a été retardé jusqu'à 22 heures. Au dîner, il prend position sur le problème de la construction des avions. Nos chasseurs, souligne-t-il, sont supérieurs par la carlingue mais inférieurs par le moteur aux chasseurs anglais. Comme nous disposions désormais, en Ukraine (à Mariopol), de minerai de manganèse en abondance, nous allons pouvoir améliorer nos alliages de façon à produire des moteurs égaux à ceux des Anglais. 1l serait cependant stupide d'imiter le moteur anglais de 1800 CV, il faut tout de suite en construire un de 3000 CV et essayer d'éliminer les inévitables maladies d'enfance en moins d'un an. Il vaut beaucoup mieux effectuer ce grand bond que passer, en quatre ou cinq étapes, de 1 400 à 1 800 puis à 3 000 CV. Bien entendu, il faudra du temps pour réaliser un tel bond. Le développement de la Volkswagen a demandé quatre ans ; elle a été soumise à des épreuves soutenues sur plus de 40 000, voire 80 000 kilomètres, et, en profitant de l'expérience de la guerre, on donnera aux Allemands une voiture inégalable. Après le repas, le Chef se fait présenter les actualités cinématographiques qu'il approuve sans demander de modifications. (1) Formé à Paris, établi à Berlin à partir de 1933, très admiré et favorisé par Hitler et le Parti,

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HITLER CET INCONNU 17/4/1942 KEITEL-JODL — LE PHOTOGRAPHE HOFFMANN ET LES RÉSULTATS DE LA PROTECTION OFFICIELLE ACCORDÉE AUX ARTISTES

Si je ne tiens pas ici (au Q.G.) un rôle actif dans les conversations, mais observe une grande réserve, c'est pour me faire un tableau aussi complet que possible de ta vie qu'on y mène, car un nombre important de personnalités intéressantes entourent le Führer. Le maréchal Keitel en est la plus représentative, c'est un paysan en tunique de général avec des manières raffinées de diplomate ; ensuite le général Jodl, chef de l'état-major opérationnel, qui, malgré la grande compétence militaire qu'on lui reconnaît, se montre aussi simple que le Führer et nourrit souvent la conversation par des remarques fort pertinentes ; l'ambassadeur Hewel, un Rhénan bon vivant, qui est toujours sur la brèche avec le Führer. Il a de mauvais rapports avec le ministre des Affaires étrangères. Il possède tout un stock d'histoires drôles à raconter. (En outre, le professeur Hoffmann, qui prépare, pour le Führer, les expositions à la Maison de l'Art allemand. Il me montre souvent des photographies. Malheureusement — m'a-t-il déclaré — il ne se dégage, parmi les peintres, malgré la protection officielle, aucun génie comme Menzel, Kaulbach, Schwind, etc. Parmi les sculpteurs se trouvent deux grands talents : Arno Brecker à Berlin et Thorak à Munich, qui ont reçu tous deux des ateliers de l'Etat.)

78.

18/4/1942 (soir). L'HYPOCRISIE DES ANGLAIS ET L'HONNÊTETÉ EXAGÉRÉE DES ALLEMANDS

Au dîner, le Chef parle de l'Angleterre. Elle reste figée à l'ère victorienne, estime-t-il, et ne parvient pas à s'intégrer politiquement dans le présent. Avant la guerre mondiale, seul Cecil Rhodes a clairement reconnu les conditions historiques nécessaires pour le maintien de la position mondiale de l'Angleterre. Comme on n'a pas voulu écouter ses propositions et qu'on a rejeté toute 314


HITLER

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idée de collaborer avec l'Allemagne, l'Angleterre est entrée en guerre en 1914 pour « maintenir sa supériorité navale » et a abouti à se donner un égal (10:10) dans les Etats-Unis, plus un concurrent très sérieux (6:10) dans le Japon (1). Aujourd'hui, avec ce même aveuglement, les Anglais sont de nouveau entrés en guerre contre l'Allemagne, et ils y perdront définitivement leur position mondiale. Pourtant aucun autre peuple n'avait autant la possibilité de se renseigner sur la nouvelle Allemagne, à cause de leur amour des voyages. Sur les six cent mille étrangers qui venaient en Bavière avant la guerre, les trois quarts étaient des Anglais. Le fait qu'ils accouraient aux festivals de Bayreuth ainsi que dans nos opéras et nos théâtres, et qu'ils nous présentent aujourd'hui, au monde, comme des barbares prouve bien leur hypocrisie. Dès qu'il s'agit de politique, ils mentent et trompent comme aucun autre peuple. Avec une candeur sans pareille, ils affectent la religiosité alors qu'ils se fichent complètement de la religion tandis que nous, nous donnons neuf cents millions par an aux églises. Même leur archevêque de Canterbury est non pas avant tout un serviteur de Dieu, mais un politicien (2). Mais comment les cinquante millions d'Anglais pourraient-ils dominer leur Empire mondial s'ils n'étaient pas des maîtres du mensonge ? S'ils désirent vraiment, comme ils le proclament, accorder la liberté et créer une civilisation indienne, pourquoi ne se retirent-ils pas de l'Inde ? Ils mentent jusqu'à la dernière minute, comme le renard de Goethe. Ils en puisent le courage dans l'inimaginable orgueil qui les fait se considérer comme le peuple chargé de tenir la barre du navire mondial. Si le peuple allemand doit et veut occuper lui aussi une situation mondiale, il lui faudra apprendre à ne se montrer parfaitement honnête qu'envers lui-même et à se comporter, envers les autres peuples (par exemple envers les Tchèques) avec la même hypocrisie que les Anglais, au lieu de se faire détester partout justement à cause de cette honnêteté. Si un certain désaccord se manifeste parmi les prisonniers (1) Allusion au traité naval de Washington, signé en février 1922. (2) Confusion manifeste avec le doyen de Canterbury, d'opinions très à gauche.

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HITLER CET INCONNU anglais que nous avons faits lors de la récente attaque contre notre base sous-marine de Saint-Nazaire, il ne provient pas d'un partage entre pro-Allemands et pro-Soviétiques. C'est dans l'antisémitisme qu'il faut chercher la pomme de discorde, c'est-à-dire chez les gens qui ont compris les dessous de la présente guerre mais qui, cependant, se taisent et y participent. C'est donc dans cette direction que notre propagande doit agir en signalant, en particulier, que dans l'arbre généalogique du ministre Cripps il y a aussi des rameaux juifs. 79.

19/4/1942 LE DÉPART DE VON BRAUCHITSCH

Peu de choses intéressantes aujourd'hui du fait que Himmler, avec ses collaborateurs militaires, et Speer avec son « commando » de (dix à vingt) techniciens, « encombrent » la table du Chef. Lors de la promenade, le Dr Koppen me raconte la scène du 19 décembre 1941. Brauchitsch et quelques généraux avaient conseillé à Hitler de s'arrêter sur le Dniepr et mis en garde contre une poursuite de l'avance vers Moscou. Les éclats de voix s'entendaient du mess. Hitler souligna les grands succès remportés de l'autre côté du Dniepr et affirma sa conviction que le soldat allemand tiendrait en dépit de la rigueur de l'hiver.

80.

Milieu de la nuit du 19 au 20/4/1942. ANNIVERSAIRE DE HITLER — LE DÉPART DE RAEDER LE JAPON TIENT PAROLE FAUDRAIT-IL INTERNER OU FUSILLER HESS ?

A minuit, fête en l'honneur de l'anniversaire du Chef. Pour la première fois (je vois) du Champagne allemand. Le Chef (n'est pas là, il) s'est retiré vers vingt-trois heures après avoir travaillé toute la soirée. Le maréchal Keitel prononce un discours, nous soutiendrons, 316


HITLER CET INCONNU dit-il, de toutes nos faibles forces, le chef militaire de génie. (Le capitaine de vaisseau) Puttkamer (aide de camp de Hitler pour la Marine) raconte que Raeder (commandant en chef de la Marine depuis quatorze ans) veut se retirer (1) parce qu'on lui met constamment des bâtons dans les roues en ce qui concerne les transports maritimes et qu'on ne lui permet pas de placer quelqu'un de vraiment compétent à la tête de la section correspondante au ministère des Transports. On se fie aux rapports inexacts d'un homme comme le directeur Blohm (transformation des machines du Gneisenau), on veut des bateaux tantôt dans la mer Noire, tantôt sur le lac Ladoga, on dénigre les résultats obtenus par les sous-marins, on veut envoyer des sous-marins dans l'océan Arctique, etc. Il n'y a que deux successeurs possibles : l'actif amiral Caris et (l'amiral) Dönitz, commandant en chef des sous-marins, mais celui-ci est irremplaçable dans son commandement. A une autre table, des Untersturmführer du service automobile se plaignent de recevoir moins de promotions que d'autres bien qu'ils aient à transporter des personnalités comme (le roi) Boris, donc à assumer de lourdes responsabilités de ce fait. J'admire le Gruppenführer Schaub (aide de camp personnel de Hitler) qui, bien qu'il ait déjà vidé pas mal de verres, leur riposte que cela ne justifie pas des promotions ; tout chauffeur est responsable de la vie de ceux qu'il transporte et on doit tout naturellement attendre de lui qu'il sache bien conduire. Schulze (officier d'ordonnance de Hitler), Gabriel (aide de camp de Keitel) et Lorenz disent des choses intéressantes sur la grande politique : a) Lors de sa visite à Berlin (mars-avril 1941) Matsuoka, l'ancien ministre japonais des Affaires étrangères, a assuré le Chef qu'il pouvait se fier au Japon. b) (L'ambassadeur) Oshima a obtenu, en menaçant plusieurs fois de démissionner, que le Japon entre en guerre le 7 décembre 1941 — c'est-à-dire durant l'hiver où nous étions soumis à (1) Raeder retarda son départ jusqu'au 6 janvier 1943, quand Hitler lui demanda de mettre les grands navires de guerre à la ferraille. II eut pour successeur l'amiral Dönitz qui conserva son commandement direct des sous-marins.

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HITLER CET INCONNU une très dure épreuve — ce qui allégea très sensiblement la situation. En apprenant la nouvelle, le Chef, s'est, de joie, donné des claques sur les cuisses et — comme soulagé d'un très grand poids — s'est empressé d'annoncer le nouvel état de choses à tous les présents. c) C'est Lorenz qui lui apprit le premier départ de Hess pour l'Angleterre. Hitler prenait le thé auprès de l'âtre et dicta immédiatement un communiqué. Le Chef manifeste encore aujourd'hui de la colère pour n'avoir pas été prévenu des vols d'essai effectués par Hess. Il considère comme impossible un retour de celui-ci en Allemagne, car (il n'y aurait alors qu'une alternative) : « l'interner ou le fusiller. » Hess doit donc (dès maintenant) se faire une nouvelle vie à l'étranger.

81.

24/4/1942 ANNIVERSAIRE DE HITLER

Toute la journée est placée sous le signe de l'anniversaire du Chef. Même au mess, les tables sont particulièrement ornées (avec des nappes et des fleurs). On sert (aujourd'hui) des côtelettes, du chou rouge, des pommes de terre avec sauce, puis une salade de fruits. En outre (pour tout le personnel), le même vin (Piesporter Goldtröpchen) et, à midi, une tasse de café sans succédanés. Le soir : jambon aux pommes de terre frites et salade d'asperges. Repas somptueux pour tout le monde sauf pour Hitler qui ne touche ni à la viande ni au vin. (Quand Hitler est sorti de son bunker, ce matin, ces messieurs de son entourage s'étaient alignés de part et d'autre de la porte pour lui présenter leurs félicitations. Vinrent ensuite les enfants du voisinage qui s'étaient faufilés à travers tous les barrages avec des bouquets de fleurs, causant ainsi une immense joie à Hitler. Ils arrivèrent de bonne heure et, sur les instructions de Schulze, on les promena dans une automobile blindée pour leur faire passer le temps et empêcher qu'ils ne fussent gênants par leur curiosité. Quand ils découvrirent Hitler, ils se ruèrent vers lui, les plus petits s'accrochant à son pantalon pour 318


HITLER CET INCONNU ne pas tomber dans la bousculade. Ils ne voulaient plus le lâcher, babillant à qui mieux mieux.) Goering, Ribbentrop, Raeder, Lammers, etc., viennent présenter leurs vœux, ainsi que quelques garçons et filles de la Jeunesse hitlérienne qui, avec leur présentation énergique et leurs bouquets, produisent la meilleure impression. Au soir, le Chef approuve les actualité cinématographiques qui, pour la première fois, montrent des images d'un abri pour sous-marins.

82.

22/4/1942 ENTOURAGE DE HITLER : LES AIDES DE CAMP MILITAIRES

Quelques mots sur les aides de camp militaires du Führer qui sont des hommes vraiment remarquables. Leur chef, le généralmajor Schmund (1), est certainement un des plus jeunes généraux allemands, un homme d'esprit, visiblement marqué par l'école de l'état-major allemand, qui, en même temps, se recommande par sa grande amabilité et qui constituerait assurément un éducateur pour nos jeunes officiers. Son rôle consiste à faire comprendre la personnalité du Führer même aux milieux de la Wehrmacht qui, par l'origine et la formation, observent une attitude passive à l'égard du nationalsocialisme. Avec le général Jodl, il a donné sa parole d'honneur à Hitler que les généraux et les membres de l'état-major général rempliraient loyalement leur devoir en dépit de cette passivité politique. Cela a épargné à la Wehrmacht des purges à la 'manière de Staline, quoique Hitler demeure sceptique et que parviennent constamment, du service de Sécurité et du Parti, des renseignements contraires, dont un, venu par le géné(1) Rudolf Schmundt, aide de camp de Hitler pour la Wehrmacht depuis le 28 janvier 1938 (en remplacement de Hossbach), directeur du personnel de l'Armée à partir du 1 e r octobre 1942, mort le 10 octobre 1944 des blessures reçues lors de l'attentat du 20 juillet. Un des rares officiers de la Wehrmacht à s'être donné sans réserve à Hitler.

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HITLER CET INCONNU rai Fromm, chef de l'Armée de réserve, donc le collaborateur le plus important de Keitel, me fait dresser particulièrement l'oreille. Le capitaine de vaisseau von Puttkamer et le commandant d'aviation von Below sont auprès du Führer depuis plus de cinq ans. Ils sont calmes, assurés mais réservés, et, naturellement, parfaitement informés de tout ce qui concerne leur arme respective. Si la Marine a pu, sous le grand-amiral Raeder, connaître un développement si tranquille et heureux, elle le doit certainement en grande partie à von Puttkamer, à ses capacités professionnelles et à la confiance que lui accorde Hitler. Le major Engel (représentant de l'Armée), soldat typique, est aimé de tout le monde à cause de son caractère désinvolte et enjoué mais il est aussi la terreur des généraux « calcifiés », car il dispose d'un jugement sûr, de beaucoup de clairvoyance et d'énergie, et il sait toujours comment rapporter les choses. Même le maréchal Keitel, qu'il appelle le « petit gros », doit faire attention, à table, dans son louvoyage perpétuel entre la Wehrmacht, Hitler et le Parti, à ne pas s'attirer quelque remarque désobligeante d'Engel. Et le général Halder — qu'Engel tient seulement pour un théoricien — s'attarde, par prudence, après la conférence sur la situation, pour ne paraître aux repas. Le Reichsleiter (Bormann) a reçu beaucoup de lettres de félicitations pour la naissance de son neuvième enfant dont une venant d'un père de quatre beaux jeunes hommes. Il est très désirable — comme le dit Hitler — que les familles aient au moins quatre enfants, car la guerre n'épargne aucune génération et il est toujours atroce de lire à chaque instant dans les journaux que quelqu'un a perdu « son fils unique ». 83.

FAILLITE DE LA CULTURE AUX ÉTATS-UNIS ? SCHACHT ET LE RÉARMEMENT

Midi.

A déjeuner, le Chef attire l'attention sur le début de faillite qu'on constaterait, d'après la presse américaine, dans tous les domaines de la culture aux Etats-Unis.

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HITLER CET INCONNU Il signale, à cet égard, la fermeture du Metropolitan Opera et dit qu'il serait faux d'attribuer cette fermeture à une simple raison financière. La véritable raison, il faut la chercher dans le fait que les éléments nécessaires pour entretenir un répertoire d'opéra n'existent plus. Quiconque est un tant soit peu instruit dans ce domaine, sait que les principaux opéras sont allemands, italiens ou français et que les artistes aptes à bien les chanter sont presque exclusivement allemands ou italiens. Ceuxci faisant actuellement défaut, les directions américaines ne sont manifestement plus en mesure de constituer une troupe avec des artistes américains. Il désire que la presse exploite particulièrement ce fait qui montre bien la mentalité et les capacités culturelles des Américains. La culture n'est pas — comme le croient ceux-ci — un don qu'on trouve dans son berceau ou quelque chose de facile à imiter, mais la production d'esprits créateurs, transmise à travers plusieurs générations et perfectionnée par un effort permanent ; c'est le legs des hommes de génie, conservé et amplifié par un grand nombre de gens de goût et bien éduqués. Au déjeuner, le Chef parle des difficultés financières auxquelles se heurta le réarmement allemand. Il eut un de ses premiers entretiens à ce sujet en 1933, avec le Dr Luther, alors président de la Reichsbank ; celui-ci lui déclara que le réarmement était absolument impossible parce que le budget du Reich était en déficit de 2,7 milliards et que ceux des Länder connaissaient des déficits comparables. Lors de cette entrevue, il expliqua au Dr Luther que l'Allemagne serait complètement étranglée si elle ne retrouvait pas son ancienne force militaire. Pendant deux heures il lui exposa ses projets pour le réarmement ; après quoi Luther déclara qu'il l'aiderait par patriotisme et mettait cent millions à sa disposition sur les fonds de la Reichsbank. Le Chef crut avoir mal entendu, car il supposait qu'un financier devait avoir au moins une idée de ce que coûterait le réarmement. Mais Luther, questionné, lui ayant redonné le même chiffre, il demanda au président du Reich de le faire remplacer. Ce n'était pas immédiatement possible parce que la Reichsbank constituait encore un établissement financier international. 321 II


HITLER CET INCONNU Le Chef eut donc un nouvel entretien avec Luther. II avait» lui déclara-t-il, la possibilité légale de se maintenir au poste de président de la Reichsbank malgré l'absence d'esprit de collaboration entre eux deux, mais lui, le Chef, disposait de la force et n'hésiterait pas à l'employer vigoureusement si l'intérêt de l'Etat le réclamait. Suivant l'avisé conseil de Meissner, il offrit donc à Luther le poste d'ambassadeur à Washington s'il consentait à quitter volontairement son poste de président. Apres avoir obtenu que sa retraite serait augmentée d'une rente annuelle de cinquante mille marks, Luther se déclara prêt à accepter cette proposition et, avec un regard brillant d'honnêteté, expliqua qu'il l'acceptait par pur patriotisme. Le Chef acheta ainsi la possibilité de mettre à la tête de la Reichsbank une personnalité de rang international, qui fut Schacht. Celui-ci reconnut qu'il serait ridicule d'essayer de réarmer sans être prêt à dépenser des milliards. Il prévit que la dépense pourrait s'élever à huit milliards, quoique le simple énoncé de cette somme mit le ministre des Finances, Schwerin-Krosigk, en émoi. Malheureusement le général Blomberg, alors ministre de la Guerre, commit l'imprudence de dire en privé que ces huit milliards ne suffiraient même pas pour le premier stade du réarmement, qu'il en faudrait douze de plus. Le Chef blâma Blomberg pour cette indiscrétion. Les experts financiers n'étant, après tout, que des fripons, il n'y avait nulle obligation de ne leur dire que la vérité. Au contraire, il leur serait plus facile de procurer de nouveaux milliards si on les leur demandait par fractions, car — si les choses tournaient mal — ils pourraient s'excuser devant l'opinion publique en déclarant qu'on les avait trompés. En ce qui concerne la personnalité de Schacht, il est intéressant de noter que, sur les huit milliards, il en retint la moitié d'un, comme intérêts. Dans l'art de « rouler les autres », il était d'une habileté sans pareille mais, justement de ce fait, il constituait l'homme indispensable à l'époque. Avant chaque conférence des banques internationales à Bâle, le monde financier se demandait si Schacht y assisterait. Dans le cas de l'affirmative, tous les Juifs de la finance rappliquaient. Les tours de 322


HITLER CET INCONNU prestidigitation de Schacht démontrèrent que, même dans ce domaine, un Aryen peut se montrer supérieur à un Juif. Ce fut Schacht qui imagina le plan consistant à dévaluer les actions allemandes ditribuées à l'étranger au titre des réparations, à les faire alors racheter à bas cours par des intermédiaires, puis à les revendre au pair à l'industruie allemande et, grâce au gain supérieur à 80 % ainsi réalisé, à provoquer un dumping des exportations qui nous rapporta pour plus de sept cent cinquante millions de devises. Le Chef apprécia énormément le fait que Schacht ne parla à personne de la création de ce fonds de devises, car si son existence avait été connue, tous les moyens auraient été mis en œuvre, dans certains cas, pour y puiser. Le Chef se souvient qu'à certains moments on se demanda comment on pourrait payer les fonctionnaires et qu'à d'autres le manque total de caoutchouc contraignit à recourir aux pires expédients. Il révéla luimême l'existence de ce fonds en !938, quand il eut l'assurance que la guerre était nécessaire. Il comprit alors que tous les futurs belligérants allaient se ruer sur le marché mondial pour y acheter tout ce qu'ils pourraient. Les fonds en devises ou en or qui ne seraient pas immédiatement transformés en matières nécessaires au réarmement, deviendraient du papier ou du métal sans valeur. Il avait donc ordonné à Funk (1) de procéder immédiatement à des achats avec les devises. 1l n'avait cependant pu garder Schacht, malgré tous ses mérites, parce que celui-ci, à cause de la joie que lui causait chaque billet de cent marks extorqué à quelqu'un d'autre, avait employé ses méthodes de franc-maçon même avec lui, le Chef, en le prenant manifestement pour un de ses frères en maçonnerie. Mais il le garda en réserve pour les négociations avec l'étranger ; il le chargea, en particulier, de discuter avec le secrétaire d'Etat américain Sumner Welles quand celui-ci vint en Allemagne en 1939. D'autre part, Schacht est resté le seul à lui écrire « Très honorable Monsieur Hitler » au lieu de « Mon Führer », et à employer la formule « avec mes meilleurs saluta(t) Walter Funk, ministre de l'Économie de novembre 1937 à avril 1945, président de la Reichsbank à partir de janvier 1939.

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HITLER CET INCONNU tions (votre tout dévoué Schacht) » au lieu de « Heil Hitler » ou « Avec mon salut allemand ».

84.

23/4/1942 (midi).

RÉNOVATION DU SANG PAR LES TROUPES D'ÉLITE L'HISTOIRE DE L'ALLEMAGNE ET L'HISTOIRE DE L'ANGLETERRE DERVICHES ET PROCESSIONS DANSANTES

Au déjeuner, le Reichsführer S.S. vient à parler de l'ordre donné par lui il y a deux ans, pour que chaque S.S. physiquement sain pense à assurer la perpétuation de son sang. Il se réjouit d'avoir donné cet ordre à cause des énormes pertes de jeunes célibataires qu'entraîne cette guerre. Du moins, leur sang se perpétuera-t-il dans un enfant. Le Chef dit avoir nettement remarqué, à Berchtesgaden, le rajeunissement du sang produit par la présence des S.S. Les meilleurs éléments de cette région émigraient et, quand il fit construire son Berghof, il trouva une population très mêlée dont la régénération lui tint aussitôt à cœur. Si, aujourd'hui, une quantité d'enfants robustes et sains courent dans la région, c'est à porter au crédit des hommes de la Leibstandarte (1). Par conséquent, il faut envoyer des troupes d'élite dans tous les lieux où l'état racial de la population laisse à désirer. Dans dix ou vingt ans, ce sera une bénédiction. Il se réjouit donc de ce que les soldats d'élite comme ceux de la Leibstandarte considèrent le fait de mettre des enfants au monde comme un devoir national. Aujourd'hui, justement, où nous versons notre sang le plus précieux, il faut avoir spécialement à cœur la préservation de la race. On pourra donc parfaitement envoyer des troupes d'élite même en Mazurie et dans la forêt bavaroise. Si le peuple allemand veut s'affirmer dans l'Histoire, dit le Chef, il lui faut demeurer avant tout un peuple de soldats. S'il en résultait un trop grand affaiblissement de la main(1) Sa garde du corps.

324


HITLER CET INCONNU d'œuvre pour l'économie, nous puiserions des travailleurs dans les pays dominés par nous, pour les employer à notre profit. Il faut donner à l'Allemand une formation très énergique mais qui lui permette de jouir sainement des plaisirs de la vie. Si on lui demande d'être toujours prêt à mourir inconditionnellement, il faut lui accorder la possibilité d'aimer inconditionnellement. Le combat et l'amour vont de pair. Le bourgeois qui y trouve à redire, doit se contenter de ce qu'on lui laisse. D'après la doctrine religieuse de la renonciation dans le domaine de l'amour, on ne devrait rien accorder au soldat, à cet égard, afin de lui conserver ses qualités de combattant. Mais un homme raisonnable ne peut que sourire quand un saint de l'Eglise catholique comme saint Antoine déclare que, pour l'homme, la joie suprême est de « se flageller soi-même avec un fouet ». 11 faut penser aussi que, pour demeurer un peuple de soldats, le peuple allemand ne devra laisser aucune arme aux gens des pays conquis ou occupés par lui. Le secret de la force de la Rome antique fut de limiter le droit de porter les armes aux seuls citoyens romains dans tout l'Empire. Pour voir la différence d'attitude produite par le fait de porter ou non les armes, il suffit de considérer celle des Tchèques d'avant 1938 et d'aujourd'hui où ils sont la servilité incarnée. Si l'Angleterre fait actuellement faillite aux Indes, c'est uniquement parce qu'elle n'a plus la force de se comporter comme un peuple de conquérants. Les Anglais ont beaucoup trop surestimé leur histoire au cours des dernières décennies et, de ce fait, ne se sont plus strictement conformés à la sagacité de leur période de splendeur. S'il lui faut considérer les Américains comme des parvenus quand ils cherchent à se vanter de leur histoire, il lui faut également accuser les Anglais d'outrecuidance s'ils croient, à cause des trois siècles pendant lesquels ils ont brillé, pouvoir mépriser l'Empire allemand millénaire et son histoire. Notre histoire remonte à Arminius ou, tout au moins, à Théodoric, et a produit, dans la personne des empereurs allemands des hommes du plus grand format. Quoique ces empereurs aient été les porteurs de l'idée d'unité allemande, leur tradition s'est en partie perdue, parce que, depuis le XVe siècle. 325


HITLER CET INCONNU l'histoire de l'Etat allemand n'a plus été enseignée, presque exclusivement, qu'en Autriche. Dans tous les autres Länder, cette histoire céda alors la place à celle des dynasties isolées et des intérêts particuliers. Les historiens allemands doivent donc rendre la vie à ces empereurs aux yeux de notre peuple et, pour cela, la meilleure façon est d'en donner une représentation dramatique — par exemple tels qu'ils furent dans leur lutte contre la papauté. Quelle personnalité extraordinaire fut Rodolphe de Habsbourg, choisi par les électeurs justement parce qu'ils voyaient en lui un faible. Quand, pour se gagner l'Eglise, il aida symboliquement un curé à monter à cheval, il accomplit un geste de propagande qui lui fait honneur. Après avoir assuré son élection, il défendit les intérêts de l'Empire avec une énergie de fer, sans ménager ceux de l'Eglise. Il put ainsi : 1. Acquérir quelques fiefs héréditaires pour se constituer une couverture. 2. Mettre à la raison Otakar de Bohême. 3. Redonner son unité à l'Empire allemand. L'Eglise catholique commit la même erreur avec lui, qu'avec Frédéric II de Sicile, qui devient empereur à vingt et un ans. Se référant à une objection faite contre la doctrine catholique, le Chef observe : Les vrais croyants ne devraient attacher aucun intérêt aux joies terrestres, mais s'en abstenir et — la terre étant « une vallée de larmes » — ne nourrir qu'un seul désir : celui de la quitter aussi vite que possible. Tout au contraire, les hauts prélats préfèrent s'attarder en cette vallée de larmes. Leur enseignement se ramène donc à ceci : conduisezvous d'après ce que je dis, non d'après ce que je fais. Par exemple, lors de la procession dansante luxembourgeoise, les curés se contentent de marcher bien paisiblement tandis que leurs « ouailles » doivent danser au rythme monotone des « BimBam », jusqu'à ce que l'écume leur vienne à la bouche, à moins qu'elles ne louent, pour dix francs, un remplaçant et s'assurent ainsi quand même les indulgences. Alors que Kemal Ataturk a interdit en Turquie les derviches tourneurs, ils se multiplient chez nous — parfois par la perpétua-

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HITLER CET INCONNU tion d'une coutume germanique, comme pour les rogations — avec la bénédiction de l'Eglise catholique. Même à notre siècle il se trouve des gens que leur foi catholique conduit à lécher un buste de saint Pierre à Linz, en dépit des dangers d'infection que comporte une telle pratique. Il faudrait faire passer de nouveau les calotins sous le trône du couronnement, au dôme d'Aix-la-Chapelle, pour rendre hommage au Führer allemand, afin de leur montrer qu'on ne peut plus, à notre siècle, obliger les gens à accomplir de telles sornettes (I). 85.

Soir. LE DUCE CROIT QUE SANS HITLER L'OCCIDENT SUCCOMBERAIT LA COMTESSE CIANO ET LES FEMMES DE LA COUR D'ITALIE

Au dîner, le Chef déclare qu'il serait tout particulièrement heureux de revoir le Duce pour discuter avec lui les divers problèmes politiques et militaires. S'il révère autant le Duce, c'est qu'il voit en lui un homme d'Etat sans pareil. Sur les ruines italiennes, il a propagé une nouvelle conception de l'Etat et lui a gagné le peuple tout entier. Le combat mené par ses fascistes présente d'innombrables ressemblances avec le nôtre, cependant il leur a coûté six mille six cents morts rien qu'à Vérone. De même, le Duce a reconnu mieux que quiconque la gravité du danger bolchevique et il a engagé de très bonnes divisions sur le front oriental pour lutter contre lui. Le Duce lui a déclaré personnellement qu'il ne se faisait aucune illusion sur le résultat à attendre d'une entrée du rouleau compresseur russe en Europe et qu'il était convaincu que, sans l'intervention (du Chef), l'Occident aurait succombé. Il lui est intolérable, déclare le Chef, de voir le Duce au second rang quand il le rencontre en Italie en présence de la cour. Toutes les amicales surprises réservées par le Duce lui sont (1) Le trône en pierre de Charlemagne est surélevé et on peut passer dessous en se courbant. On explique cette vieille coutume par le fait que le trône contient une relique vénérée et non comme un hommage rendu au souverain allemand.

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HITLER CET INCONNU gâchées par la présence et les paroles creuses de la horde arrogante des bons à rien aristocratiques. Cette valetaille essaya même de lui gâcher le magnifique spectacle que présentaient quelques admirables élèves de l'académie de Florence, par des remarques déplacées sur la danse de ces jeunes filles. Mais il l'a rabrouée de telle façon que le spectacle put se poursuivre sans interférences. Finalement, il n'éprouve absolument aucun plaisir à se trouver parmi les affreuses femmes de la cour italienne, d'autant moins que cette cour n'a cessé de mettre des bâtons dans les roues au Duce et au fascisme et, aujourd'hui encore, n'a d'œillades amoureuses que pour l'Angleterre. Rien ne montre mieux la valeur humaine de cette aristocratie que le fait suivant : la princesse héritière italienne (1) n'a jamais été capable de lui faire servir un déjeuner chaud. La moindre femme allemande, quand il se rend chez elle, tient à honneur de lui offrir non seulement le meilleur repas, mais à la température qui convient. Mais cette descendante dégénérée d'une antique lignée princière s'y montre aussi incapable que dans tous domaines pratiques de la vie. En revanche, quel plaisir de s'entretenir avec une femme aussi sensée et séduisante qu'Edda Mussolini (2). Un seul fait montre combien elle diffère de toutes les autres : elle s'est offerte comme infirmière volontaire pour servir avec les divisions envoyées sur le front oriental et est déjà partie pour les rejoindre.

86.

24/4/1942 (midi).

LA RECONSTRUCTION DE LA MARINE ET L'OCCUPATION DE LA NORVÈGE

Le Chef considère que les deux événements décisifs de la guerre ont été, jusqu'ici, l'occupation de la Norvège en 1940 et la bataille défensive livrée aux Soviétiques durant l'hiver dernier (1941-1942). Il accorde une importance capitale à la campagne de Norvège, (1) Marie-José, sœur du roi des Belges Léopold III. (2) Épouse du comte Ciano, ministre des Affaires étrangères.

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HITLER CET INCONNU parce que, même après coup, il s'étonne que la grande flotte anglaise n'ait pas réussi à l'empêcher ni même à la troubler sérieusement, alors que seule la petite flotte allemande la couvrait. Si cette campagne avait échoué, notre guerre sous-marine n'aurait pu remporter de si grands succès, car, sans la côte norvégienne, nos sous-marins n'auraient pu agir contre les ports du centre et du nord de l'Angleterre, et encore moins dans l'océan Arctique. On reconnut seulement après cette réussite combien le commandement allemand manqua d'audace et de clairvoyance durant la Guerre mondiale. Il nous est extrêmement difficile aujourd'hui, d'imaginer que la plus grande bataille navale de cette guerre se soit livrée près du Skagerrak, qui constitue maintenant un point infime de l'espace de mer contrôlé par nous. Si le commandement échoua alors aussi complètement dans ce domaine, ce fut surtout parce qu'on ne fit pas de la construction de la flotte allemande l'affaire du peuple tout entier. Il se souvient de la difficulté qu'on avait à Munich, en 1912, pour se procurer un livre sur la marine ou sur les colonies. Aussi, après la prise du pouvoir, a-t-il fait soutenir par la propagande la reconstruction d'une marine de guerre. Il a réussi à en faire une arme chère au cœur de tous les Allemands. Cela permit également de remplacer les vieux cuirassés, promis au cimetière au début des années 20, par des bâtiments neufs construits en utilisant tous les moyens créés par le développement de la technique, et aussi de les faire monter par des hommes venant, non exclusivement des populations maritimes, mais de tout le pays. La glorieuse voie fut marquée par les lancements de l'Emden, puis des douze premiers torpilleurs vraiment modernes, des trois croiseurs du type K (Köln, Karlsruhe, Königsberg), des cuirassés du type Deutschland et finalement des autres navires de haute mer.

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HITLER CET INCONNU 87.

Soir (dans le train entre le Wolfsschanze et Berlini). LE MARIAGE ET L'ENFANT, LES HOSPICES D'ENFANTS TROUVÉS ET LES INTERNATS

Le 24, dans le train qui le conduisait à Berlin (à son wagonrestaurant) le Chef parle du mariage et de l'enfant. L'histoire des maisons princières allemandes démontre, dit-il, que les meilleurs mariages ne sont pas ceux conclus pour des motifs de convenances. Dans tous les domaines de la vie, seul réussit ce qui est vrai, et c'est pourquoi les meilleurs mariages sont ceux qui se fondent sur un attrait véritable des deux partenaires l'un vers l'autre. Seule une telle union assure une éducation impeccable de l'enfant et constitue donc une cellule précieuse pour l'avenir de l'Allemagne. Pour les mêmes raisons, il n'est pas partisan d'approuver les demandes de mariage avec des étrangères formulées constamment par nos soldats et qui proviennent d'une certaine privation sexuelle. Quand on a la conviction profonde que seul un mariage entre personnes possédant les mêmes inclinations peut prospérer, il faut empêcher, dans toute la mesure du possible, qu'il se contracte uniquement pour des raisons sexuelles. Quand il compare les photographies des soldats avec celles des étrangères qu'ils demandent à épouser, il ne peut s'empêcher de penser qu'une union avec ces étrangères pour la plupart mal bâties ou laides, ne peut être heureuse à la longue ni donner des résultats valables du point de vue de la préservation de la race. Il est donc d'avis de plutôt autoriser des écarts discrets que de tels mariages provoqués par un certain débraillé. Il faut veiller, bien entendu, à ce que seuls se marient ceux qui sont sains et de race pure. Ce qui montre bien le rôle extraordinaire joué par l'amour entre les parents, c'est que, à une époque où, pour des raisons de convenances, on interdisait le mariage à des jeunes gens qui s'aimaient, tant de grands hommes sont sortis des asiles d'enfants trouvés. Aussi tient-il ces asiles pour une institution particulièrement bienfaisante. Ils donnaient à la mère qui ne pouvait épouser le père de son enfant et courait, de ce fait, le danger de souffrir, 330


HITLER CET INCONNU comme celui-ci, de la réprobation morale, la possibilité de déposer cet enfant, sous le couvert de la nuit dans une tour d'asile et de savoir que sa jeunesse serait ainsi assurée. 11 faut en vouloir à l'hypocrisie du XIXe siècle d'avoir supprimé ces asiles, legs bienfaisant du Moyen Age, et d'avoir impudemment accablé la fille mère et son enfant, même si celui-ci avait été engendré par un véritable amour. Nous pouvons nous vanter d'avoir par nos Reichsschulen, ces établissements d'enseignement nationaux associés à des internats, trouvé le moyen de donner à des enfants racialement précieux, nés en dehors du mariage, une éducation répondant à leur qualité. Ces Reichsschulen offrent aussi un foyer aux enfants qui, le mariage de leurs parents connaissant de graves perturbations, peuvent subir dans leur enfance des impressions nocives qu'ils traîneront durant toute leur existence. Qu'un mariage se maintienne uniquement pour l'amour des enfants est pratiquement impossible. Il l'a constaté maintes fois avec ses vieux camarades du Parti qui, par les missions qu'il leur confiait, devenaient progressivement plus capables et plus mûrs, et que leur femme ne pouvait suivre dans cette évolution. Dans ces ménages, les scènes succédaient aux scènes et une séparation plus ou moins complète devenait inévitable. Il est, à son avis, désirable, que l'homme aspire à compléter sa vie par une femme qui soit assez proche de lui par la nature et les qualités, pour grandir avec lui et constituer vraiment le complément de son existence. Mais il est impossible de formuler des règles générales. C'est, chaque fois, un cas particulier. Si, dans un de ces cas, on incline à donner raison à l'homme, il y en a une quantité d'autres ou l'on ne peut exiger de la femme qu'elle maintienne le mariage. Il ne comprend pas, par exemple, les maris qui croient pouvoir maltraiter leur femme, la tourmenter moralement ou l'empêcher d'exercer un métier.

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HITLER CET INCONNU 88.

25/4/1942 (Chancellerie de Berlin.) LE VÉGÉTARISME

Au déjeuner, à la Chancellerie du Reich, le Reichsminister Dr Goebbels demande si une livre de pommes de terre a, pour un homme, la même valeur nutritive qu'une livre de viande. Le Chef répond par l'affirmative et continue : Les soldats de la Rome antique, savons-nous, se nourrissaient principalement de fruits et de bouillies. Leur aversion pour la viande se manifestait particulièrement lorsque, par suite des difficultés du ravitaillement, on était obligé de leur en donner. Les images qui nous sont parvenues montrent qu'ils avaient des dents magnifiques ; dire qu'il faut manger de la viande pour avoir des dents saines doit donc être faux. Regardons la Nature. Le petit enfant montre une répulsion très vive pour la viande. Les petits Noirs des tribus où l'on se nourrit exclusivement de plantes sont plus forts que les autres, parce que leur mère les allaite pendant quatre ou cinq ans. Le chien, mangeur de viande, n'est nullement capable des mêmes performances que le cheval, végétarien. Le lion, mangeur de viande, ne peut courir sans se fatiguer plus de deux ou trois kilomètres, tandis qu'un chameau, végétarien, ne commence à tirer la langue qu'au bout de six ou sept jours. Malheureusement, la plus grande partie de nos savants n'ont pas, à cet égard, des idées suffisamment nettes. Il est pourtant prouvé que les maladies comme le béribéri peuvent être guéries en huit jours tout au plus, par une alimentation végétarienne, en particulier par des épluchures de pommes de terre non cuites. Dans une alimentation à prépondérance végétarienne, il faut se souvenir que c'est à l'état cru que les plantes présentent la plus grande valeur nutritive. De même que le moucheron se nourrit de la feuille vivante, la grenouille du moucheron et la cigogne de la grenouille, toute nourriture rationnelle part de la chose vivante. L'étude des vitamines montre que la cuisson détruit les plus précieuses. Mais, par cette cuisson, on détruit aussi les microbes et pas seulement des éléments chimiques. Si nos tout-petits sont aujourd'hui sensiblement mieux portants que dans l'Allemagne impériale ou celle du Système (la Répu332


HITLER CET INCONNU blique de Weimar), c'est que la plupart de nos mères se sont laissé convaincre qu'elles favorisaient plus la santé de leurs enfants en leur donnant des racines crues et autres choses analogues qu'en leur donnant uniquement du lait bouilli. Le Reichsminister Frick (1) demande au Chef ce qu'il pense de l'évasion du général français Giraud, qui s'est produite ces derniers jours. Le Chef déclare qu'il faut tout faire pour s'en saisir de nouveau. Autant qu'il le sache, il s'agit d'un homme très capable et on ne peut savoir s'il ne passera pas à l'opposition, aux gens de de Gaulle, dont il deviendrait la tête pensante. L'histoire mondiale offre de nombreux exemples de grands capitaines qui avaient seulement de trente à trente-cinq ans — qu'on pense à Napoléon et, surtout, au grand Alexandre, qui en avait vingt — mais aussi beaucoup qui montrèrent seulement leurs talents juste avant soixante-dix ans ou après. Dans la fuite de ce général à qui l'on avait accordé tous les allégements possibles dans sa captivité, il voit une indication très claire des véritables sentiments des Français. On devra donc, à l'égard de ceux-ci, conserver la tête froide pendant la durée de l'armistice et lors de la conclusion du traité de paix, et se laisser conduire par l'expérience historique, non par une sentimentalité que l'affaire Giraud vient de démontrer être déplacée (2). Il ne suffira donc pas de conserver les îles de l'Atlantique (anglo-normandes). Si nous voulons assurer notre prépondérance sur le continent nous devons également occuper des bases militaires sur l'ancienne côte française de l'Atlantique. Il ne faudra pas oublier non plus qu'une grande partie de l'histoire allemande s'est déroulée dans l'ancien royaume de Bourgogne, qu'il s'agit là d'un territoire allemand que les Français nous ont pris au temps de notre faiblesse.

(1) Le ministre de l'intérieur Wilhelm Frick, pendu à Nuremberg, (2) Le procès de Nuremberg a révélé que le maréchal Keitel transmit bien l'ordre donné par Hitler de faire assassiner Giraud, mais que l'exécution en fut entravée par l'amiral Canaris.

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HITLER CET INCONNU 89.

26/4/1942, midi. (Chancellerie du Reich.) MISE A L'INDEX DES ACTEURS QUI FONT DE LA POLITIQUE

Au déjeuner, avant le départ pour la séance du Reichstag, le Dr Goebbels raconte au Chef ses expériences avec les acteurs qui font de la politique. Il a dû récemment encore rappeler à Jannings (1) qu'il devait s'abstenir de toute déclaration hostile à l'Etat. Jannings a riposté qu'il avait tout de même le droit de parler, et il a fallu très longtemps pour le convaincre que ses déclarations pouvaient facilement être interprétées comme hostiles à l'Etat ou donner lieu à des commentaires hostiles. Les acteurs et les artistes sont d'esprit si fantasque, confirme le Chef, qu'il faut, de temps en temps, lever le doigt pour les ramener sur le terrain des réalités. 90.

Soir (Chancellerie). LES FOYERS D'ART

Le gauleiter Forster (Prusse-Orientale) signale que des œuvres d'art de Dantzig se trouvent toujours à Cracovie et demande s'il ne serait pas opportun de les en ramener. Le Chef s'y déclare opposé par principe. Si l'on s'engageait dans cette voie, n'importe quelle ville ou localité réclamerait des œuvres qui ont quelque lien avec elle. Liebel, le bourgmestre de Nuremberg, par exemple, a demandé, après l'occupation de la France, de la Serbie et des territoires, que toutes les œuvres d'art de ces régions ayant Nuremberg pour origine y soient renvoyées. En donnant satisfaction à de telles demandes, on s'exposerait à dépouiller certains musées de leur caractère et même certaines œuvres de leur valeur en les éloignant du milieu où leur auteur les a sciemment placées. Quand il examina les produits de la confiscation des biens juifs à Vienne, il fut fermement d'avis que tout ce qui pouvait (1) L'acteur Emil Jannings (1886-1950).

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HITLER CET INCONNU compléter les musées viennois devait rester sur place. Avec la même fermeté, il maintint, contrairement au désir des Viennois, que les autres œuvres d'art seraient envoyées là où elles serviraient à l'installation de nouveaux musées, par exemple les œuvres de Franz Hals à Linz, pour le musée des maîtres modernes, les pièces tyroliennes à Innsbruck, etc. Il prit ces décisions, qui ne faisaient pas l'affaire de ses chers Viennois, d'un cœur d'autant plus léger que, à cause de l'action de la Maison des Habsbourg qui dura cinq siècles, il existait assez de choses dans les caves et greniers de l'ancienne capitale autrichienne pour remplir trois nouveaux musées. Rien qu'en Gobelins, les dépôts contenaient plus de mille pièces merveilleuses dont le public n'avait aucune connaissance. Lors de l'examen de quelques tableaux de Rembrandt confisqués, ses chers Viennois, qu'il connaît si bien, essayèrent, à leur manière passionnée, de le persuader de leur laisser toutes les toiles authentiques et de n'envoyer à Linz ou à Innsbruck que celles de maîtres inconnus. Sa décision d'y envoyer même les toiles authentiques, dans la mesure où elles ne comblaient pas quelque lacune dans les musées viennois, les avait rendus furieux.

Soir. LINZ, NOUVELLE PERLE DU DANUBE

Au dîner, le Chef parle au professeur Speer de ses projets pour Linz. Aujourd'hui, dit-il, Budapest est, de loin, la plus belle ville du Danube ; aussi a-t-il à cœur de faire de Linz une ville allemande qui dépassera Budapest de beaucoup et qui constituera la preuve de la grande supériorité de l'esprit et de l'art des Allemands sur ceux des Magyars. Il projette non seulement d'y aménager la rive du Danube de façon grandiose mais aussi d'y exécuter un vaste programme de maisons d'habitation. Au bord du Danube s'élèveront, à côté d'un grand hôtel de la « Force par la Joie », un hôtel de ville

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HITLER CET INCONNU sur les plans du professeur Giesler (1), le bâtiment du gau et la Maison commune du N.S.D.A.P. sur les plans de l'architecte Fick, un bâtiment pour l'autorité militaire, un stade olympique, etc. Il compte, comme particularité et par contraste avec Budapest, faire lancer un pont suspendu sur le Danube. En outre, sur l'autre rive du fleuve, s'élèvera un monument qui, en dépit de la pseudo-science catholique, contiendra les trois représentations du monde d'après Ptolémée, Copernic et Hörbiger, avec, dans la coupole, un planétarium qui non seulement satisfera la soif de savoir de ses visiteurs mais facilitera le travail des chercheurs. Pour l'aménagement intérieur, il suivra largement les conceptions du professeur Troost (2). Par un curieux hasard, un croquis qu'il avait dessiné au quartier général avec ses crayons bleu, rouge et vert, selon les idées du professeur, a été envoyé à Mme Troost à la place d'une carte de vœux d'anniversaire. Il a éprouvé une grande joie lors de la préparation des plans pour les maisons du gau et du Parti ; en les voyant, le Reichsleiter Bormann a spontanément offert de mettre à sa disposition tous les moyens nécessaires. Mais comme le Reichsschatzmeister (3) financera la construction, il a refusé cette offre dont il est extrêmement reconnaissant au Reichsleiter Bormann. Linz devra devenir la nouvelle métropole mondiale dans les dix années qui suivront la fin de la guerre. En tant qu'artiste, l'idée de cette construction ne cesse de l'enthousiasmer, car Linz possède ce qu'aucune autre ville ne peut offrir à une architecture grandiose : un site d'une beauté unique. En dehors des liens personnels qui l'attachent à Linz, c'est cette beauté du site qui l'a décidé à effectuer cette transformation. Les Viennois ont tort de supposer que leur monopole culturel sur les gaue des Alpes et du Danube en sera atteint. Rien n'est plus éloigné de son esprit que la pensée d'amoindrir la position de Vienne dans la mesure où elle repose sur des assises solides. Mais ne pas faire de Linz, dans son site enchanteur, la grande ville du Danube simplement pour ménager l'amour-propre des (1) Architecte de Munich, très prisé par Hitler. (2) Architecte de Hitler jusqu'à sa mort, survenue en 1934. (3) Franz Xaver Schwartz, trésorier national du N.S.D.A.P.

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HITLER CET INCONNU Viennois, serait un crime. Ne serait-ce qu'à cause de la Hongrie qui s'est si habilement dérobée aux efforts et aux privations de cette guerre et qui, en conséquence, aura à en payer la note dans divers domaines après la guerre, il faut donner à Linz tout l'éclat imaginable. En outre, ce serait — du point de vue historique — une dérision intolérable que la capitale des successeurs d'Etzel et de ses Huns fût justement la plus belle ville du fleuve des Nibelungen (1). 91.

2714/1942 (midi). (Restaurant « Osteria », à Munich.) L'AVENIR DES CHEMINS DE FER PANIQUE A ROSTOCK

Au déjeuner, eu petit comité, le Chef discute, avec le professeur Giesler et le ministre Esser (2), l'aménagement des voies de communication dans les territoires de l'Est. L'extension du réseau ferroviaire, déclare-t-il, réclamera des voies ferrées qui ne pourront être mesurées à l'aune de l'ancien Reich. 1l faudra évidemment une liaison rapide avec Constantinople mais également entre la Haute-Silésie et le bassin du Donetz. Il pense qu il faudrait prévoir, pour ces lignes, des trains circulant à la moyenne de 200 km/h. Cela empêchera naturellement de se servir des trains actuels. Il faudra construire des wagons plus larges qu'il serait bon de prévoir avec une impériale particulièrement aménagée pour que les voyageurs aient une excellente vue. Ces wagons rouleraient sur des voies à écartement non pas normal mais beaucoup plus grand — environ quatre mètres — aussi serait-il bien d'aménager ces voies à circulation rapide de façon à pouvoir servir, avec une ou deux voies complémentaires à la circulation dans les deux sens des trains de marchandises. 1l part du principe que la ligne principale, par exemple celle avec le bassin du Donetz, devrait être construite à quatre voies. (1) D'après la Chanson des Nibelungen, Etzel (Attila) résidait à Etzelburg mais, pour le poète, c'était Gran et non Budapest comme le supposait Hitler. (2) Hermann Esser, membre n° 2 du « Parti des Travailleurs allemands », un des personnages les plus troubles de l'entourage immédiat de Hitler. Membre du gouvernement bavarois à partir de 1933.

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HITLER CET INCONNU Ce serait la seule possibilité de nous réunir — économiquement, en particulier — l'espace oriental d'une façon répondant à nos projets. La réalisation d'un programme ferroviaire aussi vaste présentera naturellement une foule de difficultés, mais cela ne doit pas nous effrayer, car tout ce qu'on raconte sur l'aménagement d'un réseau de canaux reste du pur verbiage, l'hiver durant sept mois dans les territoires de l'Est et rendant un tel réseau inutilisable. Je ne suis plus de service ce soir, après avoir encore porté (à Hitler) un télégramme concernant le bombardement de Rostock (1). Une panique s'est déclenchée dans cette ville, quelqu'un ayant, par une erreur de manœuvre, mis en marche les sirènes d'alerte. Les gens se précipitèrent à la gare et on ne put les faire revenir qu'en employant des militaires et en recourant à des distributions de chocolat et de beurre. Quarante mille personnes étant sans abri, il va falloir évacuer largement la ville. 92.

29/4/1942 (Berghof). LE BERGHOF DE HITLER

Ici, sur le « Berg », comme nous disons, tout est merveilleux. Seule déception : la neige, qui est tombée il y a deux jours alors qu'il faisait un beau soleil à Berlin et à Munich, raison qui avait fait conseiller par les médecins une visite au Berghof. Le Führer et nous tous en avons par-dessus la tête de cette neige à cause du dernier hiver. L'armée napoléonienne n'avait connu en Russie qu'un froid de 25° alors que celui de cet hiver atteignit 52°, ce qui ne se produit en Russie que tous les cent cinquante ans (2). Grâce à de nombreuses photographies, tout le monde connaît bien le Berghof, du moins de l'extérieur. Les installations intérieures ne le cèdent en rien à cet extérieur. Les pièces de séjour (1) Deuxième des « attaques de terreur », la première ayant eu lieu sur Lübeck. Rostock fut fortement bombardé en quatre nuits successives, du 23 au 28 avril. (2) La propagande nationale-socialiste exagéra la rigueur de l'hiver pour expliquer la catastrophe dont fut victime l'armée, insuffisamment préparée contre le froid. En réalité, l'hiver russe de 1941-42 n'eut rien d'exceptionnel.

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HITLER CET INCONNU sont toutes lambrissées et aménagées avec un goût raffiné. Les meubles sont tous massifs, mais rendus discrets par des nappes et des coussins d'une nuance ultra-moderne. Aucune pièce n'est surchargée. Dans le vestibule de réception, pur exemple, où se trouve l'historique poêle de faïence, il n'y a que des bancs muraux, pas une seule chaise. La grande salle où, après le déjeuner, nous assistons, avec les aides de camp, à la projection d'un très beau film, possède d'admirables Gobelins, des vases de fleurs artistement disposés, et, surtout, offre un extraordinaire panorama sur les montagnes. 30/4/1942 EVA BRAUN

La maîtresse de maison est une Munichoise de vingt-neuf ans, aux yeux bleus, blonde et gracieuse, qui non seulement tient bien en main le personnel mais s'entend à tout disposer, jusque dans le moindre détail, comme le Führer le désire. Elle se nomme Eva Braun. La chose la plus remarquable est que tout, ici, vit en fonction du Führer, que le Berghof constitue pour lui un véritable foyer où il peut — comme hier — quand il revient vers vingt-deux heures d'une conversation fatigante (avec le Duce) se détendre complètement pendant encore deux heures en présence de gens qui le vénèrent. Hier à midi — après qu'on nous eut servi, en l'absence de Hitler, un fantastique plat de légumes — Mme Esser a demandé à la maîtresse de maison (Fräulein Braun), si elle comptait repar~ tir ou rester au Berghof. Elle s'est entendu répondre : « Lorsque le Führer n'est pas là, tout est vide pour elle, et elle renonce volontiers à toutes les commodités dont elle y dispose pour se retrouver même brièvement au voisinage du Führer, lui montrer les petits tours d'adresse exécutés par son chien, etc. Car, malheureusement dans son emploi du temps, le Führer n'accorde aucune attention aux choses personnelles mais se consacre entièrement à ses obligations officielles. » Les questions posées par Mme Esser, qui, manifestement se

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HITLER CET INCONNU croyait seule avec Mlle Braun, étaient si nettement à double sens, que le tact ne paraissait nullement refréner sa curiosité. Mais il est positif que Mlle Braun se limite délibérément à la tenue de la maison que la sœur de Hitler assurait avant son mariage. Je pus constater que les manières de star lui sont complètement étrangères, bien qu'elle ait le type de la secrétaire mondaine de la grande ville, lorsque, absorbé par le film d'hier, je posai, sans y prendre garde mon verre sur un poste de radio tout neuf. « Ne laissez pas voir cela à Bormann, qui a donné ce poste, sinon il y aura un éclat inutile », dit-elle pour me mettre ainsi discrètement en garde, moi, nouveau venu sans le moindre intérêt, contre le « tonnerre redouté ». Hier soir, j'ai encore dîné au Berghof. Conversation intéressante entre le Reichspressechef Dietrich et le ministre Esser qui comparent le Führer au Duce et sont tous deux d'avis que le Duce n'entretient pas avec ses collaborateurs des rapports aussi cordiaux, de loin, que le Führer avec les siens. 93.

Soir. L'OPÉRA : CLEMENS KRAUSS, BRUNO WALTER, KNAPPERTSBUCK, FURTWANGLER

Au dîner, Hitler se plaint de ce que nous n'ayons que deux ténors nobles qui circulent dans toute l'Allemagne pour chanter ici et là. La responsabilité en incombe aux directeurs d'opéras et d'établissements de musique générale qui ne se sont pas préoccupés suffisamment de préparer la relève. A cause de leur paresse, un bon nouveau chanteur est contraint de gagner sa vie sur des scènes provinciales où plus il fait, plus on lui demande. Comme un jeune chanteur ne peut tenir les rôles les plus divers les uns après les autres sans gâcher sa voix, le résultat est toujours le même ; la perte d'un talent souvent très prometteur. Aussi a-t-il demandé au directeur de l'Opéra de Munich de former, par un enseignement convenable de deux à cinq ans, une troupe d'opéra pour le théâtre de Linz. Il s'est engagé dans cette voie parce qu'il juge préférable d'assurer la formation des

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HITLER CET INCONNU bonnes voix par un enseignement méthodique de plusieurs années qui leur donnera toutes leurs possibilités, plutôt que d'abandonner cette formation au hasard. Il lui est égal d'avoir ainsi à faire accorder des crédits supplémentaires pour cette formation des chanteurs s'il a la garantie qu'ils seront employés uniquement dans des rôles qui leur conviennent. Si de nombreuses directions théâtrales s'engageaient dans la voie qu'il a adoptée pour la troupe de Linz, nous disposerions, en quelques années, d'une quantité d'excellents éléments. Mais les directeurs ont l'obligation de se souvenir constamment que tous les chanteurs et chanteuses doivent être agréables à regarder, sinon l'on n'a plus la « représentation » d'un opéra, mais une simple lecture à vue de la partition. Avant tout, il faut que les théâtres renoncent à la stupidité de croire qu'ils sont obligés de présenter toujours quelque chose de nouveau en faisant venir des tournées, car ils ruinent ainsi leur propre troupe. Ils doivent demander à leurs artistes le maximum et — si ceux-ci se montrent supérieurs à la moyenne — les empêcher de partir pour Berlin où ils ne peuvent être que des doublures. Il est aussi important d'éduquer les chefs d'orchestre que de former les chanteurs. S'il en avait existé assez de bons au temps du Système, le scandale de Bruno Walter n'eût pas été possible (1). Bruno Walter n'était, à l'Opéra de Vienne, qu'une nullité lorsque la presse juive de Munich attira l'attention sur lui et, par des tours de passe-passe, le présenta comme le chef d'orchestre le plus « génial » de toute l'Allemagne. C'est l'Opéra de Vienne qui en fit les frais, car il ne réussit à faire avec ce grandiose orchestre que de la musique de brasserie et mit ainsi l'Opéra sur la paille. Lorsqu'on décida de le remplacer, on constata qu'il existait une véritable pénurie de bons chefs d'orchestre et il fallut appeler

(1) Bruno Walter, né en 1876, chef d'orchestre à Leipzig, à Vienne, passé en France en 1938 puis aux États-Unis en 1940.

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HITLER CET INCONNU à. Vienne Knappertsbusch (1), qui est bien un Germain avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus, mais qui croit pouvoir faire de la musique sans avoir l'oreille musicale, uniquement de chic. L'entendre conduire un opéra est un véritable pensum. Par la force de son orchestre, où les cuivres couvrent presque complètement les violons, il réduit le chant à une criaillerie où les chanteurs prennent l'air de têtards. Lui-même se livre à une telle série de dislocations qu'on ne peut même pas le regarder. Furtwängler (2) est le seul chef d'orchestre à ne pas se conduire comme un pantin, à exercer pleinement son art. Un de ses plus grands exploits fut de rendre l'orchestre philharmonique de Berlin très supérieur à celui de Vienne bien qu'il reçoive des subventions sensiblement plus faibles que celui-ci. Il faudrait vérifier si — comme on le dit — le fait que le Philharmonique de Berlin dispose, contrairement à celui de Vienne, de stradivarius, joue vraiment un rôle. Mais l'important est que le Philharmonique de Berlin possède deux concertistes de très grand talent, âgés de vingt-trois ans et de dix-neuf ans respectivement, dont les violons ont une sonorité cristalline qui frappe instantanément, et le coup d'archet d'un violoniste de vingt ans est assurément meilleur que celui d'un sexagénaire. Afin d'obtenir des chefs d'orchestre de valeur pour l'Opéra de Linz, il a chargé Clemens Krauss (3), du Théâtre national bavarois, de former des artistes convenables.

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1/5/1942, midi (Berghof). L'AMÉNAGEMENT D'UNE VILLE SES MONUMENTS REPRÉSENTATIFS

Hitler conduit à table Mme Speer dans laquelle il retrouve, malgré sa jeunesse, cette réserve féminine qu'il admire tant chez la vieille Mme Siebert, épouse du ministre-président de Bavière, qui jouit également d'un grand prestige à l'étranger. Ce sont des (1) Hans Knappertsbusch, né en 1888, directeur à Vienne depuis 1938, (2) Wilhelm Furtwängler, né en 1886, mort en 1954. (3) Clemens Krauss (1893-1954), alors Intendant de l'Opéra de Munich.

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HITLER CET INCONNU femmes eminentes qui — comme le dit Hitler — se tiennent parfaitement à leur place en dépit du tumulte de l'époque et des feux de la rampe de la publicité, et constituent des modèles de serviabilité agissante, sans jamais donner prise à la malignité des langues ou des gazettes. Mlle Braun se tient, comme toujours à la gauche de Hitler avec le Reichsleiter Bormann comme voisin de table. Le Chef parle fort élogieusement du château de Kiessheim (1), transformé par le professeur Giesler, choisi par le gouvernement pour recevoir ses hôtes lors de la visite du Duce. La distribution des pièces, souligne-t-il, répond parfaitement aux besoins de représentation d'une grande puissance parce que, contrairement à ce qu'on trouve dans les demeures des petits potentats, il existe toujours de vastes paliers entre le portail et l'escalier, entre l'escalier et l'entrée de la salle de réception. Il importe que nos architectes s'habituent à penser en termes de distribution plus grandiose des espaces. C'est la seule façon d'éviter d'avoir des villes où les maisons s'entassent simplement et s'accolent les unes aux autres, comme à Zwickau, Gelsenkirchen, Bitterfeld, etc. Quand il entre dans une de ces villes dépourvues de goût, il éprouve la même détresse morale que s'il était banni de son pays. Il est donc fermement résolu à introduire un élément culturel même dans les plus petites localités et à élever ainsi graduellement le niveau artistique de nos villes. Cependant, dire que la valeur culturelle d'une ville résulte largement de ses traditions ne manque pas de vérité. Bayreuth, Weimar et Dresde en constituent les preuves classiques. Peut-être n'est-il pas possible de donner à une ville un visage qui satisfasse pleinement notre sentiment de la culture, si quelque grand homme n'a respiré entre ses murailles. Il nous faut tout au moins essayer de fournir même à la plus petite ville un facteur de développement culturel. S'il n'est pas possible, dans tous les cas particuliers, de trouver dans chaque Kreisleiter une personnalité qui y soit apte, nous devons veiller, avec l'aide du Parti et de son organisation, à ce que le Kreisleiter (1) Près de Salzbourg, précédemment habité par un archiduc.

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HITLER CET INCONNU soit au moins le point de cristallisation d'une certaine vie culturelle. Dès qu'un tel point de cristallisation existera, on aura la possibilité de développer la culture. Il ne suffit pas, par exemple, d'avoir un musée où l'on conduit seulement les enfants, nos dirigeants doivent veiller que les hommes du Service du Travail et la Wehrmacht aillent aussi dans ce musée, afin d'éveiller lentement l'intérêt dans tout le peuple et d'y faire naître l'amour de l'art. Dès l'enfance il faut éduquer le regard à distinguer entre le grand et le petit ; c'est la seule façon d'apprendre aux jeunes à apprécier la beauté d'une œuvre non seulement dans son ensemble mais aussi dans tous ses détails. 95.

2/5/1942 (dans le train entre le Berghof et le Wolfsschanze). MEISSNER, RIBBENTROP, LE DUCE LA RADIO ET LE TESTAMENT DE LUTHER LES CRITIQUES COMME MINISTRES RÉGLEMENTATION DES SOCIÉTÉS

Chez Bormann (au Berghof), je fais la connaissance du ministre Meissner (1) qui s'entend à se comporter en « vieux monsieur charmant » et qui brille à la fois par l'esprit et l'amabilité. Au Berghof, je me suis également présenté au ministre Ribbentrop. Son allure est tout à fait militaire ! J'ai aussi vu Mussolini plusieurs fois au Berghof. Malgré sa tête de César, il paraît autrement sportif et souple que son gendre, Ciano, et semble être un véritable ami du Führer à en juger par la cordialité de son comportement envers lui. Le général Cavailero (2), chef d'étatmajor général italien, est particulièrement sympathique ; il s'adresse au Chef en disant . « Mon Führer. » Midi. Au déjeuner, le Chef parle brièvement de la traduction de la (1) Directeur de la Chancellerie présidentielle sous Ébert, Hindenburg et Hitler. (2) Chef d'état-major généra! à partir du 4 décembre 1940, après le départ du maréchal Badoglio; il se suicida le 12 septembre 1943.

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HITLER CET INCONNU Bible par Luther et souligne que son principal mérite fut de donner au peuple une langue littéraire bien définie. La langue constituant le moyen de liaison le plus élémentaire d'une collectivité, cette création de Luther a fortement contribué à imprégner au Moyen Age le peuple de l'idée d'Empire. C'est une constatation qui doit nous inspirer dans notre action politique d'aujourd'hui. La besogne alors remplie par la traduction luthérienne de la Bible incombe désormais à la radio qui doit donc parler un allemand très pur et contribuer ainsi à faire disparaître les tendances séparatistes dans la langue, les dialectes en particulier. Le Chef parle ensuite du moment qui eût été le plus favorable pour agir contre le Diktat de Versailles. Ce fut, pense-t-il, immédiatement après sa signature, parce que l'Allemagne disposait alors encore de suffisamment de soldats entraînés et de matériel, alors que l'autre camp se trouvait paralysé par une complète lassitude de guerre. Il aborde finalement la question de savoir s'il ne conviendrait pas d'enrôler les critiques de l'Etat possédant quelque valeur dans les ministères et de leur confier des responsabilités. Il répond catégoriquement par la négative et signale l'exemple de l'Oberfinanzrat Dr Bang, qu'il fit secrétaire d'Etat, et du Geheimrat Hugenberg, qu'il nomma ministre de l'Economie ; tous deux constituèrent des échecs à cause de leur esprit timoré.

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Soir.

Au dîner, le Chef dit que dissoudre les associations de producteurs ou bien les faire prendre en main par l'Etat et réglementer, serait une très grave erreur. Indépendamment du fait que l'Etat ne produit jamais à meilleur marché mais au contraire plus cher, une organisation forcée des producteurs leur enlèverait trop facilement tout intérêt professionnel. De même, pour des raisons politiques, on peut tranquillement laisser subsister un certain nombre d'associations apolitiques et inoffensives.

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HITLER CET INCONNU 97.

3/5/1942 midi (Wolfsschanze). LES ATTENTATS CONTRE HITLER

Au déjeuner, le Chef observe qu'il a dû d'échapper aux deux attentats où sa vie fut vraiment menacée, non à la police mais au hasard. Lors de la réunion de la Bürgerbräu, dans la soirée du 8 novembre 1939, il quitta la salle dix minutes avant le moment prévu, échappant ainsi à l'attentat, parce que, à cause d'un rendez-vous urgent, il dut prendre le train pour Berlin. Lors du second (1), un Suisse qui le guetta pendant trois mois au Berghof, le manqua régulièrement lors de ses promenades, et, quand il vint à Munich pour le poursuivre, fut découvert par un employé de chemin de fer. Celui-ci, contrôlant son billet de Berchtesgaden à Munich, lui demanda quel était l'objet de son voyage ; le Suisse répondit qu'il essayait vainement, depuis plusieurs mois, de remettre une lettre au Führer à Berchtesgaden ; cela éveilla les soupçons de l'employé et il le fit arrêter. En le fouillant, on trouva bien une enveloppe fermée adressée au Führer, mais elle était vide, découverte à la suite de laquelle on amena le Suisse à faire des aveux complets. Ses déclarations présentèrent de l'intérêt pour le Chef, car elles confirmèrent son opinion qu'il n'y a absolument rien à faire pour se protéger contre un auteur d'attentat idéaliste, bien décidé à risquer sa vie pour la réussite de son projet. Il comprit alors pourquoi 90 % des attentats politiques avaient réussi. Les seules précautions qu'on puisse prendre consistent à vivre de façon irrégulière, à faire les promenades, les sorties en auto et les voyages sans aucune régularité. Mais ce ne sont que des mesures de précaution, rien de plus. En conséquence, il donne à toutes ses sorties un caractère d'improvisation, sans avertir la police au préalable. Il a prescrit à Rattenhuber, chargé de sa sécurité personnelle, et à Kampka, son chauffeur, de garder le secret le plus absolu sur ses déplacements, même envers n'importe quelle autorité, si élevée soit-elle. (I) 11 y eut des tentatives d'assassinat en 1936 (étudiant Helmut Hirsch) et en 1938 (Döpking et Kremin). On ne voit pas très bien celui dont Hitler parle ici.

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HITLER CET INCONNU Dès que la police est avertie de ces déplacements, elle rompt avec son service habituel et alerte ainsi les gens, sans penser que tout ce qui sort de la règle frappe aussitôt l'attention. Son voyage vers Vienne et Presbourg, lors de l'entrée en Autriche, en constitue un exemple probant. La police sema l'alerte entre Vienne et Nikolsburg et sur la route de Presbourg, ce qui était d'autant plus dangereux qu'elle ne disposait pas des forces nécessaires pour établir des barrages. En outre, ses inspecteurs en civil étaient vêtus de telle façon qu'on reconnaissait leur qualité au premier coup d'œil. Il passa sans encombre après avoir ordonné de prendre un itinéraire différent de celui qui avait été fixé et de respecter même les feux rouges dans les villes. La protection de la police ne peut jouer son rôle que lorsqu'il est impossible de modifier l'heure et le programme d'une manifestation. Là aussi, naturellement, elle jette l'alarme, provoque de vastes rassemblements et crée donc des difficultés colossales, mais, en de telles occasions, comme le Ier mai, le 9 novembre, la fête de la moisson à Bückeberg, où viennent 700 000 personnes, et la revue d'anniversaire à Berlin, il faut accepter le risque qu'il existe, en quelque endroit de cette foule, un idéaliste prêt à tirer sur vous avec une arme à lunette de visée. Il faut donc observer attentivement tous les coins d'où cela pourrait se produire ; avant tout, on doit veiller à ce que, de nuit, ils soient bien éclairés par les projecteurs de la police et éviter que ces projecteurs, comme cela se produisit un jour à Hambourg, restent uniquement braqués sur sa voiture. Lors de ces manifestations officielles il faut éviter les voies étroites dans toute la mesure du possible. A Berlin, par exemple, l'un des endroits les plus dangereux est l'accès, large seulement de cinq mètres, à l'Opéra Kroll, Comme il ne peut exister de protection à cent pour cent contre des assassins idéalistes lors de ces manifestations officielles à programme bien précis, il se lient tranquillement debout dans sa voiture. Chaque fois se vérifie le proverbe selon lequel le monde appartient aux audacieux. Une position assise ne lui offrirait pas plus de défense contre la balle ou la bombe d'un idéaliste. Toutefois, le nombre des idéalistes qui pourraient être dangereux pour lui, n'a cessé de

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HITLER CET INCONNU diminuer. Parmi les bourgeois et les marxistes, il n'est personne prêt à jouer sa vie dans un attentat. Sont seuls dangereux ceux que les calotins excitent du haut de la chaire, ou les nationalistes des territoires occupés par nos troupes. Mais, même contre eux, une longue expérience lui a appris à prendre des précautions qui réduisent leurs possibilités. Par exemple, il n'est plus guère possible de tirer sur lui ou sur son chauffeur, sur la route ou dans un virage, car il a retiré depuis longtemps les leçons de l'attentat contre Rathenau, et fait installer sur sa voiture un projecteur arrière capable d'éblouir le conducteur d'une auto qui le rattrape. 98.

Soir. LE TESTAMENT DE LUDENDORFF LES VILLES, CENTRES DE CULTURE NOCIVITÉ DE LA CENTRALISATION BUREAUCRATIQUE

Le Chef déclare au dîner qu'il entend n'intervenir aucunement dans les dernières volontés de quelqu'un si elles ne portent pas grossièrement atteinte aux droits de l'Etat et du peuple. En se permettant de telles interventions, on courrait le danger de créer des précédents qui auraient des conséquences imprévues de plus en plus vastes. Il dut s'occuper de ce problème lors de la mort de Ludendorff. Celui-ci spécifia dans son testament qu'il voulait ne pas être enterré au cimetière des Invalides à Berlin ni au monument commératif de Tannenberg, mais à Tutzing. Si irritante que cette disposition fût pour lui, le Chef avait décidé de la respecter pour ne pas créer de précédent. Pour la même raison, il tient absolument à ce que soient pleinement respectés la qualité en justice et les titres de propriété des personnalités civiles, c'est-à-dire des communes, des villes, des gaue, des länder. En y touchant, on détruirait un des moteurs les plus importants du labeur humain et on empêcherait de travailler pour l'avenir. Par exemple, si une collectivité rassemble une collection d'oeuvres d'art et que, en l'absence de titres qui lui en assure la possession à tout jamais, quelqu'un décide arbitrairement, au bout d'un

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HITLER CET INCONNU siècle, de la disperser dans toutes les directions, l'effet serait effroyable sur toutes les collectivités qui consacrent une partie de leurs moyens financiers à créer des centres culturels. Malheureusement, le ministre de l'Education (Rust), responsable du développement de la culture en Allemagne, a peu de compréhension pour ce genre de chose. Il n'a pas hésité à proposer au Chef de transporter l'Ecole des mines de Leoben à Linz quand le principe de créer un établissement d'enseignement supérieur dans cette ville a été adopté. En envisageant ce déplacement — alors que Linz ne possède pas de mine ni rien d'analogue — il n'a pas considéré qu'il ruinerait ainsi la ville de Leoben, où la vie des habitants, le nombre des habitations, etc., sont entièrement réglés par le fonctionnement de l'Ecole des mines ; cela a complètement échappé au camarade Rust. Ce serait également une stupidité si le ministère de l'Intérieur, dans son désir d'uniformisation bureaucratique, voulait enlever sa liberté administrative à une ville comme Lindau et ruinait ainsi sa position de centre culturel sur le lac de Constance. Même une ville comme Brunswick serait réduite à rien si on lui enlevait, sans contrepartie, le gouvernement du Land. Pour le cas où il lui arriverait quelque chose, il a bien recommandé à Goering de ne se laisser à aucun prix convaincre d'adopter une autre réglementation pour Brunswick. Le ministère de l'Intérieur a la malheureuse tendance de voir les choses de façon trop schématique. Ses juristes ne tiennent aucun compte du fait qu'une ville de 25 000 habitants peut être un grand bourg paysan, qu'une action directe du Landsrat administre au mieux, et en même temps un vieux centre de culture qui doit être géré en fonction de ses propres besoins, en conservant toute sa liberté administrative. Même dans ce domaine, nous avons beaucoup à apprendre des Romains. Comme eux, il faut ne concentrer tout le pouvoir entre les mains d'un seul qu'en période de crise et, en temps ordinaire, le répartir sur un grand nombre de personnalités, ne fonder et ne construire des villes que dans le cadre des nécessités politiques et culturelles ou pour répondre aux exigences de l'époque. Il nous faut, nous aussi, veiller que la réforme territoriale soit effectuée seulement après un examen approfondi de tous les fac-

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teurs qui entrent en jeu. Aussi, sur la proposition du Reichsleiter Bormann, a-t-il interdit de procéder, pendant la durée de la guerre, à des rassemblements d'arrondissements. Il a également pris des m lin ne profite pas des difficultés créées à d'autres par les conditions de guerre pour tirer toute la couverture à soi. Plus une ville est grande, plus elle a tendance à devenir une métropole de plein droit et à tout accaparer. C'est ainsi que Vienne a, pendant des siècles, accaparé toutes les œuvres d'art entre ses murailles, saignant, dans ce domaine toutes les régions des Alpes et du Danube. Il faut empêcher que quelque chose d'analogue ne se produise pour Linz et que quelqu'un n'essaye, un jour, de remplir les musées de celle-ci aux dépens de ceux de Munich, En conséquence, il n'y envoie que les œuvres d'art qu'il se procure sur le marché et qui, par conséquent, ne sont enlevées à aucune autre ville. Si l'on se permet, même exceptionnellement, dans le désir de compléter un musée — par exemple à Linz — de violer le droit de propriété d'une commune, d'un gau ou d'un land, on ébranle tout le système juridique et on ne sait plus où cela s'arrêtera. Pour imaginer l'ampleur de la bagarre qui se livrerait autour des œuvres d'art, il suffit de penser à la demande du bourgmestre de Nuremberg que toutes les œuvres des artistes de cette ville lui soient retournées. Il est d'ailleurs faux de croire qu'une œuvre d'art revient obligatoirement à l'endroit où elle a été créée. Elle franchit toujours les frontières de sa petite patrie pour susciter dans le monde de l'admiration pour son auteur et cette petite patrie. Mussolini l'a parfaitement compris et, par exemple, lui a offert le célèbre « Discobole. » Le plus grand danger pour nos villes d'art, il l'aperçoit dans le fait que la bureaucratie de Berlin pourrait encore accroître son influence sur elles. Cette bureaucratie confond la mission de l'autorité centrale qui consiste simplement à donner des directives et à n'intervenir qu'en cas de nécessité, avec une unitarisme qui tue toute vie. Le danger est particulièrement grand, car, au cours des vingt dernières années, cette bureaucratie s'est échafaudée sur elle-

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HITLER CET INCONNU même ; un. homme comme le directeur de la section communale au ministère de l'Intérieur, Suren, est devenu sous-secrétaire d'Etat uniquement parce qu'il avait servi pendant une durée déterminée à ce ministère, même si, en un nombre incalculable de cas, son action avait été plus nuisible qu'utile. Il faut donc rechercher des administrateurs de talent dans tout le pays pour en imprégner cette bureaucratie. Mais ces gens qui sont utilisables dans la pratique, on ne peut les former qu'en leur donnant la possibilité de démontrer ces talents dans une organisation administrative indépendante. Plus on décentralisera, plus il sera facile de trouver des gens aptes à occuper les postes centraux, qui sauront quelles directives donner à l'extérieur et là où il faut intervenir. Si on laisse la bureaucratie persister dans ses errements, une indolence générale s'établira partout dans quelques années. Car des hommes, capables, fermement plantés sur le terrain des réalités, ne permettront pas éternellement que quelque rond de cuir de Berlin décide d'un projet qu'ils ont étudié dans tous ses détails avec leurs collaborateurs, et réduise à néant leurs efforts par un refus. En tranchant dans les détails, les ministères berlinois ne peuvent, forcément, tomber juste que très rarement ; ceux qui y travaillent manquent de largeur de vue ; ils sont parvenus par de petits emplois à cette situation qu'ils jugent très importante mais qui est ridicule aux yeux des gens de grand talent. Quel véritable homme de théâtre consentirait à devenir rédacteur au ministère de la Propagande pour un traitement de 700 à 800 R.M. ? Pour un rédacteur ministériel, le seul moteur d'existence, c'est son égoïsme de bureaucrate. Le Chef redoute qu'un jour, une ville comme Bayreuth ne soit contrainte, pour obtenir de l'argent du ministère, de se soumettre aux directives de celui-ci. Il s'intéresse donc tout particulièrement au sort des deux fils de Mme Winnifred Wagner (1) en formant l'espoir qu'ils puissent poursuivre l'œuvre de leur père et de leur mère. Personnellement, il fera tout son possible, de son vivant, pour entretenir la ville de Richard Wagner et ses établissements culturels. (1) Femme de Siegfried Wagner, fils de Richard.

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La meilleure façon d'assurer la prospérité de tous les établissements culturels consiste à les laisser à la garde des diverses villes où ils se trouvent actuellement. Berlin peut être beau et convenir parfaitement comme métropole politique et militaire — qu'on pense à la revue qui a lieu à chaque anniversaire du Führer — il ne peut être pris en considération comme métropole artistique. Il n'y convient pas, rien que par l'atmosphère. Le Chef est contre la création d'autres villes de l'ampleur de Berlin. Il suffit largement au Reich d'avoir une agglomération de cinq millions d'habitants (Berlin), deux de deux millions (Vienne et Hambourg) et de nombreuses d'un million. Développer encore nos villes pour orienter vers elles la vie culturelle de plus vastes régions du Reich, serait une absurdité. Aussi a-t-il qualifié d'ânerie le désir, exprimé par Christian Weber, d'annexer Starnberg à Munich. Munich, justement, doit rester telle qu'elle est pour conserver son caractère. Si lui, le Chef, avait voulu qu'il en fût autrement, il aurait transféré à Munich les congrès du Parti. C'est parce qu'il veut maintenir, en Allemagne, une quantité de villes, petites, moyennes et grandes, comme centres de culture, qu'il a desserré la représentation du Parti et établi, par exemple, les congrès à Nuremberg qui, pendant dix jours, prend le caractère d'une cité olympique. Pour la même raison, il a tenu à maintenir la Cour suprême du Reich à Leipzig et il s'est réjoui qu'une haute instance judiciaire comme la Cour suprême d'administration s'installe à Vienne. Après la guerre, il lui faudra discuter de nouveau avec le Reichsführer S.S. Himmler au sujet des futurs établissements d'enseignement et d'étude de la médecine. Il faut voir si cette science peut vraiment être écartelée en médecine pour les S.S., médecine pour la marine, médecine pour la police, médecine pour les civils, etc. 99.

4/5/1942 (soir). UN PEUPLE NE SUCCOMBE PAS SOUS SES DETTES

Au dîner, le Chef observe que le règlement des dettes provenant de la guerre ne posera aucun problème.

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HITLER CET INCONNU 1. Comme il l'a déjà dit, les acquisitions de territoire réalisées par le glaive constitueront une telle augmentation de la fortune nationale que les dettes se trouveront couvertes plusieurs fois, 2. L'introduction dans notre économie de vingt millions de travailleurs étrangers moins payés que les nôtres procurera un gain qui compensera très largement les dettes. Il est facile de calculer ce gain en pensant que ces travailleurs étrangers recevront seulement 1 000 R.M. par an, au lieu de 2 000 comme les nôtres. L'étonnant est que très peu des dirigeants économiques allemands l'aient compris. Même le camarade Funk, ministre de l'Economie, a dû expliquer à l'occasion d'une évaluation de la fortune nationale, à quel point le niveau de vie du peuple allemand sera relevé par l'abondance de la main-d'œuvre étrangère et par la réduction de prix du travail manuel qui résultera de son utilisation (comparez les prix de la main-d'œuvre intérieure à celui de la main-d'œuvre extérieure). Finalement, l'Histoire nous enseigne qu'aucun peuple n'a encore jamais succombé jusqu'ici sous le fardeau de ses dettes. On ne peut donc que recommander à notre industrie d'agir, en ce qui concerne le domaine financier, avec un optimisme de cent pour cent dans les besognes d'armement qu'impose la guerre. 100.

5/5/1942 (midi). LES DÉMONSTRATIONS D'AMOUR D'UN CHIEN

Au déjeuner, le Chef s'extasie sur Bella, sa nouvelle chienne de berger, qui, jusque par son nom, lui donne d'énormes satisfactions. Au début, lors des promenades, leurs volontés se sont affrontées. Quand il voulait la faire sauter d'un bond par-dessus un banc, Bella grimpait sur le siège et attendait qu'il arrivât — en la grondant énergiquement — pour franchir le dossier nonchalamment. Désormais, elle réagit instantanément à ses ordres, sans plus se permettre une telle nonchalance qu'il ne saurait tolérer. On dirait que cette chienne a une horloge dans la tête ; chaque matin à neuf heures, quoiqu'il fasse encore complètement 12

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HITLER CET INCONNU noir dans le bunker, elle se livre à une grande démonstration, se jette sur lui et, avec des coups de patte énergiques, lui fait la plus sauvage déclaration d'amour. Il lui faut donc se lever de bon matin, alors qu'il resterait bien encore une heure ou deux au lit, à lire, même lorsqu'il s'endort très tard, comme la veille où il a lu l'Héritage germanique en Wallonie et en France de Pétris (paru en 1937) jusqu'à une heure avancée. D'ailleurs, ce livre l'a beaucoup intéressé, parce qu'il s'agit, d'après les noms de lieux, etc., de territoires qui nous ont été volés et dont nous avons le droit de réclamer la restitution. Il a lu d'un trait les deux volumes. Finalement, le Chef parle avec beaucoup d'humour des visites qu'on fera plus tard à ses lieux de résidence (Berghof, quartier général) en imitant le parler et les gestes d'un guide de musée bavarois. A signaler encore un entretien avec le capitaine Kleckel qui me dit ce que les soldats du front pensent du quartier général du Führer. Depuis qu'Adolf Hitler a pris le commandement en chef de l'armée, en décembre, que les défectuosités du ravitaillement ont été corrigées — dans la mesure des possibilités humaines — et qu'il arrive désormais des ordres nets, dus à la liaison directe entre le front et le quartier général, celui-ci est hautement considéré, contrairement à celui du Kaiser durant la (Première) Guerre mondiale, sans que le soldat s'intéresse à sa situation réelle, dans un secteur de l'avant ou à l'arrière. Les brassards, écussons et décorations portant l'inscription « FHQu (1) » que doivent recevoir tous ceux qui y servent assez longtemps, constitueront, un jour, une très haute distinction. 101.

Soir. LA VALEUR DES BONS COLLABORATEURS SCHIRACH ET AXMANN, CHEFS DE LA JEUNESSE LE COMMISSAIRE DU REICH EN NORVÈGE — LAMMERS

Au dîner, le Reichsleiter Bormann fait observer qu'à chaque (1) Quartier général du Führer.

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HITLER CET INCONNU visite officielle du Duce on voit toujours de nouveaux visages ; manifestement il change ses collaborateurs tous les deux ans. Le Duce, observe le Chef, doit y être contraint, car il sait aussi bien que lui-même, qu'on ne peut mener à bien des plans à long terme qu'avec des gens qui conservent longtemps le même poste. S'il procède à ces changements fréquents c'est parce que : a) le matériel humain dont il dispose pour occuper les postes de direction n'est pas d'une qualité suffisante pour qu'il puisse s'en servir longtemps ; b) il doit constamment proposer les meilleurs hommes du Parti pour les préfectures, car les préfets sont nommés par le roi, et celui-ci pourrait avoir la possibilité de faire un affront au Duce s'il présentait des fascistes insuffisants. Il sait de reste, lui, le Chef, la difficulté qu'on a à se procurer des hommes convenables pour tous les postes de direction. Il lui faut toujours faire appel aux mêmes. Pour fournir des commissaires aux territoires de l'Est il a dû recourir à de vieux gauleiters comme Lohse et Koch. Il s'efforce ainsi de garder les dirigeants en place aussi longtemps que possible afin de faire avec eux du bon travail. Le Reichsleiter Bormann a pleinement raison de dire que les gens auxquels on confie des missions de courte durée ne peuvent s'y identifier, donc obtenir d'aussi grands résultats que les autres. Si un gauleiter n'est pas certain de rester longtemps en place, deux considérations réagissent sur tous ses projets : 1. Comment le successeur poursuivra-t-il la besogne commencée et l'exécution des plans arrêtés ? 2. Comment jugera-t-il ces plans et les réalisations déjà effectuées ? Ne dira-t-il pas, au sujet d'une construction en cours, que l'emplacement a été mal choisi, qu'on y a englouti de l'argent inutilement, etc. ? Un fait met bien en lumière la difficulté de découvrir l'homme convenable : alors qu'il a trouvé des chefs de premier ordre pour les S.S., pour le Corps automobile national-socialiste (N.S.K.K.), pour le service du Travail (R.A.D.), il n'a pu en trouver pour les S.A. de sorte que ce corps, qui fut la troupe de choc lors de la lutte pour le pouvoir, est devenu une organisation où souvent 355


HITLER CET INCONNU on ne voit pas à temps ce qu'il faut faire ou bien on le fait mal. Quand il considère ce qu'il est advenu des S.A., il se réjouit particulièrement d'avoir découvert en Schirach (1) le chef qui convenait pour notre mouvement de jeunesse nationale-socialiste. Que ce mouvement de jeunesse soit devenu le plus puissant du monde, c'est incontestablement dû au mérite de Schirach. Celui-ci était encore jeune quand il vint à lui et il s'était déjà occupé avec succès d'organiser le mouvement des étudiants. Ses collaborateurs et son successeur sont également des hommes remarquables, par exemple Lauterbacher et Axmann (2). Lauterbacher rend les meilleurs services à Hanovre et le Reichsmarschall apprécie beaucoup ce qu'il fait comme Oberpräsident, dit le Reichsleiter Bormann ; le Chef approuve. Axmann, ajoute le Chef, était déjà très admiré par les jeunes garçons et les jeunes filles en tant que grand idéaliste, mais ses blessures de guerre en font, en outre, un véritable modèle de virilité militaire pour la jeunesse. Le Chef se réjouit d'avoir trouvé pour un des postes de commissaire du Reich les plus difficiles, à savoir celui de la Norvège, un chef de la valeur de Terboven (3). Comme celuici le lui a dit encore aujourd'hui même, il sait qu'en n'intervenant pas énergiquement, il se trouverait constamment sur du sable mouvant. Aussi a-t-il ordonné d'arrêter les membres du corps enseignant norvégien qui ont cru devoir saboter les mesures allemandes, et de les envoyer en Allemagne pour participer aux travaux de fortification. Malheureusement, l'autorité maritime (4) compétente pour assurer le transport de ces gens, s'est laissée entraîner par la bonté naturelle aux Allemands, en refusant de l'effectuer parce qu'il n'existait pas suffisamment de ceintures de sauvetage à bord des navires prévus. Elle aurait dû (1) Baldur von Schirach, chef de la Jeunesse de 1933 à 1940, gauleiter de Vienne de 1940 à 1945. (2) Lauterbacher, adjoint de Schirach puis gauleiter du Hanovre. Axmann, chef de la Jeunesse de 1940 à 194S. (3) Terboven, gauleiter à Essen, nommé commissaire du Reich en Norvège en avril 1940, réussit à se faire détester par tous les Norvégiens. Il se suicida lors de la capitulation en 1945. (4) L'amiral Boehm, qui soutint Quisling contre Terboven et fut, en cela, couvert par le grand amiral Raeder.

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HITLER CET INCONNU penser que se faire torpiller par leurs amis anglais et aller au fond de la mer serait un plaisir pour ces Norvégiens. Si le Chef dispose, dans la plupart des postes de direction, d'hommes pleinement à la hauteur de la tâche, c'est surtout parce qu'ils ont été choisis non pas en vertu de leur formation juridique, mais parce qu'ils ont subi avec succès les épreuves qu'impose l'école de la vie. Parmi ses collaborateurs, Lammers (1) est le seul juriste qui présente une réelle valeur. Il sait, en particulier, qu'il est là afin de donner un fondement juridique aux nécessités d'Etat, et il ne confond jamais les abstractions juridiques avec la vie pratique. Cela vient de ce que, en dépit de sa formation, il possède un remarquable bon sens. Sans cette abondance d'excellents collaborateurs, il n'aurait jamais pu aller aussi loin qu'il l'a fait dans son œuvre politique. Si des gens, enthousiasmés par la remontée de notre peuple, veulent absolument faire de lui un prophète, un second Mahomet ou un second Messie, il doit leur déclarer très nettement qu'ils ne sent en lui aucune disposition pour l'état de prophétie ou pour se présenter en Messie.

102.

6/5/1942 (midi). L'OPINION PUBLIQUE ET LES AFFAIRES LES JOURNAUX N.S. SONT INDÉPENDANTS MÊME DES AGENCES PUBLICITAIRES

Au sujet d'une nouvelle d'Ankara d'après laquelle le service d'informations turc aurait envoyé toute une série d'agents juifs, le Chef parle de la domination de l'opinion publique exercée par les Juifs aussi bien dans l'Allemagne du Système (République de Weimar) que dans les pays actuellement ennemis. Ils se sont introduits dans tous les postes qui peuvent influer sur l'opinion publique et sont devenus une véritable puissance dans tous les domaines qui agissent sur celle-ci, comme la presse, le cinéma, etc. Ils ne se sont pas contentés de mettre la main sur (1) Reichsminister et directeur de la Chancellerie du Reich.

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ces moyens directs, mais ils agissent encore plus puissamment de la coulisse, par l'intermédiaire de ce qu'on appelle les agences. Parmi celles-ci, les plus dangereuses sont les agences publicitaires, grâce auxquelles les Juifs peuvent, en lui refusant des annonces, ruiner complètement un grand journal. Lui, le Chef, considère comme particulièrement instructif le fait que lorsque nationaliste consciente, les Juifs menacèrent de leur retirer toute réclame. Lord Rothemere, qui avait publié dans sa presse deux articles favorables au mouvement de Mosley, lui a raconté, au Berghof, cette façon de faire des Juifs, et exposé l'impossibilité de réagir contre eux à court terme. La force du Chef est venue de ce que, dès le début, les journaux du N.S.A.D.P. sont restés, contrairement aux autres, complètement indépendants des agences publicitaires juives et ont, de ce fait, constitué un tout économiquement invulnérable. L'expérience ainsi faite l'a incité à faire également du Parti un ensemble inattaquable à cet égard. Il a pu y parvenir grâce au trésorier du Parti, Schwarz, qui a si habilement dirigé vers les divers canaux de dépenses les fonds recueillis par les cotisations, les recettes de réunion, etc., qu'il a été possible de financer l'ultime campagne de 1932 (2). Avec Mutschmann (gauleiter de Saxe), c'est le camarade Ley qui a réalisé les plus grandes recettes au cours des réunions. Le Chef, du fait qu'il était généralement présenté comme un monstre, piquait tellement la curiosité des industriels et de leurs dames qu'ils n'hésitèrent pas à payer jusqu'à 200 R.M. une place dans une de ses réunions de Cologne. Malheureusement, les fonds procurés par les réunions furent perdus dans les entreprises de presse de Ley. Celui-ci ne vit pas que les imprimeries possédées par le Parti causaient la ruine de ses journaux, car il leur fallait imprimer les tracts des réunions sans être assurés d'une rémunération correspondante. Un homme comme Müller qui dirigeait à son compte l'imprimerie du Völkische Beobachter, n'acceptait d'imprimer les tracts que contre argent comptant en déclarant que ses ouvriers ne vivaient pas de (1) Alfred Hugenberg avait acquis le Deutsche Allgemeine Zeitung, lord Rothemere possédait, entre autres, le Daily Mail. (2) Le N.S.D.A.P. connut une grave crise financière à la fin de 1932,

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HITLER CET INCONNU sentiment mais de leur salaire. En revanche, les Ortsgruppenleiter ne payaient les imprimeries du Parti qu'en idéalisme, ce qui, étant contraire à l'essence même des affaires, entraînait leur ruine. Si le Chef réussit à mener la barque du Völkische Beobachter à travers toute la période de lutte, quoique, lorsqu'il l'acquit, ce journal vînt de subir sa troisième faillite, il le dut, avant tout, à la collaboration du Reichsleiter Amann. Celui-ci se révéla être un grand homme d'affaires en ce sens qu'il n'en accepta jamais aucune qui ne fut vraiment une affaire au véritable sens du mot, renonçant aussitôt à toutes les autres. Grâce à cette façon de voir les choses, les éditions du Völkische Beobachter et de la Maison Eher ont pu devenir, avec les années, la plus grande entreprise de presse du monde, auprès de laquelle celles des rois de la presse américaine semblent des naines. Pour mieux apprécier ce résultat, il faut se rappeler que, lors de son acquisition, le Völkische Beobachter avait sept mille abonnés, ne recevait aucune annonce publicitaire et n'avait même pas en caisse assez d'argent pour payer son papier. Si le Chef a acquis quelque connaissance des affaires, ce fut à cause des soucis perpétuels que lui causa la presse du Parti. La période de beaucoup la plus pénible se présenta en 1932 lorsque, pour financer la campagne électorale et les autres activités du Parti, il lui fallut signer un nombre considérable de reconnaissances de dette. Il les signa alors dans la pleine conscience que, si le Parti n'était pas vainqueur, tout serait perdu ; il en est de même aujourd'hui, il signe des reconnaissances de dette au nom du Reich avec la ferme conviction que nous vaincrons et que, si ce n'était pas le cas, tout serait également perdu ; on ne saurait donc faire trop de dettes quand on se bat afin d'assurer le succès. 103.

Soir.

Au dîner, le Chef parle de façon très amusante de la « débrouillardise » des soldats du front en ce qui concerne le ravitaillement en viande et poisson.

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HITLER CET INCONNU Après le repas, le ministre Speer vient trouver le Reichsleiter Bormann pour recevoir par lui l'accord de Hitler à la réunion de toutes les entreprises d'électricité dans un grand ensemble national (analogue à celui des chemins de fer). Si ce projet réussit, dit Hitler dans une note marginale, l'effet sur la cohésion du Reich sera encore plus grand que celui produit par le réseau routier et ferroviaire. 104.

7/5/1942. LES COMMUNIQUÉS DE L'O.K.W. EN 1942

Au sujet d'une nouvelle de Reuter annonçant la destruction du croiseur de dix mille tonnes Edinburgh (1) qui lui a été présentée après le repas, le Chef observe que nous avons, pour une fois, très habilement réussi à obtenir cet aveu de la part des Anglais. Le commandant du sous-marin qui effectua le torpillage, n'observa pas le naufrage et se borna donc à signaler qu'il avait touché l'Edinburg. Dans son communiqué, l'O.K.W. témoigna de la même discrétion. Mais les circonstances du torpillage permettaient de conclure à la destruction ultérieure du bâtiment et, par des déclarations officieuses dans ce sens, on obligea les Anglais à avouer la perte. Deux leçons en découlent : 1. L'Allemand respecte toujours la vérité, mais il doit prendre garde de le faire de façon trop pédante. Ainsi, on signale constamment du front que des unités ont le sentiment de ne pas trouver toute l'appréciation méritée par ce qu'elles font, dans les communiqués soigneusement pesés de l'O.K.W. 2. Quand on est convaincu d'une chose — aussi bien dans le domaine politique que militaire — il faut l'affirmer devant le monde entier, sinon on ne parviendra jamais à obtenir d'hypocrites aussi notoires que les Anglais, qu'ils avouent la vérité. Chaque communiqué, Lorenz me l'a montré, est corrigé per(1) Le croiseur Edinburgh fut torpillé dans l'Arctique le 30-4-42 par l'U.-456. Il revint vers Mourmansk mais fut de nouveau avarié, le 1-5, par des torpilleurs. Son équipage dut alors l'abandonner.

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HITLER CET INCONNU sonnellement par Hitler. Il y attache une importance capitale, parce que — dit-il — même les plus infimes détails peuvent, par leur multiplication, prendre une signification décisive. 105.

8/5/1942 (midi).

Au déjeuner, le Führer déclare qu'il n'est pas disposé à faire de la Crète une base allemande. Cela nécessiterait la présence d'une flotte allemande en Méditerranée et constituerait un brandon de discorde avec la Turquie, qui y verrait l'amorce d'une discussion entre elle et l'Allemagne au sujet des Dardanelles. Le seul résultat de notre occupation de la Crète pourrait donc être l'installation d'une station de la « Force par la Joie » dans cette île. 106.

LA GÉNÉROSITÉ DES FRANÇAIS LA TERRE, COUPE SPORTIVE

Soir.

Au dîner, le Chef revient sur l'évasion du général français Giraud. On pourrait le laisser courir s'il n'était pas aussi dangereux, déclare-t-il. Il faut donc soit réclamer son extradition, soit ruiner son crédit moral. Pour cela, les moyens ne manquent pas, car il a abusé de la liberté qu'on lui laissait, et on pourrait, tout de suite, contremander le rapatriement de sept mille blessés français prisonniers de guerre. Dans une telle situation, il convient de se demander ce que les Français auraient fait si la situation était renversée. Après la Guerre mondiale ils ont abondamment démontré qu'ils manquaient tout à fait de générosité. Des infirmières sadiques arrachaient aux Allemands, alors prisonniers, l'eau que leur donnaient des nègres. Quand on réfléchit à leur attitude à cette époque, ils apparaissent comme des minus devenus grands par l'effet du hasard et qui, n'ayant pas foi en eux-mêmes, essayent de maintenir leur puissance en recourant à la plus

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HITLER CET INCONNU odieuse terreur. Un drapeau français ayant été déchiré à Berlin lors d'une agitation nationale, ils obligèrent le bataillon de garde de Berlin, alors commandé par l'actuel général von Arnim, à présenter les armes quand un nouveau drapeau fut hissé. Aussi personne ne pourrait lui en vouloir si, vis-à-vis de la France, il partait du principe : Ce qu'on a, on le garde ! Rendre ce qu'on possède est un péché, car c'est abandonner ce qu'on a péniblement conquis de cette terre en se montrant le plus fort. La terre est comme une coupe sportive, son destin est de toujours tomber entre les mains du plus fort. Depuis des millénaires, elle ne cesse d'en changer. Si les gens ne sont pas restés sédentaires en Europe depuis trois cents ans, c'est parce que l'Amérique a été découverte et que les Européens ont refoulé les habitants de celle-ci. Si, aujourd'hui, par exemple, nous créons en Russie, plus précisément en Ukraine, une nouvelle marche orientale, elle ne pourra se comparer, historiquement, qu'avec l'ancienne marche : l' « Ostelbien » (les pays à l'est de l'Elbe). Le Chef attire l'attention sur le fait que le parlement anglais a déjà tenu vingt séances secrètes et que, jusqu'ici, on ne sait rien de positif sur ce qui s'y est dit. Il faut y voir une marque de l'étroit sentiment de cohésion de la race anglaise. Le Reichsminister Rosenberg parle de la manière qu'ont les Anglais d'exercer leur domination, et dont l'essentiel est que les peuples qu'ils dominent sont prêts à se faire hacher en morceaux pour les représentants de la race des maîtres. Alors que nous, les Allemands, essayons d'obtenir quelque chose en lançant une bordée d'injures, eux emploient des moyens beaucoup plus adroits (primes en certaines occasions, congés, billet de retour de la colonie, etc.) et se créent ainsi une telle réputation que même les Grecs, dépouillés et trompés par eux, ne considèrent que leur apparence et continuent à les vénérer. Le mariage — tel que le voit Hitler — n'est naturellement pas une institution pour la conversation, le plaisir en commun, ou la correspondance, mais une mission dans laquelle l'homme mène la lutte professionnelle et la femme entretient la maison, le château fort d'où se livre le combat pour l'existence. La tenue de la maison s'entend d'une part comme le maintien d'un cer-

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HITLER CET INCONNU tain niveau culturel, de l'autre comme un entretien pratique. L'un est aussi important que l'autre, souligne Hitler, en racontant avec beaucoup d'humour qu'une femme l'invita un jour à manger des croquettes de foie à la bavaroise et lui servit un horrible magma de foie et d'œufs, immangeable. Le Reichsleiter Rosenberg nous enseigne, à sa manière spirituelle, que, dans un ménage, la culture ne se manifeste pas seulement dans la conversation des époux mais aussi dans l'aménagement, la propreté de la maison, des vêtements, etc. Nos mondaines, observe-t-il en souriant, se croient cultivées ; pour en juger, il suffit d'en voir une dans une réception auprès d'une Indienne. L'Européenne est fardée, pomponnée, gesticulante ; l'Indienne, distinguée, sans fausse couleur sur le visage, modestement mais élégamment habillée, d'un maintien plein de dignité. Quand elle danse, l'Européenne se trémousse, se démène, cherche à attirer l'attention, à déclencher les bravos ; l'Indienne, la Balinaise surtout, remue à peine, n'a que des gestes mesurés, avec une ardeur tout intérieure, et touche à la perfection. 107.

9/5/1942 (soir). COLLABORATION POUR LE PÉTROLE DU CAUCASE ? L'ADMINISTRATION INTÉRIEURE

Au dîner qui suit le départ du Reichsminister Rosenberg, quelqu'un met la conversation sur la culture du coton au Caucase. D'après nos plans, observe le Chef, la production du coton devra passer après celle, en Ukraine, de la nouvelle ortie dont la fibre est supérieure à celle du coton. Dans nos projets, le Caucase tient un rôle particulièrement important à cause de sa production pétrolière. Mais si nous voulons obtenir ce pétrole, il faudra exercer une surveillance très stricte, car, dans cette région où fleurit la vendetta, l'hostilité entre les tribus rend impossible une exploitation fructueuse. Il serait donc mauvais que les Affaires étrangères fissent à ce sujet quelques promesses officielles qui ne pourraient être tenues par la suite. Car, officiellement — contrairement à ce qu'on dit dans les tracts de propagande — il ne faut promettre que ce

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HITLER CET INCONNU qu'on peut tenir ; von Papen (1) doit donc être très prudent dans les assurances qu'il donne aux Turcs quoique lui — le Chef — soit, en principe, disposé à certaines concessions. Avant tout, les Affaires étrangères doivent s'abstenir de parler de collaboration sous quelque forme que ce soit. Les difficultés d'une telle collaboration sont bien démontrées par l'exemple de la Roumanie et de la Hongrie, qui entassent des provisions de pétrole et de blé, produits dont nous avons tant besoin en ce moment, en vue d'une éventuelle guerre entre elles. Pour finir, le Chef revient sur la question de « l'occupation des postes de direction ». On ne doit y mettre que des hommes d'un grand esprit, car, pour eux, il s'agit non pas de se livrer à une petite besogne ordinaire, mais de penser justement. Pour cela, deux heures de travail concentré par jour suffisent pleinement. Pour la petite besogne et la surveillance du ministère, ils n'ont besoin que d'un secrétaire d'Etat de valeur, doté de l'autorité correspondante. Il est heureux d'avoir trouvé pour le secteur administratif, un directeur de la Chancellerie du Reich de l'envergure de Lammers qui règle les affaires pour lui avec tant de bon sens et sans s'embarrasser d'abstractions juridiques, qu'il n'a pour ainsi pas besoin de s'en occuper. Il se réjouit de même de n'avoir pas à surveiller ce qui se passe dans les divers gaue. car les gauleiters y ont une formation uniforme, et il a à son côté, dans la personne du Reichsleiter Bormann, quelqu'un qui leur donne, en son nom, toutes les directives nécessaires. 108.

10/5/1942 (midi). CONSTITUTION D'UNE RÉSERVE DE BLÉ LA FAÇON DES GRANDS HOMMES

Au déjeuner, il est question du ravitaillement avec le secrétaire d'Etat Backe. En son temps, raconte le Chef, Hugenberg avait (1) Ambassadeur à Ankara de 1939 à 1944.

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HITLER CET INCONNU refusé de constituer une réserve nationale de sept millions et demi de tonnes de blé, parce que, pensait-il, l'économie allemande ne pouvait se permettre de laisser dormir un si gros capital. Il n'avait malheureusement rien pu faire là contre car, à l'époque, il fallait l'approbation du Reichstag même pour planter des salades. Aujourd'hui, nous possédons ces sept millions et demi de tonnes, les récoltes des années 1937 et 1938 ayant été bonnes. Peu nous importe donc que celles des deux dernières années ait été mauvaises. Mais il se réjouit d'avoir commencé la guerre dès 1939 et non maintenant, où des difficultés se seraient immédiatement présentées. Sur une objection, le Chef observe que le destin des hommes qui sont appelés à faire quelque chose de grand dans leur vie est souvent bien étrange. Mozart est probablement le seul dont le talent exceptionnel ait été reconnu dès l'enfance. Le sort s'abat brusquement sur eux et met en lumière leur valeur particulière. Lui-même, pendant son séjour à Vienne, était affreusement emprunté bien qu'il sût déjà à quoi s'en tenir dans les domaines les plus variés. Il n'aurait pas osé approcher un grand homme ni parler devant cinq personnes. Sans la guerre, il serait certainement devenu architecte, peutêtre — même vraisemblablement — un des plus grands, sinon le premier architecte de l'Allemagne, et non. comme c'est aujourd'hui le cas, celui qui fait gagner le plus d'argent aux meilleurs architectes de l'Allemagne. Mais la vie intervient brusquement, écarte l'homme de sa vocation, et fait du béjaune, dans le combat, une tête chaude invincible. Si nos maîtres d'école ne distinguent pas un futur génie en règle générale mais, au contraire, le jugent sans valeur — il suffit de penser à Bismarck, à Wagner, à Feuerbach qui, rejeté par l'Académie de Vienne fut fêté et couronné par elle dix ans plus tard — c'est que seul un génie peut se transformer lui-même en génie. Dans un enfant d'une dizaine d'années, le maître peut cons-

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HITLER CET INCONNU tater son aptitude moyenne mais non ses dispositions intellectuelles. Pour le caractère, c'est plus facile à reconnaître, car un garçon qui se montre peu sociable dans son enfance le devient encore moins en vieillissant. Il faut donc observer une grande prudence ; les mensonges d'un enfant peuvent être seulement l'expression d'une grande imagination comme on en trouve chez la plupart des grands poètes et romanciers. Le plus dangereux est de juger les enfants avec une étroitesse de vue comme le font souvent les adultes. Le professeur de mathémathiques pense que son élève, s'il ne sait résoudre quelque équation difficile, ne saura pas, plus tard, compter l'argent de son salaire. Si un garçon doué pour la musique, ne manifeste que peu d'intérêt aux autres matières, on veut y voir aussitôt une obstination inqualifiable, comme lui, le Chef, en a fait l'expérience. Les parents commettent des erreurs encore plus graves en essayant d'engager l'enfant dans une carrière déterminée et en le considérant comme un raté, s'il n'y réussit pas. Lui-même, on voulut, dès l'âge de treize ans, l'enthousiasmer pour la carrière de fonctionnaire et, pour cela, on l'emmena à la douane principale de Linz, semblable à une grande cage, où de vieux messieurs menaient une existence casanière, entassés comme des singes. Le fait de n'avoir pas pensé qu'un tel spectacle pouvait provoquer, chez un jeune garçon, non l'enthousiasme mais l'horreur et la haine, l'écœura à tout jamais de la carrière administrative. Il est donc opposé à ce qu'on destine trop tôt son fils à un métier déterminé, c'est à celui-ci de juger et de choisir quand il aura dix-huit ans. L'exemple de gauleiters aussi capables que Hildebrandt, qui était ouvrier agricole, et Sauckel, que luimême avait méconnu à cause de son extrême gaucherie, montre bien qu'on ne sait jamais d'avance ce qu'il y a dans un homme. 109.

LES MÉTIS

Après-midi.

Lors du thé donné en l'honneur de l'anniversaire du général 366


HITLER CET INCONNU Jodl, le Chef dit regretter les nombreuses exceptions que fait la Wehrmacht dans l'incorporation des métis juifs à cinquante pour cent, car l'expérience démontre qu'un Juif pur sort encore pendant quatre, cinq, six générations, et ces Juifs retrouvés constituent un grand danger ! Par principe, il n'autorisera plus d'exception que dans des cas très particuliers. 110.

L'IDÉALISME DU FRONT INTÉRIEUR L'INCENDIE DU REICHSTAG ET LA NÉCESSITÉ D'AGIR SANS FAIBLESSE, EN TEMPS DE GUERRE CONTRE LES SABOTEURS ET LES CRIMINELS

Soir.

Au dîner, le Chef parle du front intérieur. L'idéalisme y est si puissant qu'il a décidé d'accorder la croix de chevalier pour mérites de guerre à un travailleur de l'industrie des armements. Travaillant par équipes de quatorzes heures, les ouvriers ont fabriqué des canons antichars et d'autres armes pour le front avant l'expiration du délai fixé par lui, le Chef. L'ardeur n'est pas moins vive dans l'agriculture. Aussi fera-t-il emmener jusqu'à la dernière vache d'Ukraine pour que le pays ne souffre pas de la faim. C'est pour cela qu'il attache une importance particulière au problème des transports en Ukraine. Au dîner, le Chef vient à parler des machinations des communistes après la prise du pouvoir en 1933. Dieu merci, le projet diabolique qu'ils avaient formé d'allumer dix mille incendies le même jour, à la même heure, n'aboutit pas, car il en serait résulté une telle dispersion des forces de police et des pompiers qu'il en aurait pu résulter des dommages incalculables. Déjà l'incendie du Reichstag (1) aurait pu en causer de graves — tout au moins en ce qui concerne notre prestige devant l'opinion publique allemande. Aussi, se rendit-il à deux heures du matin à la rédaction du Völkische Beobachter ; il n'y trouva que (1) Le 27 février 1933, Le livre de Fritz Tobias : Der Reichstagsbrand. Legende und Wirklichkeit, Rastatt, 1962, montrant que van der Lubbe fut le seul incendiaire, a été attaqué de divers côtés, mais sa thèse principale n'a pu être ébranlée.

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HITLER

CET INCONNU

le rédacteur de service et, dans la première édition il n'y avait qu'un article de dix lignes sur l'incendie. Aussitôt il se mit au travail avec Goebbels et, à eux deux, emplirent toute la première page. Preuve patente que dans des situations décisives, on peut facilement être amené à tout faire par soi-même. Si la police avait agi avec la rapidité qui se recommandait, les causes de l'incendie eussent certainement été éclaircies très vite. Torgler, le chef de la bande des communistes allemands, tomba à genoux devant le policier qui l'arrêta en le suppliant de ne pas le tuer. Si l'on avait profité de ce choc moral, il eut très certainement avoué. Van der Lübbe, qui avait mis le feu, aurait dû être pendu dans les trois jours, car on l'avait vu sortir de chez Torgler avec un paquet, le jour de l'incendie. Grâce à cette procédure ultra-rapide, on aurait trouvé de quoi confondre le père spirituel de l'attentat, Dimitroff, actuellement chef du G.P.U. soviétique. Malheureusement, du fait que les juristes, s'ils ont le même caractère international que les criminels, sont beaucoup moins malins que ceux-ci, le procès traîna durant des semaines et aboutit à un résultat ridicule. Ce qu'un juge à la hauteur aurait pu tirer de l'affaire est bien montré par le fait que l'apostrophe énergique du Gruppenführer Heines (1) à l'accusé : (« Relevez la tête !») amena celui-ci à changer d'attitude. Mais les communistes avaient réfléchi qu'ils rencontreraient partout des juges timorés et ils adoptèrent partout la même tactique : faire la bête, ne pas répondre aux questions, essayer de gagner du temps, en faisant réclamer un délai par leurs défenseurs — quelle impudence ! — prétendument pour étudier les lois les concernant. Cela se passa ainsi lors du procès de l'incendie du Reichstag, cela se passe encore ainsi aujourd'hui au sujet de l'attentat contre von Papen, à Ankara. Il faut donc se garder de confier à des juristes les enquêtes sur les cas de sabotage en France. Ils n'ont jamais découvert un seul émetteur clandestin. A un sabotage on ne peut riposter qu'avec une brutalité égale. Si des transports allemands par route ou par rail sont arrêtés (1) Alors chef des S.A. de Berlin. Fusillé le 30 juin 1934.

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HITLER CET INCONNU dans une région, il faut en rendre responsables des gens déterminés, voire tout un village français. Pour sauver leur peau, ils assureront une sécurité suffisante. Himmler fait de même dans ses camps de concentration. Par exemple il a, avec succès, rendu responsable de tout incendie qui pourrait éclater dans le camp, un incendiaire transféré au service de sécurité, en lui disant qu'il serait fusillé s'il s'en produisait un. Personne n'a jamais monté garde plus vigilante, dans son secteur, que cet homme qui avait lui-même plusieurs incendies volontaires sur la conscience. Le châtiment doit suivre immédiatement le crime pour être efficace, par exemple, un criminel nocturne (1) doit être jugé et exécuté immédiatement après son arrestation. Si l'on atermoie, si l'on cherche d'éventuelles circonstances atténuantes, on perd la direction et on ne sait plus où l'on va. En temps de guerre, il faut impitoyablement réprimer tout acte asocial. Tout le monde doit le savoir : quelqu'un qui fait son devoir de soldat au front peut tomber — avec honneur, mais quiconque commet une saloperie à l'intérieur doit mourir — avec opprobre ! Le pauvre diable qui se trouve sous le feu, en campagne, doit avoir l'assurance que le colis envoyé par sa femme ne sera pas volé en cours de trajet. Lors de la Guerre mondiale, on n'y est venu qu'en 1918, alors qu'il était trop tard. Aussi a-t-il, dès le début de celle-ci, introduit la peine capitale pour des actes particulièrement répréhensibles, car, dès le temps de paix, il avait constaté l'efficacité de cette mesure pour lutter contre les accidents de la route et les déraillements. Les pillages qui ont eu lieu dans les villes anglaises, lors des attaques de représailles effectuées récemment par notre Luftwaffe, auxquels participèrent même des policiers et des pompiers, lui donnent complètement raison. Si l'on ne réagit pas avec promptitude et brutalité, on perd la guerre à l'intérieur. Toutes les autorités de l'Etat doivent résoudre ce problème d'une façon ou d'une autre. (1) C'est-à-dire les voleurs, les pillards qui agissent sous couvert de l'obscurité.

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HITLER CET INCONNU 111.

11/5/1942 (midi). UN CAMARADE DES BAGARRES DE SALLE

Au déjeuner, le Chef parle d'un géant munichois, doué d'une force d'ours. A l'époque de la lutte, il valait plus que cent bourgeois. Il avait l'aspect d'un prolétaire bon teint et disperser une réunion d'adversaires, s'emparer de leurs chiffons rouges, était devenu une véritable routine comme la protection de nos propres réunions. Après la prise du pouvoir, il l'aperçut au café Heck, lui parla, l'invita à s'asseoir, en sa tenue de travail, à côté de lui, et s'amusait beaucoup des regards horrifiés que lui jetaient les consommateurs bourgeois. 112.

MIEL, HYDROMEL ET PAIN D'ÉPICES COMMENT NAISSENT LES GUERRES LE RÉTABLISSEMENT APRÈS LA GUERRE DE TRENTE ANS MUNICH MÉDIÉVAL

Soir.

En Allemagne, dit le Chef, nous pourrions obtenir dix fois plus de miel que n'en produit actuellement l'apiculture. Il faut se rappeler que, dans l'Antiquité et au Moyen Age, le miel constituait la matière sucrée la plus essentielle et qu'on l'employait même à sucrer le vin. L'hydromel, cette vieille boisson germanique, qu'on servait encore dans les kermesses au temps de sa jeunesse, était préparé à partir du miel. De même, la première pâtisserie d'exportation fut le pain d'épices de Nuremberg. Les choses les plus diverses peuvent conduire à la guerre, observe-t-il. On peut penser, par exemple, que, dans cent ans, nous ferons la guerre à l'Italie et à l'Afrique du Nord si le programme de reboisement du Duce — qui, rien que dans sa première étape, prévoit la plantation de trente-cinq millions d'arbres — est exécuté. Ce reboisement de l'Italie et de l'Afrique du Nord entraînerait, pour nous, une modification considérable du climat, car l'Italie cesserait d'être le gril qui nous donne sa cha-

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HITLER CET INCONNU leur solaire et nous procure ainsi des pluies chaudes. Nous serions en danger d'avoir un climat nuageux, chargé d'eau, comme c'est actuellement le cas en Russie. Le Chef voit un indice de la forte vitalité de notre peuple dans le fait que, lors de la guerre de Trente Ans, la population du Saint Empire romain germanique tomba de dix-huit millions et demi à trois millions et demi et que, cependant, nous sommes aujourd'hui près de quatre-vingt millions. Finalement, Hitler parle de la construction d'un chemin de fer métropolitain à Munich et dit qu'il la suit avec beaucoup d'intérêt ; elle restituera son caractère médiéval au centre de la ville (Neuhauer et Theatinerstrasse) que déflorent actuellement les fils électriques des tramways. La disparition de ces tramways rendra également toute sa beauté à la Ludwigstrasse. Il faut recourir à tous les moyens techniques possibles pour donner du caractère à une ville ou préserver celui qu'elle a. Les Berlinois le savaient en 1650 et, pour une cité de trente-cinq mille habitants, ouvrirent la magnifique avenue d'Unter den Linden. 113.

SANCTUAIRES

12/5/1942 (midi).

Il est tout naturel, dit le Chef au déjeuner, que chaque peuple veuille enterrer ses grands hommes dans des sanctuaires nationaux. Ludendorff repose, conformément à sa volonté, à Tutzing, mais le Chef pense toujours à décider Mme Ludendorff à donner son accord au transfert du corps dans la nouvelle Salle des Soldats, à Berlin. Cette autorisation ne pourra être obtenue, naturellement qu'en donnant à Mme Ludendorff l'assurance qu'elle sera ensevelie auprès de son mari après sa mort. De même, les héritiers de Hindenburg n'ont donné leur accord au transfert du « Vieux Monsieur » au monument de Tannenberg qu'à la condition que sa femme y soit aussi inhumée. Une telle condition répond parfaitement au sentiment allemand de la famille et doit donc être respectée.

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HITLER CET INCONNU Car, pour nos grands hommes, l'épouse a été, le plus souvent, l'unique camarade qui leur soit restée fidèle jusqu'à la mort et qui, en gardant en eux une foi inébranlable, même aux heures de crise, a constitué une source de force invincible. 114.

Soir.

MONUMENTS LE PROBLÈME DES GRAISSES MORALISME OU RÉALISME DANS LA POLITIQUE RACIALE A L'EST ? GERMANISATION D'ÉLÉMENTS POLONAIS LE « PANSLAVISME » EST-IL UNE FABLE RUSSE ? LA POLITIQUE RACIALE ET LA MORALE SERMENT FAIT PAR HITLER DE RENDRE DANTZIG AU REICH

Le Chef parle encore des monuments allemands et déplore que les artistes, en règle générale, n'aient rien trouvé de mieux que de représenter les potentats à cheval, panache au vent. Parmi les exceptions qui constituent des œuvres imposantes, il cite le monument de Joseph II à Vienne, celui de Marie-Thérèse, près du Hofmuseum, également à Vienne, par Zauner, celui de Frédéric II par Rauch, à Berlin, celui du prince régent par Hildebrandt, à Munich, celui du prince Eugène par Fernkom et aussi celui de l'empereur Frédéric III. Sur une observation, le Chef déclare qu'il nous faut revenir à une économie nationale rationnelle si nous voulons résoudre de façon vraiment saine l'ensemble de nos problèmes du ravitaillement et de l'industrie. Malheureusement, toute idée cohérente a cessé d'exister dès que nos économistes ont trouvé l'oreille des hommes politiques. Rien qu'en ce qui concerne la graisse nous serions dans une situation différente si nous avions consacré à temps notre attention à la pêche à la baleine et à l'exploitation de celle-ci. L'huile de baleine est utile non seulement contre le rachitisme mais aussi par la graisse quelle contient. Nous disposons aujourd'hui de procédés qui permettent d'utiliser 88 % du corps de la baleine, par exemple sa chair pour des conserves, sa peau comme cuir, ses fibres musculaires comme élément d'une étoffe indéchirable, aussi

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HITLER CET INCONNU la pêche à la baleine constitue-t-elle pour nous un problème d'une actualité urgente. Le gauleiter Forster ayant fait observer que la ville de Thorn possédait une majorité allemande en 1830 mais qu'il n'en restait presque rien en 1939, le Chef dit que c'est imputable à la mauvaise politique des nationalités suivie par la Prusse au cours des cent cinquante dernières années. Au cours de ce siècle et demi, le gouvernement prussien a fait des provinces de l'est une véritable colonie pénitentiaire où l'on envoyait les enseignants, les fonctionnaires et les officiers qui commettaient quelque faute ou devaient être écartés pour des raisons de service. Toutes ces sottises doivent être réparées — il y est fermement résolu — en l'espace d'une décennie. Il réclame de ses gauleiters l'annonce, dans dix ans, que toutes les provinces de l'est sont complètement allemandes. Le gauleiter Forster assure que ce but sera atteint dans son gau Dantzig-Prusse-Orientale. Cependant, il faudra, pour cela, les meilleurs éléments de l'ancien Reich, en les choisissant, dans toute la mesure du possible au-dessous de quarante ans, car, pour ceux qui dépassent cet âge, il faut appliquer le vieil adage : « On ne transplante pas les vieux arbres. » Bien entendu, appuie le Chef, il faut envoyer avant tout des forces jeunes à l'est. Il faut susciter en eux l'orgueil d'avoir la possibilité de faire de grandes choses par leur seule action, au lieu de se coucher dans un lit tout fait. Il va de soi, qu'ils connaîtront, s'ils font leurs preuves, une promotion plus rapide que leurs camarades du même âge demeurés dans l'ancien Reich pour faire un métier ordinaire. C'est la seule façon de donner à cet emploi à l'est le caractère d'une distinction. Le but de sa politique à l'est — considérée à longue échéance — est d'installer dans cette région une centaine de millions de personnes germaniques. Il faut tout mettre en œuvre, avec une ténacité de fer, pour y établir des Allemands million après million. Il désire apprendre dans un délai maximum de dix ans, qu'au moins une vingtaine de millions d'Allemands habitent les territoires de l'Est annexés à l'Allemagne ou occupés par nos troupes. Le fait que même les Polonais ont réussi à donner à Gotenha-

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HITLER CET INCONNU fen (Gdynia) un bel aspect par de belles et larges rues, montre ce qu'on peut y réaliser pour donner aux gens les conditions culturelles nécessaires. Le gauleiter Forster observe que, à son avis, on ne peut, même en temps de guerre, complètement fermer l'œil sur les besoins culturels les plus évidents. Par exemple, il existe à Gotenhafen seulement trois petits cinémas, pas un seul grand, et aucune grande salle de réunion, de sorte que quand les navires de guerre se trouvent dans le port, on ne sait quelles distractions offrir à leurs marins. Il aurait bien la possibilité de construire une grande salle de réunion qui servirait également de cinéma, mais il ne peut effectuer cette construction parce que, à cause de la réglementation au sujet de la guerre totale, on lui refuse la main-d'œuvre nécessaire, c'est-à-dire soixante prisonniers de guerre russes. Il ne faut pas, observe le Chef, que l'engagement temporaire de soixante prisonniers de guerre constitue un obstacle à une réalisation aussi nécessaire. Si le gauleiter Poster dispose des matériaux indispensables, ces prisonniers lui seront affectés pour la durée de la construction. Dans cet aménagement des régions de l'est, continue-t-il, il faut plus qu'ailleurs se plier aux nécessités de la vie pratique sans s'en tenir aveuglément aux vérités provenant des bureaux de Berlin. Le gouvernement prussien a commis trop de sottises dans les provinces de l'est pour qu'on continue à vouloir tout régler avec des théories. Quand on étudie le recul de la nationalité allemande dans ces régions, on découvre qu'il est dû principalement à deux éléments : la noblesse et l'Eglise. On sait parfaitement que, dans sa lutte politique, l'Eglise catholique a fait cause commune avec les nationaux polonais. On sait moins que la noblesse allemande n'a pas jugé nécessaire, dans ces régions, de garder un contact étroit avec les nationaux allemands et de donner la priorité à leurs intérêts. Elle a toujours cru qu'il lui fallait se tenir à l'aristocratie, même si celle-ci était polonaise, disposition qui a été particulièrement encouragée — là, le gauleiter Forster a parfaitement raison — par la passion de la chasse, cette franc-maçonnerie verte. La noblesse a donné le coup de grâce aux efforts faits pour maintenir la nationalité allemande

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HITLER CET INCONNU en essayant, d'une façon de plus en plus ample, de dépouiller de leur terre les petits colons allemands et en remplaçant la maind'œuvre agricole allemande par de la polonaise. Le fait que le gouvernement prussien n'a pas réussi à réagir contre cette tendance, démontre un regrettable manque de compréhension historique. Car ce n'est pas par hasard, mais délibérément, que les empereurs allemands ont empli les territoires du sud-est de l'Empire avec des petits colons allemands, afin d'établir dans cette marche frontière, une nationalité allemande aussi dense que possible. Pour réparer les erreurs du siècle passé, il faut suivre à l'est une politique de nationalité radicalement allemande. De même que les chevaliers teutoniques ne prenaient pas de gants, mais employaient le glaive en même temps que la Bible, les hommes que nous enverrons à l'est, devront être les champions de l'idéologie nationale-socialiste et servir les intérêts allemands en recourant, s'il le faut, à la force brutale. Nous avons beaucoup à apprendre de la façon dont les Français se sont comportés en Alsace. Sans tenir compte des souffrances imposées à la génération du moment, ils ont brutalement extirpé l'influence allemande et systématiquement introduit la nationalité et la culture françaises. Si nous nous comportons de la même façon, en supprimant radicalement le bi-linguisme, en déplaçant les populations qui ne peuvent être germanisées ou refusent de l'être, nous créerons une coupure très nette et, dès la deuxième, au plus tard à la troisième génération, la population pourra vivre en toute tranquillité dans ces régions. Si nous voulons que l'Alsace et la Lorraine redeviennent purement allemandes, il faut en chasser tous ceux qui, d'eux-mêmes, ne se réclament pas de la nationalité allemande. Le gauleiter Bürckel a déjà pris, à cet égard, des mesures incisives (1), mais environ deux cent cinquante mille gallomanes devront encore disparaître. Peu importe, dans la décision de principe, qu'on les envoie en France, dans des cas particuliers, ou qu'on les trans(1) Bürckel, gauleiter de Lorraine à partir d'août 1940. Au mois de novembre suivant, c'est-à-dire au plus fort de la « politique de Montoire », une centaine de milliers de Lorrains et dix mille Alsaciens furent « refoulés » vers la zone non occupée de la France.

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HITLER CET INCONNU fère à l'est. Les vides qui en résulteront ne posent aucun problème. Rien qu'en Bade on trouvera assez de fils de paysans pour s'installer en Alsace ou en Lorraine, car ils ne peuvent pour ainsi dire plus rester chez eux. A cause de leur trop faible étendue, la plupart des fermes badoises sont incapables, aujourd'hui, de faire vivre une famille de plus de deux enfants. Dans les territoires de l'Est on ne pourra atteindre le but qu'en agissant d'une manière radicale, à la Staline. Il est cependant fermement convaincu que, quand le Parti y aura opéré pendant cinquante ans, ils seront profondément marqués par l'empreinte germanique. Le gauleiter Forster signale les difficultés que présente la solution des cas particuliers. Par exemple, si un machiniste polonais du théâtre de Graudenz demande sa naturalisation parce qu'il a, parmi ses ancêtres, une grand-mère allemande, on ne peut pas refuser. Il faut réfléchir : on ne trouverait pas, dans l'ancien Reich, un seul machiniste disposé à se rendre à Graudenz, donc, en refusant, on se priverait des services d'un homme irremplaçable. Il en est de même pour les sœurs catholiques des établissements de prophylaxie, d'une Polonaise qui tient le ménage d'un invalide de guerre allemand, etc. A son avis, il faut donc prononcer la naturalisation des Polonais d'après l'impression générale qu'ils produisent — même sans preuve qu'ils aient du sang allemand — si dans leur aspect, dans leur caractère et dans leur intelligence, ils présentent des traits allemands. Le professeur Günther, spécialiste de la race, a effectué une tournée de dix jours dans le gau Dantzig-Prusse-Orientale et constaté que les quatre cinquièmes des Polonais du Nord pouvaient être germanisés ; il le croit aussi. Même dans les cas particuliers, il faut se souvenir que la vie l'emporte toujours sur la théorie et qu'il faut donc naturaliser quiconque mérite de l'être par ses façons de vivre et de penser. En revanche, pour ce qui concerne le sud et le sud-est du gau, il tient pour sage d'y installer d'abord des garnisons militaires afin de régénérer le sang des populations à germaniser. De même, tant qu'on ne sera pas définitivement fixé sur le sort final de ces populations, il vaut mieux leur laisser leurs prêtres polonais plutôt que d'en faire venir de l'ancien Reich, car, à cause de la pression qu'ils sentent s'exercer sur eux, ces prêtres polonais

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HITLER CET INCONNU sont influençables ; ils viennent même chaque semaine au Landratamt pour savoir le thème à donner à leur sermon. Le mieux serait, naturellement, d'obtenir de l'évêque polonais une liaison étroite avec le gauleiter, pour faire donner par lui des directives à l'ensemble des prêtres. Cela permettrait de maintenir l'ordre et la loi pendant la période transitoire. Le Chef n'est pas de cet avis, car, déjà, un certain Monsieur « Charlemagne » essaya jadis vainement, avec des évêques dans son entourage, de gagner l'Eglise à une politique « allemande », De nombreuses objections sont faites aux propos du gauleiter Forster ; le Reichsleiter Bormann observe que, malgré toutes les considérations d'ordre pratique, il faut s'en tenir au principe de ne pas entacher le sang allemand par une trop vaste germanisation de Polacks. Le Chef intervient alors en prenant position sur l'aptitude des Slaves, dans leur ensemble, à être germanisés. A ce sujet, dit-il, on ne peut prononcer de jugement général, car ce mot de « Slaves » a été adopté et propagé par la Russie tsariste dans le cadre de son action pour rassembler des peuples très différents. Par exemple, il est complètement stupide de ranger les Bulgares parmi les Slaves parce qu'ils sont d'origine turkmène. Le mot ne peut pas non plus s'appliquer aux Tchèques. Il suffit de faire conserver sa moustache par un Tchèque pour reconnaître en lui une origine mongole. Les soi-disant Slaves du Sud ont également une forte empreinte dinarique. Du point de vue racial, une germanisation des Croates serait souhaitable, mais, du point de vue politique, il ne peut absolument pas en être question. Dans les mesures de germanisation il ne faut donc pas partir de quelque conception abstraite, mais se demander, dans chaque cas, si les gens à germaniser appartiennent à une race qui peut s'améliorer en s'associant à la nôtre ou. au contraire, donner des résultats négatifs comme dans le cas des Juifs. Si l'on ne nourrit pas la ferme conviction que la germanisation peut produire une amélioration de notre nationalité, il faut y renoncer, même si des sentiments très forts parlent pour elle. Il existe beaucoup de Juifs blonds aux yeux bleus, et il ne manque pas d'avocats pour recommander leur absorption. Mais, pour ces Juifs justement, il est prouvé que s'ils perdent leur aspect physique et leur carac-

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HITLER CET INCONNU tère de Juifs pendant une ou deux générations, ceux-ci reparaissent très nettement à la suivante. Dans les mesures de germanisation il faut tenir compte d'une autre considération sur laquelle son attention a été attirée lors d'une visite au musée des armures de Graz. Il y en a de si petites qu'aucun Styrien ou Carinthien actuels ne pourrait y entrer. A ses yeux, c'est la preuve que les représentants des tribus germaines qui s'installèrent en Styrie et en Carinthie non seulement y rafraîchirent le sang, mais que leur sang, racialement plus fort, a fini par s'imposer. 11 est donc bien résolu à envoyer dans toutes les régions où la race est mauvaise, des formations militaires de haute valeur raciale, comme celles des Waffen-S.S., de façon à régénérer le sang de la population. Si on lui objectait que cette pratique porterait atteinte à la morale du peuple allemand, il se bornerait à répondre que seule la prétendue morale de l'élite des dix mille en souffrirait, cette morale qui condamne le Turc parce qu'il passe sa vie avec quatre épouses légitimes et admettait que des princes prussiens pussent avoir, durant leur existence, une quarantaine ou plus de maîtresses. Une telle hypocrisie lui fait voir rouge. Quand on pense que ces tartuffes considéraient comme homme d'honneur un de ces princes qui avait des rapports intimes avec des dizaines de femmes et les rejetaient l'une après l'autre, comme de vieux objets dès qu'il en devenait las, mais déversaient des commentaires méprisants sur l'honnête Allemand qui, ayant fait un enfant à une femme, entendait l'épouser quel que fût son rang social. Une quantité d'avorlements, d'innombrables cas de femmes saines demeurées sans progéniture, sont à porter au débit de ces tartuffes. L'amour de deux êtres ne peut pas avoir de plus belle consécration qu'un bel et robuste bébé. Bien que tout homme sensé doive comprendre que la Nature, en leur donnant ce bébé, bénit manifestement leur union, ces ridicules ânes bâtés estiment que, dans l'union de deux êtres, l'estampille officielle est tout et font dépendre d'elle leur jugement sur l'honneur ou la honte d'une personne. L'idéal, à son avis, c'est justement que deux êtres se rencontrent et restent pour toujours ensemble parce qu'une naissance d'enfant a couronné leur amour. Une partie de nos fermes ne seraient pas demeurées pendant sept cents ans ou plus dans la

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HITLER CET INCONNU même famille si le mariage n'avait été conclu, le plus souvent, seulement après « la mise en chantier » d'un enfant. L'Eglise catholique dut tenir compte de cette coutume pendant des siècles ; elle tolérait ce qu'on appelait « l'essai » et, quand la naissance approchait, le curé rappelait son devoir au père. Malheureusement, le protestantisme a rompu avec cette vieille et bonne coutume, et ouvert la voie à cette morale hypocrite qui discrédite, par une loi écrite ou non, un mariage provoqué par l'imminence d'une naissance. Il faut dire, pour être honnête, qu'une grande partie de la noblesse prussienne doit son existence uniquement à ce qu'on appelait la « faute » d'une fille de la bourgeoisie. L'illogisme de nos tartuffes est bien mis en lumière par le fait qu'ils ont reconnu officiellement le cas contraire : la dissolution du mariage pour « incompatibilité d'humeur » des époux. De même qu'il est mauvais de vouloir maintenir un ménage où l'entente entre les deux partenaires est irrémédiablement détruite, il l'est d'empêcher une union où cette entente est au contraire parfaite. Plus il vieillit et moins, par conséquent, on peut le soupçonner de parler pro domo, plus il insistera sur ce problème. En particulier, il ne prendra pas de repos avant d'avoir instillé du sang germanique partout où la race a besoin d'être régénérée. Si notre race a reçu des divers courants qui traversèrent notre pays au temps des migrations des éléments différents, imaginatîf de celui-ci, rêveur de celui-là, musical d'un troisième, le noyau nordique demeuré en Basse-Saxe a toujours constitué la parenthèse englobant tout le reste, car la pensée impériale et le froid pouvoir de construire y demeurent enclos. D'autre part, il se réjouit de trouver, dans les observations conservées du Vieux Fritz, des idées analogues. Quand celui-ci parle de « cannibalisme moral » dans le cas d'une politique raciale déterminée par de telles considérations et du discrédit jeté sur un mariage contracté à cause de la naissance d'un enfant illégitime, il ne peut que lui donner complètement raison. Finalement, le gauleiter Forster présente deux projets d'armes pour Gotenhafen. L'un représente une nef d'argent sur fond bleu uni, l'autre une nef d'argent sur fond bleu traversé par des vagues également d'argent. Le Chef se décide en faveur du premier, car des armes doivent

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HITLER CET INCONNU constituer un symbole clair, donc éviter de ressembler à un tableau. Hitler raconte, à cette occasion, qu'il porte les armes de Dantzig sur ses boutons de manchette, depuis qu'il prononça le serment de réincorporer cette ville au Reich.

115.

13/5/1942 (soir).

AMITIÉ AVEC LA TURQUIE L'ANGLETERRE ET L'ÉQUILIBRE EUROPÉEN SA MANIÈRE DE COMMANDER LA DIPLOMATIE DU MARÉCHAL PÉTAIN : SALUT DE LA FRANCE

Le Chef raconte qu'alors qu'il inspectait des constructions sur la côte de l'Atlantique, un travailleur civil l'interpella : « Nous ne repartirons plus d'ici, hein, mon Führer ? Ce serait vraiment dommage après tant de travaux ! » Cette réflexion contient beaucoup de vérité humaine ; elle confirme qu'un homme ne doit en aucune circonstance abandonner un sol arrosé par la sueur de son front. Aucune puissance au monde ne pourra nous obliger à évacuer les positions sur la Manche, acquises lors de la campagne de l'Ouest et fortifiées par l'organisation Todt, pour revenir dans notre petite baie allemande. De même, la Crimée doit être aménagée de telle sorte que rien ne pourra contraindre le peuple allemand, même au bout d'un temps très long, à abandonner les travaux qu'il y aura faits. Il est donc urgent d'achever les ports de Crimée et de construire des forts puissants sur l'isthme. Là aussi il faut aménager des positions telles que nos travailleurs y aient la conviction qu'elles sont infranchissables par n'importe quelle armée ennemie. Il juge suffisante une telle sécurité pour la Crimée, car nous ne possédons que des intérêts économiques dans le reste de la mer Noire et, par conséquent, aussi aux Dardanelles. Comme la Méditerranée ne nous concernera pas, il y voit une extraordinaire possibilité de nouer avec la Turquie une amitié durable à la fin de la guerre. Le Chef en vient à parler de la politique de l'Angleterre, Les Anglais, dit-il, ne comprendront manifestement qu'après leur

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HITLER CET INCONNU écroulement total qu'ils ne peuvent plus jouer le premier rôle en Europe. En s'en tenant obstinément au testament politique de leurs grands hommes d'Etat, qui est de « maintenir l'équilibre européen », ils ont complètement méconnu qu'ils pouvaient avoir des adversaires autre part qu'en Europe, ils n'ont donc pas compris que la situation mondiale avait changé, qu'un orage s'amassait à la périphérie de leur empire : Russie — Japon — Etats-Unis. Un fait démontre bien combien les politiciens anglais actuels sont bouchés : il y a quelques années, l'un d'eux lui a dit très sérieusement, au cours d'un entretien privé, que s'il y avait une guerre entre l'Angleterre et l'Allemagne, celle-ci deviendrait un dominion britannique à sa fin. Un seul Anglais comprend vraiment les réalités politiques d'aujourd'hui : le duc de Windsor, qui aurait voulu satisfaire nos revendications coloniales en nous donnant le nord de l'Australie à coloniser pour y constituer, pour l'Angleterre, un bouclier idéal contre le Japon. Mais on a chassé cet homme d'Angleterre et, au lieu de s'entendre avec l'Allemagne, on a cherché une union fraternelle avec les Etats-Unis, pays qui ne possède pas assez de cran pour gagner la lutte dans l'établissement de l'ordre mondial nouveau et qui, à notre place, n'aurait jamais résisté à l'hiver russe de 1941-1942. Les Juifs qui le régissent en grande partie, n'ont guère eu l'occasion, depuis le temps des Macchabées, de s'occuper de questions militaires et leur esprit de chicane n'y a également qu'un effet destructeur. Roosevelt remplit ses fonctions politiques avec une vilenie qui n'est pas celle d'un homme supérieur, mais celle d'un faible d'esprit. Lors de la lecture des dépêches, le Chef fait une remarque sur sa manière de commander la Wehrmacht. Bien que le front de Russie soit trois fois plus étendu que celui de France, il n'y a pas un régiment, pas un bataillon allemands dont il ne pointe la position, trois fois par jour, au quartier général. Le Chef prend position sur la politique française actuelle et fait observer que les Français, en cherchant à s'asseoir sur toutes les chaises, ne s'assoient en définitive sur aucune. Il faut en chercher la raison dans le fait que l'âme du peuple français est

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HITLER CET INCONNU complètement déchirée ; rien que dans le front de Vichy il existe au moins cinq orientations : nationalistes antisémites, cléricaux amis des Juifs, royalistes, révolutionnaires, etc. La France manquant en ce moment d'un chef énergique, ne prend aucune décision politique nette, bien que, de toute évidence, deux voies seulement s'ouvrent à elle : a) renoncer à son territoire européen et, transportant son gouvernement en Afrique du Nord, continuer la guerre contre nous en utilisant toutes les possibilités de son empire africain ; ou bien : b) adhérer à la politique des puissances de l'Axe, sauver ainsi la plus grande partie de son territoire européen et se préparer des compensations, en Afrique centrale, aux cessions de territoires qu'il lui faudra inévitablement consentir à l'Allemagne, à l'Italie et à l'Espagne. Si la France choisit la seconde proposition de l'alternative, elle aura la chance de participer activement à la guerre contre l'Angleterre et les Etats-Unis et, par conséquent, non seulement de s'agrandir en Afrique mais encore de s'assurer la bienveillance des puissances de l'Axe. Car, si la France entre dans la guerre, communiquer avec l'Afrique du Nord ne sera plus qu'un jeu, l'Espagne sera entraînée dans le conflit et la flotte française deviendra tout à coup un important facteur de puissance. Bien entendu, la France, en prenant une telle décision, misera tout sur une carte. Si elle montre de la compréhension pour nos nécessités politiques, elle ne devra cependant pas s'attendre à recouvrer les positions occupées par nous sur la Manche, il lui faudra accepter de satisfaire les revendications territoriales allemandes, espagnoles et italiennes à ses frontières européennes et en Tunisie, avec seulement la possibilité de s'assurer des compensations en Afrique centrale. Si elle adopte la première solution et même si elle maintient son attitude hésitante actuelle, la France doit bien comprendre qu'elle aura à payer la guerre sur tous les tableaux. Car les Américains s'annexeront la Martinique d'une façon ou de l'autre ; l'Angleterre n'a aucune intention de lui rendre Madagascar et caressera de plus en plus l'idée de compenser ses pertes en Extrême-Orient par l'acquisition des territoires de l'Afrique méri-

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HITLER CET INCONNU dionale et occidentale qui n'appartiennent pas déjà à ses dominions, L'Espagne ne renoncera pas plus que l'Italie à ses revendications et le Japon ne pense nullement à restituer l'Indochine restée sous un pseudo-gouvernement français. Un peuple qui se trouve devant une alternative si lourde de conséquences, aurait besoin d'un homme capable de tirer des conclusions de la situation politique existante. Le maréchal Pétain n'est pas cet homme. Il possède bien une autorité extraordinaire sur l'ensemble du peuple français, mais cette autorité est celle du grand âge. Dans la prise de décisions dont tout, vraiment tout, dépend, des hommes aussi âgés que le maréchal Pétain se trouvent seulement obérés par leur trop grande expérience. Le Chef le constate en lui-même, il réfléchit souvent deux ou trois fois à ce qu'il eût tenté sans hésiter dix ans plus tôt. Il lui paraît donc tout à fait inutile d'avoir une explication avec Pétain, malgré la droiture de cet homme qui, durant la guerre franco-allemande (1), alors qu'il était ambassadeur en Espagne, ne cessa de saluer ostensiblement notre ambassadeur et de recommander à son gouvernement de s'entendre avec l'Allemagne (2). On pourrait aussi bien — pour faire une comparaison — confier un grand rôle à un vieux chanteur d'opéra et, tandis qu'il s'évertue dans ses grands airs avec une voix plus ou moins grinçante, se consoler en se rappelant que, trente ou quarante ans auparavant, il avait « de l'or dans la gorge ». Il est regrettable qu'aucun des collaborateurs de Pétain n'ait la possibilité de prendre les décisions nettes qui s'imposent. Laval, par exemple, n'a derrière lui qu'une carrière parlementaire. Le gouvernement de Vichy ne dispose donc d'aucune puissance réelle, et un tel gouvernement constitue toujours un fantôme dangereux. Si la France se voit épargner aujourd'hui la désagrégation intérieure, le massacre entre ses citoyens, elle le doit à nos troupes d'occupation qui, pour le moment, y constituent la seule force effective. (1) Pétain fut ambassadeur à Madrid de mars 1939 à mai 1940. (2) Ses rapports tombèrent, avec les archives du commandement français, entre les mains des Allemands à la gare de La Charité, en juin 1940.

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HITLER CET INCONNU 116.

14/5/1942 (midi). CÉRÉMONIAL ET MANQUE DE DIGNITÉ LE MARIAGE DES OFFICIERS

Au déjeuner, on parle au Chef du film rapporté du Tibet par l'expédition S.S.-Schäfer. Si l'on tente de faire pièce à un prêtre tibétain, observe-t-il, toute l'Eglise catholique et même l'Eglise évangélique se mettent aussitôt à crier à l'assassin ! Le clergé ressemble à une sorte de consortium mondial dont les membres se soutiennent inflexiblement face à l'extérieur, bien qu'ils se battent entre eux pour des questions de gros sous. Aussi est-il très fâché que, d'après le Reichsmarschall, l'ambassadeur von Papen et sa femme aient oublié complètement leur dignité d'Allemands devant cette prêtraille, en se répandant en courbettes lors d'une réception au Vatican. Le comble, dans ce manque de dignité, a été atteint par notre ministre à Dublin qui, quoique protestant, n'a pas eu honte de baiser la main de l'évêque catholique. Il y a toujours, dans notre service diplomatique, un samilgondis de bien étranges créatures. Bormann a dicté la circulaire suivante d'après les développements faits à table sur ce thème par Hitler : Quartier général du Führer, 14/5/1942. A l'occasion de l'affaire Sommer — refus par l'O.K.M. (Commandement de la Marine) d'approuver une demande en autorisation de mariage, parce que la fiancée allait avoir un enfant, exclusion du service et envoi au front par mesure disciplinaire — le Führer a fait, en divers entretiens, les déclarations suivantes : 1. Le national-socialisme rejette énergiquement la « loi non écrite » dont le médecin-colonel Bauer parle dans sa lettre à Sommer, parce qu'elle repose sur une morale hypocrite ; ce sont là des conceptions d'un monde dépassé, périmé. 2. D'après ces conceptions, un officier ne devrait épouser que des jeunes filles d'un certain rang social ; en épousant la fille honorable d'un artisan honorable, il dérogerait. S'il persiste cependant à la vouloir pour femme, il faut l'expulser du service.

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HITLER CET INCONNU 3. On réclame d'un officier qu'il n'ait pas de rapports sexuels avec sa future épouse avant le mariage, ou, en tout cas, que rien n'en transpire. Si le fait devient patent, l'officier doit en tirer les conséquences en donnant sa démission. On arrive à ceci : a) Si la fiancée est une personne parfaitement avertie dans le domaine sexuel, une telle « maladresse » ne se produit pas ; épouser une personne de ce genre est donc toujours convenable. b) Si, au contraire, la fiancée est ce qu'on appelle une « oie blanche », non prévenue, la fameuse « maladresse » se produit très facilement. Autrement dit, il ne faut pas épouser la brave et honnête jeune fille, mais on peut épouser la femme expérimentée. 4. On n'exige pas d'un officier la continence avant le mariage, mais on ne veut pas qu'il épouse une jeune fille avec qui il a eu des rapports sexuels. D'après cette conception, une telle jeune fille ne devient pas indigne du mariage, elle devient seulement indigne d'épouser un officier. Elle peut parfaitement se marier avec quelqu'un d'autre, particulièrement, cela va sans dire, si cet autre fait partie de la classe dite inférieure. 5. Le problème se ramène donc à ceci : ces rapports sexuels antérieurs sont-ils ou non connus ? Il n'est pas interdit à un officier d'avoir des rapports avec une fille de ces classes qui, d'après la « loi non écrite », ne peuvent lui fournir une épouse. (Pour éviter tout malentendu : les jeunes filles qui ont des rapports tantôt avec celui-ci, tantôt avec celui-là, n'entrent pas en ligne de compte dans la présente considération.) 6. Aux champions de cette morale trompeuse, il faut demander s'ils savent combien de familles nobles doivent cette noblesse aux rapports que des princes ont eu avec des filles de la bourgeoisie. Il suffit de lire l'histoire de la cour prussienne des Hohenzollern. 7. Il faut recommander à ces champions d'étudier l'arbre généalogique de nos grands Allemands, par exemple des grands capitaines ; beaucoup sont de naissance illégitime ou descendent d'un enfant illégitime. 8. Nota bene : non seulement beaucoup de familles doivent leur noblesse aux rapports qu'eurent des princes avec des roturières, mais on sait que de nombreuses familles princières et nobles ont reçu l'appoint du sang de cochers, de domestiques,

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HITLER CET INCONNU de soldats vigoureux. Mais les champions de la morale trompeuse jettent habituellement sur ces faits le manteau de l'amour chrétien du prochain. 9. D'autre part, il est une chose à ne pas oublier : à la campagne cette fameuse « loi non écrite » n'existe pas, car un paysan ne veut épouser qu'une femme capable de lui donner des enfants. S'il en engrosse une, il l'épouse ! Cette morale domine de très haut la « loi non écrite ». 10. Autre chose à se rappeler : le jus primae noctis. N'est-il pas compréhensible qu'un jeune paysan, par exemple, tînt à ce que sa fiancée eût son premier enfant de lui pour que, si le seigneur insistait sur l'usage de ce jus primae noctis, il le fît à un moment où il ne pouvait plus avoir de conséquences ? 11. Quand un officier fait un enfant à une jeune fille honorable puis, de ce fait, refuse de l'épouser, il se conduit, d'après l'ancienne conception, en homme d'honneur. S'il veut l'épouser quand même, il doit démissionner. Si la jeune fille fait disparaître l'enfant sans que cela se sache, l'honneur reste sauf, rien ne s'oppose au mariage ! 117.

Soir.

LA LIBERTÉ DE LA PRESSE EST-ELLE DANGEREUSE POUR L'ÉTAT ? LE PEUPLE ET LE COMMANDEMENT MORT AUX ÉTRANGERS A LA COLLECTIVITÉ

Après le dîner, le Chef parle du Völkische Beobachter, de la transformation de ce journal de mille abonnés en un organe tirant à plus d'un million d'exemplaires. Le mérite de cette ascension extraordinaire revient en première ligne au Reichsleiter Amman, qui, avec une rigueur toute militaire, a su tirer le maximum de ses collaborateurs et, dès le début, éviter de mêler les questions d'administration et de rédaction. Combien de fois, en lui signalant la prospérité financière du journal, Amman lui a-t-il demandé de ne pas en informer le rédacteur en chef Rosenberg et les autres rédacteurs, parce que ceux-ci lui réclameraient immédiatement un traitement plus élevé !

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HITLER CET INCONNU Toujours avec une précision militaire, Amman a formé ses collaborateurs du Völkische Beobachter. Tout en semblant considérer les rédacteurs comme un mal nécessaire, il a joué auprès d'eux le rôle d'un grand éducateur et créé le type qu'il nous faut dans l'Etat national-socialiste, non pas des créatures qui, en exprimant leur opinion, pensant constamment au succès matériel, aux résultats financiers, importants pour eux, qu'obtient leur journal, aux patrons de celui-ci, etc., mais des hommes qui, dans leur mission d'agir sur l'opinion publique, se considèrent comme les serviteurs de l'Etat. Une des premières tâches auxquelles le Chef s'est attaqué, après la prise du pouvoir, a consisté à donner de l'unité à la presse allemande. Il n'a pas reculé devant les mesures incisives, car il pense qu'un Etat, qui parvient à diriger toutes les rédactions de façon uniforme et les tient fermement en main, dispose de la plus puissante force qu'on puisse imaginer. La notion de liberté de la presse constitue un danger mortel pour n'importe quel Etat, car cette liberté est seulement, pour les journaux, celle de traiter n'importe quel sujet comme ils le veulent et conformément à leurs intérêts, et cela même en portant atteinte à ceux de l'Etat. Il n'a pas été facile, au début, de faire comprendre et admettre par le journaliste qu'il représentait seulement un membre au service d'un tout. Il a fallu lui démontrer sans cesse que la presse se faisait tort à elle-même par ses contradictions. Lorsque, par exemple, les douze journaux d'une ville rapportent le même fait de façon différente, le lecteur en arrive forcément à conclure que tout cela est de la blague. L'opinion publique échappe à la direction de la presse et, finalement, ne s'identifie plus du tout à elle. Nous en trouvons un exemple probant en Angleterre. Il faut donc se garder d'interpréter le sentiment du peuple anglais d'après ce que dit sa presse. Il peut même arriver que cette presse ne reflète plus l'opinion de la majorité des gens, on en trouve une preuve dans l'attitude observée par la presse viennoise à l'égard du bourgmestre Lueger avant la Guerre mondiale. Bien que cette presse fût foncièrement judaïsée et libérale, Lueger obtint toujours, au conseil municipal, une écrasante majorité

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HITLER CET INCONNU sociale-chrétienne ; l'attitude de la presse ne répondait donc pas à la position prise par le peuple. Si la Luftwaffe constitue une arme militaire opérationnelle au sens le plus fort du mot, la presse est pareillement une arme intellectuelle opérationnelle au même degré. Il arrive fréquemment que nous soyons obligés, en l'espace de trois jours, d'abandonner brusquement la ligne politique présentée dans nos journaux et de la renverser de cent quatre-vingts degrés. Une telle chose n'est possible que si l'on tient très fermement en main ce puissant instrument. Le 22 juin 1941 (invasion de la Russie) en constitue un exemple. Plus d'une année auparavant nous avions dû abandonner notre farouche hostilité envers la Russie pour nous entendre avec celle-ci, et ce fut comme un soufflet au visage pour les vieux nationaux-socialistes. Heureusement nos camarades du Parti se montrèrent parfaitement disciplinés et acceptèrent sans difficulté ce renversement politique de la direction. Le 22 juin 1941, il y eut un nouveau renversement complet qui s'effectua, un beau matin, sans aucune espèce de préparation. On ne peut se permettre pareille chose que lorsqu'on dispose pleinement de l'arme intellectuelle opérationnelle que constitue la presse pour former et diriger un peuple. Une telle conception du rôle des journalistes entraîne que l'activité de ceux-ci doit être toute différente de ce qu'elle était autrefois. Naguère la carrière de journaliste manquait complètement de caractère parce qu'on y avait très rarement la possibilité d'en manifester. Il sait aujourd'hui qu'il n'est plus un scribouillard quelconque, mais qu'il agit dans l'intérêt de l'Etat. Du fait qu'il est devenu, depuis la prise du pouvoir, le représentant de la pensée de l'Etat, sa carrière a pris un visage tout différent, A cet égard, deux principes doivent être appliqués dans la nation avec une rigueur de fer : Les problèmes sur lesquels les hommes les plus importants d'un peuple se cassent la tête sans s'en être encore fait une idée bien nette, ne peuvent pas être portés sur le forum populaire : cette presse doit attendre que la décision soit prise. Dans le domaine militaire, on ne donne pas un ordre à la troupe pour qu'elle puisse en discuter avant l'exécution et se conformer, éven-

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HITLER CET INCONNU tuellement, aux directives qu'elle reçoit. Ce serait renoncer à toute responsabilité, à tout commandement, à toute raison. De même, quand on a à choisir entre deux modèles de char, on ne laisse pas à la troupe le soin de désigner celui qu'il faut construire. Quand les meilleurs techniciens du peuple ne sont pas pleinement d'accord sur un point, il appartient au commandement de prendre ses responsabilités en tranchant. Car le peuple désire être condamné. S'il a le sentiment que la direction ne sait pas ce qu'elle doit faire, cette direction perd toute autorité sur lui. Prendre des responsabilités, c'est l'honneur du commandement. Le peuple pardonne une faute que, d'ailleurs, il n'aperçoit pas la plupart du temps, mais pas un certain manque de résolution. Quand on ne sait pas décider à la tête, le peuple devient nerveux. Il ne convient donc pas qu'un commandement permette une critique de ses mesures par le bas. Le peuple ne désire pas cette critique, ce sont seulement les éléments « rouspéteurs » qui la réclament. Si la masse du peuple se soumet facilement à une direction, c'est qu'elle est, à cet égard, d'une nature féminine. De même que, dans un ménage, la femme tente constamment de se regimber sans avoir au fond d'elle-même un véritable désir de s'emparer de la direction, le peuple, ou — pour rester dans le domaine militaire — la compagnie n'a nulle volonté d'exiger de son chef que celui-ci lui demande son opinion dans toutes les situations. Cela explique pourquoi le peuple coupa la tête à une chiffe molle comme Louis XVI alors qu'il vénéra, pour ses qualités de chef, Napoléon qui, pourtant, le traita beaucoup plus durement. Il faut cependant bien savoir qu'un peuple attend de son chef, non pas seulement qu'il le dirige mais aussi qu'il s'occupe de son bien-être. La force d'un officier réside dans le fait qu'en s'occupant du bien-être de ses soldats, il acquiert leur confiance. S'il veille à ce qu'ils mangent, aux conditions dans lesquelles ils dorment, s'il se préoccupe de leurs soucis familiaux, il peut se montrer aussi autoritaire qu'il le voudra, ses hommes le suivront jusqu'en enfer. Cet exemple montre que la grande vie n'est qu'une reproduction de la vie toute simple.

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HITLER CET INCONNU Le Reichsleiter Dietrich dit qu'un fait l'a frappé dans le film sur le Tibet : les chevaux sauvages du plateau tibétain suivent un chef de horde. Il en est de même, observe le Chef, dans toutes les collectivités d'êtres vivants qui veulent s'affirmer dans le monde. Quand le bélier manque, la collectivité se désagrège et tout finit. Les singes tuent les étrangers qui cherchent à s'introduire dans leur bande. Ce qui vaut chez eux doit valoir encore plus chez les hommes. Bismarck avait parfaitement raison de dire que la société humaine s'abandonnerait si elle supprimait la peine de mort comme moyen absolu d'éliminer ses ennemis, par crainte d'une éventuelle erreur judiciaire. Toute la vie est constamment exposée à des erreurs, que deviendraient l'individu et la société si, par crainte de ces erreurs, ils refusaient de prendre des décisions ? 118.

15/5/1942 (midi).

LA CROIX DE FER ET LES AUTRES DÉCORATIONS LES SURSITAIRES LA POPULATION ALLEMANDE ET LA DÉPORTATION DES JUIFS

Le Chef en vient à parler des décorations ; l'expérience montre, observe-t-il, qu'une décoration allemande se déprécie si on l'accorde à des étrangers. Aussi répugne-t-il à attribuer la Croix de fer à des étrangers sauf en des cas tout à fait exceptionnels. La Croix de fer — la plus belle des décorations allemandes, dessinée par Schinkel — est considérée, dans le monde entier, comme une très haute distinction militaire, le fait de l'attribuer pour autre chose que des exploits militaires ne peut que l'avilir. Il ne méconnaît pas, bien entendu, que l'octroi de décorations à des étrangers ait sa valeur. Les hommes — surtout les diplomates — sont partout vaniteux ; on peut, en en décorant un, lui faire adopter une attitude plus ou moins favorable à l'Allemagne. Aussi, pour ne pas dévaluer les ordres allemands, dont beaucoup ne peuvent être acquis qu'en risquant sa vie, en a-t-il créé un particulier pour les étrangers (1). (1) Celui de l'Aigle, en 1933.

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HITLER CET INCONNU Il l'a fait d'un cœur d'autant plus léger que cette décoration coûte moins cher que les étuis à cigarettes en or ou en argent que le Reich offrait antérieurement. Avec cette décoration, dont le modèle de luxe revient à une vingtaine de R.M., on ne court pas le danger de ne pas faire ses frais en l'attribuant, même si c'est pour avoir participé une ou plusieurs fois à un déjeuner. Le plus difficile, pour lui, a été de trouver une récompense adéquate pour les services vraiment exceptionnels rendus au Reich. Après y avoir longuement réfléchi, il n'a pu, là encore, que créer un nouvel ordre exprimant la reconnaissance de la nation. D'avance il a décidé que cet ordre ne serait jamais, en aucun cas, conféré à un étranger. La mort du ministre Todt a rendu le problème particulièrement aigu. Non seulement il s'était acquis des mérites extraordinaires dans le domaine militaire — qu'on pense aux innombrables vies humaines que son Westwall a conservées au Reich — mais aussi dans le secteur civil, notamment par ses autoroutes. Le « Staats-Orden », créé à l'occasion de cette mort et qu'il fut le premier à recevoir, est expressément et exclusivement réservé aux individus qui rendent les plus grands services à l'Allemagne. Pour en maintenir le nombre aussi réduit que possible, il a prévu que les titulaires constitueraient un chapitre, comme dans les anciens ordres religieux, où il existerait, en dehors d'un Sénat pour régler les affaires de l'Ordre, une commission avec droit de veto, qui, par sa seule existence, maintiendrait ce nombre très bas. Le peuple allemand, observe le Chef, a pris, à l'égard des combattants du front, une attitude très différente de celle de la Première Guerre mondiale. Aujourd'hui, les ouvriers de l'industrie des armements travaillent aux productions urgentes par équipes de quatorze heures, en renonçant au repos dominical. C'eût été impensable durant la Guerre mondiale, sinon on aurait pu construire, en 1917-1918, tous les chars nécessaires. On y gâcha tout non seulement en manifestant une attitude trop molle à l'égard des déserteurs du front, mais en faisant preuve d'une scandaleuse indifférence

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HITLER CET INCONNU envers les accapareurs, ce qui ruina le soutien du front par l'intérieur. Les collectes — ferrailles, vêtements d'hiver, bottes — effectuées aujourd'hui par le Parti, furent alors confiées à des sociétés dont le seul rôle consistait à enregistrer les résultats obtenus. Cela n'empêcha pas ces sociétés de revendre à l'Etat à 20-24 marks le kilo, des cloches qu'elles payaient 1,60-2 marks. En outre, ces compagnies, par exemple celle pour la récupération des métaux, celle pour la récupération des cuirs, etc., offraient tant de possibilités d'embusquage que le général Ludendorff fut contraint, en 1917, de faire procéder à un recensement général des sursitaires. Il se heurta malheureusement à l'opposition de la Frankfurter Zeitung, c'est-à-dire des Juifs qui étaient derrière elle, et à cause de la décomposition déjà avancée, ne put rien contre elle. Elle menaça, si ce recensement était effectué, non seulement de ne plus recommander à l'économie de souscrire aux emprunts d'Etat mais encore de les combattre. Aujourd'hui, notre prétendue bourgeoisie se lamente quand elle apprend le transfert vers l'est de ces mêmes Juifs qui nous donnèrent alors le coup de poignard dans le dos. Cette bourgeoisie ne s'était pas émue, naguère, quand 250 000 à 300 000 Allemands émigraient chaque année, et que 75 % de ceux qui se rendaient en Australie mouraient en cours de traversée. Aucune classe n'est aussi stupide que cette prétendue bourgeoisie dans les affaires politiques. Quand on élimine, par exemple par la mort, un être manifestement nuisible à la société, elle pousse les hauts cris et accuse l'Etat de barbarie. Mais si le Juif, par des finasseries juridiques, ruine la carrière d'un Allemand, lui prend sa maison ou sa ferme, détruit sa famille, l'oblige à s'expatrier et si cet Allemand meurt au cours du voyage, la bourgeoisie qualifie de juste l'Etat où cela se produit, parce que la tragédie se déroule entièrement dans les cadres des paragraphes des codes. Que le parasite juif soit l'homme qui supporte le mieux les divers climats, et, contrairement à l'Allemand, prospère aussi bien en Laponie que sous les tropiques, aucun de ces gens qui versent des larmes de crocodile parce qu'on transporte des Juifs

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HITLER CET INCONNU vers l'est, ne s'en soucie. Ce genre de bourgeois est ordinairement quelqu'un qui croit dur comme fer à la vérité de la Bible et qui ignore pourtant que, d'après l'Ancien Testament, il ne pouvait rien arriver de mal aux Juifs pendant le séjour dans le désert ou lors du passage de la mer Rouge. Comme si souvent dans l'Histoire, quand le Juif est devenu arrogant et que les peuples où il s'est introduit, ont été trop saignés par lui, les peuples reconnaissent aujourd'hui lentement, l'un après l'autre, les dommages qu'ils ont subis de son fait. Chacun essaie de s'en débarrasser à sa façon. Il sera intéressant de voir à quel rythme la Turquie effectuera l'action contre eux qu'un télégramme a annoncée. 119.

16/5/1942 (soir). LES PETITS ÉTATS ET LEUR SPLENDEUR DIPLOMATIQUE LA POLITIQUE DES TCHÈQUES LES DIPLOMATES ÉTRANGERS AUX RÉALITÉS

L'initiation d'une nation au service des armes lui donne la maturité, observe le Chef. Si les Romains n'avaient pas employé des Germains dans leur armée, le paysan germanique ne serait pas devenu le soldat entraîné au maniement des armes qui les vainquit par la suite. L'exemple le plus marquant est celui d'Arminius, commandant de la 3e Légion romaine, qui battit les Romains grâce à la formation et à l'expérience acquises parmi eux. Les Germains qui se soulevèrent avec lui avaient tous été légionnaires. Aussi à toutes les demandes que nous adressent les Tchèques pour avoir de nouveau une armée, si petite soit-elle, la réponse est un « Non » catégorique. Le Tchèque est, en effet, extrêmement dangereux aussi bien dans sa soumission, tant qu'il reste désarmé, que dans ses aspirations à la grandeur, dès qu'il retrouve des armes. La comédie que pendant vingt ans, a constituée l'indépendance de la Tchécoslovaquie, en est la meilleure preuve. Au lieu de chercher, par son appareil diplomatique, un rapprochement avec l'Allemagne, seule solution raisonnable, l'Etat tchèque a voulu faire de Prague, en

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HITLER

CET INCONNU

tant que grande ville européenne, le « nombril du monde ». Ce désir de se donner de l'importance l'a conduit à chercher à s'asseoir sur trop de chaises politiques en Europe ou dans le monde. Aucun de ses hommes d'Etat n'a réfléchi que la présence d'un diplomate tchèque, à Copenhague par exemple, en faisait forcément un fainéant qui griffonnait tous les quinze jours un rapport d'après les articles rassemblés par son attaché de presse et téléphonait de temps en temps au central de Prague pour apprendre ce qui n'allait pas dans la politique tchèque. Mais, pour un petit Etat, rien n'est manifestement plus beau que l'éclat diplomatique de sa capitale et que la société plus ou moins décadente qui l'habite. On ne peut donc lui faire de plus grand plaisir qu'en élevant au rang d'ambassadeur le ministre qui vous y représente. Nous avons vu du reste, à la Société des Nations, combien les petits Etats peuvent jouer aux importants dans les affaires diplomatiques. Au lieu de payer leurs cotisations, ils pensaient que leur rôle dans cette assemblée consistait à dénigrer l'Allemagne et ils s'étonnent grandement, aujourd'hui, que nous n'ayons pas complètement oublié leur attitude d'alors. Mais les représentants diplomatiques de Genève constituaient un groupe tout particulier de fainéants qui n'avaient pour but dans l'existence que d'encaisser leurs indemnités, bien manger, se promener régulièrement et — last but not least — se livrer aux plaisirs de l'amour libre. De même que, lors du concile de Constance, un millier et demi de « demoiselles d'agrément » se rassemblèrent pour la distraction des hauts dignitaires de l'Eglise, de véritables essaims de courtisanes s'abattirent sur Genève. Les fonctionnaires des Affaires étrangères d'alors étaient d'ailleurs d'un type très spécial. Notre ministère pensa bien qu'il lui fallait quitter Genève en conséquence de notre retrait de la Société des Nations, mais s'aperçut, six mois plus tard, qu'il s'y trouvait toujours des gens à qui il avait manifestement oublié d'envoyer l'ordre de rentrer. En outre, il prit l'initiative, en 1936, de créer un uniforme tropical pour ses diplomates avec des insignes de nationalité plus grands qu'aucun de ceux qu'on ait jamais vus sur un uniforme. Lui, le Chef, s'était consolé en faisant la connaissance des

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HITLER CET INCONNU diplomates complètement idiots des Etats-Unis d'Amérique, et de l'ambassadeur d'Angleterre, Sir Rumbold, toujours ivre, que remplaça Sir Phipps, une véritable ganache. Dans cette galerie de dignes diplomates, le meilleur fut encore le dernier ambassadeur d'Angleterre, Sir Henderson. Il a constaté récemment encore combien les diplomates restent étrangers aux réalités et s'entendent peu à la politique, lorsqu'on voulut lui faire adresser une proclamation aux Arabes. La sottise d'une telle proclamation — tant que nous ne serons pas devant Mossoul — échappait manifestement à ces messieurs : les Anglais eussent immanquablement fait fusiller les Arabes qui devaient se soulever pour appuyer nos opérations, 120.

17/5/1942 (midi). ÉCUSSON D'HONNEUR POUR KHOLM SUPÉRIORITÉ DE L'ESPIONNAGE SOVIÉTIQUE LA PUISSANCE DE LA PRESSE

Au déjeuner, le général Scherer, qui vient de recevoir la croix de chevalier avec feuilles de chêne, pour avoir défendu héroïquement Kholm pendant trois mois contre les assauts des chars russes, parle de façon très intéressante au Chef des exploits de ses hommes et du ravitaillement effectué par les vaillants pilotes de Junkers ; il demande qu'un insigne, analogue à celui de Narvik, soit attribué à ses soldats. Il signale, entre autres choses, que les Russes, dans son secteur, étaient bien rasés et avaient des cheveux bien coupés, qu'en outre, en captivité, ils se montraient amicaux et travailleurs et paraissaient manifestement heureux d'être débarrassés de leurs Politruks (1). Au combat, ils redoutaient surtout nos canons d'assaut, nos mitrailleuses et nos Stukas. Si nous avons mal reconnu la valeur des chars russes, observe le Chef, c'est qu'il est un domaine dans lequel les Soviétiques nous sont très supérieurs : l'espionnage, qu'ils exercent par leurs organisations communistes sous le couvert de l'idéologie. (1) Les commissaires politiques.

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HITLER CET INCONNU Le Chef parle d'une très jolie caricature publiée par le Kladderadatsch : elle représente Staline suspendu à une branche au-dessus d'un précipice, Roosevelt accroché à lui, et Churchill les étreignant tous les deux, avec la légende : « Nous nous tenons fermement et fidèlement. » Le Chef parle ensuite d'une déclaration du secrétaire d'Etat américain Hull qui veut faire une enquête pour savoir si des soldats roumains combattent avec les nôtres sur le front oriental. Les politiciens de l'équipe Roosevelt sont des têtes creuses. Cela tient sans doute à ce que la presse juive des Etats-Unis ne veut donner la parole à aucun homme politique de valeur et encore moins lui laisser prendre la barre, de même que chez nous, en son temps, elle se dressa contre tous les artistes aryens qui ne lui étaient pas asservis. Un fait montre bien toute cette impudence des Juifs : Lord Rothermere, le propriétaire de journaux anglais, qui avait publié deux articles favorables à Mosley, dut déclarer personnellement, dans un de ses quotidiens, qu'il avait été trompé sur le mouvement de celui-ci. S'il ne l'avait pas fait, ses journaux n'auraient plus reçu de publicité et eussent été ruinés, moyen de pression économique si puissant que — quoique prévoyant clairement le sort de l'Empire britannique — il dut céder à l'injonction des Juifs. Aussi ne faut-il pas s'étonner si un Norman Davis (1), présenté comme un grand maître de l'économie américaine, se révéla n'être qu'un petit bourgeois. 121.

Soir. RECONNAISSANCE DE L'ALLEMAGNE ENVERS LE JAPON LA MODE, OBSTACLE AUX STATUES DE FEMMES

Des journalistes étrangers, dit le Chef, croient pouvoir nous impressionner en nous accusant de violer, par notre alliance avec le Japon, nos principes sur la race et de faire surgir le « péril jaune ». C'est l'Angleterre, pouvons-nous répondre à ces petites têtes, (t) Plénipotentiaire américain à la Conférence du Désarmement (1933)

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HITLER CET INCONNU qui est allée chercher le Japon pour l'aider à nous tordre le cou. Nous pouvons aussi leur riposter que, pour vaincre dans ce combat pour notre existence même, nous nous allierions avec le diable ! Objectivement, cette alliance avec le Japon nous a déjà extraordinairement servis rien que par le choix du moment où il entra dans la guerre. Cela s'est produit alors que l'hiver russe provoquait un grand flottement parmi notre population et alors que tout le monde avait, en Allemagne, le sentiment déprimant que les Etats-Unis prendraient part, tôt ou tard, aux hostilités. En choisissant ce moment pour remplir ses obligations de l'alliance, le Japon produisit la plus profonde impression sur le peuple allemand et nous devons lui en garder une grande reconnaissance. Le Chef vient à parler des monuments représentant des femmes. La mode change constamment et celle pour laquelle elles s'enthousiasment, leur paraît ridicule dix ans plus tard. Comme on ne peut pas les représenter avec le peplum grec qui n'a pas d'âge, il n'y a d'autre solution que de se borner au buste.

122.

18/5/1942 (midi). LE TRANSPORT DES MARCHANDISES FORTIFICATIONS CONSTRUITES EN HIVER GUERRE PRÉVENTIVE ?

Le Chef parle très élogieusement de notre dernier chargé d'affaires à Washington, le conseiller d'ambassade Thomsen, et du général von Bötticher, qui y était attaché militaire. Tous deux se sont montré des diplomates qui ne se laissaient bluffer par rien, et ils envoyaient des rapports extrêmement clairs et compétents sur une situation donnée. Aussi compte-t-il non seulement leur attribuer une récompense convenable, mais encore les utiliser, après la guerre, dans des emplois importants ; il envisage pour Thomsen, en particulier, des postes diplomatiques très difficiles à l'étranger. Le Chef évoque ensuite le problème des transports en Russie

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HITLER CET INCONNU en parlant avec le Geheimrat Röchling (1), Celui-ci — dont la personnalité, réservée et sereine, fait grosse impression — observe que, dans le vaste espace américain, le réseau ferroviaire est aménagé pour permettre la circulation de trains de marchandises de sept mille tonnes, alors que les nôtres ne dépassent pas, en moyenne, mille à douze cents. Les chemins de fer des Etats-Unis ont ainsi besoin d'un personnel sept fois moindre que le nôtre et économisent également du combustible. Il en est de même en ce qui concerne les bateaux. Le Chef signale que, dans ce domaine, nous projetons d'adopter comme unité un cargo de neuf mille tonnes. Il est question, finalement, des fortifications construites par les Russes à Kertsch, durant les mois d'hiver, et qui n'ont pas résisté à nos attaques. Quelque architecte russe, observe le Chef, a dû recevoir l'ordre d'exécuter ce travail s'il tenait à la vie, et il s'en est acquitté, du mieux qu'il a pu, malgré le très grand froid. Todt, lui-même, ne pouvait opérer qu'au-dessus de — 5°, au-dessous, il lui fallait construire des revêtements en bois chauffables sur les chantiers. Speer croit cependant qu'on a trouvé un procédé pour faire un mélange d'eau chaude et de ciment qui prend encore à —10°.

Le Chef demande si le fer des ouvrages en béton armé du Westwall qui resteront certainement sans égal durant trente ans et rempliront pleinement leur fonction — dommage qu'ils ne se trouvent pas à cinq cents kilomètres plus à l'ouest ! — ne se dégradera pas. Le Geheimrat Röchling répond par la négative, Même les poutres de fer, pense-t-il, si elles sont dans des locaux suffisamment étanches, ne seront pas rongées par l'acidité de l'air. Le Chef déclare que c'est très intéressant, car dans les gratte-ciel en béton armé de New York, construits en 1900 et démolis en 1910, le fer était complètement détruit. 123.

Soir. GUERRE PRÉVENTIVE ?

Au dîner (auquel participe le ministre Speer et sa suite, dont le (I) Le grand industriel sarrois,

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HITLER CET INCONNU Staatsrat Schieber, de Thuringe) le Chef observe que notre explication avec la Russie constitue la preuve patente qu'un lui paraît inévitable. chef d'Etat doit prendre l'initiative de frapper quand une guerre On a trouvé sur le fils de Staline (1) une lettre envoyée par un de ses amis peu avant notre attaque, où il lui exprimait le désir de revoir son Annouchka avant « la promenade vers Berlin ». Si lui, Hitler, avait écouté ses généraux mal informés et attendu, si les Russes, conformément à leur projet, nous avaient devancés, rien n'aurait pu arrêter leurs chars sur l'excellent réseau routier de l'Europe centrale. Il se réjouit également d'avoir retenu les Soviétiques jusqu'au déclenchement de la guerre, en se mettant constamment d'accord avec eux au sujet de leurs intérêts. S'il n'était pas parvenu à limiter leur pénétration en Roumanie à la Bessarabie, ils auraient mis la main sur les champs pétrolifères et nous eussent privés de ce pétrole au plus tard au printemps dernier. Après le départ du ministre Speer et de ses collaborateurs, le Chef parle élogieusement de la longue fidélité du camarade Schieber, dignitaire du Parti et conseiller économique de Thuringe. 124.

19/5/1942 (midi). BUT DE STALINE : SE SERVIR DE L'INTELLIGENCE ALLEMANDE

Le Chef parle de l'ancien armement de l'Autriche et de la Tchéquie. Celle-ci, dit-il, possédait un excellent assortiment, bien équilibré, d'armes, de poudre et de munitions, alors que l'armement de l'Autriche restait ridicule. Il n'oubliera jamais l'effondrement de Schuschnigg quand il déclara à celui-ci qu'il lui fallait faire disparaître les barrages à notre frontière, sinon il enverrait deux bataillons de sapeurs pour déblayer ce fumier. 1l parle ensuite du courage déployé par une division soviétique dans la presqu'île de Kertch, qui s'est battue jusqu'au dernier homme. Il s'agissait manifestement de ce qu'on appelle une divi(1) Jakob Staline fut fait prisonnier en 1941.

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HITLER CET INCONNU sion idéologique. On peut se réjouir que ces divisions ne soient pas plus nombreuses, c'est-à-dire que Staline n'ait pas réussi à instiller l'idéologie communiste à toute l'Armée rouge. La grande masse des Russes, observe le maréchal Keitel, demeure fort bornée. Mais — d'après l'interrogatoire de son fils et de son secrétaire qui ont rapporté ses propos — Staline compte se servir de l'intelligence allemande pour élever le niveau intellectuel de ses gens et faire ainsi de l'Europe et de l'Asie un bastion inexpugnable du bolchevisme qui servira de tremplin à la révolution mondiale triomphante. Soir.

125. LES CHIMÈRES INDIENNES DE RIBBENTROP

Le Chef s'entretient avec le ministre des Affaires étrangères (Ribbentrop) de la situation politique intérieure en Angleterre. Le gros des Anglais a toujours plus compté sur la force des Russes que sur une aide efficace de la part des Américains. Aussi des camps prosoviétiques et antisoviétiques se sont-ils constitués. Si, cette année encore, nous infligeons de durs coups à l'Armée rouge la population anglaise entrera en ébullition. La perte de ses positions asiatiques a grandement affaibli l'Angleterre, celle, éventuelle, de la partie la plus importante de l'Inde et la sécession — par l'indépendance — de l'Afrique; du Sud, l'appauvriraient considérablement ; tout cela, s'ajoutant aux destructions de navires par nos sous-marins et nos avions, produit une détérioration constante du moral. On parle encore du cannibalisme qui règne parmi les partisans et à Leningrad où environ quinze mille personnes mourraient par semaine. J'écoute avec quelque scepticisme les déclarations de Ribbentrop, car j'ai lu récemment le résumé, fait par Hewel. d'une conversation entre lui (Ribbentrop) et l'ambassadeur Oshima, dans laquelle il faisait entrevoir aux Japonais que le problème indien serait résolu par l'apparition ante portas de nos troupes venues du nord-ouest et du nord — par la Perse et l'Afghanistan. « Charlatan ou chimérique ? » Hewel lui-même, je crois, doute fortement de ses capacités. 400


HITLER CET INCONNU 126.

20/5/1942 (midi). LES MINES, ÉCOLES IDÉALES POUR LA JEUNESSE L'UNION NATIONALE SOURCE DE FORCE POUR UN PEUPLE

Après le déjeuner, le Chef prend énergiquement position contre tout essai d'exportation de l'idéologie nationale-socialiste. Que les autres pays conservent leur régime démocratique et courent ainsi à leur ruine certaine, ne peut que nous plaire, d'autant plus que, sur les principes du national-socialisme, nous parviendrons lentement mais sûrement à la plus grande cohésion qu'il soit possible d'imaginer pour un peuple. La jeunesse qui, dans dix à vingt ans, constituera la chair de l'Etat, n'aura rien connu d'autre que l'idéologie nationale-socialiste et l'enseignement reçu l'aura rendue aussi disciplinée que sûre d'elle-même. Quel changement radical a déjà subi la formation de l'apprenti ! Cet apprenti qui n'était, autrefois, qu'un « réceptacle à beignes » et qui tremblait quand maîtres et compagnons se chamaillaient, entre aujourd'hui, après six mois, dans un atelier où il produit selon ses capacités et prend de l'assurance. Quand on voit les progrès réalisés, d'après les principes nationaux-socialistes, dans l'éducation des filles qui, répondant aux besoins nationaux, apportent leur concours dans les usines d'armement, les bureaux, les hôpitaux, aux champs, etc., une constatation s'impose : si cette éducation se poursuit pendant cent ans, le peuple allemand constituera le bloc de puissance le plus cohérent et le plus colossal qui ait jamais existé en Europe. Dans l'éducation de nos garçons, il est une chose à ne pas oublier : rien ne peut leur donner une vue aussi large, une formation plus idéale, que le travail aux hauts fourneaux, dans les aciéries, dans les usines de chars, c'est-à-dire dans la métallurgie, qu'il s'agisse de produire des armes ou des machines. Le Chef en a pris encore plus conscience en visitant les usines Krupp à Essen, car les travailleurs y sont vraiment des seigneurs par leur attitude intérieure et extérieure. Il a pu faire la même observation lors du lancement du Tirpitz à l'arsenal de Wilhelmshaven. Combien d'hommes de belle mine, au maintien noble, souverain, au visage fier, il a vus parmi les ouvriers qui avaient participé à cette grande œuvre et s'étaient rassemblés à cette occasion. 401


HITLER CET INCONNU Après le lancement, il inspecta les travaux de la quatrième entrée du port et vit alors de nombreuses délégations d'ouvriers étrangers ; il put faire la comparaison avec les nôtres et fut frappé par leur aspect minable. Ce qui vaut pour des métallurgistes vaut également pour les mineurs. Ceux-ci sont et demeurent l'élite de nos travailleurs. Ils sont formés intérieurement et extérieurement par une profession qui, aujourd'hui encore, comporte d'énormes risques ; elle ne convient qu'à des hommes durs, résolus, prêts à surmonter tous les périls. II faut donc tout faire pour que les mineurs reçoivent l'hommage national qui leur est dû. Cela signifie que. dès le retour de la paix, il faudra se préoccuper d'améliorer le niveau de vie de cette classe particulièrement méritante de notre peuple. Pour exprimer dès le temps de guerre, le remerciement de la nation à la classe ouvrière, il a fait organiser, pour cet aprèsmidi même, une grande cérémonie au cours de laquelle cent croix de première classe des Mérites de guerre seront remises à des ouvriers et où, dans la salle des Mosaïques à la Chancellerie du Reich, un militaire décoré de la croix de chevalier, remettra la croix de chevalier des Mérites de guerre à un contremaître de la fabrication des chars. Ce militaire sera un caporal, venu spécialement du front qui, servant seul une pièce antichar, a démoli treize blindés russes. Il a éprouvé une joie toute particulière à recevoir ce caporal ici, hier, car c'est un représentant typique de la Jeunesse nationalesocialiste ; c'est un gosse de dix-sept ans, mais il manifeste une assurance que rien au monde ne paraît capable d'ébranler. Sa principale mission consistera à promouvoir dans notre jeunesse le type incarné par ce caporal, intelligent, éveillé, résolu quand elle ne sera plus aussi complètement absorbée par la guerre, donc par le métier militaire. Aux types qu'ont produits les autres pays et qui ne sont, pour la plupart, que des brutes ou des lavasses, ou d'autres extrêmes analogues, il opposera des hommes comme ceux qui ont tenu à Narvik et à Kholm. De même que la guerre de 1870-1871 fut le creuset de l'ancien Reich, le Grand Reich sortira dans toutes ses fibres des champs de bataille de celle-ci. On évitera ainsi que certains membres de la grande famille allemande viennent au Reich comme un chien 402


HITLER CET INCONNU battu ; tous auront la fière conscience d'avoir participé, au prix de leur sang, au plus grand combat pour la liberté du peuple allemand. Comme cette action concentrée doit permettre les plus grandes réalisations, il a, à la chancellerie du Parti de Munich, appliqué le principe que des membres de toutes les familles allemandes y participeraient. De même, dans les grands travaux, dans la construction des routes et des canaux, dans tout ce qui ne peut être réalisé que par l'effort commun de la nation, on ne réussira qu'en engageant tout le peuple. En voulant agir partout à la fois, on gaspille les forces de la nation. De même que la Luftwaffe obtient ses plus grands succès en se concentrant, il faut organiser la vie du peuple allemand pour que partout où une grande tâche est à accomplir, toute la force de la nation puisse s'engager. La construction à Munich d'une gare centrale de grand format n'est possible qu'avec le concours de tout le Reich. Une direction raisonnable doit donc dresser ses plans de manière à entreprendre, année après année, quelque œuvre importante. Un pareil engagement du peuple allemand aura forcément des répercussions sur l'individu. Il acquerra le sentiment que tout lui est possible et — comme le jeune Anglais d'aujourd'hui termine ses années d'études dans l'Inde — il ira aux confins orientaux de l'Empire allemand, en Norvège ou en quelque autre région frontière. L'Allemand apprendra ainsi, par sa propre expérience, qu'aucune différence entre les Allemands ne doit paraître à l'extérieur. Il faut lui inculquer comme une évidence la conviction que le plus jeune apprenti allemand, que le moindre charretier allemand, sont plus proches de lui que le lord anglais le plus important. Pour apprécier le changement de mentalité qui en résultera, il faut se rappeler le temps où des princes allemands partaient comme dirigeants dans un pays balkanique et préféraient y passer leur vie plutôt que de revenir en Allemagne gagner leur existence dans un emploi très inférieur — comme celui de balayeur des rues. S'il était possible, avant tout, de fondre fanatiquement les jeunes entre eux et de les associer fanatiquement au Reich, l'Em403


HITLER CET INCONNU pire allemand redeviendrait la plus grande puissance d'Europe comme ce fut déjà une fois le cas, un millénaire après l'écroulement de l'Empire romain. On empêcherait ainsi une fois pour toutes que le Reich se désagrège de nouveau en petits Etats, qui s'envoient mutuellement des diplomates et auprès desquels sont accrédités des diplomates étrangers qui — comme l'ancien ambassadeur français à Munich (1) — intriguent contre l'unité de l'Allemagne. Un Reich dont tous les éléments sont fanatiquement soudés, trouvera aussi la force de régler le problème tchèque. Hacha (2) le comprit très bien. Juriste de l'ancienne monarchie austrohongroise, il devait considérer l'indépendance de l'Etat tchèque comme un écart de la voie du Droit, car, dans l'Histoire, les Tchèques ne se sont jamais montrés aptes à accomplir personnellement des besognes politiques et, culturellement, se sont toujours adressés à la culture allemande dans l'Etat des Habsbourg. La meilleure chose à faire aujourd'hui, est donc d'éliminer sans pitié tout ce qu'il y a de dangereux en Tchéquie, tout en traitant bien les Tchèques ; c'est la tactique évidente que le Grand Reich devra adopter à leur égard. On inculquera ainsi l'opinion sentimentale de Hacha à tout le peuple tchèque, et celui-ci, par un sentiment de culpabilité et en considération des grands transferts de population effectués par les Allemands, arrivera à craindre sa propre éviction s'il ne devient pas un collaborateur zélé du Grand Reich. Seule cette attitude intérieure explique que les Tchèques travaillent d'une façon aussi satisfaisante pour nous dans l'industrie des armements et que le mot d'ordre : « Tout pour notre Führer Adolf Hitler ! » se répande de plus en plus parmi eux. (1) Allusion au rôle joué par l'envoyé français à la cour de Bavière, aux XVIIIe et XIXe siècles, et encore après 1919. (2) Président de la Tchécoslovaquie d'octobre 1938 au 15 mars 1939.

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HITLER CET INCONNU 127.

Soir. LE SALAIRE DES FEMMES LA RÉMUNÉRATION DES BALLERINES LE GRAND CREUSET : LA GUERRE LES ANGLAIS, LEUR ANTISÉMITISME ET CHURCHILL LES TCHÈQUES ET L'ANNEXION DE LA TCHÉQUIE

D'innombrables besognes accomplies par les nationaux-socialistes depuis la prise du pouvoir sont demeurées inconnues du public, dit le Chef. Par exemple, nous n'avons pas soufflé mot des dizaines de milliers de gens qui vivaient de façon précaire au temps du Système et à qui nous avons rendu une vie décente. En particulier, nous avons pris des mesures importantes pour que soient honnêtement payées les femmes qui travaillent : secrétaires, vendeuses, artistes, etc. En leur assurant non plus de l'argent de poche mais un salaire correspondant à leur emploi, nous les avons libérées de l'obligation de recourir à des amis pour assurer leur existence. Le Chef s'est toujours offusqué de la façon dont on traitait les ballerines. Alors que de prétendus « humoristes » juifs recevaient de théâtres comme le Metropol de Berlin, trois à quatre mille marks par mois pour raconter des insanités pendant un quart d'heure chaque soir, les ballerines n'en obtenaient que soixantedix à quatre-vingts. Pourtant, il leur fallait plus d'un quart d'heure pour s'entraîner, répéter, etc. Cette différence de traitement constituait une spéculation abjecte. On obligeait les malheureuses à se prostituer pour pouvoir vivre, et le théâtre n'était plus qu'un bordel affublé d'un plus joli nom. Très discrètement, il s'est arrangé pour que nos ballerines reçoivent actuellement entre 180 et 240 marks, et puissent ainsi se consacrer entièrement à leur carrière artistique. De ce fait, plusieurs possibilités s'ouvrent aux scènes : 1. Engager des ballerines vraiment belles. 2. Les employer de façon qu'elles puissent poursuivre leur entraînement et perfectionner leur art. 3. Les éduquer, leur enseigner qu'elles doivent se marier jeunes et quitter la scène au plus tard à trente-quatre ou trente-cinq ans. 405


HITLER CET INCONNU Le Chef vient de parler des Viennois et déclare qu'avec leurs manières conciliantes, ils réussissent mieux que quiconque dans certaines choses. Par exemple, ils sont particulièrement précieux comme diplomates. Aussi ne s'étonne-t-il pas que Seyss-Inquart ait dès maintenant amené le Hollandais Mussert à lui prêter serment en tant que Chef de tous les Germains. La façon qu'ont les Viennois de penser en fonction de l'Histoire n'est pas moins remarquable. Au sujet du traitement futur de la Belgique, Seyss-Inquart lui a dit spontanément : « Mais c'était une de nos provinces, il y a cent cinquante ans ! » Tous les Viennois sont convaincus que lui, le Chef, va « leur ramener les Hongrois qui leur doivent, et à eux seuls, leur éducation » et ils ne comprennent pas qu'il ait pu soumettre la Croatie à l'influence de l'Italie. A cause de la grandeur du Reich et de la multiplicité des talents qu'il faudra y exercer, il convient avant tout de placer l'homme idoine au bon endroit : le brutal ici, où seule la brutalité peut réussir, le doux et l'adroit là où il faut agir avec prudence. Pour dissocier les Etats immédiats de l'Autriche (dont certains lui étaient unis depuis six ou sept siècles) et les réintégrer dans le Reich, il fallut envoyer à Vienne un homme comme Bürckel (1) ; qui, sans craindre de se rendre impopulaire, effectua sa besogne avec un esprit de suite inflexible et non pas avec la gentillesse viennoise. La préparation militaire de la guerre, en 1938-1939, guérit les Viennois de leurs complexes de supériorité ou d'infériorité (comme cela s'était produit en Bavière de 1866 à 1870), La guerre elle-même constitue la meilleure inspiratrice de l'esprit grand-allemand et le meilleur creuset de fusion. Le Chef prend prétexte du fait que, lors d'une des récentes séances du parlement britannique, le Juif Hore-Belisha ait attaqué l'armée anglaise, pour expliquer la position de la juiverie de l'Angleterre à l'égard de la Royal Air Force. La propagande juive devrait considérer celle-ci comme inattaquable, mais elle doit exaspérer les vaillants aviateurs anglais (1) Nommé Commissaire en Autriche quinze jours après le plébiscite de l'Anschluss, puis Statthalther à Vienne jusqu'au 2 août 1940.

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HITLER CET INCONNU parce que, quand ils reviennent avec de lourdes pertes et sans succès d'une opération, elle pousse à prendre des mesures très mauvaises du point de vue militaire et qu'elle ne craint pas de les accuser de lâcheté. Aussi est-il parfaitement compréhensible que cette propagande conduise lentement mais sûrement les meilleurs éléments de l'aviation dans le camp antisémite et les amène à se demander s'il n'est pas stupide de faire la guerre pour ces sales Juifs. Si ces pourceaux de youpins ne parviennent pas à entamer l'aviation qui constitue un corps bien soudé, ils ne réussissent pas plus avec l'armée et la marine. Il est tout à fait naturel que cette marine, que la presse juive a constamment jetée d'une aventure dans une autre, pour la blâmer si elle échouait, se regimbe d'avoir à jouer l'encaisseur de coups dans cette guerre qu'elle n'a pas voulue. Il ne croit cependant pas que la tendance antisémite croissante parmi les éléments conservateurs d'Angleterre, puisse, à plus ou moins longue échéance, exercer une influence sur la conduite de la guerre, car ils ont en face d'eux la personnalité de Churchill. Les Anglais voient en celui-ci le seul homme capable de diriger leur politique. Ils discernent ses côtés négatifs, mais il leur paraît manifestement constituer le prototype de leur caractère. Quand on compare Churchill au fanatique Lloyd George qui fut le chef des Anglais durant la Guerre mondiale, on constate à quel niveau les dirigeants anglais sont tombés, car, à juger objectivement, Churchill n'est qu' « un museau carré », sans scrupule, d'une suffisance que rien ne peut ébranler, qui, dans le privé n'est pas un gentleman mais un menteur vénal, et qui, dans ses discours, ne débite que des insanités de poivrot. Quand on pense au rapport si objectif, si juste politiquement, que lord Runciman envoya en 1938 sur la Tchécoslovaquie, on se prend à plaindre l'Angleterre de n'avoir rien trouvé de mieux que ce Churchill pour la conduire dans cette lutte vitale. Mais l'Anglais, manifestement, apprécie plus, en ses hommes d'Etat, l'aptitude à dire des mensonges que la sagesse. Conformément au conseil de lord Runciman de retirer tout soutien aux Tchèques s'ils refusaient, en tant que peuple de culture infé407


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rieure, d'accorder immédiatement leur pleine autonomie aux Allemands (des Sudètes), le gouvernement anglais envoya dès le 21 (septembre 1938) une invitation à céder aussitôt la région allemande à l'Allemagne. Bien que lui, Hitler, fût au courant, grâce au système d'écoute de Goering, des conversations téléphoniques échangées entre Londres et Prague, Chamberlain lui fit une scène à Godesberg, le 22, et menaça de repartir, avant de se trouver enfin disposé à faire cette concession à l'Allemagne. D'autre part, il avait été très intéressé d'apprendre, par la note d'un Tchèque que, du point de vue de celui-ci, il n'existait que deux solutions en 1938 : a) s'incorporer à la Pologne, ou b) s'incorporer à l'Allemagne. Si les Tchèques avaient alors trouvé un grand homme d'Etat pour réaliser une de ces deux solutions, nous nous fussions trouvés dans une situation très désagréable. Dieu merci, ils n'en avaient pas. Dans le cas de la Tchécoslovaquie, il s'agissait d'un peuple non pas devenu indépendant, intérieurement, par ses emprunts à la culture allemande, mais demeuré foncièrement un ancien Etat autrichien de nationalité. Sinon, des officiers tchèques ne nous auraient pas offert leurs services immédiatement après notre entrée dans le pays et notre prise de possession de ses armes. Sinon, Hacha lui-même n'aurait pas considéré l'histoire de la Tchécoslovaquie indépendante en vieux fonctionnaire autrichien et ne serait pas venu, par conviction intérieure, vers lui, le Chef. Sinon, notre entrée dans le pays n'aurait pas fait couler que des larmes mais provoqué des réactions. Sinon, l'ordre de reddition n'aurait pas été obéi dans les trois quarts d'heure jusque dans les plus petits services tchèques. Seule la jeunesse peut être considérée comme fanatisée dans le sens du panslavisme et pensa alors autrement. Avec une prolixité qui le mettait, lui, le Chef, sur des charbons ardents parce que l'armée avait l'ordre d'entrer en action dans une heure, Hacha dit combien le peuple tchèque était laborieux et 408


HITLER CET INCONNU consciencieux (1). Il ne dissimula nullement que ce n'était pas un peuple de maîtres et que lui-même tenait pour sages les ancêtres qui étaient attachés à l'Allemagne et avaient constitué, avec leur pays, pendant des siècles, un des plus solides piliers de cette Allemagne. Le sentiment national tchèque n'était devenu un problème que depuis 1867. Même Bénès soutint, dans sa thèse de doctorat (2) que les Tchèques devaient bien recevoir l'autonomie mais qu'ils n'étaient pas capables de gérer un Etat indépendant. Masaryk a dit aussi quelque part que, dans sa jeunesse, il était mal vu de parler le tchèque dans sa famille. Une direction ferme du Protectorat doit, par conséquent, en vingt ans, ramener le tchèque à la simple valeur d'un dialecte. On pourrait dès maintenant transformer les Tchèques en partisans fanatiques du Reich si on leur donnait, en tant que gourmets, une ration double, et en ne les envoyant pas se battre à l'est. Ils se tiendraient alors pour moralement obligés de travailler doublement dans la production des armes, etc.

128.

21/5/1942 (midi). LE LINCEUL DE LA NEIGE

Nansen et Sven Hedin furent, dit le Chef, les deux auteurs qui l'intéressèrent le plus dans sa jeunesse. En parlant de leurs voyages, il en vient à évoquer la coutume chinoise et japonaise de porter le deuil en blanc. Le blanc, c'est la couleur de l'hiver, de la plus triste saison de l'année. Il est donc très naturel de considérer le blanc comme la couleur du deuil. Lui-même se réjouit lorsque les Alpes perdent leur « linceul », leurs masses neigeuses. (1) Il s'agit manifestement de l'entrevue au Berghof, nuit du 14 au 15 mars 1939. (2) Le Problème autrichien et la question tchèque, Paris, 1908.

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HITLER CET INCONNU 129.

Soir (vers Berlin, dans le train spécial).

LA PRISE DU POUVOIR : ACTION LÉGALE OU COUP D'ÉTAT ? RAPPORTS AVEC HINDENBURG, REMILITARISATION DE LA RHÉNANIE, ABANDON DE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS

Au dîner, le Chef reparle de l'hiver, il rappelle les difficultés causées par le dernier et l'état d'esprit désespéré de certains généraux. S'il ne se laissa pas ébranler lui-même par ces difficultés, ce fut parce que dans la période de lutte, et plus particulièrement au moment de la prise du pouvoir, il dut côtoyer bien d'autres précipices et se trouva plus d'une fois devant l'alternative : être ou ne plus être. Il eut alors à maîtriser plus d'une situation où l'idée d'un coup d'Etat paraissait s'imposer. Il parvint toujours à s'empêcher d'agir ainsi parce que le danger était trop grand de voir la force qu'il aurait ainsi engagée se retourner un jour pour effectuer un nouveau coup analogue contre lui. Comme, en outre, dans notre histoire, l'emploi du glaive a toujours été la façon la plus expéditive de trancher nos problèmes, il a également choisi la voie légale pour parvenir au poste de chancelier sans s'aliéner la Reichswehr dont il lui fallait tôt ou tard faire usage. Après le dîner, dans le train qui nous emmène vers Berlin, le Chef parle encore des derniers stades du régime de Weimar, alors que l'Allemagne soupirait après l'ordre et désirait le voir rétablir à tout prix. En ce qui concerne le jeu qui se déroula en coulisse lors de la prise du pouvoir, il dit : La situation politique se tendit à l'extrême quans il repoussa des solutions de compromis comme, par exemple, son entrée comme vice-chancelier dans un gouvernement von Papen, et lorsque le général Schleicher, par des intrigues avec Gregor Strasser, essaya sans succès d'ébranler l'unité du N.S.D.A.P. Non seulement Schleicher ne réussit pas à s'assurer une majorité de tolérance au Reichstag, mais, dans les deux premières semaines de son gouvernement, le nombre des chômeurs augmenta d'un quart de million à cause de l'orientation donnée par lui à l'économie En janvier 1933, donc un mois avant la prise du pouvoir, Schleicher ne trouva d'autre issue que de dissoudre le Reichstag et d'exercer 410


HITLER CET INCONNU le gouvernement avec un cabinet militaire jouissant de la confiance du président du Reich. Mais le Vieux Monsieur, von Hindenburg, qui nourrissait une grande confiance personnelle en Schleicher, ne vit pas sans angoisse l'amorce d'une dictature militaire, car, tout au fond de son cœur, il était opposé à ce que les soldats fissent de la politique. En outre, il ne voulait accorder des pleins pouvoirs politiques que dans la mesure permise par la Constitution à laquelle il avait prêté serment. A cause de cette tension de la situation, le Vieux Monsieur prit contact avec lui, le Chef, par l'intermédiaire de von Papen, pour sonder le terrain dans la fameuse entrevue de Cologne (1). Le Chef eut alors le sentiment que les choses tournaient bien pour lui, aussi ne laissa-t-il subsister aucun doute sur sa ferme volonté de n'accepter aucune solution de compromis. II mena alors la campagne électorale en Lippe avec la plus grande énergie en s'engageant à fond personnellement. Après cette victoire électorale en Lippe, dont l'importance ne saurait être surestimée, le Vieux Monsieur fit reprendre contact avec lui. Une rencontre fut arrangée, chez von Ribbentrop, avec le fils de Hindenburg et Herr von Papen. Le Chef y exposa sans aucune réticence l'idée qu'il se faisait sur le développement de la situation et déclara nettement qu'il ne fallait plus perdre une seule semaine. Cette situation ne pouvait plus être sauvée que par une coalition de tous les partis en dehors des sousgroupes bourgeois qu'il était impossible de gagner. Mais il ne pouvait réaliser cette coalition que comme chancelier. Il prit sur lui de participer à ces conversations qui l'éloignaient de son action dans le mouvement, parce qu'il attachait la plus haute importance à parvenir légalement à la chancellerie, avec la bénédiction du Vieux Monsieur. Seule cette légalité pouvait lui épargner d'avoir à réduire toutes les forces politiques (1) Le 4 janvier 1933. Hitler altère délibérément la suite des événements. Von Papen agit alors sans mandat de Hindenburg. Ce fut seulement le 28, après la démission de Schleicher, que Hindenburg chargea von Papen de négocier avec le chef du N.S.D.A.P. Mais il est exact que l'entrevue du 4 eut une importance capitale.

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HITLER CET INCONNU de l'opposition avant de commencer à construire, et de rencontrer des difficultés du côté de la Reichswehr. L'attitude de la Wehrmacht envers sa chancellerie joua un rôle tout particulier dans ses considérations. Si la prise du pouvoir n'avait pas été légale, elle aurait pu constituer une source de coups d'Etat sur le modèle du putsch de Rohm ; dans le cas contraire, il était possible de la limiter à ses attributions purement professionnelles jusqu'au moment où, par le rétablissement du service militaire obligatoire, tout le peuple y affluerait, apportant avec lui l'esprit national-socialiste et, en prenant de plus en plus de force, neutraliserait tous les éléments opposés au mouvement, notamment le corps des officiers. Le 22 janvier 1933, la marche des S.A. sur la Karl-Liebknecht-Haus causa une perte de prestige considérable au parti communiste (K.P.D.) et mit tout Berlin en ébullition, et, le 24, von Papen lui demanda de nouveau une entrevue. Schleicher, lui apprit-il, avait officiellement demandé les pleins pouvoirs au Vieux Monsieur pour établir une dictature militaire. Mais le Vieux Monsieur avait rejeté cette prétention et s'était déclaré prêt à charger Adolf Hitler de constituer le gouvernement sur la base d'un front national, à condition que von Papen en fût le vice-chancelier. Le Chef accepta cette proposition sans se laisser aller à discuter les détails, posant comme seule condition la dissolution du Reichstag et de nouvelles élections, Il repoussa une discrète invitation à avoir un entretien de dix minutes avec le Vieux Monsieur en déclarant qu'il serait absent de Berlin le lendemain. Après l'expérience de l'année précédente, il voulait éviter de faire naître dans le Parti le faux optimisme qu'une conversation avec le Vieux Monsieur éveillerait certainement. Cet entretien avec Herr von Papen le conduisit à intensifier les pourparlers engagés par Goering pour la formation éventuelle d'un gouvernement. Ces pourparlers avaient été rendus très difficiles par l'avidité du Geheimrat Hugenberg qui voulait pour son parti des nationaux-allemands, un nombre de portefeuilles hors de proportion avec l'importance de ce parti et qui, craignant de perdre des voix, ne voulait pas entendre parler d'une dissolution du Reichstag. Après s'être absenté de Berlin le 27, 412


HITLER CET INCONNU il traita personnellement avec Hilgenberg mais sans obtenir de résultat acceptable. Ces négociations pour la constitution du gouvernement furent en outre gênées par l'entourage du général Schleicher qui essaya de mettre le plus possible de bâtons dans les roues. Le général von Hammerstein, chef de l'armée et très proche collaborateur de Schleicher, eut même l'audace de venir le trouver pour lui dire que « la Reichswehr ne pouvait en aucun cas approuver son accession à la chancellerie ». Si ces Messieurs de l'entourage de Schleicher s'imaginaient ébranler ses décisions par de pareilles niaiseries, ils se trompaient lourdement. Sa seule réaction fut de prescrire à Goering de n'accepter comme ministre de la Reichswehr qu'un général ayant sa confiance, comme le général von Blomberg qu'on lui recommandait de la Prusse-Orientale. Le système de Weimar s'écroula définitivement le 28 janvier. Schleicher se retira ; le Vieux Monsieur chargea von Papen de sonder les partis pour voir les possibilités de former un gouvernement, et lui, le Chef, fit connaître qu'il n'accepterait aucune demi-mesure. Le 29, il y eut, bien entendu, de très nombreuses négociations. Il y réussit, en lui accordant les portefeuilles qu'il désirait, à convaincre Hugenberg de la nécessité de dissoudre le Reichstag, car la composition de celui-ci interdirait toute collaboration avec lui. Dans l'après-midi, Goering vint lui anonncer que le Vieux Monsieur le chargerait officiellement, le lendemain matin, de constituer le gouvernement en tant que chancelier. A la fin de l'après-midi l'annonce d'un coup que voulait frapper la clique Schleicher, causa une énorme surprise. Le général von Hammerstein, apprit-on par le lieutenant-colonel von Alvensleben, avait alerté la garnison de Potsdam en lui donnant l'ordre d'être prête à tirer. En outre, on envisageait d'emmener le Vieux Monsieur en Prusse-Orientale pour le mettre hors d'état d'intervenir contre une mobilisation de la Reichswehr pour empêcher la prise du pouvoir par le N.S.D.A.P. Pour parer à ce putsch, lui, le Chef, ordonna au comte Helldorf, chef des SA. de Berlin, d'alerter celles-ci immédiatement. En outre, il fut entendu avec le major de police Wecke, qu'on 413


HITLER CET INCONNU savait digne de confiance, qu'il engagerait six bataillons de policiers pour interdire une occupation de la Wilhelmstrasse par la force. Il fit prévenir le Vieux Monsieur, par l'intermédiaire de Herr von Papen, de ce que complotait la clique Schleicher. Finalement, il fit prescrire au général von Blomberg, définitivement retenu comme ministre de la Reichswehr, de se présenter au Vieux Monsieur dès son arrivée à Berlin, prévue pour huit heures le lendemain, afin de prêter serment entre ses mains et, devenu ainsi le chef de la Reichswehr, de pouvoir réprimer instamment toute tentative de putsch de la part de celle-ci. Le 30 janvier 1933, à onze heures, il put annoncer au Vieux Monsieur que le gouvernement était constitué et qu'il disposait au Reichstag de la majorité constitutionnelle nécessaire pour sa mise en place. Le Vieux Monsieur lui remit alors sa nomination comme chancelier du Reich allemand. Mais les débuts du fonctionnement du cabinet furent tout autres que faciles. Il ne disposait que d'un seul ministre nationalsocialiste : Frick. Certains des autres, comme Blomberg et Neurath, s'étaient bien déclarés immédiatement pour lui, mais les autres entendaient n'en faire qu'à leur tête. Le commissaire au Travail, Gereke, arrêté plus tard (24 mars 1933) pour malversations, se révéla même, dès le début, comme son plus farouche ennemi. Aussi fut-il particulièrement heureux quand Seldte vint le trouver pour lui dire que les dés étaient jetés : son organisation, le « Stahlhelm » des soldats du front, ne s'opposerait plus à la ligne de développement voulu par lui, le Chef. Aux difficultés éprouvées pour la constitution du cabinet s'ajouta le fait que le Vieux Monsieur l'avait nommé chancelier uniquement parce qu'il ne voyait pas d'autre issue constitutionnelle à la crise. En conséquence, le Vieux Monsieur enveloppa sa décision de restrictions. Il prescrivit, notamment, que tout ce qui concernait la Reichswehr, les Affaires étrangères, l'occupation des postes à l'étranger, serait exclusivement décidé par lui en ultime instance, et aussi que lui, le Chef, ne se présenterait devant lui qu'en compagnie de Herr von Papen. Le décret de dissolution du Reichstag, préparé en séance de cabinet le 31 janvier, ne fut contresigné qu'après une vive résistance, grâce à la médiation de Meissner. 414


HITLER CET INCONNU Cependant, les rapports entre lui et le Vieux Monsieur s'améliorèrent au bout de huit à dix jours. Le Vieux Monsieur lui demanda de venir le trouver pour lui parler de quelque affaire ; le Chef signala qu'il ne pouvait se présenter sans être accompagné de von Papen, alors absent de Berlin. Le Vieux Monsieur déclara qu'il désirait le voir seul ; la compagnie de von Papen ne fut plus nécessaire par la suite. Au bout de trois semaines, le Vieux Monsieur avait tant changé qu'il se comporta pour la première fois de façon paternelle et observa, au sujet des résultats du scrutin du 5 mars : « Que ferons-nous si vous n'obtenez pas la majorité ? Toute la vieille histoire recommencera ! » Quand arrivèrent les premières annonces sur ces résultats, le Vieux Monsieur déclara, d'un ton amical et dégagé : « Hitler va gagner ! » Quand le succès triomphal du N.S.D.A.P (1) fut connu, le Vieux Monsieur avoua ouvertement qu'il était, tout au fond, étranger et hostile à tout ce mic-mac parlementaire, et qu'il fallait en finir une bonne fois avec toutes ces élections Un rapport de l'ambassadeur Nadolny, à l'occasion de la conférence du désarmement à Genève, montra que le Vieux Monsieur était toujours un homme de grande envergure malgré son âge. Nadolny proposait de satisfaire au désir des puissances ennemies de voir l'Allemagne désarmer immédiatement alors qu'elles ne le feraient elles-mêmes qu'au bout de quelques années. Le Chef repoussa sur-le-champ cette proposition et en informa le Vieux Monsieur. Nadolny, sans l'en aviser au préalable, se présenta directement au Vieux Monsieur. Celui-ci le mit à la porte et déclara par la suite qu'il ne fallait pas s'imaginer qu'en recevant Nadolny, il changeait d'opinion ; au contraire, il lui avait réglé son compte en disant : « Vous êtes pour Moscou, eh bien filez-y donc au plus vite ! » L'incident montre bien la manière très particulière qu'avait le Vieux Monsieur de ramener tous les problèmes à un dénominateur très simple. Il avait parfaitement reconnu le mauvais tour qu'on cherchait à nous jouer à Genève en nous faisant prendre (1) En fait, malgré les pressions, Hitler n'obtint que 43,9 % des voix (44,5 au Reichstag).

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HITLER CET INCONNU des engagements auxquels les autres n'avaient nulle intention de se soumettre. Aussi approuva-t-il que, le 14 octobre 1933, à treize heures, quelques minutes après que Macdonald (1) eut fait connaître à la Société des Nations les désirs concernant le désarmement de l'Allemagne, le Reichspressechef Funk annonçât la décision prise par le gouvernement, de quitter la S.D.N. Quand le peuple allemand applaudit cette décision et, de ce fait, la politique du Chef, par 95 % des voix, le Vieux Monsieur s'en réjouit de façon vraiment très cordiale. De même, lors de la discussion de la remilitarisation de la Rhénanie, le Vieux Monsieur fut admirable et en imposa par son attitude virile. En revanche, il fallut gagner les ministres un par un à cette entrée de la Wehrmarcht dans la zone rhénane ; von Papen (2) signala même avec angoisse que les Français avaient menacé d'occuper certains points de notre territoire si elle se produisait. Les Français, pensa le Chef, pouvaient bien occuper Mayence s'ils voulaient, si, à ce prix, nous retrouvions notre liberté d'action et pouvions, dans tout le reste du Reich, agir comme nous l'entendions et, surtout, réarmer (3). La suite des événements lui donna raison. A l'époque, il voulait, à vrai dire, assurer le calme dans le peuple allemand même face à l'ouest ; mais, en lui accordant 99 % de ses voix aux élections du Reichstag, le 29 mars 1936, le peuple lui montra qu'il l'avait parfaitement compris. Il n'était pas toujours facile de gagner le Vieux Monsieur à quelque idée, mais, une fois adoptée, il s'y donnait à fond. Par exemple, tout d'abord, il ne voulut pas entendre parler de prendre des mesures contre les Juifs. Mais, lors d'un dîner à l'ambassade de Suède, auquel ils assistaient tous les deux, le roi de Suède critiqua ces mesures ; alors le Vieux Monsieur, de sa voix de basse, profonde et sonore, riposta qu'il s'agissait là d'une affaire de politique intérieure relevant exclusivement de la compétence du chancelier d'Allemagne. De même, le Vieux Monsieur ne voulait pas comprendre la (1) Ramsey Macdonald, Premier ministre britannique de 1931 à 1935. (2) Alors ambassadeur à Vienne. (3) En fait, Hitler se montra fort nerveux et ordonna aux troupes de se replier si elles rencontraient de la résistance.

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HITLER CET INCONNU nécessité de limiter la liberté de la presse. Le Chef recourut alors à un artifice. Il s'adressa non plus au président mais au maréchal et argumenta que, dans le métier militaire, la critique était permise seulement de haut en bas, pas de bas en haut. Où iraiton si le sous-officier voulait critiquer le capitaine et celui-ci le général ? Le Vieux Monsieur l'admit et l'appliqua aussitôt à la critique des actes du gouvernement par la presse. C'était parfaitement juste, dit-il, seul le supérieur avait le droit de critiquer. Cela régla la question de la liberté de la presse. Ce fut un grand mérite de la part du Vieux Monsieur que de se montrer aussi conciliant et de s'efforcer constamment de comprendre les intentions de son chancelier. Il s'agissait souvent de surmonter des préjugés très anciens, comme le montre une remarque qu'il fit en signant la nomination du gauleiter Hildebrandt au rang du Reichsstatthaler (du Mecklembourg). Cet ancien ouvrier agricole, grommela-t-il, ne pouvait-il se satisfaire d'être devenu député au Reichstag et ficher la paix aux gens ! Quand il l'eut adopté, le Vieux Monsieur se montra d'une sollicitude vraiment touchante envers lui. Il avait, dit-il à plusieur reprises, un chancelier qui se sacrifiait pour l'Allemagne. Souvent, il ne parvenait pas à s'endormir, le soir, parce que « son chancelier volait d'un bout du Reich à l'autre pour sauver le peuple allemand. Dommage seulement que cet homme dût appartenir à un seul parti ! » 130.

22/5/1942, midi (Chancellerie de Berlin). L'ESPIONNAGE

Au déjeuner à la Chancellerie, le Chef déclare : « Aujourd'hui, deux groupes de gens pratiquent l'espionnage : ce qu'on appelle la « bonne société » et le prolétariat. La classe moyenne a des idées trop arrêtées à ce sujet. » Il n'y a qu'une seule façon de lutter efficacement contre l'espionnage : donner à quiconque le pratique la certitude qu'il le paiera de sa vie, en toute circonstance, s'il se fait prendre. Il faut se comporter aussi impitoyablement pour toute une série 417 14


HITLER CET INCONNU d'autres actes délictueux dus à la guerre. Comment pourrionsnous, sans des moyens barbares, empêcher les crimes qui se commettent sous le couvert de l'obscurité, comme les détroussages, les viols, les effractions de tout genre ? Pour tous ces crimes il ne doit y avoir qu'une seule peine : la mort, que le coupable ait soixante ou dix-sept ans. En ne réagissant pas brutalement contre les délits du temps de guerre, nous nous exposons à deux dangers : a) la criminalité se développe et ne peut plus être arrêtée ; b) on arrive à cette contradiction : l'honnête homme se fait tuer au front alors que la fripouille prend une assurance sur la vie en commettant un délit, car — elle le sait fort bien — le paragraphe tant punit tel délit d'un séjour limité en prison. Il faut bien savoir qu'une population, en temps de guerre, se compose de trois groupes : les idéalistes extrêmes, les égoïstes à tout crin et les hésitants. Si l'on traite doucement les canailles de l'intérieur et qu'on leur permette ainsi de se conserver, alors que la plupart des idéalistes se font tuer au front, on pratique une sélection à rebours et on prouve qu'on n'a pas compris les leçons des années 1917 et 1918. Il n'y a donc qu'une alternative : le soldat peut mourir au front, la canaille de l'intérieur doit mourir. Un Etat qui n'a pas la fermeté d'appliquer ce principe n'a pas le droit d'envoyer ses idéalistes tomber devant l'ennemi. Le Chef se plaint encore de ce que la magistrature d'aujourd'hui ne connaisse pas exactement son devoir. Comme elle s'est montrée naguère notre adversaire et qu'elle reste, comme la prêtraille, insensible à tous les changements, elle conserve une morale libérale. Le Chef se voit donc contraint d'intervenir et il expulsera de la magistrature tout juge qui prononcera couramment des sentences contraires au bien du peuple et à l'attitude nationale. Il porte en effet la responsabilité personnelle de ne pas laisser se créer à l'intérieur un front de canailles, alors que les braves affrontent la mort dans les combats. On exige des soldats une discipline de fer, c'est leur faire injure que d'agir à l'intérieur avec douceur. Même avec les jeunes il faut se comporter autrement en temps 418


HITLER CET INCONNU de guerre et ne pas leur manifester une indulgence coupable. En temps de paix, on peut, naturellement, renoncer à emprisonner des délinquants de quinze à dix-sept ans et se borner à leur administrer une bonne raclée, car si on les envoie en prison, ils se sentiront — pour peu qu'il leur reste un peu d'honneur — flétris pour toute la vie et y recevront en outre, éventuellement, de très mauvais enseignements de la part des vieux détenus. Un exemple : un homme arrêté pour attentat aux mœurs, apprit, d'un criminel, dans sa jeunesse, la recette d'un poison mortel dont on ne trouvait plus aucune trace au bout de vingt minutes. Le Chef fit interroger cet homme, un certain Seefeld, par la Gestapo, parce qu'il lui semblait avoir commis beaucoup plus de crimes que ceux retenus par les juges. Après avoir été cuisiné pendant douze heures, il avoua avoir commis cent sept crimes sadiques sur des enfants et il indiqua les endroits où il avait enterré ses victimes. Tous ceux qui commettent quelque attentat aux mœurs finissant, en règle générale, par des crimes sadiques, il faut les éliminer à temps, même s'ils sont encore très jeunes. C'est pourquoi il a toujours été partisan des peines les plus sévères contre les éléments asociaux. La mort du gauleiter Rover a beaucoup ému Hitler, car il a perdu avec lui un idéaliste qui ne gardait sur son traitement que le strict nécessaire pour vivre et employait le reste à de bonnes œuvres. Aussi, la maison dans laquelle habitait sa famille a-t-elle été laissée à Mme Rover pour qu'elle ait au moins un toit au-dessus de la tête. Malgré l'émotion causée par cette mort, Hitler est toujours si maître de soi qu'il nous reçus avant le déjeuner dans la grande salle avec son amabilité coutumière, peut-être un peu forcée cette fois, et nous a serré la main à tous. 131.

2715/1942 (Wolfsschanze).

Je reviens aujourd'hui au quartier général après avoir assisté à la cérémonie dans la salle des Mosaïques à la Chancellerie, le 22, puis, le 23, aux obsèques du gauleiter Rover à Oldenburg. En allant me présenter à l'aide de camp de service, le 419


HITLER CET INCONNU Gruppenführer Albert Bormann, j'apprends que, dimanche, le Chef s'est entretenu avec les ministres Speer et Dorpmüller, des futures liaisons ferroviaires avec Moscou, Kharkov et la Turquie, qui auront des voies à l'écartement de quatre mètres et aboutiront à Berlin avec des embranchements vers Munich et la Ruhr. Les wagons de voyageurs auront des sièges de chaque côté et, au centre, un couloir large d'un mètre. Les wagons à marchandises auront une partie supérieure amovible qu'une grue pourra déposer sur un châssis à écartement normal. 132.

Midi.

Le chef parle de la transformation du croiseur lourd Seydlitz, actuellement en construction au Deschimag-Werk de Brème, en un porte-avions qui pourra participer aux opérations des grands bâtiments de guerre entre la Norvège, l'Islande et l'Ecosse. 133.

Soir.

Le Chef parle de l'Hôtel « Vierjahreszeiten », à Munich, auquel sa façade sans goût, le bruit de la rue, etc., enlèvent beaucoup de valeur. Il fait construire à ses propriétaires, les frères Walterspied, un hôtel de luxe, destiné avant tout aux étrangers, c'est-à-dire à procurer des devises. Il faudra y employer le nouveau style — influencé par les grandes constructions et par les travaux du professeur Troost — déjà utilisé pour le « Zum Elephanten » à Weimar, le « Kaiser » à Posen, le « Deutschen Hof » à Nuremberg, et le « Berchtesgaden Hof » à Berchtesgaden, C'est avec plaisir qu'il verra apporter ces embellissements à Munich, car personne lui a manifesté plus de sympathie humaine que les Munichois, évitant de le gêner au café ou sur la terrasse de la Maison de l'Art allemand, refoulant les intrus en disant : « Laissez-le, qu'il puisse, lui aussi se reposer ! » Mais si l'on construit un tel hôtel de luxe pour les étrangers. 420


HITLER CET INCONNU il faudra veiller à ce que les collectionneurs de souvenirs des Etats-Unis n'emportent pas tout ce qui ne sera pas cloué ou scellé. Des Américains qu'il avait invités à l'occasion des Olympiades, lui ont ainsi dérobé, cent trente-sept cuillers en argent, des brosses, des peignes, etc., tout ce qui portait son chiffre. Ils sont évidemment comme les femmes qui ont des manies bien particulières. Il n'y a probablement pas une femme qui n'ait, au moins une fois, essayé de passer en fraude, à la douane, des mouchoirs, des étoffes, des choses du même genre. Le plaisir de narguer l'autorité joue, à cet égard, un grand rôle. Les hommes les plus méritants de la Luftwaffe, dit le Chef, s'étaient déjà grandement distingués durant la (Première) Guerre mondiale. Aussi faut-il nous arranger — justement dans le cas de l'aviation, arme offensive par excellence — pour que les jeunes générations reçoivent le plus possible de la Garde que constituent nos décorés de la croix de chevalier. On ne saurait évaluer trop haut l'autorité qu'un aviateur, portant la croix de chevalier avec feuilles de chêne, exerce sur la jeunesse. Aussi, quand l'un d'eux a abattu cent avions ennemis, et s'est ainsi montré un des plus braves, faut-il le retirer du service au front. 134.

28/511942. HITLER RIT DES PIÈGES A MOUCHE DE BORMANN

Hier soir, je suis allé présenter au Führer un nouveau piège à insectes (imaginé par Bormann qui est en ce moment à Munich), car les mouches constituent ici une véritable plaie. Lorsque les habitants du quartier général, las de leur vie monacale, se livrent à quelque farce, Hitler est de ceux qui rient du meilleur cœur. On a donc profité de l'absence du Reichsleiter Bormann pour me présenter à lui comme un grand technicien. L'idée est que je dois moi-même installer, dans le bureau de Hitler, le piège à mouches que Bormann a fait construire dans la région de Rastenburg et qu'il eût volontiers installé lui-même. Mes affirmations que je ne connaissais absolument rien à la technique ne me furent d'aucun secours, car — à en juger par leurs mouvements de main — les convives ont été 421


HITLER CET INCONNU particulièrement gênés par les mouches, ce soir. Je me vis donc contraint d'aller prendre le piège, conçu sur le même principe que l'aspirateur de poussière, de m'en faire montrer le fonctionnement par la secrétaire de Bormann, puis de me rendre dans le bureau de Hitler. Hitler arriva et tandis qu'il s'occupait encore de sa chienne, l'appareil se mit soudain à vrombir. La chienne, effrayée par le bruit, le renversa. « C'est avec ça que vous comptez attirer les toutes petites mouches ? » me demanda Hitler et il mit ses lunettes pour mieux examiner l'objet d'art. Il aperçut des mouches dans le tuyau d'entrée et s'en étonna manifestement. Prenant mon courage à deux mains, je lui avouai, après un silence pénible, qu' « en juriste prudent, sachant l'insuffisance de mes connaissances techniques et par méfiance naturelle envers la machine, j'avais attrapé quelques mouches en cours de chemin, et les avait mises dans le tuyau ». Il éclata de rire et, avec lui, toute la tablée qui suivait la scène derrière le rideau de la porte, et je me trouvai devant la pénible tâche d'avoir à apprendre à Bormann l'échec de son appareil. Hitler, prenant pitié de mou embarras, dessina un modèle de piège à mouches et me donna le croquis. 135.

29/5/1942, avant le repas (chancellerie de Berlin).

LOUIS I e r DE BAVIÈRE ET LOLA MONTÉS

Le Reichsminister Dr Goebbels, parle, avant le repas, du projet qu'il a de faire tourner un film sur Lola Montés. Le Chef approuve cette idée mais lui dit de bien prendre garde à ne pas présenter faussement le destin de cette femme et la personnalité de Louis I er de Bavière. Lola Montés n'était pas une de nos danseuses modernes de charleston, mais une femme de très grande intelligence et avec une façon de voir très large. En ce qui concerne la personnalité de Louis I e r , le considérer avant tout comme un coureur de jupons serait faux. Ce fut un homme d'envergure et le premier constructeur de son temps en Europe. Rien que l'idée de construire le Walhalla montre 422


HITLER CET INCONNU qu'il s'agissait d'un monarque voyant plus loin que ses frontières et considérant l'ensemble des intérêts allemands. Il eut en outre le mérite de donner un puissant centre artistique à la nation allemande en Munich. S'il est cependant un des rois bavarois les plus contestés, cela vient de ce que l'Eglise ne cessa de l'attaquer. La danseuse Lola Montés ne fut pour l'Eglise qu'un prétexte. En réalité, ce qu'on combattait en lui c'était ses tendances libérales qui inspiraient son action et le mettaient de beaucoup en avance sur son époque. Il faut donc présenter Louis I e r non pas comme un monarque ayant la légéreté viennoise, à la manière de Paul Hörbiger (1), mais comme un roi plein de dignité, ce pourquoi Kayssler (1) conviendrait le mieux. 136.

Midi (Berlin). LA CATASTROPHE DEVANT MOSCOU PAR —50° VIENNE COMPARÉE A BERLIN LES JUIFS SONT-ILS DES ASIATES ?

L'hiver, observe le Chef, constitua une très rude épreuve pour nos soldats parce que leurs vêtements, leur équipement, leurs véhicules ne suffisaient pas pour un froid de — 50°. Si l'on peut parler de crise hivernale, c'est à cause de ces déficiences. A cela s'ajouta l'oppression morale causée par le fait que l'hiver russe avait vaincu Napoléon et que celui de 1941-1942 survint brutalement, avec des températures qu'on n'avait plus connues en Russie depuis cent cinquante ans (1). Si le peuple allemand surmonta cette crise, ce fut parce que le front et l'intérieur firent face à l'épreuve dans une union étroite. Tant que le peuple est capable d'une telle attitude, l'Etat ne peut sombrer si son drapeau est porté par des hommes (virils). Malheureusement, ce sont toujours les meilleurs qui tombent (1) Cinéastes connus, (1) Hitler répète la version donnée par la propagande qui cacha à la population l'ampleur du désastre en détournant son attention avec des rapports exagérés sur les victoires des Japonais en Extrême-Orient.

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HITLER CET INCONNU dans cette sélection sanglante de la guerre ; par exemple, parmi les Berlinois tués au front, il y a six fois et demi plus d'inscrits au Parti que de non-inscrits. Lors de la présentation des actualités cinématographiques nous voyons quelques séquences étrangères. Par exemple, les séquences soviétiques représentant la victoire remportée sur nos troupes devant Moscou, l'hiver dernier (1941). Avec pour accompagnement le son de toutes les cloches de Moscou et le bruit de la D.C.A. tirant sur nos avions, on voit la mystérieuse silhouette du Kremlin, Staline, ouvertement admiré comme un génie par Hitler, la procession du clergé orthodoxe, revêtu de tous ses ornements sacerdotaux, allant de maison en maison pour inciter tout le monde, hommes et femmes, jeunes et vieux, à tout sacrifier pour le salut de la Sainte Russie. Puis ce sont des formations de troupes rouges, de la cavalerie principalement, la brutale arrivée du froid qui n'avait pas atteint cette intensité depuis plus d'un siècle, obligeant tes gens à porter des vêtements fourrés et des chaussures en feutre. Puis les premiers, bientôt la foule des prisonniers allemands sans manteau, sans gants, sans vêtements adaptés à l'hiver, sautillant pour se réchauffer, ne sortant les mains des poches que pour se frotter le nez et les oreilles, affamés, en route vers un destin incertain ! Pourtant, l'angoisse ne se lit sur aucun visage : soldats inconnus, héros inconnus ! Enfin c'est un nombre incalculable de chars, de camions, de canons gelés, bloqués parce que le commandement n'avait pas fourni à temps des vêtements et du carburant adaptés à l'hiver. Une des tâches les plus importantes du IIIe Reich, dit le Chef au déjeuner, consistera à faire de Berlin une capitale vraiment représentative. Rien que la gare et le débouché des autoroutes doivent être tels que le Viennois, en y arrivant, se dise : « Voilà notre capitale ! » On ne peut (aujourd'hui) en vouloir à ces Viennois d'être déçus par Berlin. Certains lui ont déclaré, à lui-même, que Berlin n'était pas une capitale ; Vienne lui est de beaucoup supérieure du point de vue culturel et aussi par son caractère grandiose. C'est très vrai, et il n'existe pas en Allemagne une seule ville 424


HITLER CET INCONNU renfermant autant de trésors artistiques que Vienne. Les collections que possédaient certaines capitales d'anciens Etats furent réunies par des dynasties aux vues étroites, ne poursuivant que leur propre intérêt. Vienne, en revanche, s'est toujours intéressée à l'histoire impériale — d'autant plus que les Habsbourg se sont considérés comme empereurs d'Allemagne jusqu'en 1805. On ne peut apprécier pleinement l'importance des collections viennoises de caratère historique, car elles ne sont pas encore toutes accessibles. Mais, même en dehors de ces collections, Vienne constitue un centre culturel qui rayonne un fluide énorme et même colossal. Qui veut voir du beau théâtre va à Vienne. Qui veut étudier les beaux-arts va à l'Institut de Vienne. Les gens des gaue des Alpes et du Danube se sont habitués à y apprendre la technique, à voir dans ses musées une source de joies intellectuelles. Il sera donc extrêmement difficile de faire disparaître cette primauté culturelle de Vienne dans les gaue des Alpes et du Danube en lui donnant Linz comme concurrente et en aménageant Gratz de façon à affermir à cet égard sa population qui n'a jamais manifesté beaucoup d'enthousiasme pour Vienne. Il y a tout de même une chose qu'on ne peut reproduire : l'atmosphère exceptionnellement enivrante de la Vienne du passé et d'aujourd'hui. Cette atmosphère que l'on respire à Schönbrunn et ailleurs est vraiment unique. D'après les rapports qu'il a reçus, dit le Chef, la police juive des ghettos se montre, à l'égard de ses coreligionnaires, d'une brutalité que la nôtre ne s'est jamais permise même à l'époque des grands combats de rue. Cela montre bien la barbarie foncière de l'être juif. Autre fait intéressant : les Juifs prétendument cultivés comme les médecins, les avocats, etc., qui ont longtemps vécu dans des villes de l'Europe occidentale, se judaïsent complètement après quinze jours de ghetto et circulent en kaftan, etc. On ne peut trouver de preuve plus évidente que le Juif, tout compte fait, reste un Asiatique et n'est pas un Européen. Il faut donc, dans un délai déterminé, débarrasser toute l'Europe occidentale de ses Juifs. C'est d'autant plus nécessaire qu'il se trouve toujours parmi eux un certain pourcentage de

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HITLER CET INCONNU fanatiques qui essayent constamment de faire prévaloir la Juiverie. Il n'est pas conseillé non plus, de ce fait, de les envoyer en Sibérie, car, à cause de leur résistance au climat, ils s'endurciraient physiquement encore plus. Il serait beaucoup plus indiqué — puisque les Arabes n'en veulent pas en Palestine — de les transporter en Afrique, c'est-à-dire sous un climat qui est préjudiciable à des hommes de notre résistance et où, par conséquent, ils n'entreront pas en conflit d'intérêt avec les Européens. Sur une observation que le Japon élimine également les Juifs qui s'y sont introduits grâce au commerce avec l'Amérique, le Chef déclare que, un jour, le monde entier sera l'ennemi des Juifs. Même les Etats-Unis, où ils se maintiennent par d'étonnantes culbutes acrobatiques — pour prendre une image — s'en apercevront quand ils n'auront plus la force d'effectuer ces culbutes et les combattront. Là aussi, la chicanerie juive trouvera sa fin lamentable. 137.

30/5/1942, midi (Chancellerie de Berlin). LA POLITIQUE CULTURELLE ET LA PROMOTION DES ARTISTES DOIVENT ÊTRE COHÉRENTES LES CAFÉS VIENNOIS

Au déjeuner, à la Chancellerie, le Chef traite des questions artistiques. Partant de l'observation que le périodique artistique de Bruckmann diffère beaucoup de celui publié par le professeur Hoffmann et le ministère de la Propagande, il vient à parler des sculpteurs Kolbe et Klimsch. A mesure que le premier vieillit, constate-t-il, ses œuvres perdent en perfection, alors que celles du second ne cessent de devenir plus fortes, plus significatives. On ne peut en vouloir à un artiste si ses œuvres de vieillesse n'ont plus la perfection de ses grandes créations, car la vue se détériore avec l'âge et, dans le cas d'un sculpteur, elle joue un rôle essentiel. Lorsque des sculpteurs se surpassent en vieillissant, cela provient souvent de ce que, myopes dans leur jeunesse, ils ont peu à peu recouvré une vue normale. 426


HITLER CET INCONNU Il ne faut donc pas leur faire de reproches à ce sujet, pas plus qu'à un chanteur parce qu'il chante moins bien. S'il y a des choses à écarter dans les dernières œuvres de Lovis Corinth (1), il faut se réjouir de ses fabuleuses œuvres de jeunesse. D'ailleurs, une politique culturelle raisonnable doit s'efforcer de découvrir à temps les jeunes talents et leur donner le moyen de réaliser ce qu'ils ont de mieux en eux-mêmes, au bénéfice du monde contemporain et de la postérité. Pour souligner ce qu'il vient de dire, le Chef signale une fontaine, représentant trois femmes, due au sculpteur Ullmann (Vienne) qui était restée complètement inconnue des Viennois et que le ministre Speer a découverte. Les Viennois, qui se vantent tant du niveau culturel de leur ville, n'ont pas du tout suivi une telle politique au cours des siècles passés. Ils ont laissé un génie comme Mozart souffrir de la faim. Ils ont même cru devoir l'enterrer comme un pauvre, de sorte que personne ne sait, aujourd'hui, où repose sa dépouille. Ils auraient traité pareillement Bruckner et Haydn si ceux-ci n'avaient pas trouvé des protecteurs, le premier dans l'évêque de Linz, le second dans le prince von Esterhazy. A cause de cette attitude, les Viennois, comme les Munichois, doivent uniquement à l'impulsion de leur dynastie d'habiter des villes d'art. Cependant, il existe à cet égard une différence fondamentale : les Munichois ont manifesté une certaine reconnaissance à leurs grands artistes même du vivant de ceux-ci, alors que les Viennois ne l'ont fait qu'après que ces artistes furent devenus célèbres dans le monde entier, et parfois plusieurs dizaines d'années après leur mort. Nous devons en tirer une leçon pour notre politique culturelle : les bons artistes doivent recevoir à temps la considération qu'ils méritent. Aussi n'a-t-il pas voulu l'exposition à la Maison de l'Art allemand, à Munich, uniquement pour donner aux plus grands la possibilité de montrer leurs œuvres aux regards du monde entier, mais surtout dans l'intention de sélectionner ce qu'il y a de mieux dans la production allemande, d'en faire attester la valeur par des connaisseurs, parlant en (1) Lovis Corinth (1858-1925) peintre et dessinateur de grand renom.

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HITLER CET INCONNU toute conscience, et de les offrir ainsi aux acheteurs, même si les auteurs demeurent encore largement inconnus. Simultanément, on donne aux acheteurs des œuvres montrées dans cette exposition la garantie qu'ils ont acquis quelque chose de vraiment valable. Encourager l'émulation entre les artistes par l'attribution de médailles d'or et d'argent, représentant la Maison de l'Art allemand — selon le projet présenté par le professeur Hoffmann — est tout à fait dans la ligne de cette intention et ne peut donc qu'être approuvé. Sur une proposition du bourgmestre Liebels (Nuremberg), le Chef déclare qu'il serait absurde de donner des représentations de variétés dans la salle du « Deutsche Hof » à Nuremberg, car cette salle est associée à la vie du mouvement et on ne peut y laisser venir des gens pour assister à des spectacles de caractère inférieur. Si l'on tient à installer une scène pour variétés et un bar au « Deutsche Hof », il faut le faire en transformant l'ancien. Dans le domaine de la restauration, il préfère de beaucoup les cafés du genre viennois, car ils constituent un havre de repos, de contemplation, de méditation. Le Dr Goebbels fait une plaisanterie dont tout le monde rit beaucoup : remarquant, sur le col de l'ambassadeur Hewel, une tache causée par notre brouet très clair de haricots, il feint d'y voir une tache de graisse et demande à l'ambassadeur de lui dire confidentiellement quelle peut bien en être la source. 138.

31/5/1942, soir (Wolfsshanze). LE NOUVEAU GENRE DE MAGISTRAT

A l'occasion de son dernier discours au Reichstag, le Chef parle du futur choix des magistrats. La formation des juristes qui veulent devenir des juges, doit être, dit-il, radicalement transformée dans le sens du national-socialisme. Un juge devant posséder une connaissance très poussée de la vie pratique, on ne les choisira que parmi les gens qui ont fait leurs preuves, professionnellement, dans la vie courante et qui sont particulièrement instruits, par le service au Parti, de notre idéologie et des

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HITLER CET INCONNU problèmes que pose la conduite des hommes. Comme âge minimal pour les juges, le Chef fixe trente-cinq ans. Guillaume II, dit le Chef, représenta une forme de monarque tout à fait indigne. Non seulement il traitait grossièrement les gens de son entourage immédiat mais il ne craignait pas de lancer, sur ses hôtes, des remarques ironiques qui en faisaient la risée de l'assistance. De même, par des manifestations d'amitié vulgaires (frapper sur l'épaule, par exemple) à l'égard des autres monarques, il aliéna beaucoup de sympathies à l'Allemagne. Un souverain devrait tout de môme savoir qu'il est tenu d'observer, dans son comportement, de la réserve et de la dignité. Cet exemple de Guillaume II montre comment un mauvais monarque peut ruiner une dynastie. Qui veut agir dans l'Histoire doit également savoir qu'une seule génération mauvaise peut de même ruiner un peuple. Le Chef parle ensuite de son quartier général du Wolfschlucht (1) où l'air restait si acide que ses yeux pleuraient au réveil. 139.

L'AVION DE HITLER

1/6/1942.

Pour revenir au quartier général, je suis monté dans l'avion du Führer, un Focke-Wulff très spacieux, qui vole à une vitesse considérable. L'appareil est très simple, sans aucun apparat intérieur. Seule particularité : il y a une machine à écrire devant la place du Führer. Nos victoires militaires (2) rendent tout le monde très gai. Midi. Son voyage d'hier à Poltava, en avion, raconte le Chef — pour examen de la situation avec le maréchal von Bock — a un peu ébranlé ses idées sur la race. Il a vu à Poltava tant de femmes blondes aux yeux bleus que (1) A Münstereifel. Utilisé du 10 mai au 4 juin 40. (2) Fin de la-bataille d'encerclement de Kharkov, le 28 mai 1942 (215 000 prisonniers, 1 200 chars et 1 800 canons pris ou détruits).

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HITLER CET INCONNU — quand il pense aux photographies de Norvégiennes ou de Hollandaises qui sont jointes aux demandes d'autorisation de mariage — il serait tenté de croire à la nécessité d'un développement de nos Etats nordiques non « vers le nord », mais « vers le sud ». Soir.

140. MAQUILLAGE DES ÉCHECS ÉCONOMIE INTÉRIEURE ET CONDUITE DE LA GUERRE L'AVENIR DE NOS CONSTRUCTIONS NAVALES LA GUERRE, GRANDE GÉNÉRATRICE D'INVENTIONS

Le Chef parle des communiqués russes au sujet de la bataille de Kharkov et de l'offensive d'hiver. Les Russes cherchent toujours à camoufler leurs échecs par des théories. Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls. Le Chef se rappelle la théorie de l'usure que nous employâmes nous-mêmes après la bataille de Verdun, durant la Guerre mondiale. Cela prouve simplement qu'on n'a pas le courage d'arrêter immédiatement une opération dès qu'elle n'offre plus des chances de réussir. Les Russes, dit-il, se causent un tort considérable en jetant le désordre dans leur économie intérieure et dans le ravitaillement de leurs populations, en les sacrifiant aux besoins de l'armée. On ne peut pas dire : je m'occupe de l'armée sans me soucier des conditions de l'intérieur, car l'armée dévore ce qui existe dans celui-ci. En ce qui concerne notre production des armements, il faut trouver le bon équilibre entre l'effort que nous attendons des travailleurs et la restriction de leur ravitaillement. II faut, à son avis, les faire travailler seulement huit heures au lieu de quatorze et se reposer le reste du temps, et employer dans nos usines des prisonniers de guerre, que nous sommes bien obligés de nourrir, en trois équipes. Après le dîner, le Chef engage une discussion animée avec l'amiral Krancke (1) sur les principes qui président à la fabrication des véhicules de transport. (I) Représentant du haut commandement naval au F.Q.G.

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HITLER

CET INCONN

Partant du point de vue que la Nature a tout prévu et que le mieux est de se conformer à ses lois, il compare le mouvement de la bicyclette à celui d'un promeneur. Il suffit d'enlever par l'esprit les pneus et la jante en ne conservant que les rayons pour obtenir le même genre de progression que chez l'homme. Pour les véhicules aériens, même principe : n'est juste que ce qui répond à un modèle de la Nature. Le zeppelin était donc d'une conception complètement absurde. Que le principe du « plus léger que l'air » soit faux est démontré par le fait que la Nature n'a pas créé un seul oiseau avec une vessie comme on voit chez certains poissons. Il se refuse donc, pour sa part, à jamais monter dans un zeppelin quoiqu'il n'ait nulle crainte des orages et des tempêtes. Passant à la construction des navires, il déclare que si la Nature avait accepté comme juste la forme actuelle des bateaux, elle aurait placé le système propulseur des poissons à la queue et non sur les côtés, avec les nageoires. Elle leur aurait également donné une tête pointue et non en forme de goutte. La « sainte Marine » n'a donc pas lieu d'être particulièrement fière de s'être écartée de la forme des poissons avec les navires du type Nelson en mettant en pratique le principe : « effilé à l'avant, large à l'arrière ». Précisément dans la construction navale, la forme de la goutte qui tombe doit être considérée comme la plus naturelle et il convient de résister à la pression à l'avant en épaississant les tôles de cet avant au lieu de la diminuer en lui donnant un effilement de tant ou tant de degrés pour cent. Même pour les pelles, on a reconnu que la forme aiguë du bord n'est pas la meilleure. D'autre part, il n'y a pas à s'étonner qu'on se soit écarté des règles de la Nature dans la construction des navires puisque, contrairement à la solution adoptée par elle pour les poissons, on place l'organe propulseur à l'arrière. Par l'hélice, on provoque une succion, de sorte que le corps auquel elle est appliquée se trouve retenu par le vide créé à l'arrière, effet qu'accroît encore la pression à l'avant. Dans la nature, c'est l'inverse : la succion est à l'avant, c'est-à-dire l'espace vide d'air qui attire, et la pression à l'arrière, c'est-à-dire la poussée qui propulse. Le poisson 431


HITLER CET INCONNU avance donc sous l'effet de ses nageoires et du passage de l'eau à travers les ouïes. On ne peut que se féliciter de ce que ce principe de la Nature ait été respecté dans la construction des avions en plaçant l'hélice à l'avant de sorte que l'appareil progresse par l'aspiration qu'elle opère. A son avis, on ne peut plus nier que la forme des navires et leur mode de propulsion actuels ne soient périmés, car, dans la construction des navires de guerre, on a déjà atteint le point où l'augmentation de la puissance propulsive ne produit plus un effet correspondant. Quelque chose cloche quand un cuirassé de plus de 45 000 tonnes file 30 nœuds avec une puissance de 136 000 CV, alors qu'un porte-avions moitié moins gros n'en file que 35 avec une puissance de 200 000 CV, car i! est impossible, parce qu'absolument pas économique, qu'en augmentant la puissance de 75 000 CV d'un bâtiment de tonnage deux fois moindre, on n'obtienne qu'une augmentation de vitesse de cinq nœuds. Il faut donc s'attendre à ce que nos spécialistes finissent par se convaincre que les méthodes de construction actuelle sont surannées. Si la construction aéronautique a considérablement dépassé la construction navale et obtenu un accroissement de la vitesse des avions simplement en modifiant leur forme, on le doit au professeur Junkers (1) qui, par une étude très poussée des lois de l'aérodynamique, c'est-à-dire de la Nature, a permis cet accroissement. Il est donc absolument incompréhensible que la Marine ait considéré comme des idiots des inventeurs comme Fulton et Russel (2), qui ouvraient des voies nouvelles, simplement parce que la navigation pouvait s'en trouver révolutionnée. Aussi a-t-il incité à construire l'avion du Saxon (?) avec sa propulsion avant et à l'essayer dans la pratique. Il a également recommandé d'envisager aussi des hélices latérales, donc disposées comme des

(1) Hugo Junkers (1859-1935). (2) Robert Fulton (1765-1815), Inventeur du bateau à vapeur. — Sans doute Joseph Resselle (1793-1857), inventeur d'une hélice.

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HITLER CET INCONNU nageoires, qui accroîtraient considérablement la manœuvrabilité et permettraient même de se retourner sur place. Il est parti de la considération que c'est justement quand l'homme ne paraît plus avancer dans le domaine de la technique, que des inventions, ouvrant des voies nouvelles, sont nécessaires. Dans le microscope, par exemple, le moment approche où l'on ne progressera plus par l'adjonction de lentilles, car celles-ci finissent par absorber trop de lumière. Une nouvelle invention est nécessaire dans ce domaine. Les inventions ont énormément de peine à s'imposer, malheureusement, car bien peu d'hommes ont l'esprit assez éclairé, c'est-à-dire possèdent assez de force, pour ne pas répudier une invention qui désavoue l'œuvre de leur vie — et qui peut provenir d'un outsider. Comme la conception du monde par Copernic eut de la peine à remplacer celle de Ptolémée dans la vie officielle ! C'était l'écroulement d'une idée qui servait de base à toute la pensée religieuse. Pour admettre celle de Copernic il fallait donc beaucoup de courage et une grande audace, car l'Eglise se montra impitoyable dans sa position défensive. A juste titre, car plus un homme ou une organisation a l'esprit étroit, plus il lui est difficile d'admettre son erreur et, par conséquent, l'ébranlement de ses fondations spirituelles par de nouvelles connaissances. Aussi, le sort des inventeurs a-t-il été à peu près toujours le même à travers l'Histoire. Le maître de poste qui fit la grande découverte qu'on pouvait avancer sur des rails à la vapeur, fut tourné en ridicule par tous les autres maîtres de poste et les spécialistes de son époque (1). Ce qu'il y a de tragique dans leur cas, c'est qu'il faut interférer avec un ordre de choses bien établi, donc considéré comme immuable par la plupart des hommes. L'époque la plus favorable aux inventions est par conséquent celle d'une guerre, car celle-ci met les choses en mouvement. L'avion s'est développé plus vite en trois années et demie de guerre qu'en trente années de paix. Rappelons-nous qu'en 1906 un règlement déclarait qu'un avion offrait seulement de l'intérêt s'il volait à 40 km/h. (I) De qui Hitler voulait-il parler? Ses propos ne peuvent s'appliquer à Stephenson.

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HITLER CET INCONNU 141.

3/6/1942 (soir). TRANSPORTS DÉRAISONNABLES STRATÉGIE ET TECHNIQUE LES PERTES DE NAVIRES ANGLAIS LE PROLÉTARIAT AMÉRICAIN

Au dîner, le Reichsminister Speer montre au Chef des cartes représentant les « mouvements de pommes de terre par voie ferrée ». Ces cartes, partant de 1913, montrent que ces mouvements sont aussi déraisonnables que ceux, corrigés depuis peu, de la bière (on en envoyait, par exemple, de Dortmund à Munich et de Munich à Dortmund). Etant donné notre pénurie en wagons de marchandises, il faut, dit le Chef, vérifier le contenu et la destination de chaque wagon. Même dans les transports, certaines choses deviennent déraisonnables avec le temps et provoquent des troubles de circulation. Toute institution finit par s'user, sans aucun doute. Dans la routine journalière, tout devient déraisonnable, subit des avaries, s'encrasse, se rouille, etc. Il est étonnant, dit le Chef, de constater jusqu'à quel point la technique s'adaptait à la guerre dans l'Antiquité. Les victoires d'Annibal eussent été aussi impensables sans ses éléphants, que celles d'Alexandre le Grand, sans ses chars, sa cavalerie, la technique de ses archers, etc. A la guerre, le meilleur, c'est-à-dire le soldat victorieux, est toujours celui qui possède et utilise bien les moyens les plus récents de la technique — non seulement dans l'offensive, mais aussi dans les transports et le ravitaillement. Il n'y a pas d'alternative : soit soldat, soit technicien. La stratégie n'est donc bonne, vraiment bonne, que si elle tient le plus grand compte de cette technique et de son emploi. Comme l'amiral Krancke le signale au Chef, les pertes du tonnage britannique ont atteint le point où les Anglais commencent à souffrir de la diminution de leurs importations et sont contraints de réduire leurs rations alimentaires. Au lieu des onze millions de tonnes qu'il leur faudrait, ils ne disposent plus que des neuf millions de tonnes de jauge brute. L'industrie des armements américaine, observe le Chef, ne 434


HITLER CET INCONNU peut plus compenser les pertes de navires. C'est seulement en portant le peuple allemand, avec l'aide du mouvement nationalsocialiste, à un extraordinaire niveau d'idéalisme, que lui, le Chef, a réussi à intégrer dans le circuit de la production les sept millions de chômeurs qui existaient lors de la prise du pouvoir et que la police a pu abandonner ses matraques. En revanche, les treize millions de gens sans emploi aux EtatsUnis constituent une source perpétuelle de difficultés pour le gouvernement et sa production, parce qu'ils ont le sentiment de constituer un prolétariat, incarnant un état nouveau.

142.

4/6/1942.

HITLER ET LA. VICTOIRE DE KHARKOV LA FINLANDE ET L'ALLEMAGNE LA STUPIDITÉ DES GESTES HÉROÏQUES ET L'ATTENTAT DU BERGHOF

(La bataille de Kharkov est terminée. Hitler en prend connaissance sans grande manifestation de joie.) Heilsinki (D.N.B.-Vertreter) 5/6/1942. Par des manchettes et une abondance de détails tout à fait exceptionnelles, la presse finlandaise de ce matin annonce la visite inopinée faite par le Führer — le 4 juin 1942 — au maréchal Mannerheim pour lui apporter ses vœux personnels et ceux du peuple allemand à l'occasion de son soixante-quinzième anniversaire. Les journaux voient dans cette visite plus qu'un geste de courtoisie et l'apprécient d'autant plus qu'Adolf Hitler a quitté son quartier général, à un moment où il a de lourdes décisions militaires à prendre, pour se rendre dans la lointaine Finlande afin de rendre hommage à un héros de la liberté. Ils considèrent en outre que l'attribution au maréchal de la grande croix en or de l'Ordre de l'Aigle, constitue une marque d'honneur exceptionnelle pour lui, ainsi qu'un témoignage de la fraternité d'armes et de la communauté de destin de l'Allemagne et de la Finlande. 435


HITLER CET INCONNU 4/6/1942 (Wolfsschanze). A la suite de l'attentat contre le SS-Obergruppenführer Heydrich (1) le Chef déclare qu'il a donné l'ordre d'observer rigoureusement les mesures prévues pour assurer la sécurité des personnages particulièrement menacés, car les gestes héroïques, qui constituent une tentation non seulement pour les voleurs mais aussi pour les assassins, comme de circuler dans une voiture ouverte, non blindée, ou de se promener sans escorte dans les rues de Prague, sont des stupidités dont la nation ne tire aucun avantage. Qu'un homme aussi irremplaçable que Heydrich puisse s'exposer au danger sans nécessité ne peut être qualifié que de négligence ou de sottise. Des hommes de son importance politique devraient bien savoir qu'ils sont traqués comme du gibier, qu'un nombre incalculable de gens nourrissent l'intention de les tuer. La police, avec son système d'informations, ne peut constituer une protection suffisante. Il lui faut même un temps inappréciable pour déterminer — par exemple quand une voiture s'écrase contre un arbre — s'il s'agit d'un attentat. Même les voyageurs ont énormément de peine à discerner si c'est bien un attentat quand on tire sur le chauffeur et que la voiture s'écrase ensuite contre un arbre, car, quand on roule à 90 km/h, la balle arrive bien avant le bruit de la détonation. Tant que les conditions ne seront pas absolument assurées dans l'espace allemand et que le peuple allemand ne se sera pas débarrassé radicalement des canailles étrangères, aucun dirigeant ne peut se montrer négligent en ce qui concerne sa sécurité. C'est là, pour lui, un devoir envers la nation. Si lui-même était allé — comme on le lui conseilla à l'époque — à Grünewald (près de Munich), il serait mort depuis longtemps et c'est la nation qui en aurait fait les frais (2). L'histoire avec le Suisse montre bien la prudence qu'il faut constamment observer. Celui-ci le guetta pendant trois mois au Berg (Berghof), s'entraîna même au tir au Königsee, et l'aurait (1) Le 27 mai 1942, à Prague. (2) Hitler parle toujours de cet attentat dont on ne sait rien et dont la date ne peut même pas être précisée.

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HITLER CET INCONNU certainement abattu si, tout à fait par hasard, lui, Hitler, ne s'était jamais trouvé à l'endroit où ce Suisse l'attendait. Si le Suisse avait eu une bombe, il aurait pu, en venant à quelque réception avec une carte d'invitation remise par nous, le tuer aussi sûrement sans avoir besoin de venir à portée de tir. On trouva deux pistolets sur lui lors de son arrestation, et celleci fut provoquée seulement par le fait qu'il ne put, à la demande d'un employé de chemin de fer, donner de bonnes raisons pour son séjour à Berchtesgaden ; il avait sur lui une enveloppe adressée au Chef par Daladier, mais vide. 143.

5I6/1942 (midi). LA SCIENCE ET LA BIBLE LES OBSERVATOIRES COMME MOYENS D'ÉDUCATION

Il existe en Finlande, dit-on au déjeuner, un nombre anormal d'aliénés. On attribue le fait à l'influence des aurores boréales et plus particulièrement aux longues méditations religieuses des Finlandais. Les fermes y sont, en effet, souvent éloignées de cinquante à cent kilomètres ; les gens se trouvent donc réduits à une solitude complète durant l'hiver, ils ont besoin d'occuper leur esprit, leur grande religiosité n'est donc pas étonnante. Il est seulement regrettable, observe le Chef, que cette religiosité ne puisse s'exercer que sur les sornettes juives de la Bible. Des hommes religieux, isolés pendant un long hiver, qui cherchent à s'instruire dans leur foi et ne disposent pour cela que de la Bible, deviennent fatalement des détraqués, car ils sont forcés d'essayer de donner un sens à ce méchant ouvrage juif qui n'en a pas. Ils se font donc toutes sortes d'idées et, s'ils ne sont pas spécialement résistants, finissent par sombrer dans la folie religieuse. Il est lamentable que la Bible ait été traduite en allemand et que le peuple soit ainsi devenu accessible à toutes ces élucubrations juives. Aussi longtemps que la Sagesse, en particulier celle de l'Ancien Testament, n'a été exprimée que dans le latin de l'Eglise, il n'a existé aucun danger de voir des gens raisonnables atteints de troubles cérébraux par la lecture de la Bible. Du fait 437


HITLER CET INCONNU que celle-ci soit devenue un bien commun, une quantité de personnes — en liaison avec la tendance typiquement allemande à se creuser l'esprit — ont été amenées, avec le temps, par leurs réflexions, à sombrer dans la folie religieuse. Les prêtres de l'Eglise catholique considérant en outre les fous comme des saints, il en est résulté des mouvements comme celui des flagellants au Moyen Age. Pour un Allemand raisonnable, il y a de quoi se prendre la tête à deux mains, en constatant que des gens de sa race aient pu, à cause de la vermine juive et du verbiage des prêtres, se livrer à un comportement tel que celui qui nous fait sourire chez les derviches hurleurs turcs et chez les nègres. Alors qu'en de vastes régions de la terre, les doctrines de Confucius, du Bouddha et de Mahomet fournissent indéniablement une large base à la méditation religieuse, on peut vraiment s'irriter que des Allemands se soient abandonnés à des dissertations théologiques dépourvues de toute véritable profondeur. La cause d'un tel phénomène est à chercher plus particulièrement dans le fait que le cerveau humain est extrêmement impressionnable. Un enfant, par exemple, à qui l'on fait peur de 1' « homme noir », caché dans les ténèbres, continue, pendant toutes ses années de formation, à éprouver de l'angoisse quand il entre dans une pièce obscure, une cave. etc. Chez les femmes, cette peur contractée dans l'enfance dure souvent toute la vie. Inversement, l'homme ne reconnaît pas les dangers auxquels on n'a pas éveillé sa conscience. Dans les régions bombardées, un enfant non averti considère une attaque d'avions et la défense contre elle, comme un feu d'artifice plus bruyant, sans, en règle générale, manifester la moindre crainte. La quintessence de ces observations est qu'il faut tout faire pour empêcher à tout jamais que de vastes milieux de la population allemande aient l'esprit déformé, soit par des chimères religieuses, soit par toute autre forme d'aliénation mentale. Aussi le Chef a-t-il incité à construire dans toutes les grandes villes où c'est possible, des observatoires qui constituent le meilleur moyen d'élargir l'image du monde dans les esprits et, par conséquent, de protéger ceux-ci contre des déformations. 438


HITLER CET INCONNU 144.

Soir. COLLABORATION AVEC LES FINLANDAIS LA VANITÉ DE RIBBENTROP LES SAINTS EN ESPAGNE IMAGES DE LA VISITE EN FINLANDE

Au dîner, il est beaucoup question de la visite faite hier par le Chef en Finlande. Le maréchal Mannerheim, ce grand héros de la Liberté, s'est très manifestement réjoui, dit le Chef, de l'hommage qu'on lui rendait à l'occasion de son soixante-quinzième anniversaire. Le président Ryti produit aussi une très forte impression par ses manières calmes et résolues. Les Finlandais constituent vraiment un peuple de héros. Qu'ils aient manifesté une telle joie de sa visite — certainement par égard aux Suédois — lui cause une satisfaction profonde. Au retour de la paix, il faudra maintenir avec la Finlande des relations aussi amicales que possible. Il regrette que nous n'ayons pas, avant la guerre, fait plus d'affaires avec elle dans le commerce du bois. L'exécution de nos plans, après la prise du pouvoir, réclama des quantités de bois colossales, il nous fallut puiser dans nos stocks et faire des achats à l'étranger, mais, même ainsi, nous ne nous en procurâmes pas assez et nous dûmes, faute de poutres, employer de nouveaux procédés dans la construction des maisons. De même, dans la production du papier, nous dûmes remplacer six millions de tonnes de bois en traitant les fanes de pommes de terre, etc. Le Chef demande ironiquement à l'ambassadeur Hewel comment le ministre des Affaires étrangères a réagi en apprenant le voyage en Finlande qui s'est fait complètement en dehors de lui (1). Le Chef parle encore de ses communications téléphoniques avec le ministre des Affaires étrangères qui, contrairement au Reichsmarschall, fait durer interminablement les conversations. Un jour, le Chef en a eu assez et lui a sévèrement lavé la tête. Depuis, ça va. (1) Seuls Keitel, Schmundt et le commandant aviateur von Below accompagnèrent Hitler dans cette visite.

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HITLER CET INCONNU On présente une information au Chef : par une loi en date du 22 septembre 1941, Franco (le Caudillo) a accordé les honneurs militaires dus à un maréchal à sainte Funucisla parce qu'on attribue à sa protection le fait que les 3 000 soldats nationaux du général Valera, actuel ministre de la Guerre, purent défendre la ville de Ségovie contre l'assaut de 15 000 rouges. Une autre sainte, dit-on au Chef, a été promue au rang de général parce qu'une bombe qui avait traversé le toit d'une église placée sous sa protection n'explosa pas. Le Chef exprime la crainte très vive que de telles mesures ne conduisent à rien de bon. Il suit avec quelque scepticisme les développements en Espagne et il ne s'y rendra jamais quand il se mettra à visiter les pays européens. Le Chef se fait présenter de nouveau les actualités cinématographiques. (Nous voyons une séquence sur la visite de Hitler en Finlande. Un large fossé sépare l'autostrade de la voie où se trouve le wagon de commandement du maréchal Mannerheim ; une simple planche permet de la franchir. Hitler passe le premier, avec une dignité tranquille, détendue, suivi par le héros finlandais. Le maréchal Keitel passe à son tour mais, parvenu au milieu de la planche, il sent celle-ci plier sous son poids assez considérable ; il se met à se balancer comme un danseur de corde et franchit précipitamment les derniers pas. En se voyant sur l'écran, il est bien obligé de se joindre au rire général de l'assistance). 145.

7/6/1942 (midi). LES FRONTIÈRES EUROPÉENNES QU'IMAGINE LA HONGRIE ÉMIGRANTS, TRAITRES ET SÛRETÉ DE L'ÉTAT L'ÉGLISE ESPAGNOLE

Visite du Premier ministre hongrois Kallay, Le soleil brilla enfin et met tout le monde de bonne humeur. Hier, raconte le Chef, au déjeuner, le nouveau Premier ministre hongrois Kallay lui a présenté deux « petites prières » de la part du régent Horthy, à savoir que : l° le bon Dieu. 2° le Chef, regardent tranquillement la Hongrie et la Roumanie s'expliquer entre elles. Pour la Hongrie, celte explication est une lutte 440


HITLER CET INCONNU avec l'Asie, car, pour elle, la frontière entre l'Europe et l'Asie passe là où s'arrête l'Eglise orthodoxe. Seules les régions en deçà de cette limite ont participé au développement culturel de l'Europe et à tous ses grands événements comme la Réforme, la Renaissance, etc. Aussi la Hongrie a-t-elle toujours été l'ennemie de la Russie et n'a-t-elle pas compris la politique du III e Reich quand celui-ci s'est provisoirement accordé avec elle. La Theiss, a-t-il ajouté, revêtait, pour la Hongrie, la même importance que le Rhin pour l'Allemagne. Comme celui-ci, c'est un fleuve national et non pas une frontière. En politique intérieure, Kallay a évoqué la nécessité d'une réforme agraire, qui, cependant, se bornerait à l'élargissement des petits biens. Du fils de Horthy (1), Kallay a dit que c'était un risque-tout et que les troupes hongroises combattant sur le front oriental voyaient en lui un héros. Le Chef dit qu'il veut bien le croire, car le Régent Horthy est lui-même d'une bravoure incroyable. D'autre part, pense le Chef, Horthy a parfaitement monté son affaire. Si son fils gagne ses éperons dans l'armée allemande, l'Allemagne ne pourra guère faire d'objection à ce que la Hongrie l'accepte comme associé de son père et, éventuellement, lui confère la splendeur de la couronne de saint Etienne. Quant aux adversaires intérieurs de Horthy, ils ne pourront s'offusquer de voir conférer une telle dignité au fils, si celui-ci fait ses preuves dans la lutte contre le bolchevisme. La conversation tombe sur l'effroyable ampleur prise par la trahison au temps du Système, qui se manifestait, en particulier, par la discussion publique de secrets militaires au Reichstag et dans la presse. Lorsque les commissions étrangères quittèrent l'Allemagne en 1925, observe le Chef, elles laissèrent derrière elles des services de renseignements et d'espionnage qui rendaient inutile leur maintien dans le pays et qui opéraient sous la direction des attachés militaires de Berlin, de la façon la plus satisfaisante pour elles. La décadence morale qui résulta de la mise en place de cet (1) Stephan, fils aîné de Horthy, que celui-ci fit reconnaître comme vice-régent et comme successeur, servit comme aviateur sur le front oriental. Il se tua le 20 août 1942 dans un accident d'avion.

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HITLER CET INCONNU appareil d'espionnage géant et se traduisit par la forme de trahison la plus ouverte et la plus éhontée, le mit bien des fois en rage. Il se rappelle toujours un cas bien précis : lors d'une séance du Reichstag, un député demanda si le gouvernement avait connaissance que, sur telle route, une unité de la Reichswehr était passée avec quatre chars qui ne répondaient manifestement pas aux stipulations du traité de Versailles ; qu'en pensait le gouvernement ? A l'époque, il n'avait malheureusement pu faire autre chose que de dresser une liste de tous les traîtres connusi afin que ces canailles reçussent le châtiment qu'elles méritaient quand le mouvement national-socialiste parviendrait au pouvoir. Nous fumes débarrassés de la plus grande partie de ces fripouilles en 1933, sans rien faire pour cela, du fait que pas moins de 65 000 citoyens émigrèrent immédiatement après la prise du pouvoir. Il n'est pas certain, à la vérité, que tous eussent quelque chose à se reprocher, mais la plus grande partie passèrent à l'étranger parce qu'ils n'avaient pas la conscience tranquille. Par la suite, beaucoup réfléchirent et désirèrent rentrer en Allemagne. Pour arrêter le retour de ces éléments indésirables, il fut annoncé que chaque rentrant serait, par principe, envoyé dans un camp de concentration et que ceux dont la culpabilité serait reconnue, passeraient devant un peloton d'exécution. On interdit ainsi la rentrée de milliers d'asociaux qu'il eût sans doute été difficile d'arrêter ou de convaincre de leurs crimes. Heydrich, avec son Service de Sécurité, tordit le cou au reste, mérite d'autant plus grand que la Justice se révéla tout à fait inapte à cette besogne. Cette Justice l'a maintes fois mis en rage par ses façons d'agir contre les traîtres. Par exemple, elle voulut en gracier un parce qu'il avait « surtout » fait de la contrebande et devait donc être traité en contrebandier. On eut toutes les peines du monde à convaincre le Dr Gürtner. ministre de la Justice, de la nécessité d'agir impitoyablement contre les traîtres. Même lorsque l'emplacement de bunkers construits en Prusse-Orientale fut trahi, Gürtner vint lui demander de se montrer indulgent parce que le dommage causé n'était pas bien grand. L'ampleur du dommage, rétorqua-t-il, ne pouvait pas encore s'apprécier, car on ne pouvait savoir si un général de division et son état-major ne se trouveraient pas, un jour, dans un de ces bunkers, dont la 442


HITLER CET INCONNU destruction pouvait fortement influer sur le déroulement de la guerre. Finalement, il déclara à Gürtner qu'il était inébranlablement résolu à faire enlever et fusiller par un commando de S.S. tout traître qui serait condamné à une peine trop bénigne par les tribunaux ordinaires. La trahison est un crime contre la conscience. Par conséquent, chaque traître doit être exécuté quelle que soit l'ampleur des dommages causés par lui. Le Tribunal populaire (1), créé ensuite dans le cadre de l'appareil judiciaire, n'appliqua pas non plus, au début, les principes rigides qu'il voulait voir suivre. La législation ne s'était pas adaptée facilement aux nécessités, car les juristes, membres du cabinet, avaient beaucoup hésité à considérer la trahison comme un crime contre la conscience. Lors des discussions, il lui fallut constamment souligner que la trahison n'est jamais dictée par un idéal. Un seul genre de trahison peut être placé sur ce plan : celle de l'objecteur de conscience. A ceux qui refusent de combattre à cause de leurs convictions religieuses, il faut faire observer qu'ils acceptent pourtant de manger ce que d'autres gagnent en combattant, que cela ne s'accorde pas avec une saine justice, qu'on doit donc les laisser mourir de faim. Si l'on s'en abstint et si l'on fusilla les « Témoins de Jéhovah », cent trente au total, ce fut à cause de son indulgence. D'ailleurs, cette fusillade agit à la manière d'un orage qui éclaircit l'atmosphère. En l'apprenant, des milliers de gens qui pensaient pareillement, perdirent le courage de se réclamer de quelque texte de la Bible pour se soustraire au service militaire. Quiconque veut mener une guerre à sa conclusion victorieuse et faire franchir une période difficile à un peuple, ne doit laisser aucun doute à personne : tous ceux qui s'excluent activement ou passivement de la collectivité seront éliminés de celle-ci. Si l'on s'écarte de ce principe bien net par une indulgence mal comprise, on ne peut empêcher une désagrégation de l'Etat comme

(1) Créé par la loi du 18 avril 1938 pour juger en première et dernière instance, les crimes de trahison et autres délits politiques (présidé jusqu'en 1942 par Thierack, par Freister ensuite).

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celle dont nous pouvons actuellement observer les débuts en Suède. Au déjeuner, la conversation tombe sur l'unité espagnole, dite « Division Bleue » qui combat sur le front oriental et, de nouveau, sur la situation intérieure en Espagne. Les tendances monarchistes qui s'y manifestent de plus en plus fortement sont avant tout nourries par l'Eglise catholique, observe le Reichsleiter Bormann. Le Chef déclare que c'est fort possible et i! continue sur ce sujet. En Espagne, l'Eglise catholique ne se comporte pas autrement que chez nous et que, d'une façon générale, la plupart des Eglises dans la plupart des pays. Une Eglise, quand elle peut exercer de l'influence sur le régime, ne soutient ou ne tolère celui-ci que s'il ne reconnaît aucune autre organisation qu'elle dans le peuple et fait appel à elle comme seul moyen d'action sur ce peuple. En Espagne, l'Eglise catholique ne peut approuver le régime actuel, qui s'est donné dans la Phalange le moyen propre d'agir sur le peuple, sans renoncer à cette aspiration au pouvoir, caractéristique de toute Eglise politisante. Les phalangistes n'ont donc qu'une seule possibilité de s'accommoder avec l'Eglise : confiner l'activité de celle-ci au domaine religieux, purement spirituel. Si l'on concède à l'Eglise la moindre influence sur la direction du peuple et l'éducation de la jeunesse, elle veut tout, aussitôt, et l'on commet une erreur en pensant qu'on peut s'en faire une alliée par des mesures partielles. A son avis, il est inévitable que l'Eglise catholique se dresse contre le régime Franco en Espagne, à cause de la situation séculière qu'elle occupe et des intérêts politiques qui en découlent, ce qui rend parfaitement possible une nouvelle révolution. L'Espagne risque de payer très cher, avec son sang, le fait que Franco ait reconnu l'Eglise comme puissance dans l'Etat et qu'il n'ait pas réussi à réaliser, comme en Italie et en Allemagne, une révolution vraiment nationale.

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HITLER CET INCONNU 146.

Soir. DANS LA LUTTE POLITIQUE LA MEILLEURE TECHNIQUE EST CELLE EMPLOYÉE PAR LES FEMMES INTELLIGENTES RAPPORTS DIPLOMATIQUES L'ENSEIGNEMENT DE L'ALLEMAND LE CÉRÉMONIAL A LA TABLE DU FÜHRER

Au dîner, on présente au Chef une dépêche du D.N.B, (du 6), annonçant l'interdiction de porter l'uniforme de la Phalange lors de la procession de la Fête-Dieu à Barcelone. « D.N.B. — Madrid, 6 juin — Le gouverneur de Barcelone a fait paraître l'arrêté suivant : Afin d'apporter aux autorités ecclésiastiques le plus grand appui possible et de garantir le maintien de l'ordre dans tous les cas, il est strictement défendu à tous ceux qui participeront à la procession de la Fête-Dieu, de porter l'uniforme de la Phalange ou celui de la Milice, voire partiellement. Pourront seuls faire exception le chef de région et son escorte d'honneur à condition d'en demander l'autorisation préalable. » Il résulte de la dépêche que les autorités ecclésiastiques ont demandé cette interdiction aux nationalistes parce qu'elles ont eu, il y a quelques semaines, des incidents avec des partisans de la Phalange en tant que membres du parti d'Etat. Fait à noter : le journal madrilène Arriba s'élève contre cette interdiction, en disant que porter l'uniforme est un devoir d'honneur et que ceux qui ne le remplissent pas doivent être considérés comme des êtres indignes. On voit très bien, observe le Chef, que l'Etat espagnol court vers une nouvelle catastrophe. Les frocards et les monarchistes, également ennemis mortels de l'ascension raciste des Allemands, s'unissent en Espagne pour s'emparer de la direction du peuple. Il n'y aura pas à s'étonner s'il éclate, quelque jour, une nouvelle guerre civile, dans laquelle les phalangistes devront s'unir aux rouges pour venir à bout des frocards et des monarchistes. Il faudra seulement déplorer que le sang versé en commun par les phalangistes, les fascistes et les nationaux-socialistes n'ait pas engendré de meilleurs fruits. En Espagne, il se trouve toujours malheureusement quelqu'un pour s'associer à l'activité politique 445


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de l'Eglise. L'actuel ministre des Affaires étrangères, Sunner (1) est de cette sorte ; dès leur première rencontre, le Chef l'observa avec beaucoup de scepticisme bien que notre ambassadeur, dans une méconnaissance complète des choses, l'eût toujours présenté comme l'Espagnol le plus ami de l'Allemagne. Si le fascisme a fait l'économie d'une seconde guerre civile, il le doit en grande partie au fait qu'il sut, à partir de Rome, faire l'unité de la nation contre l'Eglise. Dès le début, aussi, il établit une nette démarcation en ce qui relevait de l'Eglise et ce qui relevait du Parti. L'Eglise n'ayant pas voulu accepter la nouvelle législation sur la jeunesse, les fascistes ont impitoyablement dispersé toutes les processions, de Rome jusque dans le sud de l'Italie, et, dans les trois jours, l'Eglise est venue à récipiscence. Leur histoire montre d'ailleurs que les Italiens ont, à l'égard de l'Eglise, une attitude sensiblement plus réaliste que les Espagnols et... malheureusement aussi beaucoup d'Allemands. C'est un fait assez tragique que, chaque fois que les Italiens ont chassé un pape de Rome, il s'est trouvé un empereur allemand pour remettre de l'ordre au Vatican. Lui aussi, il doit honnêtement l'avouer, a essayé de mettre de l'ordre dans les affaires religieuses, par exemple d'apurer la situation de l'Eglise évangélique en installant un « Reichsbischof » (évêque d'Empire). Mais justement quand il regarde l'Espagne, il se réjouit de ce que ses efforts n'aient pas abouti et que la Providence soit de nouveau intervenue pour faire « échouer une de ses erreurs ». Qui garantit que le « Reichsbischof » ne se serait pas entendu avec le pape aux dépens de l'Allemagne ? L'Eglise, la catholique en particulier, s'entend admirablement à se donner une apparence inoffensive aux yeux du pouvoir politique et à s'insinuer près de celui-ci ; il en a fait l'expérience lors de la première visite de l'évêque Bertram, après la prise du pouvoir. Bertram lui apporta, l' humble salut de l'Eglise d'une façon si solennelle qu'on aurait pu croire que l'Eglise n'avait (1) En réalité, Serrano Suner, beau-frère de Franco, reçu à Berlin, pour le première fois le 16 septembre 1940. Dès le début, Hitler tint en méfiance ca « Jésuite » qui se dérobait à son influence hypnotique.

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HITLER CET INCONNU jamais exclu un national-socialiste à cause de ses convictions, jamais refusé les honneurs funèbres. L'Eglise a toujours su s'insinuer, par cette affectation d'humilité, auprès des puissants, même auprès des empereurs allemands, à commencer par Charlemagne. Sa technique est celle des femmes intelligentes qui, tout d'abord, se font très douces pour conquérir la confiance de l'homme, puis qui serrent la bride progressivement jusqu'à l'avoir si fermement en main que l'homme ne fait plus que ses quatre volontés. Avec un peu d'habileté diplomatique, ces femmes arrivent même, parfois — comme l'Eglise catholique avec les empereurs allemands — à ce que cet homme, malgré l'anneau dans le nez par lequel elle le conduit, en vienne à se considérer, dans son comportement, comme un sujet et non comme un objet. L'Eglise a essayé un tour de cette façon il y a quelques jours à peine. L'épiscopat de Bohême et Moravie a demandé l'autorisation de faire tinter ses cloches et de célébrer un service funèbre à Ja mémoire du S.S.-Obergruppenführer Heydrich. Il eût mieux valu, a-t-il dit à ces messieurs, prier plutôt pour que le Reichsprotektor intérimaire restât en vie. Plusieurs questions sont agitées dans le cours ultérieur de la conversation : a) La Suisse : Bien qu'elle représente nos intérêts dans les pays ennemis, elle ne nous rendra aucun service dans cette guerre si nos désirs transmis par elle et se référant aux prisonniers de guerre actuellement entre nos mains ne sont pas écoutés. b) En perdant son carnet de quittances, von Papen livra environ cinq cents de ses agents en Amérique (durant la Première Guerre mondiale). c) En 1933-1934, dit Hitler, les rapports des Affaires étrangères étaient misérables et aboutissaient tous à la même conclusion, à savoir que nous ne pouvions rien faire. Un jour, excédé, il demanda à ces messieurs comment on pouvait réaliser quelque chose sans jamais rien faire. Même par le style, ces rapports étaient au-dessous de tout. Pourtant — comme l'a dit Houston Stewart Chamberlain — l'allemand est, pour le penseur, la langue la plus précieuse et la plus belle.

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HITLER CET INCONNU d) Il n'est pas étonnant que les étrangers apprennent si difficilement cette langue, c'est, avant tout, affaire d'oreille. Dans la marine on dit par raison euphonique : der König, die Bayern, die Deutschland. Il se souvient avec un sourire d'un de ses anciens professeurs d'allemand qui lui disait : « Hitler, vous ne saurez jamais écrire une lettre ni prononcer une phrase correctement. » Ce maître sabrait au hasard, à l'encre rouge, dans les cahiers des élèves. Un jour, il raya une phrase de Hitler : « Un aigle plane au-dessus du champ de bataille », et celle d'un condisciple : « Au-dessus du champ de bataille, plane un aigle. » Après la classe, ils allèrent tous deux le trouver, il les jeta à la porte en les traitant de méchants garnements. Le Chef réclame les dépêches à la fin du dîner. L'ambassadeur Hewel sort une communication des Affaires étrangères de sa poche de poitrine et la tend par-dessus la table. « Dans un Etat républicain et démocratique, observe le Chef, personne ne tolérerait d'un subordonné ce qui est chose courante chez nous. Là. toute feuille doit être contenue dans une chemise de dossier qui est elle-même tirée d'une serviette en cuir. » Ceci dit, il renvoie la communication à Hewel de la même façon, en souriant. 147.

8/6/1942, soir (dans le train, vers Berlin).

NÉCESSITÉ DE L'UNITÉ EUROPÉENNE L'ÉDUCATION PAR L'ÉCOLE ET LES MOUVEMENTS DE JEUNESSE ACTION SUR LA PRESSE RENCONTRE AVEC DES VOLONTAIRES DANOIS ATTENTAT MANQUÉ

Au dîner, le Chef regarde quelques photographies représentant le Reichsjugendführer Axmann avec des moniteurs et monitrices des mouvements de jeunesse de Norvège, du Danemark, de Hollande, etc. guerre au front. Le bras qu'il a perdu lui confère encore plus de prestige aux yeux des jeunes. Cela ne manquera pas de produire de l'effet même sur la jeunesse étrangère.

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HITLER CET INCONNU Les efforts faits par Axmann, pour gagner la jeunesse des pays germaniques au national-socialisme et à l'idée allemande, lui font énormément plaisir, car, quand une jeunesse est acquise à une idée, elle agit à la manière d'un levain. Elle la propage sans se laisser influencer par la réaction des adultes. Au Danemark, les gens âgés peuvent faire ce qu'ils veulent, le nombre des partisans de l'idée allemande ne cesse de grossir, car ils se considèrent comme appartenant au même noyau racial. En poursuivant méthodiquement cette action, il éloigne de plus en plus le peuple du vieux roi, de même que naguère, en Autriche, le peuple se sépara graduellement du régime Dollfuss-Scbuschnigg. Comme Bismarck insuffla jadis l'idée « allemande » à la Bavière, à la Prusse, etc., nous devons conduire méthodiquement les peuples germaniques de l'Europe continentale à l'idée germanique. Il croit même qu'un changement de nom de « Berlin » en « Germania » donnerait de l'impulsion à ce mouvement, car ce nom donné à la capitale du Reich sous sa nouvelle représentation, serait apte à créer un sentiment d'appartenance entre cette capitale et les membres de tous les rameaux germaniques malgré la distance géographique. La transformation du nom de Gdynia en Gotenhafen et de celui de Lodz en Litzmannstadt montre que ce changement de baptême ne présentera aucune difficulté technique. Au dîner, le Chef déclare que l'école et la presse sont les instruments de l'éducation du peuple. Donc, aucun intérêt privé ne doit influencer leur maniement et leur orientation. L'école ne suffit pas, car son premier but est de donner de l'instruction aux jeunes. C'est pourquoi il a créé la Jeunesse hitlérienne en posant le principe que les jeunes y seraient dirigés par des jeunes. Le résultat est que, dès le jeune âge, ceux qui sont aptes à commander se détachent. Un maître d'école fonde plus ou moins son jugement sur les connaissances exactes que possède un enfant, mais, dans la Jeunesse hitlérienne, les chefs attachent une valeur décisive aux qualités de caractère, à l'esprit de camaraderie, à l'endurance, au courage, à la bravoure et à l'aptitude au commandement. 449


HITLER CET INCONNU La valeur de l'école et de la Jeunesse hitlérienne comme instruments d'éducation dépend avant tout du choix des maîtres et des chefs. Dans ce choix il faut partir de la considération que les jeunes attendent d'eux un exemple pour toute leur vie, de même que, dans l'école grecque antique, le maître du gymnase était un modèle par l'esprit et par le corps. De dix-douze ans à seize-dix-sept, les jeunes sont particulièrement perméables et imprégnés d'un fort idéalisme ; c'est donc à cette époque qu'ils ont spécialement besoin de maîtres qui, par leur personnalité, garantiront que le but de l'enseignement sera atteint. Un rapport sur les conditions qui existaient en Bade lors de la prise du pouvoir lui montra bien la stupidité du régime antérieur. Dans les écoles il y avait des cabinets séparés pour les catholiques et pour les protestants ! Le gouvernement d'alors n'eut probablement pas conscience qu'il versait ainsi un poison corrodant dans l'âme des enfants. A cet âge-là, le sentiment s'imprègne indélébilement. Combien de camarades sont venus au Parti sous une impulsion donnée par leurs enfants. Ceux-ci, enthousiasmés par le national-socialisme, lui ont gagné d'abord la mère, puis, avec l'aide de celle-ci, le père à son tour. Il est donc particulièrement important, dans le domaine scolaire, d'éveiller chez les maîtres la compréhension des besoins des jeunes et de la développer. Quand on réfléchit à ceux qui les remplaceront, il ne faut pas négliger les personnes qui, à cause de leurs aptitudes ou de la carrière qu'elles ont suivie jusque-là, se trouvent être particulièrement indiquées pour assurer l'éducation des jeunes. Il pense plus spécialement aux femmes et aux engagés volontaires de la Wehrmacht. Les femmes et les engagés représentent, à son avis, l'idéal pour l'enseignement élémentaire. Seulement, il ne faut pas les abrutir par une formation trop poussée, un bourrage de cerveau, il faut leur donner uniquement les connaissances qui leur sont nécessaires. Une instruction académique ne sert à rien à un instituteur qui passera sa vie dans un village. Mais ceux d'entre eux qui se distingueront devront avoir la possibilité de s'élever. On ne peut pas demander à un officier intelligent de passer toute sa carrière à former des recrues ; il 450


HITLER CET INCONNU n'aurait plus qu'à se pendre ! De même, il faut offrir aux enseignants méritants l'occasion d'accroître leur savoir et ne pas les confiner éternellement dans leurs classes élémentaires. En particulier, ils doivent toujours avoir la possibilité d'accéder à l'enseignement secondaire. Le Reichsleiter Bormann observe que, à cause de la pénurie de maîtres dans le gau de la Warthe, il a fallu écourter leur formation encore plus qu'en Ostmark (Autriche). Le Chef déclare n'y faire aucune objection étant donné les raisons invoquées. Ceux qui, parmi ces maîtres, se sentiront capables de faire mieux, prendront sur leurs loisirs pour accroître leur instruction. Mais quiconque se montre capable d'enseigner dans les établissements secondaires ou supérieurs doit avoir l'assurance que l'Etat lui facilitera l'accès au savoir. Au dîner, dans le train qui l'emmène à Berlin, le Chef se met à parler des doubles emplois qu'on constate dans divers services. Il n'est pas nécessaire, par exemple, que chaque ministère ou organisme central ait un bureau de presse et de propagande. Le ministère de la Propagande et la section de la presse au gouvernement sont là pour ça. Il cite la Chancellerie qui ne possède pas un tel bureau, ce qui ne l'empêche pas de réaliser immédiatement tout ce que lui, désire dans ces domaines. Même en voyage, il peut, d'une gare quelconque, donner des instructions pour que, dès le lendemain, la presse, la radio, etc., soient prêtes à annoncer quelque événement politique, par exemple un accord russo-allemand. Seul le rassemblement en un unique service de tout ce qui concerne la presse et la propagande permet ce maniement en bloc des journaux, condition pour que la presse trouve créance dans le public et, de ce fait, joue bien son rôle d'instrument d'éducation. En effet, seule une presse dirigée reste à l'abri des contradictions que présentent les nouvelles et de ces différences dans la présentation des faits politiques et autres événements qui la rendent ridicule aux yeux de la population, démentent sa prétention de dire la vérité et sapent la confiance pourtant indispensable pour former l'opinion publique. Dès 1920, une explication qu'il eut avec l'éditeur des Eiserne

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HITLER CET INCONNU Blätter, le pasteur Traub (1) lui montra jusqu'à quel point les prétendus milieux nationaux manquaient de compréhension à cet égard. Il avait prouvé, point sur point, à ce pasteur que la liberté de la presse devait être remplacée par une direction de la presse, qu'elle donnait pratiquement carte blanche pour la propagation des insanités juives, et Traub s'était littéralement aplati. Dietrich Eckart jugeait parfaitement ces prétendus « nationaux » du genre Traub, en déclarant que leur organe aurait dû s'appeler « Blecherne Blätter » (feuilles en fer-blanc) au lieu d'Eiserne Blätter (feuilles en fer). Ces « nationaux » n'ont jamais saisi l'immense importance de la presse comme moyen d'éducation. Quant à lui, il la place sur le même plan que l'enseignement scolaire, et il pense donc qu'aucun intérêt privé ne doit influencer l'orientation donnée à l'une comme à l'autre. Nous avons croisé un train de volontaires danois et le correspondant du D.N.B, à Copenhague a publié dans Faedrelandet, des lettres écrites par certains d'entre eux : « Notre train (transportant un détachement du corps franc du Danemark) s'arrêta tout à fait par hasard à côté de celui du Führer. Apprenant que nous étions des volontaires danois, Hitler nous fit venir devant son wagon pour causer avec nous et il nous parla comme à des camarades. J'ai moi-même échangé des paroles avec lui. Il est formidablement attirant. Ce fut un événement considérable. Beaucoup d'entre nous n'en dormirent pas de la nuit, parce qu'ils avaient besoin de penser à ce qu'ils venaient de vivre, d'en parler. » « Un officier nous appela près du train du Führer. Nous nous groupâmes devant le compartiment où Hitler se tenait, souriant, faisant des gestes amicaux, son état-major occupant les autres fenêtres. Il rayonnait de bonne humeur. Ceux d'entre nous qui l'avaient déjà rencontré, dirent qu'ils ne l'avaient jamais vu en aussi bonne forme malgré l'énorme responsabilité qui pèse sur ses épaules. Il commença par nous demander notre nationalité et, apprenant que nous étions des Danois, il continua : « J'ai donc devant moi des hommes du monde germani(1) Ministre des Cultes dans le gouvernement du putsch Kapp (mars 1920).

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HITLER CET INCONNU que. Je sais que votre vaillant chef a été tué. Mais j'ai aussi entendu dire que le corps franc du Danemark s'était battu courageusement et avec honneur. J'espère que vous ferez de même, aux côtés de vos camarades du front. » Puis il s'entretint avec les volontaires les plus proches de sa fenêtre. Il leur demanda leur âge, leur nom de famille, le nombre de leurs enfants, leur temps de service au corps franc. La conversation dura vingtdeux minutes. Le Führer nous parla de ce qu'avaient fait nos camarades pendant l'hiver, au front, de la dureté de cette épreuve. Quand le signal du départ fut donné, il cria « Bonne chance ! » et les volontaires répondirent par un « Sieg Heil ! » tonitruant. Ce fut une rencontre historique. Pendant plusieurs jours nous ne parlâmes de rien d'autre. La bonne humeur du Führer allemand, notre chef suprême, nous impressionna fortement et nous inspira le désir de tout faire, au combat, pour cet homme et pour l'Europe nouvelle qu'il veut construire. C'est dans ce sentiment que nous poursuivîmes notre route vers le front. » Le train s'était arrêté parce que Hitler avait soudainement ordonné de changer de voie. De nouveau son « sixième sens » l'avait averti. J'appris par son aide de camp militaire, à neuf heures, que la voie que nous devions prendre était coupée en un certain point — la nouvelle venait d'arriver. L'arrêt dans cette petite gare présenta de l'intérêt pour moi en ce que le Führer et le Reichsleiter Bormann me demandèrent d'avoir la communication téléphonique aussi rapidement que possible avec le ministre Meissner, à Berlin. En dépit des difficultés, moins de cinq minutes plus tard le Führer pouvait parler, de son bureau du train, avec Meissner. 148.

9/6/1942, midi (Chancellerie).

Hitler se réjouit manifestement de la verdeur des deux vieux messieurs qui l'encadrent à table et qu'il regarde sans cesse à la dérobée : le trésorier Schwarz et le ministre des postes Ohnesorge. Tous les Allemands vivant à Paris sont convoqués, en fin de 453


HITLER CET INCONNU semaine, pour exécuter des exercices, dans le cadre de la milice civique. Le Chef estime que c'est extrêmement louable. D'innombrables services qui s'y étaient constitués pour des besognes tout à fait superflues, s'aperçoivent soudain que ces besognes sont remplies et qu'ils ne sont plus nécessaires. Le Chef se gausse des prétentions « culturelles » du cinéma américain qui permet que Mme Roosevelt, première dame des Etats-Unis, paraisse dans un film comme mannequin. 149.

10/6/1942, midi (« Osteria », Munich).

Mme Troost se plaint du manque de galanterie des jeunes dans les tramways. Il n'est pas possible, déclare le Chef, de faire de l'ensemble de la jeunesse, du jour au lendemain, ce qu'il désirerait qu'elle soit. Mais les établissements d'enseignement nationaux-socialistes et les Ecoles Adolf-Hitler formeront les jeunes conformément à ses idées et leur exemple réagira sur tout le reste de la jeunesse. D'autre part, le Chef s'entretient avec beaucoup d'animation avec la seconde fille et le fils, Wolfgang, de Mme Winnifred Wagner. Wolfgang, dit-il, semble particulièrement apte à recueillir, musicalement, l'héritage de son grand-père Richard Wagner, de même que son frère Wieland paraît devoir bien réussir dans le domaine de la technique. 150.

22/6/1942,

midi (Chancellerie).

Le Dr Goebbels amène la conversation sur le général Rommel (1). Rommel et Dietl (2) jouissent, dit-il, d'une popularité infiniment supérieure à celle de généraux comme von Brauchitsch, von Rundstedt, etc. Si la presse se taisait au sujet de ceux-ci, on n'en parlerait bientôt plus dans le public. Mais Rommel et Dietl possèdent un prestige qui en fait, aux yeux du (1) Rommel venait de prendre Tobrouk (21-6-1942). (2) Commandant de la 20 e armée de montagne en Finlande septentrionale.

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HITLER CET INCONNU peuple, l'incarnation des plus belles qualités militaires. C'est encore plus vrai pour Rommel que pour Dietl, Dietl, observe le Chef, est populaire non seulement chez nous mais encore tout particulièrement en Finlande. Si Rommel se trouve plus que lui au centre de l'intérêt public, cela tient à deux raisons : a) La majorité de notre peuple a si bien compris, aujourd'hui, les arrière-motifs de la guerre qu'il se réjouit de toute victoire remportée sur l'Angleterre ; b) Les Anglais, comme l'observe très justement le Dr Goebbels, font une propagande inouïe en faveur de Rommel parce qu'ils espèrent pouvoir ainsi mieux expliquer à leur peuple les défaites que Rommel leur inflige. Au reste, les capacités de Rommel ne font aucun doute. Dès le début de la présente offensive, il prévit, avec une précision presque photographique, le déroulement de la poussée jusqu'à la mer et de l'attaque contre Tobrouk. Il indiqua alors que les Anglais tomberaient certainement dans le piège qu'il leur tendait, en se concentrant dans un triangle qui leur paraîtrait favorable mais où ils seraient écrasés par l'artillerie allemande. D'autre part, il doit ses victoires au fait que nous avons reconnu à temps que, dans le désert, il s'agissait d'une guerre de moteurs. Si le camp adverse s'est complètement trompé sur les conditions de cette guerre, c'est parce qu'il s'est fait des idées fausses sur les possibilités de déplacement des véhicules motorisés dans le désert. Comme si souvent dans l'histoire militaire, quelque officier d'état-major — dépourvu d'expérience pratique — a bâti une thèse dès lors acceptée comme un évangile. A, savoir : dans le désert, un véhicule motorisé ne peut circuler que sur une route. Lui, le Chef, toujours désireux de vérifier une théorie par la pratique, a fait exécuter des essais avec des Volkswagen, Ces véhicules qui se comportent si admirablement en Afrique lui ont fourni la preuve que cette thèse était erronée. Les Volkswagen sont — l'expérience acquise permet de l'affirmer — les voitures de l'avenir. Rien que la manière dont elles escaladent l'Obersalzberg et dont elles rattrapent et dépassent sa grosse Mercédès, en impose. Après la guerre, quand on utilisera

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HITLER CET INCONNU dans sa construction les leçons tirées de celle-ci, la Volkswagen sera « la » voiture européenne, d'autant plus que, grâce à son refroidissement par l'air, elle demeure pleinement utilisable en hiver. Il imagine très bien qu'on puisse en produire un million et demi par an. 151.

Soir (Chancellerie). LES SOULÈVEMENTS DANS LES RÉGIONS OCCUPÉES NÉCESSITÉ DE RÉAGIR RAPIDEMENT L'INVASION ET LES THÉORIES DE L'ÉTAT-MAJOR

Aucun général, observe le Dr Goebbels, ne comprend aussi bien que Rommel l'importance de la propagande. Ce seul fait démontre qu'il est un général à l'esprit moderne, au meilleur sens du mot. Après un reportage sur la prise de Tobrouk, la radio parle de l'avance de l'Afrikakorps et annonce la promotion de Rommel au rang de maréchal. A la fin de l'émission, le Chef déclare qu'on ne peut vraiment pas tenir en haute estime l'armée anglaise d'Afrique qui, depuis trois ans, ne récolte que des défaites. La conversation vient ensuite sur le mouvement de résistance serbe. Le calme règne, dit le Chef, dans les régions où se trouvent les Bulgares, qui connaissent bien les conditions balkaniques. De même, l'ordre et la sécurité sont assurés là où sont stationnées des divisions de S.S. ou des unités de police dont on connaît la façon énergique de réagir. Mais cela va assez mal dans les régions occupées par des unités du Lansturm allemand, et c'est la pagaye la plus complète là où sont les Italiens. Il y voit la confirmation de l'idée qu'il a toujours défendue : dans les régions en rébellion, la sécurité est en- raison inverse de l'humanité des méthodes employées. Là où se produisent des déraillements, des attentats, où des parachutistes ennemis sont abrités (cas des assassins de Heydrich), etc., il faut fusiller le bourgmestre, déporter les hommes, voire, dans les cas les plus graves, les exécuter également, et envoyer les femmes dans des camps de concentration. 456


HITLER CET INCONNU Le Reichsführer-S.S. observe que ces méthodes ont été employées après le meurtre de Heydrich. On a réussi à découvrir les coupables en menaçant de fusiller tous les parents de leurs complices, non seulement les femmes et les enfants mais aussi des parents (1). L'autorité, poursuit le Chef, a le devoir absolu de réagir. Dès qu'elle intervient, elle est plus forte que tout élément perturbateur, car elle a derrière elle un corps fortement organisé. L'affaire Röhm le montre clairement. Le putsch a pu être éteint comme une petite flamme parce que ses auteurs ne tenaient même pas solidement les S.A. (A propos de cette affaire Röhm, le ministre de l'Economie Funk me raconta un soir, dans son train, qu'il se trouvait à la chasse, dans la Schorfheide, quand Hitler le chargea, par téléphone, d'annoncer la répression de la révolte de 1934 au maréchal-président. Quand il s'en acquitta, Hindenburg observa, de sa voix de basse : « Qui veut écrire l'Histoire, doit pouvoir faire couler du sang. ») La possibilité d'un débarquement des Anglais ayant été évoquée, le Chef observe : Ils peuvent le faire en trois endroits : en Norvège, en Hollande ou en Espagne. Dans ce dernier cas, ils pourraient déclencher une nouvelle guerre civile. La Hollande serait pour eux une noix fort dure à craquer, car le général Zeitsler, chef d'état-major de Rundstedt, y circule sans cesse — comme sur la côte de l'Atlantique — pour éviter que nos troupes ne s'y engourdissent du fait qu'elles n'ont pas le contact de l'ennemi. Mais il faut être très vigilant en ce qui concerne la Norvège. Les possibilités de débarquement sont extrêmement réduites dans la région des fjords, prétend-on. Le débarquement des Anglais à Andalsnes (en 1940) démontre que c'est faux. D'ailleurs, d'une façon générale, il a horreur de l'évangile de (1) Le 10 juin 1942, les S.S. rasèrent le village tchèque de Lidice, en représaille de l'assassinat de Heydrich. Les hommes au-dessus de seize ans furent fusillés, les femmes envoyées dans des camps de concentration, et les enfants répartis entre des familles allemandes.

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HITLER CET INCONNU l'état-major général que la pratique ne vérifie jamais. Il rappelle la théorie imaginée pour combattre les chars : sauter sur le char pour y jeter des grenades et verser des bidons d'essence par le panneau. Cela pouvait peut-être s'appliquer pendant la (Première) Guerre mondiale, mais ces Messieurs n'ont manifestement pas pensé que ce n'était plus applicable qu'exceptionnellement avec des chars qui progressent à une vitesse moyenne de 45 km/h. Il faut donc soumettre constamment les théories à l'épreuve de la pratique, vérifier qu'elles sont bien réalisables. C'est particulièrement important dans le domaine militaire. La peur éprouvée par une troupe qui se voit impuissante contre des armes ennemies offensives, non seulement la paralyse mais ne peut plus en être extirpée. Aussi a-t-il fait donner à nos soldats des canons antichars et des blindés qui possèdent la supériorité absolue sur ceux de l'ennemi. 152.

23/6/1942 midi (Chancellerie). LE RAVITAILLEMENT EN TEMPS DE GUERRE

Les cafés de Dantzig, rapporte le gauleiter Förster, sont toujours absolument pleins l'après-midi. Comme il s'agit surtout de femmes attifées en poupées, la police a déjà essayé d'obtenir son approbation pour y effectuer des rafles. Mais il a des scrupules. A juste titre, dit le Chef. Aujourd'hui où — à quelques exceptions près, d'ailleurs de plus en plus rares — les femmes sont enrôlées dans le grand circuit de la production, il ne faut pas que la police soit constamment sur le dos des gens, sinon leur vie prendrait un véritable caractère concentrationnaire. La mission de la police consiste à surveiller les éléments asociaux et à les éliminer impitoyablement. Il n'est donc pas nécessaire de faire des rafles dans les cafés. Les femmes qui ont des relations internationales dangereuses ne les reçoivent pas au café mais dans leurs prétendus salons. Il s'agit probablement de femmes qui travaillent : postières, institutrices, infirmières, etc., qui s'accordent un moment de

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HITLER CET INCONNU détente après leur besogne. Ou encore de ménagères qui, ne disposant plus d'aides, travaillent plus que naguère et cherchent également à se détendre. Finalement, si l'on chassait les véritables « poupées » des cafés, on priverait les permissionnaires du front d'une de leurs distractions les plus importantes. S'il se produit des abus, il faut non pas recourir immédiatement à des mesures policières, mais essayer d'agir par la persuasion. Ce n'est pas en le menaçant de la police mais en l'éclairant et en l'éduquant, que le N.S.D.A.P. s'est gagné le peuple allemand. Sur le plan du ravitaillement, cela signifie que les mercantis doivent être châtiés avec la plus extrême rigueur. Mais il ne faut pas arrêter des trains et des cars pour dépouiller les voyageurs de deux ou trois œufs introduits en contrebande. Si un paysan, après avoir fait ponctuellement les livraisons qu'on lui impose, vend l'excédent à des relations, il ne faut pas essayer de l'en empêcher par des mesures policières. Le seul résultat auquel on aboutirait serait de lui faire consommer personnellement ces produits en excédent. Ceux qui ordonnent de fouiller les trains et les cars partent manifestement des conditions qui régnent dans les régions de grande propriété du Nord ; ils ignorent qu'une petite paysanne va souvent, en temps de paix, porter quelques œufs et un ou deux kilos de beurre pour se faire un peu d'argent et parce que les consommer soi-même serait trop onéreux. Si l'on craint que les petits accaparements de denrée prennent de l'ampleur et mettent les prix en danger, l'Etat doit intervenir une deuxième fois, c'est-à-dire en plus de la fixation des livraisons, en acheteur et en payant des prix supérieurs pour refouler les petits accapareurs. Bien entendu, il faut procéder avec beaucoup de prudence et ne jamais oublier le principe que ie paysan, après avoir effectué les livraisons prescrites, peut disposer de l'excédent de ses produits comme il l'entend. Non seulement cela accroît son désir de produire, mais c'est favorable à la monnaie, car le paysan épargne l'argent qu'il reçoit, alors que le citadin a tendance, en période de crise, à transformer le sien en biens de consommation.

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HITLER CET INCONNU Le Dr Goebbels qualifie d' « œuf de Christophe Colomb » l'idée émise par le Chef que l'Etat doit acheter à un prix supérieur ce qui est produit en sus des livraisons. Le Chef ayant demandé quand paraîtrait enfin une réglementation à cet égard, le Reichsleiter Bormann répond que les instructions ont été données et entreront sous peu en application. On a imaginé un système de primes pour répondre aux nécessités. Le Chef, continuant à parler du problème du ravitaillement, dit que certaines petites imbécillités par lesquelles on refuse à la population des biens de consommation importants qui se perdent parfois, sont vraiment irritantes. Lui-même s'est naguère mis en rage en apprenant qu'on défendait à nos soldats de France d'acheter dans les magasins. Aucun de ces Messieurs très malins n'a pensé que le fait de recevoir des bas, du chocolat, etc., d'un de ses membres mobilisés constitue une sorte de récompense pour une famille. Le Reichsmarschall a dû intervenir en personne pour faire cesser immédiatement cette stupidité. En ce qui concerne l'approvisionnement en fruits et légumes, le gauleiter Forster déclare qu'il a organisé des rapports directs entre le producteur et le consommateur, afin que ces produits ne se perdent pas en passant par quelque intermédiaire. Défendre au consommateur d'acheter directement au producteur des fraises, des asperges, etc., lui paraît absurde. Tout le monde approuve sa critique des mesures de genre de celles prises par le ministère du Ravitaillement. Le Chef la soutient fortement et déclare qu'on devrait chasser du ministère les idiots qui menacent de pénaliser le trafic direct des fruits et légumes entre les producteurs et les consommateurs. De telles stupidités s'expliquent seulement par le fait qu'on considère uniquement les conditions du nord de l'Allemagne. On devrait pourtant comprendre que, justement dans ce secteur du ravitaillement, si complexe, il faut limiter les mesures de réglementation au strict minimum. Le Dr Goebbels, se plaçant au point de vue de Berlin, observe que si l'on permet un libre trafic du producteur au consommateur, les travailleurs seront défavorisés. Les gens riches pourront envoyer leurs domestiques à la campagne, les gens qui ne travaillent pas pourront s'y rendre aussi pour ache460


HITLER CET INCONNU ter des fruits et des légumes et il n'en restera plus pour les magasins de vente de Berlin. Sur une question du Chef, le Reichsleiter Bormann répond que les gauleiter ont toute liberté pour régler cette question du commerce des fruits et légumes en fonction des conditions de leur région. Dans certains gaue de l'ouest et en Saxe, le trafic direct est interdit. Le Chef souligne encore qu'il faut interdire les transports inutiles de fruits et de légumes au cours desquels beaucoup de ceux-ci se perdent. C'est en particulier vrai pour les transports de pommes de terre dont Speer lui parlait récemment. Le ministre Speer signale que d'autres articles, même des cigarrettes, sont ainsi inutilement trimbalés. A son avis, cela doit également disparaître. Le Chef approuve très énergiquement. On ne peut tolérer que des cigarettes fabriquées à Dresde soient envoyées à Berlin à l'organisme central de répartition, pour revenir à Dresde dans le contingent attribué à la Saxe. Nous ne pouvons nous permettre de telles chinoiseries. Il faut surveiller la circulation des marchandises avec la plus grande attention. Si un produit alimentaire n'est pas consommé dans la région de production, il faut l'envoyer dans la région la plus voisine. Le ravitaillement des grandes villes industrielles doit être assuré par les régions de grande production agricoles les plus proches. Il faut multiplier les entreprises de grande production parce qu'elles sont plus faciles à contrôler et qu'elles produisent plus qu'un groupe de petites entreprises de même grandeur. Il faut également permettre une meilleure utilisation des produits d'alimentation en accroissant le nombre des cantines d'entreprise et des cantines populaires dans les grandes villes, et procurer aux habitants de celles-ci la possibilité de manger raisonnablement une ou deux fois par semaine d'une façon pas trop onéreuse. Le principe fondamental doit être d'amener aux consommateurs toute la production agricole des pays soumis à l'influence allemande. Par exemple, si des œufs se perdent en Ukraine parce qu'on ne peut pas les transporter, on doit fabriquer des blocs combustibles avec la paille qui y abonde, pour alimenter 461


HITLER CET INCONNU des voitures de transport à gazogène. En interdisant les mouvements de bière, comme le propose si justement Speer, on disposera de suffisamment de wagons frigorifiques. 153.

Soir (Chancellerie).

Les « Reichsgaue » (également le Mecklembourg, l'Oldenbourg, etc.) dit le Chef, possèdent suffisamment de biens pour assurer leurs obligations culturelles et pour couvrir leurs autres frais d'intérêt public. Autrement, ils en seraient réduits au bon vouloir des services berlinois. Craindre que la possession de tels biens puisse engendrer une dangereuse tendance à l'autonomie, est ridicule. Une telle tendance est pour ainsi dire impensable dans un Reich qui exerce une attraction magnétique sur les pays environnants et face auquel la Hollande, la Belgique, etc. ne peuvent garantir leur indépendance. En outre, ce Reich possède la Wehrmacht, la police, les postes, le chemin de fer, le Parti, avec tous ses rameaux, l'économie, la monnaie et, finalement, le réseau routier, pour assurer une cohérence de plus en plus grande. Un gauleiter qui essaierait de se rendre indépendant, serait à envoyer dans un asile d'aliénés. Le seul fait qu'ils ne sont pas nommés à vie mais peuvent être remplacés à tout moment, garantit qu'ils ne se transformeront pas en princes. En outre, aucun poste, dans l'Etat ni dans le Parti, n'est héréditaire. 154.

24/6/1942 soir (Wolfsschanze). LA POLITIQUE PERSONNELLE L'AUTONOMIE ADMINISTRATIVE LE POUVOIR EXÉCUTIF L'ÉLECTION DU CHEF DE L'ÉTAT

Dans l'organisation du Parti, dit le Chef, il a déjà posé en principe de ne confier aucun poste à quelqu'un qui n'y soit pas pleinement apte.

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HITLER CET INCONNU Il s'y est tenu également lors de la nomination des gauleiter de Berlin. Les anciens camarades de cette ville se plaignant sans cesse de leur direction, il promit de les aider et trouva dans le Dr Goebbels l'homme qui leur convenait. Celui-ci possédait les deux qualités sans lesquelles il n'aurait pu s'affirmer : l'éloquence et l'intelligence. En outre, il incarne la race de la Ruhr qui, par son habitude du travail du fer, constitue un matériel humain d'une valeur toute particulière. Lorsqu'il demanda à Goebbels de s'occuper de l'organisation de Berlin, il l'informa que les cadres étaient franchement mauvais et que, en conséquence, il lui fallait les pleins pouvoirs pour éliminer du Parti tous les éléments indésirables sans avoir recours à l'Uschla (tribunal du Parti à cette époque). Jamais il n'a regretté d'avoir donné ces pleins pouvoirs au Dr Goebbels, car celui-ci, qui n'avait rien trouvé de bon à son arrivée, enleva Berlin de haute lutte, au vrai sens du mot. Il travailla comme un taureau en dépit des épreuves nerveuses auxquelles le soumit l'opposition latente de gens comme Stennes. Le Parti ne pourrait plus connaître aujourd'hui une telle sélection. Cette période de la lutte révéla les vrais idéalistes, prêts à s'engager fanatiquement et jusqu'au bout pour la cause. Sur une observation du Reichsleiter, le Chef dit que Bormann a parfaitement raison d'évoquer, à ce sujet, le major Dincklage, le « major au rücksack », qui était constamment par monts et par vaux, jour et nuit, pour parler et faire des adhérents au N.S.D.A.P. Quand il rentrait chez lui, c'était uniquement pour remplir de nouveau son sac avec des aliments. Beaucoup d'autres idéalistes de cette sorte se dévoilèrent à l'époque. Quand il pense à la sélection des chefs, il lui arrive souvent de se rappeler ce qu'il se passa en Prusse-Orientale. Tant que le Parti y fut dirigé par des nullités, les grands propriétaires prussiens se déclarèrent « énergiquement » pour le N.S.D.A.P. Tenant les membres du mouvement pour de simples batteurs de tam-tam, ils comptaient pouvoir y occuper les places déterminantes. Dès qu'ils eurent en face d'eux un gauleiter comme Koch dont ils ne tardèrent pas à reconnaître eux-mêmes la valeur, ils s'enrôlèrent immédiatement parmi les adversaires du N.S.D.A.P. 463


HITLER

CET INCONNU

L'expérience acquise à l'époque de la lutte lui sert beaucoup aujourd'hui dans l'organisation du Reich. De même qu'il faisait autrefois de véritables petits rois des gauleiter, ne recevant d'en haut que des directives très générales, il accorde maintenant beaucoup de latitude aux divers Reichs Statthalter — même si cela soulève des objections de la part du ministère de l'Intérieur. On ne peut apprécier les talents qu'en attribuant une large liberté d'action aux gauleiter et Reichsstatthalter. Sinon, il se crée simplement une bureaucratie stupide. Il faut donner des responsabilités aux chefs locaux pour leur en faire prendre le goût et se créer ainsi un réservoir de têtes intelligentes pour les grands postes. Parallèlement à cette latitude accordée aux gauleiter et Reichsstatthalter, il exige d'eux une discipline absolue dans l'exécution des ordres de la direction suprême. Il pose naturellement en principe que celle-ci n'interviendra pas dans les détails d'application, car les conditions ne sont pas partout les mêmes. Il tient, à cet égard, à bien souligner que rien ne peut être plus nocif dans l'organisation d'un Reich qu'une trop forte limitation de l'autonomie administrative. Les juristes la réclament pourtant sans trêve. Mais, comme Bismarck le remarqua en 1871, la France fut vaincue parce qu'elle ne possédait pas cette autonomie. Ses départements étaient restés sans chefs, sans initiatives, se bornant à attendre des instructions de Paris. A son idée, il faut élargir cette autonomie le plus possible mais en exigeant que la discipline ne soit jamais discutée. Quand l'autorité supérieure intervient, sa volonté doit être déterminante. Les subordonnés n'ont plus qu'à obéir à la consigne. Si la direction de l'Etat doit être articulée, le pouvoir exécutif, c'est-à-dire l'instrument sûr de la puissance publique, avec la Wehrmacht, la police, le Front du Travail, la formation de la Jeunesse, etc., ne peut être qu'en une seule main. Ces conditions étant réalisées, il ne peut rien arriver de mauvais au Reich. La situation la plus dangereuse est celle où le pouvoir exécutif exerce simultanément, ou veut exercer, la direction de l'Etat. Il en résulte inévitablement des conflits entre les diverses parties des forces armées, des administrations, etc., dont sont déjà morts plus d'un grand pays. 464


HITLER CET INCONNU Passant à la question de l'élection du chef de l'Etat, le Chef développe ainsi son idée : pour lui, le chef de l'Etat ne doit pas plus être élu par la masse de l'ensemble du peuple que le pape n'est élu par la masse des fidèles ou que le doge n'était élu par la totalité de la population vénitienne. Si la masse participe à l'élection, celle-ci devient une affaire de pure propagande, et la propagande pour ou contre les divers candidats divise le peuple. Quand le choix est fait en petit comité — il pense à un Sénat — et que les opinions s'y affrontent, cela ne tire pas à conséquence. Il suffit d'avoir la sagesse de ne pas faire connaître ces divergences à l'extérieur. Le chef de l'Etat est celui qui réunit la majorité des voix, comme pour le pape ou le doge, quels qu'aient pu être les conflits d'opinion antérieurs. En lui faisant prêter serment par les forces armées, le Parti et les fonctionnaires, dans les trois heures qui suivront sa désignation, on évite absolument tout trouble dans la vie publique. Il ne se fait aucune illusion : une telle élection ne placera pas toujours à la tête de l'Etat une personnalité de chef absolument supérieure. Mais ce sera toujours un homme si fortement audessus de la moyenne que, aussi longtemps que l'appareil général restera intact, aucun danger n'en résultera pour l'Etat. L'ancien système d'élection des empereurs constituait à cet égard une forme idéale. Il échoua malheureusement parce que les princes électeurs étaient héréditaires. L'Allemagne ayant constitué pendant des siècles l'incarnation du monde occidental et n'étant pas sérieusement menacée de l'extérieur, ces princes héréditaires crurent, dans l'intérêt de leurs maisons, pouvoir s'offrir le luxe d'un empereur faible et par conséquent d'une direction de l'Empire assez lache. Le national-socialisme a donc un principe de fer : aucun poste, ni dans l'Etat ni dans le Parti, n'est héréditaire. Chaque gauleiter doit se choisir un adjoint à sa convenance. La loi nationale-socialiste prescrivant que si un gauleiter vient à disparaître, par mort ou toute autre raison, l'adjoint ne peut lui succéder, celui-ci n'a donc aucun intérêt à intriguer. Nous autres, nationaux-socialistes, nous ne nous tirons pas dans le dos. Un adjoint qui se distingue a la possibilité de devenir lui465


HITLER CET INCONNU même gauleiter dans un autre gau, à condition, toutefois, qu'un autre gauleiter n'ait pas été renversé par ses activités. Ses capacités sont à juger d'après le fonctionnement du gau, car si celui-ci fonctionne bien, c'est attribuable non seulement à l'action et à la personnalité du gauleiter mais aussi à celles de l'adjoint qui y exerce des fonctions bien précises. De même, pour bien signifier qu'un gau ne peut jamais devenir héréditaire, il a établi le principe de la mutabilité pour les gauleiter qui n'ont pas personnellement conquis leur gau. Par exemple, il a envoyé celui de Salzbourg en Styrie et l'a remplacé par un camarade qui remplissait jusque-là des fonctions bien différentes. Il a, à Vienne, quelqu'un dont il attend beaucoup (1). Mais jamais un fils de gauleiter n'héritera du poste de son père. Quand un chef d'état-major général s'en va, on ne lui donne pas pour successeur son fils de dix-huit ans. Le Reichsleiter Bormann observe qu'en règle générale le fils d'un professeur de mathématiques n'est pas prédestiné à succéder à son père et le Chef déclare qu'il n'y a pas à s'en étonner. Le plus souvent, le fils présente beaucoup plus les traits de caractère de sa mère que ceux de son père. II connaît le fils d'un industriel qui a catégoriquement refusé d'entrer dans l'affaire paternelle, idéaliste comme sa mère — d'ailleurs remariée entretemps -— il a choisi d'être soldat et même parachutiste. 155.

25/6/1942 (matin). NÉCESSITÉ DE RÉORGANISER LE HAUT COMMANDEMENT

Au petit déjeuner, j'entends une intéressante conversation entre le général Schmundt, le capitaine de vaisseau von Puttkamer et l'amiral Krancke au sujet des projets de réorganisation du commandement des forces armées, exposés hier par Hitler. A leur avis, le Chef a parfaitement raison de vouloir affranchir, immédiatement après la guerre, le commandement des troupes de toutes les besognes accessoires, administratives en particulier. Il faut, dit le général Schmundt, faire, à un certain moment, (1) Baldur von Schirach.

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HITLER CET INCONNU une césure dans la carrière d'un officier, garder dans la troupe ceux qui font preuve d'un tempérament de chef et affecter les autres aux services subordonnés à l'O.K.W. La promotion des premiers s'en trouvera accélérée de sorte que, conformément au désir du Chef, on obtiendra des généraux jeunes. Les autres avanceront à l'ancienneté. Krancke se déclare d'accord. Il faut qu'un commandant d'unité ne passe pas, comme aujourd'hui, sa journée à signer des papiers, mais suive constamment ses hommes de terrain de manœuvres en terrain de manœuvres. Le commandant de région s'occupera des casernes. Dans les secteurs où interviennent les trois armes, le commandement ne doit pas revenir uniquement à un officier de l'armée ; des officiers de la marine et de l'aviation doivent y participer. Même dans celles-ci, ceux qui ne sont plus aptes à l'action au front, doivent être transférés dans des services. On obtiendra ainsi comme commandants de région des personnalités disposant d'un prestige suffisant pour s'imposer aux chefs de corps plus jeunes et dynamiques. Il faut encore, dit Schmundt, débarrasser la Wehrmacht de besognes que des services de l'Etat ou du Parti peuvent mieux exécuter qu'elle et à moindres frais, par exemple dans les étatsmajors de région militaire. On supprimera ainsi un grand nombre de doubles emplois et on libérera des soldats pour le front. L'O.K.W., poursuit-il, doit devenir le véritable commandement des forces armées tant du point de vue du personnel que du matériel afin de bien assurer sa cohésion. Si l'organisation actuelle n'a pas donné de plus mauvais résultats, c'est que celle de nos ennemis est encore plus défectueuse. L'O.K.W., observe l'amiral Krancke, doit s'adapter au fait que la guerre prend un caractère mondial de plus en plus accusé. Il doit garder le contact avec les Japonais. Après la prise de Tobrouk par Rommel, l'O.K.W. aurait dû pouvoir immédiatement exposer au Führer les possibilités de sauver leur maîtrise de la Méditerranée qui restaient aux Anglais (par exemple un débarquement en Afrique occidentale) et présenter des propositions pour y parer. On est bien obligé de constater qu'il n'en est pas ainsi. De même, l'opération en Norvège fut décidée par le Führer, 467


HITLER CET INCONNU non par l'O.K.W. ; celui-ci ne disposait même pas de cartes modernes de ce pays parce que personne n'avait jamais pensé à une telle campagne. On sauva la situation grâce à des cartes au 1/100 000e, datant de 1890, et en les améliorant grâce à un géologue qui y avait fait des études peu avant la guerre. Tout cela aurait dû être préparé dès le temps de paix par un état-major supérieur. En revanche, la campagne de Russie relève, à son avis, uniquement de l'armée. Aussi s'étonne-t-i! que le général Jodl participe chaque jour à la conférence sur la situation aux côtés du chef d'état-major général. Le Chef, explique Schmundt, ne veut se laisser influencer par aucune suggestion, même de l'état-major général. Il connaît bien Jodl, à cause de ses longues années de collaboration, et sait ce qu'il peut attendre de lui. Le Führer ne veut pas, non plus, que des chefs d'armée s'entretiennent avec le chef d'état-major général Haider avant de lui présenter leur rapport.

156.

26/6/1942 (midi).

Après avoir lu les dépêches relatant l'effet produit par la chute de Tobrouk dans la presse américaine et anglaise, le Chef observe : Les Juifs sont aussi visqueux que des rats, c'est une race qui s'est insinuée dans toutes les parties du monde et fait des affaires sous tous les climats avec une impudence incroyable. En lisant ce qu'ils publient à l'occasion de la chute de Tobrouk : « La Royal Air Force ralentit avec succès l'avance des forces de l'Axe », etc..., on ne peut que s'étonner de la facilité avec laquelle l'humanité se laisse prendre à du verbiage. C'est ce qui explique que des avocats juifs, sans aucune espèce de talent, aient pu prendre le dessus à l'époque la plus honteuse pour l'Allemagne, en mentant comme ils respiraient.

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HITLER CET INCONNU 157.

27/6/1942 (soir).

LA RUSSIE ENTRE L'INDE ET LE JAPON LES PETITS ÉTATS SANS GOUVERNEMENT LA CONSTRUCTION DES ROUTES, AMORCE DE TOUTE CIVILISATION, MÊME EN RUSSIE

Au dîner, le Chef reparle de la victoire de Rommel. La prise de Tobrouk, dit-il, constitue un succès inimaginable qui, dans la situation du moment, doit être considéré par le peuple allemand comme un arrêt providentiel du destin. De même que l'entrée en guerre du Japon se produisit à la période la plus critique de la campagne à l'est, le coup frappé par Rommel survient au milieu des intrigues espagnoles qu'il caractérisera seulement en disant que, récemment, le ministre des Affaires étrangères Sunner (Serrano Suner) s'est laissé « honorer » par le pape qui lui a offert un chapelet. Si les discussions entre Roosevelt et Churchill ont duré huit jours à Washington, c'est surtout parce que Rommel a ébranlé décisivement la situation de l'Angleterre en Méditerranée. Quand les gens sont d'accord, les négociations ne durent pas aussi longtemps. Ses entretiens avec le Duce n'ont jamais duré plus d'une heure ou une heure et demie. Les repas et autres choses analogues remplissaient le reste du temps. En un seul cas, lors de la crise albanaise, les discussions se sont étendues sur un jour et demi, parce qu'il avait dû remonter le Duce (1). En partant de cette expérience, on imagine fort bien les énormes difficultés qu'ont à surmonter les Alliés, sans parler de la véritable acrobatie que représente l'obligation d'obtenir un accord dans une association politique groupant les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Par exemple si Litvinov (2) a été appelé à plusieurs reprises à participer aux entretiens entre Roosevelt et Churchill, c'est, naturellement, parce que la Russie a dans sa manche un énorme atout contre l'Angleterre à cause de l'Inde. Après la perte de l'Extrême-Orient, la plus grande menace pour les Anglais serait de voir les Russes, en cas de détérioration de leurs rap(1) Discussions des 18 et 19 janvier 1941 où Mussolini fut contraint de renoncer à son projet de mener une guerre indépendante (« guerre parallèle »). (2) Alors ambassadeur soviétique à Washington.

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HITLER CET INCONNU ports, vouloir compenser leurs dommages de guerre aux dépens de l'Inde. C'est peut-être cette option sur l'Inde qui a conduit la Russie à vouloir échapper à tout prix à une guerre avec le Japon. Ce n'est pas mauvais pour nous, car, justement à cause de l'Inde, le maintien de la paix entre le Japon et la Russie, nous donne un point positif de plus face à l'Angleterre Pour le moment, la question la plus intéressante est celle-ci : que va faire l'Angleterre dans la situation actuelle ? Il est manifeste qu'on ne peut attendre d'elle aucun miracle après la gaffe commise en déclarant la guerre malgré l'insuffisance de ses armements. Elle essaye de se tirer de sa position critique en répandant les bruits les plus variés et les plus contradictoires. La tâche des Affaires étrangères consiste à sonder ses intentions au sujet d'une solution éventuelle. Cela ne pourrait guère se faire que par une intrigue amoureuse avec la fille de Churchill et il est bien dommage que MM. les diplomates n'aient pas noué cette intrigue en temps utile, car, dans le cas d'un succès, bien des officiers et des soldats allemands eussent conservé la vie. Degrelle, chef des rexistes (1), dit le Reichspressechef Dietrich, qui combat actuellement comme légionnaire sur le front oriental, s'est plaint de ce que aucun rexiste ne se soit trouvé parmi le dernier échange de prisonniers de guerre belges. Les membres belges du comité d'échange sont des réactionnaires fieffés qui ne négligent aucun moyen de faire pièce aux rexistes. Le Chef ordonne de prendre immédiatement des mesures pour accorder à Degrelle une autorité décisive dans le choix des prisonniers belges à libérer. Il doit aller de soi que ceux qui versent actuellement leur sang à l'est pour l'Europe de demain, soient écoutés en priorité en Allemagne. Jusqu'à maintenant, on a agi avec beaucoup trop de ménagements envers les réactionnaires belges. Ne pas emprisonner le roi des Belges et le laisser dans son pays à cause des Italiens qui parlaient pour lui, fut une faute, car ce n'est pas un homme d'un grand esprit, mais seulement un énorme noueur d'intrigues (1) Léon Degrelle, chef des rexistes, commandait depuis 1942 la 5 e Brigade d'assaut de volontaires S.S. « Wallonie ».

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HITLER CET INCONNU qui sert de point de cristallisation aux éléments réactionnaires. L'attitude de ceux-ci envers les Flamands qui combattent sur le front oriental est à noter. Les Flamands se montrent même plus pro-allemands et plus intransigeants que les légionnaires hollandais sur ce même front. Cela vient certainement de ce qu'ils ont été opprimés pendant des siècles par les Wallons et restreints dans leurs façons de vivre. Le Duce a lui-même remarqué que l'harmonie ne régnait pas entre les Flamands et les Wallons. En exprimant ses vues sur l'Europe future, il met toujours les Flamands et les Hollandais à part et essaye de mettre les Wallons en association avec les Français. Cependant, à son avis, le Duce ne voit pas très correctement, en ce qui concerne le traitement futur des Wallons, les possibilités politiques qui se présentent dans le nord-ouest de l'Europe. Des solutions comme celle qu'il envisage pour ces Wallons ne sont pas réalisables dans le cadre du grand Reich germanique. Le Chef se réjouit donc de ce qu'il n'existe, ni en Hollande ni en Belgique, de gouvernements avec lesquels il faudrait traiter. On peut imposer ce qui paraît politiquement nécessaire, donc opportun. Le problème que posent ces petits Etats se résoudra par des déclarations brèves et concises. Toute civilisation, déclare le Chef, se manifeste à ses débuts par des constructions de routes. De même que les Romains, sous César et durant les deux premiers siècles de notre ère, ont ouvert, à travers les marais et les forêts de la terre germaine, des routes et des voies en rondins, une de nos premières tâches, en Russie, sera de construire des routes. Vouloir commencer d'autre façon, par exemple par la réalisation d'un réseau ferroviaire, serait mettre la charrue avant les bœufs. Il estime que, rien que pour des considérations militaires, il est nécessaire d'en construire au moins sept cent cinquante à mille kilomètres, car sans des voies d'accès sûres il sera impossible de nettoyer l'immense espace russe et même de le conserver à la longue. Toute la main-d'œuvre russe des villages et des villes qui ne sera pas prise par l'agriculture ou l'industrie des armements devra donc être utilisée en premier lieu à cette construction des routes.

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HITLER CET INCONNU En ce qui concerne la nouvelle disposition des villages, le Chef pense qu'elle devra se faire non seulement pour des raisons militaires mais aussi pour rompre l'uniformité des immenses routes.

158.

28/6/1942 (soir). LE ROI D'ÉGYPTE FAROUK DANS LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE

(Le Reichsmarschall assiste au déjeuner (1).) Après le dîner le Chef parle de nouveau des possibilités qui s'offriront à notre Afrikakorps après son entrée en Egypte. Il faut envoyer à Rommel tout le ravitaillement qu'il désire. En outre, il sera souhaitable d'amener le roi d'Egypte à fuir le pays pour que les Anglais ne s'en saisissent pas aux fins de leur future propagande. Si le roi le fait, il est disposé à le replacer solennellement sur le trône après l'occupation de l'Egypte par les troupes allemandes. Dans un pareil cas, il ne fait pas d'objection à une monarchie. D'autant plus que le roi a pris pour épouse la plus belle femme du pays — quoiqu'elle fût la fille d'un juriste — démontrant ainsi qu'il nourrit des idées saines. Qu'on pense à notre aristocratie. Pour un mariage, il faut que la fiancée fasse la preuve de tant de quartiers de noblesse. Von Pfeffer faisait remonter sa famille jusqu'à Charlemagne ! Le Chef approuve l'observation du maréchal Keitel que la prise d'Alexandrie par les Allemands affectera beaucoup plus le peuple anglais que celle de Singapour par les Japonais — seuls les gens d'argent y avaient des intérêts — et le fera se dresser contre Churchill. Il reste à souhaiter que le ministre américain au Caire continue à chiffrer aussi mal ses télégrammes pour que nous restions aussi bien renseignés sur les plans militaires des Anglais.

(1) La grande offensive de l'été 1942 commença ce jour-là.

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HITLER CET INCONNU 159.

29/6/1942 (midi). L'UNITÉ DE L'EUROPE N'EST-ELLE RÉALISABLE QUE PAR LA FORCE DES ARMES OU DANS LE CREUSET D'UNE GUERRE COMMUNE ?

Ses compatriotes viennois, dit le Chef, lui demandent constamment si, cette fois encore, nous abandonnerons Belgrade. « Après l'avoir conquise pour la troisième fois, nous devrions tout de même la conserver ! » Les Viennois ont raison, du moins en ce sens qu'il faudra apporter une attention toute particulière au tracé de la frontière en cette région du Reich, Sur l'obligation de garder les Portes de Fer, sur le Danube, en toute circonstance, il ne peut exister aucun doute. Le Danube est la grande voie fluviale qui conduit au cœur du continent, il doit donc être dominé entièrement par nous dans une Europe que nous aurons conquise. La régulation du trafic ouestest dans cette région dépend entièrement de cette alternative : le Danube sera-t-il allemand ou pas ? Toute construction de canal serait inutile, voire stupide, si cette grande voie fluviale n'est pas soumise de façon illimitée à notre influence. En réglant ce problème du Danube, notre génération veillera que toutes les questions de droit ne soient pas résolues dans les traités de paix. Un chef d'Etat responsable doit léguer un plein tiroir de revendications juridiques de caractère plus ou moins clair à son successeur afin que celui-ci puisse éventuellement évoquer quelque raison « sainte » pour provoquer une explication devenue nécessaire. Le vieux Fritz, observe le Reichsführer S.S., commença ses guerres silésiennes sans disposer de droits héréditaires bien définis et Louis XIV fit sa politique avec des titres de propriété usurpés. Pour un homme d'Etat, dit le Chef, c'est manifester de la sagesse que de léguer à son successeur un tel titre dans tous les domaines où, dans la limite de la prévision humaine, un problème national risque de devenir aigu. Les moines du mont Athos, sur le niveau moral desquels il

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HITLER CET INCONNU préfère ne rien dire, l'ont proclamé successeur de l'empereur de Byzance ; c'est là un document qu'il est bon de garder (1). Il voudrait que les archives relatives à ce genre de choses ne soient pas conservées aux Affaires étrangères pour y être oubliées, mais qu'elles soient envoyées à la Chancellerie et installées de telle sorte que son successeur pourra à tout moment y jeter un coup d'oeil. S'il parle ainsi, c'est à cause de son expérience personnelle. Des générations viendront certainement où l'on considérera sans étonnement l'unification de l'Europe réalisée entre-temps, de même que la plus grande partie des gens actuellement vivants considèrent le Reich bismarckien comme une chose toute naturelle. La peine qu'aura coûté la fusion de l'ouest, du nord, du centre et de l'est de l'Europe en une grande unité, sera si vite oubliée qu'on n'appréciera les moyens par lesquels elle aura été réalisée que s'ils vous sont rappelés de façon brûlante. A ce sujet, il est une chose qu'il tient à bien indiquer — on ne saurait trop y insister — c'est que cette fusion de l'Europe ne se réalisera pas par les efforts d'une quantité d'hommes d'Etat, mais seulement par la force des armes. La fusion de la Bavière, du Wurtemberg, de la Bade et des autres avec la Prusse dans le Reich de Bismarck n'est pas attribuable à la bonne volonté, à la raison des princes, mais à la supériorité que possédait à l'époque le fusil à aiguille prussien. Qu'on pense à l'aide qu'il apporta au comte Holstein quand celui-ci présenta à signer au roi Louis de Bavière la fameuse lettre adres sée à Bismarck, proposant de conférer au roi de Prusse la dignité impériale, lettre qui constituait l'ultime maillon dans la chaîne des actions diplomatiques. Sous les prétextes les plus futiles, le roi Louis essaya de se dérober à la signature de cette lettre et même, feignant un mal de dents, chercha refuge dans son lit. Par bonheur, Holstein n'était pas de ces êtres qui font la révérence devant la porte close d'une chambre royale mais savent, dans les situations décisives, se la faire ouvrir.

(1) Après l'occupation de la Grèce en 1941.

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HITLER CET INCONNU 160.

30/6/1942 (midi). LE MORAL RUSSE PENDANT LES DEUX GUERRES MONDIALES

Von Küchler, vainqueur dans les combats défensifs du secteur nord du front oriental, qui vient d'être fait maréchal, déjeune à la table de Hitler. Le Chef goûte fort la façon bonhomme dont le maréchal parle de la difficile et pénible bataille de Volkhov, Au nombre de prisonniers déjà signalés, dit celui-ci, il faut ajouter dix mille blessés. On ne les avait pas comptés tout d'abord, car il avait fallu les sortir des marécages où ils s'étaient enlisés. Les soldats russes de premières lignes, rapporte-t-il, ne manifestaient aucun intérêt à la poursuite du combat mais nourrissaient un seul désir : « rentrer chez soi », ce qui ne les empêchait pas de se battre comme des bêtes jusqu'à leur dernier souffle ; il fallait les tuer un par un. Nulle part on n'a vu, comme dans la Première Guerre mondiale, des soldats russes planter leur fusil la crosse en l'air dans la terre et évacuer les tranchées. 161.

Soir. LE VÉRITABLE ARTISTE NE MÛRIT QUE PAR SA PROPRE EXPÉRIENCE

Cette guerre, observe le Chef, agit beaucoup plus sur la sensibilité artistique que la précédente. Les œuvres des artistes qu'il a rappelés au bout d'un ou deux ans de services de guerre, et qui représentent des choses vécues, sont parmi les plus précieuses qu'on puisse montrer dans nos expositions sur l'art actuel. C'est la preuve patente que le talent d'un véritable artiste mûrit par la pratique, par la chose vécue, et non par l'enseignement académique. Dans les académies, la plupart des maîtres n'ont pas assez de perspicacité et de jugement pour aider le véritable talent à percer. Quand on pense que l'Académie prussienne refusa les belles marines de Bock ! Cette même académie n'hésitait pas à accro475


HITLER CET INCONNU cher, dans le même temps, d'horribles croûtes aux murs de ses expositions. Elle essaie constamment de faire entrer à la maison de l'Art allemand des barbouillages qu'elle recommande, mais ils sont expulsés inflexiblement. On connaît bien son opinion sur la valeur des académies. Mais il est difficile d'empêcher que, dans ces établissements, sous leur forme actuelle, les enseignants soient des gens incapables de vendre un tableau dans la vie courante. On se trouve devant l'alternative : ou bien prendre comme enseignants des gens capables qui sont alors perdus pour la création artistique pratique, ou bien y mettre des nullités qui ne peuvent être de bons éducateurs pour les jeunes. En réfléchissant à ce problème, il faut, tout d'abord, se demander si, finalement, il n'est pas dans l'intérêt de la création artistique de ne voir entrer dans les académies actuelles que des zéros. Est-ce que si Herr Weidenmann et tous nos grands metteurs en scène entraient comme professeurs dans une académie du film, notre production cinématographique ne perdrait pas instantanément une grande partie de sa valeur ? Un des caractères des académies d'aujourd'hui est qu'elles cherchent aussitôt à étrangler un génie qui se révèle. Dès qu'un génie entre dans le champ de vision des médiocres « grands » de ces académies, ils se hérissent contre lui. Il faudrait changer complètement la nature même de ces académies, les décomposer en un certain nombre d'ateliers, semblables aux Ateliers d'Art. On demanderait ensuite aux grands artistes s'ils acceptent de diriger un de ces ateliers. En cas d'affirmative, on les laissera choisir les élèves qui, par leur application et ce qu'ils ont déjà produit, semblent dignes de recevoir cette formation par les grands maîtres. En créant de telles académies, on supprimera cette absurdité qui consiste à vouloir apprendre à des peintres à baragouiner des langues étrangères, à jongler avec des formules mathématiques, etc., absurdité qui ne peut avoir pris naissance que dans une cervelle de moineau. Le but suprême d'une académie de peinture doit être d'apprendre à ses élèves la peinture, encore la peinture, toujours la peinture. Il s'irrite également sans cesse que dans les Ecoles normales on 476


HITLER CET INCONNU s'efforce d'enfourner des connaissances dans le cerveau des futurs instituteurs alors qu'ils n'auront à enseigner aux enfants que les rudiments du calcul, de la lecture et de l'écriture. A-t-on besoin de tant de science pour apprendre à des gosses de six ans à épeler b, a : ba ? H est aussi stupide de vouloir, à l'école, enseigner le plus de choses possibles. Un ou deux ans plus tard, les enfants ont tout oublié. La direction scolaire devrait établir ses programmes pour donner à l'enfant uniquement les connaissances dont il aura besoin dans la vie pour devenir un homme. Il est beaucoup plus sensé de le faire vivre le plus possible au grand air. On obtiendra ainsi une progéniture saine, capable de supporter la fatigue physique sans tomber aussitôt sur les genoux. 162.

1/7/1942 (midi). ARRESTATION DES FAMILLES

Le général Bodenschatz (officier de liaison de Goering au F.H.Q.) parle au déjeuner d'un frère du prince Starhemberg qui sert comme officier dans la Luftwaffe. On a appris récemment qu'un autre frère, servant dans l'armée, en avait été exclu sur une instruction du Chef. Le Starhemberg aviateur s'étant toujours bien comporté et étant particulièrement bien noté, on n'a pas cru devoir présenter son cas au Chef. Certaines familles, répond celui-ci, qui exercent une grande influence politique, portent de ce fait une responsabilité correspondante. Si un de leurs membres fait mauvais usage de cette influence, il est parfaitement naturel que tous les autres en souffrent. Il leur appartient de prendre à temps leurs distances du parent coupable. Les Japonais poussent si loin ce principe de la responsabilité familiale que, chez eux, toute famille possédant une influence politique ou militaire, a le devoir tacite d'empêcher ses membres de commettre un acte quelconque qui peut nuire au Japon. Si elle n'y parvient pas, si le prestige de la famille est compromis par une « brebis galeuse », tous les adultes de la famille font hara-kiri pour rétablir son honneur. 477


HITLER CET INCONNU Ce principe de la responsabilité familiale doit s'appliquer aux frères du traître Starhemberg. Cette famille princière compte, depuis des siècles, parmi les plus influentes de l'Autriche ; elle aurait donc dû, même au temps du Système, ne jamais méconnaître ses devoirs envers la collectivité allemande. Mais à quoi bon parler de ce sujet irritant, mieux vaut se réjouir de la prise de Sébastopol (1) ! Lorsque le communiqué spécial annonçant cette prise se fait entendre dans le haut-parleur de notre petit poste de radio, Hitler se lève, et toute l'assistance avec lui, pour écouter, le bras tendu, l'hymne national qui le suit. Au déjeuner (lors de la lecture des dépêches), le Chef fait observer qu'une communication donnée à la presse par le ministère britannique de l'Information, dans laquelle il cherche à minimiser l'importance d'Alexandrie pour l'Empire, constitue un signe très sûr de l'effondrement de la puissance des Anglais en Egypte. La direction de la presse anglaise est toujours remarquablement informée et fonctionne avec précision ; dès que le gouvernement pense ne plus pouvoir tenir un dominion ou quelque autre morceau de l'Empire, elle entre aussitôt en action pour minimiser la chose et détourner l'attention de l'opinion publique sur d'autres sujets. Le gouvernement a dû donner une instruction de ce genre dans le cas de l'Egypte. Si la porte de Hongkong et de Singapour toucha principalement les Anglais fortunés, celle de l'Egypte atteindra même l'homme de la rue qui la considérait comme un des piliers les plus importants de sa prospérité. Si elle se produit, Churchill et ses gens devront craindre un renforcement considérable de l'opposition. Dès aujourd'hui, il faut le noter, vingt et un membres de la Chambre des Communes n'ont pas hésité à se prononcer contre Churchill (1). Celui-ci ne pourra se maintenir uniquement par des mesures comme l'introduction du vote fractionné des deux (1) Sébastopol fut pris le 1 e r juillet 1942, après un long et difficile assaut de trois semaines. (2) La défaite subie en Afrique du Nord porta effectivement une atteinte passagère au prestige de Churchill (25 députés votèrent contre lui lors d'une motion de confiance).

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HITLER CET INCONNU grands partis. Il lui faut, par une manœuvre habile de l'opinion publique, détourner l'intérêt des Anglais de l'Egypte pour le concentrer par exemple sur l'Inde ; c'est pour lui la seule manière d'empêcher ce renforcement considérable de l'opposition. Après le déjeuner, le Chef parle d'un certain baron von Liebig. Celui-ci passait pour un national à tout crin et, à cause de cela, lui fut présenté. Mais le Chef remarqua aussitôt son aspect juif caractérisé. On lui assura que dans l'arbre généalogique du baron, qui remontait fort loin, on ne trouvait aucune trace d'introduction de sang non aryen. Or, on vient de découvrir qu'une de ses aïeules était née à Francfort-sur-le-Main en 1616 de parents complètement juifs. Plus de trois cents ans séparent donc cette juive du baron d'aujourd'hui ; il porte pourtant sa marque bien qu'il n'ait, d'autre part, que des aryens dans son ascendance. Cela confirme sa constatation, faite au sujet de l'Anglais Cripps, que, dans les métissages — même si l'influence du sang juif est très faible — un Juif de race pure finit toujours par reparaître. Cette race est vraiment tenace. On en trouve une autre confirmation dans la personne de Roosevelt. Celui-ci qui, dans sa façon de traiter les affaires politiques et d'argumenter, se comporte en Juif, s'est récemment vanté d'avoir du « noble » sang juif. L'aspect nettement négroïde de sa femme ne peut s'expliquer que d'une façon : c'est une demi-sang et elle porte manifestement des traces de métissage avec les races américaines de l'est (1). Ces exemples devraient montrer à tout esprit raisonnable l'énorme danger que le métissage constitue pour les deux côtés. La Providence a fait des races différentes une fois pour toutes. Un sang étranger n'est jamais complètement assimilé, il finit toujours par reparaître. Notre peuple se nuit donc à lui-même en autorisant des métis à servir militairement et en leur offrant ainsi la possibilité de se mettre au même rang que les purs allemands. Il faut éviter que des éléments étrangers se mêlent encore à notre sang. Les excep(1) Il y a manifestement une erreur, c'est « sud » qu'il faut lire.

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HITLER CET INCONNU tions faites en faveur des métis doivent, par conséquent, rester limitées au plus strict minimum. (Durant ces déclarations, un planton m'apporte une carte du Reichsleiter Bormann : Docteur Picker, notez très exactement et en détail ce que dit le Führer sur le danger que présentent nos métis juifs, sur les raisons qui s'opposent à leur admission dans la Wehrmacht et à leur traitement égalitaire.) 163.

Soir. LES RÉALISTES COMME CHURCHILL NE TIENNENT COMPTE QUE DES FAITS

En aucune circonstance, dit le Chef, la Wehrmacht n'a à s'occuper des affaires de politique intérieure. Elle a pour mission de porter les armes face à l'étranger ; donc, en temps de paix, elle doit uniquement se préparer aux futurs combats. La conversation revient sur Sébastopol. Le communiqué spécial qui annonçait sa prise a eu une contrepartie très curieuse, observe le général Jodl : le communiqué anglais annonçant la destitution du général Ritchie, le vaincu de Tobrouk. Surtout, dit le Chef, notre communiqué sur Sébastopol tombe admirablement bien en ce moment où la Chambre des Communes discute les résultats de la politique de Churchill. Le Reichsleiter Bormann souligne que la réaction des députés anglais à notre communiqué pourrait se produire cette nuit même. Oui, dit le Chef, on imagine très bien ce que doivent penser les Anglais, d'autant plus qu'ils traitaient déjà Churchill de « miserabel » ; malheureusement ils n'ont aucun autre dirigeant d'envergure. Un fait montre combien Churchill est « miserabel », jusqu'à quel point il mêle ses intérêts capitalistes personnels à la politique : lors des opérations contre Narvik il y envoya son neveu comme correspondant de guerre de façon à assurer à celui-ci les profits d'un reportage sur l'entrée des Anglais dans cette ville. A des gens comme Churchill, on le comprend, il faut faire entendre non pas des mots mais le froid langage des faits. 480


HITLER CET INCONNU Il n'a été possible de faire annuler l'ordre de ne pas donner d'eau aux prisonniers allemands, en Afrique, qu'en ordonnant la même mesure à l'égard de tous les prisonniers de guerre anglais. Le résultat désiré a été atteint dans les douze heures. Déjà pendant la (Première) Guerre mondiale, les Anglais avaient employé des prisonniers allemands à des travaux immédiatement en arrière du front ; ils y renoncèrent lorsque nous plaçâmes des prisonniers anglais dans la zone de feu avec, ostensiblement parmi eux, le fils de lord Grey. Il est regrettable que nous n'ayons pas parmi nos prisonniers importants autant d'Anglais que de Russes. Nous avons entre les mains un fils de Staline et un neveu de Molotov, observe le maréchal Keitel, et avons dû soigner le second parce qu'il avait les pieds gelés. Nous nous étions toujours étonnés, dit le Chef, de ne jamais entendre les Russes parler de gelures. Nous savons maintenant qu'ils fusillent ceux de leurs soldats qui en sont atteints, en les accusant de « mutilation volontaire », afin d'éviter des troubles à l'intérieur. 164.

217/1942 (midi). LES CHARS COMME ARME OFFENSIVE GRANDS DIPLOMATES ÉTRANGERS

Au déjeuner, le Chef aborde des questions militaires. L'emploi des éléphants comme arme offensive, à l'époque d'Annibal, eut un effet décisif, dit-il entre autres choses ; aujourd'hui, ce sont les chars qui constituent l'arme offensive la plus complète et la plus efficace. Mais, comme ce fut le cas pour les éléphants d'Annibal, le char perdra de sa valeur après cette guerre, il sera refoulé puis complètement éliminé par des armes nouvelles. A l'occasion d'une dépêche annonçant que l'ambassadeur turc à Berlin, Gerede, était rappelé dans son pays pour devenir ministre des Affaires étrangères, le Chef parle de la liesse déclenchée à Ankara par la prise de Sébastopol. Cette liesse montre bien la haine qu'ont les Turcs pour les Russes, Que Gerede devienne ministre des Affaires étrangères ne peut que nous réjouir. Gerede n'a pas, comme diplomate, l'envergure du géné481 16


HITLER CET INCONNU ral Oshima (1), mais il est parfaitement convaincu de la nécessité d'une collaboration entre la Turquie et l'Allemagne. Oshima et Gerede sont les plus capables des diplomates étrangers actuellement à Berlin. Si le premier agit avec tant de fermeté, c'est qu'il a derrière lui, dans l'armée japonaise, une organisation cohérente qui s'entend à toujours agir, même dans les affaires politiques, pour l'intérêt national du Japon. Gerede ne peut s'appuyer sur un élément de force aussi puissant. Son pays possède une armée apolitique, il lui faut donc servir les intérêts de la Turquie avec la souplesse d'une épée flexible. S'il devient ministre des Affaires étrangères, le problème du Proche-Orient prendra pour nous un aspect tout à fait nouveau. Car l'autre meneur de jeu dans cette région, le Grand Mufti (2), est un homme qui, avec sa passion nationaliste, voit dans la politique un moyen de servir les intérêts des Arabes et non quelque utopie. Avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus, et malgré sa face de musaraigne, il donne l'impression de compter plus d'un Aryen dans ses aïeux et, peut-être, d'avoir dans les veines le meilleur sang romain. Au cours des discussions il s'est révélé être un fin renard ; en vue de gagner du temps pour réfléchir, il se fait traduire certaines choses non seulement en français mais aussi en arabe, et il pousse la prudence jusqu'à s'en faire écrire d'autres. Quand il parle, il soupèse chacun de ses mots. Dans l'astuce, il égale presque les Japonais. Ceux-ci sont des diplomates vraiment habiles, comme l'illustre un petit exemple où, il doit l'avouer, il fut lui-même la dupe. Quelqu'un avait émis la théorie que les Japonais, à cause de quelque trouble du sens de l'équilibre, ne pouvaient faire de bons pilotes d'avion. Les hommes d'Etat nippons ayant remarqué que cette blague était facilement avalée par un pays après l'autre, à cause du manque d'esprit critique des états-majors, firent tout leur possible pour la répandre et l'accréditer. Sous ce couvert (1) Ambassadeur japonais à Berlin dont Hitler s'exagérait l'influence. (2) Hussein, grand mufti de Jérusalem, était passé en territoire contrôlé par les Allemands et essayait d'agir sur les Arabes par la propagande radiophonique.

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HITLER CET INCONNU le Japon put se donner une aviation dont la victoire de Pearl Harbor a révélé la valeur au monde stupéfait. Lui-même a plusieurs fois appliqué avec succès le vieux principe consistant à ne pas détromper les représentants des puissances étrangères qui commettaient des erreurs de jugement favorables pour nous. Quand il entreprit de réarmer, après la prise du pouvoir, il lui fallut constamment s'attendre à une réaction des puissances occidentales. Les bruits annonçant un conflit d'opinions entre les S.A. et la Reichswehr lui furent alors très utiles. L'ambassadeur de France François-Poncet, qui, pourtant, ne se trompait jamais dans l'appréciation des événements, tendit l'oreille à ces bruits d'une façon typiquement française, et plus on lui en parlait, plus il assurait Paris qu'une intervention militaire de la France ne serait pas nécessaire parce que la tension entre les S.A. et la Reichswehr finirait par provoquer une lutte à mort entre elles. Lors du putsch de Röhm, le gouvernement de Paris imagina que les Allemands recommençaient à se battre entre eux comme au Moyen Age et que, une fois de plus, la France jouerait le troisième larron à leurs dépens. Ce putsch de Röhm fut donc très utile, car il retarda la prise de mesures militaires par la France et, au-delà d'elle, par l'Angleterre, jusqu'au moment où, à cause des progrès du réarmement allemand, il fut trop tard. Pourtant, ajoute Hitler, il se réjouirait d'avoir parmi nos diplomates quelqu'un de l'envergure de François-Poncet, car ce Français est, avec son esprit cosmopolite, non seulement un représentant très convaincant de la culture européenne, mais aussi, sur la scène diplomatique, un adversaire à ne pas sous-estimer à cause de ses manières conciliantes et de la générosité avec laquelle il distribue des pralines. Le fait qu'il fit venir, une fois, tout un wagon de pralines de France montre l'ampleur de ses relations.

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HITLER

CET INCONNU

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Soir. LA MORT DE JEANNE D'ARC, LEÇON ÉTERNELLE COLONISATION DE LA CRIMÉE L'HEURE DE LA LIBERTÉ POUR L'ÉGYPTE ?

Au dîner, le Chef parle au Reichsleiter Bormann des livres que celui-ci lui a fait remettre. Il a été tout particulièrement intéressé par une anthologie des Lettres sur la Religion de Frédéric le Grand et par les Controverses théologiques de celui-ci. Faire parvenir ces écrits à tous les Allemands — spécialement aux dirigeants, amiraux et généraux en tête — serait vraiment une excellente chose, car il en ressort que lui, le Chef, n'est pas seul à avoir des idées « hérétiques », qu'il se trouve, au contraire, à cet égard, en accord avec un des plus grands Allemands. En étudiant les livres qui traitent des rapports entre l'Etat et l'Eglise, il est navrant de constater avec quelle facilité un gouvernement sacrifie les véritables intérêts du peuple au bénéfice de quelque idéologie ou de quelque coalition d'intérêts. C'est la seule façon d'expliquer qu'une héroïne de la liberté comme Jeanne d'Arc — Shaw l'a beaucoup mieux présentée que Schiller — ait pu être trahie par ses compatriotes influents et brûlée comme sorcière. La dissertation d'Ernst Haugg sur la « Deutschlandlied » montre bien ce qu'on peut attendre, en pareil cas, de la pensée juridique des tribunaux. D'après lui, des tribunaux allemands seraient allés jusqu'à qualifier de « nuisible à l'Etat » les chants de la liberté d'un Allemand aussi important que Hoffmann von Fallersleben, car les juges ne virent pas, au-delà des intérêts de la dynastie régnant dans leur Etat, ceux beaucoup plus grands de l'ensemble du peuple allemand. Sachant cela, il faut être très reconnaissant à la monarchie habsbourgeoise d'avoir maintenu très haut l'idée allemande, même à l'époque où le Reich s'était morcelé en petits Etats opposés entre eux par des intérêts dynastiques. Le Chef dit avoir lu un mémoire du gauleiter Frauenfeld sur la résolution du problème posé par le Tyrol méridional. Frauenfeld propose d'envoyer tous les Tyroliens du Sud en Crimée pour

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HITLER CET INCONNU s'y installer en colons. Ainsi disparaîtrait une fois pour toutes cette vieille pomme de discorde avec l'Italie. Il juge cette proposition extrêmement judicieuse, car aucun endroit du monde ne s'est montré plus apte que la Crimée à l'entretien d'un peuple. Les Tartares et les Goths en sont de vivants exemples. En outre, il est convaincu que, par son climat et son sol, la Crimée est ce qui peut convenir au mieux aux Tyroliens du Sud. Par rapport à la région où ils vivent actuellement, ce sera, pour eux, une terre où coulent le lait et le miel. Leur transfert en Crimée ne soulève aucune difficulté matérielle ou psychologique particulière. Ils n'auront qu'à descendre un fleuve allemand, le Danube, et ils seront arrivés chez eux. Après le dîner, le Reichspressechef Dietrich remet au Chef un rapport signalant que les Anglais ont donné à leur presse une communication dans le genre de celle que le Chef évoquait au déjeuner. Cette communication déclare effectivement que la perte de l'Inde ébranlerait l'Empire britannique mais que l'abandon de l'Egypte causerait plus de difficultés au commandement allemand qu'à l'Angleterre. En bloquant les ports, en détruisant les routes, en minant le canal de Suez, on pourrait interdire l'arrivée de tout ravitaillement à l'Afrikakorps qui se trouverait ainsi pris au piège. Après avoir lu ce rapport, le Chef observe qu'on ne pouvait tout de même pas s'attendre à voir les Anglais tirer aussi vite un trait sur l'Egypte. D'autre part, ces mensonges montrent que, lorsque Churchill sera mort, il faudra nous préoccuper d'empêcher que survive sa jactance que rien ne peut ébranler. Il est très important qu'entre immédiatement en action notre propagande pour faire comprendre au monde entier que l'heure de la liberté a sonné pour l'Egypte. Si la proclamation à ce sujet est assez adroitement rédigée elle aura des répercussions extraordinaires dans d'autres parties de l'Empire britannique, en particulier au Proche-Orient. Il importe, en outre, d'inciter le roi d'Egypte à se soustraire au plus vite à la « protection » des Anglais et à se cacher en quelque endroit jusqu'au moment où nous le ramènerons et le rétablirons solennellement sur son trône. Aux Affaires étrangères 485


HITLER CET INCONNU de lui adresser une invite dans ce sens. Espérons que cela ne sera pas trop malin pour Messieurs nos diplomates. 166.

3/7/1942 (soir). LES BATEAUX ET LES AVIONS A L'ÈRE DE L'AVIATION

En arrivant dans la salle à manger, le Chef entend le capitaine Baur et l'amiral Krancke discuter de la rentabilité des transports aériens par rapport aux transports maritimes. Des maintenant, observe-t-il, les premiers se sont assuré une rapidité plus grande. Une amélioration décisive de la rentabilité ne sera possible, à son avis, dans l'état actuel de la construction aéronautique, que par l'adoption par les avions du moteur à réaction. Le capitaine Baur ayant signalé que le nombre des passagers transportés par un avion pouvait facilement être porté entre soixante et cent, le Chef déclare qu'il n'y a aucun souci à se faire à cet égard. Dans les dix années qui viennent, les avions à passagers atteindront des dimensons telles qu'on pourra même y installer un bain. Pourtant, remarque l'amiral Krancke, les navires n'auront pas à craindre la concurrence des avions même si ceux-ci connaissent un développement extraordinaire, car on n'en construira jamais d'assez grands pour remplacer les bateaux dans le transport du charbon, du bois, des minerais. Ce n'est pas nécessaire, riposte le capitaine Baur. Les chemins de fer ont eux-mêmes laissé aux chalands le transport des tuiles. Le Chef termine la discussion en déclarant qu'il faut considérer les choses sous l'angle de l'évolution. De même que l'oiseau constitue un degré d'évolution beaucoup plus élevé que celui du poisson volant, et celui-ci un grand progrès sur le poisson ordinaire, le bateau n'est qu'un stade préliminaire de l'avion. L'avenir appartient à celui-ci.

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HITLER CET INCONNU 167.

4/7/1942 (midi).

Le Reichsmarschall déjeune à la table du Chef. Il en impose par le calme qu'il rayonne, par sa bonne humeur, par son assurance absolue et aussi par son attitude de fidélité totale, inconditionnelle. Goebbels l'a qualifié quelque part d' « homme au cœur d'enfant ouvert et croyant ». La conversation porte d'abord, avec le Secrétaire d'Etat Backe, sur des questions de ravitaillement, en particulier sur la façon de se procurer de l'huile végétale africaine dont une partie se trouve à Marseille, stockée pour nous, et dont une autre partie pourrait être obtenue par échange contre de l'essence en Afrique du Nord, où on l'emploie comme carburant. Goering explique comment il a constitué des stocks pour l'Allemagne dans le monde entier sans que sa main droite sût toujours ce que faisait sa main gauche. Le Chef observe qu'il ne lui est pas aussi facile de régler ses problèmes personnels. A commencer par le domaine financier. S'il ne recevait pas d'énormes droits d'auteur pour son livre Mein Kampf qui vient de paraître en japonais et qui a atteint, après la Bible, le plus fort tirage du monde, il ne saurait comment payer les subventions accordées par lui à des musées, à des galeries de tableau, à des villes comme Linz. Il ne pourrait même pas payer les frais de fonctionnement du quartier général qu'il a pris à sa charge pour éviter des discussions bureaucratiques avec la Cour des Comptes. H ne reçoit qu'un seul traitement officiel, les 36 000 RM. attribués au Chancelier, et cela ne représente même pas le dixième de ses dépenses. Dépenser ainsi son argent ne lui est pas pénible, car il ne pourra l'emporter avec lui dans la tombe. Il n'a pas d'héritier et il n'est manifestement pas fait pour jouir des plaisirs de ce monde mais plutôt, en reprenant un mot du Vieux Fritz, pour transformer celui-ci. Le Chef parle ensuite de ses traversées en mer, dit qu'il a été malade, et il raconte aussi l'histoire d'une promenade manquée en barque, sur le Danube, près de Linz, qu'il termine par ces mots : « Mais que diable allais-je faire dans cette barque ! » Comme il a toujours été très maigre, il n'a jamais été qu'un mauvais nageur. Aussi préfère-t-il s'abstenir de monter à bord de n'importe quel bateau si ce n'est pas absolument nécessaire. 487


HITLER CET INCONNU Il ne fait pas, non plus, d'équitation, quoique Hoffmann ait tenu à le photographier un jour sur un cheval. D'ailleurs, une expérience de ce genre lui coûterait certainement une importante partie de sa popularité. Le peuple l'a vu en auto, il accepterait de le voir dans un véhicule blindé, mais sur un cheval... jamais ! D'ailleurs, il n'aime pas du tout les « coups d'épate ». Ils tournent facilement mal comme on le constate souvent dans les revues et les défilés. Avec les chevaux, il arrive toujours quelque chose. Un jour, la monture d'un timbalier s'emballa et, comme il s'accrochait vigoureusement avec les jambes pour ne pas tomber, lui arracha complètement sa culotte. S'il avait porté sa grosse caisse à pied cela ne lui serait pas arrivé. Une autre fois, un tambour-major de la Leibstandarte qui lançait sa canne en l'air, manqua à la rattraper, elle alla rouler dans les jambes des spectateurs. Et ainsi de suite. Le Reichsmarschall évoque les somptueux uniformes des anciennes revues impériales, ceux des cuirassiers, des uhlans, etc. A l'occasion d'une dépêche sur des agissements américains, le Chef observe que les Etats-Unis pratiquent souvent le chantage dans leur politique. Pendant un certain temps ils cessèrent d'acheter du caoutchouc au Brésil pour bien faire comprendre à celuici leur importance comme client. Ceci fait, ils se déclarèrent prêts à acquérir toute la récolte de caoutchouc du Brésil si celui-ci leur offrait des compensations politiques. Si ce genre de politique leur réussit, remarqua le Reichsmarschall, c'est à cause de l'infériorité raciale des peuples de l'Amérique du Sud qui sont d'ailleurs nettement hostiles aux Allemands. Cette infériorité se manifeste aussi dans le comportement envers les Allemands qui y résident, comportement manifestement inspiré par la haine instinctive des médiocres pour les êtres supérieurs. Il serait bon d'aller y débarquer quelque jour pour mettre à ces gens notre poing sous le nez. « Pas de débarquement, pour l'amour du Ciel ! » s'exclame le Chef. Il se réjouit chaque fois qu'il peut « rapatrier » un soldat allemand.

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HITLER CET INCONNU 168.

Soir. BAPTÊME DES NAVIRES DE GUERRE HACHA, SAUVEUR DU PEUPLE TCHÈQUE LA POLITIQUE CONTRE LE VATICAN LES CONCORDATS

On s'étonne toujours, dit le Chef, que des hommes comme Ulrich von Hutten et Götz von Berlichingen aient eu des idées aussi progressistes. Il faut déplorer qu'ils n'aient pas eu derrière eux une idéologie forte et cohérente qui leur aurait donné l'impulsion morale nécessaire. A cause de leur fidélité absolue à l'idée allemande, ils auraient mérité que le peuple conserve mieux leur souvenir. Aussi a-t-il suggéré de donner leur nom à de futurs cuirassés ou autres grands navires de combat. Il a refusé que son propre nom fût donné à un navire, car les gens superstitieux auraient vu, dans tout ce qu'il arrivait de mal à celui-ci, de mauvais présages pour son action. Qu'on s'imagine l'effet si un bateau portant son nom devait passer six mois ou plus en réparations ! On peut en juger par celui que produisit sur les Soviétiques l'annonce de la destruction du fort « Staline » à Sébastopol. Dans un Etat bâti sur une idéologie, il faut être très prudent dans les choix des baptêmes se rapportant à des événements ou à des personnages de l'histoire de son développement. Les navires soviétiques : Révolution d'Octobre. Marat et Commune de Paris constituent des exemples frappants. Aussi a-t-il ordonné de changer le nom du croiseur cuirassé Deutschland (1), car la perte d'un navire ainsi baptisé aurait été plus vivement ressentie par tout le peuple que celle de n'importe quel autre. Pour la même raison, il a interdit de donner à des bateaux le nom des divers champions de l'idéologie nationale-socialiste. Mais on peut toujours baptiser un cuirassé Götz von Berlichingen, car ce nom jouit d'un tel prestige dans le peuple que, même si dix bateaux le portant étaient coulés, son attribution à un onzième serait encore favorablement accueillie. (1) « Allemagne ». Le nom fut changé en Lützow à l'automne de 1939.

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HITLER CET INCONNU Le Chef déclare, à propos d'une dépêche, qu'un appel a été lancé à tous les Tchèques, en Bohême et Moravie, pour qu'ils collaborent étroitement et en masse avec le Grand Reich ; tous ceux qui resteront à l'écart seront considérés comme des traîtres à leur race. Cet appel résulte d'une conversation qu'il a eue avec le président Hacha, à la Chancellerie, à l'occasion des obsèques nationales de l'Obergrupenfiihrer Heydrich. Il a dit à Hacha et aux membres du gouvernement tchèque qui l'accompagnaient, que nous ne pouvions plus tolérer qu'il soit porté atteinte aux intérêts du Reich dans le Protectorat et que, éventuellement, un transfert de la population tchèque serait envisagé, ce qui, pour nous, qui avons déjà déplacé des millions d'Allemands, ne constituait pas un problème. A cette annonce, Hacha et ses collaborateurs s'effondrèrent complètement. Au bout d'un moment, ils demandèrent si — partiellement et de façon très prudente — ils pouvaient faire état de cette déclaration devant le peuple tchèque. Comme le Chef considère les Tchèques comme des travailleurs laborieux et intelligents et qu'il a à cœur de maintenir la paix politique dans leur pays, à cause des deux grandes et importantes fabriques d'armes qui s'y trouvent (Skoda), il a accepté que le gouvernement du Protectorat fît une déclaration. Que cette action du gouvernement du Protectorat soit aussi nettement favorable aux Allemands, on le doit en particulier au ministre Meissner. Après la réception par le Führer, Meissner fit un petit tour de jardin avec ces Messieurs tchèques et, en réponse à leurs questions angoissées, les assura que, tel qu'il connaissait le Führer, celui-ci ne reviendrait pas sur une décision éventuelle d'un transfert des Tchèques. Ces Messieurs ont si bien compris qu'ils ont adopté pour leur politique future le principe d'extirper complètement les gens de Bénès, avec leurs intrigues pro-soviétiques, et de ne tolérer aucune neutralité dans cette lutte pour le maintien de la race tchèque, d'expulser quiconque ne sera ni chaud ni froid. Manifestement, les membres du gouvernement du Protectorat sont heureux d'avoir des raisons valables devant leur peuple pour agir contre les gens de Bénès. Ils n'ont jamais eu pareille 490


HITLER CET INCONNU occasion d'appliquer le mot d'ordre : « Qui n'est pas pour moi est contre moi », et de saisir ainsi leurs adversaires au collet. En tout cas, quand le Chef prit congé de Hacha et de ses collaborateurs, il eut l'impression qu'ils partaient soulagés parce qu'ils pouvaient prévenir leur peuple des conséquences qu'aurait pour lui un comportement dommageable au Reich. Le Chef parle encore du problème que posent les relations diplomatiques avec le Vatican. Il ne pense pas qu'il faille envisager de mettre à la retraite notre représentant auprès du Vatican et de le remplacer, car nos rapports sont déterminés par le concordat. Celui-ci fut conclu en son temps comme une continuation des concordats avec les Lander que l'absorption de ceux-ci par le Reich rendait caducs. Le fait constitue un élément important mais non intégrant de ce concordat. A son avis, il découlait automatiquement de la suppression des droits de souveraineté des Länder que les relations extérieures avec le Vatican nous fussent transmises. La guerre en a empêché la réalisation pratique. D'autre part, il n'a manifesté aucune bienveillance aux efforts faits par le Vatican pour étendre ce concordat aux territoires récemment acquis par le Reich. La Sarre, les Sudètes, la Bohême-Moravie, le Reichsgau Dantzig-Prusse-Orientale, le Warthegau, une grande partie de la Silésie, l'Alsace-Lorraine, n'ont aujourd'hui avec l'Eglise catholique aucun rapport réglementé par un accord diplomatique. Par conséquent, toutes les questions religieuses doivent se régler localement. Lorsque le nonce voulut essayer d'exercer une influence dans ces régions par l'intermédiaire des Affaires étrangères, on aurait dû le décourager. En l'absence de tout concordat, fallait-il lui dire, le règlement des affaires religieuses dans ces régions est exclusivement du ressort du représentant local de l'autorité de l'Etat, c'est-à-dire du Reichsstatthalter et des dignitaires ecclésiastiques locaux les plus élevés. Le mieux eût été de faire faire cette communication au nonce par le ministre Lammers. Malheureusement, dans leur recherche constante de nouvelles compétences, les Affaires étrangères se sont laissé circonvenir par le légat papal. Il faut trouver, maintenant, le moyen de se dégager. A notre point de vue, il est favorable pour le développement 491


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des rapports entre l'Etat et l'Eglise, que, dans presque la moitié du Reich, les affaires religieuses puissent être réglées sans l'entrave du concordat, c'est-à-dire régionalement, par les Reichsstatthalter. Une réglementation uniforme ne pourrait que nous gêner dans notre intention d'assainir les rapports entre l'Etat et l'Eglise, l'Eglise catholique s'efforçant toujours de généraliser ce qui existe à nos points faibles, c'est-à-dire dans les régions où subsistent des accords qui répondent le mieux à ses désirs. Autrement dit, dans une réglementation pour le Reich nous devrions nous fonder sur le maillon le plus faible de notre chaîne, c'est-à-dire sur les régions idéologiquement les plus arriérées. Dans une réglementation par gau, ce désavantage disparaîtrait, les gauleiters pourraient, en fonction de la situation locale, faire progresser la population dans notre sens. Si, d'une façon générale, le Chef ne pense pas beaucoup de bien des Américains, il lui faut, à cet égard, leur rendre hommage. Leurs hommes d'Etat ont su placer l'activité de l'Eglise sur une base vraiment raisonnable, c'est-à-dire dans le cadre du droit d'association général. Comme, en outre, l'Etat ne donne pas un sou, toute la prêtraille rampe derrière eux et chante leurs louanges. Rien d'étonnant à cela, car les frocards veulent vivre et comme ils n'obtiennent pas suffisamment d'argent des fidèles, ils ont besoin de recevoir des subventions de l'Etat. N'y ayant aucun droit légal, ils doivent essayer constamment d'acquérir la bienveillance de celui-ci. Si nous ne versions plus un milliard par an à nos curés, ils perdraient vite leur insolence et, au lieu de nous vilipender, viendraient manger dans notre main. En leur accordant des sommes bien inférieures, nous pourrions les faire agir comme nous le désirons. Ces subventions, il ne faudrait les verser qu'à des frocards particuliers. Par exemple si nous donnons un million à un évêque pour lui et son clergé, il commencera par mettre les trois cent mille premiers marks dans sa cassette personnelle, sinon il ne serait pas un vrai calotin. La distribution du reste parmi ses subordonnés ne manquera pas de déclencher des querelles d'envie dont nous ne pourrons que nous amuser. 1l est un point sur lequel nous devrons rester d'une fermeté de roc : toutes les demandes d'intervention de la prêtraille devront

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HITLER CET INCONNU être refusées immédiatement et sans discussion. La raison à donner est évidente. D'après sa doctrine même, les laïcs, ne disposant pas des remontants spirituels de l'Eglise, ne peuvent nulle part rétablir l'ordre aussi bien que le clergé. Comment un pauvre homme d'Etat comme lui, par exemple, pourrait-il intervenir dans ce système si compliqué, alors qu'il manque de la lumière nécessaire d'en haut ? L'attribution des subventions à la prêtraille doit, bien entendu, comme dans toutes les autres conventions, être exclusivement du ressort des Reichsstatthalter. Il n'y a évidemment pas à craindre que ceux-ci concluent avec l'Eglise des contrats dirigés contre le Reich ou nuisibles aux intérêts de celui-ci, car, d'une part, on tient bien en main les divers gauleiter et. de l'autre, la plupart des Reichsstatthalter se montrent, à cet égard, encore plus sévères que lui. C'en sera fini du concordat après la guerre. Personnellement, il se fera un plaisir de présenter à l'Eglise la liste de tous les cas où elle l'a elle-même violé. Qu'on pense à l'étroite collaboration de l'Eglise avec les assassins de Heydrich ! Ceux-ci furent non seulement recueillis dans une église d'un faubourg de Prague, mais furent autorisés à se retrancher dans la crypte. L'évolution des rapports entre l'Etat et l'Eglise montre abondamment que l'imprévoyance d'un homme d'Etat peut avoir des répercussions durant des siècles. A la Noël de l'an 800, Charlemagne s'agenouilla dans l'église Saint-Pierre de Rome et hop ! — avant qu'il ait eu le temps de réfléchir à la signification de ce geste symbolique — le pape lui planta une couronne sur la tête. En le laissant faire, il livra ses successeurs à une puissance qui, pendant plusieurs siècles, infligea le martyre à la direction de l'Etat et au peuple allemand. Il y a eu de tout temps — même aujourd'hui — des gens assez imprudents pour se laisser poser une telle couronne d'or sur la tête, aussi ne saurait-on trop attirer l'attention sur les conséquences que peut avoir un tel geste, souvent considéré comme sans importance. Dans la même ligne, il serait aussi stupide que les Affaires étrangères se crussent absolument obligées de répondre à toutes les notes du Vatican, car, en répondant, on reconnaît à celui-ci le

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HITLER CET INCONNU droit de s'immiscer dans les affaires intérieures allemandes — ne seraient-elles que religieuses — et d'entrer officiellement en rapport avec nous. L'Eglise catholique dispose, dans ses hauts prélats, de diplomates très madrés devant lesquels il faut toujours se tenir en garde ; on en trouve une foule d'exemples non seulement dans l'Histoire mais même dans le temps présent. Après son entrée à Vienne, il entendit, sous ses fenêtres, des coups de sifflet et des huées considérables ; ils s'adressaient, apprit-il, au cardinal Innitzer, archevêque de Vienne, qui venait lui rendre visite. Il s'attendait à voir paraître un calotin accablé par cet accueil, repentant, mais vit entrer, au contraire, un homme plein d'assurance, qui lui parla avec un visage rayonnant, comme si, tout au long du Système autrichien, il n'eût jamais touché même à un cheveu de national-socialiste. Si on se laisse aller à causer avec ces gars-là, souligne-t-il de nouveau, on s'en repent tout de suite. Le nonce qui, en tant que doyen du corps diplomatique, prononçait le discours lors de la réception du 1er janvier, essayait toujours de parler de la situation des catholiques en Allemagne. Le Chef lui échappait en s'informant de la manière la plus aimable, en manifestant le plus vif intérêt, des troubles hépatiques de l'honorable prélat, puis, ce sujet épuisé, se mettait aussitôt à saluer les autres diplomates. En refusant systématiquement de parler au nonce et en chargeant Lammers de l'envoyer promener, il réussit à éviter tout contact personnel avec le Vatican. Au temps du combat, Rosenberg lui présenta un article dans lequel il répondait aux attaques de l'Eglise catholique. Il lui interdit de le publier. Il n'a jamais voulu que Rosenberg s'engage dans une controverse de ce genre, Rosenberg n'aurait pu l'emporter. Les catholiques déjà dégagés de leur Eglise critiquaient d'eux-mêmes la position de celle-ci. Les autres non seulement n'eussent pas prêté l'oreille à ses « hérésies », mais, la contrepropagande aidant, l'eussent définitivement mis au ban pour avoir commis le péché mortel de se mêler de questions de foi qui ne le regardaient absolument pas. Si lui, le Chef, ne parlait jamais en public de questions religieuses, les fins renards de l'Eglise catholique ne se laissaient pas

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HITLER CET INCONNU abuser. Un homme comme l'évêque von Galen (I), il l'imaginait sans peine, savait fort bien qu'il aurait, après la guerre, un compte à régler avec lui. S'il ne réussissait pas à se faire appeler auparavant au Collegium germanicum de Rome, il pouvait être assuré que, dans ce règlement de compte, pas un iota ne serait oublié. L'attitude de l'évêque von Galen fournirait, d'autre part, un motif pour rompre le concordat immédiatement après la fin des hostilités, pour le remplacer par des réglementations locales et pour retirer à l'Eglise les fonds jusque-là garantis par des accords. Ses Reichsstatthalter éprouveraient certainement un grand plaisir à annoncer à un évêque qui — du point de vue de l'Etat — faisait fausse route, que la situation financière du gau obligeait, malheureusement, à suspendre tous les versements à l'Eglise. Celle-ci recevant des fidèles, moins de 3 % des sommes actuellement versées par l'Etat, chaque évêque ramperait devant son Reichsstatthalter pour obtenir l'argent nécessaire, une fois le concordat abandonné. Après la guerre, les Reichsstatthalter devront bien faire connaître que l'Eglise sera désormais traitée comme toutes les autres organisations et associations locales, sans que des forces étrangères puissent intervenir. Le nonce pourra retourner tranquillement à Rome et nous épargnerons les frais d'une représentation au Vatican. Seules les Affaires étrangères pleureront certainement la disparition d'un poste d'ambassadeur. 169.

5/7/1942 (midi). LES MONARCHISTES EN ESPAGNE LA SIMPLICITÉ DES ITALIENS DU SUD ÉCONOMIE DIRIGÉE ?

Le développement des tendances monarchistes en Espagne, observe quelqu'un au déjeuner, vient surtout de ce que, en rétablissant la monarchie, Franco espère se ménager un petit trône personnel. (3) Le comte von Galen, évêque de Münster, qui prit nettement position contre les excès du Parti.

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HITLER CET INCONNU Le Chef contredit énergiquement cette supposition. Franco est assez intelligent, croit-il, pour comprendre qu'un roi l'évincerait le plus tôt possible, lui et ses hommes, comme ayant la guerre civile sur la conscience, et s'en débarrasserait peut-être. Personne n'est plus bête qu'un roi, il a pu le constater personnellement. Un an après la prise du pouvoir, Ruprecht de Bavière, un de nos anciens potentats, lui envoya un émissaire pour lui dire que, très certainement, lui, le Führer, reconnaissait la nécessité de rétablir la monarchie en Allemagne. Cet émissaire, conformément à ses instructions, ajouta que le Chef ne pourrait évidemment rester alors Chancelier, sa personne devant empêcher la réunion de tous les Allemands. Mais on serait généreux envers lui, on lui attribuerait le titre de duc. Comment peut-on être aussi stupide ? Cet homme n'avait jamais remarqué que, dans l'histoire allemande, c'étaient justement les princes qui avaient toujours constitué le ferment de la désunion, et que, à aucune époque, le peuple allemand n'avait été aussi fortement uni que sous sa direction, à lui. Quant à penser que l'attribution, par quelque minable, d'un titre de duc pourrait lui faire abandonner cette direction ! Nos sociaux-démocrates ont éliminé ce ferment de dissociation et il leur a manifesté sa reconnaissance en leur payant des pensions — notamment à Severing (1). Ce serait gaspiller ce mérite historique que de redonner de l'influence à la « graine » des Hohenzollern — en les prenant comme officiers dans la Wehrmacht, par exemple. Le Chef vient à parler de la simplicité d'existence des Italiens du Sud. Au moins un million de gens y vivent de la pêche, de la cueillette des fruits, etc., c'est-à-dire de façon très simpliste. Les villes qui sont au bord de la mer ne connaissent pas la famine, car elle leur fournit, en plus du poisson, des moules, des crabes, etc., qui suffisent largement pour alimenter des hommes sans exigences.

(1) Cari Severing, ministre de l'Intérieur en Prusse de 1920 à 1926, de 1930 à 1932, et du Reich entre 1928 et 1930.

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HITLER CET INCONNU Cette simplicité d'existence recèle cependant un grave danger, car la plupart des hommes cherchant toujours la facilité, ils perdent facilement le goût de travailler en constatant qu'ils peuvent vivre sans le faire. Il a fait envoyer dans les camps de concentration les dix à quinze mille chômeurs professionnels qui, après la remise en marche de l'économie, n'ont manifesté aucun désir d'acquérir un emploi régulier, car il eût été absurde d'essayer d'agir par des moyens légaux contre cette racaille. La mesure a d'ailleurs été bénéfique par la peur qu'elle a causée, et a facilité le rassemblement de l'énorme main-d'œuvre que réclamait le réarmement. Si l'économie allemande a pu résoudre ce problème comme bien d'autres et réaliser pleinement le programme du réarmement, ce fut surtout parce que l'Etat en a de plus en plus assumé îa direction. Cela seul a permis d'asservir les intérêts particuliers à l'intérêt général. Même après la guerre il ne faudra pas renoncer à cette direction de l'économie par l'Etat, car, autrement, chaque cercle d'intérêts particuliers ne pense qu'à réaliser ses désirs. L'habitant de la côte, par exemple, qui voit les choses telles qu'elles sont autour de lui, considère que gagner des terres par des constructions de digues, constitue encore aujourd'hui le dernier mot de la sagesse. En réalité, c'est devenu une absurdité car nous disposons d'assez de terres à l'est. D'autre part, une amélioration des conditions agricoles dans l'ancien Reich reste aujourd'hui encore très désirable et ne doit pas être entravée par des intérêts industriels. Quand on aura compris que le limon constitue, grâce à l'azote qu'il contient, un engrais supérieur à tous les engrais artificiels qui n'ont pas sa richesse en bactéries, on ira en chercher avec des trains, même si l'industrie pousse les hauts cris. Chacun pensant de façon égoïste dans la masse, un fonctionnement correct de l'économie n'est pas possible sans une direction de l'Etat. On trouve un exemple des succès qu'elle permet de remporter dans la république de Venise qui parvint à garder le prix du pain inchangé pendant plus d'un demi-millénaire. Seul le Juif, avec sa devise de « liberté des échanges », put faire monter ce prix. 497


HITLER CET INCONNU 170.

Soir. LES FAUSSES NOUVELLES A L'ÉTRANGER NÉCESSITÉ DE L'ÉDUCATION MILITAIRE L'ÉCROULEMENT DE L'EMPIRE BRITANNIQUE LA REPRÉSENTATION DE LA PASSION A OBERAMMERGAU LES LOIS RACIALES

Les journaux suisses et suédois ayant, comme la presse anglosaxonne, publié un communiqué de Moscou complètement faux, le Chef explique que ces communiqués sont des balivernes provenant des Juifs. Qu'ils soient acceptés par toutes les agences du monde — alors qu'ils ne contiennent aucune indication concrète de lieu — vient simplement du fait que les Juifs dominent dans ces agences. Malheureusement, la population n'accepte pas ces balivernes seulement en Angleterre et aux Etats-Unis, mais également en Suisse et en Suède. La raison de cette crédulité se constate particulièrement chez les Suisses. Ils ne s'intéressent qu'à la production laitière, au prix des céréales, à l'horlogerie, etc. Bien entendu, !e vieux Guillaume Tell ne peut, à lui seul, entretenir l'esprit militaire. Il en résulte que cet esprit est devenu si étranger en Suisse, que l'officier qui présentait correctement cette guerre a été démis de son commandement (1). En Allemagne, c'est surtout au N.S.D.A.P que le peuple doit de s'être convaincu de la nécessité éternelle d'éduquer militairement les nouvelles générations. Si l'on veut que cet état d'esprit se maintienne à tout jamais, il faut employer les combattants qui se sont particulièrement distingués, comme modèles et enseignants dans l'instruction de ces générations. Il faut de même veiller de près à la valeur du corps des officiers de réserve, car ceux-ci ont la très haute mission de constituer auprès du peuple les détenteurs de l'esprit militaire. Il faut, en outre, que les écoles et les autres établissements d'enseignement entretiennent à tout prix cet esprit qui avait considérablement baissé à l'époque du Système. ( I ) Le général Guisan qui quitta son poste de commandant de l'armée suisse pour de tout autres raisons.

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HITLER CET INCONNU Le Chef est un ardent défenseur de la doctrine d'après laquelle, dans la lutte des peuples, le vainqueur est toujours celui qui possède la plus grande valeur moyenne. A son avis, toutes les lois de la Nature serait renversées si le médiocre l'emportait sur le bon. Les Anglais ont pu exercer leur domination mondiale pendant trois cents ans parce qu'ils n'avaient pas, sur le continent, d'égaux par la race et l'intelligence pour la leur contester. Napoléon ne put leur faire contrepoids parce que la fumée de la Révolution française ne lui offrait pas une base convenable pour l'édification d'un nouvel ordre européen. D'autre part, depuis la dislocation de l'ancien Empire germanique, il n'existait plus d'Etat supérieur par le nombre et la valeur à l'Angleterre. Il a la ferme conviction qu'à cause du développement de l'Allemagne nationale-socialiste, il nous sera possible, rien que pour des raisons biologiques, de surpasser les Anglais et avec cent cinquante à deux cent millions de citoyens allemands de devenir les maîtres incontestés de l'Europe. A son avis, il est impossible de voir l'ancien problème : « Ici, Rome — ici Carthage », se reposer sous la forme : « Ici l'Allemagne — ici l'Angleterre », car il résultera de cette guerre que de plus grandes possibilités s'ouvriront à nous en ce qui concerne la politique de la population, alors que chaque million d'Anglais supplémentaire constituera une charge pour leurs îles. Leur population urbaine pléthorique ne peut pas retourner à la campagne, car la structure sociale serait détruite et cela entraînerait la perte de ce qui reste de l'Empire. Le fait que l'Angleterre n'ait pas aperçu cela à temps (pour y parer par des dispositions à prendre dans l'Empire) montre bien qu'elle n'est pas dirigée par des penseurs mais par des Juifs et que les Anglais d'aujourd'hui acceptent aveuglément la politique de ceux-ci, comme en Palestine. Une de nos missions les plus importantes consiste à préserver nos prochaines générations du sort politique que connurent les Allemands de 1918 à 1933, donc à bien éveiller leur conscience contre le danger juif. Ne serait-ce que pour cette raison, il faut absolument conserver les représentations de la Passion à Oberammergau. Rien

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HITLER CET INCONNU n'exprime de façon aussi saisissante ce danger juif, par l'exemple de la Rome antique, que le rôle de Ponce Pilate dans ces représentations. Ce Romain y paraît si supérieur par la race et l'intelligence qu'il fait l'effet d'un roc au milieu de l'agitation insane des Juifs. Reconnaissant l'immense importance de ce festival d'Oberammergau pour l'éclairement des générations à venir, il en est, lui le Chef, aussi partisan que n'importe quel chrétien. Comme seule une pleine conscience de notre race peut assurer le maintien de celle-ci, nos lois raciales doivent la protéger contre toute infection, pas uniquement contre l'infection juive. En les expliquant au peuple allemand, il faut toujours souligner qu'elles tendent à préserver notre sang d'apports arméniens ou de tout autre élément non aryen. Il faut tout faire pour affermir dans notre peuple la conscience de sa race, comme le firent les Romains au temps de leur splendeur. A cette époque, ils se défendirent instinctivement contre tout mélange avec du sang étranger. Il en fut de même en Grèce lors de sa floraison. D'après les rapports qui nous sont parvenus, les gens du marché d'Athènes se seraient tordus de rire en entendant Paul parler en faveur de la cause juive. S'il nous reste si peu de grandioses témoignages de cette conscience de race chez les Grecs et les Romains de la grande époque, c'est parce que les judéo-chrétiens démolirent temple après temple au iv c siècle ; la destruction de la bibliothèque d'Alexandrie fut également un crime judéo-chrétien. 171.

6/7/1942 (midi). LES DIPLOMATES D'OPÉRETTE ALLEMANDS

Avant la venue de Ribbentrop, dit le Chef, les Affaires étrangères étaient, en Allemagne, un véritable dépotoir de l'intelligence. Quiconque se trouvait inapte à une autre carrière y recevait asile, et il y avait une horde de Juifs. En conséquence, on se moquait de nos diplomates dans presque toutes les opérettes et quand on leur eut donné un uniforme — imité, au début, de 500


HITLER CET INCONNU celui des Waffen-S.S., ils eurent effectivement l'allure de personnages d'opérette. Ribbentrop eut bien raison de réclamer une épuration d'urgence. Tout membre du service diplomatique qui opère à l'étranger y représente le Reich. S'il commet quelque sottise, voire simplement s'il produit mauvaise impression, c'est le prestige du Reich qui en souffre. Un employé des services judiciaires peut être toqué et commettre plus ou moins de bêtises, personne n'y fait attention, à moins qu'il n'en résulte un grave dommage, irréparable, pour te Reich. Il faut donc désormais employer comme diplomates les meilleurs Allemands qui ont déjà fait leurs preuves et ont un maintien convenable. 172.

Soir. LA PRESSE MONDIALE FINANÇA LES SÉJOURS DE HITLER AU KAISERHOF LES CONGRÈS DE NUREMBERG

Au dîner, le Chef parle des séjours qu'il fit à l'Hôtel Kaiserhof au temps de la lutte pour le pouvoir. Comme il amenait toujours un état-major important, il prenait ordinairement tout un étage et la note, y compris la nourriture, s'élevait à une dizaine de milliers de marks par semaine. Il récupérait ces frais en accordant des articles et des interviews à la presse étrangère, qu'on lui payait fréquemment, à la fin de la période de lutte, deux ou trois mille dollars. En lançant ces articles et ces interviews, il entra souvent en conflit avec Hanfstaengl, son directeur de presse étrangère, qui était plus homme d'affaires que politique et ne voyait jamais que le gain monnayé. Par exemple, s'il lui donnait un article à publier d'urgence dans le monde entier, Hanfstaengl perdait souvent un temps précieux en essayant d'en tirer le plus d'argent possible. A trois reprises, il vint le trouver pour le décider à vendre l'article à quelque correspondant étranger et il crut pouvoir le décider en indiquant que celui-ci verserait mille livres sterling. Le Chef, 501


HITLER CET INCONNU furieux, lui cria : « Hanfstaengl vous m'écœurez avec votre ladrerie ! Quand je tiens à ce qu'un article soit lu demain matin dans le monde entier, les considérations financières ne doivent pas jouer le moindre rôle ! » Hanfstaengl resta suffoqué qu'on pût ainsi renoncer à mille livres ! Il était vraiment insupportable avec son avarice. Un jour, dans une auberge paysanne, il fit un esclandre au sujet du prix d'une soupe qu'il n'avait même pas à payer lui-même. Il s'agissait de trente pfennigs ! Il mangeait des légumes par raison d'économie mais n'en commandait jamais un plat ; il faisait le tour de la table pour demander aux convives s'ils ne voulaient pas lui en donner, en disant : « Rien de plus sain que les légumes ! », il ramassait tous les restes dans les assiettes des autres et en faisait une salade dans la sienne. Le soir, il faisait de même pour le fromage, en déclarant que rien n'est plus nourrissant. Un jour, lors d'un départ impromptu, on le chargea de se procurer du pain pour les hommes ; il rapporta deux musettes pleines de tartines beurrées au fromage, sachant très bien que la plupart ne mangeaient pas de fromage, et il emporta ce qui restait avec une satisfaction manifeste. Le Reichsleiter Bormann confirme les dires du Chef par d'autres anecdotes. Le général Bodenschatz ajouta que, d'après les constatations faites par le Reichsmarschall, Halfstaeng! s'était également comporté en pingre à Zurich et à Londres, Au cours des campagnes électorales, dit le Chef, son entourage et lui apprirent à connaître tout le Reich et à en aimer aussi bien l'est que l'ouest, le nord que le sud. D'autre part, comme il était invité à manger la plupart du temps par des familles, il prit des contacts directs avec les gens du Reich entier. Bien souvent il se réjouit de constater, dans ces familles, que le père appartenait au Parti, la mère à l'association des femmes, le fils à la Jeunesse hitlérienne, la fille au « Bund deutscher Mädel » et que le grand frère était dans les S.A. Tout le monde se rencontrait chaque année au congrès de Nuremberg qui devenait, de ce fait, une grande fête de famille, une famille bien soudée par les innombrables tournées de nos orateurs et de nos dirigeants, par l'action en commun. Ces congrès ne constituèrent pas seulement des événements 502


HITLER CET INCONNU considérables dans la vie du N.S.D.A.P., mais permirent, à beaucoup d'égards, d'obtenir des précieuses expériences préparatoires à la guerre. A chaque congrès, pas moins de quatre mille trains entraient en circulation, et la direction des chemins de fer en tirait des leçons pour le temps de guerre. A l'avenir, les congrès doivent conserver la même importance. Aussi a-t-il prévu pour Nuremberg des installations qui permettront de recevoir non plus un million et demi de personnes mais deux millions au moins. Le Stade allemand, dont Hirth a donné deux tableaux remarquables, pourra accueillir quatre cent mille personnes et aura des dimensions comme le monde n'en a encore jamais vu. 173.

7/7/1942 (midi). LA CIVILISATION ET LE CLIMAT LES VIEILLES VILLES ALLEMANDES

Chaque fois, dit le Chef, qu'on déterre quelques restes provenant de nos ancêtres d'avant l'époque chrétienne, on fait un grand tapage. Cela ne lui plaît pas du tout. A l'époque où nos ancêtres fabriquaient des auges en pierre et des cruches en argile, autour desquelles nos archéologues font tant de bruit, on construisait une acropole en Grèce. Il faut également être très prudent dans les déclarations sur l'état de civilisation de nos ancêtres durant le premier millénaire de l'ère chrétienne. Quand on trouve une vieille Bible latine en Prusse-Orientale, cela ne veut pas forcément dire qu'elle y a été écrite. Vraisemblablement, elle provient du troc de l'ambre avec les pays du sud. Les véritables représentants de la civilisation dans les derniers millénaires avant notre ère et dans le premier après, furent les Méditerranéens. Cela nous paraît invraisemblable parce que nous les jugeons d'après l'état où nous les voyons aujourd'hui. Il en est pourtant ainsi. L'Afrique du Nord fut jadis très boisée, et, à l'époque de la prépondérance grecque puis romaine, d'épaisses forêts couvraient la Grèce, l'Italie et l'Espagne. Pareillement, nous devons être prudents dans nos jugements sur l'histoire égyptienne. 503


HITLER

CET INCONNU

A l'époque de sa splendeur, l'Egypte était également un pays parfaitement habitable et au climat favorable. Déboiser, sans prendre les mesures de reboisement correspondantes, constitue d'ailleurs un signe de décadence chez un peuple. C'est troubler profondément la sage économie hydraulique de la nature. Les idées fausses qu'on se fait sur le développement culturel de nos ancêtres proviennent en grande partie des erreurs commises sur l'âge de nos villes. Il fut lui-même très surpris d'apprendre que Nuremberg, par exemple, n'avait que sept cents ans. Mais cette erreur est entretenue sciemment par les habitants eux-mêmes. Ainsi, le bourgmestre Liebel ne parla absolument pas du sept centième anniversaire de la ville pour ne pas — a-t-il déclaré — désillusionner les gens qui la croient plus vieille. Nuremberg, peut-on penser, doit sa fondation à une forteresse salique autour de laquelle un hameau se constitua avec le temps. La plupart des villes médiévales naquirent ainsi à l'ombre de quelque point fortifié. C'est ce qui explique le nombre des villes médiévales qui subsistent dans l'est de l'Allemagne. Les forteresses étaient nécessaires pour abriter la population, car la vermine orientale assaillait déjà nos frontières et, sans elles, eût submergé le sol allemand. Même en Transylvanie où les ouvrages défensifs n'étaient pas assez nombreux, il fallut constamment se fortifier — contre les Turcs cette fois — et les églises furent bâties comme des forteresses. Soir.

174. L'ESPAGNE N'EST PAS FASCISTE LES ASOCIAUX, ÉTERNELS PUTSCHISTES

Le général Jodl rapporte au Chef ce qui s'est passé en Espagne pour des blessés de la « Division bleue ». Dès le franchissement de la frontière on les fit descendre du rapide de Madrid et, comme ils essayaient de monter dans le fourgon à bagages, une compagnie d'infanterie espagnole vint les arrêter, sur l'ordre du gouverneur militaire. Rien qu'à cause du nom de « Division bleue » ils sont proscrits, 504


HITLER CET INCONNU dit le maréchal Keitel, car le bleu était la couleur de l'ancienne Phalange, indépendante de l'Eglise, alors qu'on ne peut maintenant s'enrôler dans la Phalange qu'avec l'approbation du curé de la paroisse. Les développements actuels, en Espagne, sont rien moins que réjouissants, confirme le Chef. Franco n'a manifestement pas assez d'envergure pour régler le problème politique de l'Espagne sans l'Eglise, Il partait pourtant de conditions beaucoup plus faciles que lui-même ou le Duce. Après la conquête du pouvoir, le Duce et lui ont eu à se concilier l'armée alors que Franco avait la sienne bien en main, tout en détenant le pouvoir politique. Manifestement, il n'a pu se soustraire à l'influence de Sunner, quoique celui-ci incarne la politique cléricale et essaye de jouer un jeu trouble avec les puissances de l'Axe. Il faut que les curés soient bien bêtes ! En cherchant, comme ils le font par Sunner, une réaction et le rétablissement de la monarchie, ils courent au-devant d'une nouvelle guerre civile à laquelle, cette fois, ils ne survivront pas. La livre anglaise, observe le général Jodl, doit certainement y jouer un rôle et l'Angleterre espère peut-être ouvrir ainsi un « deuxième front ». On ne saurait, dit le Chef, comparer le régime actuel de l'Espagne, à celui de l'Allemagne nationale-socialiste ni à celui de l'Italie fasciste. Comme le lui a dit le Dr Todt, qui en employait dans ses camps de travail, les rouges espagnols ne se considèrent pas comme des « rouges » au sens que nous donnons à ce mot. Ils se qualifient de révolutionnaires et montrent, au travail, une ardeur et une efficacité très louables. La chose la plus sensée que nous puissions faire est d'en conserver le plus possible sous la main, à commencer par les quarante mille de nos camps, en vue d'une nouvelle guerre civile éventuelle en Espagne. Ils restent les plus sûrs avec les phalangistes de la première forme. L'ambassadeur Hewel dit avoir vu à Madrid des soldats sans armes et sans insignes de grade travailler dans les rues sous la surveillance d'autres soldats armés. Il s'agissait de rouges, penset-il, mais estime que pour les employer ainsi on aurait dû leur enlever leur uniforme. On ne peut mesurer l'armée espagnole à notre aune, observe le maréchal Keitel. Par exemple, la garde 505


HITLER CET INCONNU d'honneur rassemblée lors de la rencontre entre le Führer et le général Franco (1) produisait un effet déplorable, les fusils étaient si rouillés qu'on n'aurait pu s'en servir sans un nettoyage à fond préalable. Avant la rencontre, l'amiral Canaris avait prévenu que le Führer serait déçu, qu'il ne trouverait pas un héros mais un « louvoyeur ». Les gens de Franco, dit le Chef, peuvent se vanter d'avoir eu de la chance en recevant l'appui de l'Italie fasciste et de l'Allemagne nationale-socialiste lors de la première guerre civile. Les rouges ont toujours affirmé qu'ils s'étaient liés à la Russie soviétique non pour des raisons idéologiques, mais parce qu'ils ne trouvaient aucune aide ailleurs, et avaient dû ainsi s'engager dans un sillage politique qu'ils ne désiraient pas suivre. En tout cas, une chose est certaine : si l'on peut parler d'une intervention du Ciel qui décida de la guerre civile en faveur des franquistes, il ne faut pas l'attribuer à la mère de Dieu, qui a reçu récemment le bâton de maréchal, mais au général allemand von Richthofen qui fit « fondre du Ciel » ses avions sur les prétendus rouges. L'ambassadeur Hewel ayant déclaré que même les meilleurs Espagnols étaient paresseux et ne voulaient rien entendre de leurs supérieurs, le Chef observe que, Dieu merci, dans l'organisation Todt, les rouges et les phalangistes étaient parfaitement disciplinés et que nous devions souhaiter d'avoir le plus possible d'hommes de cette sorte à notre service. Malheureusement, il est beaucoup plus difficile de trouver une personnalité espagnole capable d'assainir les conditions politiques en Espagne, car les problèmes sont de caractère plus intérieur que militaire. Il y aurait à résoudre en premier lieu celui du ravitaillement, ce qui, à cause de la paresse proverbiale d'une grande partie de la population, est extrêmement ardu. L'avenir dira s'il se trouvera un général possédant les capacités politiques nécessaires. En tout cas, on veut rendre le général Muiioz Grande aussi populaire que possible, car c'est un homme énergique qui pourra peut-être arranger les choses mieux qu'aucun autre. Le Chef se réjouit de ce qu'il ait été possible, (1) Le 23 octobre 1940, à Hendaye.

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HITLER CET INCONNU au dernier moment, de maintenir ce général à la tête de la « Division bleue », en dépit des intrigues de l'entourage de Sunner, car cette division jouera peut-être un jour un rôle décisif dans l'élimination du régime clérical actuel. On annonce au Chef que les putschistes arrêtés lors des troubles de Serbie, se composent pour 95 %, voire parfois pour 99 %, de repris de justice. Non seulement cela ne l'étonné pas, dit-il, mais cela confirme l'idée qu'il s'est faite des perturbateurs de l'ordre depuis l'expérience de 1918-1919. Si l'on veut étouffer une révolution, il faut — dès que la situation devient critique — éliminer d'un seul coup toute l'engeance asociale. Cela ne peut se faire qu'en arrêtant à temps les éléments asociaux et en les envoyant dans des camps de concentration. Dire qu'on interdit ainsi toute vie familiale à ces éléments est une absurdité. En leur permettant de fonder une famille, on crée simplement une autre spore de criminalité. Les enfants qui grandissent avec des parents asociaux, deviennent des canailles, car, l'expérience le prouve, les hommes asociaux prennent des femmes de leur genre en règle générale. La période de lutte a fourni, à cet égard, des enseignements précieux. Le plus souvent quand nos S.A. exécutaient leurs marches, ils se heurtaient à. des femmes communistes qui jetaient sur eux tous les objets imaginables. S'ils réagissaient, ces femmes prenaient leurs enfants dans les bras sans crainte d'exposer ainsi leur vie, preuve que, à l'inverse des autres gens, les communistes ne se soucient pas de la sécurité et de la santé de leurs enfants, donc qu'ils sont bien asociaux. 175.

8/7/1942 (midi).

Au déjeuner, le Chef manifeste une joie toute particulière parce que, nos avions et nos sous-marins ont déjà envoyé par le fond trente-deux des trente-huit navires qui constituaient un convoi anglais en route pour Arkangelsk (1). (1) Il s'agit du fameux convoi PQ-17 qui, attaqué du 4 au 10 juillet 1942, perdit vingt-quatre bâtiments, soit 143 977 tonnes de jauge brute.

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HITLER CET INCONNU Dans la matinée, alors qu'il n'y avait encore de coulés que les deux tiers de ce nombre, il avait suggéré de profiter de cette victoire pour publier une caricature de Roosevelt dans le Kladderadatsch. La majeure partie du matériel détruit étant américain, il fallait le montrer lançant en souriant dans la mer les chars, les avions, etc., que lui fournissent les ouvriers américains, avec, pour légende : « Nous ne travaillons pas pour de l'argent ou des récompenses mais pour un monde meilleur ! » Il conclut ses observations sur la destruction du convoi en signalant que chaque propriétaire de chantier naval disposait actuellement d'une véritable mine d'or. 176.

Soir.

Sa chienne Blondi, dit le Chef, est végétarienne à certains égards, elle mange avec une satisfaction évidente des brins d'herbe d'une espèce particulière. Le fait intéressant est que ces herbes lui guérissent ses coliques. Les animaux sont étonnamment raisonnables, ils savent parfaitement ce qui leur convient. Il a observé, un jour, le comportement d'un chat avec une souris. Ce chat ne l'a pas mangée immédiatement mais il a joué avec elle, semblant lui offrir à tout moment la possibilité de s'échapper. Quand la souris fut littéralement couverte d'une sueur d'angoisse, le chat lui donna un ultime coup de patte et la dévora. Probablement la souris lui paraissait-elle plus délectable dans cet état. L'homme lui-même, observe le maréchal Keitel, ne mange pas la viande à l'état brut, même les Huns la mettaient sous leur selle pour l'amollir. Cela équivaut, dit le Chef, à faire macérer quelque chose dans son jus. L'homme, continue-t-il, se modifie par la transpiration au cours d'une grosse épreuve physique. Lors de ses discours devant les masses, il était lui-même trempé de sueur et perdait deux ou trois kilos. La perte de poids pouvait atteindre près de quatre kilos en Bavière où il est obligatoire de boire deux ou trois bouteilles de bière en parlant. Cette transpiration n'était sans doute pas malsaine, seulement, à chaque fois, la 508


HITLER CET INCONNU chose ennuyeuse était qu'il tachait son linge de corps parce que son unique costume de guerre, bleu, déteignait. Une quinzaine de jours après qu'il eut renoncé au régime carné, la transpiration diminua très sensiblement. De même le besoin de boire s'atténua, il put se contenter d'absorber une gorgée d'eau de temps en temps pour se rafraîchir. Le régime végétarien possède donc des avantages incontestables. Il se demande si Blondi ne deviendra pas aussi végétarienne avec le temps. 177.

9/7/1942 (midi).

Au déjeuner, le Chef blâme la publication d'un communiqué de presse donné à l'occasion du voyage de l'Ostminister (Rosenberg) en Ukraine, et où le major Cranz, directeur du bureau de presse de celui-ci, met la population civile allemande en garde contre de faux espoirs au sujet du ravitaillement, à cause de la mauvaise récolte ukrainienne de cette année. Il y a toujours plus de pessimistes que d'optimistes, il n'est donc vraiment pas indiqué d'enlever tout espoir aux gens et de leur rendre ainsi la vie plus difficile, si ce n'est pas absolument nécessaire. D'ailleurs, même objectivement, le communiqué du major Cranz est mauvais. On ne peut actuellement prédire dans quelle mesure le ravitaillement de la population civile pourra être allégé par la récolte ukrainienne. Il s'agit non seulement de savoir si cette récolte suffira pour couvrir les besoins de nos troupes de l'est, mais aussi de savoir si les excédents pourront être transportés dans l'ancien Reich. C'est donc, avant tout, un problème de transport. Mais, même s'il s'agissait d'un problème de récolte, du fait que celle-ci est mauvaise, il ne convient pas de le porter devant l'opinion publique, car c'est alimenter le pessimisme. Ce qu'il faut, c'est intensifier les mesures déjà en cours pour accroître la production agricole dans les régions en cause, pour que, avec le temps, le peuple puisse compter sur une amélioration très sensible des conditions de ravitaillement.

509


HITLER CET INCONNU En outre, il faut bien se garder de reprocher à nos unités du front de se constituer de grandes réserves de vivres et de réduire ainsi les quantités qui pourraient être envoyées à l'intérieur. La Leibstandarte a parfaitement raison de s'être procuré cinq mille porcs et de s'assurer la protection de quelques kolkhozes, comme le maréchal Kluge qui a rassemblé plusieurs mois de vivres pour sa VIII e Armée. Quand ces unités se retrouveront privées de ravitaillement par la boue, personne ne les aidera, elles ne pourront compter que sur elles-mêmes. 178.

Soir.

Au dîner, le Chef parle de nouveau de la situation militaire en Egypte. Tourné vers l'ambassadeur Hewel, il observe que les Affaires étrangères ne doivent pas s'aviser d'envoyer un résident en Egypte lors de l'occupation d'Alexandrie ou du Caire. Il s'y trouve, dans la personne de Rommel, un généralissime qui s'est couvert d'une gloire immortelle et qui, dès aujourd'hui, peut être considéré comme un des plus beaux personnages de l'histoire militaire ; que les Affaires étrangères essaient de se mêler de ses affaires serait commettre une indignité à son égard. En outre, il pense que l'Egypte doit être remise aux Italiens. Personnellement, nous n'avons rien à voir avec le sphinx égyptien, mais il présente un intérêt vital pour l'Empire italien. Si nous envoyions donc un résident en Egypte, nous créerions le danger de voir se produire des confusions. Avec un tel précédent, les Italiens pourraient évidemment envoyer des résidents par exemple au Caucase quand nous l'aurons conquis, et dans d'autres régions qui nous tiennent particulièrement à cœur. Il suffit largement d'adjoindre au résident italien en Egypte un de nos hommes qui représentera le chef des opérations, Rommel. Interrogé sur la raison du prestige exceptionnel dont Rommel jouit devant l'opinion mondiale, le Chef explique qu'il faut la chercher principalement dans le fait que, pour excuser ses défaites, Churchill le présente, à la Chambre des communes, comme un génie militaire. Il le fait, naturellement, pour ne pas avouer que les Anglais reçoivent des rossées de la part des soldats italiens en Libye et en Egypte. Peut-être espère-t-il, en portant 510


HITLER CET INCONNU Rommel à au, susciter des bisbilles entre les Italiens et nous. Le Duce est trop perspicace pour ne pas avoir deviné cette manœuvre, aussi a-t-il lui-même vanté les mérites de Rommel devant le monde entier. La manœuvre de Churchill et la parade du Duce ont eu pour résultat d'auréoler Rommel d'un prestige incomparable aux yeux des populations primitives de l'Afrique du Nord et du Proche-Orient. Cela montre combien il est dangereux de trop mettre un adversaire en vedette comme Churchill l'a fait pour Rommel. Un nom acquiert ainsi soudainement une signification qui représente la valeur de plusieurs divisions. Imaginons que nous parlions à tout moment du maréchal russe Timochenko (1). Nos soldats, eux-mêmes, finiraient par être convaincus de sa supériorité. Dans les populations primitives, l'effet est particulièrement puissant. Comme on demandait à notre général Crüwell, prisonnier (2), si le Shepherd, l'hôtel de luxe d'Alexandrie, lui plaisait, il répondit : « Ce sera un somptueux quartier général pour Rommel ! » Le propos s'est répandu dans tout le monde arabe et est parvenu jusqu'à Ankara. Interrogé sur ce que deviendra l'Egypte, il répond qu'il sera impossible aux Italiens de s'en désintéresser. Le canal de Suez est vital pour leurs colonies d'Erythrée et d'Abyssinie. Ils ne se l'assureront qu'en maintenant des garnisons en Egypte. S'ils veulent se maintenir en Egypte militairement et politiquement, il faudra qu'ils aient soin de ne pas se diminuer par quelque complexe d'infériorité. Ils devront prendre exemple sur les Anglais, qui, à cause de leur domination coloniale plusieurs fois séculaire, ont un tel comportement de maîtres que les indigènes n'ont même pas conscience d'être assujettis par eux. Les Italiens devront se garder, en outre, de vouloir s'adapter, en tout et pour tout, aux habitudes du pays. Rommel peut, à cet égard, leur servir de modèle. Pendant toute la campagne, il n'est jamais monté sur un chameau mais circule toujours en blindé, sachant très bien qu'il ne pourrait pas monter un cha(1) Le maréchal Timochenko, commandant de 1941 à 1942 des « Fronts » du Centre et du Sud. (2) Chef de l'Afrikakorps, fait prisonnier par les Anglais, le 20 mai 1942.

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HITLER CET INCONNU meau comme les indigènes, mais qu'il leur en impose énormément en se déplaçant en char. De même, nous ne devrons pas, dans les territoires acquis à l'est, houspiller constamment la population pour qu'elle se conforme aux règles de la propreté allemande. Peu nous importe que les gens se passent chaque jour, eux et leurs maisons, à la brosse à chiendent. Notre tâche consistera uniquement à assurer nos intérêts, non à jouer le rôle de surveillants dans leur vie quotidienne. Aussi faut-il, dans les territoires colonisés de l'Est, séparer la vie des Allemands dans toute la mesure du possible de celle de la population. Il ne faudra pas nous laisser entraîner dans les auberges hantées par les indigènes. Les Allemands auront des auberges à eux, où les indigènes ne seront pas admis. Ceux-ci pourront, dès lors, faire tout ce qu'il leur plaira. En les laissant ainsi à eux-mêmes, nous n'aurons pas à intervenir dans leurs façons de vivre et nous créerons les meilleures conditions pour nos propres centres d'établissement. Nous préviendrons plus facilement des mélanges avec la population indigène en l'empêchant de s'adapter à nos propres façons de vivre et de ressembler à une partie d'entre nous. Le Chef revient sur le problème de l'avenir de l'Egypte. Les Italiens s'étant comportés jusqu'ici avec beaucoup d'habileté envers les musulmans, on peut espérer qu'ils agiront de même dans l'exercice de l'autorité supérieure en Egypte et ne s'enliseront pas dans les détails de la vie quotidienne. Sous la direction du Duce, leurs colons industrieux réaliseront certainement la besogne la plus urgente, c'est-à-dire l'irrigation et la construction de routes. S'ils avaient gardé l'Abyssinie pendant dix ans, ils auraient pu, en grands constructeurs routiers, en faire un paradis colonial. Cela leur sera d'autant plus facile en Egypte que ce pays est autarcique presque à cent pour cent et qu'en dehors du charbon et du fer, il ne lui manque vraiment rien. Dans les territoires de l'Est occupés par nous, il ne saurait trop le répéter, la besogne de beaucoup la plus importante est, comme en Egypte, de construire des routes. Comme il est pratiquement impossible d'entretenir celles-ci en hiver, il faudra les 512


HITLER CET INCONNU aménager, à l'avance, de façon qu'elles ne souffrent pas de la neige. On les disposera donc sur des chaussées surélevées, car la neige tient seulement dans les endroits où elle est abritée du vent, et les tempêtes d'hiver balaieront constamment ces chaussées. Cependant, les fondations de ces chaussées devront être particulièrement solides à cause de la période de la boue. On emploiera du granit partout où il existe, sinon on prendra la craie rouge que contiennent de nombreux lits de rivière. 179.

16/7/1942

(En avion entre le Wolfsschanze et le nouveau quartier général de Vinnitsa, en Ukraine, le Werwolf.) Nous survolons la région de Bialystok. Du sable, des forêts détruites, des routes sans arbres. Cela permet de se faire une idée assez nette de ce que nos soldats eurent à supporter dans la grande bataille d'anéantissement de Bialystok (I). 17/7/1942 midi (Werwolf). Au déjeuner on dit au Chef qu'en Ukraine les Soviétiques ont organisé la population non pas par bourgades mais par brigades, de façon à les soumettre à l'administration militaire. Nous ne pouvons rien faire de mieux que de conserver ce système, observe le Chef. On lui rapporte également que les maisons de l'enceinte du Werwolf étaient toutes munies d'un récepteur de télédiffusion. Cela montre, observe-t-il, que les Soviets ont reconnu à temps les dangers que comporte la radiodiffusion. La télédiffusion a, pour l'auditeur, l'avantage d'être affranchie des parasites qui gênent tant nos récepteurs ordinaires. Mais, pour l'Etat, elle a aussi l'avantage inappréciable de permettre un contrôle parfait de l'écoute. En Union soviétique, le commissaire local fixe le programme que doivent entendre les habitants, ceux-ci sont donc soustraits à la propagande étrangère. (1) Bataille de Bialystok et de Minsk : 22 juin au 9 juillet 1941, 328 000 prisonniers.

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HITLER CET INCONNU Avant la guerre, il avait demandé à notre ministère de la Propagande d'installer en Allemagne ce système de télédiffusion. Les auditeurs allemands auraient pu ainsi écouter toutes les stations allemandes et toutes celles des pays occupés par nous, mais pas les émissions indésirables pour le Reich. Il regrette énormément que cette mesure n'ait pu être prise avant la guerre. C'est là le plus grand échec du ministère de la Propagande. La responsabilité lui en revient quoiqu'il ait essayé de la rejeter sur d'autres services, parce que, en pareil cas, c'est toujours l'autorité qui a été chargée de la mission qui est responsable de ce qui cloche. A l'avenir, il va de soi que la télédiffusion sera introduite en Allemagne, car aucun gouvernement raisonnable ne voudra laisser intoxiquer son peuple par un autre. Sinon, on pourrait aussi bien laisser entrer et circuler librement cent ou mille propagandistes d'une puissance ennemie pour inciter le peuple allemand à se soulever contre ses dirigeants. Pour régler correctement ces choses en temps de paix, il faut, par principe, les juger en se plaçant au point de vue de la guerre, car, quand il s'agit d'une lutte pour l'existence même, celle-ci a ses lois qui éclipsent tous les points de vue du temps de paix. Si, en vue d'une guerre éventuelle, la population doit supporter un fardeau comme le service militaire de deux, trois, voire quatre ans, elle doit pouvoir accepter beaucoup plus facilement le remplacement de la radiodiffusion par la télédiffusion. 180.

Soir.

Au dîner, le Chef parle de la mentalité des Italiens qui leur fait s'attribuer tous les mérites possibles même quand ils ne font rien. On trouve l'expression de cette mentalité la plus caractéristique dans l'histoire du fascisme, qui présente la phase finale de la Première Guerre mondiale comme si c'était l'attitude virile des fascistes qui avait décidé de la victoire des Alliés. De même, pendant la campagne de l'Ouest, ils prétendent que leur « non-belligérance » fixa au moins soixante divisions françaises. Les publications officielles des Français prouvent que 514


HITLER CET INCONNU ceux-ci laissèrent sur la frontière italienne non pas soixante divisions mais sept seulement et qu'ils purent même en retirer trois sans difficulté durant la campagne. Les Italiens en ont été très mortifiés. Mais cela n'est que passager. S'ils reçoivent des rossées pendant trois ans et qu'un jour, par hasard, ils remportent une victoire, toutes les rossées sont immédiatement oubliées, l'Italie tout entière s'abandonne à l'ivresse de la victoire. Le Chef parle ensuite d'une nouvelle anglaise annonçant que l'Obergruppenführer Dietrich (chef de la Leibstandarte) a pris le commandement du secteur sud sur le front oriental. Comme la Leibstandarte vient d'être transportée à l'ouest, il convient de considérer cette nouvelle avec beaucoup de circonspection. La presse juive des Anglais a l'habitude de raconter des bobards même quand elle apprend quelque chose de vrai, si ce vrai ne cadre pas avec sa politique d'information qui consiste à toujours dissimuler le véritable état des choses. Le Chef parle encore du problème posé par le transport des vivres d'Ukraine. Tant qu'il ne sera pas possible d'améliorer les conditions de ce transport de manière à enlever de grosses quantités de vivres, il faut considérer que les permissionnaires constituent le moyen idéal et le plus simple pour faire parvenir à leurs familles tout ce dont ils pourront se charger. 181.

18/7/1942 (soir).

Au déjeuner, le Chef engage une discussion très vive avec le capitaine Baur au sujet de la nocivité du tabac. Baur, dit-il, aurait dû voir le gauleiter Wagner, à Munich, pour constater jusqu'à quel point le fait de fumer sans arrêt peut ruiner un corps humain. Le tabac, c'est la vengeance du PeauRouge contre le Blanc qui lui a apporté l'alcool et, du fait, détruit sa race. A cause des nouvelles de presse anglaises qui parlent constamment d'un « second front », le Chef demande au Reichsleiter Dietrich de lui ménager une interview avec un journaliste étranger, dont la campagne de Russie constituera le thème. 515


HITLER CET INCONNU Etant donné que, dans une interview, chacun parle de ce qui lui paraît le plus important, il sera possible de traiter la question du « second front » accessoirement, comme en marge. Il nous faut, dira-t-il, nous attendre à tout de la part de petits cerveaux militaires comme ceux des Anglais, donc même tenir compte des bobards racontés par leur presse juive. De même qu'en son temps nous avons su prévenir une agression soviétique par des mesures appropriées, nous avons pris aujourd'hui toutes les dispositions pour ménager une belle réception aux soldats anglais que les nullités de leur commandement engageraient dans une opération de débarquement. Il dosera ses observations sur le « second front » de façon que l'interview agisse à la manière d'une douche froide sur les Anglais. Pour ne pas en compromettre l'effet, il se gardera bien de dire que, pour le moment, il ne croit pas à la possibilité d'un « second front », mais il soulignera qu'avec leur précision habituelle, les Allemands savent se préparer à toutes les éventualités, même à celle-là. Conformément au désir du Reichspressechef, le correspondant étranger sera choisi parmi ceux qui ont jusqu'ici particulièrement soutenu notre action de presse. Peu importe qu'il appartienne à un pays grand ou petit, ami ou neutre, car — le Reichspressechef a parfaitement raison — l'interview sera publiée dans les journaux du monde entier. Bien entendu, il pourrait exposer ses idées au sujet du « second front » dans un discours public, mais il serait dangereux de parler ainsi de quelque chose sans raison plausible. Les gens intelligents en déduiraient aussitôt que ce discours poursuit un but particulier, et, si celui-ci est trop transparent, l'effet en sera ruiné. Mais, au cours d'une interview au sujet de la campagne de Russie, il est possible de dire tout le nécessaire en deux ou trois phrases marginales sans trop attirer l'attention. Le Chef évoque le problème que posera l'énormité des distances entre l'ancien Reich et les points importants des territoires conquis par nos troupes à l'est. Quand nous aurons ouvert ces territoires par des autoroutes, les distances, qui créent aujourd'hui des difficultés, ne joueront plus aucun rôle. Qu'est-ce que mille kilomètres pour atteindre

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HITLER CET INCONNU la Crimée, alors qu'on peut rouler à une moyenne de 80 km/h ? Par l'autoroute, le trajet s'effectuera en deux jours. Aussi est-il fermement résolu à ouvrir tout l'espace en arrière de l'Ostwall (1) par un réseau d'autoroutes rayonnant à partir de Berlin. Pour ce réseau, les voies ordinaires de 7 mètres 50 ne suffiront pas. Il faudra prévoir dès le début trois voies de 11 mètres, les véhicules roulant seulement sur deux mais la troisième permettant de doubler, par exemple, des camions lents. Quand on considère qu'il existe déjà plus de deux mille kilomètres d'autoroutes dans l'ancien Reich, il faut s'étonner que le cinéma n'ait pas encore célébré cette grande réalisation comme elle le mérite. Mais, contrairement à ce qui se passe en Angleterre et en France, le film ne s'occupe malheureusement pas, chez nous, de ce qu'on y fait de grandiose. Vienne constitue l'unique exception. Le film l'a présentée à satiété. En ce qui concerne les autoroutes, un seul, à sa connaissance, en a parlé : un film ennuyeux de la Kitsch, dans lequel deux amoureux se donnent la chasse sur une autoroute. Non seulement le sujet est très mal traité, mais la portion de route choisie est totalement dépourvue d'intérêt. Quand on pourra aller par autoroute de Klagenfurt à Trondjheim et de Hambourg en Crimée, on disposera d'une structure qui réduira les distances comme le fit jadis la construction des routes nationales. Les autoroutes présentent un intérêt considérable du point de vue non seulement des transports mais de la politique. Elles suppriment définitivement les frontières intérieures, on passe sans s'en apercevoir d'un gau à l'autre. Naguère, en circulant en Allemagne sur les grand-routes, on prenait conscience de sa division en voyant les poteaux-frontières. Quand on atteignait la frontière du Mecklembourg, les nids-de-poules suffisaient pour vous indiquer où vous vous trouviez, il fallait réduire la vitesse à dix ou quinze kilomètres à l'heure pour ne pas mettre à mal la suspension. Les chemins de fer constituent aussi, naturellement, un trait (I) C'est-à-dire la ligne Arkhangelsk-Astrakan sur laquelle, dans l'esprit de Hitler, les troupes allemandes devaient s'établir « définitivement ».

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HITLER CET INCONNU d'union, mais alors qu'on peut aller en Wolkswagen des Alpes à la mer du Nord en seulement trois étapes par les autoroutes, l'abondance des gares attire encore l'attention sur les différences entre les länder. On se voit constamment rappeler qu'il existe un chemin de fer « royal bavarois », « royal-wurtembergeois » et — comme le fait justement remarquer le Reichsleiter Bormann — « grand-ducal mecklembourgeois Friedrich-Franz ». Le chemin de fer lui-même n'a pu l'emporter sur les intérêts dynastiques. Ce seul fait démontre bien qu'il n'eût jamais été possible de réaliser l'unité du Reich sans éliminer les princes allemands. Chacun de ceux-ci construisait des chemins de fer à son bon plaisir. En revanche, les autoroutes traversent tout le Reich de façon totalement uniforme. Ceux qui y roulent ont partout le sentiment de se trouver dans leur patrie. Les nids-de-poules commencent — il faut s'en vanter — seulement là où s'arrête l'Allemagne. Si on n'en construisit pas avant lui, c'est surtout parce qu'on n'envisagea jamais correctement la question du financement. On demande, par exemple, à des petites localités de contribuer à la construction des portions de grand-routes locales et l'on s'étonna d'obtenir des résultats déraisonnables. Quand il envisagea, lui, la construction des autoroutes, il partit du principe qu'il en réaliserait environ un millier de kilomètres par an et calcula qu'il lui faudrait à peu près un milliard. Il exposa, un jour, à Lloyd George, comment il se procura ce milliard : a) en enrôlant des chômeurs pour cette construction, ce qui fit épargner au Reich cinq à six cents millions d'indemnités de chômage ; b) en augmentant l'impôt sur le revenu et celui sur les carburants, ce qui fournit entre quatre et cinq millions. Cette construction des autoroutes ne coûta donc pratiquement rien au Reich. Lors de son entretien avec Lloyd George, ce fin renard s'était aussitôt enquis de l'épaisseur de la couche en béton armé des voies. En Amérique cette épaisseur étant de cinq ou six centimètres, il n'avait pas voulu croire que la nôtre atteignait entre vingt-cinq et trente centimètres. Comme Kempka (1) le lui (1) Son chauffeur.

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HITLER CET INCONNU raconta par la suite, Lloyd George, circulant sur une autoroute, avait tiré un mètre de sa poche pour vérifier personnellement qu'il ne s'agissait pas d'une vantardise. Si lui, le Chef, avait choisi une telle épaisseur, c'était pour assurer que la route ne souffrirait pas même du trafic le plus dense. La guerre lui a donné raison. Même les bombardements n'ont pas causé de grands dommages. Malheureusement, la guerre a conduit à couvrir ces autoroutes d'un revêtement noir pour qu'elles ne servent pas de repère aux aviateurs ennemis. 182.

19/7/1942 (midi).

(Comme souvenir de ce qu'on mangeait à la table du Führer, j'ai porté le menu d'aujourd'hui :) Quartier général du Führer 19 juillet 1942 Plat de légumes Pommes Nous avons pourtant à Vinnitsa même une fabrique de conserves de viande ultra-moderne. On y abat jusqu'à trois cents porcs par jour pour la Wehrmacht et ils sont traités à la chaîne, à la manière américaine. La direction ne prélevait jusqu'ici que ce qui était nécessaire pour nourrir sa main-d'œuvre — des femmes en grosse majorité — ce qui est négligeable dans sa production et qui encourage particulièrement les gens à bien travailler parce que toute négligence est punie par une réduction de la ration. Mais Berlin vient d'interdire de donner aux gens de la nourriture en plus de leur salaire. Le Chef s'exprime de façon particulièrement vive sur cette pingrerie. Au déjeuner, le Chef parle du problème que posent les constructions navales. Lors de la destruction d'un grand navire de combat, souligne-t-il, les pertes en vies humaines peuvent dépas519


HITLER CET INCONNU ser deux mille. En construisant de petits navires, armés seulement d'un tube lance-torpilles, on réduit considérablement ces pertes et, au combat, on peut obtenir des succès beaucoup plus grands qu'avec de lourds bâtiments. Il demanda un jour au comte Luckner (1) pourquoi il effectuait toujours ses croisières autour du monde avec des bateaux relativement petits. La réponse fut lumineuse : quand il arrive quelque chose à un grand bateau, ses marins cherchent refuge dans des petits ; par conséquent, on peut parfaitement choisir de naviguer tout de suite avec ces petits. Luckner était, d'autre part, un conteur si extraordinaire que lui, le Chef, s'était, une fois, laissé complètement passionner par lui. Quelqu'un ayant, un jour, déclaré que les affirmations de Luckner n'étaient pas toujours conformes à la vérité, il en avait été affecté comme un enfant qu'on prive de son cadeau de Noël. Le Chef demande à l'amiral Krancke comment s'explique l'expression de « blagues de marins » qu'on applique à Luckner. Cela vient, dit l'amiral, qu'au cours des longues traversées, les marins passent leur temps à se raconter des histoires pour rompre la monotonie de la nourriture et du temps, car ils épuisent vite les livres qui se trouvent à bord et que, tout en écoutant une histoire, on peut continuer des petites occupations comme le ravaudage des filets, le triage du poisson, etc. Le Chef parle de Krause, son ancien valet de chambre qui était marin et qui, de jour comme de nuit, lui racontait des histoires inventées de A jusqu'à Z, même le plus bête pouvait s'en apercevoir. Un jour, excédé, il dit à Krause qu'il s'entendait lui-même comme personne à raconter des histoires, qu'il ne fallait donc pas essayer de lui en faire accroître. Krause ne cessa pourtant pas de parler et le Chef dut s'en séparer. Il a souvent remarqué que, dans toutes ces histoires de marins, la superstition joue un grand rôle. Les marins sont évidemment semblables aux comédiens. Ils se trouvent souvent dans des situations dont ils ne peuvent toujours prévoir la fin et dont le déroulement ne dépend pas de leur volonté. Ils ne savent pas quand (I) Le comte Félix Luckner, commandant du corsaire à voiles Seeadler et écrivain maritime connu.

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HITLER CET INCONNU un ouragan s'abattra sur eux, de même que les comédiens ignorent s'ils ne seront pas salués par une bordée de sifflets des spectateurs. Cela les rend superstitieux. Au reste, il considère la superstition comme un facteur dont il faut tenir compte dans la conduite des hommes même si on en rit soi-même. Une fois, il a déconseillé au Duce d'engager une action militaire le 13, date à laquelle elle était prévue. Il tient également pour mauvais de faire appareiller un navire un vendredi, tous les vieux marins estimant que c'est dangereux. Il y a là quelque chose d'impondérable. Les gens qui y croient, perdent facilement la tête à la moindre crise. Au plus fort des difficultés que nous avons connues l'hiver dernier sur le front oriental, quelque imbécile fit remarquer que Napoléon avait commencé sa campagne de Russie un 22 juin, comme nous. Dieu merci, il put arrêter l'effet produit par ce propos en faisant établir par des spécialistes que Napoléon avait, en réalité, commencé sa marche le 23 juin. Il ne faut pas, non plus, sous-estimer l'importance des horoscopes auxquels les Anglo-Saxons sont particulièrement crédules. Le commandement militaire anglais s'inquiéta énormément d'un horoscope dressé par un Anglais très connu et qui annonçait la victoire de l'Allemagne dans la présente guerre. Les journaux durent déterrer et publier tous les horoscopes faits par cet homme qui s'étaient montrés faux, pour détruire l'effet démoralisant produit par cette nouvelle. En ce qui concerne la superstition, il faut se dire que les malheurs qu'elle annonce peuvent cent fois ne pas se produire, même ne pas parvenir à la connaissance des intéressés, mais que s'ils se réalisent une seule fois, cela se transmet de génération en génération et est désormais tenu pour article de foi.

183.

20/7/1942 (midi).

La jeunesse, dit le Chef, a toujours en elle un esprit guerrier. Même en 1914 elle n'avait qu'une crainte : arriver trop tard. 521


HITLER CET INCONNU 184.

Soir.

Il est nécessaire, observe le Chef, de traiter la construction des routes et des ponts à l'échelon national. Les communes ne l'envisagent qu'en fonction des obligations de la vie économique courante. Si celle-ci n'exige pas que les ponts supportent plus de douze tonnes, on ne les construit pas pour en supporter plus. Le Reich doit voir les choses autrement, notamment sous l'angle militaire. La présente guerre montre qu'il faudra, à l'avenir, prévoir que les routes et les ponts pourront avoir à supporter jusqu'à cent quarante tonnes quand ils sont utilisés par des chars lourds. Hitler évoque ensuite des souvenirs de guerre. La population du nord de la France, des Flandres, d'Ypres, etc., paraissait vraiment très médiocre mesurée à notre aune. Or, il est repassé depuis dans ces régions et y a trouvé un matériel humain très supérieur à ce qui constituait l'élite dans sa jeunesse. Les soldats allemands et anglais y ont donc accompli une « nordification » dont les résultats sont incontestables. Cela permet de ne pas s'étonner de trouver également des traits nordiques dans la population ukrainienne. Il y a eu là, autrefois, d'énormes établissements allemands. Les Allemands, rapporte-t-on au Chef, qui appartenaient à la Légion étrangère des Français et ne sont pas rentrés dans l'ancien Reich à cause des poursuites contre les communistes, se sont particulièrement distingués à l'Afrikakorps. La Légion étrangère, dit le Chef, est une organisation extrêmement utile, car elle groupe des gens aventureux qui ont la guerre dans le sang. Si l'engagement de Français sur le front oriental donne de bons résultats, si nous nous entendons bien également avec les Belges, les Hollandais, etc., il serait incompréhensible de notre part de ne pas créer nous aussi une Légion étrangère pour l'employer à l'Est. Il va de soi que de telles unités militaires ne pourraient en aucun cas servir contre les Anglais si leurs soldats provenaient des régions soumises à l'influence de ceux-ci.

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HITLER CET INCONNU 185.

21/7/1942 (midi).

Le Chef fait des commentaires sur une caricature qu'il a vue dans quelque illustré, où des soldats américains se qualifient fièrement de « soldats les mieux armés du monde » parce qu'on les représente avec 10, 12, 15, 17, 19 mitrailleuses accrochées aux épaules. 186.

Soir.

Le Chef parle de l'habitude qu'ont les Français, bourgeois aisés, officiers supérieurs, artistes renommés ou politiciens marquants, de se faire construire une belle villa, avec un parc soigné, le plus souvent dans leur village natal. Presque dans chaque village on aperçoit, parmi les maisons banales, une ou plusieurs de ces villas qui appartiennent à un avocat, à un manufacturier, à un peintre, etc. Le fait qu'elle passe deux ou trois mois chaque été dans ces propriétés, donne à la classe dirigeante française un contact avec la terre qui, politiquement, ne peut être sous-estimé. Avec le temps, les propriétaires font connaissance avec les habitants du village, discutent avec eux, et en viennent ainsi, sans difficulté, à bien connaître les soucis, les joies, toutes les notes, petites et grandes, de la vie rurale. Il n'existe pas de moyen plus sûr d'empêcher un isolement de la classe dirigeante. Le Chef exprime le souhait que lors d'un « second front », les « girls militaires » des soldats américains débarquent en premier. On aura des choses à leur apprendre ! Le Chef prescrit de ne projeter désormais les actualités cinématographiques en Bohême et Moravie, qu'en allemand, car ce sera une façon plus rapide d'y enseigner cette langue que par son étude obligatoire à l'école. A l'occasion d'un récent incident, il déclare que le dernier des soldats allemands a la préséance sur tout prisonnier étranger, même si celui-ci est un général. Parlant des développements survenus en Union soviétique, en 523


HITLER CET INCONNU particulier des purges effectuées par Staline dans le grand étatmajor, le Chef dit qu'on ne sait pas très bien si les divergences entre Staline et Toukatchevski ne sont pas devenues si grandes avec le temps qu'il ait pu craindre d'être assassiné par l'entourage de celui-ci. L'abîme entre les mondes d'où sortaient Staline et l'ancien officier tsariste ne cessait de s'élargir. (Le génial) Staline comprit qu'il pouvait, avec ses projets de révolution mondiale et de submersion de l'Europe centrale et occidentale, devenir le bénéficiaire du fait que le passage des Chrétiens de la métaphysique au matérialisme n'avait pu s'effectuer à la fin du XIXe siècle ni au commencement du XXe. Quand on y pense, on comprend quel effroyable danger aurait couru l'Europe, si lui, le Chef, n'avait pas pris les devants. Car derrière Staline, il y a le Juif. Le mot d'ordre juif de la dictature du prolétariat réclame l'élimination par celui-ci du système actuel de domination et son remplacement par la domination d'une minorité bâtardée de Juifs, car le prolétariat est manifestement incapable de l'exercer lui-même. Une victoire de Staline aurait donc établi la pire forme du communisme, dont la guerre civile d'Espagne a fourni des exemples abondants, dans tous les pays de l'Europe centrale et occidentale. A la fin de cette guerre, cette Europe pourra respirer plus librement, car — comme lorsque la guerre se terminera le dernier Juif aura été expulsé d'Europe — le danger communiste venant de l'Est sera extirpé radicalement. 187.

27/7/1942 (midi).

Cette guerre, dit le Chef, constitue une image assez fidèle des conditions de la lutte pour le pouvoir. Ce qui se passa alors chez nous entre les partis, se reproduit aujourd'hui entre les nations. L'Union soviétique est le bloc d'assaut comme l'était notre parti communiste, et les pays capitalistes, comme nos partis bourgeois d'alors, n'interviennent qu'en marge. Le Chef vient à parler des îles Anglo-Normandes que nous occupons. Les habitants, dit-il, se considèrent comme des citoyens 524


HITLER CET INCONNU de l'Empire britannique et non comme des sujets de la Couronne. Pour eux, le roi d'Angleterre n'est toujours que le duc de Normandie. Aussi, traités convenablement par les autorités d'occupation, ne constituent-ils pour nous aucun problème. On lui a proposé d'envoyer dans ces îles des Frisons ou des gens de la région de l'Ems, mais il juge l'idée inacceptable, car ceux-ci, en tant que paysans des marches, sont avant tout des éleveurs alors que les Anglo-Normands sont des jardiniers. Si les Anglais avaient conservé ces îles, ils auraient pu nous porter bien des mauvais coups à partir d'elles simplement en les fortifiant et en y installant des terrains pour chasseurs. C'est nous qui les avons fortifiées et, en les faisant garder par au moins une division, nous sommes sûrs qu'elles ne retourneront jamais aux mains des Anglais. On pourra, après la guerre, les donner à Ley, car, à cause de leur merveilleux climat, il y installera de splendides colonies de vacances pour la « Force par la Joie », et presque sans aucun frais car elles sont bourrées d'hôtels. Les Italiens auraient pu se procurer des facilités analogues s'ils s'étaient emparés de Chypre au début de la guerre (1). Mais ils s'interdirent tout d'abord toute opération militaire par leur déclaration qu'ils se considéraient désormais comme « en état de belligérance ». Pourtant, nous leur avions montré, par notre campagne de Norvège, comment il fallait faire. Les Italiens d'aujourd'hui ne sont, en moyenne, que des « mangeurs », pas des combattants. Quelle autre impression produisent les hommes des tribus caucasiennes qui sont certainement les meilleurs et les plus fiers qu'on puisse trouver entre l'Europe et l'Asie ! 188.

Soir.

Il ne faudra pas, dit le Chef, laisser les juristes trop réglementer dans les territoires de l'Est. Un fait les caractérise bien : en tant que Chancelier, la loi l'autorise à signer des lois et des décrets qui entraînent des dépen(1) Il faut manifestement lire Malte.

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HITLER CET INCONNU ses se chiffrant par millions et par milliards, mais s'il veut disposer de disons vingt-trois marks légués par un testament, sa signature doit être authentifiée par un notaire. Il a dû promulguer une loi pour faire disparaître cette absurdité. Tant qu'il sera là, aucun danger ne menacera du côté des juristes, car il n'hésitera pas à intervenir énergiquement contre eux, mais il s'inquiète du mal qu'ils causeront quand il ne sera plus là. Aussi s'est-il créé, depuis quelque temps, la possibilité de saisir au collet ceux qui commettront quelque faute. Jusque-là, ces Messieurs n'étaient justiciables que de leurs conseils de discipline, dont le principe était « les loups ne se mangent pas entre eux ». C'est fini de ce temps-là. A l'époque de la lutte, il a fait suffisamment d'expériences personnelles avec les gens de cet état. Quand on lui dit : « Mais vous pensez encore au temps du Système où les juristes étaient rois, ils sont bien différents aujourd'hui ! », il répond que leur formation est tellement retorse qu'ils nagent forcément dans les mêmes eaux qu'autrefois. D'ailleurs on ne peut pas considérer comme parfaitement honnête une carrière qui consiste à plaider des causes sa vie durant, car l'ardeur de la plaidoirie dépend, le plus souvent, des capacités financières du client. L'avocat Luetgebrune a même pu pleurer quand le montant des honoraires lui a fait penser que c'était utile. Où est le sens de la justice de MM. les juristes quand ils murmurent à des criminels, lors d'un procès, les moyens de se défendre et qu'ils essaient, par des questions adroites, d'éviter une condamnation qu'ils savent eux-mêmes juste ? On a l'impression de voir un renard éduquer un renardeau. Autrefois, on jetait le corps des comédiens à la voirie, c'est celui des juristes qu'il faudrait jeter aujourd'hui. Personne n'est aussi près d'un criminel qu'un juriste et, d'ailleurs, dans leur internationalité, ils ne présentent aucune différence. Le seul moyen de rendre honnête la carrière de juriste, c'est de la nationaliser. Dans l'état actuel des choses, on ne comprend pas, même avec la meilleure volonté du monde, qu'un juriste puisse recevoir le titre de docteur. Les Soviétiques, souligne le Chef, eussent été extraordinairement dangereux pour nous s'ils avaient réussi avec leur slogan « Plus jamais de guerre ! » à étouffer l'esprit guerrier du peuple

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HITLER CET INCONNU allemand. Car, alors qu'ils agissaient ainsi par notre parti communiste, la presse, des grèves, bref tous les moyens possibles pour établir le pacifisme, ils s'armaient formidablement en Russie. Sans tenir compte du bla-bla-bla humanitaire qu'ils répandaient en Allemagne, ils tiraient un parti étonnant de leur main-d'œuvre et entraînaient leurs ouvriers à travailler non seulement plus vite, par le stakhanovisme, mais encore plus longtemps que l'ouvrier moyen en Allemagne et dans les pays capitalistes. Plus nous prenons connaissance des conditions soviétiques, plus nous devons nous réjouir d'avoir réagi à temps, car dans les dix années qui viennent, la Russie aurait monté une quantité de centres industriels de plus en plus inattaquables et se serait donné un armement inimaginable, alors que l'Europe serait parallèlement devenue sans défense contre ses plans de domination. Se moquer du stakhanovisme serait imbécile. L'équipement de l'Armée rouge constitue la meilleure preuve que ce système d'action sur la mentalité des ouvriers russes a remporté un succès inouï. De même, il faut manifester à Staline un respect sans borne. C'est un véritable génie à sa manière ! Il connaît par cœur ses modèles comme Gengis Khan, et ses plans économiques sont si vastes que seul notre plan de quatre ans l'emporte sur eux. Il est hors de doute que, contrairement à ce qui existe dans les pays capitalistes, il n'y a pas de chômeurs en Union soviétique. Le Reichsleiter Bormann qui vient de faire un tour avec le professeur Brandt dans les kolkhozes voisins du quartier général, met la conversation sur la population ukrainienne. A voir les enfants, déclare-t-il, on n'imagine pas qu'ils auront plus tard des traits slaves. Ils sont, comme la plupart des Baltes, blonds avec des yeux bleus, joufflus, la figure ronde, et produisent une excellente impression. Nos jeunes Nordiques, par contre, ressemblent à des poulains, avec des jambes trop minces et trop longues, un corps et un visage ossus, anguleux ! En parcourant la campagne, dit le Reichsleiter, on s'étonne de voir si peu d'hommes et autant d'enfants. Cette vaste progéniture pourrait, quelque jour, nous donner du fil à retordre, car c'est celle d'une race élevée beaucoup plus 527


HITLER CET INCONNU durement que la nôtre. Ici, personne ne porte de lunettes, la denture semble le plus souvent excellente, tout le monde paraît bien nourri et reste manifestement sain de la jeunesse à la vieillesse. La dureté des conditions dans lesquelles ces gens vivent depuis des siècles, a opéré une sélection naturelle très poussée. Nous, quand nous buvons de l'eau dans un verre malpropre, nous tombons malades. Eux, ils vivent dans la saleté, boivent une eau innommable à leurs fontaines ou dans leurs rivières, et demeurent pourtant parfaitement sains. Il nous faut avaler chaque soir de l'atébrine pour ne pas attraper le paludisme, mais ces Russes, ou plutôt ces Ukrainiens, semblent immunisés contre lui aussi bien que contre l'urticaire bien qu'ils soient couverts de poux. Nous n'avons pas intérêt à ce que, sous l'effet de la réglementation allemande, donc d'une hygiène accrue, ils deviennent encore plus forts ; bien au contraire, nous aurions, très vite, à subir leur dangereuse pression démographique. Notre intérêt est qu'ils ne se reproduisent pas autant, car, ce que nous cherchons, c'est à coloniser toute cette terre, jusqu'ici russe, avec des Allemands. Le Chef dit avoir lu dans quelque note la proposition d'interdire les avortements et l'emploi des produits abortifs dans les territoires de l'Est. Si quelque idiot essayait vraiment de mettre cette interdiction en pratique, il l'abattrait de sa main. Etant donné la fécondité de la population indigène, nous avons intérêt à ce qu'il y ait le plus d'avortements possibles. Il faut donc non seulement tolérer mais favoriser, au contraire, le commerce des préservatifs, car l'accroissement du nombre des non-Allemands est indésirable. Le danger de voir la population augmenter sous notre domination existe bien, il le reconnaît, car il est inévitable que, sous elle, les conditions d'existence des indigènes deviennent bien meilleures et plus sûres. Il nous faut donc absolument prendre des mesures pour prévenir cet accroissement de la population non allemande. Etablir pour elle un service sanitaire du genre allemand serait une absurdité pure. Il ne peut être question d'y introduire la vaccination et les mesures préventives analogues. Il faut étouffer

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HITLER CET INCONNU chez elle le désir d'y recourir, par exemple en faisant courir le bruit que la vaccination est une chose très dangereuse. Il est également d'une extrême importance de ne pas éveiller chez elle une conscience de maître. A cet égard, nous devrons nous montrer particulièrement prudents, car c'est justement le contraire de cette conscience qui constitue une des conditions nécessaires à notre œuvre. Donc, pas d'instruction bien poussée pour la population non allemande. Si nous commettions la faute de la lui donner, nous nourririons nous-mêmes l'opposition à notre domination. Il faut, il est vrai, lui accorder des écoles, mais où il faudra payer pour entrer. On ne lui apprendra que la signification de la signalisation routière. Dans le domaine de la géographie, il suffira d'enseigner que la capitale du Reich s'appelle Berlin et que tout le monde doit y aller au moins une fois dans sa vie. D'autre part, il suffira largement d'apprendre à la population à lire et à écrire l'allemand ; l'enseignement du calcul et d'autres sujets analogues serait superfétatoire. En ce qui concerne ces écoles, il ne faudra jamais oublier que nous devons employer les mêmes méthodes que les Anglais dans leurs colonies. La prétendue diffusion des lumières, que la prêtraille allemande veut réaliser, est une absurdité. Le général Jodl a donc eu raison de s'opposer à la pose d'une affiche, en ukrainien, qui interdisait de passer sur les voies ferrées. Peu nous importe qu'un indigène de plus ou de moins soit écrasé. S'il préconise d'enseigner l'allemand dans les écoles, c'est afin de créer les conditions nécessaires à l'exercice de notre direction. Un indigène pourrait se dérober à l'exécution d'une prescription en allemand en prétextant qu'il ne la comprend pas. Pour la même raison, on n'apprendra pas dans les écoles les lettres cyrilliques mais les lettres normales. La plus grande faute que nous puissions commettre serait de trop montrer de sollicitude à la population indigène. Afin de ne pas nous affaiblir avec le temps sous l'effet des conditions d'existence, il faudra nous tenir complètement à part de la population indigène. Il ne peut être question de faire habiter des Allemands dans les villes ukrainiennes. Même une caserne devra, de préférence, être construite en dehors des agglomérations, car, autrement, il fau529


HITLER CET INCONNU drait rapidement nettoyer ces villes, or, il ne faut à aucun prix les améliorer et les embellir. Notre rôle ne consiste pas à porter la population à un meilleur niveau d'existence. Nous devons donc prévoir, à long terme, que les Allemands vivront dans des villes et des villages à construire entièrement et à l'écart des agglomérations ukrainiennes. Les maisons allemandes ne devront en aucun cas ressembler à celles des indigènes, donc pas de torchis ni de toits de chaume qui rappelleraient les modèles de ceux-ci. Dans l'ancien Reich, avec le temps, on a fini par tout considérer sous l'angle d'un petit trou provincial en réglementant jusque dans le moindre détail. Cela vient, naturellement, de ce que, en Allemagne, nous vivons littéralement les uns sur les autres et que, par conséquent, la police doit intervenir à tout moment pour que l'ordre règne. Mais cette réglementation extrême présente un danger : un Allemand qui franchit sa frontière et dresse sa tente par exemple dans un dominion anglais, respire aussitôt plus librement parce qu'il peut se mouvoir et agir plus à son gré ; de ce fait, il s'écarte sentimentalement de sa patrie. Dans les territoires de l'Est il faut, à tout prix, éviter ce défaut d'une réglementation excessive. Si nous ne voulons pas dresser la population indigène contre nous, il ne faut limiter sa liberté individuelle que dans la mesure absolument indispensable pour sauvegarder nos intérêts. Dans l'ancien Rcich, nous en sommes arrivés au point que Berlin veut avoir son mot à dire dans la nomination des bourgmestres de tout le pays. On a même interdit l'association des éleveurs de chiens et il a dû intervenir personnellement pour que 1' « organisation des chiens » soit de nouveau permise. Aussi veut-il que Berlin ne donne que de grandes directives aux territoires de l'Est. Les commissaires régionaux régleront sur place les détails d'application. Pour empêcher cette réglementation excessive, il faudra réduire au minimum l'administration allemande dans ces territoires. Cela obligera les commissaires régionaux à collaborer plus étroitement avec les autorités locales indigènes. Cette collaboration ne devra naturellement pas s'étendre jusqu'au Commissaire général ou au Reichskommissar. 530


HITLER CET INCONNU 189.

24/7/1942 (soir).

Au dîner, le Chef fait, entre autres, les déclarations suivantes : Dans cette Deuxième Guerre mondiale, où se joue notre existence, il ne faut jamais oublier que la juiverie constitue, depuis la déclaration de guerre faite par le président Khaim Weizmann (1) au congrès sioniste international, l'adversaire la plus acharnée du national-socialisme, son ennemie n° 1. Ne serait-ce que par égoïsme sacré, l'Europe doit refuser d'avoir affaire à la juiverie, car celle-ci est, racialement, la plus forte. Aussi, après la guerre, s'en tiendra-t-il rigoureusement au point de vue que toutes les villes devront être expurgées une à une, si cette racaille juive n'en sort pas pour se rendre à Madagascar ou dans tout autre Etat national juif. Le plus urgent est d'éliminer les Juifs de Vienne, car c'est là qu'ils se manifestent le plus facilement. A Munich, également, il faudra faire disparaître les derniers cent cinquante mille. Il se réjouit que Linz, tout au moins, soit, aujourd'hui, complètement nettoyée de ses Juifs. On vient de lui signaler qu'il en était de même en Lithuanie, et c'est significatif. Les Lithuaniens les ont trop connus durant la brève période du régime soviétique. Tout Juif qui s'est vanté de « faire sécher son linge sur la Ligne Siegfried » sera puni de cette insolence après la guerre. Le soldat anglais, qui leur doit son manque de prestige, s'en chargera peutêtre lui-même, car, au fond, les Anglo-Américains sont encore plus antisémites que les Allemands qui, en dépit de toutes leurs expériences, n'arrivent pas à s'affranchir, dans leur sentimentalité, de la fausse conception du « Juif honnête ». C'est un auteur allemand qui a glorifié le Juif en « Nathan le Sage », alors que Shakespeare l'a flétri à tout jamais sous le nom de « Shylock ». Staline, lui-même, n'a pas caché à Ribbentrop qu'il attendait seulement un développement de l'intelligence en Union soviétique pour se débarrasser de la juiverie qui lui est encore actuellement nécessaire comme classe dirigeante. (1) Cette déclaration est du 5 septembre 1939, elle fut publiée le 8 par le Jewish Chronicle.

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HITLER CET INCONNU Après la guerre, il faudra accroître nos efforts pour rassembler tous les éléments germaniques dans notre Légion germanique. L'expérience faite, lors de la prise de Tobrouk avec les anciens soldats allemands de la Légion étrangère française, constitue un encouragement à agir dans ce sens. Il existe justement dans les peuples germaniques des caractères aventureux qui ont l'instinct de la guerre dans le sang. Si l'on cherche des exemples historiques, qu'on pense à Frundsberg (1) et à la Suisse qui eût été écrasée par la Révolution française si elle n'avait pas eu ses mercenaires. Quand on lui déclare que les Hollandais ne conviennent pas pour les divisions de S.S., il se borne à évoquer l'image ancienne des soldats des Etats allemands du Sud. Combien cette image a changé en vingt ans d'éducation ! On doit pouvoir ranimer l'esprit guerrier chez les meilleurs éléments d'un peuple comme le peuple hollandais qui a pu établir un service aérien avec l'Extrême-Orient et a produit tant de marins remarquables. Il ne faut jamais cesser de croire que le noyau du peuple reste sain. Lui-même fut très frappé qu'un industriel de l'envergure de Kirdorf lui ait accordé son concours pour le mouvement, tout en lui déclarant qu'on ne pouvait exiger de lui qu'il crût à la victoire de celui-ci. Un peuple qui avait toléré un empereur comme Guillaume II était, à son avis, trop pourri dans sa classe dirigeante pour connaître une renaissance. Que Kirdorf, dans son pessimiste, jugeât mal notre peuple est prouvé par le fait que celui-ci a déjà oublié ses anciens monarques et les membres des familles princières. Qui s'occupe aujourd'hui, par exemple, de Rupprecht de Bavière ? Combien peu de raison contient la royauté et combien est court le chemin entre le trône et l'asile d'aliénés ! Seul le cas de la Belgique est plus délicat : il serait enchanté de se débarrasser du roi des Belges avec une pension annuelle, disons d'un demi-million, et de le faire sombrer dans l'oubli politique. Ce roi a si bien réussi en embobiner le colonel allemand qui lui est affecté comme officier de liaison, qu'il lui suffirait de (I) Chef de lansquenets du XVIe siècle.

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HITLER CET INCONNU le décorer de l'Ordre de sa maison pour en faire un véritable polichinelle ! Dans les mêmes circonstances, un colonel anglais aurait manifesté autrement de fierté, qu'on pense au « geôlier » de Napoléon. En Hollande, Dieu merci, les choses ont été plus faciles, avant tout parce qu'il y avait sur le trône un parfait crétin dans la personne du prince von Biesterfeld (1). Avant d'épouser Juliana de Hollande, il se présenta à lui et lui fit toute sorte de courbettes. Deux jours plus tard, il déclarait publiquement que, depuis son enfance, il pensait en Hollandais. La bêtise et l'orgueil se donnent rendez-vous non seulement sur le trône mais aussi dans la prétendue élite « des dix mille ». Combien de fois a-t-il dû défendre le Duce devant certains milieux de la société en signalant que, sans lui, l'Italie serait aujourd'hui communiste. Et combien de fois ces mêmes milieux l'ont-ils déclaré lui-même mort ou mortellement blessé ! En ce qui concerne le Duce, le Reichsleiter Bormann a parfaitement raison de souligner, d'après les photographies qu'il possède, que celui-ci jouit d'une immense popularité. Lui-même a pu se convaincre par une foule de détails, pendant son séjour en Italie, de l'ampleur de cette popularité. Mais il faut aussi admettre que le Duce et le fascisme, sous sa direction, ont créé des choses inouïes dans leur pays, qu'il s'agisse de la construction de nouvelles usines, de nombreuses écoles, d'une quantité d'hôpitaux ou du domaine colonial. Il faut bien se souvenir de l'état où se trouvait l'Italie quand le Duce intervint. Cependant, il a vaincu le communisme non par la force militaire mais uniquement en répandant ses idées. Il s'est acquis le mérite considérable d'avoir, pour la première fois, porté un coup décisif à la force intérieure du communisme et démontré au monde qu'on peut, en vingt ans, redonner à un peuple le sentiment national. Ce mérite est d'une signification toute particulière, comme le sien (Hitler) sera avant tout d'avoir endigué l'invasion de l'Europe par les Asiatiques. Si le Duce s'est heurté à de grosses difficultés dans sa besogne politique, c'est parce que la Couronne a trop rogné ses droits. (1) Le prince consort Bernhard, de la maison de Lippe-Biesterfeld.

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HITLER CET INCONNU Il est impossible d'exercer pleinement son autorité de chef d'Etat si les forces armées ont prêté serment à quelqu'un d'autre. De même, un directeur d'entreprise commerciale ne peut diriger complètement si quelqu'un d'autre détient la majorité des actions et rend sa direction illusoire. D'énormes difficultés surgissent forcément si le pouvoir législatif et la force armée ne sont pas réunis dans la même main. Pour juger le Duce, nous devons, nous les Allemands, tenir compte de toutes ces choses. Finalement, c'est au Duce que l'Allemagne doit de ne pas voir l'Italie dans le camp de ses ennemis. Si l'alliance italienne ne nous donne pas toute satisfaction, c'est parce que le roi et la cour conservent des possibilités d'action trop étendues dans le domaine des forces armées et de la vie politique. Encore aujourd'hui, c'est le roi qui nomme les préfets en Italie. Le Duce dit, à la vérité, qu'il ne s'en inquiète pas, qu'il a pris ses précautions. Le danger, par exemple, de voir quelques préfets agir dans l'ombre contre lui, a toujours été écarté en implantant ses meilleurs fascistes dans les préfectures. Mais, quand il faut changer un préfet, il doit toujours avoir un candidat sous la main, sinon la camarilla de la cour mettrait en place un de ses hommes. Et il a vu lui-même à Rome ce que cela signifie. Il n'en a pas cru ses yeux en voyant avec quelle insolence la reine traitait le Duce et comment la camarilla prenait toujours les premiers rangs. Rien ne démontrait mieux la nécessité de la Milice fasciste. Il l'a dit à Mussolini mais celui-ci en a ri et lui a déclaré que, dans de telles conditions, on ne pouvait même pas s'en tirer avec la seule force exécutive de la police d'Etat. Les « dix mille » d'Italie ne comprennent pas qu'ils seraient pendus et rôtis comme leurs semblables des Balkans en cas de victoire du bolchevisme et qu'ils devraient, justement à cause de cela, porter le Duce sur le pavois, non, au contraire, ils lui créent difficulté après difficulté dans sa lutte contre ce bolchevisme. Ils ne se rendent pas compte qu'ils font ainsi le jeu des communistes et se comportent comme les veaux dont, dit l'adage, « les plus sots choisissent eux-mêmes leurs bouchers ».

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HITLER CET INCONNU 190.

25/7/1942 (midi).

La conversation porte sur la dépêche suivante du D.N.B. : Dans le Germanern (organe des S.S. norvégiens), Quisling publie un article sur la grande communauté germanique qui, seule, peut assurer à la Norvège son existence de nation libre et indépendante dans l'actuel conflit mondial. Aujourd'hui, il ne s'agit pas seulement de gagner Ja guerre contre la Russie, l'Angleterre et les Etats-Unis, il est également nécessaire de rassembler tous les peuples germaniques dans une collaboration honorable et compréhensive. Le Reichsführer S.S. Himmler signale que déjà 4 500 Hollandais sont inscrits aux S.S. et récemment il y avait 200 Suisses et 250 Suédois dans le cadre des Waffen-S.S. qui, certainement, seront suivis par d'autres. Il est juste, observe le Chef, de donner de plus en plus de force à l'idée germanique. Nous devons attirer comme un aimant les meilleurs éléments, les plus solides des peuples germaniques. De même, il nous faut récupérer les éléments allemands de Hongrie et de Roumanie en vue des grandes tâches qui nous attendent à l'Est. De cette façon on mettra fin une fois pour toutes à la pratique qu'ont certains peuples étrangers de rafraîchir leur classe dirigeante avec du sang allemand. 191.

Soir.

On parle de la dépêche suivante du D.N.B. : L'antisémitisme grandit en Angleterre. Le correspondant à Londres du Göteborgs Posten signale qu'on s'inquiète beaucoup du côté juif de l'attitude de plus en plus antijuive du peuple britannique. D'après le conseiller commercial qui lui a fourni cette observation, cela proviendrait de ce qu'on établit en Angleterre un rapport de plus en plus étroit entre les Juifs et le marché noir. Les lois sur le rationnement ont conduit un certain nombre de commerçants juifs de peu d'intelligence à se mêler à ce marché noir... Pour lutter contre cet état d'esprit antijuif, l'archevêque de Canterbury s'efforce de mettre sur pied une organisation 535


HITLER CET INCONNU qui combattra l'intolérance et œuvrera pour établir une compréhension mutuelle entre Juifs et Chrétiens... Le Reichsleiter Bormann me fait remettre, à ma table, cette dépêche, avec une observation marginale : « Remarque du Chef : « Et c'est pour ça que Jésus-Christ s'est laissé mettre en croix par les Juifs ! » L'aide de camp Schultze et moi intervenons dans la discussion avec tant de zèle que nous renversons notre carafe contenant du jus de cerise, et tachons ainsi la nappe. Nous guettons la réaction de Hitler, mais il ne dit rien et fait semblant de ne pas avoir remarqué l'incident. 192.

26/7/1942 (midi).

Le Chef compte, dit-il, remanier l'économie de l'énergie sans lui donner la forme d'un socialisme d'Etat ni une tendance centralisatrice. Dans l'Etat national-socialiste, l'administration intervient tout naturellement dans les intérêts privés lorsque c'est nécessaire pour le bien de la collectivité. Il peut donc, en se réservant ce droit, laisser un champ plus grand à l'initiative privée. On ne doit pas prendre en main l'économie privée parce que cela conduirait à une effroyable bureaucratisation, donc à une paralysie de l'exploitation. Il faut, au contraire, favoriser cette initiative. Le Chef envisage la réglementation suivante : En principe, à l'avenir, chaque paysan qui en a la possibilité devra se construire un moteur éolien et celui qui est au voisinage d'un ruisseau utilisera celui-ci pour se procurer l'énergie nécessaire. Il faut faire disparaître le monopole de certaines compagnies qui empêche les gens de se procurer eux-mêmes leur énergie. En outre, il est possible que les communes elles-mêmes en produisent en employant soit du charbon, soit quelque force hydraulique. L'administration ne pourra que se réjouir de voir les agglomérations se rendre indépendantes dans ce domaine. Les gauleiter devront également, là où la possibilité existe, produire le courant nécessaire à leurs régions. S'ils ont des excédents, ils s'en déchargeront sur le Reich. 536


HITLER CET INCONNU Il est donc tout à fait indésirable que l'Etat exploite toutes les petites et moyennes entreprises de production d'électricité à la place des communes. Il devra être également possible, par exemple à un propriétaire de moulin, de produire de l'énergie pour lui et l'agglomération environnante. L'administration d'Etat gardera à sa charge les grandes centrales hydrauliques et électriques nécessaires à l'économie générale. Autrement, il faudrait multiplier les bureaucrates, installer un contrôleur ou un inspecteur presque dans chaque village, alors qu'il est de l'intérêt du Reich de se décharger dans toute la mesure du possible sur l'initiative privée — où il faut compter celle des communes et des administrations autonomes. Aussi a-t-il de grandes préventions contre le centralisme envisagé par Speer. Si ce centralisme, qu'il combat lui-même depuis des années au ministère de l'Intérieur, s'étendait, le Reich s'écroulerait dans cinquante ou cent années. Tout centralisme étouffe forcément l'initiative dans un pays. Or, les gens vraiment capables, dont on a besoin dans l'administration de l'Etat, ne peuvent se former et se manifester que si cet Etat laisse le plus d'initiative possible à un particulier — fonctionnaire ou entrepreneur. Si les fonctionnaires berlinois intervenaient jusque dans le moindre détail dans la production d'un gau, aucun esprit à la pensée originale ne pourrait se développer dans celui-ci. Or, pour s'affirmer, la nation a besoin de tels esprits. C'est seulement dans les gaue que naissent de nouveaux talents dont il faut soigner l'éclosion, et cela ne peut se faire qu'en les laissant se développer d'une façon indépendante. Si Berlin s'immisçait partout, ces talents ne pourraient éclore, il en résulterait une bureaucratie ministérielle obtuse et le Reich en serait réduit à utiliser ceux qui parviendraient, peut-être, à s'y distinguer. Pour finir, le Chef souligne : 1. Il n'est pas utile de réaliser une égalisation des prix dans tout le Grand Reich, car une commune peut fournir du courant à meilleur marché qu'une autre qui a peut-être des intérêts plus élevés à payer. 2. L'économie générale reste techniquement parfaitement possible, si les centrales d'électricité sont, dans l'ensemble, entre les mains des communes ou des administrations de gau. 537


HITLER CET INCONNU 3. C'est au Reich qu'il appartient d'exploiter les grandes sources d'énergie hydraulique, par exemple aux Portes de Fer, de construire les grands barrages, les usines marémotrices, etc. 4. Le point capital est de soustraire l'économie de l'énergie à la spéculation privée. En revanche, on peut parfaitement autoriser un propriétaire de moulin ou une usine particulière à produire son électricité et lui permettre, en plus, de céder à d'autres consommateurs l'énergie en excédent. 193.

Soir.

Nous devrions, dit le Chef, nous faire de l'Histoire une idée toute nouvelle. Pour bien en comprendre les enchaînements, il faut puiser dans notre connaissance de l'Empire romain et de la Grèce antique. Si des parallèles peuvent être tracés c'est bien entre cette époque et la nôtre. Si l'on veut trouver une réplique à Frédéric-Guillaume I e r et à son fils, Frédéric le Grand, la meilleure est celle de Philippe de Macédoine et de son fils Alexandre. Quand on comprend correctement l'histoire allemande, les empereurs germaniques paraissent d'une autre envergure qu'Henri le Lion. Si les princes féodaux s'étaient serrés autour de l'empereur, le Saint-Empire romain germanique serait devenu une organisation géante, comme on le voit encore aujourd'hui en Lombardie où l'influence allemande est manifeste. Il est facile de répondre à la question de savoir pourquoi les empereurs germaniques agirent vers le sud. A l'époque d'un Charlemagne. l'Allemagne ressemblait à ce que la Russie centrale et septentrionale est pour nous aujourd'hui : d'immenses forêts, quasi impénétrables, des routes et chemins inutilisables pendant la plus grande partie de l'année, des précipitations rendant le climat très rude et le sol peu exploitable, etc. En revanche, l'Italie et l'Afrique du Nord présentaient des régions boisées et fécondes et possédaient des centres culturels où la vie paraissait agréable. A l'époque de Charlemagne l'envoi d'un fonctionnaire impérial en Allemagne devait être considéré comme celui, resté proverbial, d'un fonctionnaire à Posen aux environs de 1900. 538


HITLER CET INCONNU En réfléchissant aux principes de la direction de l'Etat, on constate qu'il n'est possible de rien faire avec les seules lois de la police secrète. La grande masse a besoin d'une idole. En feuilletant de vieilles collections de la Wochenschau, on voit nettement que Guillaume Il lui-même fut passagèrement présenté de façon hypocrite à la masse. Semblablement, le vieux François-Joseph eut de l'importance non pas à cause de son entendement des affaires politiques qui était faible, mais à cause de la vénération dont on l'entourait comme patriarche et chef d'Etat. Ceci compris, on peut mesurer l'effet du coup que s'est porté l'Angleterre en se débarrassant du roi Edouard. Le plus fort est que l'archifourbe de Canterbury s'est mis de la partie en prêchant la morale ! Il est excellent, dit le Chef, que des millions d'Allemands puissent, au cours de la présente guerre, étudier le communisme sur place, dans sa patrie. A la lumière, le communisme perd autant de face que ces femmes qui ne paraissent qu'à la lueur des bougies et après 23 heures — quand le cerveau des hommes est un peu embrumé — quand elles veulent être admirées. Il en est de même pour le christianisme ; aussi l'Eglise catholique a-t-elle tenu à séduire en donnant la première place, dans sa vie quotidienne, aux vitraux, à l'encens et aux orgues. Avec le temps, la présente guerre fait disparaître tout ce qui pouvait devenir dangereux pour nous. La position de l'Angleterre vis-à-vis de l'Europe se transforme radicalement. S'il lui reste une mission européenne, ce sera de garantir la sécurité du continent sur mer, comme nous la garantirons à l'est. C'est parfaitement réalisable à en juger par l'esprit dont témoignent aujourd'hui la marine et l'aviation anglaises. Mais on peut se demander si les dirigeants reconnaîtront que l'équilibre européen ne joue plus guère de rôle dans le mauvais état actuel de l'Empire britannique et que ses colonies ne sont plus menacées que par des pays extra-européens. Car ce ne sont pas les Anglais qui dirigent l'actuelle politique de guerre, mais les Juifs par l'intermédiaire de leurs auxiliaires rémunérés Churchill et Eden. Pour savoir ce qu'ils pensent, il faut lire les souvenirs de

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HITLER CET INCONNU guerre du colonel Lawrence (1) ou ceux de Churchill qui n'était pas encore acheté par les Juifs (2) ; on y voit quelle admiration ils nourrirent pour nous durant la Première Guerre mondiale. Cette lecture montre aussi que l'orgueil des Anglais constitue la condition préjudicielle à l'accomplissement de toute mission impériale. En réfléchissant à cet orgueil, on s'explique tout naturellement que la Maison des Habsbourg, entre autres, ne pouvait se maintenir à Vienne après avoir cédé à la demande d'indépendance de la Hongrie, car, après avoir accordé à celle-ci des droits de souveraineté sur tout l'Etat, un gouvernement allemand ne pouvait plus s'affirmer devant elle. Le Chef dit avoir cherché un accord avec l'Angleterre sur la base que des colonies ne nous étaient pas nécessaires. Rien que le problème de la liaison entre la Grande-Allemagne et des colonies africaines, par exemple, présentait des difficultés. Pour la garantir il aurait fallu une flotte, des bases aériennes et, à l'époque, notre situation mondiale était, à cet égard, très défavorable. La liaison avec les territoires de l'Est ne présente, au contraire, aucune difficulté ; elle sera assurée rien que par la construction de routes et de voies ferrées. Devant la richesse des territoires de l'Est en matières premières, le Chef ne peut vraiment penser que des colonies nous soient indispensables. Nous pourrons en tirer du thé, des épices, du caoutchouc, à condition de trouver une plante produisant ce caoutchouc qui soit capable de résister au climat, de même qu'on put, naguère, se procurer du sucre en cultivant la betterave. Il ne serait pas raisonnable de se créer des liaisons coloniales uniquement pour avoir du café. Si on lui proposait d'occuper l'Islande et d'y aménager une base aérienne, à cet effet, il préférerait renoncer à ces liaisons coloniales, car l'Islande ne pourrait être conservée à la longue. D'autre part, il faut considérer, en ce qui concerne l'Angleterre, qu'une puissance mondiale qui dispose d'une base si étroite, court de terribles dangers. (1) Les Sept Piliers de la Sagesse, de Thomas Edward Lawrence. (2) The World Crisis 1911-1918.

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HITLER CET INCONNU Dans ses voyages en Allemagne du Nord ce qui l'a le plus frappé, c'est le pain. Le pain de seigle oldenbourgeois lui rappelle un pain autrichien qui avait le même bon goût. Malheureusement, les deux maisons qui le fabriquaient tombèrent entre des mains juives à l'époque du Système, et son prix fut augmenté de deux pfennigs au profit de la social-démocratie. D'autre part, Hitler mange presque exclusivement du pain noir de Westerstede. Au dîner, le Chef parle de sa visite à l'Opéra de Paris (l). La somptueuse façade était pleine de promesses, mais après avoir vu les piteux décors, uniquement remarquables par leur bariolage, il éprouva une véritable peine à constater jusqu'à quel niveau peut tomber un centre de culture comme l'Opéra de Paris à cause du manque d'intelligence de ceux qui en sont chargés. Weimar est à un niveau bien supérieur. Les Soviétiques eux-mêmes ont de la compréhension pour ces choses, et ils ont essayé, en améliorant leurs conditions de vie, d'obtenir des acteurs de valeur pour leurs théâtres les plus importants. Les actrices sont en Russie les seules femmes à ne pas être confinées dans tant de mètres carrés de logement mais à pouvoir demander une chambre tout entière. (Le Reichsleiter Bormann a fait rédiger la note suivante destinée au Reichsminister Lammers, à la Chancellerie :) Quartier général du Führer, 26/7/1942. Après le dîner, le Führer a abordé le problème concernant les relations d'affaires qu'ont les dirigeants du Parti, de l'Etat et de la Wehrmacht et demandé si l'on avait bien appliqué son instruction d'après laquelle aucun député au Reichstag ne pouvait appartenir à un conseil d'administration de compagnie privée. L'application, a répondu le Reichsleiter Bormann, avait été reportée à la fin de la guerre. Il a proposé de faire exposer la situation précise du moment par le Dr Lammers lors de la prochaine visite de celui-ci. Le Führer, qui se refuse à croire que ses instructions n'aient pas été exécutées, a ajouté : (1) Le 23 juin 1940.

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HITLER CET INCONNU Aucun employé de l'Etat ne doit être possesseur d'un paquet d'actions. Aucun gauleiter, aucun membre du Reichstag, aucun dirigeant du Parti, etc., ne doit désormais appartenir à un conseil d'administration, même de façon honoraire. Car même si l'intéressé reste, à cet égard, un véritable Caton, servant rigoureusement les intérêts de l'Etat, la population ne voudra pas le croire. Dans l'ancien système économique, aucune grande entreprise ne pouvait prospérer sans jouir de quelque protection de l'Etat. Aussi faisaient-elles entrer des députés, de hauts fonctionnaires ou des porteurs de nom noble dans leur conseil d'administration, ou leur donnaient quelque autre poste lucratif, et elles récupéraient par une ou deux grosses commandes de l'Etat, les sommes qu'elles leur versaient sous forme de tantièmes, de traitements de directeur, etc. La société de navigation à vapeur du Danube, par exemple, avait dans son conseil d'administration douze députés, leur versait à chacun 80 000 couronnes par an mais en gagnait des millions aux dépens de l'Etat en faisant éliminer toute concurrence grâce à leurs relations. Il faut donc interdire, par principe, que des députés, des hommes du Parti ou des serviteurs de l'Etat soient au service d'intérêts privés. Le peuple possède un flair particulier pour ce genre de choses. Le Chef se réjouit d'avoir opté pour le Berghof quand il eut à choisir entre sa propriété actuelle de Berchtesgaden et une autre située à Steingaden (1), car, dans ce second cas, il n'aurait pu, sans compromettre la rentabilité de la propriété, se dissocier de la fameuse production de fromages de la région de Steingaden. Si, pour quelque raison ridicule, le prix du fromage avait augmenté, tout le monde se serait écrié : « Rien d'étonnant, le Führer est lui-même intéressé au prix du fromage ! » Le Führer souligne encore qu'un employé quittant le service de l'Etat ne doit pas entrer dans une entreprise privée avec laquelle il était en rapport jusque-là, car on l'y prendrait non pour ses connaissances techniques, mais uniquement pour les relations dont il dispose. S'il n'en était pas ainsi, ce genre de directeurs ne recevraient pas des traitements de 36 000 R.M. ou plus. Ne devrait (1) En Haute-Bavière, au nord de l'Ammergebirge.

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HITLER CET INCONNU être autorisé à recevoir de pareilles sommes qu'un homme grandi dans l'entreprise même, qui y passe sa vie et doit à ses capacités d'y devenir directeur dans son grand âge. L'immoralité de la chose est manifeste. L'industrie se tient à l'affût de ces relations comme le diable se tient à l'affût dans une âme juive. Si l'on permet à un gauleiter d'avoir des intérêts dans des entreprises par un paquet d'actions ou par une appartenance au conseil d'administration, il n'y a aucune raison d'empêcher les kreisleiter et les bourgmestres d'en avoir également. C'est ouvrir le processus de la corruption. Il faut donc exiger d'un employé de l'Etat dont l'avoir est en actions, qu'il convertisse celles-ci en rentes sur l'Etat. Il en était ainsi dans l'ancienne armée impériale ; un officier ne pouvait employer son avoir ni la dot de sa femme à l'achat d'obligations industrielles, mais devait exclusivement les placer en fonds d'Etat. A juste raison ! C'était la seule façon de garantir que ses intérêts privés, comme ceux de tout autre serviteur de l'Etat, fussent associés aux intérêts de celui-ci. Finalement, l'Etat n'est pas là pour porter quelqu'un à une situation élevée où il dispose de vastes relations et pour le voir monnayer celles-ci. L'amiral Krancke ayant demandé comment il fallait agir envers un employé d'Etat qui réalise une invention, le Führer répond que si cette invention est vraiment importante, l'Etat doit l'exploiter en versant une indemnité correspondante à l'intéressé en fonds d'Etat. L'amiral demande encore s'il faut interdire à un officier en retraite d'entrer dans l'industrie privée. Le Führer déclare douter qu'un chef de bataillon retraité puisse occuper avec succès même un poste de comptable dans l'industrie. On a fait suffisamment d'expériences négatives à ce sujet quand on voulut y employer les officiers licenciés après la Première Guerre mondiale. En outre, il faut distinguer entre le cas où l'employé quitte le service de l'Etat pour incapacité et celui où il le quitte expressément pour entrer dans l'industrie. Pour qu'il n'envisage pas de le faire un jour, il faut, par principe, éviter tout contrat de monopole dans les grandes soumissions de l'Etat. Trois ou quatre firmes doivent toujours participer à des soumissions, c'est la seule façon d'empêcher que les employés compétents se fassent des « ponts d'or » avec certaines

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HITLER CET INCONNU d'entre elles. Pour la même raison, il faut veiller que les membres de la commission qui a à décider de l'attribution des commandes, soient constamment changés. En ce qui concerne l'équipement militaire, par exemple, il ne faut y inscrire que des soldats du front, ne possédant aucune attache économique. Il faut également les changer si l'on essaye par des invitations — à la chasse, par exemple — de les influencer. S'il parle de la chasse, c'est parce que celle-ci exerce sur un officier la même puissance d'attraction qu'un diamant sur une femme. Les gens d'affaires le savent bien et ils possèdent une longue expérience de la corruption. Même à lui on a voulu, un jour, lui extorquer une signature — pour un but charitable ! ! ! — en lui laissant entrevoir la remise d'un gros paquet d'actions ; l'exploitation de cette signature par une réclame habile aurait rapporté des sommes énormes. Lâcher dans l'industrie privée un officier qui part pour incapacité n'est pas faisable, comme le démontre le fait que même des hommes de l'envergure d'un Ludendorff sont aussitôt la victime de tous les charlatans et trafiquants. Même la tentative faire par Ludendorff pour créer un nouveau journal avec le capitaine Weiss, a bien montré l'inaptitude aux affaires d'un officier. La force de l'Allemagne, conclut le Führer, réside dans le fait que les dirigeants du Parti, de l'Etat et de la Wehrmacht sont absolument affranchis de tout lien avec des intérêts privés. Si quelqu'un avait encore une association de ce genre, il lui faudrait choisir : l'abandonner ou se démettre de ses fonctions officielles. Le général Schmund et le, colonel Scherff me disent que le plan de l'offensive du printemps qui vient de remporter un succès si étonnant est entièrement l'œuvre de Hitler. Comme Keitel le dit un jour en souriant, c'était un péché contre la doctrine de l'Ecole de guerre mais malgré cela, voire peut-être à cause de cela, ce fut une victoire. 194.

27/7/1942

(Note du Reichsleiter Bormann sur une conversation qu'il a eue avec le Chef avant le repas.) 544


HITLER CET INCONNU Si le R.F.S.S. (Reichsführer der S.S. — Himmler) a une importance aussi extraordinaire, ce n'est pas, comme on pourrait le croire, à cause des Waffen-S.S. et des services de police, mais parce qu'il est chargé en tant que Reichskommissar et de mandataire du N.S.D.A.P. de consolider la nationalité allemande. Il aura, après la guerre, la responsabilité du transfert à l'est de tous les petits exploitants agricoles et des paysans actuellement installés sur de mauvaises terres. Celles-ci seront boisées. Ce tranfert constituera une œuvre immense. Le R.F.S.S. devra aussi réaliser la simplification nécessaire des méthodes d'évaluation des biens, car celles employées actuellement par le cadastre sont impraticables pour un vaste regroupement qui, avec les procédés d'aujourd'hui, durerait trois cents ans. Il lui faudra trouver une façon simple de calculer les indemnités, déplacer, dans le plus bref délai, des millions de familles, leur construire des maisons et des fermes convenables, répartir les terres, etc. Selon la volonté du Führer, le R.F.S.S. devra rassembler dans les S.S ce qu'il y a vraiment de meilleur dans le Parti, donc dans la nation. Leur sélection devra être beaucoup plus rigoureuse que celle du Parti, en attachant plus de prix que celui-ci aux qualités de caractères et au comportement dans la vie quotidienne. Elles devront donner à leurs membres une formation plus dure et plus efficace que le Parti ne peut en donner aux siens, mais elles ne constituent qu'une fraction de ce parti et, en tant qu'élite, doivent rester numériquement faibles. L'appréciation des hommes ne peut être la même dans les Waffen-S.S. et dans les S.S. du Parti. Pour ceux des Waffen-S.S., elle doit se faire avant tout du point de vue militaire et il en restera probablement de même à l'avenir. Quand l'un deux est un soldat particulièrement valeureux, on pourra passer sur le fait qu'il n'est pas idéologiquement aussi bon. De même, dans la police, on jugera quelqu'un sur ses qualités professionnelles, et, dans les S.S. du Parti, d'après son attitude, son caractère, les services rendus au peuple. Le R.F.S.S. groupera dans les S.S. les meilleurs éléments du Parti et de la nation et fera des Waffen-S.S. une troupe militaire, formée dans l'idée du Grand Reich, dont les membres seront éduqués idéologiquement.

545 18


HITLER CET INCONNU Il aura en outre à charge de réaliser l'œuvre immense consistant à rassembler les gens à transférer dans l'est et à les installer dans les nouveaux territoires et, de plus, à trouver d'autres colons aux Pays-Bas, au Danemark, en Norvège. 195.

Soir.

Un nombre considérable de Russes, dit l'ambassadeur Hewel, se sont présentés aux bureaux du commissaire de la ville pour obtenir l'autorisation de partir pour la Crimée. Une partie d'entre eux semblent être antérieurement venus, avec famille et bagages, de Leningrad. Le Chef déclare, d'un ton irrité, que c'est vraiment inouï. Il veut que la Crimée demeure dégagée et les kommandantur autorisent à s'y rendre des gens en provenance de toutes les régions occupées ! Et c'est seulement par hasard qu'il apprend une telle énormité ! A-t-on seulement une idée de la raison qui pousse la population indigène à se déplacer ? C'est d'abord et naturellement l'attrait du sud où il fait plus chaud, d'autant plus qu'elle ne possède guère de vêtements appropriés et que le dernier hiver a été très rigoureux. D'autre part, elle est complètement étrangère à l'idée d'attachement à la terre que nourrissent les paysans allemands. Déjà, au temps des tsars, des millions de gens émigraient vers ces régions. Ils y étaient aussi poussés par l'espoir de ne plus avoir d'impôts à payer ; fait caractéristique : les migrations commençaient quand les collecteurs d'impôts faisaient leur apparition dans les villages. Pour bien comprendre la mentalité de la population des territoires occupés, il faut se rappeler constamment qu'il s'agit d'une majorité de nomades, qui se déplacent à la manière du bétail en quête de meilleures pâtures. C'est la seule façon d'expliquer pourquoi les Russes abandonnent une chose aussi précieuse qu'une brouette si elle gêne leurs déplacements. Pour faire passer ce goût des migrations, observe le Chef en plaisantant, il suffira de laisser les talents d'organisateurs des Allemands s'en occuper. Il imagine très bien la création de 546


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CET INCONNU

livrets de voyage qu'il faudra faire timbrer à des endroits déterminés, l'interdiction de certains itinéraires, l'obligation de suivre telle ou telle route, etc., etc. Pour couronner le tout, on s'arrachera les cheveux en Allemagne pour savoir qui aura la responsabilité de ces migrations : l'autorité militaire, les services de police ou, pour le cas où un émigrant franchirait l'ultime poteaufrontière du futur Reich géant, les Affaires étrangères ? Le Chef parle des intrigues politiques des Soviétiques dans les années qui précédèrent la guerre. Ils cherchaient manifestement à gagner les Balkans à leur cause pour disposer ainsi d'une meilleure base d'attaque contre l'Allemagne et toute l'Europe. En attendant, ils comptaient nous amuser par l'offre de traités de commerce mirobolants, puis, leurs préparatifs achevés, ils eussent fermé le robinet de pétrole. Leur comportement durant la guerre le démontre bien. Leur agression de la Finlande, au cours de l'hiver 1939, visait uniquement à leur procurer des points d'appui sur la Baltique pour agir contre nous. A l'été 1941, ils pensaient à liquider la Roumanie, notre seul fournisseur de pétrole non soviétique. La rapidité de la campagne à l'Ouest dérangea ces projets insidieux et la campagne-éclair contre la Yougoslavie les ruina définitivement. Alors, ils se démasquèrent brusquement et tandis que Staline enlaçait notre ambassadeur en lui disant : « Nous serons toujours des amis », ils terminaient par un accord contre nous leurs discussions avec l'Anglais Cripps. Si Churchill est un chacal, Staline est un tigre. Il est excellent que nous profitions de ce jeu politique des Soviétiques et que, en conquérant des territoires à l'est, nous nous assurions à peu près toutes les matières premières nécessaires à un pays. Il ne nous manquera plus que du nickel, fait regrettable parce que ce métal est irremplaçable dans la production des meilleurs aciers. Il sera nécessaire de nous constituer une forte réserve dès le temps de paix sous la forme d'une monnaie de nickel. Dans la formation du nouveau Reich nous devrons garder à l'esprit la nécessité de le faire assez grand pour qu'il devienne autarcique. Les difficultés causées à l'Italie par le manque de charbon et celles de l'Angleterre, dont l'existence se trouve mise 547


HITLER CET INCONNU en danger par les destructions de navires, démontrent bien cette nécessité. 196.

28/7/1942

Quand Hitler paraît à la porte de son blockhaus il semble gourmander son valet de chambre, Junge, parce que le pantalon noir préparé par celui-ci n'est pas assez long. Envers nous, cependant, il garde son amabilité coutumière. Midi. Au déjeuner, on discute pour savoir s'il faut transporter en Allemagne, cent mille tonnes de blé trouvées dans un silo de Morosovskaya (1). Cent mille tonnes de blé, dit le Chef, c'est justement la quantité pour laquelle il dut naguère se battre comme un lion afin que les Souabes puissent conserver leurs « Spätzle ». Il n'est pas du tout partisan de distribuer les vivres de façon uniforme dans tout le Reich. On doit être raisonnable, laisser leurs « Spätzle » aux Souabes, leur bière aux Munichois, donner aux Viennois plus de vrai café et surtout du pain blanc, aux Berlinois plus de charcuterie. L'état d'esprit d'une population dépend en large partie de petites concessions de cette sorte faites à ses habitudes. En ce qui concerne le blé de Morosovskaya, le mieux, penset-il, est de l'enlever et de le répartir entre les ouvriers de l'industrie lourde dans l'ancien Reich. Durant la (Première) Guerre mondiale, dit le Chef, on ne se décida à prélever 80 000 ouvriers sur la Wehrmacht pour la construction des sous-marins qu'en 1918 et on refusa d'en prendre en 1917 pour construire des chars. Le commandement militaire commit ainsi une faute capitale, car il renonça à une améliora(1) Dans la grande boucle du Don. L'aérodrome joua plus tard un rôle important dans le ravitaillement aérien de Stalingrad,

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HITLER CET INCONNU tion de la technique de guerre uniquement pour maintenir le volume de ses effectifs. Pourtant, le vainqueur est toujours celui qui possède les armes techniquement les meilleures. Il s'agit désormais, pour nous, de conserver l'avance technique qui nous a procuré jusqu'ici nos grands succès. Nous pourrons ainsi continuer la guerre avec un tiers seulement des pertes que l'ennemi prétend nous infliger, et la terminer victorieusement. Conserver dans la Wehrmacht les ouvriers spécialisés dans la construction des sous-marins et mobilisés, constituerait, en voyant les choses sous cet angle, une absurdité. Il en résulterait que, faute de sous-marins, nous serions incapables d'empêcher d'arriver à Arkhangelsk un convoi anglais apportant plus de mille chars et autant d'avions. Le matériel ainsi arrivé permettrait à l'ennemi de tuer à notre armée et à notre aviation, beaucoup plus d'hommes qu'elles n'en auraient perdu en renvoyant à l'usine les spécialistes des sous-marins. Nous avons perdu deux millions d'hommes pendant la (Première) Guerre mondiale ; si l'on avait retiré de l'armée cinq cent mille spécialistes au bon moment — après la bataille de Cambrai, par exemple — pour les affecter à la construction des véhicules blindés, des chars plus précisément, le chiffre total des pertes n'aurait certainement pas dépassé le million. Mourir, faut-il se rappeler, est l'affaire de quelques minutes, mais un ouvrier qualifié peut travailler pendant trois cent soixante jours de l'année à construire les armes les plus efficaces de son époque et, de ce fait, sauver la vie à des centaines de soldats. En outre, il est aussi urgent de construire des dragueurs de mines que des sous-marins. Sans ces dragueurs il est impossible de conserver tout leur volume aux importations de minerai suédois, car les Anglais, par des opérations de casse-cou, sèment des mines sur les routes de la Baltique. Une pénurie de dragueurs entraîne une diminution des arrivées de minerai nécessaire à la production des armes, donc une augmentation des sacrifices sanglants au front. De même si, toujours à cause d'une pénurie de dragueurs, nous permettons à l'Anglais de mouiller des mines également sur les routes suivies par nos sous-marins, nous créons pour ceux-ci un danger très grave. 11 est donc aussi indispensable de démobi-

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HITLER CET INCONNU liser des ouvriers pour construire des dragueurs que pour construire des sous-marins. Il ne faut pas oublier non plus que plus nous mettrons en service de dragueurs et de sous-marins, plus nous aurons de réparations à effectuer sur eux, donc qu'il faut dégager également la main-d'œuvre nécessaire à cet entretien. 197.

Soir.

Le Chef dit se réjouir de n'avoir assisté qu'aux débuts de l'aviation parce que, quand les possibilités de développement auront été épuisées, le ciel sera rempli d'appareils. Ceux qui auront à supporter ce vacarme, ces allées et venues continuelles au-dessus de leur tête, ne pourront plus imaginer comme le monde était beau alors que l'avion n'en était encore qu'à ses débuts. Le moindre insecte, le plus petit moustique, émet en vol des bruits audibles à l'oreille humaine. Vouloir réaliser un moteur insonore est, à son avis, une impossibilité. Qu'on pense, d'autre part, qu'un de nos gros appareils, avec quatre moteurs de 4 000 CV, dispose d'une puissance capable d'alimenter en électricité une ville de 400 000 habitants. Il serait vraiment bien, dit le Chef pour terminer, que tous les ministres des Affaires étrangères pratiquent le sport de la pêche à la ligne. Cela calmerait leurs nerfs et serait une bénédiction pour les peuples. Après le dîner, le Chef revient sur une observation faite la veille : Les restrictions apportées à la liberté individuelle ne doivent pas être insupportables, avez-vous dit hier. C'est bien mon opinion, mais je voudrais faire les observations suivantes : Sans restriction de la liberté personnelle, la vie collective n'est pas possible ! L'individu doit tenir compte des autres, s'imposer des restrictions, car s'il voulait vivre uniquement comme il lui plaît, il en résulterait une dissolution de la communauté du peuple en même temps que de toute la vie collective. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises. 550


HITLER CET INCONNU En temps de guerre, les restrictions doivent être beaucoup plus fortes, c'est une nécessité impérieuse. Les plus grandes s'imposent aux soldats et, parmi eux, aux combattants du front pour lesquels elles vont si loin qu'elles les obligent, qu'ils le veuillent ou non, à risquer leur vie. Devant ce fait, on doit et on peut demander à nos compatriotes de l'intérieur d'accepter volontairement et individuellement les restrictions nécessaires. Ils ne doivent pas se plaindre de ces restrictions indispensables au bien de la communauté, il faut au contraire que, dans leur conscience d'Allemands, ils en reconnaissent la nécessité et s'y soumettent. Mais il est capital que ces restrictions soient égales pour tous. C'est vrai pour l'intérieur, pour la Wehrmacht, pour les combattants du front. De telles restrictions, égales pour tous, affectant tout le monde dans la même mesure, sont acceptées par la très grande majorité, Certains grogneront contre telle ou telle, mais du moment qu'elles frappent chacun de la même façon, l'Etat et le Parti peuvent demander même les plus dures. En traitant raisonnablement et justement tout le monde de la même manière, on exclut toute contestation, on supprime les ressentiments que feraient naître des ménagements considérés comme des préférences. Seul un faible pourcentage, allant en diminuant, demeure hostile à toute restriction apportée à la liberté personnelle. Ces gens rejettent à peu près tout ce que l'Etat ou le Parti font ou réclament. Ils savent tout mieux que les autres et aucun argument ne peut les convaincre de la nécessité impérieuse d'une mesure. Ces gens refusent toutes les restrictions, si l'on ne fait pas d'exceptions pour eux et leurs pareils. Mais en face d'eux, il y a — je dois le répéter — la grande masse de nos compatriotes. Un appel à la compréhension de ceux-ci reste efficace aussi longtemps qu'ils apportent la confiance nécessaire à leur direction. Cette confiance repose essentiellement sur la conviction que ces restrictions s'imposeront également à tous et que la direction elle-même s'y soumettra.

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HITLER CET INCONNU 198.

29/7/I942 (soir).

Le monument aux sous-marins de Laboe, dit le Chef, fait l'effet, avec son étrave de navire renversée, d'être du toc. Nous pouvons nous réjouir d'avoir en la personne du professeur Kreis un artiste capable de nous donner de magnifiques symboles en pierre de cette guerre ; il a déjà préparé des projets vraiment remarquables pour les monuments à construire sur les différents champs de bataille. Le Chef examine ensuite des images de la biennale de Venise, apportées par le Reichsleiter Bormann. Les tableaux, observe-t-il, rappellent tout à fait le « style dégénéré », il les considère non seulement comme techniquement mauvais mais comme des croûtes inimaginables. Il est d'ailleurs caractéristique que, d'après un rapport qui lui a été fait, les visiteurs de l'exposition aient ri tout haut à plusieurs reprises. Cela ne se produit jamais lors des expositions de la Maison de l'Art allemand, à Munich. Pour ces expositions on retient seulement 1 200 œuvres sur les 10 000 à 12 000 qui sont envoyées, et elles sont de tout premier ordre. La sûreté de la sélection est assurée par le fait que des gens comme le professeur Hoffmann et le directeur Kolb y participent avec les artistes, ceux-ci ayant tendance à accepter des œuvres médiocres pour servir de repoussoir aux leurs. La valeur de l'exposition de la Maison de l'Art allemand vient non seulement de ce que, quand on y achète un tableau on peut l'accrocher chez soi avec la conscience tranquille, mais aussi de ce qu'elle contribue à la formation des artistes. Il a, à cet égard, une position bien arrêtée : un prétendu artiste qui envoie une insanité est soit un filou, et il appartient à la prison, soit un fou, et il appartient à l'asile, ou bien, si on ne peut le ranger nettement dans une de ces deux catégories, il faut l'envoyer dans un camp de concentration pour se « convertir » et s'habituer ensuite au travail honnête. De ce fait, l'exposition constitue un véritable épouvantail pour les gens sans talent. Il se réjouit particulièrement d'être compris, à cet égard, par le peuple allemand. Les millions de personnes qui visitent l'exposition le prouvent.

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HITLER CET INCONNU 199.

31/7/1942 (midi).

Le mouvement, dit le Chef, doit tendre de plus en plus à ce que pour un membre inscrit au Parti, il y en ait neuf non répertoriés dans le fichier. Le Parti ne doit, à l'avenir, rassembler qu'une minorité active. Il parle ensuite des conditions de vie en Angleterre. Si quelqu'un y avait le courage de dire nous voulons dès maintenant la paix sans perte importante, il aurait derrière lui 80 % de la population, très certainement. La haine contre les Américains, à laquelle l'envoi de brigades de Nègres a fourni un nouvel aliment (1), suffit pour faire paraître la fin de la guerre sympathique à la grande majorité du peuple anglais. Les éléments sensés doivent également comprendre que le régime de Roosevelt est une organisation purement juive, et que ces brigades de Nègres en constituent la G.P.U. Si l'on considère la guerre actuelle sous cet angle, on constate qu'elle n'est en rien comparable aux précédentes guerres de l'Angleterre. Celles-ci n'étaient qu'un intéressant changement dans la monotonie de la vie du temps de paix ; même pendant les guerres napoléoniennes, il n'y eut jamais plus de trente mille soldats anglais à risquer leur vie. L'Angleterre a subi sa première grande saignée lors de la Guerre mondiale avec un résultat si nettement négatif que tous les hommes politiques anglais ont déclaré unanimement qu'elle ne devait jamais plus se reproduire. A cela s'ajoute le fait qu'il a fallu faire appel aux femmes et que, pour la première fois dans l'histoire britannique, le rationnement des vivres est devenu nécessaire. Le Chef parle encore brièvement de la structure sociale de la Suède. La classe moyenne, dit-il, y est très convenable, mais la classe supérieure doit être considérée comme complètement sclérosée, ce qui permet à la mince couche juive d'exercer une influence colossale. La classe inférieure se désintéresse entièrement de la politique. La raison de ce développement est à chercher dans le fait que (1) Allusion à certains troubles entre les soldats américains et la population, dont la presse britannique parla à l'époque.

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HITLER CET INCONNU les Suédois, qui possèdent tous les éléments pour mener chez eux une existence largement autarcique, exportent leurs matières premières et sont menacés, comme la majeure partie des nations européennes, par la surpopulation. Les hommes pour lesquels le pays devient ainsi trop étroit partent pour l'Amérique,


POSTFACE du Dr HENRY PICKER

Durant la guerre 1939-1945, la dénomination « quartier général du Führer » ne s'appliqua pas seulement à la plus haute instance du commandement militaire mais, étant donné les fonctions civiles de Hitler en tant que chef d'Etat, Chancelier et chef du Parti, à tous les lieux où il séjournait, que ce fût au Berghof de Berchtesgaden, à la Führerbau de Munich, à la Chancellerie de Berlin, ou aux quartiers généraux militaires comme ceux de Rastenburg (Prusse-Orientale) et de Vinnitsa (Ukraine) en 1942. Il comportait donc un certain nombre de civils : les deux aides de camp civils Julius Schaub et Albert Bormann, le secrétaire de Hitler Martin Bormann, l'ambassadeur Hewel des Affaires étrangères, le Dr Koppen du ministère de l'Est, l'auteur, le rédacteur en chef Lorenz, du Deutsche Nachrichtenbüro, le médecin Morell, d'autres encore. Hitler tenait compte de ce caractère particulier du Q.G. en réglant sur sa cassette personnelle les frais qui en résultaient, pour éviter toute difficulté administrative avec la Cour des Comptes, c'est-à-dire les dépenses pour ses réceptions, sa table, le personnel de son avion, etc. (Propos 167).

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HITLER CET INCONNU Il y avait deux sortes de repas : officiels (Führertafet) et privés (Privattafel), Hitler présidait les premiers en tant que chef d'Etat, Chancelier ou commandant suprême de la Wehrmacht, et devait, à cause des hommes politiques allemands et étrangers, des chefs militaires, etc., soigneusement peser chacun de ses mots, de ses gestes. Les repas privés étaient pour lui au contraire ce qu'étaient les « tabagies » pour les rois de Prusse Frédéric-Guillaume 1 e r et Frédéric II. N'y assistaient que ses collaborateurs les plus proches, ses amis, des dames de sa connaissance et — last but not least — Eva Braun ; il y parlait librement, se détendant dans cette atmosphère intime. Contrairement à se qu'il avait été dans sa jeunesse, il n'aimait pas être seul, il le dit lui-même (Propos 35). En conséquence, du milieu de 1941 jusqu'à la fin de l'été 1942, quand il n'avait pas de repas officiel, il mangeait avec une vingtaine de personnes dans la pièce principale du mess et y invitait certaines gens. Il tenait beaucoup à ce que ces invitations eussent un caractère personnel et il les faisait adresser téléphoniquement chaque fois par un de ses aides de camp même à ses collaborateurs les plus proches n'appartenant pas à son étatmajor personnel, comme son secrétaire Martin Bormann, et les laissait parfaitement libres d'acoepter ou de refuser. S'il m'invita régulièrement à sa table, ce fut — comme je l'appris de l'aide de camp Schaub — parce que j'étais le fils du sénateur de Wilhelmshaven Daniel Picker, qu'il connaissait et appréciait depuis longtemps. Il avait été maintes fois l'hôte de mes parents avant la guerre et ce fut pourquoi il m'invita lors de ses séjours au Berghof, à Munich, à Berlin, même quand il était en compagnie d'Eva Braun et d'autres dames ou messieurs de ses amis. Je saisis aux cheveux cette occasion de rassembler des documents pour une étude sur « Hitler dans le cadre de son quartier général », analogue à celle faite par le Dr Moritz Busch sur Bismarck pendant la guerre de 1870-1871. J'y vis aussi un dérivatif agréable à ma monotone tâche quotidienne de juriste et une occupation de mes loisirs. Dès le début de mon séjour je constatai que, malheureusement, personne ne prenait de notes sur ce qui se disait pendant les 556


HITLER CET INCONNU repas, à moins que Hitler ne chargeât quelqu'un de noter quelque chose de particulier. Pour que mon étude pût avoir quelque valeur historique, il me fallait pourtant fixer par quelque notation le tour général de la conversation et les propos caractéristiques de Hitler ; mon premier objectif fut donc d'en obtenir l'autorisation. Il fallait, pensai-je, m'adresser au « secrétaire » Martin Bormann. Celui-ci avait, en effet, fait reproduire des sténogrammes pris occasionnellement pendant les repas par le Ministerialrat Heim, mon prédécesseur au Q.G., et des notes rédigées par celui-ci d'après des renseignements obtenus auprès d'autres membres du Q.G. Ces documents étaient enfermés dans les coffresforts de la Führerbau, à Munich, et du Berghof. Bormann avait le plus grand intérêt à se procurer de tels documents, car, s'il était seulement le représentant du N.S.D.A.P. au Q.G., et lié, en tant que directeur de la chancellerie du Parti, aux instructions de Hitler, il cherchait avec résolution et assiduité à devenir le « grand-prêtre » de celui-ci, son intermédiaire obligé avec tout le secteur civil de la vie officielle. Possédant une connaissance presque sans faille des choses et des gens de la scène politique, informé de chaque conversation, de chaque audience, de chaque projet, sachant ce que Hitler pensait de chaque personne, chaque institution, chaque organisation, il essayait de monopoliser « l'oreille et les lèvres » de Hitler de la plus vaste façon possible. Par conséquent, toutes les notes sur les déclarations faites en privé par Hitler devaient l'intéresser. Au cours d'une promenade, je dis à Bormann avoir vu les notes prises par Heim durant les repas, et lui demandai s'il ne désirait pas m'en voir prendre d'analogues. Non seulement il n'accueillit pas l'idée avec enthousiasme, comme je l'espérais, mais il se fâcha au contraire parce qu'un de ses collaborateurs avait montré ces notes à un tiers, alors qu'il avait donné l'ordre de les considérer comme strictement confidentielles et comme sa propriété personnelle. Il me fit un long discours et conclut : bien entendu, il était désireux d'avoir à l'occasion des notes sur les déclarations faites par Hitler à table, au thé, en promenade, concernant des questions actuelles (!) de politique ou d'administration, ou conte557


HITLER CET INCONNU nant une réponse à quelque demande présentée par lui, Bormann. Quand ce serait le cas, il m'avertirait par un mot, un signe, un planton, de prendre immédiatement des notes et de rédiger un rapport que je lui remettrais. Se trouvant placé à table en face de Hitler, il était impensable qu'il pût — comme Speer —• sortir soudain de sa poche de quoi écrire pour prendre ce qui se disait. Il ne pouvait et ne voulait cependant pas prendre la responsabilité de me confier une tâche plus ample. Si séduisante que fût l'idée d'accroître les documents rédigés par Heim qui prendraient certainement une très grosse valeur par la suite, il ne pouvait risquer le capital de confiance qu'il possédait auprès de Hitler à cause des fortes divergences entre le Parti et l'Etat et entre le Parti et la Wehrmacht. Le maréchal Keitel avait lui-même refusé de couvrir le colonel Scherff, du Service historique, qui lui faisait une demande analogue. Le chef de bataillon Engel, aide de camp de l'armée auprès de Hitler, m'apprit ultérieurement la véritable raison de cette réserve surprenante de Bormann. Engel eut un jour entre les mains une note de Heim, rédigée de mémoire, qui traitait de choses militaires d'une façon erronée selon lui. Supposant que cette note avait été faite à. la demande de Hitler ou du moins avec son approbation, il lui en parla pour signaler ces erreurs. Hitler n'en avait aucune connaissance et se fâcha tout rouge. Il fit venir Bormann immédiatement et, en présence d'Engel, lui déclara, en termes très vifs, qu'il ne voulait plus entendre parler de pareilles notes. Il désirait que son cercle privé fût respecté et interdisait de sténographier, ou écrire de toute autre façon, les propos qu'il tenait à table. Bormann précisa donc bien à ses collaborateurs immédiats que je n'agirais qu'à titre purement personnel ; les copies que je leur remettrais ne seraient utilisées pour le service que dans des cas très particuliers et seraient classées comme des documents d'archives de caractère personnel. Pendant mon activité au quartier général, il me demanda moins de dix fois de prendre des notes. Du 8 septembre 1942 à la fin de la guerre, il ne demanda qu'en une dizaine de cas à des convives de Hitler de lui faire un rapport — de mémoire — sur ce qu'ils avaient entendu. Dans un cas, à la fin de novembre

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HITLER CET INCONNU 1944 — une tirade contre les Juifs et le christianisme— il rédigea lui-même la note. Lorsqu'il me prescrivait d'enregistrer quelque chose, il le faisait de façon très apparente pour que tous les convives le remarquassent ; il s'assurait ainsi que Hitler en aurait connaissance et donnerait donc tacitement son accord. Pour moi, les mots qu'il m'envoyait, les signes qu'il me faisait, constituaient un alibi, efficace en ce qu'il me couvrait, pour les quelque cent quatrevingt-dix notes que je pris un peu à la manière d'un écolier qui triche en classe. Je leur dus de ne m'entendre poser aucune question embarrassante par les autres convives. Schaub lui-même — comme il me le dit par la suite — pensa qu'il s'agissait de notes d'archivé, conservées à la chancellerie du Parti pendant la guerre, et dont le sort ultime serait décidé par Hitler quand il viendrait à rédiger ses mémoires. En plus, dès le début, je m'abstins de prendre place à la table des vingt convives, directement dans le champ de vision de Hitler, mais m'installai à une table latérale, réservée à la jeune génération. Je glissais une carte de correspondance sous mon assiette où je prenais mes notes avec un bout de crayon à copier. Pour conjurer la méfiance de Hitler, Bormann lui présenta au moins trois fois — à ma connaissance — les notes qu'il désirait exploiter pour rédiger ses « Directives du Führer ». Hitler les approuva tout particulièrement, parce qu'elles rendaient « sa pensée de façon très expressive ». Il dut certainement penser que, à cause de son interdiction, ses déclarations n'étaient notées que dans des cas exceptionnels et que les notes seraient présentées à son approbation avant d'être exploitées. Dans son esprit il ne pouvait exister le moindre doute ; jamais Bormann ne se rendrait coupable d'un acte d'insubordination. Si j'avais connu la défense formelle de Hitler, j'aurais aussitôt renoncé à mes activités, cela va sans dire. Dans mon ignorance, je supposais que les autres convives ne prenaient pas de notes simplement parce qu'ils avaient l'habitude des sujets traités et n'y voyaient qu'une conversation, non qu'ils respectaient ainsi une défense. Après coup, j'en viens à considérer la prise de mes quelque 559


HITLER CET INCONNU cent quatre-vingt-dix notes non couvertes par une demande de Bormann, comme une légèreté de jeunesse, suscitée par mon zèle historique et commise avec une dangereuse méconnaissance des risques. Les repas en commun du quartier général connurent une fin malheureuse à la fin de l'été 1942, car de vives dissenssions surgirent alors, au sujet de la responsabilité de la double poussée vers Stalingrad et le Caucase entre Hitler et ses conseillers militaires, en particulier avec le général Jodl, le plus apprécié d'entre eux. Mon projet d'écrire une étude historique ou, mieux, historicopsychologique sur « Hitler dans le cadre de son quartier général », naquit de la constatation, frappante pour moi, que, dans son comportement journalier et spécialement à table, j'avais devant moi un Hitler complètement différent de celui que je croyais connaître d'après Mein Kampf, ses discours officiels et la propagande. Je fus séduit par le but à atteindre : peindre cet Hitler réel, dépouillé de tout fanatisme, simple, réservé, sans aucune recherche de la pose, tel qu'il se comportait au fil des jours, en être de chair et de sang, dans ses réactions devant les contours du temps, ses prévisions sur l'avenir, ses hésitations devant les incertitudes, ses inhibitions devant « les dernières conséquences, à la Staline » ; exprimer littérairement ses sentiments, ses idées ; traduire ses traits de caractère intimes, cachés, voire risibles. Ce but ne pouvait être atteint par une reproduction intégrale de ses propos de table sous leur forme originale, c'est-à-dire par la sténographie, par une sorte d'enregistrement au magnétophone, car les déjeuners duraient au moins une heure et les dîners pouvaient se prolonger pendant plus de deux. Un tel enregistrement eut couvert des milliers et des milliers de pages, tout comme les sténogrammes pris lors des conférences militaires. Il en serait résulté des volumes et des volumes devant lesquels le lecteur moyen, même poussé par l'intérêt historique, eût reculé. D'ailleurs, c'eût été matériellement impossible, car je ne connaissais pas la sténographie et l'exiguïté de la table où j'écrivais ne l'eût pas permis. Autre considération : Hitler travaillait sans arrêt. En dehors 560


HITLER CET INCONNU de ses brèves promenades quotidiennes, il ne trouvait qu'à table la possibilité de se détendre dans une atmosphère privée, amicale. C'était donc un besoin pour lui que d'éclairer ses réflexions sous tous les angles, aussi ses développements étaient-ils très longs, avec une foule d'incidents. En écoutant, il me fallait essayer de saisir l'essentiel, donc éliminer tout ce qui pouvait être oublié. Il fallait aussi écarter les banalités d'une conversation de mess, les généralités, le secondaire, bref tout ce qui encore aujourd'hui — au bout de près d'un siècle — rend difficilement lisible le livre de Busch sur Bismarck, et, également, les sujets concernant uniquement le temps présent, les répétitions, les arguments accessoires, les choses s'adressant personnellement à un des convives. Du côté positif, le choix devait retenir tout ce qui pouvait servir à l'étude historico-psychologique que je méditais, et il devait être instantané. Les parcelles notées devaient contenir non seulement le détail intéressant pour cette étude mais aussi tout ce qui avait de la valeur en tant que caractéristique de l'être et de la pensée de Hitler. Je me confectionnai aussitôt une sorte de code de signes conventionnels. Je pus m'en servir ouvertement dans les quelques cas où Bormann me demanda de prendre des notes, mais dans les cent quatre-vingt-dix autres, je dus le faire subrepticement sur la carte glissée sous mon assiette, en esquissant le tour général des propos, en précisant les phrases caractéristiques de Hitler. Pendant mes loisirs, je reconstruisais consciencieusement le discours en partant de mes signes, besogne qui réclamait du temps et du silence, car avec ma formation de juriste, j'entendais conserver toute sa vérité au texte et, en même temps, lui donner une forme sans complication, facilement lisible pour les futures générations. Il me fallait donc le dégager de tout ce qui pouvait le charger, l'élaguer pour qu'il soit compris de ceux qui n'avaient pas entendu les propos, des non-initiés, et même des lecteurs futurs qui les percevraient comme s'ils s'étaient euxmêmes trouvés à la table de Hitler. Le nombre des ratures, des changements, des corrections que contiennent les originaux, montre que ce ne fut pas facile. Le plus grave problème qui se posa à moi fut de savoir si 561


HITLER CET INCONNU j'écrirais à la première personne, comme Heim, ou à la troisième. Heim ne pouvait employer que la première puisqu'il sténographiait. Dans mon cas, c'eût été créer l'impression fausse que je rendais non seulement la pensée de Hitler, consciencieusement et fidèlement, mais aussi sa façon de parler jusque dans le moindre iota. Je me décidai donc pour la troisième personne. Cela se révéla être un énorme avantage en me permettant de condenser la matière et d'y inclure des détails psychologiquement très intéressants, par exemple l'observation de Hitler sur ses boutons de manchette marqués aux armes de Dantzig, son goût pour le pain complet, sa réflexion sur le végétarisme des chiens, ses expériences de skieur et de canotier, etc., extrêmement instructifs et fort concluants dans une étude psychologique. Cependant l'emploi de la troisième personne me posa un autre problème : fallait-il, dans les notes que me demandait Bormann, la conserver ou l'abandonner pour la première en vue de l'exploitation sous forme de « directive du Führer » ? Dans ce dernier cas, je donnerais de nouveau la fausse impression d'un sténogramme. J'en parlai à Bormann ; il comprit et approuva l'emploi de la troisième personne bien qu'il eût préféré celui de la première pour donner plus de force à ses textes (1). En plus des notes prises sur ses instructions, il me demanda, pour ses archives personnelles environ la moitié de mes originaux, contre-partie de la protection qu'il m'apporta par la suite et dont je parle plus loin. Il désirait augmenter ainsi sa collection sans s'exposer, sans engager sa responsabilité. Je le satisfis parce que j'avais besoin de sa bienveillance dans l'accomplissement de mon service de liaison, les rapports étant assez tendus entre lui et mon ministre, le Dr Frick. Il récompensa ma bonne volonté en obtenant de Hitler, lors

(1) Je remettais ces notes à Bormann en deux exemplaires; l'un était destiné à ses archives de la Führerbau, à Munich, l'autre à ses archives du Berghof. Les premières furent brûlées à la fin de la guerre; les secondes tombèrent aux mains des Alliés et furent publiées en traductions anglaise et française mais mes notes furent alors mises à la première personne. Elles contenaient aussi des modifications apportées par Bormann sans mon approbation.

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HITLER CET INCONNU de mon départ du quartier général, l'autorisation d'emporter mes notes et de les publier ultérieurement. Il le fit bien qu'il n'en eût vu qu'environ la moitié. Même, à la fin de 1942, après avoir lu le premier jet de la note intitulée « Une journée au quartier général du Führer » et publiée ici en tête de ces notes, il m'obtint encore de Hitler un « Führer-Befehl » qui me chargeait d'assurer la surveillance des installations civiles aux quartiers généraux de Tours et de Soissons, en France, prévus pour le cas d'un débarquement anglo-américain dès 1942-1943. Après Stalingrad, Bormann me laissa entendre qu'il nourrissait des inquiétudes sur le déroulement de la guerre si nous ne signions pas une paix séparée avec les Russes que Ribbentrop refusait d'envisager ; j'ignore le rôle que cette idée joua dans ma désignation. Peut-être me reprochera-t-on d'avoir profité de mes fonctions bien délimitées pour recueillir les éléments d'une étude personnelle sur Hitler. Comme tous ceux qui s'intéressent à l'Histoire le savent, on ne possède aucune documentation authentique sur les moments capitaux de cette histoire, permettant d'entrevoir les idées les plus cachées, les plus intimes de ceux qui ébranlent le monde en ces moments. Toutes les indications de ce genre viennent après coup, à travers le filtre du souvenir, et sont souvent présentées de façon plus ou moins tendancieuse dans les Mémoires et les biographies. Devrais-je laisser passer sans la saisir la chance de pouvoir combler cette lacune au sujet d'un dictateur aussi typique que Hitler? Devais-je, pour des considérations passagères, négliger de conserver dans un document tout ce qui, dans les Propos de table de Hitler, me paraissait important pour la postérité et caractéristique à la fois pour lui et pour les autres ébranleurs de monde, passés et à venir ? Ces questions, je les posai à Bormann — bien entendu en remplaçant le mot de « dictateur » par celui de « Führer » et en parlant seulement de l'intérêt historique — un soir que, averti par sa secrétaire de ce que je faisais, il fit irruption dans ma chambre et se livra à un esclandre parce que j'avais sur ma machine à écrire un compte rendu de conversation qu'il ne connaissait pas. Je réussis à grand peine à le convaincre de la pureté de mes intentions et de l'importance historique d'un tel 563


HITLER CET INCONNU travail. Je finis même par l'intéresser en lui racontant des anecdotes sur la vie au quartier général qui lui valaient de grands succès d'hilarité quand il les répétait. A la condition que j'observerais le fair play envers lui, il abandonna finalement toutes ses objections. Il m'aida même en me laissant parcourir la collection des discours de Hitler, en me mettant en rapport avec le colonel Scherff, représentant du service historique de l'armée, en me montrant des plans et des photographies du Q.G., etc. Il me donna aussi les sténogrammes de Heim, conservés à la chancellerie du Parti, et m'autorisa — sous réserve de l'approbation ultérieure de Heim — à prendre copie des passages qui me paraissaient les plus intéressants. Je choisis ceux qui complétaient mon texte et les pris directement sur les sténogrammes, écartant tout ce qui n'avait pas été noté sur le moment même. Quand je quittai le quartier général à la fin de l'été 1942, je demandai à Bormann l'autorisation d'emporter mes notes : trois classeurs-relieurs épais et plusieurs carnets. Bien qu'il disposât de pouvoirs très vastes en tant que secrétaire du Führer, il jugea indispensable de demander l'accord personnel de Hitler, car il eût été fatal pour lui que celui-ci fût averti par les inspecteurs de police de son escorte que j'emportais une documentation aussi abondante. Il en profita pour le mettre pleinement au courant de mon activité et obtint son assentiment, bien qu'une telle intrusion dans son domaine privé dût répugner à son sentiment profond. L'argument décisif fut que je n'avais pas sténographié, pas fait du mot à mot, mais reconstruit les parties de la conversation présentant un intérêt historique, et aussi que les notes déjà présentées à Hitler avaient été jugées par lui comme traduisant sa pensée de façon très expressive, on s'en souvient. Cet assentiment de Hitler amena Bormann à me confier la clef d'un coffre-fort de la Führerbau, à Munich, où j'effectuai tout d'abord un intérim. J'y trouvais de nombreux et précieux documents qui me permirent de vérifier la justesse de mon texte. Bormann estima même que je pouvais prendre copie de toutes les notes de Heim, mais celui-ci fit des objections. C'était d'ailleurs inutile. Affecté à un poste dans l'Ostfriedland, je rédigeai l'article 564


HITLER CET INCONNU intitulé « Une journée au quartier général du Führer » et l'envoyai à Bormann pour qu'il en vérifiât l'exactitude. Ce fut à cette occasion, je l'ai déjà dit, que Bormann obtint 1' « ordre du Führer » qui me chargeait de suivre l'aménagement des quartiers généraux de Tours et Soissons et de présenter périodiquement un rapport sur son avancement. En avril 1943, à l'occasion d'un de ces rapports, fait au château de Kiessheim — Mussolini y rencontrait Hitler — Bormann me fit venir chez lui, au Berghof, en particulier pour arrêter avec moi le plan de mon livre sur « Hitler dans le cadre de son quartier général ». Il se montra très aimable parce que je lui apportais, de la part d'un ami berlinois, le Dr Helmut Pfeiffer, secrétaire général de la Cour internationale, des détails sur les contacts en vue d'une paix séparée avec les Russes qu'il préconisait et que Ribbentrop rejetait. Je lui demandai d'obtenir de Hitler l'autorisation définitive de publier mon manuscrit ; il put le faire d'autant plus facilement que Hitler le convoqua, durant mon séjour, pour lui donner des instructions à l'occasion de la rencontre avec Mussolini. Hitler, me dit-il, avait posé comme conditions que la publication aurait lieu seulement après la guerre, en fonction de ses propres Mémoires, et avec la spécification que mes notes avaient été prises en dehors de lui et sans qu'il les eût approuvées. Bormann transmit cette autorisation à M. Walkenhorst, en spécifiant que la publication comprendrait seulement les sténogrammes de Heim qu'il m'avait communiqués en son temps, avec l'accord de celui-ci. Les héritiers de Hitler, dans le procès intenté au curateur officiel des droits d'auteur, ont également expressément reconnu mes droits. J'ai tenu à retracer l'histoire de mes notes afin que le lecteur, en particulier le lecteur scientifique, comprenne bien qu'elles montrent un Hitler direct, naturel, tel qu'il se manifestait dans l'atmosphère détendue, intime des repas avec ses collaborateurs et ses amis. Mais, pour bien le comprendre, en tant qu'être de chair et de sang, il faut bien garder à l'esprit l'époque où ces propos furent tenus. A cette époque, après avoir occupé la Norvège, le Danemark, la Hollande, la Belgique, la France, la

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HITLER CET INCONNU Yougoslavie, la Grèce, la Pologne, les Etats baltes, en conséquence de ses accords avec l'Italie, la Bulgarie et la Roumanie, après les opérations qui avaient conduit ses armées sur la Volga, la victoire en Afrique du Nord et le succès de la guerre sousmarine, il se trouvait au sommet, éphémère, de son triomphe.


TABLE DES MATIERES

PREMIERE

PARTIE

AVANT PROPOS ET COMMENTAIRES DE PERCY ERNST SCHRAMM

I. Commentaires sur la « forme » II. Commentaires sur le « fond » III. Le « problème Hitler »

19 33 115

DEUXIEME PARTIE PROPOS DE TABLE DE HITLER RECUEILLIS PAR LE DR H E N R Y PICKER AU QUARTIER

GÉNÉRAL

I. Une journée du quartier génétal du Führer II. Les Propos de Table, nos 1-36 III. Les Propos de Table. n os 37-195 IV. Postface du Dr Henry Piker

127 141 219 553


ACHEVÉ

D'IMPRIMER

LE

8

1969

LES

MAI PRESSES

DE

SUR

L'IMPRIMERIE

BUSSIÈRE, SAINT-AMAND (CHER)


— N° d'édit. 2604. — N° d'imp. 232. — Dépôt légal : 2e trimestre 1969. Imprimé en France


DANS

LA

MÊME

COLLECTION

DANS

LA

MÊME

COLLECTION

James McGOVERN

Helmut HEIBER

MARTIN BORMANN

GOEBBELS

Les journaux annoncent périodiquement que Martin Bormann. qui fut secrétaire de Hitler, est toujours vivant. Un spécialiste qualifie son sort de « plus grand mystère nazi non encore résolu ». Le fils d'Eichmann le somma, dans une lettre ouverte, de se présenter; la responsabilité des crimes imputés à son père lui incombant. Pendant toute sa vie. Martin Bormann vécut dans l'ombre, méprisant les signes extérieurs du pouvoir, mais assoiffé de ses réalités. « Eminence brune » du Führer, il fut le seul des dirigeants nazis à conserver jusqu'au bout la confiance de celuici Il disparut aussi mystérieusement qu'il avait vécu. Ceux qui possèdent des certitudes au sujet de son sort ne les ont jamais exprimées. James McGovern, servant à la Central intelligence Agency américaine. fut chargé d'étudier l'affaire, de découvrir si Bormann était bien mort ou toujours vivant. De ses recherches, il a tiré le présent livre qui. accessoirement, est un remarquable récit exposant des faits peu connus au sujet des grands personnages de l'ère nazie et de divers événements de la guerre. Après l'avoir lu. on saura tout ce qui peut l'être sur le plus mystérieux personnage du Troisième Reich et on connaîtra, dans toute la mesure où elle peut l'être, la conclusion de l'énigme.

Goebbels a suivi Hitler comme on entre en religion. Est-ce le fait d'avoir fait ses études au petit séminaire qui le poussa à « croire »? Le seul ennui est qu'il se trompa de Dieu I Sans s'appesantir sur les luttes intestines qui opposèrent à maintes reprises les dirigeants nazis, mieux vaut suivre la carrière de Joseph Goebbels qui fut le premier à comprendre le rôle primordial de la propagande. Personne avant lui n'avait songé à monter en épingle la moindre réussite ou le plus petit résultat d'un parti politique qui érigeait la mise en scène en moyen de gouvernement. La vie personnelle de Joseph Goebbels passe au second plan car elle n'existe que dans l'orbite des volontés de Hitler à un point tel que, voyant son Fuhrer disparaître dans l'apocalypse de la chute de Berlin Goebbels choisit en toute liberté d'empoisonner ses enfants et sa femme avant de se donner la mort plutôt que de survivre dans une existence qui n'avait plus de raison d'être. Helmut Heiber a suivi pas à pas la vie de Joseph Goebbels. Ce minutieux travail a conduit à la biographie d'un homme étonnant qui mit ses indéniables qualités intellectuelles au service du mal et q u i demeurera un précurseur sur la voie empruntée depuis tant de régimes : la propagande.


Le présent livre dont la matière fut rassemblée en écoutant directement les propos tenus par Hitler à la table de son quartier général, constitue un véritable document historique d'une importance comparable à celle de Mein Kampf, On ne peut, sans l'avoir lu, se faire une idée juste du Hitler « de chair et de sang ». Le lecteur se trouve immédiatement à la source. A cette table du quartier général, parmi des collaborateurs intimes, Hitler parlait librement, de façon détendue, sans souci de pose, dans toute la mesure du moins ou cet adverbe peut s'appliquer à lui. Il en naît une image inattendue, invraisemblable après tout ce qu'on a lu sur le Führer, celle d'un primaire n'ayant jamais approfondi, ni même digéré, des connaissances amassées absolument au hasard, dépourvu de cette « culture » dont il avait sans cesse le mot à la bouche, n'ayant d'exceptionnels que la mémoire et, surtout, une volonté d é m o n i a q u e de fanatique dont on trouve d'ailleurs d'autres exemples dans l'Histoire, en particulier dans Robespierre avec lequel il a beaucoup.d'affinités. Dès lors, le problème se déplace. II n'est plus de connaître Hitler, mais de comprendre comment l'Allemagne a pu suivre un tel homme jusqu'à l'abîme, lui permettre de faire tout ce qu'il fit. Ce n'est plus un problème hitlérien mais un problème allemand. Ce volume est à ranger à côté de Mein Kampf dans la bibliothèque de toute personne qui s'intéresse à l'énorme crise qui ébranla le monde et dont les conséquences n'ont pas fini de se faire sentir.

Collection " Coup d'œil "


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