Octavio Alberola & Fernando Aguirre

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Au­delà de la Démocratie

la

DémoAcratie

Octavio Alberola Fernando Aguirre

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Au­delà de la Démocratie :

la démo­A/cratie

Le texte qui suit a été présenté par Octavio Alberola et Fernando Aguirre dans le Colloque « Au­delà de la démocratie » organisé par l’Atelier de création libertaire en 1986, à Lyon, et publié en 1990 dans un ouvrage collectif ayant par titre : Au­delà de la démocratie.

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Comme il s'agit d'expliquer cette dernière expression du titre, commençons par quelques commentaires qui situent le contexte. Lors d'une courte introduction à notre contribution au colloque, nous posions ainsi notre point de vue : « La critique anarchiste de la Démocratie (c'est­à­dire: de la démocratie représentative du suffrage universel ou presque) s'appuie sur des arguments idéologiques et des arguments historiques conséquents avec l'idée que les anarchistes ont de la domination politique comme mensonge et réalité du Pouvoir. » Celui‐ci peut être défini comme le principe même de l'injustice, de l'inégalité, de la non‐liberté (pression ou oppression ou parfois répression). Or, non seulement le terrain de la politique est peu perméable à la rationalité d'une démonstration ou à la pertinence d'une idée1 ‐ la grande majorité des citoyens croit légitime et indépassable la délégation ou la représentativité ‐ mais surtout les anarchistes eux‐mêmes ont été incapables de trouver des formes d'organisation où la pratique quotidienne de « la démocratie directe et à la base » soit réellement applicable et respectée. En effet, l'alternative anarchiste à cette démocratie‐là n'est autre qu'une Démocratie utopique (« la loi de la majorité » règne encore dans les organisations libertaires classiques), au sein de laquelle tous les citoyens auraient réellement ‐ et l'insistance sur cet adverbe est justifié ‐ les mêmes droits et les mêmes devoirs. Autrement dit, le même pouvoir de décision. Bien sûr, si elle pouvait être réalisée, cette société ne serait pas pour autant une société sans pouvoir ‐ et même pas sans Pouvoir ‐ car la délégation et la représentativité se poursuivraient même à l'intérieur des structures fédéralistes les plus larges. Par conséquent, si le problème véritable de la Démocratie est la « perversion » de la démocratie représentative à suffrage universel, il est absurde et inutile de s'attaquer aux « règles » démocratiques. L'accent ne doit‐il pas être mis sur les mécanismes idéologiques de cette "perversion" ? 1 Situons cette affirmation dans son contexte, la présentation du colloque de Lyon : « La critique anarchiste de la démocratie représentative et du suffrage universel s'appuie sur des arguments solides, mais le terrain de la politique est peu perméable ... ». Décalage entre la validité d'une théorie et la banalité du quotidien ? L'invitation à « combattre dans les mille sentiers de la servitude volontaire » nous incite à nous sentir impliqués : pourquoi ne pas appliquer les arguments solides de cette critique anarchiste à nous mêmes, à la fois serviteurs et parfois Seigneurs ? En tout cas, pour reprendre le premier « mais » n'oublions pas que les enjeux sociaux sont sûrement plus conditionnés par des « rapports de force » (multiples, variables, foucaldiens) que par la rationalité ou par sa cousine la pertinence ...

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Ceci nous amène à préciser notre point de vue, dans la mesure où notre positionnement « antiidéologique », lors du colloque de Lyon, a suscité des réserves. Rappelons dès le départ qu'il ne faut pas confondre la démocratie (comme idéal social) avec la Démocratie (la réalisation formelle du projet de domination de la Bourgeoisie), de la même manière qu'il convient de distinguer le communisme (comme société idéale) et le Communisme (la réalisation concrète du projet de domination du Mouvement‐qui‐parle‐au‐ nom‐du‐prolétariat).

Pour un nouveau rapport au politique… Si nous voulons proposer un nouveau rapport au politique fondé sur ce que nous tous avons convenu d'appeler « démocratie directe et à la base », nous devons reconnaître tout d'abord les limites conceptuelles. Ainsi la première tâche n'est pas d'inventer des comportements futurs et hypothétiques; il s'agit plutôt d'interpréter, d'élever à la réflexion une pratique qui n'est pas définitive, certes, mais qui ‐ nécessairement provisoire ‐ a une portée significative dans le vécu (ou la v.q: vie quotidienne) social(e). Nous ne pouvons ignorer ceci, sauf au risque de nous couper encore plus des « luttes sociales» et des activités qui se déroulent réellement. Les raisons de ce choix concernent aussi bien le concept que la pratique des règles démocratiques2. Conceptuellement parce que, dans tous les projets théoriques d'organisation sociale non autoritaire (imaginés ou imaginables), nous constatons les limites de ces nouveaux rapports qui doivent arriver. Le fédéralisme le plus large ou le plus libertaire bute sur le problème de la délégation et de la représentativité. Il n'y a pas d'accord automatique 2 Tentons de définir les « règles démocratiques » que nous considérons comme étant les plus représentatives de l'idéal démocratique... Il ne s'agit pas de commandements, ni d'obéissance ; mais de quelques principes - comme le font les enfants avant de jouer a) Toute décision concernant l'ensemble des individus doit être prise librement par l'ensemble des individus; dans le cas - probable - de non unanimité, la majorité et la minorité (ou les minorités) seront respectivement responsables de leurs décisions. Pas de bolchevisme, le droit de la majorité d'écraser les minorités (ou la minorité). c) Toute délégation de pouvoir, pour la réalisation d'une décision, doit être librement consentie, et peut-être annulée à tout moment. retour à la case Retour à la case départ. Si le caractère lapidaire de ces formules frappe fort, il n'y a aucun mal à choisir soimême des exemples pour les vérifier concrètement; si c'est le caractère évident qui étonne, il suffira de garder le regard ouvert.

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possible dans les relations sociales sans une confrontation des points de vue, des choix, et sans les soumettre au suffrage. Et il n'y a pas non plus de réalisations concrètes sans partage des tâches et des responsabilités ‐ nous ne pouvons pas tous faire la même chose au même moment... ‐ ; aussi est‐il sinon nécessaire du moins souhaitable de recourir aux règles démocratiques de concertation et d'action sociale. Pratiquement, parce que nous avons pu constater maintes fois les résultats catastrophiques des diverses tentatives historiques de mise en pratique de ces « nouveaux rapports politiques et sociaux », qui devaient aller au‐delà de la démocratie représentative pour bâtir une « société sans classes », sans exploitation ni domination. Et même dans des applications plus restreintes au sein des groupes soi‐disant « révolutionnaires », nous constatons l'incapacité de se soustraire aux effets des mécanismes de la perversion démocratique3.

Les mécanismes de la perversion démocratique…

C'est pourquoi nous estimons urgent d'étudier les possibilités de

mettre en oeuvre le désamorçage des mécanismes idéologiques de cette « perversion» démocratique, tout aussi bien que leurs gros rouages broyeurs d'âmes, d'hommes et de femmes. Dans cette perspective, il serait hygiénique d'analyser au préalable les causes qui ont fait échouer toutes les tentatives révolutionnaires, dont l'objectif dernier était ce fameux « renversement » qui mettrait les dominés en position dominante afin de dissoudre l'État. D'une part il s'agit de tentatives historiquement datées (et pas seulement de projets d'un futur plus ou moins proches), et d'autre part elles nous situent d'emblée dans le faux débat actuel : Démocratie ou totalitarisme. En effet, nous croyons que pour aller au‐delà de la démocratie il faut réfuter avant tout ce faux débat pour en proposer un autre. Celui‐ci ne sera peut‐être pas plus vrai, mais il sera en tout cas moins faux. Après avoir mis face à face Démocratie et Totalitarisme, il convient d'analyser les mécanismes de perversion d'un idéal « démocratique» commun à tous deux. En effet, les 3 Nous entendons par « perversion démocratique » toute exploitation partisane, minoritaire et élitiste, de l'apparente contradiction entre les intérêts des individus et ceux de la société, et cela afin de justifier le non respect des règles démocratiques. Le mot « perversion » pouvant sembler déjà ringard, il est permis d'employer le féminin : non pas « perversion » mais « malversation ». Dans le sens de déviation et de dérèglement, l'anomalie plutôt que l'animalité ou l'anormalité - si on préfère.

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deux systèmes ne sont‐ils pas censés d’étendre l'organisation de tous, de percevoir les demandes de chacun, de les harmoniser et ensuite d’aider à les satisfaire? Et de fait ‐ voilà l'échec ‐ ne deviennent‐ils pas des instruments de normalisation, diffusant sur toute la société les mots d'ordre et les règles qui permettent à une classe (peu importe laquelle), de possédants ou de dirigeants, d'imposer une domination ‐ molle ou mûre, douce ou dure ‐ suivant le même cheminement de canalisation : le pouvoir de décision de tous au bénéfice seulement de certains ? Qu'il soit bien clair : nous ne nous situons pas dans la perspective du moindre mal4, ni de la justification d'un système par les défauts de l'autre. Dans les deux cas, ils sont dans le même sac : il faut lutter contre le pouvoir des hiérarchies, avec leur tendance à réduire les espaces de liberté et les droits des individus. Dans les deux régimes nous trouvons la centralisation du pouvoir, mais jamais une quelconque espèce d'ébauche démocratique pour résoudre le problème de l'inégalité et de la subordination (autrement dit : la dissolution du pouvoir entre tous). Cependant, cela ne veut pas dire que nous refusions de constater, dans un régime comme dans l'autre, les résistances et les remparts contre toute forme de despotisme. Ces actes (ou ces réactions) témoignent que l'esprit démocratique au sein de la société est bien vivant (ou survivant) ; et par cet « esprit » nous entendons le désir de liberté, d'autonomie de décision, d'au‐ moins‐se‐libérer‐un‐toutpetit‐peu qui est une constante de l'histoire et qui, un peu partout et toujours, s'insurge contre tout ce qui donne à certains hommes plus de pouvoir sur les autres. Or, par un incompréhensible paradoxe, au sein même des groupes qui revendiquent ce désir de liberté, au nom de l'anarchie ou de la révolution, nous retrouvons les échos des discours antithétiques que les défenseurs du système dit « démocratique» font sur le Totalitarisme et, réciproquement ou vice‐versatilement, que les défenseurs du système dit « totalitaire » font sur 4 Même dans ce cas nous ne considérons pas qu'il soit inconséquent de « choisir » le moindre mal : tout en les mettant dans le même sac, il s'agit de saisir la différence qui sépare le « moins pire » du « pire ». Autrement dit, sans transformer - à la manière de ceux qui défendent la démocratie-à-Ia-Churchill, « le moins mauvais des régimes » -le « moindre mal » en « bon », « pas mal », « pourquoi pas », « idéal ». A chaque fois, c'est une question de choix : l'assumer sans pour autant (ou pour si peu) l'accepter. D'une manière plus concrète, nous situer en tout moment dans les contextes stratégiques qui nous soutiennent et que nous supportons, pour nous retrouver avec tous ceux qui - dans un cas comme dans l'autre - - luttent contre l'inacceptable.

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la Démocratie. En effet, les uns et les autres soulignent seulement les méfaits de chaque système, sans en tirer toutes les conséquences logiques. Et surtout, ils n'essayent pas de comprendre ce qui, dans un système comme dans l'autre, permet à la société humaine d'exister comme un organisme conflictuel et contradictoire, certes, mais aussi fraternel et solidaire5.

Ce que nous voulons… Bien sûr, nos camarades ne concluent pas en justifiant un système contre6 l'autre. Plus précisément, il ne s'agit pas de rejeter globalement les deux blocs en bloc, sans étudier les spécificités singulières qui semblent conséquentes avec ce que nous revendiquons depuis toujours : comme si dans les deux systèmes tout était à rejeter systématiquement, et rien ne valait la peine d'être défendu, renforcé ou / et étendu. Ainsi contribuent‐ils à marginaliser notre discours et notre action, en les faisant sombrer dans une ambigüité pour le moins puérile : qui peut admettre que ces deux systèmes fonctionnent, respectivement et exclusivement, sur le mensonge ou sur la violence? Et surtout, sans que les masses des hommes n'en tirent, à un niveau ou à un autre, des bénéfices substantiels ?7 Nous estimons donc qu'il faut donner aux mots un sens (plus ou moins) cohérent. S'il faut dire que notre projet de société ‐ si nous en avons un ‐ est « démocratique» et « libertaire », c'est pour préciser l'objectif éthique d'un tel projet. C'est‐à‐dire : une organisation collective décidée par les gens en général, et par les individus en particulier ; où les décisions appartiennent à la base, et leur mise en application à tous, à tous ceux à qui l'assemblée a 5 Eh oui ! Malgré le régime des systèmes qui domine depuis des millénaires, la société humaine a témoigné, tout au long de J'histoire, d'une capacité de survie qui s'exprime à travers les formes multiples de la conduite solidaire des hommes et des femmes, s'opposant à l'oppression - comme à leur propre suppression, à toute forme de soumission. 6 Quoique

... Très souvent les critiques sont tellement manichéennes, schématiques, unilatérales, caricaturales, machiavéliques, - tellement - qu'à la fin l'un des systèmes se présente comme le parfait contraire, l'inverse de l'autre. Alors, face à l'enfer (devant ou derrière le rideau), surgit soudain « le meilleur des mondes » : tellement simpliste la critique, qu'elle ment : par omission involontaire ou par soumission voulue. 7 Si

nous continuons à esquiver cette réalité, de leurs côtés les masses continueront à nous ignorer, car ce « bien-être» n'est pas tout à fait qu' « imaginaire». Et, de notre côté, mis à part quelques exceptions pures et dures et sûres, qui « les » refuse ?

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délégué provisoirement son pouvoir d'agir. Oser donc admettre que nous voulons, comme pas mal de gens en quelque sorte : populairement, avoir le pouvoir de décider démocratiquement de notre vie, d'organiser démocratiquement la manière de la vivre ‐ même si par la complexité de la vie sociale nous sommes obligés de déléguer notre action à d'autres, dans certains cas et pour certaines tâches.

De la démo­a/cratie… L'important reste que le pouvoir de décision ne soit pas l'exclusivité (à panage ou sans) de quelques‐uns, mais le droit, le gauche et l'usage de tous. Et c'est en ce sens que ce projet est « démocratique », correspondant dans sa philosophie à tout ce qui se fait ainsi dans tous les domaines de la vie sociale. Il est « libertaire » parce que, sans démagogie ni rêverie, il veut faire avancer la socialisation humaine vers les frontières matérielles et intellectuelles des hommes (femmes, enfants) à se concerter spontanément et en toute liberté avec les autres (enfants, femmes, hommes ‐ dans le désordre). Notre idéal est dessiné comme une démarche et non pas comme un aboutissement. Mais, à défaut de l'absolu (et sûrement contre l'Absolu), nous avons la possibilité du relatif, d'avancer concrètement dans nos vies, avec beaucoup d'autres, sans attendre le jour où ... Cessons donc de parler comme des oracles du Temps, d'une Nuit dont nul ne sait s'ils adviendront, et dont certains doutent même qu'ils soient les bienvenus. L'anarchie ne peut pas être une société idéale dans le ciel, un règne mythique au fin fond de l'Histoire. L'anarchie est, simplement, effectivement, l'acte de s'opposer au Pouvoir, et à tous les autres pouvoirs qui le soutiennent ou qu'II supporte. Et ceci est possible tous les jours, ici et maintenant, si nous dénonçons les perversions de l'idéal démocratique, qui depuis des siècles constitue la référence la plus juste8, peut‐être la plus populairement révolutionnaire, des sociétés humaines. 8 Si nous disons que l'idéal démocratique est la référence « la plus juste », c'est pour deux raisons au moins : tout au long de l'histoire des peuples, les hommes n'ont cessé de se battre en son nom pour sa réalisation (même si très souvent ils l'ont connu et vécu plus formellement que réellement) face à tous les autres pouvoirs; et, ensuite ou surtout, un tel idéal est celui qui se rapproche le plus de ce que J'éthique propose.

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Autrement dit : si et seulement si nous sommes capables d'expérimenter quotidiennement des rapports « vraiment »9 démocratique ; de montrer ‐ en plus de dénoncer ‐ que les perversions démocratiques ne sont pas inéluctables; qu'il est possible d'établir des rapports égalitaires ou de réduire les inégalités de pouvoir (même sans se passer des « spécialistes » ou d'autres espèces), voire, de vivre sans État (ne serait‐ce pas cela la totale démocratisation de la vie sociale ?). Ainsi, pour aller au‐delà de la démocratie, il suffit dans un premier temps de rompre avec toute démagogie10, « réformiste » ou « révolutionnaire » ; de renverser le pouvoir pour se trouver versé par lui; d'agir à tous les niveaux possibles pour affirmer l'extension des décisions collectives et faire reculer les contraintes autoritaires sur les individus. Pour aller au‐delà, il s'agit d'abord d'y arriver. Et « la démocratisation de la vie sociale » suppose la réintégration de l'éthique11 dans le comportement révolu(‐tionnaire); c'est‐à‐dire: l'application conséquente, partout et toujours, des règles démocratiques. Presque la fin: pour qu'une véritable démocratie se réalise, deux possibilité extrêmes, théoriques et pratiques, s'offrent à notre demande : a) démocratiquement : diffuser le pouvoir, distribuer l'autorité à tous, les répandre dans le public, les disperser et les laisser parsemés par tous les champs : personne ne l'a ; b) démo‐acratiquement : l'enlever aux personnes qui l'ont, diffracter le pouvoir, refuser la domination des différentes autorités particulières ou imprécises, personnelles ou anonymes. Deux perspectives qui peuvent être 9 Quand nous disons « vraiment» nous voulons dire que les rapports doivent être vus à l'oeuvre, dans leur expression pratique à l'intérieur du jeu social et se montrant conséquents avec l'idéal qui les inspire. Oui, conséquents au niveau de la pratique et pas seulement pertinents sur le plan supérieur du discours! - « cours ... » 10

Il est essentiel de se situer clairement face à toute sorte de démagogie, car la condition indispensable pour agir sur J'histoire, c'est précisément d'avoir un quelcollque contact avec la réalité sociale.Pas de méthode, juste des manières : p.ex : proposer des objectifs autour de nous, des objectifs suffisamment subjectifs et subversifs pour nous inciter à nous battre en tirant profit d'une telle expérience. 11

L'« éthique» n'est pas le délire messianique de ceux qui veulent codifier le comportement humain au nom d'un idéal ou d'une entité abstraite ou supérieure, mais simplement tout ce qui est « génériquement humain» et qui - maintenant. pas demain, pas avant-hier permet de se reconnaître enJ'autre, pour que tout homme puisse être libre dans une société d'hommes libérés.

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complémentaires : a) ceux qui veulent atteindre le pouvoir afin de fêter son extinction définitive, b) ceux qui désirent éteindre le pouvoir pour laisser place à d'autres initiatives. Tout le monde ou personne ‐le même choix : pour la liberté, contre le pouvoir. Conclusion sous forme de conseil in‐impératif (pour éviter l'empire qui s'empare de nous à chaque fois que nous lâchons prise pour sauver la (main)mise) : En espagnol, « démos » est aussi un verbe à la première personne (la tienne) du pluriel (nous tous) : « donnons ». « Demos­al cratie » signifie alors, non pas « demos gracias al Señor (divin ou humain, peu importe) » mais « donnons » ‐ ou disons : diffusons ‐ l'anarchie autour de nous. Soyons réellement libertaires envers les autres et, dans la mesure où « la perversion de la démocratie » évoque par ailleurs un acte sado‐politique, alors, comme aurait pu le dire le marquis de Socrate : « encore un effort si vous voulez être de vrais acrates ... »

Octavio Alberola / Fernando Aguirre

Épilogue Voilà près d'un quart de siècle que nous ‐ Fernando et moi ‐ avons écrit le texte qui précède et plus d’une décennie que Fernando nous a quittés. Je ne peux pas assurer qu'il continuerait à penser comme il pensait alors; mais je crois que, comme moi, il le signerait encore aujourd’hui. Et cela parce que maintenant la démocratie est, moins qu’alors, une démo‐acratie, et, plus qu'alors, une illusion et un recours sémantique démagogique pour justifier le pouvoir des possédants du Capital sur la masse des travailleurs. En effet, si c’était déjà très évident alors, aujourd'hui il n'y a que les possédants pour feindre de croire à l'égalité des droits dans la démocratie. Les masses exploitées ont été confrontées, pendant ce quart de siècle, à une série d'expériences qui ont montré de manière claire et brutale ce qu’est la société « démocratique » de l'argent et de l'exploitation, et comment elle gère la liberté et la justice. Et s'il y avait encore un doute sur cette complicité, entre la classe des exploiteurs et la classe des politiques chargés de faire fonctionner cette

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"démocratie", nous avons tous pu voir comment a été gérée et « résolue » la dernière "crise" capitaliste par les États dits « démocratiques ». Ils ont bien montré jusqu’où ils sont complices ! Donc, je crois que Fernando continuerait à penser ‐ comme il le pensait alors et le pensait et l'avait écrit Camus ‐ que « la liberté est l'affaire des opprimés » et que « ses protecteurs traditionnels sont toujours sortis des peuples opprimés. » Car il savait aussi que « ce sont les communes qui dans l'Europe féodale ont maintenu les ferments de la liberté, les habitants des bourgs et des villes qui l'ont fait triompher fugitivement en 89, et à partir du XIXe siècle, ce sont les mouvements ouvriers qui ont pris en charge le double honneur de la liberté et de la justice, dont ils n'ont jamais songé à dire qu'elles étaient inconciliables. Ce sont les travailleurs manuels et intellectuels qui ont donné un corps à la liberté, et qui l'ont fait avancer dans le monde jusqu'à ce qu'elle devienne le principe même de notre pensée, l'air dont nous ne pouvons plus nous passer, que nous respirons sans prendre garde, jusqu'au moment où privés de lui, nous nous sentons mourir. » Et plus encore après avoir vu comment, pendant ce quart de siècle, l'abandon des valeurs de liberté par le mouvement révolutionnaire l'avait amené ‐ partout où il avait conquis le Pouvoir ‐ à sacrifier le socialisme de liberté devant le socialisme d'État, devenu Capitalisme d'État et puis à nouveau Capitalisme privé. De même qu’il aurait vu aussi comment nous, les libertaires, n'avons pas pu empêcher une telle dérive et que le Capitalisme et sa "démocratie" continuent à nous imposer sa dialectique cynique ‐ comme alors – « qui oppose l'injustice et l'asservissement et qui renforce l'une par l'autre ». Donc, je finis comme nous finissions alors : encore un effort si nous voulons être vraiment des « acrates » !

Octavio Alberola, Janvier 2014.

… et ceci sur la « majorité » Ce qui suit a été extrait d'un article, « Le commun contre la démocratie », d'Agustín García Calvo Comme nous disions, la majorité, ce n’est pas tous. Donc, entendre cette différence est pour nous d'une importance politique capitale. Plus encore, cette différence, c'est comme une contradiction : « tous » est le contraire de « majorité ».

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C’était déjà clair dans les restes d'un livre d'Héraclite qui nous est parvenu, où, à un endroit, il dit : « penser c'est commun à tous » et, dans un autre, il dit : « mais, bien que la raison soit commune à tous, la majorité vit comme si chacun avait une pensée privée qui lui appartient ». C'est‐à‐dire, que la majorité est composée de chacun qui se croit l’être, comme toi par exemple, qui sais où tu vas, ce que tu veux. C'est de cela donc, que sont formées les masses dont l'état et le capital ont besoin pour leur puissance et leur développement. Oui, d'individus comme toi (et comme moi, bien sûr!). Car, pour créer d’en haut des besoins et goûts, la manière de procéder de la machine est bien connue et après elle se suffit avec l’imbécillité propre à chacun qui se croit être celui qui veut ce qu'il veut et qui sait ce qu'il sait. N’est‐ce pas vrai que chaque âme est dieu? Et c'est ainsi que nous ne devons pas être surpris qu’un quelconque bien que l'on gagne grâce à la majorité doive nécessairement être faux, inutile pour les gens, ennuyeux pour la vie, enfin, funeste. Regardons le marché des transports, de la musique, des idées : quoi …? Ce n'était donc pas par hasard ! Ne soyons pas non plus surpris que, chaque fois que la majorité s'exprime par un vote ou un référendum, le résultat doive être par force réactionnaire ‐ comme disaient les militants d'avant ‐, conformiste et, enfin, personnel et triste ‐comme le savent bien les leaders des masses qui, chaque fois qu'une rébellion informelle commence à bouillonner parmi le public ou le peuple, s'empressent de soumettre la chose au vote. Ne l'aviez vous pas noté ? Ce n'était pas non plus par hasard. Combien plus il est « chacun » celui qui vote (combien plus il est seul, l’individu, à déposer son bulletin dans le secret de l’isoloir), plus, en réalité, ils votent ensemble, tous ceux que le seigneur commande ; mais, c'est vrai, qu’exprimant chacun sa volonté par son vote, le vote de la majorité n’est jamais que la somme des imbécillités personnelles. C'est ça la masse que les « exécutifs » de dieu (état et capital) manipulent : un ensemble d'individus… Et c'est là que se fonde la forme la plus parfaite de la domination, soi disant la démocratie, je veux dire, la vraie, dis donc !, la proprement dite ; c'est‐à‐dire la nôtre, celle de ce premier monde, celle à laquelle toutes les autres formes de la domination aspirent irrémissiblement dans le chemin de l'histoire vers le futur.

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