RBANISATION ETROPOLES ET EVELOPPEMENT Imaginer la ville durable de demain URABLE
STEPHAN DEGOUTTE / ANNEE UNIVERSITAIRE 2011-2012 / UNIVERSITE PARIS-EST MARNE-LA-VALLEE / DEPARTEMENT GENIE URBAIN / CYCLE D’ETUDES SUPERIEURES / CINQUIEME ANNEE / MASTER DEVELOPPEMENT URBAIN DURABLE
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Imaginer la ville durable de demain
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SESSION OCTOBRE 2012 / Directeur de mémoire : Youssef Diabb / UNIVERSITE PARIS-EST MARNE-LA-VALLEE / UPEMLV - 5 boulevard Descartes - Champs-sur-Marne - 77454 Marne-la-Vallée
INTRO DUCTION En 1900, un dixième de la population mondiale (10%) était urbain. En 1950, on comptait environ un tiers (30%) de citadins (Figure 1). Aujourd’hui, c’est plus de la moitié de la population mondiale qui vit dans les villes (51%). D’ici 2030, le taux de citadins devrait avoisiner les 60%, selon les projections des Nations Unies. Les concentrations de population en zone urbaine, que ce soit dans les pays industrialisés ou non, s’accélèrent et atteignent des dimensions jamais égalées. Environ 3 milliards de personnes vivent dans les villes, et 20 millions de personnes s’installent en ville chaque année. L’urbanisation est alors aux centre des interrogations et il devient intéressant d’étudier cephénomène dans les grandes métropoles qui façonnent notre monde.
Ces métropoles, qu’elles fassent partie de pays riches, de pays en développement, de pays émergents ou de pays pauvres, sont en quelque sorte de gigantesques terrains de jeu, sources d’expérimentations du développement urbain. A noter que ces territoires urbains représentent un enjeu monumental pour le développement durable et la lutte contre le réchauffement climatique car il cumulent les sources d’émissions de gaz à effet de serre au travers des activités (usines), du bâtiment (logement, bureaux et services) et des transports. Le développement urbain durable apparait comme une solution adaptée pour ces grandes métropoles, en s’attaquant par exemple à l’étalement urbain, de plus en plus présent de nos jours. Ces métropoles tentent de devenir des «villes durables», c’est à dire des villes se préoccupant des générations futures et intégrant les
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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trois grands principes du développement durable que sont l’économie, l’environnement et le social. Ce mémoire intitulé : «Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable, Imaginer la ville durable de demain» a pour but, à travers le contexte urbain actuel présent dans les grandes métropoles mondiales, et les enjeux actuels du développement durable, d’imaginer quelle serait la ville durable idéale. Dans un premier temps je vais présenter le contexte urbain mondial actuel, en étudiant
ses caractéristiques pour en tirer des conclusions générales. Je présenterai ensuite les grandes métropoles mondiales en insistant sur leurs différences. Enfin j’introduirai la notion de «développement urbain durable» et ses multiples enjeux. Mon dernier chapitre présentera des exemples concrets de métropoles oeuvrant pour un développement urbain durable selon les divers enjeux économiques, sociaux et environnementaux, afin d’imaginer ce que pourrait être la ville durable idéale.
Figure 1 : Évolution du taux d’urbanisation du monde, des pays développés et des pays en développement de 1950 à 2005 et projections jusqu’en 2030
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SOM MAIRE INTRODUCTION.......................................................................................................1
I.
URBANISATION..........................................................................................5
A/ Définition........................................................................................................5 B/ Contexte mondial actuel...............................................................................8 1. Croissance urbaine.............................................................................8
2. Organisation de l’espace urbain......................................................10
3. Les inégalités socio-spatiales..........................................................14
II.
4. La mobilité urbaine............................................................................16 METROPOLES MONDIALES................................................................19
A/ Définition......................................................................................................19 B/ Grandes métropoles mondiales.................................................................20 C/ Des villes denses.........................................................................................24 Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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IIi.
DEVELOPPEMENT URBAIN DURABLE...........................................26
A/ Définition du Développement Durable......................................................26 B/ Définition du Développement Urbain Durable..........................................27 C/ Enjeux des politiques urbaines de Développement Durable..................30
IV.
VERS DES VILLES DURABLES...........................................................32
A/ Durabilité socio-économique.....................................................................34 1. Attractivité économique....................................................................34
2. Haute qualité de vie..........................................................................38
3. Accès aux services...........................................................................40
4. Sécurité urbaine................................................................................42
B/ Durabilité environnementale......................................................................44 1. Aménagement urbain durable..........................................................44
2. Mobilité durable.................................................................................50
3. Ecogestion ressources naturelles, énergies, déchets..................54
C/ Gouvernance urbaine..................................................................................59 1. Démocratie participative...................................................................59
2. Politique durable...............................................................................61
V. SYNTHESE................................................................................................62 REFERENCES........................................................................................................67
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I.
URBANISATION A/ Définition
Le terme «urbanisation» désigne deux phénomènes : - Celui d’urbaniser, c’est-à-dire favoriser et promouvoir le développement des villes. Cela passe par la transformation de l’espace rural en espace urbain. - Mais il désigne aussi un phénomène historique, celui de transformation de la société au vu des concentrations croissantes de la population dans les grandes agglomérations urbaines. Ce type d’urbanisation se mesure à l’aide de plusieurs critères comme la densité, l’extension territoriale, ou encore par le nombre d’habitants vivant en ville par rapport à l’ensemble de la population. L’un est donc d’ordre opérationnel, et l’autre d’ordre analytique. C’est ce second qui va nous servir dans cette partie pour étudier le contexte urbain actuel. L’urbanisme, quant à lui, est l’art de construire, d’aménager et de transformer les villes suivant les règles de l’esthétique et de l’hygiène.
Figure 2 : Dessin humoristique de CALVI
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
5
160°
Carte 1 : Contexte mondial
120°
80°
80°
60°
Seattle Montréal DetroitToronto Chicago Boston
40°
San Francisco
Washington
Los Angeles
Phoenix
San Diego
Dallas
Houston Monterrey
Tropique du Cancer 20°
New York
Philadelphie
Atlanta Miami
Guadalajara
Mexico
OCÉAN
Caracas Medellin
Bogota
ATLANTIQUE
0°
Fortaleza Recife
OCÉAN
Lima
Salvador
Brasilia
PACIFIQUE
Belo Horizonte
Rio de Janeiro
20°
São Paulo Porto Alegre Santiago
Agglomérations en 2010 Taux de croissance (en millions d'habitants) moyen annuel des agglomérations de 2005 à 2010 Tokyo : 37 plus de 3 % 15 à 25
de 2 à 3 %
8 à 15
de 1 à 2 %
5à8 3à5
1%
Taux d'urbanisation en 2010
40°
50 % 70 % moyenne mondiale 60°
80°
6
Buenos Aires
40°
0°
40°
80°
120°
160°
ti laire Arc Cercle po
que
Saint-Pétersbourg
Moscou
Londres Berlin
Paris
Milan Rome
Madrid
Istanbul Athènes Tel-Aviv Alexandrie
Casablanca
Pékin
Ankara
Barcelone Alger
Harbin Changchun Shenyang
Alep Bagdad
Le Caire
Kaboul Téhéran
Lahore Jaipur
Séoul
Tianjin Dalian Jinan Qingdao Pusan Xi'an Chengdu Nankin
Delhi
Tokyo Nagoya
Osaka-Kobe
Shanghai
Chongqing Wuhan Hangzhou Kanpur Dhaka KunmingDongguan Shantou Ahmedabad Chittagong Foshan Shenzhen Surat Canton Hong Kong Mumbai Kolkata Yangon Hyderabad Manille Bangkok Puna Chennai Bangalore Ho Chi MinhVille Karachi
Riyad Djedda
Khartoum Kano
Tropique du Cancer
OCÉAN PACIFIQUE
Abidjan Lagos
Singapour
Équateur
Nairobi
Kinshasa
Dar es Salaam
Luanda
OCÉAN
Jakarta
INDIEN Johannesburg Tropique du Capric orne
Le Cap Sydney Melbourne
Cercle p olai
re Anta rctique
2 500 km échelle à l'Équateur
Source : Population Reference Bureau, 2009.
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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B/ Contexte mondial actuel Plus de la moitié des habitants de la planète vivent en ville. Les plus grandes villes mondiales comme Tokyo, Mexico, Shanghai, Sao Paulo, ou encore New York, comptent plusieurs millions d’habitants (Carte 1). Ces villes sont aussi appelées métropoles et sont très souvent des capitales. Par la suite, un chapitre abordera spécificiquement ce terme de «métropole». Pendant très longtemps les plus grandes villes étaient situées dans les pays riches. Aujourd’hui la tendance s’est inversée. La plupart des grandes villes appartiennent maintenant aux pays pauvres. Ces villes sont le coeur de nombreux problèmes liés à une croissance incontrôlée, une organisation urbaine contrastée, et aux inégalités socio-sociales. Malgré ce fait, les grandes villes des pays riches restent les centres de décision politique, économique et culurel pour le monde entier dans le combat pour la mondialisation, tandis que les grandes villes des pays pauvres sont plutôt écartées de la scène internationale.
1. Croissance urbaine
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Depuis les années 1950, la croissance urbaine n’arrête pas d’augmenter continuellement. Et depuis les années 1990, cette croissance a pris une toute autre ampleur.
En 2010, on recensait plus d’une vingtaine de villes de 10 millions d’habitants.
En 1950, seulement deux villes comptabilisaient plus de 10 millions d’habitants dans le monde.
La croissance est souvent très élevée dans les grandes villes et métropoles: il est important de s’y attarder.
Tokyo est de loin la ville la plus peuplée avec plus de 37 millions d’habitants.
Même si le taux d’urbanisation entre pays développés et pays pauvres est très disparate (environ 75% contre 40%), sur les vingt plus grandes villes au monde, quinze sont des villes du sud. Ce phénomène a une explication: Dans les grandes métropoles du sud, souvent appelés pays émergents ou pays en développement, le taux de fécondité est bien plus élevé que dans les pays du nord, et l’éxode rural est extrêmement important.
En effet, dans les pays du nord, qu’il s’agisse des villes d’Europe ou d’Amérique du Nord, la transition démographique a déjà eu lieu, et l’éxode rural stagne, tandis que l’éxode urbain réapparaît, les citadins préférant s’installer en zones rurales. De ce fait, la croissance urbaine est très inégale dans le monde.
Tableau 1 : Population totale, population urbaine, taux d’urbanisation et taux de croissance urbaine
A proprement dit, la transition démographique de ces villes est en cours et la population est très jeune. Les jeunes trouvent en ville un travail, des infrastructures pour étudier, et un niveau de vie supérieur qu’en campagne. La croissance démographique de ces villes ne cessant d’augmenter, le taux d’urbanisation des pays du sud va lui aussi croître, alors qu’il va commencer à stagner dans les pays du nord (Tableau 1).
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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2. Organisation de l’espace urbain Les villes s’étalent de plus en plus en périphéries, bien loin de leurs centres-villes historiques, on parle d’étalement urbain. Ceci est en grande partie du à une croissance démographique mondiale qui ne cesse d’augmenter, mais plus particulièrement à une croissance urbaine démesurée. A l’époque du «rêve américain», dans les années 1950, époque d’après guerre, les grandes villes des pays du nord vont voir leurs populations en périphéries augmenter, tout comme le nombre de zones pavillonaires. En banlieue, avoir son propre pavillon devient alors un réel signe de réussite sociale pour les heureux propriétaires. Les grandes villes des pays pauvres vont connaître le même phénomène, mais leurs banlieues vont rapidement être envahies de zones d’habitats précaires, appelées «bidonvilles». Dans les pays développés, l’étalement urbain a tellement progressé, qu’actuellement on parle même de «périurbanisation»; cela veut dire que cet étalement rejoint les zones rurales proches des villes. Les «rurbains» sont les habitants de ces zones rurales directement visés par la périurbanisation.
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Cependant, de nos jours, on constate que les grandes villes du Nord délocalisent leurs activités en périphérie. De nouvelles villes appellées «villes-lisières» se développent: c’est le cas par exemple en région parisienne. On parle ainsi de «conurbations» car les tissus urbains des grandes villes fusionnent entre eux. Pour information, le corridor englobant Tokyo et Osaka représenterait 80 millions d’habitants, celui englobant New-York, Boston et Washington, le «BosWash», 55 millions d’habitants. Ce phénomène est beaucoup moins présent dans les ville du sud car l’éxode rural est encore très élevé. Il existe plusieurs types d’organisation urbaines répertoriées en deux catégories : celle des villes des pays riches, et celle des villes des pays pauvres. Pour les villes des pays riches, on distingue : • Les villes européennes comme Paris, Londres, ou Madrid, qui sont fort souvent des capitales européennes. Le centre se constitue de la vieille ville composée de monuments historiques. Autour certains quartiers de bureaux (exemple de la Déf-
L’étalement des banlieues pavillonaires à San Diego (Etas-Unis)
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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ense à Paris ou la City à Londres). En ban- • Les villes d’Amérique du sud comme lieues sont installées les familles qui naviSao Paulo ou Mexico. Le centre est comguent entre leur travail et leur domicile. posé d’une place symbolique et de quartiers d’affaires similaires à ceux des villes • Les villes nord-américaines commeNewnord-américaines. En périphérie se juxYork ou Montréal, qui sont des villes rétaposent villas idyliques et favelas à l’hycentes. Le centre est composé d’un quartier giène déplorable. Leurs développement d’affaires très importants souvent délimité ressemble fortement à celui des villes par des gratte-ciel, le CBD (Central Bud’Afrique. siness District). Les rues sont rectilignes et quadrillées. Autour on trouve souvent des • Les villes musulmanes comme Le Caire quartiers habités par les plus démunis souet Marrakech, qui sont d’anciennes villes vent appelés «ghettos» comme le Bronx à fortifiées appellées souvent «Médina». Le New-York, puis des banlieues pavillonaires centre est consacré à la religion avec la accessibles aux familles plus aisées. présence de mosquées. Les banlieues concentrent de nombreux quartiers rési• Les villes de l’Asie développée comme dentiels pour les familles aisées. Tokyo ou Pékin, qui sont des villes très anciennes et très denses. Le centre se com- • Les villes de l’Inde et de l’Asie comme pose du centre historique tout comme les Calcutta, Bombay, Manille ou bien encore villes européennes. Autour on rencontre Bangkok, qui sont pour la plupart surpeudes constructions d’envergure. plées au centre et où la pauvreté et le chômage sévissent. L’éxode rural est imPour les villes des pays pauvres, on distingue : portant car les villageois espèrent trouver du travail en ville. • Les villes d’Afrique comme Abidjan ou Lagos, anciennes villes coloniales. Les Cependant, les grandes villes regroupant une quartiers résidentiels composent l’ancienne population de plus en plus nombreuse, les «ville blanche», et les villages composent inégalités entre classes sociales deviennent l’ancienne «ville noire». Ce sont souvent de plus en plus flagrantes, et la cohabitation des villes très étalées, constituées de bi- apparaît comme un enjeux majeur. donvilles en périphéries. L’agglomération du Caire, par exemple, s’étent sur plus de 45 kilomètres du Nord au Sud.
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Inégalités socio-spatiales à São Paulo (Brésil)
3. Les inégalités socio-spatiales De nos jours, les contrastes entre quartiers riches et quartiers pauvres sont de plus en plus flagrants, on parle même de ségrégation socio-spatiale. La multiplication des exlusions urbaines et des «gated communities», ou quartiers clôts, en témoignent. Bien évidemment, ce phénomène est significatif des villes des pays du sud puisque une part importante de la population urbaine vit dans des logements informels tels que les bidonvilles et favelas. A cela vient s’ajouter des problèmes de violence et d’insécurité. A Rio de Janeiro, les pouvoirs publics ne peuvent plus intervenir dans certaines favelas car celles-ci sont jugées trop dangereuses. En centre-ville, les logements deviennent hors de prix, et les classes pauvres et moyennes se dirigent maintenant en périphérie de ville. Le terme de «gentrification» ou «embourgeoisement», signifie le retour des populations aisées dans certains quartiers de centre ville anciennement en déclin réhabilités. On peut prendre comme exemple le quartier de Harlem à New-York ou celui de Notting
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Hill à Londres. Les plus riches vivent dans le centre-ville, et les plus pauvres vivent dans des «cités-dortoirs» en périphéries. Les quartiers pauvres étant délocalisés hors centre ville, les problèmes se retrouvent en banlieues. L’exemple des HLM en banlieues Françaises, anciennement bidonvilles et regroupant les populations pauvres, en est un bon exemple. La fragmentation du tissu urbain entraîne donc des problèmes de cohésion et de cohabitation sociale. A cela vient s’ajouter les multiples tensions générées par les crises économiques et la croissance urbaine dans un espace urbain restreint. L’environnement est alors directement impacté. De plus, l’étalement urbain et la mobilité ne cessant de s’amplifier, il est de plus en plus difficile de connaître les réelles limites des grandes métropoles actuelles. Les enjeux liés à la mobilité urbaine et au développement des infrastructures de transport apparaissent alors comme primordiaux.
Les infrastructures de transports au centre de Tokyo (Japon)
4. La mobilité urbaine
Amsterdam 46,1
ChicagoMinneapolisDetroit Toronto 76,0 35,6 36,0 31,0 Las Vegas 46,2
New York(1) 80,5
San Francisco 33,6
Denver 47,3
Philadelphie 31,8
Los Angeles 61,0 Phoenix 41,4
Houston et Dallas 102,8
Orlando et Miami 67,8
Atlanta 84,8
Londres(2) 101,7
Madrid 45,5
Paris(3) 82,5
Francfort 52,8
Munich 30,8
Pékin 48,6
Tokyo(4) 100,8
Hong Kong 43,8 Bangkok 42,8 Singapour 35,0
(1) New York :Kennedy et Newark (2) Londres Heathrow : et Gatwick (3) Paris : Roissy et Orly (1)
Tokyo :Narita et Haneda
Nombre de passagers des 30 premiers aéroports mondiaux en 2006 Atlanta 84,8
Taux de motorisation en 2007 (Nombre de véhicules pour 1 000 habitants) 30 100 300 500 absence de données
2 500 km échelle à l'Équateur
« Non maîtrisé, l’usage de l’automobile éloignerait inexorablement la région urbaine d’un développement durable […] Les problèmes de congestion, de pollution et de consommation d’espace qui résultent de la configuration spatiale de la métropole ont un coût que la collectivité supporte de plus en plus difficilement. » Manuel Appert, « Les mobilités quotidiennes à Londres : aspects, impacts et régulations »
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www.medias.editions-hatier.fr
Carte 2 : Mobilité urbaine dans le monde
La mobilité urbaine ne cesse de s’accentuer car les villes s’étendent continuellement (Carte 2). La plupart des actifs effectuent tous les jours des trajets «domicile-travail». Avec l’arrivée de la périurbanisation déjà énoncée dans les paragraphes précédents, ces temps de trajets ont exponentiellement augmenté. Les réseaux de transports urbains, autrefois suffisants, ne répondent plus aujourd’hui à la demande et les congestions de circulation et embouteillages aux heures de pointe deviennent une constante infernale pour la plupart des travailleurs des grandes villes. Dans les grandes villes des pays du sud telles Lagos ou Mumbaï, la plupart des utilisateurs empruntent les transports collectifs ou se déplacent à pied ou à vélo car la pauvreté empêche le développement de transports individuels. Les transports collectifs sont cependant très peu développés du fait du manque de moyens.
Pourtant, la circulation urbaine est très difficile et le traffic est très souvent saturé car les infrastructures de transport sont en très mauvais état et ne sont pas adaptées à la demand. Ceci est également du à la croissance urbaine incontrôlée. Surviennent alors de multiples nuisances urbaines telles la pollution, le bruit, ou encore les accidents de la circulation. Dans les grandes villes des pays du nord, la voiture reste le moyen de déplacement de loin le plus utilisé. L’ensemble des infrastructures et des réseaux ont été conçus pour son utilisation en masse même si les transports collectifs sont toutefois très présents. Des villes comme Tokyo ou New-York en sont de bons exemples. Les réseaux routiers s’entremèllent et les noeuds autoroutiers sont «effrayants» d’envergure. Les réseaux de transports quadrillent ces villes. Certaines villes comme Dallas ont même tout misé sur la voiture. Pour bien comprendre le phénomène de l’urbanisation, il est alors intéressant d’étudier les grandes métropoles mondiales et éxaminer leur fonctionnement.
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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Fin août 2010, un embouteillage s’étend sur plus de 100 km durant 12 jours aux portes de Pékin (Chine)
II.
METROPOLES MONDIALES
A/ Définition
«On a établi que la métropole seule pourrait négocier dans la colonie» Montesquieu
Le terme de métropole provient du grec «mêter» et «polis» signifiant «mère» et «ville». Elle comprend entre 500 000 et un million d’habitants. Une métropole était la «cité mère» par rapport à ses colonie dans l’antiquité comme par exemple Phocée pour décrire la métropole de Massalia. Aujourd’hui on utilise toujours le terme de «cité phocéenne» pour décrire la métropole Marseillaise.
• les métropoles nationales sont en tête du réseau urbain national, ce sont très souvent des capitales, par exemple Berlin en Allemagne. • les métropoles mondiales, ou métropoles globales, en tête du réseau mondial, comme New-York ou Londres. On parle de métropolisation pour décrire le phénomène de formation ou de croissance d’une métropole.
Une métropole est la ville principale d’une région géographique ou d’un pays caractérisée par ses centres décisionnels puissants, qu’ils soient économiques, financiers, politiques, culturels, ou industriels.
Le terme de Mégapole, quant à lui, désigne de grandes agglomérations de population, avec très peu de fonctions, comme Mexico ou Shanghai. Cependant, elles sont considérées comme métropoles à l’échelle de leur pays. Le seuil fixé par l’ONU est de 10 millions d’habitants.
C’est un terme qu’on peut utiliser à plusieurs échelles : • les métropoles régionales sont en tête de leur réseau urbain local, par exemple Marseille en France.
On parle aussi de Mégalopole au-delà de 15 millions d’habitants pour exprimer le phénomène de conurbation énoncé précedemment, soit un espace urbanisé composé de plusieurs agglomérations.
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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B/ Grandes métropoles mondiales Plus de la moitié de la population urbaine mondiale vit dans des villes de plus d’un million d’habitants (au nombre de 494 actuellement). Il me paraît intéressant d’étudier les plus grandes villes mondiales, peu
importe leur statut de métropole , mégapole, ou mégalopole, car ce sont les miroirs des transformations sociales. A l’heure actuelle, 27 des 40 plus grande villes mondiales sont des villes des pays du sud (Tableau 2).
Tableau 2 : Classement des 40 plus grandes métropoles mondiales en 2012
1 Tokyo 37 730 064 (Japon) 2 Mexico 23 293 783 (Mexique) 3 Séoul 22 692 652 (Corée du Sud) 4 New York 22 232 494 (Etats-Unis) 5 Mumbai (Bombay) 21 900 967 (Inde) 6 São Paulo 20 853 705 (Brésil) 7 Manille 19 888 419 (Philippines) 8 Bangkok 18 927 786 (Thaïlande) 9 Delhi 18 916 890 (Inde) 10 Djakarta 18 588 548 (Indonésie) 11 Shanghai 18 572 816 (Chine) 12 Los Angeles 17 820 893 (Etats-Unis) 13 Osaka-Kyoto-Kobé 17 409 585 (Japon) 14 Le Caire 16 429 199 (Egypte) 15 Kolkata (Calcutta) 15 644 040 (Inde) 16 Moscou 14 837 510 (Russie) 17 Istanbul 14 350 423 (Turquie) 18 Buenos Aires 14 235 106 (Argentine) 19 Téhéran 13 828 365 (Iran) 20 Dacca 13 240 743 (Bangladesh)
20
21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40
Karachi 13 205 339 (Pakistan) Gauteng 13 084 543 (Afrique du Sud) Pékin (Beijing) 12 522 839 (Chine) Lagos 12 517 811 (Nigéria) Londres 12 448 448 (Royaume-Uni) Paris 12 161 542 (France) Rio de Janeiro 12 140 906 (Brésil) Ruhr 11 316 429 (Allemagne) Bagdad 10 634 225 (Irak) Kinshasa 10 076 099 (Congo) Chicago 9 804 845 (Etats-Unis) Hong Kong 9 222 709 (Chine) Khartoum 8 940 991 (Soudan) Nagoya 8 852 544 (Japon) Lima 8 760 685 (Pérou) Washington 8 718 083 (Etats-Unis) Taipei 8 707 049 (Taïwan) Bogota 8 423 837 (Colombie) Kuala Lumpur 8 063 230 (Malaisie) Chongqing 7 784 922 (Chine) Source : www.populationdata.net
Mais les poids économiques et démographiques des grandes métropoles ne suffisent plus pour obtenir un pouvoir décisionnel important. Dans la guerre de la mondialisation, les grandes métropoles du sud comme Lagos ou Djakarta, qui concentrent pourtant des populations gigantesques, ont un faible impact décisionnel. De même, Miami, qui a un PUB (produit Urbain Brut) à envier, est écarté de la scène internationale. Les chercheurs du GaWC, «Globalization and World Cities Study Group and Network», se sont penchés sur la question. Ils ont étudié la part de grandes firmes dans les plus grandes villes mondiales selon quatres branches d’activités : la comptabilité, la finance, la publicité et les services juridiques. Une note de 1 à 12 est attribuée à chaque ville, et elles sont ensuite réparties en trois catégories en fonction des notes obtenues :
• note de 10 à 12 : villes mondiales Alpha • note de 7 à 9 : villes mondiales Bêta • note de 4 à 6 : villes mondiales Gamma Une carte permet de repérer ces villes (Carte 3). Les métropoles globales sont au nombre de quatre : Paris, Londres, New-York et Tokyo. Ce sont les villes les plus puissantes du monde et font parties des centres de décision les plus importants (Carte 4). D’autres métropoles, parfois appellées métropoles relais, sont directement liées à ces centres de décison. Les trois principaux centres décisionnel regroupent : • New-York, Boston, Whashington • Londres, Paris, Milan, Francfort, Madrid • Tokyo, Osaka On remarque que la plupart des grandes métropoles des pays du sud ont un pouvoir très faible dans le système métropolitain mondial. Pourtant ces villes sont souvent très denses et fortement peuplées.
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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Carte 3 : La classification des villes mondiales
Carte 4 : Le système métropolitain mondial
D’après J.P. Paulet, Les très grandes villes dans le monde, SEDES, 2003
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Des tours d’habitations vertigineuses à Hong-Kong, on en dénombre 6 588 au total dans la ville (Chine)
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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C/ Des villes denses La densité urbaine, ou densité de population en ville, peut s’exprimer à deux échelles : celle de la ville seule et celle de l’agglomération. Lorsque l’on parle de grandes métropoles mondiales, il est plus judicieux d’étudier la densité à l’échelle de l’agglomération urbaine.
Une grande métropole du nord comme Londres, pourtant considérée comme une ville dense en Europe, est très «plate» si on la compare à d’autre grandes métropoles à l’échelle mondiale (Figure 3). En effet, des métropoles du sud comme Mumbai, Shanghai ou bien calcuta, sont bien plus denses.
Par exemple, la ville de Paris a une densité intra-muros de 20 437 hab/km², et une densité d’agglomération de 990 hab/km². Par comparaison, la métropole la plus dense au monde, Manille (Philippines), a une densité de 43 079 hab/km², et une densité d’agglomération de 18 093 hab/km².
Avec l’urbanisation grandissante, on pourrait croire que la densité urbaine va augmenter, mais, au contraire, elle diminue; alors que l’étalement urbain, quant à lui, se développe à grand pas (les grandes métropoles mondiales gagnent 1% de leur superficie par an).
Les différences de densité au coeur des grandes métropoles mondiales sont donc surprenantes. Mondialement, la densité urbaine moyenne est de 906 hab/km².
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Panorama de la ville de Hong-Kong, une des métropole la plus dense au monde (Chine)
Une ville étalée génère beaucoup plus de nuisances et de pollution qu’une ville dense car les déplacements urbains sont beaucoup plus nombreux. Le développement «durable» de ces villes devient alors un enjeux majeur pour la préservation de l’environnement.
Figure 3 : Les densités de grandes métropoles mondiales 5 179 hab/km²
1 096 hab/km²
1 130 hab/km²
2 784 hab/km²
5 387 hab/km²
3 216 hab/km²
www.urban-age.net
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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IIi.
DEVELOPPEMENT URBAIN DURABLE A/ Définition du Développement Durable
« Un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures à répondre aux leurs. » Commision Mondiale sur l’Environnement Harlem Gro Brundtland, 1987 La démarche de Développement Durable «est une démarche qui vise au progrès social et à la qualité de vie dans le respect des générations futures en tenant compte des contraintes économiques», selon JeanMarc Nollet, ancien ministre du Développement Durable. Ce n’est pas seulement une théorie, c’est un objectif. L’objectif de mettre en place un mode de développement à long terme dont l’homme est le centre d’intérêt. Ce mode de développement est axé autour de 3 grands piliers (Figure 4) : l’économie, le social, et l’environnement. Dans ce monde en cours de globalisation, c’est un développement qui garantit l’efficacité économique et la cohesion sociale, qui se doit respecteux des ressources naturelles et des écosystèmes, tout en luttant contre la pauvreté, les exclusions et les inégalité en
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recherchant l’équité. La durabilité est assurée lorsque ces 3 piliers intéragissent parfaitement entre eux et que les notions de vivabilité, de viabilité, et d’équitabilité sont atteintes. A ces trois piliers s’ajoute la gouvernance: il s’agit de fédérer la participation de l’ensemble des acteurs au processus de décision, seul gage de réussite de la démarche globale. Figure 4 : Schéma du Développement Durable
B/ Définition du Développement Urbain Durable « Agir local, penser global » René Dubos, 1972 Lors de la préparation de la Conférence de Rio, la Commission des Nations Unies va lancer la démarche «Villes et Développement Durable». En 1990, l’ICLEI (International Council for Local and Environmental Initiatives) est créé pour inciter le développement de villes durables et sensibiliser les collectivités territoriales au Développement Durable. De nombreux colloques concernant les dysfonctionnements urbains auront lieu par la suite et diverses pistes de réflexion seront initiées avant la Conférence de Rio en 1992, où les grandes métropoles mondiales vont présenter leur travaux en faveur du Développement Durable. Les réflexions mondiales sur le développement durable se poursuivent: en 2002, dix ans après le «Sommet de la Terre de Rio», se tenait le sommet de Johannesbourg, puis en 2012 celui de «Rio+20».
C’est dans les grandes villes mondiales, là où l’urbanisation est intense, que les pressions sont les plus fortes, qu’il s’agisse d’inégalités sociales, d’exlusions, de pollution, de chomâge, de migrations, de mondialisation, ou bien de sensibilité au changement climatique. Il est alors indispensable que le développement de ces villes s’effectue en prenant en compte ces contraintes actuelles, qui sont bien économiques, sociales, et environnementales. Le «Développement Urbain Durable» se traduit donc par des villes à la société responsable, à l’économie productive, et à l’environnement durable. Les multiples problèmes urbains actuels obligent les politiques urbaines à rechercher des acteurs et des décideurs conscients de ces nuisances qui peuvent agir immédiatement en mettant en place un développement adéquat. L’avenir des villes dépend du choix et de l’efficacité de cette gouvernance.
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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Peu importe à quelle échelle interviennent l’ensemble des acteurs impliqués dans le processus de décision, tous ont un rôle à jouer pour réctifier la marche et tendre vers une société durable. Dans les décennies à venir, les villes auront un rôle de plus en plus important à jouer en matière de préservation de l’environnement. Mais la majeure partie des grandes villes des pays développés et des NPI (Nouveaux Pays Industrialisés) ont actuellement une démarche qui va à contre-sens du Développement Durable (Figure 5). En effet ces pays ont une empreinte écologique1 comprise entre 4 et 10 ha/habitant, soit jusqu’à cinq fois ce qu’elle devrait être et leur environnement est très dégradé. Toutefois leur IDH2 est très élevé (>0.8) car leur économie est très développée. Les villes des pays en voie de développement et des pays émergents, quant à elles, ont un IDH plus faible (<0.8) et une empreinte écologique idéale, entre 0 et 3 ha/habitant. Leur environnement est protégé et leur économie sous-développée.
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Le chemin suivi par ces villes, pourtant proches d’atteindre les critères de développement durable, est similaire à celui empreinté autrefois par les grandes villes du nord. Gageons qu’au vu des évolutions quasi incontrôlées dans certaines grandes métropoles mondiales (où les facteurs économiques, sociaux et environnementaux sont dans le rouge), le Développement Durable va servir d’«exemple» à suivre pour réduire les dérives en instaurant une gestion urbaine équilibrée. Les enjeux sont colossaux pour certaines villes, moins pour d’autres, mais les objectifs restent identiques. "La maison brûle et nous regardons ailleurs" Sommet de Johannesbourg Jacques Chirac, 2002 1
L’empreinte écologique mesure la consommation d’une population de surfaces productives de terre et d’eau nécessaire pour la production des ressources. Plus elle est proche de 0, moins la consommation de ressources est importante. 2
IDH: L’Indicateur de Développement Humain est un indice permettant d’évaluer le niveau de dévelopement humain des pays du monde à travers 3 critères: le niveau d’éducation, le niveau de vie et l’espérence de vie. L’indice varie entre 0 et 1, 1 étant l’excellence.
Figure 5 : Performances des grandes nations en matière de Développement Durable
générations actuelles
Indicateur de développement humain –IDH)
Europe du Sud + "NPI"
Europe du Nord et de l'Ouest
USA, Besoins des Australie, Canada
1
Pays "émergents" d'Asie et d'Amérique du Sud (+ Turquie)
Développement Durable
0,9
Pays "émergents" d'Afrique du Nord, Moyen Orient, Asie
0,8 0,7 0,6 0,5
Pays en voie de développement d'Asie et d'Afrique
0,4 0,3 0,2 0,1 0 11
10
9
8
7
6
5
4
3
2
Empreinte écologique (ha/hab)
1
Besoins des 0 générations futures
Source : ENSMSE
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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C/ Enjeux des politiques urbaines de Développement Durable « Contribuer à l’élimination de la pauvreté et à la croissance économique durable, améliorer l’intégration sociale et le bien-être de l’humanité, et créer des possibilités d’emploi et de travail décent pour tous, tout en préservant le bon fonctionnement des écosystèmes de la planète. » Enjeux des 188 états présents à Rio+20, Juin 2012 Les politiques urbaines sont seules porteuses du Développement Durable dans les villes: elles ont comme mission de réaliser des plans d’action locaux en faveur de cette démarche.
Pour qu’un projet de Développement Durable aboutisse en ville, il faut qu’il s’adapte aux contraintes économiques, sociales et environnementales de la zone en question, et que l’implication des acteurs soit totale.
Elles peuvent permettre de mobiliser et impliquer tous les citoyens dans l’avenir de leur ville.
Chaque projet de Développement Urbain Durable est donc unique, et le plan d’action répond aux préoccupations majeures de la zone considérée. Il doit être adaptable et révisable.
Il est en effet très important d’agir localement pour résoudre les problèmes environnementaux majeurs en milieu urbain. Par exemple, la consommation énergétique, la consommation des ressources naturelles, ou les rejets de déchets et polluants, doivent être minimisés en informant chaque citoyen sur les impacts potentiels et le rôle qu’ils peuvent jouer individuellement pour les minimiser globalement.
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Dans ce processus de décision sont impliqués les acteurs de la vie publique, les habitants, les entreprises, mais aussi l’état, les autorités régionales ou départementales, les scientifiques, qui doivent se concerter ensemble. La concertation permet d’obtenir des points de vue différents, de confronter les idées, et réaliser «le» plan d’action idéal pour la ville.
« Un développement urbain réussi est la clé du développement durable » UCLG et ONU Habitat, 2012 Les politiques urbaines doivent réduire les impacts environnementaux, valoriser les diverses potentialités de la ville, économiser les ressources, et développer l’économie, l’emploi, la formation et la cohésion sociale. A noter que ces politiques doivent permettre de réaliser des mesures immédiates, mais aussi proposer des plans d’action à long terme. Dans ce processus de globalisation, les enjeux des zones urbaines sont évidemment mutiples : • les enjeux de la gouvernance urbaine. Comment adapter cette gouvernance à la réalité de la métropolisation? • les enjeux de l’aménagement urbain durable. Privilégier une ville compacte en limitant l’étalement urbain. La planification urbaine y joue un rôle important en proposant de densifier au niveau des zones à forte accessibilité, renforcer la mixité sociale et architecturale, et développer les espaces publics. • les enjeux de la mobilité durable. Limiter les déplacements en proposant des solutions alternatives à l’automobile plus éco-
logiques pour limiter la pollution de l’air et les nuisances sonores.
• l’enjeu de l’énergie , des ressources naturelles et des déchets. Réduire la consomation énergétique des villes, recycler les eaux pluviales et les déchets, et sensibiliser tous les acteurs du bâtiment. • l’enjeu de la durabilité socio-économique. Concilier emplois et cohésion sociale. Ces problèmes obligent les villes à trouver des alternatives: aménager «durablement» devient le fil conducteur de toute politique urbaine. Les innovations en terme d’aménagement durable sont indénombrables et beaucoup de grandes métropoles mondiales sont des vitrines en la matière. L’échelle métropolitaine est la mieux adaptée au développement durable car elle inclut la ville, les banlieues et le péri-urbain, trois tissus urbains différents. Le territoire métropolitain est complexe: étudier les grandes métropoles mondiales actuelles s’avère très intéressant pour imaginer ensuite un concept de «ville durable» idéale.
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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IV.
VERS DES VILLES DURABLES « Refonder la fabrique de la ville est une urgence : les villes du Sud devront accueillir près de 3 milliards d’habitants supplémentaires d’ici 2050. La quasi-totalité de la croissance de la population mondiale. » Grégoire Allix, « L’appel de Rio pour des villes durables et plus justes », Le Monde, 28 mars 2010
C’est en 1990 qu’apparaît la notion de «ville durable». En 1994, à la suite de la Conférence Européenne sur les villes durables dans la ville d’Aalborg au Danemark, va être adoptée la charte d’Aalborg. Cette charte vise à énoncer les objectifs de la ville durable et rappeler ceux de l’Agenda 21 local. L’Agenda 21 avait été créé lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992. C’est un plan d’action pour le XXIe siècle qui avait été adopté par 173 chefs d’état. La ville durable se doit de respecter les principes du développement durable et de l’urbanisme vert. Elle prend en compte l’ensemble des enjeux économiques, sociaux, et environnementaux de l’urbanisme.
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L’aménagement du territoire a un enjeu très important dans l’élaboration de villes durables. Les projets répondant aux normes HQE (Haute Qualité Environnementale) en France, LEED (Leadership in Energy and Environmental Design) aux Etats-Unis, ou BREEAM (British Environmental Assessment and Tools) au Royaume-Uni, ainsi que les éco-quartiers ou éco-villes, très en vogue, sont de bons exemples en matière d’aménagement urbain durable, car ils réduisent leur empreinte écologique. Le plan d’action des éco-quartiers est souvent basé sur celui de l’Agenda 21, incluant la démocratie participative.
Masdar City, projet de ville durable Ă Abou Dhabi (Emirats Arabes Unis)
A/ Durabilité socio-économique La globalisation et la mondialisation obligent les grandes métropoles à être compétitives économiquement. La concurrence entre elles est de plus en plus rude, et certaines métropoles se lancent dans des projets gigantesques pour obtenir une reconnaissance internationale.
1. Attractivité économique L’attractivité économique dans les grandes métropoles se traduit par la présence d’activités économiques denses, efficaces et productives. Les métropoles doivent sans cesse évaluer leurs positions et s’adapter au changement. La cohésion économique des grandes métropoles est un enjeu important dans la course à la concurrence. Ainsi les réseaux de villes doivent voir le jour pour augmenter les avantages compétitifs de chaque ville. Les entreprises, préalablement choisies, se doivent d’être durables, procurer de l’emploi et développer des technologies innovantes. Un cadre de vie, un emploi satisfaisant et sécurisé, sont des critères importants pour l’attractivité des villes.
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Dans de multiples secteurs, des gisements d’emplois sont à pourvoir, en particulier dans le domaine environnemental et social. C’est le cas également de la rénovation urbaine, du traitement des déchets, des énergies renouvelables, ou encore de la mise en valeur du patrimoine culturel et architectural. Un exemple intéressant concernant l’attractivité économique s’avère être celui de Dubai. La métropole s’organise autour de ses infrastructures économiques lourdes : réseaux de transports, grands hôtels, immeubles de bureaux, zones industrielles, centres commerciaux, zones résidentielles et équipements voués aux loisirs. Cependant le tourisme reste le secteur économique le plus révélateur à Dubaï. Des tou-
"Motivé par le désir de devenir le centre attractif le plus prisé et le plus luxueux au monde, Dubai a mis de l'avant des projets démesurés pour parvenir à ses fins." Urbanews
ristes et hommes d’affaires de passage dumonde entier se rendent dans cette métropole. En effet la ville a ciblé une clientèle aisée en lui proposant le soleil, la mer, le shopping, des hôtels de luxe, lé désert,... De nombreuses activités «made in Dubaï» ont vu le jour, ainsi que de nombreux projets phares, comme la piste de ski au coeur du centre commercial, le zoo, le parc d’attraction. Avec sa «capitalisation de l’approche touristique», la ville est sur le point d’être le centre attractif le plus important au monde et sa médiatisation s’accélère.
Ski Dubaï, station de ski au coeur de Dubaï (Emirats Arabes Unis)
Les touristes peuvent trouver à Dubaï un dépaysement «sans danger» dans un confort absolu, mais aussi des festivals ou des manifestations culturelles et sportives. Le message «Nous avons amené le monde entier à Dubaï» est clair quant aux intentions de cette métropole, considérée comme le Las Végas du Proche-Orient.
Palm Jumeirah, archipel artificiel de luxe à Dubaï (Emirats Arabes Unis)
Urbanisation, Métropoles, et Développement Durable
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« Le Grand Paris ne peut se résumer à un projet de transport (…), on ne peut considérer qu’il suffirait, pour répondre aux attentes de 12 millions de Franciliens, de relier entre eux des pôles d’excellence au seul titre de leur attractivité économique, pour une plaquette de marketing territorial (…), le Grand Paris n’aurait pas de sens s’il se construisait pour ses concurrents, plutôt que pour ses habitants. Ce ne sera pas Dubaï-sur-Seine.» Cécile Duflot, 26 Juin 2012 Ministre de l’Égalité des Territoires et du Logement Malgré cela, l’urbanisme capitalistique de Dubaï nous oblige à penser quelle est la réelle finalité de ces projets urbains? De plus, Dubaï ne détient pas toutes les caractéristiques d’une métropole, en s’attachant principalement au facteur économique. D’autres projets de métropoles, comme celui du Grand Paris, ont une toute autre vision de l’attraction économique, comme en témoigne la citation de Cécile Duflot ci-dessus. L’attractivité économique, pour elle, ne se résume pas à relier l’ensemble des pôles d’excellence en y effectuant un «marketing urbain». Il ne faut pas construire la ville en fonction de ses concurrents, mais selon l’avis de ses habitants. La «Dubaïsation», terme utilisé pour décrire l’urbanisme capitaliste de Dubaï en faveur d’une certaine notoriété, à souvent été décrié par la plupart des métropoles européennes.
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L’AIGP (Atelier International du Grand Paris), composé de 15 équipes d’architectes urbanistes de renom, veut absolument éviter cette Dubaïsation, et compte relancer l’attractivité économique de la capitale française en agissant sur le long terme, et en la revisitant comme une métropole de l’innovation et de la connaissance. Le Grand Paris veut promouvoir les emplois de demain et cherche une reconnaissance de ses activités dans des domaines stratégiques. Cependant, dans la plupart des métropoles, suite aux problèmes économiques de multiples problèmes sociaux apparaissent. Les grandes métropoles instables économiquement font alors face à l’insécurité et la violence urbaine avec une «loi du plus fort» de plus en plus présente.
Le Grand Paris vu selon lâ&#x20AC;&#x2122;atelier Castro Denissof Casi, amc architecture, 2009
2. Haute qualité de vie « Qu’est-ce la cité sinon ses habitants ? » William Shakespeare Une haute qualité de vie est indispensable dans l’élaboration d’une ville durable. Cela se traduit par des aides financières ou matérielles, ou l’organisation d’activités pour favoriser la cohésion sociale. Les identités urbaines, issues de cette cohésion, sont extrêmement complexes à analyser, au vu des phénomènes d’immigration grandissants. En effet, chaque ville dispose de son «melting pot» social qu’elle se doit d’étudier préalablement. Les différences de cultures et de religions sont parfois très importantes dans les grandes métropoles mondiales. Mais ce sont ces différences qui font la richesse d’une ville.
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Les citadins d’aujourd’hui veulent une multitude de loisirs, une vie associative et coopérative qu’il faut mettre en avant. Les projets doivent alors prendre en compte ces attentes et favoriser la mixité sociale pour ne pas soulever des problèmes de ségrégation socio-spatiales déjà forts présents. Mais faciliter l’échange entre groupes sociaux et l’expression multiculturelle ne veut pas dire que les disparités économiques ne sont plus présentes. Ce travail doit s’effectuer à long terme pour qu’il puisse rétablir un tissu socio-économique uniforme.
Les échanges et les intégrations doivent alors être favorisés entre l’ensemble des habitants dans une perspective de cohésion et de mixité sociale.
La ville n’est plus seulement attractive pour la résidence, mais pour l’emploi, études et loisirs. Pour en revenir à l’exemple de Dubai, 90 % des ses résidents sont des étrangers venus chercher un travail dans la métropole.
Cette richesse multiculturelle et multilinguedoit être mise en avant en y trouvant l’équilibre idéal, tout en gardant le caractère et l’identité de la ville.
En matière de haute qualité de vie, Vancouver est une métropole modèle. Toujours parmi les dix premières villes où il fait bon vivre depuis plus de dix ans, Vancouver à su attirer une
Vancouver, réputée pour être la ville avec la meilleure qualité de vie au monde (Canada)
population attypique. Cette ville à l’architecture surprenante - assemblage de maisons New-Yorkaises et de tours résidentielles de Hong-Kong - concentre des services publics de grande qualité et des habitations denses. Les espaces verts sont nombreux et favorisent l’ouverture de la ville sur son environnement, tout en favorisant une mixité des usages et une cohésion sociale. Le terme «Vancouvériser» a même été créé
de toute pièce par les urbanistes et architectes cherchant à promouvoir le modèle de développement de cette métropole, voire même le réitérer dans d’autres grandes métropoles mondiales. Mais aujourd’hui, même si la ville de Vancouver attire toujours de nombreux habitants à la recherche d’une haute qualité de vie, la conjoncture économique et la mise en concurrence sont tels que les sièges sociaux se font de plus en plus rares. Le centre ville en voie de dépérissement pourrait bien se transformer en cité-dortoir...
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3. Accès aux services Le développement de nouvelles technologies permet de concevoir de nouveaux systèmes de transport, et d’offrir des moyens d’information diverses et variés.
très important pour sensibiliser les citadins et les inciter à modifier leur comportement en privilégiant par exemple le bus ou le tramway par rapport à la voiture.
Les liaisons entre les différents quartiers d’une ville doivent être renforcés grâce au développement des réseaux de transports qui permettent des connexions économiques, rapides, durables et de qualité.
La vie en ville est optimale si les moyens de transports sont adaptés et que les déplacements sont facilités et limités.
Ces connexions doivent aussi s’étendre à l’échelle régionale et nationale. Il est important que l’accès aux services urbains soit facile pour tous. La priorité, bien entendu, est de réduire l’usage des transports individuels privés pour favoriser les transports collectifs. Les zones d’échanges entre différents modes de transports, souvent appelées pôles multimodaux, doivent être améliorées pour assurer une mobilité optimale. Les équipements, infrastructures et commerces de proximité urbains doivent eux aussi être améliorés, et implantés de manière stratégique. Les politiques de transports jouent un rôle
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Quant à la grande question du logement et des services urbains, ils doivent prendre en considération les moyens, mais aussi les besoins des résidents. Ce point est crucial dans l’élaboration d’une ville durable qui se veut socio-économiquement équitable. L’offre de logements sociaux doit être diversifiée et améliorée, les quartiers vétustes réhabilités et les espaces urbains et les espaces publics doivent être de qualité. Chaque citadin doit avoir un droit au logement, et avoir accès aux divers services, qu’ils soient éducatifs, culturels, de loisirs ou commerciaux, ainsi qu’aux équipements. La cohésion sociale doit être améliorée en proposant des projets immobiliers permettant de mélanger les classes sociales; on parle aussi de mixité sociale.
Pôle multimodal de Zengcheng, AAUPC, 2010 (Chine)
Mixité entre classes sociales aisées et défavorisées, mais aussi entre générations. Chaque ville se doit de créer des infrastructures et espaces publics se souciant du «vieillissement durable» et permettant de lier entre elles les différentes générations.
L’ensemble de ces dispositions ont pour but d’éradiquer les inégalités socio-spatiales et de créer des liens inter-urbains entre classes sociales. Elles ont aussi pour but de réduire les exclusion, le chomâge et les violences urbaines, fortement présents dans les grandes métropoles du sud.
Les infrastructures de santé en sont un bon exemple car les habitants sont soucieux de la qualité des soins et il y a une demande sociale et vieillissante accrue.
Le pôle multimodal de Zengcheng, ci-dessus, peut être donné ici à titre d’exemple, car il associe des diverses modalités de transports, logements, bureaux et activités.
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4. Sécurité urbaine « La pire des politiques consiste à attaquer les cités » Sun Tzu
«La militarisation de l’espace urbain» Stephen Graham, 2012
Le BOPE (Bataillon des Opérations Spéciales de Police) à Rio de Janeiro, 2011 (Brésil)
Si une ville est cohérente sur le plan social, le sentiment de sécurité est plus grand pour ses habitants. L’ensemble des acteurs doivent s’associer pour résoudre les problèmes sociaux tels que la violence ou la criminalité.
inévitable pour rétablir l’ordre et l’équilibre socio-spatial de certaines grandes métropoles.
Les problèmes de violence urbaine incitent les décideurs à utiliser de plus en plus des technologies de surveillance et de pistage et obligent même la plupart des grandes métropoles à «militariser» les espaces urbains. L’approche stratégique militaire actuelle fait de la ville son principal terrain d’action. Ce constat, autrefois inimaginable, est devenu
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C’est le cas par exemple de villes comme Rio de Janeiro ou Sao Paulo au Brésil, qui présentent des inégalités sociales et spatiales flagrantes, entre les centres villes huppés et les vastes zones de favelas toutes proches, ce qui provoque inévitablement violence et insécurité urbaine. Cette logique militaro-sécuritaire s’applique aussi dans des métropoles globales comme Paris ou Londres, le plus souvent dans des zones à fort passage comme les gares ou aéroports, pour se protéger du terrorisme.
Singapour, une des villes la plus sure au monde (Malaisie)
Contrairement aux idées reçues, la métropole de Singapour, considérée comme une métropole de pays émergent, est une des ville les plus sécurisées au monde selon l’étude annuelle du cabinet Mercer. En effet, la ville forme chacun de ses habitants à une éducation sécuritaire, les habitants sont étroitement liés aux arrestations car ils dénoncent chaque objet ou comportements qu’ils jugent suspect pour favoriser le
travail des forces de l’ordre. La surveillance électronique est omniprésente dans la ville, tout comme les forces de l’ordre. Les richesses ne sont pas forcément égales à Singapour, mais de nombreuses subventions existent pour les loyers, la nourriture et l’éducation. La violence urbaine est très rare tout comme les sans domiciles fixes et le chômage est à 2%. On peut dire en quelque sorte que la prospérité règne à Singapour.
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B/ Durabilité environnementale Dans l’élaboration de villes dites «durables», la dimension environnementale est actuellement la plus importante. Les villes sont confrontées chaque jour aux problèmes de la mobilité, de l’eau potable, des déchets, de l’énergie, ou encore des espaces publics et du maintien de la biodiversité. Il est donc important de réfléchir à des solutions durables en faveur de la préservation de l’environnement.
1. Aménagement urbain durable La morphologie des métropoles, leurs densités, leurs formes urbaines et leurs flux de circulation sont les principales préoccupations en matière d’aménagement urbain durable. La plupart des métropoles nord-américaines sont par exemple très consommatrices d’espaces et donc très consommatrice d’énergie pour les transports (Figure 6). Si l’étalement urbain coûte cher en matière de transports, il est également synonyme de consommation d’espace (le plus souvent agricole), et constitue un fléau pour l’environnement. Lutter contre l’étalement urbain et favoriser des métropoles compactes permet d’agir durablement, et favoriser une meilleure qualité de vie.
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Le développement croissant de l’automobile structure la ville et favorise l’étalement urbain. Il faut donc agir à la source et freiner l’expansion automobile. Réduire l’usage de l’automobile et favoriser la ville compacte permet de réduire les problèmes accrus - et les coûts - de congestion urbaine, de pollution, de bruit, et de consommation énergétique. La ville compacte favorise de plus l’accès égal aux services et équipements, la cohésion sociale, les rencontres et le brassage des populations. Il faut donc densifier les villes raisonnablement - sans pour autant suivre le modèle Hong-Kong - pour que la qualité de vie reste optimale.
Figure 6 : Densité urbaine et consommation d’énergie
Source : IUTP La planification urbaine joue alors un rôle très important pour la densification. Les espaces à l’intérieur et à l’extérieur des villes doivent être aménagés de façon appropriés. Les différentes fonctions du polycentrisme des villes doivent être maintenues voire développées. Mais dans les grandes métropoles, le principal enjeu en tant qu’aménagement durable reste celui des réseaux de communication et de transports.
L’aménagement doit permettre de limiter la circulation urbaine et favoriser la multimodalité comme déjà énoncé, mais aussi l’intermodalité, soit l’utilisation de plusieurs modes de transport pour un même déplacement. La présence en ville de multiples aménagements prévus pour les transports en commun, voies ferrées, tramways, métros, dissuadent les citadins d’utiliser leur véhicule privé (si parallélement, l’accès en voiture est rendu plus difficile).
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Les réseaux de communication saturés sont synonymes de pollution, de nuisances, de perte de temps et de productivité, de risques pour la santé et de gaspillage énergétique. L’offre de transports publics doit toucher un maximum de population et desservir un maximum de zones. Le service public se doit d’être accessible pour tous, sécurisé, et proposer une tarification et des fréquences de passage optimales. Des aménagements propices à la pratique du vélo ou de la marche, tels que les pistes cyclables, itinéraires à thèmes, ou pakings relais, doivent encourager les citadins à utiliser les circulations douces. Rendre les circulations douces prioritaires en ville permet de réduire considérablement les multiples nuisances engendrées par l’automobile et de reconquérir les espaces publics.
Parc à vélos à Amsterdam, première ville cycliste au monde (Pays-Bas) Figure 7 : Système tarifaire de transport de type alvéolaire à Amstersam (Pays-Bas)
D’autres mesures d’aménagement durable sont à promouvoir comme la mixité des usages de sols, la densification des anciennes friches industrielles et des zones proches des pôles multimodaux, ainsi que le polycentrisme en réseaux. Ce type de polycentrisme est très présent dans certaines villes des Pays-Bas. Un exemple célèbre est celui de la Randstad,
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Source : IAU îdF
«conurbation» en néerlandais, reliant les villes d’Amsterdam, La Haye, Utrecht et Rotterdam. Le principe est de renforcer l’urbanisation autour de grands centres urbains et de les rendre complémentaires économiquement en développant un réseau de transports publics adapté. La question de la tarification des transports publics est elle aussi très importante. Dans la plupart des métropoles, la tarification adoptée est de type concentrique. Ce système de tarification prend en compte la distance. C’est le cas par exemple de la tarification en Ile-de-France qui comprend six zones. D’autres villes comme Amsterdam, qui sont des villes polynucléaires, proposent une tarification des transports de type alvéolaire (Figure 7). Le territoire est découpé en plusieurs zones de tailles égales et le prix du trajet dépend du nombre de zones empruntées. Ceci vise à favoriser les déplacements et désenclaver les banlieues. La reconquête des espaces publics est aussi un enjeu important de l’aménagement durable, enjeu social et environnemental.
Avec l’expansion urbaine, le patrimoine culturel et naturel, les aménagements paysagers existants, ainsi que les espaces libres urbains doivent être préservés et mis en valeur. Les nouveaux espaces publics doivent être en cohérence avec ce patrimoine pour s’accorder au mieux avec le tissu urbain. La qualité de vie en ville dépend beaucoup de ses espaces verts. La qualité environnementale et le libre accès de ces espaces verts favorise le brassage des populations, l’ouverture culturelle et contribue à l’harmonie sociale. C’est un facteur économique à ne pas négliger pour les grandes métropoles pour tendre vers la durabilité. Un exemple intéressant est celui de «garden by the bay», ou «jardins de la baie» en français, à Singapour. Ce projet durable mis en place par la ville , s’étend sur 101 hectares et comprend trois jardins au total, dont un sous serre. Lorsque les travaux seront terminés, ce sera le plus grand jardin écologique au monde. La serre à fait l’objet d’un concours entre 70 équipes d’architectes du monde entier et a
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Figure 8 : Schéma de principe des «Gardens by the bay» à Singapour
www.landezine.com été remporté par une équipe britannique «Grant Associates and Wilkinson Eyre Architects».
les eaux de pluie, servent de conduits de ventilation et génèrent de l’énergie solaire (Figure 8).
Une diversité impréssionnante de végétaux sont abrités sous cette structure en verre. Au total, 18 arbres solaires nommés «supertrees» ont étés conçus, variant de 25 à 50 mètres de hauteur.
Une grande partie du parc est alimenté grâce à ces «jardins verticaux».
Ces arbres sont recouverts de plantes et ont une réelle utilité écologique : ils recueillent
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C’est sans doute aussi pour cela que, selon une étude de «l’Economist Intelligence Unit», Singapour est de loin la ville la plus écologique d’Asie.
Le parc écologique «Garden by the Bay» à Singapour (Malaisie)
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2. Mobilité durable La question de la mobilité est une question qui revient sans cesse lorsqu’on parle de développement durable.
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pour limiter l’ensemble des nuisances présentes.
En effet, bien qu’il faille aménager inteligement la ville vis-à-vis de ces réseaux de transports, rechercher de nouvelles mobilités, toujours plus vertes, est une nécessité
Il n’y a qu’à observer les deux images ci-dessous pour comprendre que l’enjeu relatif à la mobilité est immense. En l’espace de 100 ans, la problématique reste toujours la même pour les grandes métropoles mondiales.
«City of the Future», Harvey Willey Corbett, 1912
Affiche de l’exposition «Circuler» à Paris, Cité de l’architecture & du patrimoine, 2012
Pour viser une mobilité durable, il y a deux domaines d’actions possible : maîtriser les déplacements et utiliser des modes de déplacements plus écologiques permettant de réduire les effets externes. Pour maîtriser les déplacements, l’aménagement urbain et la planification spatiale comptent beaucoup, comme énoncé dans le paragraphe précédent. Dans les grandes métropoles, à Londres par exemple, des péages urbains et des plans de circulation sont mis en place pour limiter l’accès au centre ville en dissuadant les automobilistes. Même si l’usage de l’automobile est ancré dans les moeurs, les déplacements non motorisés doivent être facilités dans les grandes métropoles, que ce soit la marche à pieds ou le vélo.
Parc de «Sevici», le vélo en libre service de Séville (Espagne)
Le «straddling bus», ou bus volant
De nombreuses villes, comme Amsterdam, ont développé leur tissu urbain autour du vélo. De nombreuses pistes cyclables quadrillent ces villes qui sont aujourd’hui considérées comme des exemples. L’usage de la voiture y est limité, voire quasi inexistant. De nouvelles offres de transports en commun voient le jour. C’est le cas par exemple des bus électriques ou à hydrogène, ou même de
Concept de «Skhy bus» à hydrogène
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nouvelles générations de tramways ou métros plus respectueux de l’environnement. Le «straddling bus», ou «bus chevauchant» en français, est un bus aérien fonctionnant à l’énergie solaire et électrique permettant de surplomber les voitures et donc de s’affranchir des problèmes de congestion. Pékin sera la première ville à disposer de ce bus, avec 190 km de lignes commandées pour 2013. Le «Skhy bus», quant à lui, est un bus sans conducteur propulsé par hydrogène. Il reprend le principe de la pile à combustible, et pourrait transformer les eaux usées en source d’hydrogène. A Curitiba au Brésil, le réseau de transport date de 1974. De nombreuses voies de bus en sites propres existent, la desserte et optimale et le tarif unique. 85% des habitants empruntent les tranports collectifs car il sont très peu coûteux, sécurisés et de bonne qualité. Cette ville est même réputée comme pionnière en développement durable. Le tramway lui aussi revient à la mode et connaît son essort en tant que mobilité durable. De nombreuses villes l’adoptent. En France, Dijon est la dernière en date. A Melbourne, le tramway existe depuis 1885. C’est le réseau de tramway le plus vaste au Le réseau de bus à Curitiba (Brésil)
monde avec 250 km de voies, 500 tramways, 28 lignes et 160 millions de passagers par an. Les tramways s’intégrent parfaitement à l’environnement urbain et contribuent à l’épanouissement des habitants.
nome en énergie et en espace, idéale en milieu urbain. D’autres concepts, comme l’«Urban Pod», inspirée de la Twizy, vont rapidement apparaître sur le marché automobile. Cette citadine électrique est réalisée avec des matérieux biodégradables, et est équipée de capteurs peux repérer les obstacles et embouteillages, et de panneaux photovoltaiques pour recharger la batterie.
Un tramway au centre ville de Melbourne, 1908
Cependant, la voiture reste le premier terrain de jeu pour l’innovation, car elle est offre une certaine liberté au conducteur et demeure bien souvent le premier mode de déplacement. D’autres modes de déplacements et d’autres motorisations (électrique, hybride,...) sont proposés mais il est très dur de faire changer les mentalités. A Paris, l’«autolib», ou voiture en libre service, à fait son arrivée, tout comme la toute nouvelle Renault «Twizy», électrique et éco-
L’«Urban Pod», concept de voiture durable
Gageons que l’apparition progressive de ces nouveaux concepts, boostés par les pouvoirs publics, permettra d’en réduire les coûts et attirer la clientèle.
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3. Ecogestion ressources naturelles, énergies et déchets • Ecogestion des ressources naturelles L’« Input-output », ou l’équilibre des bilans, cela résume bien le contact qu’a l’être humain avec la nature. La ville doit être lue comme un écosystème à part entière, qui prélève et rejète ses ressources dans le milieu naturel. Les ressources naturelles se font de plus en plus rares. Cependant, la plupart des grandes métropoles continuent à les utiliser de manière abusive. Le développement durable a pour objectif d’être économe en matières premières et en énergies fossiles lors des déplacements mais aussi lors de la conception des constructions. Les ressources doivent être renouvelables, les rejets limités, et les déchets valorisés, en évitant tout gaspillage. Cette écogestion des ressources naturelles provenant du sol, de l’air et de l’eau, doit être établie jour après jour par chacun des citoyens pour qu’elle prenne tout son sens.
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dant aux besoins énergétiques des grandes métropoles mondiales est un défi de taille. Bien que les énergies renouvelables soient déjà fort présentes, de nouvelles innovations pour la production d’énergie, avec un meilleur rendement, doivent être imaginées, en particulier dans les domaines du logement, de l’éclairage public, ou même des transports comme énoncé dans le paragraphe précédent. Les villes denses sont très peu consommatrice d’énergie, comme le montre la Figure 6. Conscientes du problème de réchauffement climatique et de l’augmentation du coût des énergies fossiles, les grandes métropoles mettent en place des mesures strictes quant à la maîtrise de l’énergie et à la diversification des sources d’énergie alternatives renouvelables.
• L’énergie
On pense par exemple à la cogénération, la récupération de chaleur, le biogaz, l’isolation des bâtiments, l’architecture bioclimatique, ou encore les énergies renouvelables très en vogue comme l’énergie éolienne ou solaire.
Trouver de nouvelles formes d’énergie plus respectueuses de l’environnement et répon-
Dans la gare de Stocholm en Suède, des ingénieurs ont eut l’idée de récupérer la cha-
leur émise par les 250 000 personnes passant par cette gare tous les jours, pour chauffer un bâtiment avoisinant, et réguler la température dans la gare. La chaleur émise par l’activité humaine est très intense est souvent très peu exploitée. L’immeuble chauffé en partie par l’activité humaine a réduit d’environ 25% sa facture énergétique, de quoi se poser de nombreuses questions... Certains bâtiments de bureaux à énergie positive parviennent même à être chauffés uniquement par l’activité humaine et bureautique (ordinateurs,...): exemple de la tour Elithis à Dijon.
Ce parc éolien offshore de 49 éoliennes, intègrerait dans certaines turbines des magasins, hôtels et musées, pour le bonheur des touristes. A Londres, le «Victoria bridge», pont menant à la gare de Blackfriars, est recouvert de 4 400 panneaux solaires photovoltaïques (6 000 m²) permettant de fournir en électricité la moitié des besoins en énergie de la gare. Il permet aussi de réduire de 25% les émissions liées au transport, collecte les eaux pluviales et favorise l’éclairage naturel.
En Norvège, pays pionnier dans la production d’énergie par éoliennes offshore, un concept de «Turbine City», ou «cité éolienne», suscite de nombreuses réactions.
Le «Victoria bridge» à Londres, futur plus grand pont solaire au monde (Angleterre)
Le studio TAK a lui imaginé un système d’éclairage public durable. En effet, les lampadaires munis d’éoliennes produisent de l’électricité grâce à l’air déplacé par la circulation automobile, afin d’éclairer les voiries. Concept de «Turbine City» (Norvège)
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Il faut réutiliser les déchets, les recycler, et réduire leurs productions. Le compostage, la production de biogaz, ou diverses collectes sélectives sont à envisager pour renforcer la salubrité des villes.
Prototype d’éclairage public durable
La collecte pneumatique des déchets, initiée dans le quartier Hammarby Sjöstad au coeur de Stockholm, séduit aujourd’hui de nombreuses métropoles comme Paris, Montréal, ou Tianjin.
• L’assainissement Dans les métropoles, l’assainissement des eaux pluviales et résiduaires est un enjeu important. De nouvelles techniques existent pour économiser cette ressource de plus en plus rare, voire la recycler. On pense aux recyclage des eaux usées diverses, aux stations d’épuration, aux réseaux séparatifs, aux bassins de rétention à ciel ouvert, ou même aux chaussées réservoirs. • Les déchets La question du taitement des déchets est elle aussi primordiale. Traiter les déchets permet de limiter les risques sanitaires, créer de l’emploi et économiser les matières premières.
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Collecte pneumatique des déchets à Stockolm (Suède)
• Le secteur du bâtiment Viser la Haute Qualité Environnementale (HQE) dans les secteurs de la construction en France, ou d’autres labels dans d’autres pays, est également une démarche en faveur de la préservation de l’environnement.
Une étude approfondie sur le choix des matériaux, l’isolation, les économies diverses d’eau et de déchets, l’utilisation d’énergies renouvelables et la qualité de l’air doit se faire en amont: cf tour Elithis déjà évoquée précedemment.
pulation urbaine avec la nature tout en les formant à la gestion écologique.
L’énergie grise utilisée pour la fabrication et l’acheminement des matériaux doit tout particulièrement être analysée. Les déchets liés à la démolition peuvent être recyclés.
A Curitiba au Brésil, la nature est omniprésente dans la ville. La biodiversité et les espaces verts ne cessent de se développer et se rejoignent, en grande partie grâce aux partenariats effectués par la municipalité en terme de développement durable.
La Tour Elithis à Dijon, bâtiment le plus sobre au monde (France)
• La biodiversité Des espaces verts doivent être conservés dans les grandes métropoles pour l’équilibre écologique et assurer la biodiversité. Il faut valoriser les sites naturels avec des projets adéquats facilitant le contact de la po-
La faune et la flore sont très riche en ville. Les espèces y sont nombreuses et les ruisseaux ou fleuves se doivent d’être mis en valeur.
Curitiba, la nature urbaine (Brésil)
Parmi les projets à venir, citons celui d’un architecte franco-belge, Vincent Callebaut, avec son projet «Dragonfly», qui veut repenser la production alimentaire. Il s’agit d’une véritable ferme urbaine qui comprend des espaces agricoles, d’élevages, de cultures, et de bureaux et est auto-suffisante.
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Dragonfly, un concept de ferme urbaine au coeur de New-York (Etats-Unis)
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Les eaux de pluies et l’énergie acumulée par la serre sont recupérés et les eaux usées et les déchets sont recyclés.
Ce rêve biologique, qui répond cependant aux multiples défis du développement durable, paraîssait surréaliste et irréalisable
Des éoliennes et des panneaux photovoltaïques permettent de fournir 50% de l’énergie nécessaire au fonctionnement de la ferme.
Initialement prévu à New-York qui l’a refusé, ce projet fou sera pourtant livré à Kuala Lumpur en version plus modeste d’ici 2020...
C/ Gouvernance urbaine 1. Démocratie participative Pour que les grandes métropoles mondiales puissent se diriger vers la durabilité, elles doivent avant tout revoir leurs modes de gouvernance. Pour aménager des villes durables, des partenariats solides sont à promouvoir. C’est bien l’ensemble des acteurs liés au développement urbain durable qui doivent être impliqués dans le processus de décison. Des échanges sont à même nécessaires au niveau mondial entre métropoles, par l’intermédiaire de partenariats appropriés (notion de gouvernance internationale), pour relater leurs expériences en matière de villes durables et pour en tirer des conclusions. Le programme «City 40», qui regroupe tout les deux ans les 40 plus grandes villes du monde afin de faire progresser le développement durable, en est un bon exemple. Cependant, ces échanges ne seront pas fructueux sans avoir instauré au préalable des
échanges ou de la concertation au niveau local avec les citoyens afin de les associer au processus de décision. Les gouvernements locaux ont alors une tâche très importante car ils sont directement liés aux citoyens. Cette gestion concertée avec l’ensemble des acteurs urbains fait souvent peur aux porteurs de politiques publiques qui n’osent pas se lancer dans de grands projets d’aménagement. L’adhésion sociale n’est pas inée, et les politiques locales n’ont pourtant d’autre alternative que de faire participer les citoyens aux projets via des débats publics en favorisant la démocratie participative. La gouvernance urbaine ne cesse d’évoluer. Les responsabilités urbaines changent: les projets sont de plus en plus liés à l’avenir, les villes sont de plus en plus complexes à analyser et la participation citoyenne est de plus en plus forte.
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La prise de décision locale se heurtre à ces évolutions liée à l’arrivée du principe de développement durable. Cela suscite de nombreuses intérrogations autour de ce processus de décision qui devient un réel outil de négociation, car aujourd’hui les projets doivent répondre avant tout aux attentes des habitants. Cette notion de gouvernance, quatrième pilier du principe de développement durable, oriente les politiques urbaines vers une nouvelle manière de gouverner. Une manière de gouverner permettant donc à la population de participer et d’être étroitement liée aux projets urbains, en lui offrant un réel pouvoir de décision. Ces modes participatifs, très récents, remettent en question le rôle de chacun et le type de relations dans le processus. Phénomène complexe, car les métropoles mondiales, de plus en plus compactes et regroupant de nombreuses activités et de nombreux équipements, sont à la fois tournées vers les citadins, les banlieusards mais aussi les touristes. Les politiques urbaines, de nos jours, ne peuvent plus s’éforcer de répondre simplem-
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ent aux besoins de ses habitants, mais doivent répondre aux besoins de l’ensemble des groupes sociaux présents dans l’aire urbaine. Les conditions de vie en ville changent et la participation ne doit plus seulement être soumise aux habitants «résidents» mais à l’ensemble de ces groupes sociaux «utilisateurs». Pour cela, des innovations en matière d’information, de représentation, et de participation urbaine sont à développer pour faciliter les interactions. L’implication et l’expression des acteurs demeure primordiale dans l’élaboration d’une ville durable. En suède, la ville de Malmö est considérée comme pionnière en urbanisme durable dans ce domaine, car, dans le quartier d’Augustenborg, les immeubles ont été réhabilités avec la participation active de la population locale. Les habitants ont été sollicités pour les choix constructifs mais aussi formés sur leurs consommations énergétiques.
2. Politique durable « Singapour est un excellent exemple de la façon dont l’association de la planification de l’occupation des sols, de l’aménagement urbain et des transports peut contribuer à créer une ville durable » Loh Ah Tuan, Ministère de l’Environnement de Singapour Chaque politique urbaine se doit donc de réduire les effets néfastes sur l’environnement. Pour la question du tranport, les flux automobiles peuvent être limités voire interdits et des moyens de transports plus écologiques sont à envisager. Les politiques de transports jouent un rôle très important et doivent avoir le développement durable comme seul objectif. En France, l’exemple des PDU (Plans de Déplacements Urbains) est à citer. Les PDU visent à équilibrer à long terme les modes de déplacements urbains, pour qu’ils soient plus efficaces et propres. Les politiques urbaines doivent également valoriser le secteur des déchets qui génère beaucoup d’emplois et contribue à la préservation de l’environnement. Parallèlement, des programmes sensibilisant la population aux économies d’énergies et à l’usage des transports en commun sont à envisager.
Il faut que ces politiques urbaines deviennent cohérentes, innovantes, qu’elles favorisent les échanges culturels et favorisent l’emploi, renforcent la qualité de vie, tout en se projetant dans le futur. La mise en place des Agendas 21 locaux est un bon exemple et un bon début pour illustrer la cohérence politique. Les grandes métropoles mondiales sont d’ailleurs de plus en plus nombreuses à mettre en place des Agendas 21 internes. Bien évidemment, les différences entre pays développés et pays en développement sont telles que les priorités politiques sont différentes d’une métropole à l’autre. Les plans locaux de développement durable sont à promouvoir dans toutes les métropoles et doivent tenir compte de ces différences. C’est le cas de Singapour avec son «Green Plan» ou d’Abu Dhabi avec son «Plan général de développement durable». D’autres grandes métropoles comme Francfort, Curitiba, Melbourne ou Londres ont déjà des plans généraux de développement durable très aboutis.
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V.
SYNTHESE
« La ville durable peut donc se définir comme une ville dense. Elle privilégie la circulation douce et fait reculer la place de l’automobile.[…] Le verdissement, le soin accordé à la nature en ville est un autre aspect fortement présent.[…] La nécessaire maîtrise des déchets, des pollutions et plus largement des nuisances (bruit) est aussi une composante de la ville durable.[…] La plupart des villes tentent aussi de mieux maîtriser les risques, naturels, industriels et technologiques.[…] L’attention accordée au patrimoine, et notamment aux centres-villes, est une autre caractéristique des villes en marche vers le développment durable. » Yvette Veyret et Jacqueline Jalta, «Développements durables, tous les enjeux en 12 leçons» Le taux d’urbanisation atteindra 60% d’ici 2025. Les sociétés s’urbanisent à grande vitesse car les villes sont facteurs de progrès, d’innovation et de richesses. Ces évolution économiques et techniques ne s’effectuent pas de la même façon dans les pays développés et les pays en développement. Les contrastes sont marquants, parfois même choquants. Dans les pays riches l’urbanisation stagne tandis qu’elle bat des records en Asie ou en Inde. Dans les métropoles du sud, l’éxode rural est toujours fortement présent et la croissance urbaine est très importante. Les taux d’urbanisation entre pays du sud sont très disparates et dans peu de temps, la
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plupart des plus grandes métropoles mondiales se trouveront dans les pays du sud. L’étalement urbain lui aussi croît fortement. Les termes naissants de métropoles, puis mégapoles, mégalopoles, ou même gigapoles en sont la conséquence directe. On ne compte même plus les villes de plus d’un million d’habitants, mais plutôt celles de plus de 10 millions. Apparaissent alors des disparités socio-spatiales très marquées dans certaines métropoles. La Mégalopole américaine située entre San Francisco et Los Angeles fait apparaître des «gated communities», ou communautés fermées réservées aux plus riches. Encore plus marquant, les contrastes socio-spatiaux de
São Paulo et de Jakarta. Les exlusions sociales, la violence urbaine et la pauvreté se ressentent de plus en plus, avec le développement de nombreux quartiers insalubres de type bidonvilles et favelas. Les problèmes de mobilités sont souvent liés à ces inégalités. En effet, même si la vie urbaine favorise le développement des transports en commun, de nombreux quartiers en périphérie sont mal desservis et créent des tensions dans le tissu urbains. L’étalement urbain a également un coût économique considérable vis-à-vis de la mobilité. Il est beaucoup plus difficile de mettre en place un service public adapté dans une ville étalée que dans une ville compacte. Beaucoup de «banlieusards» utilisent alors leur voiture pour effectuer les trajets domiciletravail. Cela entraîne également des coûts environnementaux liés aux pollutions et aux nuisances automobiles. Les voies routières et autoroutières sont très consommatrices d’espace, et les ressources énergétiques automobiles actuelles sont encore majoritairement non renouvelables. De nombreux nuages de pollution apparaissent alors dans les grandes métropoles en mutation économique comme Pékin.
L’urbanisation grandissante est souvent synonyme de réduction de qualité de vie en ville et aménager des villes durables s’impose vite alors comme une nécessité. La gestion des déchets, l’écogestion énergétique, la sauvegarde de la nature urbaine, les mobilités durables, le développement économique, les préoccupations sociales, la participation citoyenne, la reconquête des espaces publics et la qualité de vie en ville en sont les grands axes. C’est alors aux politiques urbaines locales de mettre en place une stratégie pour la ville durable en repensant les facteurs économiques, sociaux et environnementaux. La gouvernance urbaine doit être constitué d’acteurs compétents et soucieux de ces enjeux. Les Agendas 21 locaux ont fait leur apparition pour aider les villes dans leur stratégie, mais il est important que chaque métropole réalise son propre plan en fonction de ses réels besoins et priorités. Bien entendu, les déplacements urbains sont souvent au coeur du débat. «Imaginer» la ville durable de demain prend ici tout son sens. En effet, de multiples définitions de la ville durable existent, mais toutes sont complémentaires et indissociables.
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Il n’y a pas de «ville durable idéale», mais un ensemble d’outils nous permettant d’y tendre, en fonction des facteurs géographiques, financiers, sociaux et environnementaux. De nombreuses métropoles s’auto-proclament «ville durable» sans forcément l’être, car il n’existe aucuns indicateurs actuellement suffisamment pertinents pour pouvoir «certifier» qu’une ville est une ville durable. Très peu d’urbanistes et d’architectes sont totalement formés aux principes du développement durable, la plupart ne traitant pas le volet social. Les «écovilles» ou «écoquartiers», sont en quelque sorte les «laboratoires» du développement durable prenant en compte une gestion appropriée des énergies fossiles, des énergies renouvelables, une mixité sociale, des activités et des architectures écologiques, des transports adaptés, des modes de déplacements doux, un traitement des déchets... Cependant ces projets, même s’ils paraissent dans un premier temps novateurs, comprennent bien souvent des logements 20% plus chers que des habitations classiques et accessibles aux familles plus aisées. C’est le cas par exemple du projet «BedZED», Beddington Zero Energy Development, au sud de Londres. Bien qu’il ait suscité beau-
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coup d’engouement de la part des médias, ce projet qui comportait des bureaux et commerces s’est reconverti en simple bâtiment d’habitation, faute de preneurs, et le prix des logements et bien supérieur à la moyenne. Les écoquartiers deviennent alors de véritables «ghettos de riches», ou «ghettos écologiques», et ne respectent pas l’équité sociale et économique du développement durable. Un autre exemple frappant est celui du projet Masdar City dans le désert d’Abu Dhabi, véritable ville écologique, sans émissions de carbone ni déchets, programmé pour 2020 et pouvant accueillir 100 000 habitants. Cette cité est tout simplement financée par Abu Dhabi Future Energy Company, une des compagnie pétrolière des plus pollueuse au monde, et le projet n’a pour but que de lancer la reconvertion économique post-pétrole d’Abu Dhabi. La bonne conscience écologique des créateurs en font une «gated utopia», utopie sécurisée, pour certains, voire un «ghetto écologique», réservé aux plus riches. Les grandes métropoles mondiales peuvent tendre vers la durabilité, mais aucune «ville durable» n’éxiste actuellement. Cette ville doit être créée de toute pièce : compacte, ouverte sur la nature, équitable, viable et vivable, et se préoccuper du facteur social... c’est à dire abordable pour tous !
Masdar City, future ville durable ou futur ghetto écologique? (Emirats Arabes Unis)
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SESSION OCTOBRE 2012 / Directeur de mémoire : Youssef Diabb / UNIVERSITE PARIS-EST MARNE-LA-VALLEE / UPEMLV - 5 boulevard Descartes - Champs-sur-Marne - 77454 Marne-la-Vallée