Magazine Le Cabinet des Curiosités

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Sommaire

Les cabinets de curiosités désignent au XVIe et XVIIe siècles des lieux dans lesquels on collectionne et présente une multitude d’objet rares ou étranges représentant les trois règnes: le monde animal, végétal et minéral, en plus de réalisations humaines.

- Allégories du Moyen Age : Page 4 - Au clair de la « lune » : Page 5 - Bourguignons salés : Page 6 - Danses paysannes vues par l’Eglise, et vision de la femme au Moyen Age : Page 7 et 8 - Nicolae Minovici, le pendu : Page 9 - L’île des poupées : Page 10


Au Clair de la <lune> (D’après « Le Petit Journal illustré » n°1827 paru en 1925)

ye n Ag e Al lé go ri es du Mo u au XIXe siècle) (D’après un récit par

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utrefois, aux fêtes de la cour, on appelait entremets des décorations qu’on faisait rouler dans la salle du festin, et qui représentaient des villes, des châteaux et des jardins, avec des fontaines d’où coulaient toutes sortes de liqueurs. Au dîner donné par Charles V, roi de France, à l’empereur CHarles IV, en 1378, on s’achemina, après la messe, par la galerie des Merciers, dans la grande salle du palais, où les tables étaient dressées. Le roi se plaça entre l’empereur et le roi des Romains. Il y avait trois grands buffets : le premier de vaisselle d’or, le second de vaisselle de vermeil, et le troisième de vaisselle d’argent. Sur la fin du dîner commença le spectacle ou entremets. On vit paraître un vaisseau avec ses mâts, voiles et cordages : ses pavillons étaient aux armes de Jérusalem ; sur le tillac, on distinguait Godefroy de Bouillon, accompagné de plusieurs chevaliers armés de toutes pièces. Le vaisseau s’avança au milieu de la salle sans qu’on vît la machine qui le faisait mouvoir. Un moment après, parut la ville de Jérusalem avec ses tours couvertes de Sarrasins. Le vaisseau s’en approcha ; les chrétiens mirent pied à terre, et montèrent à l’assaut : les assiégés firent une belle défense ; plusieurs échelles furent renversées ; mais enfin la ville fut prise. Charles IX étant allé dîner chez un gentilhomme, auprès de Carcassonne, le plafond s’ouvrit à la fin du repas : on vit descendre une grosse nue, qui creva avec un bruit pareil à celui du tonnerre, laissant tomber une grêle de dragées, suivie d’une petite rosée de senteur. Les habitants des villes où le roi passait tâchaient de faire briller leur esprit par des devises, des emblèmes et des figures allégoriques. A l’entrée de Louis XI dans Tournay, en 1463, « De dessus la porte, dit Monstrelet, descendit par machine, une fille, la plus belle de la ville, laquelle, en saluant le roi, ouvrit sa robe devant sa poitrine, où il y avait un coeur bien fait, lequel coeur se fendit, et en sortit une grande fleur de lys d’or qu’elle présenta au roi de la part de la ville. »

Au « bon vieux temps » on ne sacrifiait pas, en poésie, aux simples assonances, comme on le fait aujourd’hui. Or, la chanson dont il s’agit, remonte au « bon vieux temps ». Lume ou Lune, c’est la chanson populaire depuis près de trois siècles [nous sommes en 1925], qui est en cause, et non une petite particularité d’ordre poétique. Est-ce Lubin, est-ce Arlequin (il y a deux versions, comme pour lume et lune) à qui est advenue la fâcheuse aventure ayant à écrire un mot, « de constater que sa chandelle est morte et qu’il n’a plus de feu » ? Lubin – ou Arlequin – sollicite Pierrot d’ouvrir sa porte et de prêter sa plume. Et Pierrot, qui est au lit, ne se veut point déranger, aussi engage-t-il le solliciteur à s’adresser à la voisine, qui doit être chez elle, puisque dans sa cuisine, on entend battre le briquet. Lubin – ou Arlequin – suit le conseil et prie la voisine de le vouloir bien accueillir « au nom du dieu d’amour ». Et la voisine se laisse aisément attendrir. Qui est l’auteur de ces paroles ? Un inconnu. On ne sait rien de plus. Mais, l’auteur de la musique ? On attribue la musique à Lulli – sans preuves certaines, il est vrai... car on ne s’appuie guère que sur des probabilités admissibles. La musique serait donc de Lulli, de Lulli jeune, de Lulli à l’époque où il était simplement marmiton (il a été marmiton, l’auteur de la « Marche de Turenne »). Elle ne date pas du temps où le maître composait des opéras et de la musique pour les pièces de Molière et les ballets de la Cour de Versailles, du temps où Lulli était surintendant de la musique du Grand Roy !

u clair de la lune, Mon ami Pierrot... Est-ce bien « Au clair de la lune ? » D’aucuns estiment que c’est « au clair de la lume » qu’il faut dire. Lume, pour lumière, du latin « lumen ». Ce qui rend cette hypothèse fort admissible au demeurant, c’est que lune ne rime pas avec plume, alors que lume, au contraire, rime fort congrûment, et c’est là tout de même une raison valable car si la chanson ne témoigne point d’une richesse extraordinaire qui l’apparente aux productions parnassiennes de Théodore de Banville, de Leconte de Lisle et de José Maria de Heredia, on n’y relève pas, par ailleurs, des libertés aussi hardies.

Cette mélodie a servi de thème à des « variations » pour piano tout à fait réussies, dues au compositeur Lucien Lambert. Lesdites « variations » ont obtenu, il y a une quarantaine d’années, un vif succès auprès des exécutants – d’une certaine force, car elles ne sont pas très, très faciles à jouer, et surtout à bien jouer ! Dans un de ses opérascomiques – qui n’est pas la plus populaire de ses œuvres – à cause de la Dame Blanche, Boieldieu [FrançoisAdrien Boieldieu (1775-1834)] a intercalé des « variations » pour chant sur Au clair de la lune, qui atteignent tout bonnement à la perfection dans le genre.


s é l a s s n o n g i u g r u Bo )

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é par un échec éprouv d’ ir en uv so te tte époque rappelait le tris On sait qu’à ce . le èc si ette qualification e V X ’ils du la France, et qu ns les guerres de da e s st re on gn le ui ec rg av les Bou d’intérêt les deux étaient séparés s rencontres, où s ce on s gn an D ui rg s. le ou el B tre er les er de part et d’au et sanglantes qu or es pl gu dé n à lo t en de t uv en soutenai e, on eut so ur à tour l’avantag to t en ai n te ob is part ailles. de cruelles représ i leur urguignonne qu bo on is rn ga la ds. Puis, ant vaincu ns pitié ni remor igues-Mortes ay sa A , d’ ée s p é nt l’ ta de bi l s fi ha es L t une de ces peste e, la passèrent au rc an fo gn ai de cr ée s, os nt p ta im bi avait été s restes celés, les ha s cadavres amon t en monceaux ce ce en èr us bl to em de ss e ra vu , à la e époque de l’histoire de fréquentes à cett s son Inventaire n da , es rr Se iste si terribles et si de ait servi à cette tr rent de sel. Jean av ri i uv qu co s ve le cu et la s, n re humai yait enco son temps on vo de e qu t di , ce an Fr opération.

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Danses paysannes vues par l'Eglise, et vision de la femm e au Moyen Age par (D’après Revue des études historiques

u en 1890)

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es paysans ou vilains, se récréaient souvent, et l’un de leurs principaux divertissements était la danse ; cependant les prédicateurs ne cessaient de tonner contre cet amusement en reprochant à ceux qui s’y livraient de pécher contre les sept sacrements. Telle qu’elle était alors pratiquée, la danse constituait un divertissement qui nous paraît aujourd’hui bien innocent, puisqu’elle consistait en de simples rondes formées par une chaîne d’hommes et de femmes qui se donnaient la main ; en outre, ce divertissement, comme tous ceux de nos aïeux, avait lieu dans la journée. Ce n’ était point la danse en elle-même que poursuivit le clergé, ce sont les chants dont elle était accompagnée qu’il qualifiait de dangereux. En effet, dans le refrain de ces chants, on enseignait notamment que la femme mariée ne devait point renoncer à se faire un ami : Je doing bien congié d’amer Dame mau mariée. Un coryphée était chargé d’entonner les couplets. « Les prédicateurs, dit M. Lecoy de la Marche, comparent sans ménagement la danseuse chargée de ce rôle à la génisse qui marche en tête du troupeau, faisant sonner sa clochette ; le maître du bétail, c’est le diable, qui s’esbanoie quand il entend retentir le signal ». Jacques de Vitry, rapporte l’auteur que nous venons de citer, déclare aux jeunes filles qu’en « travaillant un jour férié elles ne violent au moins qu’un seul commandement. Le contact des mains, les pressions de pieds, les colloques secrets les exposent à faillir, au milieu d’assemblées si favorables aux rendez-vous galants. Il peut s’y commettre aussi des sacrilèges, car les danses ont lieu souvent à la porte de l’église, quelquefois dans son enceinte même ou dans le cimetière qui l’entoure ».

Selon ces mêmes prédicateurs, la discorde régnait presque toujours dans les ménages des vilains. Ce n’ était à chaque instant que disputes et querelles, qui se terminaient souvent par des scènes de pugilat. Sans cesse, la femme émettait une opinion contraire à celle qu’exprimait le mari. Aussi les trouvères et les prédicateurs ne manquaient point de raconter les anecdotes plaisantes qu’ils avaient recueillies sur les unions mal assorties. En voici un exemple : Un ménage avait invité un certain nombre de parents et d’amis à un repas. Vu la bonne saison, la table du festin fut placée dans le jardin. Plus le mari pressait sa femme de s’approcher de la table, plus elle s’en éloignait ; elle recula tant qu’elle tomba à la renverse dans une rivière. Un mari et sa femme cheminant ensemble aperçurent un lièvre. « Quel beau lièvre ! », s’écria l’homme. « Je m’en régalerais bien s’il était frit avec du saindoux et des oignons.

- Il serait bien meilleur avec du poivre », dit la femme. - Non pas. - Mais si. - Mais non. Bref, à force de disputer sur la manière d’accommoder un lièvre qu’ils n’avaient pas, ils en arrivèrent aux coups.


Sur la ruse et la méchanceté des femmes, on racontait que le diable avait essayé en vain durant trente années de brouiller deux époux tendrement unis, et qu’une vieille blanchisseuse en était venue à bout en très peu de temps. On racontait aussi que, pendant une tempête, les matelots avaient décidé de jeter à la mer tout ce qui surchargeait le bateau. « Commencez par ma femme, dit un mari ; elle est d’un poids insupportable ». Les sermonnaires rappelaient souvent une anecdote que Marie de France a mise en vers sous le titre La Contralieuse. Le mari prétendait qu’un pré était fauché ; la femme disait qu’il était tondu et n’en voulut point démordre ; sa langue arrachée, elle imita avec ses doigts le mouvement des ciseaux. D’après un autre fabliau, un mari, appelé pouilleux par sa femme, la descendit dans un puits à l’aide d’une corde qu’il lui avait passée sous les aisselles ; il l’enfonça graduellement dans l’eau, mais elle n’en continuait pas moins de l’appeler pouilleux ; lorsqu’elle eut de l’eau jusqu’au front, elle éleva les mains au-dessus de sa tête et fit avec ses deux pouces le geste de quelqu’un qui écrase des poux. La femme était alors l’objet de deux théories diamétralement opposées. Tandis que la chevalerie professait un culte idéal pour la fille d’Eve, le clergé régulier la faisait responsable de tous les maux qui frappaient l’humanité. Cependant, il faut reléguer au rang des légendes les plus absurdes une histoire qui a cours depuis longtemps sur la prétendue question posée dans un concile de savoir si la femme a une âme. L’Église n’a jamais agité cette question. Ce conte est dû à un incident qui se produisit lors du second concile de Mâcon en 585. Par suite d’une interruption provoquée par un membre de l’assemblée, celle-ci fut appelée à donner incidemment son avis sur un passage de l’Écriture ; les évêques présents eurent à décider si, en parlant de l’homme en général, les textes sacrés entendaient également parler de la femme.

Un théologien du XIIIe siècle écrit qu’ « une preuve que la femme doit être la compagne et l’égale, presque en tout, de son mari, et non pas sa maîtresse ou sa servante, c’est qu’il est écrit que le Seigneur a formé Eve de la côte d’Adam et non de sa tête ou de son pied. Une preuve aussi que l’homme est le chef de la femme, c’est qu’il a été, en quelque sorte, le principe de son être, et que la femme a été faite de l’homme, et non l’homme de la femme ». Un autre théologien du même siècle s’était aussi occupé de cette question. La femme, dit-il dans son explication mystique, eût été considérée comme la maîtresse de l’homme si elle avait été formée de sa tête, et Dieu ne la lui donna point comme servante, puisqu’il ne la tira pas du pied d’Adam. L’opinion commune au moyen âge était que la femme fut formée d’une côte détachée près du cœur pour que l’homme l’aimât plus tendrement.

N ic ol ae M in ov ic i, le pe nd u

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u début du 20ème siècle, alors qu’il enseignait la médecine légale à l’Université de Bucarest, le Professeur Nicolae Minovici se posa une question bien légitime : Qu’est ce que ça fait de mourir pendu? Pour y répondre, il commença par s’auto-asphixier. Il s’allongea sur un lit de camp, passa la tête dans un noeud coulant relié a une poulie, puis il tira sur l’autre extremité de la corde. Très vite, son visage vira au rouge, sa vision se brouilla, et comme il sentait qu’il allait s’évanouir, il relacha la corde au bout de quelques secondes. Mais ce n’était qu’un début. Pour la deuxième phase de ses recherches, Minovici plaça son cou dans un noeud desserré, puis il demanda à des assistants de tirer sur la corde jusqu’a ce qu’il soit suspendu au dessus du sol. La première fois, le professeur ne put tenir que quelques instants avant d’arreter l’experience, mais avec de la pratique il finit par résister 25 secondes à l’étranglement. L’ultime étape consistait à être pendu pour de bon. Cette fois-ci, Minovici serra le noeud coulant autour de sa gorge, mais quand ses assistants tirèrent, la douleur fut si intense qu’il leur fit signe de relacher presque aussitôt, avant même que ses pieds ne quittent le sol. Au bout du compte, ces experiences se soldèrent par des ecchymoses, des difficultés pour avaler, ainsi que par l’étude la plus complete jamais menée sur les effets de la pendaison.


L' îl e d e s p o u p é e s

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ans les années 50, un certain Julian Santana Barrera décide de quitter femme et enfant pour aller vivre en ermite sur une île de Xochimilco, au Mexique. Une fois sur place, il aurait trouvé une petite fille noyée dans un canal. Pour honorer l’esprit de la fillette, Don Julian commence à collecter les poupées abandonnée qui dérivent au fil de l’eau, et il les accroche aux arbres. Obsédé par cette tâche, il accumule des centaines de poupées qu’il trouve dans les décharges, ou qu’il récupère auprès des habitants de la zone. La végétation de l’île finit par être recouverte de petits corps mutilés. Même la cabane de Don Julian est remplie de poupées démembrées, abimées par le temps et les éléments. Dans les années 90, les médias s’emparent de l’histoire, et l’île des poupées devient une sorte d’attraction macabre. Des excursions sont organisées pour que les touristes puissent découvrir ce paysage surréaliste, ou les yeux sans âme des poupées semblent les observer de toutes parts. Le 17 avril 2001, Don Juan est retrouvé noyé à l’âge de 80 ans. Il aura passé la majeure partie de sa vie seul sur l’île, au cœur de son œuvre absurde et grandiose. Les poupées continuent à moisir lentement au soleil du Mexique, mais d’après les superstitions locales, on pourrait les voir bouger lorsque vient la nuit…

Textes tirés de : - La Rédaction France Pitorresque : http://www.france-pittoresque.com - Axolot : http://www.axolot.info



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