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Avantages et inconvénients de la séparation
On utilise principalement des compacteurs à vis pour la séparation des lisiers bovins et des digestats. Les séparateurs mobiles (photo) sont
souvent proposés par les entrepreneurs de travaux agricoles ou les cercles de machines. Photo: Hadorn
Séparation du lisier
La séparation du lisier ne s’est pas encore imposée à grande échelle en Suisse. Ce procédé présente des avantages, notamment de faciliter la manutention des lisiers liquides et la valorisation de la fraction solide comme litière.
Heinz Röthlisberger
Où en est on avec la séparation du lisier en Suisse? Déjà connue depuis longtemps, l’extraction de la fraction solide du lisier est utilisée dans l’agriculture helvétique. Elle est toutefois peu répandue. C’est ce qui figure dans le rapport «Séparation du lisier et son impact sur les émissions d’ammoniac»*. Il indique aussi
Valeurs moyennes des fertilisants du lisier bovin
Produit MS % MO %* N kg/t P kg/t K kg/t Pouvoir calorifique
Lisier brut 5,9 75,2 2,8 1,0 3,2 268 Fraction liquide 4,0 66,9 2,7 1,0 3,2 175
Fraction solide 22,0 89,5 3,5 1,4 2,9 1102
Taux moyens des fertilisants et pouvoir calorifique par tonne de fraction solide. Par rapport au lisier brut, les taux d’azote et de phosphore contenus dans la fraction solide sont respectivement de 25% et 40% supérieurs. En revanche, la teneur en potassium est 10% inférieure. La valeur énergétique de la fraction solide est quatre fois supérieure à celle du lisier brut. Source: Office fédéral de l’énergie *MO=matière organique (en % de la quantité de matière sèche MS) qu’une centaine de séparateurs étaient en service dans notre pays en 2015. Ces chiffres semblent avoir peu changé à ce jour. Le rapport établit que la presse à vis est l’équipement le plus utilisé pour la séparation et qu’elle est plus fréquemment fixe que mobile.
Rendement selon le lisier brut
Le fonctionnement de la presse à vis est assez simple à expliquer. Une pompe à vis propulse le lisier de la cuve vers l’unité de séparation. Il y est pressé dans un calibreur à trous et les fractions solide et liquide sont dissociées. La part solide est
Selon un sondage, on a recensé plus de séparateurs fixes que de mobiles en Suisse. Près de
deux mètres cubes sont nécessaires pour stocker une tonne de fraction solide. Photo: Bauer
transférée sur un convoyeur par une vis et peut être entreposée en plein air. Le rendement du séparateur dépend de la teneur en matière sèche (MS) du matériau de départ, le lisier brut, et varie entre 5 et 25 mètres cubes par heure. Les séparateurs plus puissants avec des débits bien plus élevés sont conçus pour un usage interentreprise. Ces machines offrent différents réglages, selon le but recherché, l’idéal étant que la fraction solide soit la plus sèche possible. Le type et la consistance du lisier brut ont une influence sur le résultat de la séparation.
Teneurs en MS et en fertilisants
Le taux de matière sèche (MS) de la fraction solide se situe le plus souvent entre
Centrifuge, presse à vis …
20 et 30%, celui de la fraction liquide entre 3 et 4%. Après la séparation, le lisier liquide est en général remis dans la fosse, ou dans un autre contenant. Lors de la dissociation, on obtient environ 70% de fraction liquide et 30% de fraction solide. Les chercheurs sont d’avis divergent sur les effets sur les rendements et l’efficacité de l’azote (N). Certains pensent que cette dernière ne change pas, que le lisier soit brut ou séparé, alors que d’autres constatent qu’elle est meilleure après la séparation dans la fraction liquide, dans le cas du lisier de porc. Il faut souligner que la fraction solide contient des taux modifiés de fertilisants (voir tableau en page 28). Celle du lisier bovin par exemple, après la séparation, compte une valeur énergétique par tonne quatre fois plus élevée que le lisier but. Pour cette raison, la fraction solide peut contribuer à améliorer la part d’énergies renouvelables provenant des engrais de ferme. C’est ce qu’observe l’Office fédéral de l’énergie dans une étude.
Avantages lors de l’épandage
Le fractionnement présente de grands avantages pour l’épandage et la manutention du lisier, en particulier avec l’épandeur à pendillards. Avec le lisier passé au séparateur, la formation de bandes dans les prairies peut être limitée, de même que la souillure du fourrage. En outre, la fraction liquide pénètre mieux dans le sol. Parmi les autres avantages, on peut citer une réduction de l’espace de stockage et des volumes à transporter. Cependant, on croit souvent que la dissociation évacue les problèmes de capacité d’entreposage. Or ce n’est que rarement le cas. Le volume du lisier ne se réduit «que» de 10% après cette opération. Dans de nombreux cas, la séparation est aussi liée à des difficultés de manipulation du lisier avec une haute teneur de substances sèches. Cela arrive par exemple lorsqu’un brasseur ne parvient plus à remuer la couche flottante. Cela peut aller jusqu’à sa surcharge, voire son endommagement.
Fractions solides comme litière
Les fractions solides sont inodores et peuvent s’utiliser pour améliorer la structure du sol ou être compostées. Elles peuvent aussi servir comme litières. Les matelas produits avec ce matériaux ont plusieurs avantages: ils sont durables, bénéfiques pour le bien-être animal, et économiques. En effet, les coûts des litières sont abaissés, et l’engorgement des caillebotis et des canaux se trouvent réduits par une utilisation moindre de paille. A savoir: certains transformateurs (Gruyère AOC et Appenzeller AOC) n’acceptent pas le lait produit par des exploitations avec des litières en matériau com-
Il existe différents procédés, comme le pressage ou la décantation, pour dissocier les fractions solide et liquide du lisier. On utilise pour ce faire la presse à bande, la centrifugeuse et la presse à vis, ces deux dernières étant les plus répandues. Selon les résultats des recherches, une plus grande quantité de phosphore est extraite avec le procédé de centrifugation qu’avec celui de la presse à vis. Cela est avantageux surtout avec le lisier de porc. L’utilisation de la centrifugation engendre des frais beaucoup plus conséquents que celle de la presse à vis.
Bilan de la séparation
Avantages Inconvénients
• Amélioration de l’épandage du lisier, surtout avec les épandeurs à pendillards • Aucune formation de chapeau flottant • Utilisation de la fraction solide pour les litières dans les logettes (pas possible partout) • Volume du lisier réduit de 10% (moins de volume de transport à l’«exportation de lisier») • Équipements demandant un entretien conséquent • Capacités de stockage supplémentaires nécessaires pour la fraction solide • Effets de la meilleure efficacité des fertilisants difficiles à évaluer • Coûts
posé de matériau composté ou de fraction solide de lisier.
Intégré dès la planification d’une construction
Aujourd’hui, l’aménagement des étables intègre aussi les équipements nécessaires à la séparation du lisier. Le lisier frais est contenu dans une préfosse et la fraction liquide est entreposée dans un contenant séparé. La fraction solide, à laquelle on incorpore souvent de la chaux et de la paille, sert de litière. Les litières à base de fraction de lisier sont intégrées dans le concept de l’exploitation. On n’a pas besoin d’un brasseur fixe pour la fosse, parce que le lisier liquide ne forme que rarement des couches flottantes.
Peu d’effets sur les émissions d’ammoniac
On entend souvent dire que la séparation du lisier peut réduire les émissions d’ammoniac. Les recherches à ce sujet publiées dans le rapport cité au début du présent article n’ont pas confirmé ce fait. Les experts estiment que «la contribution de la séparation du lisier aux émissions d’ammoniac suisses est négligeable». Le constat est peu ou prou le même dans plusieurs pays européens.
Des coûts variables
Un séparateur et tous ses accessoires (pompe, ensemble de la tuyauterie, installation électrique, socle, plate-forme à fumier, etc) coûte entre 40 000 et 50 000 francs, selon le modèle. S’y ajoutent des coûts variables d’électricité et d’entretien. Le coût total de la dissociation oscille entre 1 et 3 francs par mètre cube en fonction du taux d’utilisation des équipements, du débit et des besoins en courant. Plusieurs constructeurs, ainsi que des entrepreneurs de travaux agricoles ou des cercles d’utilisation de machines proposent des séparateurs mobiles qui peuvent être installés sur des remorques. D’un point de vue économique, cette solution est mieux adaptée aux petites exploitations ou à celles qui ne procèdent à la séparation que pour une partie du lisier qu’elles produisent.
* Le rapport «Séparation du lisier et son impact sur les émissions d’ammoniac» a été réalisé par Thomas Kupper de la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) sur mandat de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).
Les fractions solides provenant de la séparation du lisier peuvent remplacer les matelas de paille. De telles litières ne sont cependant pas autorisées par toutes les filières de transfor-
mation du lait. Photo: ldd
Système pionnier des Pays-Bas
Une nouvelle approche pour baisser les émissions d’ammoniac lors de la séparation a été développée par Lely. Le constructeur a élaboré le système «Sphere» qui est testé sur quelques exploitations pilotes aux Pays-Bas. Il s’agit d’un système inédit de traitement de lisier qui dissocie le fumier solide de l’urine et transforme les émissions d’azote en trois types d’engrais: l’azote (minéral et organique), le phosphate et le potassium. Ce dispositif complexe comporte plusieurs pièces et forme un concept global d’étable. Parmi les composantes, le sol spécial de l’étable est constitué de bandes de séparation en acier inoxydable avec des orifices par lesquelles l’urine et l’air dissociés du fumier solide s’écoulent jusqu’à la fosse située en dessous. Le premier atout est de réduire les émissions d’ammoniac, parce que la séparation intervient immédiatement après que la vache a uriné. La fraction solide reste au-dessus du sol. Elle est aspirée et transportée par le robot «Discovery 120 Collector» dans une fosse prévue à cet effet, munie d’un siphon. Le système «Sphere» comprend aussi l’appareil «N-Capture» qui crée une dépression dans la fosse et extrait les gaz du lisier produits sous le sol du bâtiment et juste au-dessus. Cela inclut l’air et le biométhane générés à la surface des caillebotis et dans la fosse. L’air s’échappe sous l’effet de la pression après avoir été filtré par un filtre du «N-Capture», Ce dernier forme avec l’air une solution acidifiée d’azote. Le «N-Capture» travaille avec de l’acide sulfurique et de l’acide nitrique qui se lient à l’azote. Lorsque la solution acidifiée est saturée, le nitrate d’ammonium et le sulfate d’ammonium sont entreposés dans un silo à engrais spécial. Cet engrais peut ensuite être épandu dans les champs et génère, selon Lely, bien moins d’émissions que les lisiers habituels. Lely déclare ce système fonctionnel depuis 2017. Il est utilisé dans quatre exploitations pilotes aux Pays-Bas. S’il reçoit la reconnaissance officielle de la réglementation sur les émissions d’ammoniac des élevages néerlandais, le constructeur le proposera d’abord sur le marché de son pays.