SYLVAIN BUGIER
LES BAOLIS INDIENS
UNE ARCHITECTURE COMME PRÉCÉDENT ET COMME RÉFÉRENCE
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LES PENSÉES DU PROJET : L’ARCHITECTURE COMME DISCIPLINE ÉCOLE NATIONALE SUPÉRIEURE Directeur d’étude : Dominique PUTZ
D’ARCHITECTURE
DE
GRENOBLE 2013 - 2014
Directeur d’étude : Dominique PUTZ Étudiant : Sylvain BUGIER
LES BAOLIS INDIENS, UNE ARCHITECTURE COMME PRÉCÉDENT ET COMME RÉFÉRENCE En quoi les Baolis indiens, simplement comme précédents ou invoqués comme références, ont-ils influencé l’architecture dans une certaine mesure ?
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier très sincèrement Anne Coste et Dominique Putz, qui m’ont accompagné tout au long de l’élaboration de ce mémoire.
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SOMMAIRE Introduction .................................................................................................... 9 I / Quelques définitions ................................................................................ 11 - Référence - Précédent II / - Qu’est ce qu’un Baoli indien ? .............................................................. 15 Les différents types de Baoli - Les Stepwell (Vav) - Les Stepped Pond (Kund) III / - L’héritage des Baolis en architecture ................................................... 31 1 / Les Baolis comme référence - Un héritage pour les musulmans - Un héritage pour les anglais - Un héritage artistique 2 / Les Baolis comme précédent - Le rapport au sol et au ciel - Le rapport à l’ombre et à la lumière IV / - Conclusion ............................................................................................ 43 Annexes ......................................................................................................... 45 Bibliographie ................................................................................................. 51 Index .............................................................................................................. 53
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INTRODUCTION Au cours de l’an 600 après Jésus-Christ, on assiste à la première construction de ce qui s’appellera un Baoli. Il s’agit d’un réservoir où est stocké l’eau récoltée pendant les grandes moussons, et servira de puits pendant les périodes de sécheresse. Ces architectures très particulières, semblent à première vue, n’avoir jamais «quitté» l’Inde, au contraire de ce que nous pourrions voir au cours de l’histoire, où de grands mouvements architecturaux influenceront de nombreuses civilisations. Mais à une échelle moindre, nous pouvons constater que ces puits ont au contraire joué un rôle important dans l’histoire de certains peuples. C’est pour cela que nous essayerons de voir comment ils ont pu influencer l’architecture, directement ou indirectement, à travers les siècles, et en quoi les Baolis sont donc des précédents mais aussi des références en architecture.
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QUELQUES DÉFINITIONS
Afin de bien comprendre la direction que j’ai prise à travers ce mémoire, il me semblait important de bien définir les deux mots essentiels que sont la référence et le précèdent. Il va de soit que lorsque je parle de référence, cela dénote une attention particulière, de l’auteur d’une oeuvre, à faire référence directement, et donc en mentionnant les Baolis comme un exemple. A contrario lorsque les Baolis sont invoqués en tant que précédents dans ce mémoire, cela signifie qu’en aucun cas l’auteur d’une oeuvre ou d’une architecture n’a évoqué un quelconque attachement, ni aucune inspiration aux Baolis, mais que des qualités et des dispositifs y font fortement allusion en les étudiant de plus près. C’est donc à travers les quelques définitions ci-dessous et à la suite de ce mémoire que ces termes prendrons toute leur importance.
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QU’EST CE QU’UN PRÉCÉDENT ? PRÉCÉDENT - Dictionnaire Robert : Qui précède, qui est immédiatement avant, en parlant ordinairement par rapport au temps. Fait ou acte antérieur invoqué comme modèle ou comme justification pour quelque chose d’identique ou d’analogue. Fait antérieur qui permet de comprendre un fait analogue. Décision, manière d’agir dont on peut s’autoriser ensuite dans un cas semblable. - Dictionnaire Collins : Exemple ou cas utilisé pour justifier des événements ultérieurs similaires. Certains synonymes renvoient à la valeur d’exemple : instance, exemple, autorité, standard, modèle, critères. D’autres, et notamment antécédent, au rapport à l’histoire.
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Un précédent (terme français) est un élément du passé posant les fondements d’une idée qui par la suite pourra servir de référence. Ici, les puits indiens ne font pas référence à d’autres architectures, ni ne s’inspirent d’autres constructions, mais s’imposent comme précédent dans l’architecture des puits, dans un rapport qu’ils ont au sol et au ciel, à l’ombre et à la lumière, ainsi que dans l’utilisation principale pour quoi ils ont été pensés et créés. Certaines architectures d’aujourd’hui, sans pour autant se référer aux puits indiens, traitent de ce même rapport au sol et au ciel. Il s’agit donc de précédent.
QU’EST CE QU’UNE RÉFÉRENCE ? RÉFÉRENCE - Dictionnaire Larousse : Action de se référer, de renvoyer à un document, à une autorité. Base d’une comparaison , personne ou chose à partir de laquelle on définit, estime, calcule etc. Recourir à quelque chose ou à quelqu’un comme à une autorité, s’en prévaloir comme d’une caution . - Dictionnaire Collins : Faire allusion à quelqu’un ou à quelque chose (synonyme : allusion, citation, invoquer). «With reference to» qui signifie : suite à une référence est une solution du passé qui nous apporte un enseignement sur une condition actuelle. En architecture il s’agit d’un élément sur lequel certains architectes s’appuient et puisent pour en tirer des leçons ainsi que des idées nouvelles. Les Baolis se servent
de références (telle que la religion hindou), pour poser les règles de construction des puits (le nombre de marches faisant référence au nombre de naissances de l’âme par exemple). Les musulmans, ainsi que les anglais à divers époques, lors de l’occupation en inde, se sont servis des puits indiens comme un modèle pour pouvoir construire les leurs tout en gardant à l’esprit les réflexions que leurs prédécesseurs ont eu.. Ils se réfèrent donc à ces architectures pour en développer de nouvelles. Il s’agit donc de références. Pour résumer, on peut dire qu’un précédent est un élément prépondérant aux autres. Il ne se réfère pas au passé. Ici, les Baoli sont des précédents car ils n’invoquent pas de référence quant à leurs constructions et ils ne sont pas invoqués comme référence à proprement parler dans certains cas, malgré de nombreuses similitudes architecturales. Les Baolis sont aussi des références car ils sont directement invoqués comme autorité et comme exemple dans certaines architectures. Maintenant que nous avons bien défini ces deux termes, nous allons au cours de ce mémoire, voir comment nous pouvons prouver, à travers l’analyse d’exemples architecturaux, que les Baolis indiens font à la fois figure de référence ainsi que de précédent en architecture.
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QU’EST CE QU’UN BAOLI INDIEN ?
Pendant 1200 ans les puits indiens ont fait partie intégrante de la vie de l’Inde occidentale. Les États situés au nord du Rajasthan et du Gujarat sont très souvent enclins à des moussons diluviennes et des périodes d’intenses sécheresses. Malheureusement le sol est fait de limon et ne retient pas l’eau en surface. Pour y avoir accès il faut donc puiser directement dans la nappe phréatique. Les habitants ont donc creusé le sol en construisant de grandes citernes en pierre accessibles par des escaliers et des paliers longeant les murs. Le premier puits a été construit vers le 6ème siècle après Jésus-Christ. Ces bâtiments souterrain, généralement composés de trois à neuf étages ne sont pas de simples réservoirs d’eau. En effet ils sont devenus au fil du temps des lieux communautaires, des passages souterrain et portent plusieurs significations religieuses. On estime à plus de 3000 le nombre de Baolis construits en Inde entre le 6ème et le milieu du 19ème siècle après Jésus-Christ.
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LES DIFFÉRENTS TYPES DE BAOLI Il existe plusieurs variantes de puits différents. On trouve des réservoirs cylindriques, des escaliers pavés le long des rivières, des citernes rectangulaires ou de forme carrée etc. Les Baolis sont des architectures «indigènes » situées dans les régions semi-arides de Gujarat et du Rajasthan en Inde. Malheureusement ils sont aujourd’hui les monuments les plus oubliés des grands organismes de protection de l’architecture. L’état Indien et la communauté internationale (UNESCO) commencent tout juste à prendre conscience de l’importance architecturale de ces monuments. Les Baolis sont des architectures invisibles en surface qui marquent l’entrée des passages souterrain menant à l’eau, et qui fournissent celle-ci aux villes et villages alentours. Ils sont extraordinairement riches en sculptures et en couleurs, ayant un rapport direct avec la vie indienne en surface. Ils sont le lien entre les paysages en surface et la vie souterraine. Ils sont conçus pour rendre accessible l’eau souterraine aux habitants des villages alentours.
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L’idée centrale de ces édifices est extrêmement simple : Une excavation linéaire bordée de pierres de taille permet au niveau de l’eau, à l’intérieur de la cavité, de fluctuer librement en fonction de la nappe phréatique environnante. Les escaliers ainsi que les différents paliers le long de la faille, permettent d’avoir accès à l’eau quelque soit le niveau de la nappe phréatique. Au cours des grandes moussons, lorsque la nappe phréatique est à son niveau le plus haut, une courte descente est nécessaire pour atteindre l’eau. Mais lorsque la nappe phréatique est à son point le plus bas lors des grandes périodes de sécheresse, une descente plus longue est nécessaire, mais la surface de l’eau sera toujours accessible grâce aux différents paliers créés par ces grands escaliers descendant au fond du puits. Nous pouvons distinguer deux grandes familles de puits indiens. Les Stepwell (ou Vav en Hindi) et les Stepped Pond (ou Kund en Hindi).
1 Vikia Stepwell, Ghumli
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Vasantgadh Stepped pond, Rajasthan
LES STEPWELL (Vav) Les Stepwell font le lien entre deux mondes. Dans ce long couloir de pierres menant au puits, les personnes se déplacent d’un domaine à un autre. La lumière diminue au fur et à mesure que l’on descend les escaliers. Ce passage dans la terre permet d’aller plus loin dans les ténèbres. L’excavation est équilibrée dans sa construction par une opposition du ciel et de l’eau, du solide et du liquide, du vide et du plein. Le bassin fait face à un étrange silence, l’eau y pénètre sans ondulation, sans bulle et sans bruit. Bien que la campagne du Gujarat et du Rajasthan regorge de villages, d’enfants, d’animaux et d’activités, le brouhaha laisse place à un silence religieux dans les Stepwell. Même pour le baoli de la ville d’Ahmedabad qui compte plusieurs millions d’habitants, le bruit de la surface s’entend rarement dans le monument. La séparation entre l’intérieur et l’extérieur est marquée par ce contraste auditif. Le temps à l’intérieur du Stepwell est lent, on en oublierait presque tout ce qui est urgent. Les jours de grand beau pendant les saisons sèches, la lumière du soleil court dans de longues diagonales le long des murs. Parfois la lumière a une étrange couleur quand elle se reflète sur la pierre et sur l’eau. Le long des escaliers, le ciel est progressivement découpé et encadré par plusieurs paliers. Le cadrage est le plus souvent rectangulaire ou comme dans certains puits plus anciens, octogonal. Entourée par les pierres et le ciel, on ne peut pas voir l’eau avant la dernière volée de marches. Une fois en bas, le ciel et le puits sont tous deux présents. L’un par l’architecture elle-même et l’autre par le reflet sur l’eau. Ce même reflet permet une vue différente des escaliers, des sculptures, des colonnes et des inscriptions le long des parois. La vue de l’escalier s’enfonçant sous l’eau accentue le mystère de ces Stepwell. Coupe Adalaj Stepwell, Gujarat
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La construction linéaire du Baoli laisse apparaître ces longs escaliers ponctués de paliers et de pavillons qui mènent à un puits cylindrique visible lors des saisons sèches. Lors des moussons, alors que l’eau est à son plus haut niveau, les pavillons sont une succession de séparations émergeant de l’eau telles des petites tours. Parmi ces symétries complexes, la réunion de l’escalier et de l’eau créer un équilibre entre ombre et lumière, entre plein et vide. En coupe le Stepwell est un triangle avec une ligne horizontale au niveau du sol, une verticale dans le sol, et une dernière suivant la diagonale de l’escalier.
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Le long couloir des Stepwell est à ciel ouvert excepté le pavillon situé à l’entrée (le Kutas) qui peut être d’une largeur de 6m mais n’est jamais trop étroit pour permettre de passer avec des jarres d’eau sans gêner ceux qui prient. Les pavillons sont reliés entre eux par des sortes de rebords, d’une largeur d’à peine 15cm et d’une longueur d’environ 6m. L’étroitesse de ce passage le rend très dangereux, surtout lorsque la pierre est usée ou cassée. Plan Adalaj Stepwell, Gujarat
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Marcher le long des rebords d’un pavillon à l’autre, est un pèlerinage symbolique audessus du vide. Le Stepwell est donc une sorte de métaphore de pèlerinage solitaire (notamment le nombre de marches qui est en général de 86, pour les 86 étapes de la renaissance de l’âme dans la religion Hindou).
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AxonomĂŠtrie du Rani Ki Vav, Rajasthan
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STEPWELL
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1 : Baoli avec puits rectangulaire et escalier d’une seule volée 2 : Baoli avec puits circulaire et paliers intermédiaires 3 : Baoli en crois, avec quatre escaliers et double pente 15
LES STEPPED POND (Kund) Les Stepped Pond sont des lieux principalement destinés aux bains et aux rituels. Contrairement aux Stepwell, ils sont toujours construits près d’un temple. Ils sont moins enclavés et étroits que les Stepwell et peuvent accueillir bien plus de personnes. Ils sont appelés «kund» (réservoir) au Gujarati et sont généralement de forme carrée. Les quatre murs sont faits de courtes volées d’escaliers avec une multitude de petits paliers, et il n’y a pas de colonnes ou d’espaces couverts sur les pourtours. Toutes les pierres sont posées à plat, la lumière baigne l’ensemble de l’édifice et la ligne de vue n’est jamais interrompue. Les escaliers en zigzag, comme des sortes de virages en épingles longeant les flans d’une montagne, permettent une pente plus raide jusqu’à l’eau, ce qui n’est pas le cas dans les Stepwell où l’escalier fait face à l’eau directement. De plus, les innombrables escaliers permettent simultanément la baignade, le culte et le transport de l’eau sans pour autant que chacune de ces activités se croisent entre elles. Chaque escalier va de pair et est placé dos à dos de telle sorte à former un triangle. Les temples au Gujarat sont construits en pyramide inversée dont la pointe est le centre du bassin. Quand on suit des yeux une ligne d’escalier, on a l’impression d’une sorte de boucle continue, illusion créée par la pente des escaliers et le motif en triangle. Les volumes et la structure sont seulement visibles à travers l’escalier lui-même.
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Plan et coupe du Chand Stepped Pond, Rajasthan 17
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25 Pour conclure cette partie, bien que les Stepwell et les Stepped Pond ont une histoire commune dans l’utilisation de la pierre, leurs objectifs divergent nettement. Les deux architectures ne suivent pas la même voie au cours de l’histoire. Durant toute la période de leur utilisation, l’une des deux formes prédomine généralement l’autre durant une période, et vice et versa. Par la suite nous pouvons constater que ces architectures ne sont pas tombées dans l’oubli au cours de l’histoire. Bien que très peu connues, elles ont été des références en architecture à travers le temps, mais aussi des précédents. Voyons comment pouvons nous définir ces deux termes pour comprendre en quoi les Baolis sont à la fois des précédents et des références en architecture.
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STEPPED POND
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1 : Baoli de forme carrée, à trois pentes 2 : Baoli de forme carrée avec circulation dans le mur d’enceinte 3 : Baoli de forme carrée avec quatre pentes 22
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L’HÉRITAGE DES BAOLIS EN ARCHITECTURE
Bien que peu connus aujourd’hui, les Baolis indien ont depuis leur création, toujours fasciné les grands explorateurs comme les grands conquérants, ils ont inspiré des civilisations entières dans leur rapport à la terre, au ciel, à l’eau, à la lumière et à l’ombre. Qu’ils soient invoqués en tant que référence (où certains puisent directement dans le savoir faire de la tradition hindoue), ou qu’ils soient vus comme précédent (notamment dans certaines architectures traitant le rapport au sol, à la lumière et l’ombre, et à l’eau d’une façon similaire) les Baolis sont un héritage architectural fort. Source d’inspiration autrefois, mais souvent oubliés aujourd’hui, c’est à travers une analyse des différentes architectures s’en servant comme référence ou l’invoquant comme précédent, que nous allons pouvoir mettre en avant cet héritage.
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LE BAOLI COMME RÉFÉRENCE Une référence pour les musulmans (Au cours des grandes conquêtes musulmanes) Les musulmans ont été largement influencés par les ornements des Baolis depuis le XIème siècle, mais aussi par leurs espaces au XIVème siècle, mais c’est seulement au XVIème siècle qu’ils ont commencé à créer leur propre architecture en Inde. Le rapport très fort qu’ont les musulmans à l’eau les prédisposaient à apprécier l’architecture des Baolis. Au VIIème siècle quand les musulmans ont utilisé les anciennes villas romaines en Syrie, ils ont adapté les apodyterium des villas (la salle «déshabilloire» des thermes romains) en un lieu de rencontres sociales. Cette nouvelle salle à été intégrée au hammam, et est devenue une partie intégrante de la vie sociale islamique. C’est un lieu qui est utilisé pour les cérémonies traditionnelles arabes, les danses, et la musique traditionnelle. Quand ils se sont inspirés des Baolis pour construire des hammams, ils ont agrandi la structure des puits, ils ont incorporé des arches et des dômes, fermé les pavillons pour les femmes et construit quelques escaliers en colimaçon pour faciliter les accès. Ils ont installé leurs architectures dans les villes, les palais, les forts et les jardins, plutôt que dans les villages comme les Baolis auparavant.
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Les exemples les plus flagrants sont le Narayan Rao’s Stepwell au Gujarat, et le Nimrana Stepwell au Rajasthan. En 1521, le descendant de Gengis Khan et fondateur de la dynastie Mongol, Zahir uddin Muhammad, dit Bâbur, marche sur Agra et écrase les armées hindoues. Il s’autoproclame empereur de l’Inde et devient le maître absolu de l’Inde du Nord. Bâbur considère la culture perse comme supérieure à la culture turque, en place à l’époque en Inde, et veux le prouver au travers de l’architecture. Près de son palais à Agra, il fît construire de luxueux jardins comme symbole de son pouvoir. Comme la région aride ne facilitait pas la tâche, Bâbur fît construire quelques Baolis pour atteindre l’eau, fasciné par les Baolis du Gujarat qu’il a pu découvrir lors de ses conquêtes. Une des différences que l’on peut constater entre les Baolis traditionnels hindous et ceux construits par Bâbur, est qu’il ne passe plus par des superviseurs de construction (sorte d’architecte d’autrefois) mais directement par les maçons. Bâbur dirige donc les chantiers lui même en imposant ses propres idées pour faire évoluer les Baolis. Il change la forme générale, impose des dessins préliminaires, des dos23
siers détaillés de la construction et permet une plus grande mobilité géographique des monuments, en ne les cantonnant non plus aux abords des villages, mais en les installant également près des villes, des forts et des palais musulmans. Les puits situés à l’extrémité des Stepwell deviennent de forme cylindrique au lieu d’être rectangulaire. C’est un vrai challenge pour les constructeurs, de par cette forme complexe. En plan on peut voir un escalier en spirale le long des murs du cylindre, qui connecte chaque pièce, chaque passage. Les constructeurs musulmans du Gujarat deviennent des spécialistes de cette forme cylindrique et construisent un escalier très élaboré dans le Pavagadh Stepwell, avec un escalier de type hélicoïdal descendant le long des murs et desservant toutes les pièces du Baoli.
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Les Baolis construits sous le règne de Bâbur ne sont pas des lieux publiques, comme le voulait le sultan du Gujarat à l’époque, mais il s’en sert comme «machine» à irriguer ses plantes et comme bain personnel. Ces Baolis doivent donc contenir plus d’eau
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et sont donc moins larges et plus profonds, pour puiser de l’eau encore plus fraîche. Bien plus tard, les Baolis musulmans retrouvèrent cet aspect publique (bain et culte) qu’ils avaient perdu au cours du règne de Bâbur. Comme le Panna Mia Stepped Pond, au nord de Jaipur au Rajasthan construit à la fin du XVIème siècle. Le Baoli de Panna Mia repose sur une grille de huit par huit, quatre chhatris (kiosque indien) octogonaux situés dans les coins, marquent la limite du Baoli. Dans la partie basse, des arcs lobés reposant sur des colonnes en pierre à base carrée ouvrent au bassin. Les colonnes dont le chapiteau est sculpté en forme d’iris, le fût est cannelé et la base légèrement bombée. On constate que les colonnes 26 musulmanes, présentes dans ce Baoli, sont largement inspirées des colonnes hindoues dans leur conception. Au sein des kiosques les musulmans faisaient de somptueuses réceptions ainsi que des festins, ce qui contraste beaucoup avec le calme monacal des Baolis hindous. La grande différence que les Musulmans ont apportée aux Baolis, est qu’ils les ont transformés en un bâtiment «souple» tel une scène de théâtre, dont l’utilisation peut être modifiée selon les moments et les occasions.
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La fin du XVIIème siècle marque la fin de l’apogée musulmane en Inde. Vasco de Gama détruit la flotte Égyptienne et Gujarati, prenant le contrôle de l’Océan Indien et de la route maritime. Ils n’ont cependant jamais colonisé le Gujarat. A leur tour les Baolis musulmans ont influencé les Stepped Pond construits près du désert Thar et de la ville de Delhi. Les kiosques sont largement réutilisés pour servir de lieux de réceptions également.
On peut donc en conclure que les musulmans se sont largement inspiré de la culture indienne à travers les Baolis. Mais ils y ont apporté de larges modifications pour les adapter à l’utilisation qu’ils en font. Que ce soit l’ajout de kiosques, l’agrandissement des puits, la créations de nouveaux accès (les escaliers hélicoïdaux), ou bien les détails architecturaux (sculptures, colonnes, arcs, ect), Les musulmans ont vu à travers les Baolis une formidable référence pour développer l’architecture liée à l’eau. Une référence pour les anglais (Au cours de la colonisation de l’Inde) A partir de 1750 lorsque l’Inde devient une colonie anglaise, les Baolis sont très vite abandonnés. En effet les anglais n’apprécient pas du tout ces architectures, qu’ils trouvent négligées, sales et insalubres. L’architecte en chef chargé de reconstruire Delhi, Edwin Lutyens, écrit à sa femme : «Les hindous n’ont aucun sens de la propreté, sauf celle de leur propre corps qu’ils semblent laver à longueur de temps mais avec cette eau... De l’eau qui provient de sources si sales que ça en devient écœurant». Cependant les ingénieurs des chemins de fer britanniques, après avoir longuement étudié les systèmes d’irrigations des Baolis, ont réutilisé ceux-ci pour desservir les citernes d’eau, alimentant les locomotives à vapeur. 29
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Les anglais se sont rendus compte que les Baolis dans les régions du Rajasthan et du Gujarat étaient placés stratégiquement. En effet les Baolis ne sont pas construits au hasard dans le paysage, mais ils sont créés près d’une nappe phréatique. On remarque donc que les tracés de chemins de fer construits à cette époque par les britanniques, longeaient l’implantation des Baolis dans ces régions. Réutilisant parfois certains Baolis comme réservoirs après avoir assaini l’eau de ceux-ci. Au fur et à mesure du temps au XVIIIème, le gouvernement mis en place par les anglais, voulu recréer quelques Baolis près des villages. Cependant ils n’y feront aucun ornement, évinçant par la même occasion le culte Hindouiste qui avait lieu au sein des Baolis. Ces Baolis deviennent des lieux dont la seule utilisation est celle de puiser l’eau. Ils ne seront plus des lieux publiques, des
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lieux de cultes, de rencontres sociales. Très vite ces quelques Baolis sont abandonnés et deviennent des endroits où prolifèrent les moustiques. On constate aussi un début d’épidémie de paludisme, véritable fléau dans le commerce des Indes à cette époque, près de ces nouveaux Baolis construits par les anglais. En 1862 le Gouvernement Colonial Anglais forme le Département Archéologique, dirigé par Alexander Cunningham. Ils imposent la démolition de ces nouveaux Baolis. Malgré leur bonne volonté de vouloir construire des Baolis plus modernes en s’appuyant sur les techniques ancestrales hindoues, les colons anglais n’ont malheureusement pas réussi à implanter leur propre architecture. Cependant, grâce aux travaux des architectes et des ingénieurs, en 1830 Londres se verra dotée d’un véritable réseau d’eau courante, alimentant les douches, les toilettes et les cuisines de la plupart des habitations londoniennes. Cette révolution est donc due aux travaux et en partie aux recherches qu’ont effectuées les colons sur les Baolis en Inde. Une référence artistique Source d’inspiration chez Escher
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Nous pouvons également retrouver la référence des Baolis dans certains travaux de Maurits Cornelis Escher. Cet artiste néerlandais est connu pour ses travaux sur les constructions impossibles, des explorations de l’infini, des pavages et des combinaisons de motifs qui se transforment en des formes totalement différentes. Il travaille beaucoup sur des espaces paradoxaux qui défient nos modes de représentation habituels. De 1912 à 1922, Escher suit les cours de l’école d’architecture et des arts décoratifs de Haarlem au Pays Bas. Jessurum de Mesquita a été son professeur durant cette période, et va beaucoup l’influencer en l’initiant aux techniques graphiques. C’est aussi au cours de son cursus à Haarlem qu’M.C. Escher découvre le Baoli d’Abhaneri, près de Jaipur, au Rajasthan. Il n’ira jamais en Inde, mais certains de ses travaux seront grandement inspirés de cette architecture. En effet on peut faire un rapprochement quasi immédiat de ce Baoli et de certaines oeuvres d’Escher. Notamment la lithographie nommée «Le Cycle» qu’il 31 réalise en 1938. Il s’agit de la première oeuvre où il met en scène l’escalier. Puis s’en suivra la fameuse «House of Stairs» en 1951 puis la «Relavity» en 1953. On remarque que les escaliers des Stepped Pond forment une sorte de tableau où l’on n’arriverait plus à distinguer le haut du bas, la montée de la descente. Le jeu d’ombres des marches les unes sur les autres révèle toute la complexité qu’Escher met en place dans ses oeuvres. Escher joue avec l’architecture, la perspective et les espaces impossibles, chose que l’on retrouve directement dans les architectures des Stepped Pond. Ce jeu de marches, formant des triangles remontant le long des parois d’une pyramide retournée, crée une déformation de la vision de l’esprit et nous donne à voir un espace presque irréel, qu’on aurait du mal à concevoir.
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J’ai moi-même fait l’expérience de redessiner ce jeu de marches d’un Baoli, et j’ai remarqué que l’on s’y perdait très facilement, je n’arrivais plus à distinguer le haut du bas. Cette complexité géométrique associée à ce jeu d’ombre et de lumière sur les marches mettait à rude épreuve la perception de l’espace et de la géométrie de l’oeil. On retrouve exactement ce même phénomène en regardant les oeuvres d’Escher, ce non sens des espaces qu’il dessine, et pourtant on trouverait presque une logique dans ces architectures. Il joue particulièrement avec le double usage des contours, ce qu’on retrouve lorsque l’on regarde les innombrables marches des Baolis, les arêtes se rejoignent et se retrouvent tantôt dessus, tantôt dessous quand notre oeil s’y perd. Même si Escher ne fut que peu inspiré par les Baolis, il n’y consacrera aucune étude et n’ira jamais en Inde, on retrouve cet aspect des Stepped Pond qu’il a vu à l’école d’architecture de Haarlem dans certaines de ses oeuvres. Cette vision trompeuse d’un espace aux géométries complexes, où l’ombre vient tromper l’oeil en créant des volumes là où il n’y en a pas, et où la lumière vient former des vides là où il y a des pleins.
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LE BAOLI COMME PRÉCÈDENT Les Baolis étant peu connus il existe peu d’architecture les présentant comme précédent. Nous avons pu en trouver quelques unes, plus particulièrement dans les architectures de Tadao Ando. L’architecte japonais traite beaucoup le rapport de l’architecture à l’ombre et à la lumière, à l’eau, au ciel et à la terre. On constate que ces grands thèmes sont exactement ceux mis en avant par l’architecture des Baolis. Nous avons donc pu tirer quelques projets ayant ces fameux rapports et en les comparant aux plans ou coupes des Baolis, nous avons remarqué de grandes similitudes dans les lignes. Ces architectes n’ayant jamais fait référence aux Baolis directement, nous pouvons donc en conclure que les Baolis indiens sont bel et bien des précédents. On peut tirer deux grands thèmes omniprésent dans les Baolis que l’ont retrouve dans certaine architecture d’aujourd’hui : - Le rapport au sol et au ciel - Le rapport à l’ombre et à la lumière
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Dans cette partie nous tenterons donc de montrer les qualités architecturales que nous trouvons dans les Baolis, et comment aujourd’hui ces qualités sont elles reprises, la similarité des shémas des Baolis avec des architectures plus contemporaines, sans pour autant qu’il y ai de lien direct entre celles-ci. Nous classerons ces qualités selon les deux grands thèmes ci dessus. Le rapport au sol et au ciel (l’enfouissement) Le seul moyens de voir un Baoli dans son ensemble, c’est avec une vue aérienne. En effet, les Baolis ont la particularité, due à leur utilisation première, d’être totalement construits en sous-sol. Il ne s’agit pas d’une architecture troglodyte mais d’un enfouissement. Ici la ligne de sol est extrêmement marquée par cette faille descendent dans le sol. Seul quelques éléments sortent parfois du sol (notamment les kiosques des Stepped Ponds) mais les trois-quarts de l’architecture est enfouis dans le sol. Il y a là une relation très forte entre le sol et le ciel. Prenons comme exemple le Rani Ki Vav, le Baoli ouvre le sol et permet à un escalier monumental de descendre jusqu’au puit. Le parcours créé par cette faille met en valeur les deux murs de soutient qui nous guident dans les profondeurs. La ligne de sol souligne la limite entre l’intérieur et l’extérieur. Ce principe d’architecture enfouie est repris bien souvent dans les architectures qui suivront. Toujours sans jamais faire référence aux Baolis, la notion de l’enfouissement permet de vivre les mêmes expériences visuelles et sensorielles qu’offrent les Baolis. Nous prendrons par exemple le Chichu Art Museum, un bâtiment à Naoshima, au Japon, créé en 2004 par Tadao Ando. Lorsque l’on entre dans ce musé situé sous terre, la première consigne est le silence,
il est interdit de parler au sein du musée. Cela rappelle ce silence décrit par ceux qui ont parcouru les Baolis. On entre par une grande faille ouverte sur le ciel, comme si le sol s’ouvrait et que des escaliers nous invitaient à pénétrer dans le bâtiment. C’est la volonté d’Ando d’enfouir le bâtiment pour laisser vierge la ligne de sol, tout en ouvrant son bâtiment au zénith et au ciel.
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Nous pouvons aussi citer l’université féminine d’Ewha de Dominique Perrault, à la manière de certains Baolis. Ici Perrault ouvre le sol avec un grand escalier descendant à l’université. La totalité de l’école se situe au sein du sol, laissant donc la ligne de sol totalement vierge de construction. Dans les Baolis, les passages sous les colonnade, au sein même des murs, rappelle ici la manière dont Perrault à placé les équipements. En effet il a laissé cette faille uniquement pour la circulation et tous les équipements ainsi que les circulations intérieures de l’université se situent dans le sol. Perrault et Ando n’ont jamais fait référence dans leurs travaux, aux Baolis, mais 37 on remarque une forte similitude quand à la posture de certains bâtiments, dans ces différentes qualités architecturales qu’ils mettent en place et qui ne sont pas sans rappeler l’expérience architecturale qu’offre les Baolis dans ce rapport entre le sol et le ciel.
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Le rapport à l’ombre et la lumière
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Lorsque l’on étudie les Baolis, nous ne pouvons pas passer à coté d’une chose qui est primordiale, les magnifiques jeux de lumière et d’ombre qui glissent le long de parois, où dégringolent sur la multitude de marches des puits Indien. Malgré le fait que ceux ci sont enfouis dans le sol, des dispositifs lumineux leurs permettent de conduire la lumière jusqu’au plus profond du puits. Celle-ci est filtrée par de magnifiques colonnades sculptées, projetées sur les marches, puis stoppées par un palier avant de poursuivre sa route le long des pierres. Le tout ponctué et souligné par les ombres qui donnent un côté mystique aux lieux. Ces jeux d’ombres et de lumières se retrouvent dans certaines architectures également autres que les Baolis. Encore une fois nous pourrions citer le Chichu Art Museum, où un étrange jeu d’ombre et de lumière guide le visiteur tout au long du musée, des failles de lumière souligne les couloirs dans l’ombre, on monte des escaliers dans un puits de lumière puis on redescend par des pentes obscures, avec toujours ce silence religieux qui y règne. Ce jeux constant d’ombre et de lumière, mis en valeur par ce silence monacale n’est pas sans rappeler les Stepwell où l’escalier baigné de lumière, descend dans le sol le long de deux murs, ponctués par des zones d’ombres, puis la lumière resurgit comme pour guider le visiteur. Nous pouvons aussi voir le même effet au seins du Temple de l’eau à Hompuki où, comme le fait le Baolis, l’architecture est en complète communion avec la nature de part ce jeux de lumière pénétrant le long de l’escalier menant au temple. La succession d’espaces architecturaux n’est pas sans rappeler le parcours symbolique au sein
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des Baolis, entrecoupé par des colonnades, une sorte d’expérience sensorielle présente dans le Temple de l’eau. L’ombre et la lumière sont ici utilisés en tant que qualités architecturales, afin de mettre en valeur l’architecture même, ses pleins, ses vides, ses volumes, ses creux et reliefs. L’importance de l’ombre et de la lumière est bien antérieure aux Baolis, mais la manière d’emmener la lumière au fond du bâtiment, cette manière qu’a l’ombre à souligner les emmarchements, tout ceci est bien spécifique aux Baolis. Nous retrouvons un peu de cette façon d’utiliser la lumière dans certaines architectures qui pourtant ne se sont jamais référées aux Baolis.
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Bien qu’étant construits il y a des centaines d’années, les Baolis ont été pensés et réalisés selon des thèmes bien précis. Ils contiennent tous de véritables qualités architecturales qui sont propres aux Baolis. Cependant, dans certaines architectures nous pouvons retrouver ces mêmes qualités, sans pour autant qu’elles fassent références directement ou indirectement aux Baolis, ce qui prouve bien qu’aujourd’hui même, l’architecture des puits indiens est toujours actuelle et intemporelle. Les dispositifs mis en place à cette époque peuvent encore fonctionner aujourd’hui. Avec le rapport qu’a l’architecture avec le sol et le ciel, le traitement de ce même sol, afin de laisser le paysage vierge de construction et de ne pas obstruer la vue, d’enterrer certains édifices pour conserver la fraîcheur, comme les Baolis conservent la fraîcheur de l’eau, de jouer avec la lumière pour créer un véritable parcours émotionnel et sensoriel, tous ces dispositifs architecturaux font des Baolis de véritables architectures à part entière. Elles seront d’ailleurs étudiées, largement prise comme référence mais sont aussi, comme on la vu plus haut, de véritables précédents, aux qualités architecturales toujours actuelles.
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4 CONCLUSION
Bien que la plus part du temps les Baolis sont méconnus du grand public, on remarque qu’au cours des siècles, ces architectures, initialement prévues pour stocker l’eau des grandes moussons, deviennent bien plus que ça. De part leur ingéniosité technique, leur force visuelle et symbolique, les Baolis deviennent des lieux de cultes, des lieux publics et de rencontres sociales. Les Indiens accordent une importance extrêmement forte à ces puits. En effet, ils apportent l’eau nécessaire à la vie dans le Rajasthan et le Gujarat, ils sont des lieux sacrés et deviennent indispensables au fil du temps.
La magnificence de ces lieux influencera grandement les constructions musulmanes lors des conquêtes des Grands Moghol au XVIeme siècle. Il deviendront des références techniques, symboliques et culturelles pour le développement des architectures Arabes. Puis les Baolis apporteront beaucoup lors de la colonisation Anglaise du XVIIIeme siècle, où les systèmes de conservation et de transport de l’eau serviront de référence à la civilisation occidentale de l’époque. Les Baolis sont donc de véritables références architecturales, techniques, artistiques et culturelles. De plus, les Baolis sont si bien pensés dans les dispositifs qui y sont mis en place, qu’aujourd’hui encore, même si ils ne sont pas cités et revendiqués en tant que référence, on remarque que les dispositifs architecturaux sont encore tout à fait d’actualité dans certaines constructions. Tant dans leurs façon de se positionner dans le sol, ou bien de créer de véritables poésies architecturales en travaillant avec la lumière et les ombres, les Baolis deviennent des précédents dans ce domaine. Les Baolis indiens ont donc considérablement influencé l’architecture à travers les siècles, que ce soit directement ou indirectement, consciemment ou pas, ils sont de véritables précédents et références en architecture. Nous pourrions poursuivre l’étude des puits en mettant en relation les Baolis avec diverses puits à travers le monde (notamment les Pelasges des hypogees, des puits Nuragiques en Sardaigne qui présentent de très grandes similarités avec les Baolis. En mettant en corrélation ces architectures nous pourrions voir en quoi elles diffèrent selon la culture, la géographie et le climat, par exemple.
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Annexes Voici quelques croquis qui m’ont permis de mieux comprendre l’architecture des Baolis. C’est à travers un travail de redessin que ma réflexion a évoluée et il me semblait important de montrer, dans une partie annexe, les étapes de ma pensée à travers le dessin.
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INDEX N° : Description de l’image (Source, auteur) 1 : Croquis d’un Stepwell du palais royal du Rajasthan (Sylvain Bugier) 2 : Carte des différents sites des Baolis (Step to water, Morna Livingston) 3 : Plan et coupe du Vikia Stepwell, Ghumli (Step to water, Morna Livingston) 4 : Plan et coupe du Vasantgadh Stepped Pond, Rajasthan (Step to water, Morna Livingston) 5 : Coupe du Adalaj Stepwell, Gijarat (Step to water, Morna Livingston) 6 : Plan du Adalaj Stepwell, Gujarat (Step to water, Morna Livingston) 7 : Photo de l’Adalaj Stepwell, Gujarat (www.myhinduethics.com) 8 : Photo du Rani ki vav, Gujarat (www.gujarattourism.com) 9 : Photo de l’Adalaj Stepwell, Gujarat (Biren Brahmbhatt) 10 : Photo de l’Adalaj Stepwell, Gujarat (Adrien Dirand) 11 : Axonométrie coupe du Rani Ki Vav, Rajastahn (pcgladiator.blogspot.com) 12 : Plan et coupe du Ra Khengar Stepwell (Sylvain Bugier) 13 : Plan et coupe du Chaumukhi Stepwell (Sylvain Bugier) 14 : Plan et coupe du Narayan Rao’s Stewell, Gujarat (Sylvain Bugier) 15 : Radicalisation de trois types de Stepwell (Sylvain Bugier) 16 : Photo du Chand Baori Stepwell, Rajasthan (conigliogiallo.blogspot.com) 17 : Plan et coupe du Chand Baori Stepwell, Rajastahn (Step to water, Morna Livingston) 18 : Photo du Chand Baori Stepwell, Rajasthan (bldgblog.blogspot.com) 19 : Plan et coupe du Rodda Stepped Pond (Sylvain Bugier) 20 : Plan et coupe du Baggar Stepped Pond (Sylvain Bugier) 21 : Plan et coupe du Abhaneri Stepped Pond (Sylvain Bugier) 22 : Radicalisation de trois types de Stepped Pond (Sylvain Bugier) 23 : Photo du puits de Halisa Stepwell, Gujarat (Step to water, Morna
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Livingston) 24 : Plan et coupe du Narayan Rao’s Stepwell, Gujarat (Step to water, Morna Livingston) 25 : photo du bassin du palais Alwar, Rajsathan (Step to water, Morna Livingston) 26 : Plan et coupe du panna Mia Stepped pond, Rajasthan (Step to water, Morna Livingston 27 : Plan et coupe du Baggar Stepped Pond, Rajasthan (Step to water, Morna Livingston) 28 : Photo du kiosque d’entrée du Baggar Stepped Pond (Step to water, Morna Livingston) 29 : Photo des ruines du Seven-entranced Stewell, Gujarat (Step to water, Morna Livingston) 30 : Photo de l’entrée d’une citerne Anglaise, Rajasthan (Step to Water, Morna Livingston) 31 : Le Cycle, M.C. Escher, 1938 (www.mcescher.com) 32 : Relativity, M.C. Escher, 1953 (www.mcescher.com) 33 : House of Stairs, M.C. Escher, 1951 (www.mcescher.com) 34 : Photo du Chand Baori Stepwell, Rajasthan (image tirée du film «The Fall» 2006, Tarsem Singh) 35 : Photo du musée d’art Chichu, Kagawa (Ando, Masao Furuyama) 36 : Photo de l’entrée du Musée d’art Chichu (Ando, Masao Furuyama) 37 : Photo de l’université de Séoul, Perrault (www.perraultarchitecte.com) 38 : Coupe longitudinale de l’université de Séoul, Perrault (www. perraultarchitecte.com) 39 : Photo aérienne du temple de l’eau, Hyogo, Ando (Ando, Masao Furuyama) 40 : Coupe shématique du temple de l’eau (Sylvain Bugier) 41 : Photo du musée d’art Chichu, Kagawa (Ando, Masao Furuyama) 42 : Coupe shématique du musée d’art Chichu (Sylvain Bugier) 43 : Photo de l’université de Séoul, Perrault (www.perraultarchitecte.com) 44 : Coupe shématique de l’université de Séoul (Sylvain Bugier) 45 : Croquis de Tadao Ando (Ombre et lumière) (Ando, Masao Furuyama) 46 : Photo de l’autel irradié de lumière du temple de l’eau, Ando (Ando, Masao Furuyama) 47 : Photo du puits irradié de lumière, Adalaj Stepwell (Step to water, Morna Livingston) 48 : Croquis de détails d’une colonne de Baoli, étude des détails de taille de la pierre (Sylvain Bugier) 49 : Croquis d’une colonne de Baoli, étude des détails de tailles de la pierre (Sylvain Bugier) 50 : Étude d’un plan de Stepped Pond (La symétrie, la hiérarchie, la circulation et l’enceinte (Sylvain Bugier) 51 : Croquis du Panna Miyan Stepped Pond, étude du niveau de l’eau dans les Baolis (Sylvain Bugier) 52 : Croquis d’un Stepwell du palais royal du Rajasthan, étude des Kiosques musulman (Sylvain Bugier) 53 : Croquis du puits du Louise Stepwell, étude de la lumière zénithale (Sylvain Bugier)
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Au cours de l’an 600 après Jésus-Christ, on assiste à la première construction de ce qui s’appellera un Baoli. Il s’agit d’un réservoir où est stocké l’eau récoltée pendant les grandes moussons, et servira de puits pendant les périodes de sécheresse. Ces architectures très particulières, semblent à première vue, n’avoir jamais «quitté» l’Inde, au contraire de ce que nous pourrions voir au cours de l’histoire, où de grands mouvements architecturaux influenceront de nombreuses civilisations. Mais à une échelle moindre, nous pouvons constater que ces puits ont au contraire joué un rôle important dans l’histoire de certains peuples. C’est pour cela qu’à travers ce mémoire, nous essayerons de voir comment ils ont pu influencer l’architecture, directement ou indirectement, à travers les siècles, et en quoi les Baolis sont donc des précédents mais aussi des références en architecture.
In the year 600 after J.C., the first construction was built, which was called a Baoli later on. Baoli refers to a tank where water is gathered and stocked during monsoon seasons, which is used as a well during dry seasons. These very particular architectures, seem to never have ‘left’ India; whereas other great architectural movements have influenced many civilizations throughtout history. However, on a smaller scale, we can notice that these wells have played an important role in the history of some civilizations. In this paper, we will try to analyze how they have influenced architecture - directly or indirectly - throughout the centuries, and to what extent Baolis are precedents but also references in architecture.