A demain !

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A Demain! Essai autour d'un futur possible Sylvain Razemon


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Sommaire

PREAMBULE

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1. LE SENS DE L'HISTOIRE

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2. LE PARTAGE DU SAVOIR

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3. NOUVELLE CIVILISATION : NOUVELLE ORGANISATION DE LA CITE

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4. ECOLOGIE : UNE NOUVELLE HARMONIE

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5. APRES L'ETAT-NATION

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6. BOITE A IDEES

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7. CONCLUSION

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Avant propos Après avoir rédigé cet essai en mars 2019 et l'avoir amendé en mai-juin de la même année, j'ai eu diverses occasions d'en discuter du contenu avec des amis ayant des opinions différentes des miennes. J'ai été frappé par leurs réactions et de la conclusion qui en ressortait parfois : mon propos d'homme blanc de quarante ans, né d'une famille aisée dans un pays riche au climat tempéré, est souvent frappées du sceau de l'illégitimité. Lorsque je parle de "progrès de la médecine", on me rétorque "désert médicale". Si j'évoque la puissance pacificatrice de la conquête spatiale, on me répond par le manque de financement pour les aides sociales. Par naissance, je n'ai tout simplement pas le droit d'être optimiste pour mes contemporains au motif que je ne suis en pas en position de comprendre leur souffrance, réelle ou ressentie. Par la nature même de la personne qui les formule, mes analyses sont délégitimées au mieux, décrédibilisées au pire. Il s'agissait pourtant de discussions avec des amis, des personnes avec lesquelles nous éprouvons de l'affection réciproque et leurs propos étaient bienveillants par nature. Qu'en sera-t-il avec ceux qui ne sont pas mes amis ? D'ailleurs je suis persuadé que mes amis qui se disent "de Gauche", tout comme ceux qui se disent "de Droite" sont au fond bien plus Centristes qu'ils ne veulent bien l'admettre. Las, il y a beaucoup plus de panache à affirmer des convictions fortes de Gauche ou de Droite qu'à défendre la délicate idée que l'équilibre se trouve dans un fragile dosage de l'un et de l'autre. J'en conviens, cet essai ne parviendra pas à vous convaincre du bienfondé de mes théories. Ainsi, je le pose simplement là, pour les générations futures qui jugeront le bienfondé ou non de mes propos. Seul l'avenir nous dira si je me suis trompé. Ce que je souhaite surtout, c'est instiller une forme d'appétence pour l'optimisme.



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Préambule

L'Histoire retiendra que je n'étais pas prêt. J'ai suivi le Grand Débat National voulu par le Président Macron jusqu'à la dernière minute. J'ai écouté et lu ce que mes concitoyens avaient à dire avec l'intention d'en rédiger ma synthèse personnelle. Aujourd'hui 15 mars 2019, le temps est venu de rendre ma contribution sans avoir pris le temps d'en polir la rédaction, améliorer les formules ou corriger les fautes. Une version corrigée sera publiée mais si vous lisez cette édition, je vous prie de m'excuser pour les erreurs que vous y trouverez. * Autant évacuer d'amblée une question que vous vous seriez posée en me lisant : quelle est mon orientation politique ? De longue date j'ai toujours assumé être Centriste mais pendant bien longtemps, les Centristes étions considérés comme des électeurs ne sachant pas choisir ou n'osant pas assumer des opinions claires, on était centriste "pour ne se fâcher avec personne". Depuis l'élection d'Emanuel Macron en 2017, beaucoup de monde s'est finalement fâché avec nous. Beaucoup découvrent la force de caractère des Centristes. Pour ceux de gauches être Centristes c'est donc être de Droite. Pour ceux de droite être Centristes c'est être de Gauche. Les nuances du Centrisme sont difficiles à appréhender pour ceux qui s'accrochent à leurs certitudes. Pourtant les convictions et les idées Centristes sont tout aussi fortes et robustes qu'à droite ou à gauche de l'échiquier politique à une différence toutefois, elles sont plus élastiques : la ligne et l'objectif final priment sur les "marqueurs" et "totems". Chaque situation fait l'objet d'un traitement différent selon la possibilité d'arriver aussi rapidement que possible à une solution aussi efficace que possible. * Je

les ai finalement laissées, à dessein, vous lirez pourquoi plus loin.


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Préambule

Alors je définirai mon Centrisme avec un unique un synonyme : "Le pragmatisme", car la meilleure définition de l'idéologie Centriste reste justement l'absence d'idéologie. Ainsi, le Centrisme est par définition l'apprentissage de la frustration, parce qu'il est primordial de laisser une place à chacun sans jamais ostraciser ceux dont les opinions sont clairement de droite ni ceux dont les opinions sont clairement de gauche. Construire un monde où ceux de gauche et ceux de droite ne vivraient finalement pas si malheureux ensemble, voilà le péché originel du Centrisme qui le rend insaisissable pour beaucoup de mes contemporains. Maintenant que c'est dit, puissiez-vous pour autant lire cet essai sans a priori politique, les idées et points de vue que formule ici sont parfois soutenues par des partis politiques de bords bien opposés. Je ne suis ni un adulateur béat, assouvi comme pourraient le craindre des esprits plus rebelles que le mien, ni un naïf défectible imaginant que l'élection d'une unique personne suffirait à résoudre les maux du monde. Même si comme beaucoup je suis passé par une phase dans laquelle j'avais arrêté de voter (pour des raisons professionnelles j'avais arpenté les couloirs du pouvoir local et j'en était sorti écœuré), en fin de compte j'ai gardé la conviction qu'il est toujours intellectuellement préférable de donner son avis même sans être entendu que de laisser de manière complice ceux qui ont le courage de s'exprimer décider à ma place. Il y a une forme d'incongruité à dire fièrement qu'on ne participe pas à la démocratie au motif que celle-ci ne fonctionne pas. Quant au bulletin blanc (que j'ai souvent utilisé au second tour des élections Présidentielle), j'ai vite compris qu'il s'agissait d'une acceptation a priori du choix de la majorité des votants renforçant de fait le taux de participation sans rien changer au résultat final.


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Jusqu'en 2017, je n'avais jamais voté dès le premier tour pour le vainqueur d'une élection quelle qu'elle soit. Donc non seulement je n'avais jamais eu l'occasion d'être déçu par "mon" candidat (malheureusement le masculin s'impose, historiquement), mais j'ai surtout eu le temps de mesurer les déceptions successives de mes concitoyens lorsque leurs champions n'étaient pas les héros qu'ils espéraient. Par ailleurs, j'ai du mal à penser que quoi que ce soit de positif pour les générations à venir puisse sortir de la haine, la colère, la frustration et les peurs qu'agitent certaines oppositions. Malgré tous les reproches légitimes que l'on peut faire au Président Macron, et dont je ne suis pas avar moi-même, rien ne justifie les efforts démesurés de certains pour en faire le principal voire l'unique responsable de la division du Pays en cet hiver 2019. Aussi agaçant qu'on puisse juger l'autre, n'oublions jamais qu'il faut être deux pour se disputer. Pour autant, je ne mesure que trop bien l'angoisse actuelle des électeurs qui n'ont pas voté pour M. Macron au premier tour. Ils sont majoritaires, de fait, et ont le sentiment qu'une minorité décide pour eux, d'où certaines accusassions insensées de "dictature". En tout état de fait, cela explique largement le refus par beaucoup des orientations prises. En somme, cette majorité d'électeurs est dans la situation que j'ai moi-même toujours connue : "être gouverné par un pouvoir pour lequel je n'ai pas voté". Ils ne réalisent pas que jamais un Président de la Ve République n'a été élu par la majorité des électeurs inscrits1. Le sachant, j'ai toujours accepté le contrat démocratique et je n'ai jamais souhaité l'échec des pouvoirs élus dans l'espoir illusoire de démontrer la supériorité de mes idées. L'échec autant que la réussite ne peut être que collectif. C'est le sens de cet essai qui s'adresse à toutes celles et ceux qui, autant que moi, aiment confronter leurs idées pour mieux les améliorer. 1

Charles de Gaulle 1965 : 45,27% des inscrits. Src : www.politiquemania.com.


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Préambule

Le sens du pragmatisme

Ainsi, je suis un pragmatique rigoureux. J'analyse le monde tel qu'il tourne et l'accepte tel qu'il vient tant que je ne peux rien y faire. Du passé, j'en tire une conclusion, nous sommes aujourd'hui à la fin d'un temps et un monde nouveau doit éclore. Voilà l'objet de cet essai : comment régler nos boussoles avant de s'aventurer dans cet avenir changeant ? En matière de transition, enthousiasmer les convaincus ne sera pas un problème. Sans-doute alors est-il nécessaire de les frustrer provisoirement, le temps d'emmener avec soi les sceptiques. Faute de quoi, rien ne sera possible. On ne perd jamais de temps à bien s'entourer, on n'en gagne jamais à partir seul devant, quelle que fut l'urgence. Durant toute la durée du Grand Débat à l'hiver 2019, j'ai écouté, observé, lu ce que mes concitoyens avaient à proposer. Quelques idées, même opposées aux miennes, m'ont confirmé dans quelques certitudes. D'autres à l'inverse m'ont amené à revoir largement mes positions. Ainsi, l'essai présent n'est ni l'avis d'une personne isolée, ni une tentative de synthèse global du Grand Débat, mais quelques préconisations basées sur l'analyse et la prospection. Certaines s'avèreront fausses, d'autres plus avisées, je suis prêt à les remettre toutes en cause si nécessaire. Puissent les conclusions et décisions issues de ce Grand Débat être à la hauteur des enjeux. Puissent-elles être littéralement Historiques. En bref, puissent-elles être suffisamment radicales pour être efficaces et suffisamment pragmatiques pour être acceptables. Vous me trouverez parfois trop audacieux, souvent trop circonspect, je vous répondrais que je suis toujours pragmatique.


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Quoiqu'il en soit, je me garderai aussi souvent que possible d'avancer des mesures trop précises 2 . Toute décision doit pouvoir être amandée, corrigée, ajustée. Ainsi seule compte la ligne directrice et c'est le sens de mon propos.

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Je fais une exception à ce principe dans le chapitre 6. Comme tout citoyen, j'ai des idées concrètes et je souhaite les partager dans ce chapitre.



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1. Le sens de l'histoire

Pour les besoins d'un film documentaire et d'un scénario sur lesquels je travaille, je fais actuellement des recherches poussées en matière de prospective mondial et sociétal. Les recherches scientifiques et intellectuelles sur le sujet ne manquent pas et il devient relativement facile, pour qui s'y intéresse, de se faire sa propre opinion sur ce qui nous attends d'ici la fin du XXIe siècle. Volontairement, je parle avec prudence "d'opinion" pour ménager mes lecteurs et ne pas prétendre connaître l'avenir. Je peux me tromper, vous pouvez vous tromper, nous pouvons nous tromper mais si la prédiction factuelle est impossible, l'extrapolation de tendances lourdes et séculières permet tout de même de se faire une idée assez précise de ce qui nous attend. Il me semble donc essentiel de résumer en quelques mots bien trop succins le sens de l'Histoire duquel nous ne pouvons-nous extraire. Aucune décision prise ne sera durable et efficace si elle ne tient pas compte du contexte historique. D'une société à une autre

Vers 1450, le Bas Moyen-Âge se termine en Occident avec l'invention de l'imprimerie qui révolutionne la diffusion du Savoir. La société féodale est doucement – sans que la rupture ne soit brutale – supplantée par une société moderne dite "des États-Nation" (On prête à Louis XIV la phrase "L'État, c'est Moi"). Ces États-Nation se sont construits, développés, ont prospéré dans une ère industrielle dans laquelle les progrès technologiques accompli par l'Humain lui semblaient


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Le Sens de l'Histoire

supérieurs aux forces de la Nature3. Il faudra bien, c'est une évidence Historique, que cette société de l'État-Nation, notre organisation de la cité, notre civilisation, cède sa place à une autre, comme c'est arrivé à toutes les formes de sociétés depuis 3 millions d'années que l'Australopithèques est devenu Homo. Beaucoup débâtent de l'effondrement prochain de notre civilisions actuelle. Ces penseurs et chercheurs se trompent à mon sens sur deux points. D'abord, les "effondrements" brutaux de civilisations sont rares, il s'agit bien plus souvent de remplacement plus ou moins rapide d'une société par une autre. Ce n'est qu'a posteriori que les Historiens datent (de manières bien trop précise) les changements d'époques. Par ailleurs ces penseurs se trompent aussi selon moi sur l'imminence "prochaine" de cette transition. Les troubles actuels que rencontrent toutes les sociétés humaines à travers le monde ont une explication commune et universelle : la civilisation des États-Nation est d'ores et déjà terminée et nous sommes d'ores et déjà entrés dans la période trouble et incertaine de l'avènement d'un nouveau monde. La transition n'est donc pas prochaine, elle est en cours. Ceux qui la refusent sont condamnés à des années de malheur et d'angoisse jusqu'à la fin de leur vie. Ceux qui attendent un effondrement brutal mourront sans doute révoltés et frustrés. Certains choisiront peut-être de retenir une date récente pour marquer la fin de notre civilisation. Le 11 septembre 2001 par exemple est une date symbolique forte pour les plus de vingt ans, aussi forte peut-être que la chute de Constantinople en 476 qui marque la fin de l'Empire Romain. 3

Notez comme l'invention de l'ampoule électrique nous a illusoirement affranchi de la lumière du jour, à tel point qu'aujourd'hui une majorité de nos concitoyens déclare préférer vivre "à l'heure d'été" toute l'année, soit avec deux heures d'avance sur la course bien réelle de la Terre autour du Soleil.


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En réalité, le changement de civilisation a commencé au début du XXe siècle, en deux temps. Le 14 avril 1912, le Titanic, insubmersible, summum de la technologie humaine, luxueux, confortable même pour les plus pauvres selon les standards de l'époque, sombre dès son premier voyage après une collision avec un Iceberg détaché de la banquise par la fonte des glaces printanière. Ce fait divers résonne encore dans l'imaginaire collectif de nos sociétés occidentales et au-delà pour une seule et unique raison : il marque la fin d'une certitude, l'Humain ne sera jamais supérieur à la Nature, quoi qu'en rêve certains, encore aujourd'hui. Deux ans plus tard, le 28 juin 1914, sifflent à Sarajevo les premières munitions la Première Guerre Mondiale. Pour la première fois, les États-Nation arrivés à leur apogée tentent de se détruire mutuellement à l'échèle de la Planète dans une boucherie sans nom. La suite du XXe siècle n'est que la continuation de ces deux événements. La technologie a fait des progrès phénoménaux. L'Humain est allé dans l'Espace et sur la Lune, il fût un temps où vous seriez allé au bûcher rien que pour avoir prédit cela4. Pourtant ces incroyables progrès ne se sont pas fait sans provoquer de violentes réactions de la Nature. L'Iceberg fait route de collision. Dans le même temps, les États-Nations ont décliné inexorablement. En Australie ou aux États-Unis, les entreprises privées avancent plus vite que les politiques publiques en matière de production d'énergie renouvelable. Les opérateurs 4

Au passage, je crois la conquête spatiale indispensable à la survie de l'Espèce Humaine. Non pas pour trouver une Planète B, il faut préserver celle-ci, mais l'Humain doit continuer de repousser les frontières, ne pas s'arrêter pour ne pas tomber. D'autant que le coût par contribuable est dérisoire alors même que c'est un incroyable vecteur de cohésion planétaire et internationale. Au-delà de la stratosphère, les Humains de toutes nationalités coopèrent pacifiquement.


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Le Sens de l'Histoire

privés sont devenus plus efficaces et plus ambitieux en matière de technologie et conquête spatiale. Les grandes entreprises et les géants du numérique proposent à (certains de) leurs salariés des protections maladies plus performantes que les systèmes d'État. Au cours du siècle passé, les États-Nation ont été naturellement dépassés dans leurs capacités d'actions au profit d'organisations plus vastes : organisations privées lorsqu'il s'agit d'entreprises "supra - nationales" ou publiques lorsqu'il s'agit de contre balancer le pouvoir incommensurable de ces entreprises par une coordination "multi - nationale" (SDN puis ONU, OMC, HCR… Union Européenne). Les bases d'un nouveau monde

Au début du XXIe Siècle, l'Humanité sort de deux Révolutions majeure. La première révolution s'est produite au milieu du XXe Siècle. Pour la première fois de son Histoire, l'Humain n'est plus en danger de disparaître par un risque de sous-population. L'hygiène et la médecine ont sorti (provisoirement ?) l'Humain de la nécessité absolue de se reproduire en masse pour assurer la survie de l'Espèce5. Cela bouleverse nos sociétés jusque dans nos valeurs morales qui notamment jusqu'ici bannissaient tout comportement social qui n'allait pas dans le sens de la reproduction de l'espèce. Depuis plus de 300.000 ans que l'Homo est Sapiens, la nécessité absolue de la reproduction de l'espèce s'était imposée comme boussole des valeurs morales et sociétales. Voilà donc seulement cinquante ans que l'Humain s'est affranchi de cette 5

Dans les années 2000, les épidémies de SRAS, Ebola, H5N1 ou même le SIDA n'ont en rien entamé la croissance de la population mondiale. Le développement de ces virus ressemble à des tentatives de la Nature, pour le moment infructueuses, de réguler par voie médicale le développement hégémonique de l'Humain. Il y aura d'autres tentatives et l'emploi d'autres moyens mais à l'échèle des temps géologiques, un jour viendra forcement où la Nature se débarrassera de l'Humain comme d'autres espèces dans le passé.


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contrainte. Si les frontières (administratives) sont menacées, notre espèce ne l'est plus. Or on n'efface pas 300.000 ans d'évolution en 70 ans de transition. La résistance farouche de certains à accepter de nouvelles règles de société, d'autres modes de vie et d'autres frontières ne s'explique pas autrement. La seconde révolution majeure s'est produite en 2007. Une société supranationale commercialise le premier "Smartphone". L'iPhone d'Apple et ses concurrents ont bouleversé la diffusion du savoir (et du contre-savoir) bien plus encore que ne l'avait fait l'imprimerie à la fin du Moyen-Âge. Toutes les connaissances du monde sont désormais stockées directement dans votre poche et actualisées en temps réel. Conclusion, en extrapolant les courbes que semble suivre l'Histoire des sociétés Humaines, l'avenir à moyen ou longterme réorganise notre société autour de sphères plus restreintes pour une gestion plus souple et plus participative de nos vies quotidiennes d'une part (Communes, Département, Régions.) ; et d'autre part des sphères beaucoup plus vastes pour gérer les relations entre humains sur toute la Planète Terre (Union d'États, Assemblées Internationales, Organismes de Régulation.) Entre les deux, n'en déplaise à certains, l'ÉtatNation qui est une création de l'après Moyen-Âge, servira d'abord d'outil d'articulation avant, sans doute, de disparaitre complètement ou s'atrophier singulièrement. La Nation qui est la nôtre n'a pas toujours existé et n'existera pas pour toujours. Je ne dis pas que je souhaite la disparition de ces États-Nations, mais je la crois inéluctable. Nul doute que cela est de nature à renforcer les angoisses auxquelles certains répondrons certainement par du scepticisme voire une certaine virulence. N'oublions jamais que cette peur de la disparition et de la dissolution conduisit à une nécessité de démontrer la supériorité ancestrale et inaltérable


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Le Sens de l'Histoire

de la race arienne. L'érosion de l'État-Nation avait été l'un des moteurs principaux du Nazisme en Europe au milieu du XXe siècle, lorsque la transition ne faisait que commencer. Loin de moi l'idée de dresser des parallèles hasardeux ou de jouer sur une peur du retour du Nazisme. Au contraire, le Nazisme était une forme primitive de résistance au changement. Cette résistance prend et prendra d'autres formes à l'avenir. Je note simplement que la peur de l'inconnu pousse parfois l'humain à des comportements irrationnels. Or celui qui ne tiendrait pas compte des tendances du passé ne peut espérer que ses proposions puisse améliorer durablement le fonctionnement de nos sociétés. Beaucoup ont peur de ce monde nouveau, d'autres aussi nombreux ont peur de se le faire voler et certains, peu nombreux, veulent effectivement se l'accaparer. Aider à l'émergence de ce nouveau monde c'est ménager un équilibre délicat entre les sceptiques, les peureux, les révoltés, les cyniques et les enthousiastes. Puisqu'un monde s'en va, il convient aujourd'hui de poser les bases de quelque chose tout aussi fort, tout aussi puissant, tout aussi enthousiasmant.


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2. Le partage du Savoir

Depuis la nuit des temps, le fonctionnement d'une société d'humains nécessite des lois, tacites ou explicites. Dans nos sociétés modernes, la mère de toutes les lois, c'est la Constitution. Or sous la pression de l'urgence climatique et transformations rapide qu'elle impose, nos lois et Constitutions manquent de souplesse et sont aujourd'hui malmenées. Ainsi, théoriquement, mes deux premiers sujets d'étude auraient dû être dans l'ordre la réponse à l'urgence climatique puis la rédaction de notre future Constitution. Mais il n'y a pas d'avenir sans jeunesse et la jeunesse n'a pas d'avenir sans Savoir. C'est la première de toutes les richesses et chaque génération capitalise sur le Savoir acquit par la génération précédente. Que ce Savoir soit disponible sans délais depuis votre Smartphone ne préjuge en rien la capacité de chacun à le comprendre et en faire bon usage. C'est pourquoi mon premier point sera celui essentiel de l'éducation au sens de l'apprentissage du Savoir. Apprendre, ou savoir apprendre ?

Comme il est rappelé en préambule, l'accès à la connaissance a été bouleversé ces dernières décennies. Le stockage de la connaissance est la donnée déterminante. Les livres avaient jusqu'au XXe siècle le monopole de ce stockage. Ceux qui avaient accès aux livres avaient accès au Savoir. Ceux qui savaient reformuler ce que les livres nous apprennent, transmettaient les connaissances aux nouvelles générations qui


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Le partage du Savoir

se les appropriaient. Depuis le Moyen-Âge 6 (La Sorbonne, 1250), c'est ainsi que fonctionne notre système éducatif. Or depuis les années 1990, internet à bouleversé le stockage du Savoir. Et depuis 2007, les Smartphones ont permis un accès permanant à ce stock. Qui d'entre vous archive encore les résultats de ses recherche internet? Mieux, qui d'entre vous les imprime encore? Combien de fois recherchez-vous sur le net la même recette de cuisine? La même date Historique ? La même solution informatique? La même technique de bricolage? La question de l'enseignement n'est donc plus d'apprendre une connaissance ni même "où trouver" cette connaissance, mais plutôt "comment analyser et comprendre cette connaissance" et surtout "comment l'appliquer". Même si ce n'est pas mon métier principal, je donne moi-même des cours dans l'enseignement supérieur depuis plus de dix ans en tant qu'intervenant professionnel. En 2005 encore, je devais enseigner des techniques que les étudiants d'aujourd'hui connaissent déjà de manière plus ou moins précise. Les étudiants d'aujourd'hui ont avant tout besoin d'être accompagnés dans leurs pratiques, aiguillé dans l'utilisation de ce qu'ils pensent déjà savoir. Certes cela s'entend pour la matière technique et concrète que j'enseigne, l'audiovisuel mais il en va de même pour tous les Savoirs, même si cela heurte l'orgueil de certains enseignants ou professionnels diplômés. Je ne suis pas des mieux placé pour déterminer en quelques lignes ce à quoi doit ressembler l'enseignement du futur. Ce qui est certain c'est qu'il faut maintenant décalcifier des méthodes profondément enracinées dans les esprits depuis plus de huit 6

Une théorie récente et séduisante prétend que l'enseignement actuel est une invention de l'aire industrielle pour avilir les masses et en faire des exécutants dociles prêt pour le travail à la chaîne. L'histoire montre que nos archaïques méthodes d'enseignement sont, malheureusement, bien plus anciennes.


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cent ans. Mieux encore, il faut donner à cet enseignement la souplesse nécessaire pour s'adapter constamment aux évolutions permanentes de la diffusion du Savoir. La multiplication récente des reformes de l'enseignement est la preuve ultime de ce besoin de souplesse. Pour cela, il convient de faire remonter au mieux les idées venues du terrain. Les enseignants au contact des élèves sont les mieux placés pour comprendre et innover en matière d'apprentissage et d'évaluation. D'une année sur l'autre, ils sont en mesure d'ajuster les méthodes utilisées en fonction des résultats obtenus eut égard aux résultats escomptés. Plutôt que d'adapter l'ensemble du système éducatif par de fréquentes et lourdes réformes systémiques, il faut permettre plus d'autonomie de l'enseignant et donc fixer un cadre moins strict. Plus certainement, il faut en réalité plusieurs cadres différents pour répondre aux besoins variés de futures générations très hétéroclites. Pour définir ces nouveaux cadres, Je préconise d'organiser l'équivalent d'un Grand Débat au sein de l'Éducation Nationale et de l'enseignement supérieur pour mettre en place un nouveau système éducatif dans des cadres moins rigides. Sortir de la logique de la note

L'appétit vient en mangeant, il donc faut donner l'envie d'apprendre un peu avant d'enseigner beaucoup. Je n'ai aucun doute sur le fait que les ajustements inventés par les enseignants eux-mêmes conduiront à deux tendances lourdes : un apprentissage plus ludique, moins universel (on assimile mieux quand apprend en s'amusant) et la disparition des notes. Je récupère en milieu universitaire des étudiants qui, à l'issue de 15 ans d'enseignement scolaire, ont une excellente stratégie pour obtenir la meilleure moyenne possible mais aucune stratégie pour acquérir le meilleur Savoir. Si l'une ne leur sera


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Le partage du Savoir

d'aucune utilité pour le reste de leur vie, l'autre leur fera cruellement défaut une fois leurs diplômes reçus. La note scolaire ou universitaire, censée faciliter les équivalences entre plusieurs enseignements, est un piège car la capacité à agréger des Savoirs divers pour faire surgir des idées nouvelles et inattendues ne peut, par définition, pas être notée. Exemple à la première personne

En lisant ces lignes, vous avez certainement une illustration patente des failles de notre système éducatif. Le littéraire que je suis, amoureux des mots et des livres (papier) est incapable d'écrire un texte sans commettre de nombreuses fautes d'orthographe. "Deux fautes par caractère, espaces compris" ai-je pris l'habitude d'ironiser. Je me suis fait taper sur les doigts pendant toute ma scolarité. Comme je connais les règles d'orthographe et de grammaire par cœur, on m'expliquait que je ne faisais pas d'effort, que je ne me relisais pas. On m'a puni par de mauvaises notes sur des devoirs parfois très bons. Vous n'avez pas idée du nombre de relectures que j'ai faites du texte que vous lisez, de tous ces participes passé remplacés par "prendre" au point d'en perdre le sens du texte… Je n'ai aucun intérêt à détruire mon propos par quelques fautes mal corrigées. J'en suis certain, il n'en reste aucune (sic.) Aujourd'hui j'en veux à mes enseignants qui m'ont longtemps culpabilisé pour mes fautes d'orthographes sans autre méthode pour m'aider à les identifier ou ne pas les commettre. Unique priorité

Une génération sans Savoir est une génération sans avenir. S'il y a des arbitrages budgétaires à faire, quelle que soit l'urgence du moment, ceux-ci doivent toujours être favorable à l'enseignement des générations futures. C'est pourquoi l'éducation était le premier chapitre de cet essai en dépit de toutes les autres urgences.


3. Nouvelle Civilisation : Nouvelle organisation de la cité

Crise de la démocratie ou système inadapté ?

Au plus fort de la crise des gilets jaunes, j'ai lu de nombreux messages internet de personnes disant "haïr" monsieur Macron. Je me demande encore comment ils peuvent éprouver un tel sentiment négatif envers quelqu'un qu'ils ne connaissent pas. Pour moi, qui le soutien, il serait totalement incongru de prétendre que je l'aime ! Peut-on haïr un inconnu? Certains confondent les décisions qu'ils réfutent avec les personnes qui les prennent. Donc quand nos concitoyens disent ne plus avoir confiance dans la classe politique, j'analyse surtout qu'ils se méfient des raisons pour lesquelles sont prises des décisions parfois impopulaires et pourtant souvent justifiées. Même si les tensions semblent hautement personnalisées ces derniers temps, notamment envers le Président lui-même, il s'agit moins d'une affaire de personnes qu'une défaillance de l'acceptation de leurs décisions. La Ve république repose sur l'acceptation, le temps d'un mandat, de toutes les réformes proposées par un pouvoir exécutif choisi par une majorité de suffrages exprimés, amandées par une opposition (politique ou sociale) et approuvées par un pouvoir législatif représentant le Peuple. C'est déjà en soi une inversion des rôles dans par rapport à l'étymologie même du mot "démocratie" mais de surcroîts de nombreux facteurs ont contribués ces dernières décennies à diluer cette acceptation. Le plus sournois de tous étant un piège paradoxal de la démocratie représentative.


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Nouvelle Civilisation : Nouvelle organisation de la cité

Des candidates ou candidats se présentent aux électeurs en proposant "les solutions aux problèmes", limitant le rôle du citoyen dans la réussite de ces solutions au simple choix "du bon candidat" le jour de l'élection. Le temps d'une campagne électorale, les problèmes sont vulgarisés, simplifiés et les solutions proposées le sont tout autant. Personne n'est vraiment dupe à ce stade : ni les candidats qui, sauf pure naïveté, savent que l'exercice du pouvoir leur demandera des compromis avec leurs engagements ; ni les électeurs qui, sauf pure naïveté, pressentent lorsqu'une promesse est trop simple pour être sincère. Pourtant le jeu de dupe s'installe. Les élus rognent leurs promesses, les électeurs s'offusquent, les oppositions en jouent pour gagner à leur tour les suffrages, fortes de leur supposée supériorité intellectuelle. Et le cycle s'engage. Les uns acceptant naïvement que les autres se posent en protecteurs (au choix, protecteurs contre la pauvreté, contre l'insécurité, l'immigration, la domination, la maladie, contre le monde extérieur, voire protecteurs de la démocratie…) La démocratie représentative, qui ne manque pas de qualité, souffre d'un défaut majeur : infantiliser les uns, surresponsabiliser les autres. Dans ce jeu de poker-menteur, les citoyens sont tout autant responsables de la situation que leurs élus. Il semble que la réussite collective ait un coût intellectuel et cognitif bien trop lourd pour les individus. Mieux vaut avoir tort collectivement mais raison individuellement. Un échec collectif reste intellectuellement plus acceptable qu'un renoncement à ses opinions, fut-il source d'une réelle réussite. Vient ensuite un principe énoncé par Tocqueville : "Le désir d’égalité devient toujours insatiable à mesure que l’égalité est plus grande". Ainsi, plus un système approche d'une forme de réussite, moins ce qu'il reste d'imperfection, ou d'échec, est acceptable. Une réussite imparfaite est perçue par les citoyens comme un échec et renforcé comme tel par les


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oppositions. Lorsqu'une société a comblé tous les besoins primaires, le progrès vers un idéal ne se fait que de manière marginale, avec toute la frustration que cela engendre. Les décisions prises semblent perpétuellement insuffisantes et insatisfaisantes. L'imperfection devient inacceptable, tout comme les décisions politiques forcement imparfaites. Le citoyen se frustre de ne pas avoir lui-même le contrôle de ces décisions. "On ne veut pas débattre, on veut décider". Le "système" (le collectif) est en échec permanent et pour cela les individus électeurs blâment les individus élus. Même au plan local pourtant encore bien épargné, les électeurs s'impatientent de ne pas être mieux associés aux décisions de leurs maires entre deux scrutins. L'époque où les édiles avaient tout pouvoir le temps de leurs mandats est d'ores et déjà révolu. Il va sans dire que cette difficulté d'acception se décuple à chaque échelon électoral jusqu'au niveau National7. Le consommateur consume le Citoyen

Les revendications récentes autour du référendum d'initiative citoyenne (RIC) sont le symptôme le plus criant (et selon moi une réponse trop simple à un problème trop complexe) des difficultés inhérentes à la démocratie représentative. Du plus vindicatif au plus modéré, tous les Citoyens – par ailleurs consommateurs – sont aujourd'hui habitués par internet à donner leur avis, voter, noter, commenter, débattre, partager et avoir un retour quasi immédiat voire un remboursement le jour même en cas de mécontentement. Dans un paradoxe parfaitement dissonant, même lorsqu'ils se disent anticapitalistes, les droits que les 7

Surexploitant les failles condamnables de notre démocratie, certains s'amusent à propager l'idée que nous serions déjà dans une forme de dictature ou d'oligarchie. A trop manier les idées nocives, on en devient toxique. Je les invite à regarder de près les "démocraties non libérales" à l'Est et au levant.


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multinationales accordent à leurs clients, les Citoyens le réclament pour leurs démocraties comme si les uns étaient clients (les électeurs) et les autres fournisseurs (les élus). Or chacun sait que le client est Roi. On m'opposera sans nul doute que le RIC est au contraire un outil pour que le citoyen devienne acteur de la décision. Mais accordez-moi que chacun d'entre nous soutien au moins une mesure, une loi, une décision d'intérêt général qui pour exister devra être imposée à tous pour contraindre les réfractaires ou les tricheurs. En attendant que les partisans du RIC ne fassent la démonstration que de telles mesures peuvent êtres prise sans ballotage et sans contestation par démocratie directe, je continue de penser que le RIC a autant de limites que la démocratie représentative (abstention, bulletins blanc, représentativité, contestation…) Le principal avantage du RIC est d'abord de réduire la distance entre les électeurs et les instances exécutives, c'est pourquoi je le vois comme l'expression citoyenne du service client. L'appel au Peuple

Pour autant, il est parfaitement légitime de chercher à redonner à chacun un contrôle plus direct sur les décisions qui le concernent. Mon opposition au RIC n'est pas une bête opposition à la démocratie directe. La Démocratie peut être fragile parfois, mais elle n'est faible que lorsqu'elle a peur du Peuple. Inversement, tout ce qui se fait ou se décide sans craindre ni la foule ni le Peuple est une démonstration de l'écrasante supériorité de la Démocratie sur toute autre forme de pouvoir non libéral. Aussi intelligentes soient les propositions issues du Grand Débat, aucune ne pourra être mise en œuvre de manière efficace sans une adhésion massive du Peuple… quasiment introuvable même par referendum, fut-il d'initiative citoyenne. C'est cette adhésion qu'il faut restaurer.


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Lors de la campagne électorale 2017 Monsieur Mélenchon a fait une proposition qui ressemble à celle que je fais plus loin. Mais pour que cette proposition réussisse, il faut la mener à bien dans le calme, la sérénité et l'impartialité. Faute de quoi, le résultat pourrait s'avérer désastreux et contre-productif. Je crois à la modération, la tempérance et la méthode. Même si je partage certains de leurs constats, je crains les extrêmes quels qu'ils soient. Dans l'Histoire, ceux qui ont agité les colères n'ont jamais su reprendre le contrôle, l'ordre et la sérénité de la situation. Au point que les peuples à la recherche d'une sérénité perdue ont souvent plébiscité le retour de régimes autocratiques, moins soucieux des libertés mais plus sécurisant et excessivement ordonnés. Le combat pour la démocratie est sans fin. Au risque de brusquer leurs électeurs, je note que les ressorts électoraux de ces partis extrêmes consistent bien souvent à théoriser l'opposition d'une fraction du Peuple à une autre qui lui serait de facto hostile, voire intellectuellement inferieure. S'il y a des insoumis, c'est qu'il a des soumis. S'il y a des partisans d'un Rassemblement National c'est qu'il y a des partisans d'une dispersion Nationale. Jusque dans leurs noms, ces partis implantent non sans paradoxe une vision du monde peu propice à l'unité qu'ils prétendent défendre et à laquelle pourtant nombre de leurs électeurs aspirent légitimement. Inversement, je constate avec amusement que les deux grands partis Américains sont les "Républicains" et les "Démocrates"… deux synonymes, voilà une belle idée Centriste. Changement de paradigme

Lorsque je force le raisonnement jusqu'à son paroxysme, et si l'on écarte l'idée d'un passage douloureux par un Etat totalitaire, je ne vois qu'une solution pour rendre à la


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Démocratie tout son éclat. Il faut redéfinir ensemble "qui décide quoi, comment et quand". Chaque Citoyen n'adhéra à une décision que s'il a le sentiment d'y avoir été dument associé. Cela nécessite de trouver le bon équilibre entre démocratie directe, démocratie participative et démocratie représentative, en évitant tout excès dans un sens ou un autre. Quels sont les rôles exacts des Maires, des Assemblées, du Président de la République ? Quelles Assemblées faut-il ? Comment les élire ? Quelles décisions peuvent être prises, sans dérives, par la démocratie directe ? Quelles mesures doivent être soumises à la démocratie participative ? Quelles orientations sont du ressort de la démocratie délibérative ? Et enfin quelles prérogatives sont réservées à la démocratie représentative ? Je ne parle pas ici de mener une réforme Constitutionnelle uniquement axée sur une dose de proportionnelle, une fusion de chambres ou une réduction du nombre de parlementaires… Il s'agit de rédiger une nouvelle Constitution à partir d'une page blanche. Évidemment pour les mêmes raisons que celles qui rendent nécessaire cette nouvelle Constitution, il serait contre-productif de demander au Peuple de ratifier un projet rédigé sans lui par un groupe de spécialistes. Pour garantir son bon fonctionnement, les Citoyens doivent adhérer au futur système. Et pour garantir leur adhésion, il faut susciter leur implication dans la rédaction de cette nouvelle Loi Fondamentale. Élire une Assemblée Constituante.

Mon idée est ni plus ni moins que de proposer aux Françaises et aux Français d'élire les rédactrices et rédacteurs de la future Constitution. Bien sûr, j'ai des idées précises sur le contenu approprié de cette future Constitution et j'en évoque certaines plus loin. Cependant, je ne peux pas suggérer de


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confier à une Assemblée la rédaction d'une nouvelle Constitution tout en présupposant le contenu final. Pour assurer un processus non partisan et un résultat universel, la rédaction de cette Constitution doit se faire dans des circonstances garanties par un pouvoir régalien, élu et modéré. PREALABLE

Le processus décrit ci-dessous ayant pour but de garantir la légitimité absolue et incontestable de la future Constitution, il fait nécessairement plusieurs fois appel au vote de l'ensemble des électeurs. Il devient donc indispensable de simplifier préalablement les modes de scrutin. Je suggère de rendre possible le vote électronique de sorte que les Citoyens puissent se rendre dans n'importe quel bureau de vote pour s'exprimer. Dans chaque bureau de vote il y aurait ainsi des urnes classiques traditionnelles et "rassurantes" (sic), des urnes électroniques pour les électeurs locaux et une urne électronique pour les électeurs hors de leurs circonscriptions. Ces urnes ne doivent pas être connectées, les votes sont collectés sur un disque dur local. Il serait bon d'envisager une carte d'électeur à puce et à code permettant le vote électronique et la possibilité de voter hors de son bureau de vote sans passer par une procuration. Comme aujourd'hui, son usage serait contrôlé par des assesseurs, munis d'une contre-carte électronique. La paix et la stabilité.

Même malmenée, la Constitution de la Ve République continue de fonctionner. Si sa rigidité est une faiblesse objective, sa robustesse est un atout dont il ne faut pas se départir trop vite. Elle doit continuer à s'appliquer pendant le temps de rédaction du nouveau système. Les institutions actuelles doivent continuer de fonctionner. La vie publique Française telle qu'elle est réglée par nos lois fondamentales


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actuelles doit continuer à son rythme jusqu'à la validation de la nouvelle Constitution (élections locales et nationales, vote des lois, fonctionnent des institutions, etc.) Le travail de l'Assemblée des Rédactrices et des Rédacteurs 8 doit se faire en parallèle et en dehors des institutions actuelles le temps nécessaire à la validation de la nouvelle loi fondamentale. Ainsi, l'existence de cette Assemblée Constituante n'empêche en rien la mise en œuvre – selon les modalités actuelles – de réformes Constitutionnelles nécessaires à la modernisation, forcement temporaire, de la Ve République. Le dernier référendum organisé sous la Ve République peut servir à faire valider par les Français le principe d'une nouvelle constitution rédigée par une Assemblée Constituante. REPRESENTATIVITE ET LA SOBRIETE.

L'Assemblée Constituante doit être suffisamment large pour représenter le Peuple et suffisamment restreinte pour permettre des travaux constructifs. Il convient de garder un lien direct avec les collectivités locales pour que chacun se sente géographiquement proche des Rédacteurs élus (ce qui exclut de fait le scrutin purement proportionnel) tout en permettant à chacun de se sentir proche idéologiquement d'au moins une Rédactrice ou d'un Rédacteur (ce qui exclut le scrutin purement majoritaire). Enfin chacune et chacun, même sans expérience, doit pouvoir être candidat sans être dépendant d'un parti ou d'une organisation (ce qui exclut le scrutin par liste).

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Le terme "rédacteur" n'est pas neutre et son pluriel semble exclure la féminisation de la fonction. Il conviendrait de le remplacer par un nom plus ouvert, non genré, ce que je n'ai malheureusement pas fait ici pour ne pas alourdir plus encore la lecture d'une proposition complexe.


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Reste le scrutin égalitaire à la manière du Sénat aux ÉtatsUnis d'Amérique : chaque Département9 est représenté dans la future assemblée par trois binômes –1 Rédacteur et 1 Auxiliaire– arrivés en tête du scrutin, quels que soient leurs scores. Pour 101 départements, cela forme une assemblée de 303 Rédacteurs (et 303 auxiliaires). Chacun et chacune peut être candidate selon des règles de financement et d'accès aux médias (nationaux et locaux puisque le scrutin est départemental) qui garantissent une véritable équité. Le résultat est annoncé en pourcentage des inscrits (ce qui de facto tiens compte de l'abstention et des bulletins blancs- cf note 15). Si dans un Département le taux de participation est inférieur à 51% des inscrits, le scrutin est annulé, les candidats ne peuvent se représenter (ni même en tant qu'auxiliaire d'une ou d'un autre candidat). Un nouveau vote est organisé sans quorum. EFFICACITE.

L'assemblée des 303 Rédacteurs devra s'organiser en comités pour travailler sur l'ensemble des aspects de la future Constitution. A la différence de commissions de l'actuelle Assemblée Nationale, les comités de l'Assemblé de Rédacteurs ne sont pas formellement spécialisés et les 303 Rédacteurs doivent pouvoir changer de comité. Chaque comité consulte des spécialistes et professionnels extérieurs comme bon lui semble mais la liste de ces consultants est publique tout comme les compte-rendus de réunions.

9

Le Département est une entité administrative historique amenée à disparaître, je l'évoque plus loin. Pourtant nos concitoyens y sont encore très attachés. Il n'y a donc aucune contradiction à s'appuyer dessus pour la rédaction de la future Constitution.


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Pour animer cette assemblée de 303 Rédacteurs, il n'y a pas de président au sens de l'Assemblé National actuelle mais une Coordinatrice ou un Coordinateur qui n'a aucun rôle rédactionnel, aucun rôle politique ni aucune attribution autre que celle d'administrer et animer les travaux de l'Assemblée Constituante. Le processus de désignation de cette personne devra garantir sa neutralité. N'ayant qu'un rôle d'animation, il serait bon qu'elle ne soit tout simplement pas issu des 303 élus. Il est strictement impossible de cumuler un siège de Rédacteur avec toute autre responsabilité publique dans quelque assemblée que ce soit, même au sein d'un conseil municipal. Ainsi les personnes élues sont identifiées par les électeurs en tant que Rédactrice ou Rédacteur sans confusion possible. UNIVERSALITE

Outre la possibilité pour n'importe quelle Citoyenne ou Citoyen d'être élue à cette Assemblée, le fonctionnement de cette dernière doit permettre l'existence de forums (réels et virtuels) permettant aux Citoyens non-élus de donner leurs avis sur les travaux en cours et soumettre des idées directement. LE TEMPS LONG.

Le processus décrit ci-dessous s'étale sur 6 ans (jusqu'à 8 ans au maximum). Au chapitre 5, j'explicite pourquoi je préconise une telle complexité. A l'échèle du siècle à venir, à la vue des enjeux et de l'ambition de rédiger un texte Constitutionnel qui suscite une large adhésion des Citoyens, ce long processus reste tout à fait raisonnable. La ratification d'une nouvelle Constitution ne doit pas se faire dans une précipitation conjoncturelle. Une assemblée élue par un scrutin égalitaire produira certainement des résultats inattendus. Pour assurer un équilibre juste, il me semble bon de s'inspirer des accords de Matignon de 1988 pour la résolution du conflit en Nouvelle Calédonie. L'intelligence de ce processus était de


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donner un temps long pour résoudre un problème complexe et de prévoir une ratification en plusieurs étapes. Pendant le temps où se prépare cette élection, des professionnels, juristes ou spécialistes préparent les outils (formations, voyages à l'étranger, synthèses…) nécessaires aux travaux de l'Assemblée élue. Il ne s'agit pas d'orienter ou de diriger les travaux, mais de documenter et fluidifier les débats. LA PREMIERE ASSEMBLEE.

Ainsi est élue la première Assemblée Constituante pour un mandat de trois ans maximum durant lequel les Rédactrices et Rédacteurs s'accordent sur un projet de Constitution. A l'issu de ces trois ans (ou moins selon l'avancée des travaux), les 303 Rédacteurs, leurs auxiliaires en poste ou d'autres citoyens se constituent librement en listes nationales. Ces listes prennent position selon leur approbation ou non du texte Constitutionnel proposé par les 303. Les électeurs sont alors appelés à voter pour chacune de ces listes et donc indirectement à marquer leur accord ou désaccord avec le texte proposé. Si le quorum est atteint, une deuxième Assemblée Constituante est élue, réduite d'un tiers et ne comptant plus que 202 Rédacteurs au total. LA DEUXIEME ASSEMBLEE.

Cette deuxième élection est nationale et la répartition dans la nouvelle assemblée est parfaitement proportionnelle aux résultats du vote donc représentatif du degré d'adhésion des électeurs au texte proposé. Ces résultats sont toujours annoncés en pourcentage des inscrits mais cette fois les votes blancs sont comptabilisés. Si ces votes blancs sont majoritaires en pourcentage des inscrits au niveau national, l'assemblée des 303 est renvoyée à ses travaux pour un an.


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Si le quorum est atteint, la nouvelle assemblée des 202 entame pour deux ans ou moins un travail de relecture et d'amendement. Une coordinatrice ou un coordinateur est à nouveau désigné LA TROISIEME ASSEMBLEE, RATIFICATION.

A l'issue des deux ans (ou moins), le processus se répète une troisième et dernière fois pour élire cette fois une Assemblée de Ratification composée de 101 Rédacteurs (1 par Département). Cette fois-ci l'élection est Départementale, uninominal majoritaire à un tour (1 représentant par Département). Le résultat est toujours annoncé en pourcentage des inscrits. Si le meilleur score ne dépasse pas 30% des inscrits ou si le vote blanc est majoritaire en pourcentage des inscrits, l'élection est annulée dans le Département concerné. Une nouvelle élection est organisée avec de nouvelles candidates ou candidats dans le Département concerné, les anciens Rédacteurs sont de facto révoqués. Chaque Département est ainsi finalement représenté par un ou une seule Rédactrice chargée d'amender et de ratifier le texte définitif. Une fois complète, cette assemblée fera une dernière relecture et votera les derniers amendements du texte Constitutionnel qu'elle devra approuver à la majorité absolue dans un délai d'un an maximum. Sans approbation à la majorité absolue, le texte est soumis aux Citoyens par trois référendums maximum. En cas d'approbation dès le premier référendum, le texte doit faire l'objet d'un second vote dans les deux ans. En cas d'approbation au deuxième référendum, le texte est adopté définitivement. En cas de réprobation, au premier ou au second référendum, l'assemblée des 101 se réuni à nouveau pour amender le texte. S'en suit une série de votes par cette même assemblée sur le modèle de l'élection Papale jusqu'à l'adoption d'un texte définitif à la majorité absolue.


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La Liberté Guidant le Peuple

Sans-doute êtes-vous déconcerté par la complexité du processus que je propose. Je pense pour autant qu'il n'en faut pas moins pour garantir que chacun se sente concerné et adhère aux nouvelles dispositions adoptées. J'y reviens au chapitre 5. En 1787, l'une des Constitutions des plus abouties a été rédigée de l'autre côté de l'atlantique dans une soif de démocratie qui rayonnait depuis la France, pays des Lumières. Cela a pris dix ans, puis "La Liberté Guidant le Peuple" s'est installée sur les rives de l'Hudson River un siècle plus tard. En ce premier quart du XXIe siècle, il est temps de raviver la flamme dans le pays où elle naquit.


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Écologie : Une nouvelle harmonie


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4. Ecologie : Une nouvelle harmonie

"Vous avez détruit notre monde" a dit un jour mon neveu à sa Grand-Mère. C'est aussi un peu ce que me disent certains de mes étudiants. Cette accusation lourde de sens qui tient en cinq mots mérite d'être analysée. Commençons par la fin. "Notre monde" C'est peut-être nous chasser un peu trop vite, nous les ancêtres de plus de 30 ans. Nous sommes encore là. Et quels que soient nos âges on ne peut ni ne doit exclure aucun vivant de ce monde qu'il soit humain ou animal, si tant est que la distinction soi pertinente. Que l'avenir appartienne aux jeunes, c'est une évidence que je rappelle dans mon premier chapitre sur l'éducation; mais il n'y a pas d'avenir sans passé. Les connaissances actuelles sur l'état du monde, le ciblage des solutions aux problèmes que nous rencontrons ne viennent-ils pas directement des travaux des générations précédentes ? D'ailleurs qui parle de "détruire" ? Depuis 2014 le trou de la couche d'ozone dû aux gaz CFC semble se stabiliser voire se résorber. Quelle génération a pris les décisions pour permettre ce résultat ? Avant elle, quelle génération a permis d'identifier ce trou ? Quelle génération a mis en place un traité de protection de l'Antarctique (aujourd'hui régulièrement menacé) ? Avant elle, quelle génération a permis la découverte et la compréhension de ce formidable continent de glace ? Quelle génération a mis fin au massacre des baleines pour la production d'huile domestique ?


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Écologie : Une nouvelle harmonie

Ainsi de suite, à rebours dans le temps, les progrès du passé sont les obsolescences de demain. Chaque génération a relevé des défis laissés par les précédentes et commis des erreurs que les suivantes ont dû réparer. Il est encore temps d'agir. Et enfin, le "Vous" Âpre et accusateur au début de la phrase, il faudrait commencer par définir qui est le "vous" en question et donc en creux définir le "Nous" qui lui fait opposition. On se rendrait compte bien vite que dans ce "Vous" certaines et certains se démènent sans compter pour sauver le monde. De même que dans le "Nous" corolaire, rare sont ceux qui sont assez vertueux pour être exempts de reproches. Et puis les vertueux d'aujourd'hui seront inévitablement les cibles des reproches des générations futures. L'accusation est facile, l'introspection plus compliquée surtout quand on mesure la dépendance des jeunes générations aux terres rares qu'il faudra bientôt aller chercher au fond des mers. Chaque génération relève un défi laissé par les générations précédentes et soulage les générations suivantes des défis qu'elle remporte. Les générations précédentes n'ont pas détruit le monde, elles ont vécu de manière insouciante dans un monde imaginaire où le progrès est supérieur à la Nature. Plus que le monde, c'est cette illusion qui est détruite. Et plus qu'une accusation, ce que révèle cette adresse des générations nouvelles, c'est leur amertume d'avoir été bercé par cette illusion et de devoir y renoncer. L'Humain ne vivra pas en harmonie avec la Planète Terre sans être en harmonie avec les autres membres de sa propre espèce et en particulier entre générations. Cette harmonie ne signifie pas que nous mettrons un jour fin aux conflits, aux oppressions, aux abus, mais les humains de bonne volonté ne doivent pas s'opposer à d'autres tout autant engagés, eussent-ils des opinions divergentes sur les solutions à mettre en œuvre. Ainsi cette harmonie est peut-être autant l'affaire de chacun que l'affaire de tous.


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La Terre, une oasis de vie dans un univers hostile

Par ordre croissant d'urgence, il eut-été judicieux de parler d'écologie avant même de parler d'éducation ou de Constitution. Cependant aucune loi ou disposition pour protéger la planète ne saurait être efficace à court et long terme si d'une part les jeunes générations n'ont pas accès à un système éducatif performant et d'autre part si les règles adoptées ne sont pas perçues comme légitimes et acceptables. Quant au caractère urgent de la situation dont certains doutent encore, les évènements climatiques dramatiques qui ne manqueront pas de se multiplier dans les mois et années à venir achèveront de convaincre les incrédules. Je n'éprouve donc pas le besoin d'en faire la démonstration ici. A ce propos, contrairement aux discours actuels, j'espère un développement continu du tourisme de masse, si tant est qu'il soit accompagné du développement des "green-techs" permettant d'en réduire l'impact négatif. Rien de tel que donner à chacun l'opportunité de voir la Terre est ses merveilles pour susciter l'envie de la protéger. Mieux, je plaide pour un investissement massif dans le tourisme spatial, fut-il possible de le faire sans émission de carbone. Que les plus sceptiques voient notre planète isolée dans le vide de l'espace, ils comprendront l'importance de ne pas détruire cet oasis. Mieux encore, un stage dans l'ISS devrait être obligatoire pour tous les Chefs d'États du monde avant de siéger à l'ONU… Tout cela étant impossible, puissent les agences spatiales multiplier les prises de vues 3D-360º de leurs missions. La réalité virtuelle est un formidable moyen pour emmener chaque humain dans l'espace avec des émissions de CO2 acceptables et des bénéfices environnementaux incommensurables. Ces voyages virtuels devraient être dans les programmes scolaires de France, d'Europe, du monde. La préservation de la Planète en soit devrait être dans les programmes scolaires.


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Écologie : Une nouvelle harmonie

Une version moderne de la fin du monde

La pression démographique et technologique sur l'environnement est telle que certains craignent un effet de basculement. Pour l'expliquer rapidement, imaginez un barrage dont la forme concave est conçue pour résister à une immense pression d'eau. Le barrage résiste tant qu'il reste intègre mais le moindre trou le met en péril. La première fissure n'écroule pas l'édifice immédiatement, mais l'eau qui s'y infiltre élargie le passage, jusqu'à ce que des volumes d'eau de plus en plus important y soient aspirés. La fissure s'est transformée en fuite mais pour autant le barrage tient encore, jusqu'au point de rupture brutal où l'ensemble disparaît soudainement. L'hypothèse est évoquée par les scientifiques pour la concentration de gaz à effet de serre et notamment le CO2. La concentration de ce CO2 est telle que la température moyenne de la planète augmente, faisant fondre les glaces et notamment le permafrost, ces terres gelées renferment... du CO2 qui viendra décupler l'effet du réchauffement. Voilà ce qu'est un basculement. Un barrage est conçu pour utiliser la force exercée par l'eau qu'il retient pour résister. Il dévie sur les flancs de la vallée la pression qui s'exerce sur sa structure. De même, plus on exerce de pressions pour forcer les individus à changer de comportement, plus les individus résistent. C'est notamment le cas de la taxe carbone sur le carburant à l'origine de la crise des gilets jaunes. Mêmes des citoyens écolo-convaincus ont largement soutenu ce mouvement de résistance utilisant divers prétextes pour s'arranger avec leurs propres convictions. Augmenter la pression ne fait que renforcer le barrage. Or si l'on admet la théorie du basculement pour le changement climatique ou la biodiversité notamment, il me semble qu'il faut aussi y souscrire pour les comportements écoresponsables.


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Il n'est pas impossible loin de là que la prise de conscience qui tarde à venir (tant au niveau politique que des citoyens et individus) se fasse brutalement et positivement. Pour qu'un basculement écoresponsable soit possible, il convient donc créer des conditions favorables, c'est le rôle des États. La fissure (positive celle-là) existe déjà avec tous les individus qui entreprennent de faire des efforts dans leurs modes de vie. Mais pour faire céder le barrage de ceux qui résistent, il faut attirer encore plus d'individus dans la brèche jusqu'à ce que cèdent brutalement toutes les résistances. Vue ainsi, la solution n'est donc pas principalement financière. La puissance de l'exemple.

Pour faire adopter un changement, il faut le faire aimer. A la fin des années 1990, les Californiens avaient réussi à inverser les valeurs en matière de tabac. Seuls les "vieux réacs" fument, celui qui ne fume pas, c'est celui qui est cool. Cela s'est fait par des lois, mais surtout pas un changement de l'imaginaire collectif du viril cowboy fumeur grâce notamment à des spots publicitaires. Depuis Union Square en 2002, la principale place de San Francisco, on pouvait lire une fresque gigantesque murale "Welcome in California, the non smoking part of America"10et11. La même chose est possible en matière d'écologie. Renforcer l'image positive des comportements écoresponsables et dégrader l'image des comportements écodéviants aura bien plus d'efficacité que de se contenter de taxer la pollution ou les émissions de carbone. Si les taxes sont un outil dont il ne faut pas se priver, il faut les manier avec précaution et uniquement comme auxiliaire d'une politique d'image. C'est l'effet domino : "Si je suis assez exigeant avec 10

"Bienvenue en Californie, la partie non-fumeurs des États-Unis" 11 Malheureusement dans le même temps, la Californie et San Francisco ont aussi renforcé l'image positive du cannabis. Las, c'est le propre de l'Humain que d'être attiré par ce qui le détruit.


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Écologie : Une nouvelle harmonie

moi-même, autour de moi d'autres éprouveront le besoin d'adopter des comportements vertueux". Il en va ainsi pour les individus comme pour les sociétés toute entières au sens économique comme sociétal. Qu'un État adopte des règles exemplaires, il obligera moralement les États qui l'entourent. De l'individu aux institutions, chaque échelon doit se montrer exemplaire, chacun prend sa part. En matière d'écologie, encourager et magnifier les comportements vertueux aurait plus de sens et d'efficacité que n'importe quelle politique coercitive. Ce n'est qu'une fois qu'un comportement est communément admis comme étant déviant (c'est à dire lorsqu'une alternative enviable existe à ce comportement), qu'il faut l'astreindre à des sanctions drastiques. Parmi les comportements vertueux des États, il y a notamment la fin des subventions ou avantages donnés aux énergies fossiles, l'encouragement des mix-énergétiques, le financement de spot en faveur de comportements écoresponsables… "Encourager d'abord, décourager ensuite" devrait être le mot d'ordre pour les arbitrages budgétaires. "DI-VER-SI-FI-CA-T -I -O –N non de non!"

La diversification à tous les échelons, dans tous les aspects de notre société et notamment des sources d'énergies doit être une préoccupation constante. Les solutions uniques ont montré par le passé leur vulnérabilité. La voiture 100% électrique est une erreur autant que le 100% éolien ou solaire, les trois ayant en commun d'être dépendant de terres rares qu'il faut extraire au détriment d'une planète que l'on cherche justement à préserver. Ces terres rares deviennent si rares sur Terre que les industriels cherchent à les extraire du fond des océans. Nous sommes littéralement en train de racler le fond de la cuve12. 12

Sans compter que ces terres rares nous plongent dans une dépendance Géopolitique néfaste vis-à-vis de la Chine qui en détient le quasi-monopole.


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Maintenir la diversité est un enjeu majeur et un combat de tous les instants. A ce propos, le haro lancé depuis quelques temps sur le transport aérien (au profit du train) me laisse circonspect. Eut-on eu ce débat il y a seulement cinquante ans, qu'il eut été évident que le train (à vapeur) été aussi à bannir. A vouloir tuer trop vite l'aérien, peut-être risque-t-on de l'empêcher de devenir vertueux (si tant est que le train électrique nucléaire, à charbon ou hydraulique avec des vallées inondées par des barrages, soit lui-même vertueux, vaste sujet). Comme dans tout système naturel, la diversité est la clé d'un système énergétique durable. Il convient d'inclure dans cette diversité, tous les systèmes à énergie mécanique chaque fois que cela est possible (le vélo comme moyen de déplacement, les chevaux – bien traités – comme moyens de traction, etc.) Imaginer quelques secondes tout ce qui pourrait être fait aujourd'hui par l'énergie hippomobile plutôt que par les moteurs thermiques sans que cela n'affecte la vie de la cité. Certaines villes utilisent déjà des chevaux pour faire le ramassage des ordures ou des encombrants, j'ai même entendu parlé de transports scolaires d'écoliers pour qui le temps de transport n'est pas un problème majeur. Ce n'est pas un retour en arrière, c'est un rééquilibrage logique de notre système énergétique. Dans l'enthousiasme de la modernité, l'abandon complet et systématique des ces moyens mécaniques est une erreur du XXe siècle qu'il est encore temps de réparer sans que cela ne soit une régression. Les politiques publiques ne doivent donc plus cibler une solution unique comme on le fait souvent (le tout électrique à le vent en poupe) mais au contraire encourager la diversité.


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Après l'État-Nation


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5. Après l'Etat-Nation

Notre bulle d'oxygène

Au chapitre 3, j'ai exposé une proposition complexe, mais complète, pour remplacer notre Constitution Française et rendre sa légitimité à la Démocratie. J'aurais pu me contenter de quelques lignes pour dire "il nous faut une nouvelle Constitution rédigée par une assemblée". Il me semblait important d'expliciter le processus par lequel cette Constitution doit être ratifiée pour être perçue comme universelle. Pourquoi proposer un processus aussi long et compliqué ? D'abord parce qu'il n'est plus possible de faire adhérer le Peuple à un texte rédigé par une élite isolée, ni envisageable de faire rédiger un texte aussi complexe via la démocratie directe. Disons le ici sans équivoque, mes intentions réelles sont bien plus ambitieuses que la réécriture d'une Constitution Française. Du fait de la dilution inéluctable des États-Nation13, il faudra impérativement des institutions supranationales pour organiser, règlementer et coordonner nos sociétés interdépendantes à l'échelle de la Planète. Il existe évidemment un point de vue opposé, l'alternative isolationniste qui consiste à reprendre le contrôle d'un territoire plus petit, mieux gérable. Mais nous vivons tous dans une 13

Je sais que beaucoup contestent le caractère inéluctable de cette dilution voire même s'y opposent avec l'énergie du désespoir. Je maintiens cependant que c'est une tendance logique au regard de l'Histoire des civilisations Humaines. De ce fait, mieux vaut l'accompagner que la subir. Enfin, il est formidable que pour la première fois de l'Histoire, les humains de toute la planète soient désormais connectés. Cela implique néanmoins de se doter des institutions indispensables pour faire vivre cette communauté mondiale.


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Après l'État-Nation

unique minuscule bulle d'oxygène, isolée dans le vide interplanétaire, perdue à la périphérie de la Voie Lactée à 25 000 années-lumière de la galaxie la plus proche : la Terre. Les gaz et polluants ne s'arrêtent pas aux frontières. Vous comprenez pourquoi l'isolationnisme n'est selon moi qu'une illusion vouée à l'échec et conduira inévitablement au retour de la coopération mondialisée. J'y reviendrais dans ma conclusion. Sur notre continent, cette tentative de cohésion s'appelle l'Europe. Pour faire face avec intelligence aux défis des siècles à venir sans le laisser imposer des non-choix ou subir des situations de fait, nous n'avons simplement pas d'autre option que de construire une Europe forte et puissante. Puisque les Etats-Nation perdent leur influence sur le cours du temps, seule une union d'Etats organisée par une Constitution efficace peut offrir au monde et aux Citoyens un projet positif, protecteur et durable. Peut-être que l'isolationnisme l'emportera dans un premier temps, mais il reste un espoir que le Peuple d'Europe surmonte ses démons et choisisse finalement l'union. Quoiqu'il en soit quand le temps sera venu – aujourd'hui ou demain – de relancer le projet Européen, il faudra repartir de la base, repartir du Peuple. Au chapitre 3, j'ai voulu faire la démonstration qu'il était possible de faire rédiger une Constitution par le Peuple Français, c'était pour mieux démontrer qu'une Constitution rédigée par le Peuple Européen est aussi possible si l'on y consacre suffisamment de temps. Aussi long et complexe soit ce processus, n'oublions jamais qu'il a fallu plus de dix ans aux États-Unis d'Amérique entre 1777 et 1787 pour adopter une constitution définitive ratifiée par chacun des États adhérant à l'Union. Ces États étaient peuplés d'immigrés venus d'Irlande, du Royaume Uni, d'Italie...


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L'Europe, Nation unie

Je suis Français, né d'un père Français et d'une mère Française… née en Belgique d'une mère Italienne ayant été élevée en partie en Égypte par sa mère Ukrainienne et en partie en Belgique par son père Milanais. Mes cousines et cousins germains sont Belges, Italiens, Français. Ils vivent en Allemagne, au Canada, en Belgique, en France, en Italie, au Portugal ou au Japon. On ne renforce pas une famille en la contraignant à la consanguinité, on ne consolide pas une Nation en la corsetant dans ses frontières administratives. A mes compatriotes qui rêvent de renforcer les frontières, j'aime rappeler que ces frontières n'existent que parce qu'un jour l'Humain a quitté le continent Africain pour explorer le reste de la planète. Cette théorie scientifique pourra être (et sera) remise en cause, mais on ne remettra jamais en cause le besoin de l'Humain d'explorer, bouger, migrer, voyager, découvrir. Si vous demandez à un Californien sa nationalité, il vous répondra qu'il est Américain. Quiconque connait l'Histoire des États-Unis et leur Constitution sait que les USA sont bien une fédération d'États qui ont librement adhéré à une Union et décidé après la Guerre de Sécession qu'il n'était pas possible d'en sortir. Des États souverains ont adopté une constitution commune. Chacun de ces États a son identité propre, sa propre culture, ses coutumes locales et sa relation particulière avec les Peuples Amérindiens qui vivaient là avant eux. Ils sont peuplés d'immigrés venus des quatre coins du globe avec leurs cultures singulières et pourtant ils se disent "Américains". En France, une tendance récente consiste à nommer les habitants des États-Unis d'Amérique les "Étatsuniens" et non les "Américains", considérant que l'Amérique est un continent qui va du Canada à la pointe du Chili et non un pays, si grand fut-il. En fin de compte, cette expression "Étatsuniens" reconnaît intrinsèquement que les habitants de ces États "unis" forment désormais une seule et même Nation. Il ne fait plus de doute qu'en moins de 250 ans, ces migrants venus du monde


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entier forment aujourd'hui une Nation "Étatsunienne", perçue comme telle à travers le monde et surtout en France. Alors pourquoi ne serions-nous pas "Européens" ? "On a déjà donné, merci"

En 2005, ce sont les électeurs Français qui ont mis un coup d'arrêt au projet de Constitution Européenne en répondant "NON" au référendum proposé par le Président Jacques Chirac. En 2007, Nicolas Sarkozy a fait ratifier le traité de Lisbonne laissant croire que ce dernier remplacerait la constitution. Dans ces conditions, pourquoi y revenir ? Ma réponse en trois temps. 1- Peut-on affirmer, sans biaiser le débat, que c'est bien au projet de constitution que les électeurs ont dit "non"? Combien d'électeurs avaient lu le projet de texte constitutionnel reçu par la poste ? La frustration du 21 avril 2002, le début de mandat de M. Chirac et "L'Europe Bashing" permanent de nos élus qui utilisent l'EU pour excuser leurs promesses illusoires non tenues expliquent avec plus de pertinence selon moi le vote des Français qui ne se sont jamais objectivement exprimés sur un projet de Constitution Européenne. 2- Quant au traité de Lisbonne, il est le point départ d'une illusion collective. Nicolas Sarkozy a réussi à faire croire que le traité de Lisbonne remplaçait la constitution et ses opposants se complaisent à y croire, hurlant au passage que la volonté du Peuple n'a pas été respectée (sic). La réalité c'est que l'immobilisme, l'inefficacité de l'UE et tous les reproches légitimes qui lui sont fait aujourd'hui s'expliquent justement par l'absence de constitution. En 2005, le Peuple Français a bel et bien été écouté : une majorité avait choisi de priver l'UE des outils dont elle avait besoin pour fonctionner à vingt-sept. Il est contradictoire et triste de lire qu'aujourd'hui une autre majorité reproche justement à l'UE son mauvais fonctionnement. 3- Je propose que ce soit le Peuple qui rédige cette constitution.


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Clic-Clac, Merci Kodak

En 1881, George Eastman rêvait d'éternité. Il voulait simplement fixer pour toujours l'image du monde qui nous entoure. Il a lancé la firme Kodak dont l'objet était de produire de la pellicule pour photographies. Le modèle économique était particulièrement novateur pour l'époque. L'important n'était plus de vendre un produit aux consommateurs mais de leur vendre les consommables qui vont avec. Ainsi, l'appareil photo était vendu à un coût dérisoire tant que l'utilisateur achetait des pellicules et si possible des pellicules Kodak. On sait aujourd'hui toute la perversité d'un tel modèle économique, notamment en termes de développement durable et écologique. Avec l'avènement de la photo numérique, c'est donc l'absurdité du modèle consumériste de Kodak qui amène la firme centenaire au bord de la faillite en 2012. Grâce au numérique, le photographe comprend vite l'intérêt de prendre toutes les photos qu'il veut sans augmenter son coût marginal. Kodak, fleuron de l'industrie audiovisuelle, machine à rêves, machine à voyager dans le temps (du moins à voyager dans le XXe siècle) était en 2012 sur le point de disparaître. La société a du vendre ses brevets c'est à dire tout ce qu'elle a inventé. L'ironie c'est que parmi ces brevets, il y avait celui d'un ingénieur de Kodak qui le premier avait inventé l'appareil photo numérique. Mais comme cette invention remettait en cause son modèle de développement, Kodak a laissé à d'autres le loin de lancer l'innovation. Pour autant, vous aurez remarqué que la marque Kodak n'a pas disparu. Elle ne se porte même pas si mal et propose régulièrement des innovations. Comment Kodak a-t-elle réussi sa mutation malgré son retard au démarrage ?


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Symbiose du Grand et du Petit

La société mère Kodak a d'abord vendu la licence d'exploitation de sa marque à de toutes petites sociétés à fortes capacité d'innovation. Une start-up asiatique a donc commercialisé l'une de ses propres innovations aux couleurs jaunes de Kodak sans que Kodak elle-même n'en soit à l'origine. Le succès public a été quasi immédiat : le prestige de Kodak allié à l'inventivité de la start-up. Autre avantage du modèle, la start-up est naturellement beaucoup plus souple, beaucoup plus malléable, beaucoup plus proche de ses utilisateurs que la grande firme Kodak. Elle est capable de prendre en compte les retours des utilisateurs de ses appareils pour améliorer sans délai le produit et l'adapter à la demande ou aux besoins. La symbiose fonctionne si bien que la maison mère est de nouveau en mesure d'investir dans la production de nouvelles pellicules chimiques, et c'est sans doute une excellente nouvelle sur un plan environnemental14. Je laisse à Kodak sa stratégie commerciale et son modèle consumériste, nuisible, je j'ai dit, à l'organisation de nos sociétés. Je garde cependant sa stratégie de restructuration et sa capacité à allier le Grand et le Petit. Face à l'inertie inefficace et autodestructrice de la grande firme Kodak, la solution a été de confier son développement à des structures beaucoup plus petites, beaucoup plus proches de l'utilisateur alors que dans le même temps, la marque gère la stratégie globale.

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Pour le dire brièvement : une fois maitrisés les risques de dispersion chimiques et à condition de redévelopper un réseau de laboratoires suffisamment dense, la prise de vue pellicule est beaucoup moins émettrice de carbone et de gaz à effet de serre que le numérique, les caméras et outils étant plus robuste et consommant un peu moins d'électronique. Outre la nécessité croissante de serveurs informatiques, c'est encore une fois la boulimie de terres rares qui font du numérique une industrie extrêmement destructrice pour la planète. Même s'il n'est pas neutre, sur ce point au moins l'impact de la pellicule est bien moindre.


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Symbiose du Supranational et de l'ultra local

Dans ma proposition d'une Constitution Européenne, je ne précise pas quelle doit être la structure de cette Constitution. Je ne veux pas préempter la capacité d'innovation de la future Assemblée Constituante. Il existe cependant une ligne directrice qu'il conviendrait de suivre : la stratégie Kodak. La gestion de la planète par l'Humain ne peut se faire que par une coordination mondiale. Il faut donc prévoir et organiser une coordination multinationale. Si l'on souhaite réellement réduire les inégalités à l'échelle de la Planète, il faut être en capacité de contraindre les firmes supranationales à jouer un véritable jeu global. Sans doute est-il nécessaire d'envisager un gouvernement Européen avec une Présidence Européenne et un parlement Européen à deux chambres. Le système de la chambre haute et la chambre basse s'étant révélé particulièrement équilibré dans le cadre d'une fédération d'État souverains (Royaume Uni, États-Unis…) Mais cette démocratie à très large spectre est nécessairement plus rigide et moins innovatrice que les populations elles-mêmes. Pour que le système fonctionne, il faut aussi se rapprocher au plus près du citoyen. Il faut organiser des communautés plus petites au sein d'ensembles plus grands. Dans le même temps les États doivent jouer le rôle de courroie de distribution entre les Régions (ou Landers) -proche des bassins de vie et leurs populations- et ces instances supranationales. Enfin ces Régions organiseront une gestion cohérente du bassin de vie en concertation avec les Communes. En France cela revient à accélère la décentralisation, donner plus de pouvoir et de moyens d'actions aux Régions et aux Communes avec un contrôle plus direct sur leurs dépenses et donc de leurs revenus.


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Ma proposition de Constitution Européenne doté d'une Présidence et d'une double chambre s'organisant avec des Régions ou Lander via les États ne plaira pas aux "Nationalistes". Et c'est un paradoxe. A l'instar des États-Unis, ils devraient saisir ici l'opportunité de démontrer la supériorité et la pérennité du concept de Nation sur celui de Civilisation.


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6. Boîte à idées

Jusqu'ici, je me suis astreint à ne pas formuler de mesures trop précises. Ayant fait le constat que notre civilisation a commencé sa mutation au début du XXe siècle, il est grand temps d'accompagner ce mouvement pour en reprendre le contrôle. Dans ce contexte, les lois ordinaires n'ont qu'une efficacité marginale tant que nous n'avons pas revu le fonctionnement complet de nos institutions. Tout au plus ai-je exprimé jusqu'ici la nécessité de : -

lancer une concertation Nationale de l'ensemble des acteurs de l'éduction, provoquer l'élection d'une Assemblée Constituante dans un processus long et universel, développer la diversité dans tous les sens du terme en matière d'écologie, d'énergie et de comportements, encourager et magnifier comportements et les politiques écoresponsables d'abord avant de décourager et taxer les comportements déviants, étendre le principe de l'Assemblée Constituante à l'ensemble de l'Union Européenne, organiser nos institutions en donnant plus de place aux organisations locales sous la protection d'organisations supra-étatiques telles que l'Union Européenne.


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Boîte à idées

Il reste néanmoins que dans le temps où cette nouvelle société se met en place, il convient d'améliorer ce qui peut l'être. Le Grand-Débat a fait ressortir une multitude d'idées et de "solutions" parfois contradictoires, souvent très prosaïques, toujours sincères dans la voix de ceux qui les exprimes. Je relève ici sous forme de liste succincte celles qui, à mon sens, n'ont pas été suffisamment mises en avant jusqu'ici. Toutes ne sont pas parfaites mais je les pose là pour ouvrir la discussion. Écologie (Sujet trop vaste pour être correctement traité ici)

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Stage éco-citoyen obligatoire, tous les habitants de plus de 30 ans, qu'ils soient électeur ou non, doivent faire au moins une visite dans un centre de collecte de déchet de tri sélectif de leur commune. Constater par soi-même ce qu'une ville génère comme déchets est l'étape première d'une prise de conscience de son propre impact l'environnemental. Incitations à tout transport alternatif à la voiture individuelle (par densification des réseaux de transports en commun). Inciter les Communes à mettre en œuvre des voies réservées aux voitures autonomes partagées. Incitation aux activités alternatives de loisirs et culturelles dans les centres-villes15. Permis de chasse : plus accessible, mais assorti d'une formation initiale bien plus contraignante et étendue sur un an. Cette formation doit comprendre non seulement plus de pratique en stand de tir pour le maniement des armes mais aussi des stages sur la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes.

Puisque l'avenir de la planète passe aussi par moins de consommation stérile (par opposition à la consommation vitale), il faut donner envie de se promener dans les centres-villes grâce à moins de boutiques mais plus de loisirs.


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Mise en place d'un "permis de possession d'animal domestique". Adopter un être vivant animal n'est pas neutre et peut être extrêmement bénéfique pour chacun si cela est bien fait. Mais pour s'en assurer, comme toute adoption cela devrait se faire selon des règles précises (ne pas "acheter" n'importe quel animal). Un an de formation et de rencontres multiples avec le futur animal de compagnie qui pendant un temps donné doit rester chez son éleveur.

Démocratie et administration

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Pas de rétroactivité des lois communes. Rendre obligatoire l'application progressive des réformes (exemple : une réforme scolaire doit s'appliquer à une classe d'âge. Ceci étant rendu possible par plus de souplesse du système éducatif). Création d'un "Bureau des dérogations" en double aveugle. Ce bureau a pour mission d'accorder aux citoyens qui le demandent une dérogation à une loi votée à des fins d'expérimentation (exemple : l'échange de semences agricole). Le système en double-aveugle signifie simplement que deux instances doivent donner leur avis sans connaître nommément des décideurs dans l'autre instance afin d'éviter les tentatives de corruption. Transparence totale des interventions de lobbyistes auprès des élus à tous les échelons (des conseils municipaux jusqu'à l'Élysée). La communication d'arguments par des lobbyistes en faveur de telle ou telle disposition n'est pas un problème en soi mais cela doit se faire de manière totalement publique et transparente. Si des arguments sont bons pour convaincre des politiques, ils le sont aussi pour


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Boîte à idées

convaincre des citoyens. Toute tentative d'influence opaque doit être lourdement sanctionnée. Démocratie et élections

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Vote électronique. Carte d'électeur électronique permettant le vote dans n'importe quel bureau de France (ou d'Europe). Annonce des résultats en pourcentage des inscrits16 Mise en place de quorum pour les élections locales. Mise en place de forums (réels et virtuels) sur le modèle des forums de réseaux sociaux permettant le dialogue permanent des citoyens, une Agora donc.

Constitution de la Ve République

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Création d'un stage citoyen obligatoire. Tous les citoyens de plus de trente ans n'ayant jamais eu de mandat électif ont obligation par exemple : - visiter l'Assemblée Nationale (avec une conférence sur le fonctionnement des institutions.) - être assesseur dans un bureau de vote lors d'une ou plusieurs élections. - assister pendant un an aux conseils municipaux de leur ville…

Cette idée, plus encore que la prise en compte du vote blanc comporte un risque non négligeable de déstabilisation du pouvoir, au moins au début de sa mise en œuvre. En effet, l'annonce des résultats en pourcentage des inscrits fera ressortir l'éventuel faible score de la candidate ou du candidat élu, mettant en péril sa légitimité et ouvrant la voie à une contestation permanente. Cependant, une fois bien établi et les habitudes prises, cela obligera les élus à prendre en compte leur score réel et chercher à renforcer leur légitimité par leurs décisions plus que par leur élection. D'autant plus si par ailleurs l'ensemble de la Constitution est réécrit.


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Transformation du Conseil Économique et Sociale en assemblée élue et subordonnée à l'Assemblé Nationale avec un pouvoir de proposition de lois. Définition précise du mode de scrutin selon le type de décision (répartition entre démocratie directe, démocratie participative, assemblée délibérative, démocratie représentative.) Expérimentation systématique des mesures prises qui ne sont pérennisées qu'après évaluation (Y compris et surtout les décisions locales.) Dans la future VIe République, sans doute faudra-t-il imaginer une direction de l'État par un triumvirat renouvelable d'un tiers tous les trois ans. Ainsi un Président est élu tous les trois ans au suffrage universel direct pour une durée de neuf an et il se réparti la conduite du pouvoir avec deux autres Présidents. Chaque Président ne gouverne jamais avec le souci de sa réélection, les Français orientent directement les choix de la Présidence : le candidat le plus récemment élu apporte le dynamisme, le plus ancien apporte la modération.

Économie

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Développer les ressources propres des collectivités locales tout diminuant les dotations de l'État. C'est l'application d'une véritable décentralisation 17 dans laquelle les Régions ont un budget autonome. Régionalisation de la TVA (impôt local). Montant des prestations d'État fixées par les Régions (Ex. le RSA n'est pas identique à Paris ou en Région)

La centralisation est un concept archaïque datant de la fin du Moyen-Âge quand le pouvoir central se méfait des Seigneurs locaux. Dans un monde où le supranational et l'ultra local se côtoient, la centralisation est une ineptie.


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Renforcer les Syndicats en incitant tous les salariés à se syndiquer18 (places en crèche, pass culture, pass sportifs, gratuité des transports…) Un syndicat faible n'a pas d'autre choix que de se comporter comme un animal blessé : priorité pour son propre intérêt de survie, agressivité, moindre sociabilité, moindre participation aux performances du groupe dans son ensemble. Renforcer les syndicats, leur donner plus de moyens d'action, c'est -à terme- leur donner plus de moyens de négociation et les mettre dans une position favorable pour jouer un rôle de construction plus que d'opposition. Application de la laïcité 19 , c'est à dire attribution d'au moins un jour férié par grande Religion, et un jour pour les philosophies non-religieuses reconnues. Le report systématique des jours fériés au lundi suivant de sorte qu'il n'y a plus de "pont" mais systématiquement des longs week-ends. Dans un Etat Laïc, le déplacement de jours fériés "religieux" ne devrait pas être tabou. Proposer un service d'État mais anonyme d'aide à la gestion du budget. L'idée est que les ménages et particuliers puissent demander l'aide d'un agent

NB. Je suis entrepreneur, créateur d'une société de production audiovisuelle. 19 J'en profite pour noter que la laïcité en France a doucement glissé d'une définition inclusive (acceptation de toutes les religions) à une définition exclusive (refus de toute religion). Notre laïcité actuelle bannis un peu plus chaque jour toutes les religions de l'espace publique. Le but louable initial est de ne heurter la sensibilité de personne mais l'effet est contraire. Le bannissement systématique rend hyper visible le moindre signe religieux ou parareligieux. Interdisez demain les chaussures rouges et vous-vous rendrez compte subitement que beaucoup de monde en porte. Certain pourraient même être tenté d'en porter pour affirmer leur liberté. Pourtant une pédagogie inverse, l'intégration systématique de toutes les religions et leurs tenues cultuelles dans l'espace public permettrait d'habituer le citoyen et rendrait les signes religieux tellement banals qu'ils seraient invisibles. Cf. "Vie en société".


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assermentée par l'état pour mieux organiser et optimiser leurs budgets. Beaucoup de ménages sont en difficulté parce qu'ils surestiment leur réelle capacité de financement ou n'ont pas conscience de leurs frais fixes. Ils ont besoin d'aide mais craignent certainement de montrer l'intimité de leurs comptes à un agent d'État par peur du redressement. Le principe serait d'anonymiser tous leurs documents pour leur garantir une aide réelle sans peur de la sanction. C'est en quelque sort un complément au droit à l'erreur qui existe déjà. Faire de la carte vitale une carte de payement. A chaque acte médical, le patient doit se voir annoncé le montant réel de l'acte et remettre une facture, peu importe que le payeur in fine soit la SECU, une mutuelle ou le patient lui-même.

Solidarité

Élargissement de la prime d'activité aux conjoints dans les ménages au-dessus des seuils. Ou plus précisément instauration d'une prime d'activité spécifique (avec des montants et des seuils adaptés) lorsque les patrimoines du couple sont séparés. Nul adulte, homme ou femme, ayant une activité professionnelle même réduite ne doit être dépendant financièrement de son conjoint. Ou mieux – Mise en place d'un Revenu Minimum Garanti pour tous les citoyens par fusion de toutes les aides existantes (avec les contreparties énoncées ci-dessous). Au passage, je ne crois pas au Revenu Universel pour deux raisons au moins : 1. Toute subvention d'Etat fini par se retrouver dans les prix. A terme le RU limiterait les augmentations de salaires puisque le Revenu d'un individu serait


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composé du Salaire + du RU (payé par les charges sur les entreprises ou pire, par un impôt sur le RU lui-même ! sic). 2. Donnez à trois individus un morceau de bois identique, l'un le brûlera pour se chauffer, l'autre le vendra plus que son prix pour en acheter deux, le troisième le sculptera pour une faire une œuvre d'art qu'il vendra bien plus cher (ou ne la vendra jamais). S'il peut être bénéfique à court terme, à plus long terme le RU n'effacera aucune inégalité. Il sera devenu indispensable mais totalement inefficace. Il faut une contrepartie aux aides données mais celle-ci ne peut pas être un travail d'intérêt général. D'abord parce que s'il y a effectivement un travail à faire, autant verser un salaire et les cotisations qui vont avec plutôt qu'une aide. Ensuite parce que la notion de travail d'intérêt général est stigmatisant et humiliante pour les bénéficiaires qui cherchent sincèrement à se sortir du système d'aide pour retrouver leur autonomie donc leur dignité. Enfin parce cela dédouanerait les moins volontaires, la réalisation de ces TIG suffirait à justifier les droits qu'ils perçoivent sans nécessairement plus d'efforts. Pour autant il peut exister d'autres contreparties : - L'obligation de suivre une formation professionnalisante après un certain délai. - L'obligation de suivre une formation en alternance dans l'enseignement supérieur. - Avoir une activité salariée réduite mais régulière. - Être gérant d'une entreprise même sans se verser de salaire tant que cette entreprise est bénéficiaire pendant au moins trois ans de suite, paye des impôts et reverse la TVA. -…


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Une assurance chômage sur le modèle de l'intermittence du spectacle. Aujourd'hui mal vu car déficitaire – nécessitant donc des améliorations – ce régime a pourtant de nombreuses qualités : très protecteur, il est aussi très exigeant avec ses bénéficiaires20 . Ce n'est pas son principe mais son application qui rendent le système déficitaire. Amélioré il peut être un modèle de flex-sécurité vertueux pour toute l'économie. Fusion de la CSG et de l'Impôt sur le Revenu. Un bon impôt a une assiette large, peu d’exceptions et un taux faible. De fait l'impôt sur le revenu est devenu obsolète tandis que la CSG est payée par tous les citoyens. A défaut, rendre l'IR plus progressif avec plus de tranches et moins d'effets de seuil.

Justice

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Systématiser les peines alternatives ou peines d'intérêt général. Réserver la prison aux individus présentant une menace pour le reste de la société. Privilégier l'applicabilité des peines et leur application effective. L'efficacité d'une loi tient moins dans la lourdeur de la sanction potentielle que dans la certitude d'être sanctionné en cas de faute. Plus un justiciable a la certitude d'être condamné réellement, moins il risque de commettre l'infraction.

Les intermittents vous dirons que la précarité n'est pas un privilège. Or même si la situation de certains métiers (comédiens, artistes…) peut être délicate, le régime reste nettement plus protecteur que le régime général et donne aux intermittents, dont la majorité est très compétente et n'a pas de réel souci à se faire pour ses droits, la garantie d'un niveau de vie que beaucoup de salariés du privé n'ont pas. Je ne suis pas favorable à la suppression de l'intermittence, je suis pour sa généralisation avec des règles mieux appliquées.


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Boîte à idées

Vie en société

21 L'analyse

La lutte contre les discriminations est un sujet trop vaste pour être traité correctement ici. Il faut dire aussi que je suis un homme blanc catholique de 40 ans, né dans une famille aisée d'un pays riche, je coche toutes les mauvaises cases pour risquer de me mêler de ce sujet hautement délicat, je l'ai appris à mes dépends malgré ma sincérité. Cela dit, je tiens au moins à signaler que tout doit être fait et tenté pour que la présence de la diversité devienne d'une banalité criante dans le moindre recoin de notre société. Femmes, hommes, origines, orientations sexuelles, religion, ces distinctions devraient être un non-sujet. Je n'ai pas de formule à proposer ici mais je suis convaincu que l'exemplarité individuelle est clé du problème. L'État a son rôle à jouer dans la valorisation des comportements positifs. Je me risque tout de même à une remarque concernant la discrimination religieuse (cf. note 17). Les différences deviennent d'autant plus visibles que l'on cherche à les faire disparaître. Promenez-vous à Londres ou dans les grandes métropoles Américaines, vous verrez des personnes habillées dans leurs tenues traditionnelles sans que personne ne s'en émeuve. Nos lois sur les signes religieux extérieurs ont, malgré l'intention de départ, renforcé leur visibilité dans les esprits 21 en y ajoutant un sentiment négatif. Sans doute n'était-ce pas une si bonne idée et malheureusement un retour en arrière semble pour le moment peu probable.

faite par la presse étrangère du récent débat Français autour du hidjab commercialisé par Décathlon est à ce titre tout à fait révélatrice.


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Sécurité routière

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A noter : avec moins de voiture, le permis individuel sera moins utile. Il peut donc être plus contraignant : Fin du permis à vie. Stage obligatoire tous les 15 ans Visite médicale obligatoire à partir de 70 ans. Le même "A" pour les jeunes conducteurs et pour les Anciens Conducteurs à partir de 80 ans. + de contrôle humain, + de radars tronçon. Cf. le point deux du paragraphe "Justice": simplifier le code de la route pour le rendre plus net et clair et faciliter les contrôles et les sanctions immédiates. Sur ce principe, quatre limites de vitesse uniquement : 40 ou 60 kilomètres par heure en zone urbaine 22 , 80 sur le réseau secondaire, 120 sur Autoroute = en finir avec la variation permanente des limitations de vitesse sur un même axe de circulation (90-80-70-50-70-90). Les lignes en bord de chaussée sont peintes de couleurs différentes en fonction de la limitation de vitesse en vigueur sur le tronçon. Éthylotest anti-démarrage systématique sur tous les véhicule neuf à partir de 2025. Plafonner le permis à 10 points pour tout le monde, les 12 points ne sont accordés qu'après cinq ans consécutifs sans infraction (Récompenser les bons comportements). Attribution d'un treizième point pour les automobilistes qui acceptent de s'équiper volontairement d'un chronotachygraphe et d'une dashcam (bons comportements).

Selon la proximité de trottoirs ou de pistes cyclables non protégés.


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Boîte à idées

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Idem pour le développement d'une boite noire "enregistreur des paramètres" pour les voitures. Autorisation donnée aux assureurs de baisser les primes de ces mêmes conducteurs Extension des zones 100% piétonnes en centre-ville. Les vélos y sont tolérés sans être prioritaires23. Inversement, en dehors de ces zones, priorité aux vélos aux passages piétons non équipés de feux (Étant admis qu'il est moins coûteux en énergie pour un piéton de laisser passer un vélo que l'inverse.) Développement des autoroutes cyclables. Sanctuarisation des pistes cyclables (exclusion de tous les autres usagers, y compris des piétons)24. Généralisation autant que possible des larges trottoirs avec une partie cyclable et une partie piétonne séparées par des bancs. Requalification des trottinettes et vélos électriques en "deux-roues motorisés sans permis" avec brevet de sécurité routière obligatoire et casque obligatoire. Pose d'arceaux attache-vélos sur tous les éléments de signalétique urbaine (panneaux, feux, barrières…) sur le modèle Australien.

Contrairement aux idées reçues, les centres-villes sans voiture sont propices au commerce local. Ne pas avoir de place de stationnement juste devant le lieu où l'on doit se rendre (et donc ne pas pouvoir repartir facilement) favorise le phénomène de dépense gâchée : "J'ai dû abandonner la voiture dans un parking péri-urbain accessible par navette pour aller à la banque, tant que j'y suis, autant que je passe aussi chez le fleuriste et acheter des chocolats pour Grand-Mère…" 24 Telles qu'elles sont conçues, les bandes cyclables actuelles servent souvent de zone de délestage pour les voitures en double file, les poussettes, les piétons pressés avec tous les risques d'accidents que cela induit. Puisque la chaussée est interdite aux piétons et que les trottoirs sont interdits aux vélos, alors il est fairplay que les pistes cyclables soient réservées exclusivement aux deux roues.


7. Conclusion

Inévitable fin des États-Nations

Le sens de l'Histoire, depuis l'existence de petites communautés villageoises concurrentes à l'émergence des États-Nations jusqu'aux tentatives parfois réussies de fédérations, mène à l'élargissement logique des sociétés organisées sans que ne disparaissent pour autant les entités intermédiaires, celles qui restent à échelle humaine. Chaque fois qu'une taille critique de ces sociétés est atteinte, une réorganisation est nécessaire. Dans le passé cette réorganisation s'est parfois faite dans la concertation, souvent après des conflits et presque toujours dans des situations vécues comme chaotiques par leurs contemporains. Nous avons atteint la taille critique de l'État-Nation. A la fois trop grand et tiraillé par des besoins contradictoires pour gérer le quotidien des citoyens et en même temps trop petit et sans maîtrise sur les forces internationales qui s'exercent envers et contre lui. Comme toujours dans l'Histoire donc, nos sociétés se réorganisent logiquement et cela a déjà commencé depuis le début du XXe siècle. Je parie sur la disparition à terme de l'État-Nation qui existe depuis trop longtemps pour lutter contre sa propre obsolescence et finalement depuis trop peu de temps pour s'imposer comme une évidence définitive. Le temps est donc venu de réorganiser nos sociétés, dans la concertation… ou le chaos.


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Conclusion

Inévitable repli sur soi…

Même si la concertation a objectivement ma préférence, je pense que l'ensemble des Peuples d'Europe et du monde n'y est pas prêt. La certitude que l'autre est responsable de mal agir ou de ne pas agir suffisamment, pousse chacun à s'extraire de cette concertation. Jamais dans le passé les populations dans leur ensemble n'ont tiré à temps les leçons de l'Histoire et il en va des individus comme de nos sociétés : seul compte son propre apprentissage des choses de la vie. "L'expérience, m'a-t-on dit un jour, c'est comme une brosse à dents, on n'utilise que la sienne". Aussi, je doute fortement que les propositions ci-dessus et toutes celles issues du GrandDébat ne débouchent sur une construction positive de nos sociétés futures. Ce ne sera pas la faute des élus, mais celle des électeurs. Je ne le souhaite pas, mais dans les mois et années à venir les Peuples pourraient donc continuer à s'isoler, pensant que seul, on a un meilleur contrôle sur son propre destin nonobstant l'évidence de nos influences réciproques. Les défis climatiques, démographiques, économiques, humains, éducatifs vont s'accumuler plus encore et chacun rendra l'autre responsable de notre incapacité collective à mettre en place les bonnes solutions. Je suis à ce titre ébahi, sans être surpris, de voir que celles et ceux parmi mes concitoyens qui sont conscients de l'ampleur de ces défis font rarement preuve de plus de consilience que ceux qui doutent. Leur impatience légitime se mue parfois en intolérance. Incapables d'emmener avec eux dans ce monde nouveau ceux qui rechignent à embrasser l'avenir, ils se laissent tenter par des formes d'isolationnisme. Zadisme (Celui de Notre-Dame des Landes) et nationalisme sont les deux faces d'une même pièce.


Essai autour d'un futur possible

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Les inquiets refusent d'attendre les sceptiques et blâmes les enthousiastes du temps qu'ils perdent à vouloir convaincre tout le monde. Je le disais en introduction, dans l'urgence plus que dans toute situation, on ne perd jamais de temps à bien se préparer, on n'en gagne jamais à se précipiter. Si l'hypothèse d'une renaissance soudaine de la coopération internationale n'est pas impossible, ce n'est pas pour autant la plus probable. Nous passerons peut-être, c'est une autre hypothèse, par une phase dans laquelle pour pallier l'insuffisance des États, les communautés se resserreront. Seules les firmes supranationales auront la taille critique pour arbitrer l'allocation des ressources devenues rares vers tel ou tel secteur géographique ou économique. Les flux migratoires suivront inévitablement ce fléchage. Les individus s'organiseront en communautés restreintes, capable de subvenir en circuit court aux besoins de ses membres en termes de nourriture, de santé, de sécurité, de divertissement… Ces petites communautés, dont la souplesse leur permettra de s'adapter rapidement aux changements de tout ordre, manqueront malgré tout cruellement d'infrastructures faute de régulation à l'échelle planétaire et d'obligations contraintes faites aux sociétés commerciales d'entretenir les réseaux nonvirtuels. Or le bonheur du petit groupe vivant en harmonie avec la nature n'est qu'illusoire s'il n'existe pas d'infrastructure pour mutualiser les ressources. Faire vivre en harmonie et suffisance une population sur un petit territoire ne peut se faire que par une réduction radicale du nombre d'humains sur le reste de la planète, faute de quoi la pression sur le petit territoire en question est bien trop forte pour en assurer l'équilibre. Ce scénario de réduction démographique est quasi improbable à moyen terme (sauf catastrophe majeure ou massacre de masse).


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Conclusion

…Ou inévitable coopération

Poussons le raisonnement à son paroxysme. Considérant que le bonheur ne doit pas être réservé à une poignée d'heureux élus, adoptons un temps le rêve des zadistes, anarchistes ou antimondialistes comme une réalité universelle. Imaginez donc que tous les citadins s'organisent aussi en petites communautés autonomes. Ils s'affranchissent de la gestion des États et se convertissent à la pèche, l'élevage, la chasse et la culture pour assurer leurs besoins et ponctionnent les forêts en bois de chauffage et de cuisine. Ils s'occupent eux-mêmes de leurs routes et chemins et administrent un petit territoire en communauté et en circuit court. En l'absence de dictature (strict contrôle des naissances), étant donné l'inévitable pression démographique, les ponctions sur ce petit territoire deviennent telles qu'en peu de temps les forêts sont déboisées et les écosystèmes déséquilibrés. Chaque individu doit se montrer de plus en plus frugal à mesure que grandi le groupe. Ce qui est vrai pour ce petit territoire, ne l'est pas moins à l'échelle d'un État. La mutualisation et donc la mise en œuvre d'infrastructures pour permettre les échanges redeviennent rapidement indispensables 25 . Sans mutualisation, le même principe de Tocqueville qui conduit aujourd'hui à l'essoufflement des États-Nation conduira ces communautés à vouloir se fédérer. La frustration de ne pas combler l'intégralité des besoins de chacun poussera les individus à souhaiter l'alliance avec d'autres groupes dans des ensembles plus vaste. Ce n'est que lorsque chacun aura éprouvé dans son existence l'expérience douloureuse de l'isolationnisme (de l'égoïsme), que nos sociétés seront mûres pour une nouvelle concertation. 25

Pensez par exemple au partage des ressources en eau (potable ou non) qui posent problème en Israël et Palestine sur le plateau du Golan et qui ne manqueront pas de se poser chez nous entre régions sèches et régions humides.


Essai autour d'un futur possible

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Inévitable maturité

Le constat qui précède ne relève pas du pessimisme, au contraire. Quelles que soient les épreuves que traversera l'Humanité dans les décennies à venir, je reste persuadé qu'au final, elle sortira grandie de l'époque actuelle. Riches de ce que nous apprenons à nos dépends, les nouvelles sociétés qui émergeront seront bien meilleures, bien plus justes, bien plus intégrées à notre Planète que nous le sommes aujourd'hui. Ces sociétés auront leurs imperfections, mais peut-être auront-elles appris à gérer leurs frustrations pour avancer lentement vers un équilibre toujours meilleur. La démocratie, c'est apprendre à ne pas être d'accord. Le haut Moyen-Âge s'est dilué dans le bas Moyen-Âge qui s'est dilué dans la Renaissance, départ de notre civilisation actuelle qui se dilue à son tour dans… Il y aura des lendemains qui chantent pour des générations futures. En attendant, et dans le doute de voir ce nouvel âge d'or moi-même, je savoure le privilège extrême d'être contemporain de ces changements majeurs. Il est des périodes si extraordinaires que l'Histoire et les Humains ne les oublient jamais, même après des milliers d'années. Le monde sera devenu bien différent de ce qu'il est aujourd'hui mais l'Humain parlera encore des XXe et XXIe siècles comme les siècles du grand changement26. Nous sommes au cœur d'une période unique, c'est peut-être là toute notre richesse, encore faut-il savoir en profiter. 26

Et le seyant gilet jaune à bandes réfléchissantes de la sécurité routière sera porté dans les reconstitutions historiques telle une tenue traditionnelle à jamais symbole du début du XXIe Siècle.


Demain ! Essai autour d'un futur possible

Publié le 15 mars 2019 – Corrigé le 10 juillet 2019


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