Le syndicat des médias et de la communication Branche Presse et médias électroniques www.syndicom.ch facebook.com/syndicom @syndicomTweets
Edition spéciale pour les professionnel∙le∙s des médias
éditorial
engagement et succès
Chères et chers collègues
© SABINE ROCK
des personnes licenciées sont réengagées des semaines plus tard. A des conditions détériorées bien sûr. Les services de piquet sont à peine indemnisés ou ne Nous autres journalistes n’écrivons pas sur nos conditions peuvent souvent pas être compensés. Le temps de travail de travail. Mais nous interviewons des postiers stressés, n’est pas saisi, bien que la loi l’exige. Les heures supplétraitons de la sous-enchère salariale dans la construction, mentaires à accomplir chaque semaine font pratiquement commentons les licenciements collectifs dans l’industrie et partie du cahier des charges. Aujourd’hui, en Suisse rotournons des reportages sur le personnel des stations-sermande, les stagiaires travaillent déjà gratuitement . Seuls vice en grève. Et nos spectateurs et lecteurs ne connaissent ceux qui ont terminé leurs études et sont au bénéfice d’une que rarement notre situation professionnelle. expérience professionnelle Au nom de tous les journalistes, photographes, prodécrochent un stage payé. ducteurs et graphistes – la «majorité silencieuse»: Mais nous autres journanous sommes en mauvaise posture! Depuis dix ans listes n’écrivons pas à ce suen Suisse allemande et au Tessin, nous n’avons plus jet. Parce que nous exerçons de convention collective de travail qui garantirait un métier formidable. C’est un minimum en matière de salaire et de temps notre «vocation», notre pasde travail. Les honoraires des free-lance sont désion et, au fond, l’argent n’est risoires: 140 francs pour une page entière publiée pas le plus important. Quelle dans la rubrique «Feuilleton» (rubrique culturelle) ineptie: si nous aimons tant d’un quotidien renommé, 50 francs pour la pho- «Si nous aimons tant notre métier, alors défento illustrant un article de fond. Pour rappel: dans notre métier, alors dons-le! Nous voulons que la réglementation des salaires, une photo coûte nos conditions de travail per203 francs, alors que le tarif journalier des journa- défendons-le!» mettent d’écrire des articles listes indépendants s’élève à 516 francs. Les rédac- Sina Bühler (g.), journaliste, de qualité, que les bénéfices teurs et rédactrices touchent 5933 francs en début et Silvia Luckner, photographe sans commune mesure des de carrière dans les villes de Berne, Bâle et Zurich; grands groupes soient réinhors des centres, leur salaire s’élève à 5515 francs. vestis dans le journalisme. Donc dans les personnes qui le Aujourd’hui, les rédactions recourent toujours plus souconstituent: photographes, journalistes, graphistes ou provent à des collaboratrices et collaborateurs indépendants ducteurs. Pour revaloriser notre métier, engageons-nous et pour économiser à tout-va. Les licenciements collectifs parlons de notre travail. s’enchaînent et des postes passent à la trappe à chaque reprise de journal. Les plans sociaux proposés par les direcSina Bühler et Silvia Luckner, coprésidentes du comité tions des grands groupes sont scandaleux. Quelques-unes de branche Presse et médias électroniques de syndicom
Et en Suisse romande? Si la Suisse italienne et la Suisse alémanique sont privées de convention collective depuis 2004, la Romandie a renouvelé sa convention régionale au pour le 1er janvier 2014. Les négociations ont été difficiles: la grille salariale a été sacrifiée. Il reste malgré tout un salaire d’entrée pour les journalistes engagés dans des titres signataires de la CCT. Les free-lance, quant à eux, ont conservé leur barème des tarifs minimaux. Le document, signé par Médias Suisses et impressum, tente aussi de protéger la santé des employés et leurs conditions de travail dans un environnement de plus en plus multimédia. Petit bémol: syndicom a été jusqu’à présent exclu de ce partenariat social. En 2013 pourtant, l’Assemblée des délégués d’impressum a voté à l’unanimité pour que syndicom soit admis à la table des négociations. Mais l’organisation faîtière des éditeurs oppose toujours son veto, en arguant que la représentativité n’est pas suffisante. Il faut donc que nous soyons plus nombreux, afin que notre démarche pour protéger la profession et la fonction fondamentale des médias soit encore plus forte et efficace. Syndiquez-vous: www.syndicom.ch
La lutte paie! syndicom sur le lieu de travail De nombreuses rédactions n’ont pas de commissions du personnel ou, si elles existent, elles ont peu de poids. syndicom apporte son soutien pour créer des représentations syndicales fortes, par exemple auprès du Tages-Anzeiger et de la Berner Zeitung. Le syndicat accompagne les commissions du personnel lors de négociations et les aide par ses conseils et actions. syndicom et la politique professionnelle Par son engagement au Conseil suisse de la presse, par le biais de la promotion de la presse, de la formation continue et du perfectionnement des journalistes, et enfin via le magazine pour les collaborateurs des médias Edito + Klartext, syndicom s’impose comme une force motrice au niveau de la politique des médias et de la politique professionnelle. syndicom à la table des négociations Nous luttons pour améliorer les plans sociaux. En juillet 2009, comedia, impressum et la commission du personnel du Tages-Anzeiger sont parvenus à un accord avec Tamedia, pour les personnes touchées par les licenciements collectifs. Le plan social obtenu va bien au-delà de l’offre i nitiale faite par la maison d’édition. syndicom contre les discriminations De nombreux groupes de membres sont toujours confrontés à des injustices sur leur lieu de travail et dans la société. Il s’agit notamment des femmes, des jeunes, des migrant·e·s, des retraité·e·s et des indépendant·e·s. syndicom s’engage pour une société exempte de discriminations. syndicom au tribunal Un exemple parmi tant d’autres: en 1978, un membre de syndicom (autrefois USJ), Max Messerli, prend une des photos les plus célèbres de Bob Marley. Puis une agence la vend en format poster, à des milliers d’exemplaires. Messerli lance une action en justice. Le syndicat prend à sa charge les honoraires d’avocat. En première instance, la violation du droit d’auteur n’est pas reconnue et Messerli est donc débouté. Il a fallu aller jusqu’au Tribunal fédéral pour faire admettre que la photographie est une œuvre protégée par le droit d’auteur. syndicom dans le mouvement syndical Nous sommes affiliés à l’Union syndicale suisse (USS) et à la Fédération internationale des journalistes (FIJ). En collaboration avec ces organisations faîtières, nous nous engageons pour de bonnes assurances sociales, une protection efficace des salarié·e·s et des conditions de travail décentes. syndicom aux urnes Nous nous engageons aussi au niveau politique pour la justice sociale: ainsi, syndicom (et autrefois aussi le Syndicat de la Communication et comedia), avec les autres syndicats de l’USS, lance le référendum contre la réduction prévue des rentes du deuxième pilier.
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Le syndicat des médias et de la communication
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Florian Niedermann, journaliste à la Limmatthaler Zeitung « Je m’engage au syndicat parce que je ne veux pas faire partie de la cohorte de journalistes qui se plaignent de leurs conditions de travail sans réagir. La branche a besoin d’une nouvelle CCT. Surtout pour améliorer la situation des indépendant·e·s. »
Dominique Hartmann, rédactrice au Courrier « Comme la profession de journaliste se caractérise par l’individualisme et l’esprit de concurrence, il me semble élémentaire de faire partie d’un syndicat. Surtout aujourd’hui, depuis que le métier a radicalement changé et sachant qu’il n’y a toujours pas de CCT en Suisse alémanique et au Tessin. »
Thomas Leuzinger, journaliste free-lance et directeur « Certains collaborateurs et collaboratrices free-lance sont payés au lance-pierres – c’est scandaleux. Comme les rédactions réduisent leurs effectifs et font donc de plus en plus souvent appel à des free-lance, la branche a besoin d’une CCT de toute urgence. Rien qu’à cet égard, le travail du syndicat est indispensable. »
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Daniel Sager, journaliste et chef d’édition à Tele Top « En tant que salarié, il est évident pour moi de m’affilier au syndicat. Car nous ne pouvons défendre nos intérêts que de manière collective. Etre syndiqué, ce n’est pas simplement payer sa cotisation. Car pour avoir une véritable force de frappe, un syndicat a besoin d’une base active capable d’autodétermination. »
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Daniele Fontana, Journaliste « Au Tessin, le nombre de journaux reste élevé grâce au Web. Toutefois, cela n’améliore pas la pluralité de la presse.
La situation sur le marché éditorial reste très tendue. Résultat ? Les journalistes sont mis toujours plus sous pression, leurs conditions de travail précarisées. Quant à la qualité des produits, elle se détériore. Il faut un mouvement syndical qui défende les intérêts des journalistes et assure la qualité de l’information. »
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Roman Berger, journaliste et rédacteur retraité du Tages-Anzeiger « En Suisse, trois éditeurs contrôlent 70 % des médias qui diffusent des informations politiques. Toujours davantage de journalistes travaillent donc dans des
noyaux rédactionnels qui fabriquent des nouvelles à la chaîne. Grâce à cette ‹ efficience optimisée ›, les groupes actifs dans les médias génèrent à nouveau des bénéfices juteux. Mais est-ce là l’avenir du journalisme ? Et de la démocratie ? Nous devons nous défendre. Car si nous n’intervenons pas, d’autres le feront pour nous. »
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Patrick Gutenberg, reporter, photographe indépendant « Un CCT aurait l’avantage de fixer un seuil minimal
d’honoraires, pour permettre aux photojournalistes d’en vivre. »
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collègues ont été engagés et à nouveau licenciés. Traités comme des pions, ils ne comptaient pas. Avec mon syndicat, je souhaite m’engager pour de bonnes conditions de travail dans la branche, pour des salaires équitables et pour une politique des médias qui ait du sens. »
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Sabine Arnold, Journaliste « En tant que journaliste, je ne voulais pas me prêter à la compilation de contenus. Et je ne me voyais pas non plus comme tâcheronne du chef d’édition. Mais, dans le cadre de mes six années de journaliste à plein temps, j’ai déjà vécu cette expérience. Pour qu’une société active dans le secteur des médias puisse poursuivre sa stratégie de croissance à tout prix, des
© T ILL FORRER
Branche presse et médias électroniques: lES membres du comité
Portrait de David Bruderer
Portrait de Isabella Viset ti
Portrait de Antoine Grosjean
« Il ne faut pas dévaloriser notre travail »
« Nous devons lutter pour la qualité auprès des éditeurs »
Le journaliste sportif David Bruderer à la Zürichsee-Zeitung. Depuis la reprise du Landbote par Tamedia, il travaille une semaine sur quatre à Winterthour. Sina Bühler
Isabella Visetti, rédactrice et journaliste de la RSI, espère une réglementation des rapports de travail et s’oppose à un journalisme minimaliste. Fabia Bottani Thirion
Antoine Grosjean est rédacteur à la Tribune de Genève. Il s’engage pour que syndicom soit enfin reconnu comme partenaire social. Dominique Hartmann
Depuis le 1er juin dernier, David Bruderer met deux heures de plus pour se rendre au travail. Bien des choses ont changé depuis que Tamedia a repris à la fois la Zürichsee-Zeitung (ZSZ), le Zürcher Unterländer (ZU) et le Landbote de Winterthour, qu’il concentre sous une même enseigne (Zürcher Regionalzeitungen SA). Une rédaction sportive commune a notamment été créée à Winterthour. Toutes les trois semaines, David Bruderer est donc de service dans cette ville ; le reste du temps il écrit ses articles dans les locaux de la rédaction de la ZSZ à Stäfa. Ce père de famille a réduit son taux de travail de 90 % à 80 % : « Le jeudi est mon jour fixe de père au foyer. » Un déménagement n’est jamais entré en ligne de compte, à cause de ses deux fils et de la maison familiale. David Bruderer rit : « Je ne peux pas déménager chaque fois que la ZSZ regroupe des rédactions. J’en suis déjà à mon troisième lieu de travail. » Les restructurations sont devenues monnaie courante, surtout dans les journaux régionaux. Avec ses collègues de la commission du personnel, David Bruderer a tout de même réussi à atténuer un peu les conséquences de la fusion. « Moi-même, je n’étais pas sûr de garder mon emploi », admet le journaliste de 39 ans. « Trois journaux étaient concernés, avec deux commissions du personnel. Au début, Tamedia nous invitait toujours séparément. Mais nous nous sommes concertés et avons fait front commun, avec l’appui des deux syndicats. » Les commissions du personnel (CoPe) ont récolté des signatures et organisé plusieurs manifestations. Ces actions n’ont cependant pas incité Tamedia à respecter le plan social équitable, négocié en 2009. « Elles ont toutefois eu le mérite de montrer que nous ne nous laissons pas faire et n’acceptons pas n’importe quoi. Et le rédacteur en chef s’est efforcé de trouver des solutions individuelles pour les personnes touchées, notamment par des mutations dans d’autres rubriques. » David Bruderer a été sensibilisé très jeune à la politique. Son souvenir
« Depuis que je suis enfant, je rêve d’être journaliste, de faire l’envoyée spéciale ; j’aspire au journalisme engagé, au journalisme d’enquête », raconte Isabella Visetti, rédactrice à temps partiel depuis presque deux ans à la Rete Uno de la RSI à Lugano, où elle vit avec ses trois fils. « J’ai grandi en Italie, à Valsolda, une petite commune située à quelques kilomètres de la frontière italo-suisse. Une partie de ma famille vivait en Suisse ; j’ai fréquenté le lycée à Lugano et ai étudié la jurisprudence en Italie. J’ai toujours vécu entre les deux pays. La frontière n’a jamais été une barrière pour moi, mais plutôt un filtre », explique Isabella Visetti. Avec cette ouverture d’esprit, à 25 ans elle est élue syndique de Valsolda. « C’était en 1993, l’Italie venait de vivre Tangentopoli (surnom donné au système de corruption mis à jour par la série d’enquêtes judiciaires Mani pulite visant des personnalités du monde politique et économique italien) ; la volonté de tourner la page était forte. Ce fut difficile d’endosser le costume de syndique, mais aussi terriblement
le plus marquant remonte à 1983, lorsqu’il aidait ses parents à récolter des signatures contre la place d’armes de Rothenthurm (SZ). L’initiative fut a cceptée par le peuple en 1987. « Chaque fois que je me rends de Biberbrugg à Arth-Goldau, je me rappelle ce qu’on peut obtenir en s’unissant ». Il souhaite aussi que les journalistes fassent front commun pour ne pas devenir le jouet des grands éditeurs. Il en appelle à la responsabilité de chaque membre d’un syndicat : « Nous devons faire comprendre aux gens la nécessité de se syndiquer. » David Bruderer est un joueur de handball invétéré. Il joue même en ligue nationale B avec l’équipe de Stäfa. Suite à une déchirure des ligaments, il se met à écrire pendant sa convalescence des comptes rendus de matchs pour la Z ürichsee-Zeitung, avant même la fin de son gymnase. Après cette blessure, il remet aussi en question son projet de devenir prof de sport et en-
tame des études de géographie. Après quelques semestres, il change de nouveau d’orientation et commence la formation d’enseignant secondaire. Il gagne alors sa vie comme journaliste free-lance, puis est engagé à la rubrique des faits divers de la rédaction de la ZSZ, deux après-midis par semaine. Le chef de la rubrique des sports souhaite l’engager avant même la fin de ses études. « Nous nous sommes alors mis d’accord pour quelques services de nuit et du dimanche », raconte Bruderer. Ce n’est qu’une fois son diplôme d’enseignant en poche qu’il accepte finalement, en 2002, un contrat fixe. Ce qu’il apprécie le plus dans son métier, c’est de pouvoir suivre des athlètes tout au long de leur carrière : « C’est formidable de les voir évoluer, non seulement sur le plan sportif mais aussi en tant qu’individu. » Seul un journaliste sportif régional a l’occasion d’approcher de si près les stars du sport de demain.
de bonnes conditions de travail malgré l’absence d’une CCT pour les journalistes. » Isabella Visetti a découvert le syndicat en suivant les Corsi di giornalismo della Svizzera italiana. « J’en ai tout de suite compris l’importance pour moi, citoyenne italienne, exclue du monde politique suisse : le syndicat est devenu un «substitut» de mon engagement politique, un instrument pour réfléchir à l’évolution des conditions de travail, une voix de dénonciation politique. J’ai ainsi d’abord fait partie du comité central et y représentais la commission des femmes. Aujourd’hui, je suis au comité tessinois de la branche Presse et médias électroniques. » « Au moment de la fusion avec le Syndicat de la Communication, j’avoue avoir eu de nombreux doutes. Aujourd’hui, je peux dire que syndicom est encore le syndicat des journalistes. Le syndicat n’a pas été chamboulé. Les équilibres entre les catégories professionnelles sont bons. »
té envers mon syndicat et parce que je trouve important qu’il existe plusieurs organisations de journalistes, même si elles doivent coopérer le plus possible. En outre, nous sommes devenus plus forts, puisque syndicom compte aujourd’hui 39 000 membres. » Pour lui, l’orientation politique est désormais moins marquée à gauche qu’auparavant à comedia. Or c’est elle qui avait fait pencher la balance en son temps : « La plupart de mes collègues s’étaient décidés pour impressum, que je considérais plutôt comme une organisation professionnelle. Notre syndicat a, lui, une image offensive ; cela m’a plu dès le départ. » A syndicom, toutes les autres professions de la branche sont aussi organisées « et pas seulement l’élite des journalistes, qui ne pourrait pas faire le journal seule... », déclare Antoine Grosjean avec un sourire. © URSUL A HÄNE
passionnant. Et ce fut dur de ne pas être réélue à la fin de mon mandat. » Mais cette non-réélection rapproche Isabella du journalisme. Elle participe à un concours et est engagée comme rédactrice en charge de la rédaction italophone de la revue Mondovivo, éditée par la Bethlehem Mission Immensee. « C’était une revue catholique, mais très moderne, ouverte aux problématiques politiques, attentive aux questions liées à la coopération, au développement et au mouvement ‹ no-global › – en pleine ascension à l’époque. » Ensuite, pour des raisons personnelles, elle quitte le Tessin et trouve du travail à la rédaction de Cooperazione à Bâle. « J’ai accepté de travailler pour un journal d’entreprise afin d’exercer ma profession dans ma langue maternelle, aussi de l’autre côté du Gothard. Au fond, je m’étais dit que Ruth Dreifuss, elle aussi, avait travaillé à Cooperazione… » Et Isabella Visetti est restée neuf ans à Cooperazione. « Parce qu’il y a une ambiance formidable et la possibilité d’exercer un travail intéressant. De plus, j’ai une grande liberté dans le choix des thèmes et bénéficie
© URSUL A HÄNE
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« Nous devons faire comprendre la nécessité de se syndiquer »
Moins de pré jugés contre le syndicat et plus de curiosité « Je suis déconcertée de voir qu’il ne semble pas encore possible de réglementer les rapports de travail en Suisse, ni même de conjurer le risque de dumping toujours plus fréquent. Pas parce que les syndicats manquent d’énergie, mais plutôt en raison d’un préjugé envers ces institutions pas encore vraiment reconnues dans les débats sociaux », déclare Isabella Visetti. « Et dans l’attente d’une CCT nationale pour les journalistes, la profession change. L’évolution multimédia ne me dérange pas, à condition toutefois qu’elle ne se transforme pas en sollicitations excessives. Mais ce qui me fait surtout souffrir, c’est l’évolution du journalisme qui réduit tout le travail à quelques signes et tue l’approfondissement. Nous devons nous opposer à ce type d’évolution, à la dévalorisation de la profession, et maintenir vivante la curiosité des journalistes et des lecteurs. »
Pour Antoine Grosjean, 42 ans, journaliste à la Tribune de Genève depuis 2003, « la profession doit actuellement faire face à de nombreux défis. Les mesures d’économies tous azimuts dans les rédactions et la dégradation des conditions de travail et des acquis sociaux prouvent que nous avons plus que jamais besoin d’un syndicat fort et combatif ».
défense de la qualité de la presse C’est en 2003, au début de son stage de journaliste, qu’Antoine Grosjean a adhéré au syndicat – autrefois comedia, aujourd’hui syndicom. « Etre membre me permet de m’impliquer dans la protection des travailleurs et d’être au courant des rapports de force et de la situation dans le secteur de la presse, non seulement en Suisse romande, mais aussi en Suisse alémanique et au Tessin, privés de convention collective depuis des années. »
L’évolution de la profession de journaliste, surtout dans les médias imprimés, lui cause du souci. « Internet nous oblige à travailler de plus en plus dans la précipitation et ne nous laisse souvent pas le temps de prioriser ou d’approfondir les informations, afin de présenter les faits de manière nuancée. La contrainte d’être rapide, à laquelle nous sommes soumis avec autant de personnel qu’auparavant, voire moins, menace la qualité de notre travail. L’éthique et la déontologie sont souvent mises à mal. Pour les défendre, nous devons lutter dans nos rapports avec les éditeurs. » Antoine Grosjean mise sur le syndicat syndicom pour cela. Antoine Grosjean avait suivi avec scepticisme la fusion entre comedia et le Syndicat de la Communication. « En tant que journalistes, nous représentons aujourd’hui une minorité. Malgré tout, je reste membre, par loyau-
t irer à la même corde avec le syndicat Lorsque les éditeurs ont dénoncé la précédente CCT romande et que Tamedia a annoncé un plan d’économies de dizaines de millions de francs, Antoine Grosjean a été conforté dans son choix – même si syndicom n’est toujours pas reconnu par Médias Suisses comme partenaire dans la CCT. « Quand mon syndicat est exclu des négociations, je le ressens comme une violation de ma liberté syndicale », confie celui qui siège aujourd’hui au sein de la Société des rédacteurs et du personnel (commission du personnel) de la Tribune de Genève, ainsi qu’à la Coordination des rédactions de Tamedia Publications Romandes. « J’espère que les diverses organisations de journalistes poursuivront le rapprochement mis en route, même si je ne suis pas encore convaincu par la création d’un unique grand syndicat. Pour représenter les intérêts d’un corps de métier en mutation constante, il est toujours plus important que toutes et tous tirent à la même corde lors des négociations menées avec les éditeurs. »
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Profession: photographe
Cette passion douce – et toujours plus amère – pour la photo La branche presse s’adresse aussi aux photographes. Cette catégorie professionnelle est confrontée à une évolution technologique fulgurante et soumise à une concurrence féroce – avec des mandants toujours moins conscients de la valeur d’un cliché. « Les moyens de se protéger sont insuffisants, affirment les photographes. Il est donc important de se syndiquer pour lutter ensemble pour nos droits. » Fabia Bottani Thirion La photographie fascine. Enfants, nous adorions poser devant l’objectif ; plus grands, nous nous adonnions à des compétitions entre amis pour réaliser le meilleur cliché. Qui n’a jamais cru être un grand photographe ? Une illusion qui grandit avec les téléphones portables à usages multiples et avec des appareils toujours plus simples et au rendement toujours plus élevé. Certains journaux incitent même leurs propres lecteurs à s’improviser photographes, les invitant à envoyer des instantanés d’événements dont ils sont témoins. Ce faisant, ils minent un marché déjà saturé. Et les photographes professionnels en font les frais. La présence de syndicom pour renforcer et / ou créer des instruments (CCT, tarifs minimaux…) afin de défendre et soutenir les photographes professionnels est donc fondamentale. « Appartenir au syndicat remonte à une tradition familiale. Tout petit déjà, j’ai entendu parler de solidarité entre travailleuses et travailleurs, de l’importance
de lutter pour ses droits… Au début, ces concepts avaient des contours flous. Puis, avec le temps, ils sont devenus plus nets », affirme un photographe, qui ajoute : « Il est certain que le syndicat n’arrive pas toujours à gagner toutes les batailles, mais il est là pour m’accompagner dans les situations difficiles, pour me donner des conseils. Il me permet d’avoir une protection juridique à des conditions très avantageuses. Et quand tu es indépendant, c’est très important… » « Depuis les licenciements prononcés par Edipresse en automne 2009, la situation s’est dégradée : de nombreux photographes ont perdu leur emploi. Certains d’entre eux ont réussi à garder de petits mandats pour le même éditeur. D’autres, en revanche, n’ont pas eu cette chance… Toutes et tous mènent une lutte quotidienne face à l’incertitude du mois suivant. Nous devons toujours être disponibles pour éviter qu’un collègue – ou pire, un lecteur muni d’un simple smartphone – nous vole notre travail », ra-
conte un photographe suisse romand. Il ajoute : « De nombreux collègues, prêts à tout pour travailler, acceptent de casser les prix malgré les tarifs minimaux prévus par la CCT de la presse ; cela crée une concurrence malsaine – non plus basée sur la qualité du produit, mais sur les coûts. Le syndicat est important pour rappeler la vraie valeur de notre travail, et donc pour protéger notre profession. » « J’ai connu syndicom par hasard, lorsque j’ai fait partie d’un groupe de photographes, tous syndiqués, affirme une photographe. Les avantages ? Pour l’instant, je n’ai encore pas eu de vrais problèmes, mais le syndicat m’a aidée à maintes reprises à les éviter, m’expliquant par exemple quels sont mes droits et mes devoirs. Dans ma profession, les droits d’auteur et la protection de la personnalité sont des questions assez complexes auxquelles je suis confrontée chaque jour… Il suffit de peu pour finir au tribunal… Et aujourd’hui, avec internet et les réseaux sociaux, la prudence n’est jamais de trop… »
Histoire
De l’USJ à syndicom
éditeur, avait décidé d’en stopper la publication en automne 1978. Il s’agissait de la toute première grève d’un journal survenue en Suisse. Elle n’a certes pas permis de sauver Tat, mais l’éditeur a dû faire des concessions – et les syndicalistes sont sortis renforcés de la lutte. Le bouleversement du paysage médiatique a débuté au cours de la décennie suivante. L’USJ l’a activement accompagné, dans les avis exprimés aux procédures de consultation, par ses commentaires engagés et même par une série d’ouvrages traitant de la politique des médias (aux Editions Lenos). Pendant la troisième décennie, le syndicat des journalistes – qui entre-temps comptait non seulement davantage de femmes, mais
De nombreux avantages Carte de presse : comme titre d’inscription au registre professionnel (RP), carte de presse syndicale ou carte de presse internationale, ce document vous rendra service au quotidien. Assistance juridique professionnelle : syndicom vous aide et vous conseille pour toute question liée aux rapports de travail, qu’il s’agisse de droit du travail, d’assurances sociales, de droits d’auteur, de droit des médias. Deuxième pilier : la caisse de pension Freelance gère le deuxième pilier des journalistes indépendants ; syndicom, avec Helsana, propose aussi une assurance d’indemnités journalières en cas de maladie à des conditions intéressantes. Formation continue : syndicom, avec l’institut de formation des syndicats Movendo, organise des cours qui vous aideront à progresser professionnellement. Vous pouvez suivre gratuitement un cours par an. En outre, syndicom soutient votre perfectionnement professionnel, en vous accordant une participation maximale de 500 fr. par an pour un cours de votre choix.
Bons de formation : si vous effectuez une formation à plein temps vous recevez un bon de 100 fr. par année, comme contribution à l’achat d’ouvrages spécialisés et de matériel pédagogique. Ouvrages de référence : le syndicat publie des manuels et des brochures d’information, dont l’utilité est largement reconnue. Pour plus d’informations sur les prestations syndicales : prenez contact avec le secrétariat régional au 058 817 19 27.
Les journalistes membres de syndicom ont eu une histoire mouvementée, dont les débuts remontent à plus de quarante ans. Stefan Keller C’est en octobre 1970 que près de 60 journalistes se sont retrouvés dans une salle de conférences du SSP pour créer un nouveau syndicat. Parmi eux figuraient Anton Schaller, Max Jäggi, Heinz Däpp, Frank A. Meyer, Ludwig A. Minelli et Sil Schmid ; les cinq sixièmes étaient de sexe masculin et les 33 personnes ayant aussitôt adhéré au syndicat ont plébiscité le nom d’Union suisse des journalistes (USJ) – en référence à leur homologue allemand (Deutsche Journalisten-Union), qui avait parrainé le projet avec le SSP. Certains de ces membres étaient précédemment organisés au sein de la vénérable Association de la presse suisse, comme s’appelait alors impressum. Or après 1968, on en avait assez des organisations corporatistes, on voulait un vrai syndicat, prêt à lutter s’il le fallait. L’USJ a tiré profit de son statut de sous-organisation du SSP (savoir-faire syndical des secrétaires, infrastructure, ressources financières). Un an plus tard, elle avait franchi le cap des 100 membres, puis celui des 500 dix ans plus tard, pour compter 1500 membres au bout de vingt ans – toutefois presque uniquement en Suisse alémanique et au Tessin. L’un des temps forts de la première décennie d’activité de l’USJ a été la grève de la rédaction du quotidien Tat. Migros, son
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même une secrétaire des femmes – est devenu cosignataire de la CCT de la presse alémanique et tessinoise, dont la création remonte à 1918. Il l’est resté jusque dans la quatrième décennie, en 2003 où les é diteurs ont dénoncé cette CCT pour ne pas la remplacer. Il était devenu urgent de réunir tous les journalistes et autres professionnels des médias dans un seul syndicat. Cette opportunité a hélas été gâchée en 1999, lors de la création de comedia. En effet le SSM, soit le syndicat interne de la SRG / SSR et l’APS (Association de la presse suisse, devenue impressum) ont renoncé in extremis à une fusion. Les éditeurs ont profité par la suite de cet éparpillement des forces syndicales. Il ne reste plus beaucoup de membres fondateurs. Certains ont quitté la profession. D’autres ont changé de camp. Mais entretemps, heureusement, le syndicat a continué à s’agrandir, en Suisse romande aussi. Depuis que comedia a fusionné avec le Syndicat de la Communication en 2011 pour former le plus grand syndicat des services, syndicom compte plus de 2000 membres parmi les journalistes. Depuis 2014 – avec sa série d’actions le 13e jour de chaque mois – la branche lance un coup de projecteur sur les conditions de travail détériorées dans les médias, et attire ainsi l’attention du public.
Adhérez maintenant ! www.syndicom.ch En Suisse romande, la branche Presse et médias électroniques compte environ 300 membres. Patricia Alcaraz, journaliste RP, est la responsable régionale de la branche. Pour toute question, n’hésitez pas à la contacter à l’adresse patricia.alcaraz@syndicom.ch ou au 058 817 19 31. Stéphanie Vonarburg est la secrétaire centrale de la branche Presse et médias électroniques.
impressum rédaction: Stephanie Vonarburg, Tamara Gerber, Sina Bühler, Tel. 058 817 18 18, medien@syndicom.ch Maquet te: Katja Leudolph Correction: Marie Chevalley Impression: gdz AG, Spindelstrasse 2, 8041 Zurich éditeur: syndicom – le syndicat des médias et de la communi cation, Monbijoustrasse 33, CP 6336, 3001 Berne, tél. 058 817 18 18, fax 058 817 18 17 mail@syndicom.ch, www.syndicom.ch 2e édition 2015