Mémoire : L’AUTO-RÉCUPÉRATION, ROME (1960-2020).

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L’AUTO-RÉCUPÉRATION, ROME (1960-2020). LORENZANA CASTRO TESSA ENSEIGNANTE TUTRICE: CAROLINE ROZENHOLC-ESCOBAR

ANNÉE 2020-2021 A L’ECOLE NATIONALE SUPERIEURE D’ARCHITECTURE DE PARIS VAL DE SEINE

CULTURES GLOBALES ET CULTURES LOCALES EN ARCHITECTURE ET URBANISME


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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier, en premier lieu, mon enseignante Caroline Rozenholc-Escobar qui m’a accompagnée dans la rédaction de ce mémoire, elle a su être continuellement présente et répondre à chacun de mes questionnements. En second lieu, j’aimerais remercier mes parents qui me permettent de faire les études de mon choix et qui me soutiennent chaque jour. J’aimerais par la même occasion remercier particulièrement deux de mes camarades, Jean Montagne, qui a su m’aider grace à son cursus à la Sapienza et son travail d'investigation mais également Judith Pierret qui m'a soutenue, de façon inconditionnelle pendant ces cinq années et surtout durant cette dernière année si particulière.

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SOMMAIRE

ROMA AVA NT-PROPOS

INTRODUCTION Pages 6-7

Pages 8-11

1- LE SYSTÈME DE L’AUTO-RÉCUPÉR ATION

2- LES ACTEURS DE CE SYSTÈME.

Pages 12-23

Pages 24-35

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3-PORTO FLU VIALE, ILLUSTR ATION D’UN PROJET.

CONCLUSION

Pages 36-49

Pages 50-51

A NNEXES

BIBLIOGR APHIE/ ICONOGR APHIE Pages 52-58

Pages 60-66

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AVANT-PROPOS

Lors de mon rapport de licence1, j’ai eu l’occasion de travailler sur l’architecture humanitaire. Ce sujet était venu d’une discussion avec l’un de mes professeurs de projet qui expliquait que pour « faire de l’architecture il faut aimer les gens ». C’est pourquoi je me suis intéressée aux différentes manières dont les architectes ont fait évoluer l’architecture et, plus précisément, les logements dans des conditions d’urgence. Selon moi, l’architecture se doit d’être au service des populations en répondant à travers ses différents programmes aux envies et, surtout, aux besoins des usagers. Le programme qui est, pour moi, le plus nécessaire et le plus intéressant à travailler est celui du logement. C’est pourquoi j’ai choisi d’orienter mon mémoire de master vers la question du programme du logement social. En parallèle de mes recherches, je me suis inscrite pour mon master dans le domaine d’étude « Transformation » qui formule, pour moi, l’avenir de l’architecture. Nous sommes, en effet, dans une période où les villes se développent rapidement et où il est difficile de construire des bâtiments neufs sur de nouvelles parcelles. L’architecture se doit d’évoluer vers une tendance de réutilisation et de réhabilitation ; cette dernière représentant, aujourd’hui d’ailleurs une grande partie du domaine de la construction. Ma seconde préoccupation, concomitante, est de comprendre comment se développe un projet destiné à la seconde vie d’un bâtiment. Les questions de l’évolution d’un bâtiment dans le temps, sa transformation, l’adaptation d’un bâtiment n’étant pas destiné à accueillir des logements, sont alors pour moi des questions primordiales. Lors du workshop européen de mon année de master 12, j’ai eu l’occasion de rencontrer Marcos Coronel Bravo, architecte et professeur d’architecture à la Chaire de conception architecturale de l'Université centrale du Venezuela, qui nous a parlé de la Torre David dans le centre de Caracas. Il s’agit d’une grande tour de bureaux de 44 étages dont la construction est abandonnée en 1994 suite au décès du principal investisseur et à la crise économique qui frappe le Venezuela à l’époque.

1 LORENZANA CASTRO Tessa, 2019, L’Architecture humanitaire, architecture au service des populations, 20p. 2 Workshop Européen : La pensée mise en œuvre place Mazas, Marcos CORONEL BRAVO, 2020. 6


Destinée, à la base, à développer le quartier d’affaire de la capitale, cet immense édifice en chantier fut, en 2007, réinvesti par 750 familles sans logements ou mal-logées de la ville. Les familles pauvres, qui d’habitude étaient reléguées dans les bidonvilles en périphérie de la ville, se trouvaient alors en son centre. Je me suis alors questionnée sur ce phénomène : les populations pauvres reléguées toujours plus loin des centres-villes, que ce soit en Amérique latine ou en Europe. En effet, on peut observer dans presque toutes les grandes villes du monde ce phénomène. Dans ce contexte, la Torre David constitue alors un moyen pour les populations pauvres de revenir au centre de la ville. Je me suis donc questionnée sur des phénomènes similaires dans les pays européens et, après de nombreuses discussions avec mes professeurs et mon entourage, j’ai pu découvrir le système de « l’auto-recupero » présent en Italie. J’ai alors choisi de centrer mon propos sur l’Italie et plus particulièrement sur Rome car j’ai découvert un cas d’étude apparemment exemplaire du système de l’« auto-recupero » en ce qui concerne différents points abordés plus tard dans ce mémoire. J’avais pour volonté initiale, pour ce travail, de me rendre sur place afin d’interroger les habitants et les membres de la coopérative du Porto Fluviale, mon étude de cas, que j’ai choisi pour sa particularité d’être la propriété du Ministère de la Défense italienne et d'être, aujourd'hui encore, en pleine lutte. Je voulais également interroger les habitants du quartier. Ce terrain devait me permettre de recueillir la vision de chacun de ces acteurs sur un tel système de logement au sein de la ville, ainsi que d’en relever, in situ, l’organisation spatiale et l’implantation urbaine. Cependant la situation exceptionnelle qu’a connu le monde dès le début de l’année 2019 m’a obligée à revoir mes méthodes de travail afin de trouver des réponses à mes questions. J’ai dû faire un grand travail d’investigation sur le site de l’Institution Nationale de Statistiques italiennes, ainsi qu’un long travail de traduction de plusieurs articles et ouvrages. J’ai la chance d’être en contact avec un étudiant français, Jean Montagne, vivant actuellement à Rome depuis maintenant deux ans. Il m’a permis de compléter mes connaissances et mes recherches à travers ses recherches personnelles.

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INTRODUCTION

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L‘histoire du logement en Europe a connu de nombreuses crises. Elles se sont manifestées différemment selon les pays d’autant plus que les points de comparaison restèrent très flous jusqu’en 1939. C’est à cette date que la Commission d’étude pour l’unification des méthodes de statistiques économiques, définie les critères d’étude du logement comme le nombre, la dimension et les éléments de confort du logement, ne prenant pas en compte, par exemple, le chauffage qui variait trop selon les situations climatiques de chaque pays. Selon Annie Fourcaut et Danièle Voldman (2013)3, cette crise généralisée connaît quatre moments. Les premières questions autour du logement apparaissent en Europe au milieu du XIXe siècle mais aucun pays n’utilise encore le terme de « crise du logement ». Les premières préoccupations proviennent de médecins hygiénistes qui s’interrogent sur la salubrité et le surpeuplement des logements. Selon ces experts, ce problème urbain proviendrait uniquement des ouvriers. En Italie, les premières expressions autour de la question de la maison ou du logement (« Questione della casa » ou « questionne degli allogi ») apparaissent plus tardivement entre 1890 et 1910. Elles seront d’usage courant jusqu’à l’arrivée du fascisme à la fin de la Première Guerre Mondiale en 1918. A la suite de la Première Guerre Mondiale, les experts abordant la question du logement, ne sont plus les médecins hygiénistes mais des économistes, des hauts fonctionnaires, des juristes, des élus ou même des architectes qui cherchent à répondre à cette crise en comprenant les blocages économiques et juridiques des pays. En France notamment les répercussions de la première guerre conduisent l’Etat à s’orienter vers une véritable politique du logement public et à créer la Société Nationale des Habitations à Bon Marché. Les architectes de l’époque chercheront alors à répondre rapidement aux différentes commandes qui visent à rendre accessibles des logements de bonne qualité aux classes populaires qui ne peuvent accéder à un logement sur le marché privé. Naîtra alors de cette recherche la standardisation et le fordisme en architecture. En effet, inspirés du monde industriel, les architectes vont créer une nouvelle manière de concevoir l’architecture. Des éléments de construction seront alors standardisés, créés en usine puis assemblés sur le chantier, ce travail se développera également après la Seconde Guerre Mondiale notamment avec le travail de Raymond Camus.

3 FOURCAUT Annie, VOLDMAN Danièle; Avril 2013, « Penser les crises du logement en Europe au XXe siècle », Le Mouvement Social, La Découverte, n°245, p23. 9


Le troisième moment de cette « crise du logement », ainsi défini par « le taux d’effort pour se loger, la pénurie de logement et la persistance de logements indécents»4, arrive en 1945, à la suite de la Seconde Guerre Mondiale des millions d’Européens se retrouvent alors au milieu des ruines ; leurs habitations ayant été bien souvent détruites par les attaques aériennes. L’Italie notamment compte, à ce moment, à titre d’exemple, sept millions de logements endommagés dont environ un million ont été totalement détruits. Cette période provoque le démarrage d’un exode rural, ainsi qu’un baby-boom et un retour à la nuptialité. Tous ses événements ramènent alors la question du logement au centre des discussions, en effet, suite aux différentes destructions la pénurie de logement fut encore plus grande. Cependant, la priorité absolue des différents Etats, après-guerre, reste le rétablissement des économies nationales. D’après l’article de Danièle Voldman, « À la recherche de statistiques européennes sur les habitations au XXe siècle » 5, suite aux ravages de la Seconde Guerre Mondiale, 22% de logements supplémentaires étaient nécessaires, en Europe, pour palier le besoin accru de logements suite aux destructions et répondre au surpeuplement que cela a entrainé. Ce chiffre s’élevait même à 28% pour l’Italie6. Pour établir ces chiffres, la Commission économique pour l’Europe, créée en 1947, demanda à chaque gouvernement d’établir une comparaison de la situation générale avant et après la Seconde Guerre Mondiale, permettant ainsi de révéler les sources de cette pénurie de logements. Il est d’ailleurs mis en évidence que les constructions de l’entre-deux-guerres ont permis à certains pays, comme la Norvège, le Danemark ou encore les Pays-Bas, d’avoir une situation satisfaisante, voire excellente en termes de logement. La situation en Italie était tout autre. Après la guerre, en effet, le pays fait le constat suivant : la population a rapidement augmenté pendant que le secteur de la construction, lui, était en pleine stagnation, ce qui renforça l’idée déjà présente d’un grand manque de logement dans le pays. En 1947, Amintore Fanfani devient Ministre du travail et développe pendant son mandat le programme « INA-Casa » ou « Maison Fanfani ». Celui-ci aura pour but la construction de 355 000 logements7 destinés aux travailleurs aux revenus modestes sur l’ensemble du territoire. Ce plan d’intervention, fondé sur un principe de solidarité, était financé par prélèvements sur les salaires des employés et des employeurs mais il disposait également de fonds gérés par l’Institut National

4 FIJALKOW Yankel, ROZENHOLC Caroline, 2016, « D’une tente à l’autre. «Crise du logement» et mobilisations sociales en France et en Israël », Annales de Géographie, n°707, pp.5-27 5 VOLDMAN Danièle, Avril 2013, « À la recherche de statistiques européennes sur les habitations au XXe siècle », Le Mouvement Social, La Découverte, n°245, pp 17-27. 6 Idem. 7 CALABI D. (dir.), La politica della casa all’inizio del XX secolo, Venise, Istituto veneto di scienze lettere e arti, 1995 ; SECCHI B., Il racconto urbanistico : la politica della casa e del territorio in Italia, Turin, EINAUDI G., 1984 ; DI BIAGI P. (dir.), La grande ricostruzione : il piano Ina-Casa e l’Italia degli anni cinquanta, Rome, Donzelli, 2001; cité par FOURCAUT Annie, VOLDMAN Danièle; Avril 2013, Penser les crises du logement en Europe au XXe siècle , La Découverte, n°245. 10


de l’Assurance (INA) dont les actions appartiennent à l’Etat. Ce programme sera également une réaction à la crise du chômage qui s’abat sur le pays. C’est donc à cause de ces crises de l’après-guerre que les ruraux arrivèrent dans les villes pour retrouver emploi et confort de vie. Ainsi le manque de logement et les crises qui lui sont associées sont présentes depuis près de 150 ans en Europe. On entrevoit très vite que les populations les plus pauvres ont cherchés à améliorer leur cadre de vie en allant chercher du travail dans les grandes villes et que ce sont généralement les familles ouvrières qui représentent ces populations. Cependant l’accession à la vie en centre-ville ne leur est pas possible, du fait du coût des loyers et de leurs faibles revenus. Une fois encore ces populations économiquement précaires se retrouvent à vivre aux périphéries des grandes métropoles. Aujourd’hui encore, les questions de logements sont présentes en Italie. Cependant des associations tentent de remédier à ce phénomène fâcheux en exploitant les bâtiments publics vacants de la ville, permettant ainsi de donner une seconde vie au bâtiment ainsi que de nouvelles perspectives pour les familles concernées. À travers ce mémoire, je cherche à montrer que le besoin de logements en Europe et, plus particulièrement, en Italie est toujours présent. Pour en rendre compte, je m’appuierai sur l’étude d’un nouveau système de logements, présent à Rome, grâce au mouvement de l’« auto-recupero ». J’appuierai mes recherches sur l’étude de cas du Porto Fluviale, un ancien hangar de stockage de l’armée italienne, propriété du ministère de la Défense italien et symbole de la lutte pour le droit au logement à Rome. A travers son étude et sa particularité, je pourrai mettre en évidence : Comment le principe de l’auto-récupération permet à des populations économiquement précaires d’obtenir un logement en centre-ville (post années 1960 à nos jours) ? Je m’efforcerais de répondre à cette problématique en abordant dans un premier temps la définition du système d’auto-récupération, je m’intéresserai par la suite aux acteurs de ce système et enfin j’illustrerai mes propos à l’aide de l’étude du Porto Fluviale.

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1- LE SYSTÈME DE L’AUTO-RÉCUPÉRATION A- LE CONTEXTE HISTORIQUE

Figure 1: Extension de l'espace bâti de 1871 à 1971

Cet te ca r te issue du liv re de A n ne -Ma r ie SERON DE BA BONAU X , Rome, croissance d'une capitale, met en évidence l'extension de la ville et de ses espaces bât is suite au x m ig rat ions i nter-régionales su r dif férentes pér iodes.

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DES A NNÉES 1960 À 2000.

Suite à la Seconde Guerre Mondiale, de nombreux ruraux sont attirés par les grandes villes industrielles de l’époque, c’est-à-dire Turin, Milan ou encore Gênes mais surtout par la capitale, Rome, afin d’y trouver un travail. Le secteur de la construction, notamment, propose de nombreux emplois à cause des destructions de la guerre. Cependant, les familles des ouvriers logent généralement dans des bidonvilles au périphérie de la ville. Malgré que le secteur de la construction connaisse une grande activité8, des déséquilibres se créent entre les niveaux de vie et d’habitation. Depuis la fin des années 1960, l’Italie connaît « une pluralité de désordres urbains »9 tels que des mouvements de squat, des grèves pour le logement, des manifestations violentes, des attaques de bâtiments etc. Ces luttes urbaines témoignent de l’expression d’un conflit et d’une situation de crise. En effet, la crise du logement, plus présente en Italie que dans les autres pays d’Europe, va mener à de nombreuses manifestations. Cette crise tient à deux facteurs principaux que sont les migrations inter-régionales et la faiblesse des investissements et des contrôles publics en matière immobilière. En effet, entre 1955 et 1971, plus de neuf millions de personnes vont se déplacer, en Italie, afin de trouver du travail. Ces villes ne sont pourtant pas, à l’époque, prêtes à accueillir un tel afflux de personnes. Dans ce contexte de croissance démographique et de prospérité économique accrue, les critères du «bon» logement10 sont revus à la hausse. Cependant, les populations arrivantes auront malgré tous des conditions de vie déplorables. Alors qu’entre 1950 et 1970 le parc immobilier italien augmente grandement, la population, elle aussi, augmente rapidement. Les nouveaux arrivants souffrent alors d’une certaine forme de discrimination. Le loyer représentant alors 17.5% en moyenne du budget d’un ménage italien11, bon nombre d’entre eux se retrouvent à vivre dans les parcs privés dégradés qui forment ainsi des taudis surpeuplés en périphérie des villes, qualifiés plus tard de baracche12. La situation du logement en Italie devient vraiment critique et on note alors plusieurs phénomènes tels que la spéculation, le déclin de la part locative et des investissements publics très inférieurs à ceux des pays voisins.

8 CUMOLI Flavia, Avril 2013, « Exode rural et crises du logement dans l’Italie des années 1950-1970 », Le Mouvement Social, La Découverte, n°245, p.60. 9 SOMMIER Isabelle, 1997, Un nouvel ordre de vie par le désordre : histoire inachevée des luttes urbaines en Italie, presses universitaires de France, Paris, p.146. 10 CUMOLI Flavia, Avril 2013, « Exode rural et crises du logement dans l’Italie des années 1950-1970 », Le Mouvement Social, La Découverte, n°245, p.61. 11 Idem, p.62. 12 Cabanes. 13


C’est dans ces conditions que les ouvriers vont faire éclater les mouvements de contestation en revendiquant notamment le manque d’habitations, la hausse des loyers et l’exclusion urbaine. On compte, à l’époque, que 10% du parc immobilier national est inhabitable, soit 3.2 millions de pièces13. C’est alors en 1968, lorsque le GESCAL (Gestione Case Lavoratori)14, successeur du programme « INA-Casa », réduit le capital public investi alors que les travailleurs continuent de payer des mensualisations pour la construction de logements sociaux et que ces fonds restent inutilisés. C’est en 1969 que les luttes pour le logement commencent réellement. Elles se manifesteront par différents moyens tels que des « occupations sauvages de la part des personnes reléguées dans les bidonvilles »15, accompagnées de grèves des loyers suivis d’une grève nationale en novembre 1969. Ces luttes seront alors soutenues par différents partis comme la gauche traditionnelle (Parti Communiste Italien et syndicats) mais aussi par des organisations d’extrême gauche. En décembre 1969, une organisation collective se constitue d’ailleurs appelée L’Unione Inquilini (L’Union des locataires). La diffusion des mouvements sociaux est très rapide et touche petit à petit des villes jusque-là épargnées telles que Palerme, Florence ou même Bologne. En 1973, suite à ces mouvements qui entrainent beaucoup de drames et de violences, comme notamment la mort d’un enfant après une intervention policière dans un quartier occupé de la Via Tibaldi16. Le PCI décide de se désolidariser officiellement en manifestant un rejet des actions menées dans l’illégalité. Ces mouvements sociaux lancés par les ouvriers seront peu à peu rejoints par des organisations étudiantes qui luttent elles aussi pour des conditions de vie meilleures. Selon l’une des organisations, la Lotta Continua, le changement de vie passe par le changement de la ville. Cette association est l’un des plus importants mouvements de lutte d’extrême gauche italien - « Il a trouvé sa raison d’exister en voulant être dans les conflits »17 - composé d‘étudiants et de jeunes travailleurs ouvriers ; elle lutte, elle aussi, pour la création d’espaces tels que des crèches autogérées, des cantines populaires et des espaces permettant des activités culturelles et d'entraide. A partir du milieu des années 1970, on voit alors, en Italie la création de Centre Sociaux Occupés et Autogérés à l’initiative de cercle de jeunes en situation de précarité et/ou de chômage cherchant à combler leurs moments d’ennuis et d’errance dans la ville. 13 CUMOLI Flavia, Avril 2013, « Exode rural et crises du logement dans l’Italie des années 1950-1970 », Le Mouvement Social, La Découverte, n°245, p.60 14 Gestion des maisons de travailleurs. 15 SOMMIER Isabelle, 1997, Un nouvel ordre de vie par le désordre : histoire inachevée des luttes urbaines en Italie, presses universitaires de France, Paris, p.147 16 Idem. 17 Lotta Continua, Chi siamo, https://www.lotta-continua.it/ 14


Naît alors l’idée de récupérer les bâtiments délaissés pour les transformer en lieux d’échanges, de partage et de rencontres permettant d’accueillir bon nombre d’activités simples comme boire et manger, mais également des activités d’enrichissement autant culturel que politique. Ces centres disparaîtront peu à peu pour refaire surface au cours des années 1980/1990 avec comme objectif de lutter contre les inégalités sociales. Ils formeront alors des espaces autogérés pouvant accueillir quiconque cherche un lieu ouvert et informel de rencontres. Durant la même période, on voit apparaître alors ce qu’on appelle l’« auto-recupero » ou auto-récupération en français. Marqué par les luttes des années 1970, les luttes sociales sont relancées et cherchent cette fois-ci à mettre en place un système permettant aux sans-abris ou aux populations économiquement précaires de trouver un espace de logement au centre des villes. Entre les années 1989 et 1999, la capitale, en particulier, est touchée par des vagues d’expulsions pour impayés de loyer notamment, mais également pour fin de bail. On ne recense alors pas moins de 300 000 personnes ayant dû quitter le centre historique de la capitale italienne18. Le mouvement lutte ainsi pour le droit aux logements et le nombre d’occupations illégales est décuplé. De nombreuses associations et coopératives voient alors le jour. En 1989 on note la création de la première expérience d’auto-récupération encore existante et en 1999, enfin, trente écoles désaffectées sont occupées par plus de 500 familles dans l’illégalité totale créant ainsi 3000 logements. Il est alors important de comprendre en quoi consiste réellement le système d’auto-récupération.

Figure 2: Une manifestation de la Lotta Continua en 1973

Illust rat ion de la jeu nesse it alien ne prena nt pa r t au x lut tes sociales en jeu en 1973, à t ravers l'associat ion la Lot t a Cont i nu a.

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MAURY Yann, Mai 2011, La Bocca Della Verita, 30’, film documentaire. 15


B- DÉFINITION D’UN NOUVEAU SYSTÈME

Figure 3: Cartes des régions italien nes et des «m unicipi» ro m ains

Illust rat ion de l'orga n isat ion ter r itor iale de l'It alie. Le pays est composé de vi ng t-t rois régions dont celle du Lat iu m qui est elle même divisée en ci nq provi nces et dont le chef lieu est la capit ale, Rome. La ville est elle aussi subdivisée en qui n ze municipi, équivalent de l'a r rondissement f ra nçais.

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QU’EST-CE QUE L’“AUTO-RECUPERO”?

L’« auto-recupero », ou en français l’auto-récupération, est un système de réhabilitation d’immeubles publics vacants par les futurs habitants eux même, situés principalement dans les arrondissements centraux des grandes villes italiennes. La ville de Rome se compose aujourd’hui de quinze municipi, correspondant aux arrondissements parisiens. Le centre historique de Rome est défini par le mur d’Aurélien, correspondant aujourd’hui à peu près au municipio I. Les espaces de propriétés publics constituent une ressource pour certaines associations qui tentent de les réinvestir afin d’y implanter des logements décents c'est-à-dire des logements d'une surface minimum, qui ne constitue pas un risque pour la sécurité ou la santé du locataire, dans lequel il n'y a pas d'animaux nuisibles et qui respecte un critère de performance énergétique minimale19 et abordables pour les populations économiquement précaires. Le système d’auto-récupération répond aux différentes normes écologiques à travers, notamment, le travail des enveloppes thermiques des bâtiments, la récupération et le recyclage des eaux de pluies et usées, le tri sélectif, le recyclage des ordures ménagères et l’utilisation préférentielle de peintures biodégradables. Ces espaces doivent être obligatoirement abandonnés par le propriétaire et sont souvent déjà occupés de façons illégales (squat). Accompagnés d’une association, les résidents squatteurs devenus une coopérative, commencent les démarches pour acquérir le statut de locataires et devenir détenteurs d'un bail locatif. Dans une démarche de projet habituelle, la première phase consiste à repérer un bâtiment. La deuxième phase est ensuite celle de la rénovation puis vient enfin une phase d’occupation. Dans la démarche de l’auto-récupération, on assiste à un inversement des deuxième et troisième phases. En effet, les habitants qui peuvent être les squatteurs des lieux, accompagnés des coopératives, occupent le bâtiment et, par la suite, le rénovent en fonction de leurs besoins. Pour ce faire, la coopérative met le plus souvent en place une «banque du temps»20 pour que les membres de la coopérative fassent profiter le collectif de leurs compétences professionnelles et de leur savoir-faire. Malgré leurs faibles revenus, les membres de la coopératives et futurs habitants peuvent ainsi intervenir sur leur propre appartement, mais également sur ceux des autres membres. Cette démarche, essentielle dans le fonctionnement de la coopérative, permet également à chacun de 19 République française, Services publiques, Logement décent, https://www.service-public. fr/particuliers/vosdroits/F2042 20 MAURY Yann, Mai 2011, La Bocca Della Verita, 30’, film documentaire 17


s’approprier, avant même de l’habiter, son futur lieu de vie. Cette opération est généralement soutenue par un crédit financier de la région pour permettre de faire intervenir les corps de métier manquants au sein de la coopérative. Une fois la rénovation finie, les habitants peuvent vivre dans le bâtiment. Comme expliqué précédemment, il s’agit de récupérer ce qui existe déjà dans la ville pour éviter de construire en banlieue. Les immeubles publics sont soumis à la spéculation en étant proie à la construction de centres commerciaux ou d'autres constructions du même ordre. Les habitants souhaitent pourtant rester vivre dans ces quartiers, dans lesquels ils trouvent toutes les commodités du centre-ville, c’est-à-dire des services publics, des transports et des commerces de proximité. De nombreuses expériences d’auto-récupération sont notamment réalisées dans d’anciennes écoles désaffectées grâce à leurs différentes structures et isolations déjà présentes au sein du bâtiment, ainsi qu’à leurs situations, elles sont généralement présentes au sein de quartiers déjà résidentiels. On a pour exemple, un immeuble qui a servi pendant vingt ans d’école secondaire, au 26 Via Rigola à Rome où la coopérative a dû démolir toutes les cloisons intérieures pour garder uniquement la structure des planchers et des murs porteurs et reconstruire, par la suite, les cloisons définissant trente-neuf logements. Tous les espaces collectifs ainsi que les raccordements divers dans les appartements ont également été disposés par la coopérative. Toutefois les écoles ne sont pas les seules propriétés publiques qui intéressent les coopératives, on peut également trouver d’autres types de bâtiments que la ville souhaite revendre comme notamment des casernes. Tous les bâtiments permettant de réinsérer les populations précaires au centre des villes formulent ainsi un grand point d’intérêt pour les coopératives. Ces différents projets ont pourtant été pendant longtemps, totalement illégaux jusqu’à l’élection d’une certaine association.

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Figure 4: Via Rigola , Ro m e

Figure

6:

Espace

Figure 5: Explication d u projet dans l’espace co m m un par l’architecte

co m m un d u projet

Figure 7: Mobilier créé à partir d’ancien nes fenêtres d u bâtim ent

Les projets d'auto-récupération sont tous crées avec des parties communes où les coopératives peuvent se retrouver pour interagir, les habitants peuvent ainsi créer de nouveaux liens et connaître de nouveaux moments de partage après le temps des travaux. Comme l'illustre la figure 7, la coopérative responsable du projet a cherché à réutiliser tout ce qui était déja présent sur le site afin de le transformer. Tout cela à des fins économiques et écologiques.

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C- UNE DÉMARCHE LÉGALISÉE

Figure 8: Projet dans l’ancien co uvent, Via Gustavo Mo dena

Cet te façade est la façade du prem ier projet d'auto -récupérat ion encore exist a nt aujou rd' hui à Rome, elle est le témoi n de la t ra nsfor mat ion d'u n a ncien couvent en lieu d' habit at ion.

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DE LA FIN DES ANNÉES 1990 AU DÉBUT 2010

A partir de 1998, le gouvernement Italien décide de se désengager totalement de la situation et transfère alors la compétence logement à ces vingttrois régions. On assiste la même année à l’élection de l’Unione Inquilini qui fera voter la première loi sur l’auto-récupération résidentielle dans la région du Latium. Cette loi soutenant la lutte pour le droit au logement détaille les différents critères qui justifient un projet dit d’auto-récupération. Dans son premier article, elle définit que l’auto-récupération concerne uniquement les immeubles publics qui sont propriétés de la région, des provinces, de l’ATER (c’est-à-dire l’équivalent de l’Office public d’aménagement et de construction en France) ou de toutes collectivités territoriales. Ces propriétés doivent être inoccupées et dégradées et se situer en priorité dans les quartiers centraux de la ville. Dans les articles suivant la Legge regione Lazio 55/9821, aborde différents points administratifs et techniques des projets d’auto-récupération. Elle définit ainsi les appels d’offres, elle impose une convention entre propriétaires et coopératives, elle définit les conditions fixées à ces dernières et enfin elle encourage l’utilisation de matériaux écologiques et les écoconstructions qui favoriseront l’attribution des immeubles aux différentes coopératives qui s’engagent à respecter l’environnement dans ses projets22. A Rome, notamment, on assiste à une véritable remise en question de la vision de la ville. Comme évoqué précédemment, de très nombreux cas d’expulsions suite à des impayés de loyers et des fins de bail sont à déplorer, en même temps qu’un grand nombre de bâtiments publics est vacant. On dénombre par exemple, entre 1999 et 2002, un total de 21 027 expulsions dans la région du Latium et plus particulièrement 3 329 à Rome23. On se retrouve alors face à une véritable confrontation entre les spéculateurs qui sont menés par la loi du profit et les coopératives habitantes qui souhaitent développer une ville plus solidaire, en évitant le gaspillage de patrimoine public vacant. Le patrimoine, ici, pourrait être défini, à la suite de Françoise Choay, née en 1925, comme « les différentes formes symboliques de l’ancrage humain dans le monde présent »24 c’est-à-dire l‘ensemble des édifices témoignant de l‘histoire de la ville ou de la civilisation, n’étant pas nécessairement défini comme monument historique. 21 Loi de la région du Latium 55/98. 22 Définition des articles de lois. MAURY Yann (dir.),2006, Faut-il réinventer le logement social et populaire en Europe ? Le rôle des associations, CERTU, Lyon, p 109. 23 Idem. 24 CHOAY Françoise (textes réunis par), 2009, Le patrimoine en questions. Anthologie pour un combat, Paris, Seuil, p 209. 21


Grâce au système de crédit financier de la région évoqués précédemment, les habitants remboursent uniquement la part du crédit correspondant aux travaux de leur logement et ne sont ainsi plus les proies des spéculateurs. On remarque également que ces logements sont 30 à 50% en dessous du prix du marché au mètres carré y compris par rapport au secteur locatif social et que les loyers peuvent être jusqu’à trois fois inférieur à ceux du reste du quartier. Nous avons pour exemple le projet d’auto-récupération initié en 1989 par l‘Unione Inquilini, dans un ancien couvent situé au 90 Via Gustavo Modena, dans le quartier de Trastevere (littéralement « de l’autre côté du Tibre »), quartier historique de la capitale italienne. Cet édifice fut légué par l’église à la commune de Rome dans les années 1950. Cette dernière y avait initialement prévu des logements sociaux, mais l’ancien couvent sera finalement laissé à l’abandon au cours des années 1980. Le 14 Juillet 1989, L’Union des locataires décide d’occuper cet édifice avec l’aide de 200 squatteurs dont certains avait été expulsés auparavant. Ce projet fut l’occasion de créer la coopérative Vivere 2000. Situé dans l’un des quartiers résidentiels du cœur historique de la capitale italienne ; ce projet témoigne d’une réussite dans l’implantation du projet et est qualifié par Yann Maury, enseignant-chercheur à l’École Nationale des Travaux Publics de l’État, d’« aventure humaine tentée et réussie [...] est illustrative d’un nouveau « répertoire de protestation », dans lequel des pauvres se sont en quelque sorte invités à la table des riches »25. Il déclare, par ses mots, retrouver une notion de mixité sociale au sein du quartier. D’autre part, le revenu moyen des ménages logés dans ce projet est de 500 euros par mois, alors que le loyer moyen dans le quartier de Trastevere (situé dans un des arrondissements centraux de Rome) est de 1800 euros par mois, soit trois fois plus26 élevé que le revenu des habitants. A la suite de sa rénovation, l’immeuble compte 600 mètres carrés habitables, ayant été divisé en douze appartements, chacun représente 50 mètres carré. Le coût total de la rénovation est de 200 000 euros soit un coût de 17 000 euros par logement. La coopérative Vivere 2000 nous communique un tableau comparatif, permettant de se rendre compte de l’économie réalisée par rapport à un appartement du même type dans les grandes métropoles européennes comme Londres ou Barcelone. Les coûts de construction s’élèvent respectivement à 380 000 et 135 000 euros27. 25 MAURY Yann (dir.),2006, Faut-il réinventer le logement social et populaire en Europe ? Le rôle des associations, CERTU, Lyon, p 101. 26 Comune di Roma, 2003 cité par MAURYYann (dir.),2006, Faut-il réinventer le logement social et populaire en Europe ? Le rôle des associations, CERTU, Lyon, p 99. 27 MAURY Yann (dir.),2006, Faut-il réinventer le logement social et populaire en Europe ? Le rôle des associations, CERTU, Lyon, p 105. 22


C’est ainsi grâce à la mise en place de cette législation que le système d’auto-récupération va prendre encore plus d’ampleur au sein de la capitale italienne mais également au sein du pays tout entier. Cette démarche fait donc, dès les premiers projets, preuve d’une efficacité tant sur le point technique qu’économique et social. Il est alors important d’en comprendre tous les enjeux et d’en identifier tous les acteurs.

Figure 9: Via Gustavo Modena, 14 Juillet 1989, avant projet

Figure 10: Via Gustavo Mo dena, 14 Juillet 1989, avant projet

Figure 11: Via Gustavo Mo dena, 2010, après projet

Figure 12: Via Gustavo Mo dena, 2010, après projet

Illust rat ions ava nt et après travaux. Le délabrement apparent sur les deux premières figures laisse place à u n projet rénové qu alit at if et ent retenu au f il du temps, redonnant du cachet aussi bien au bâtiment qu'à la rue elle-même.

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2- LES ACTEURS DE CE SYSTÈME A- LES INSTIGATEURS DU PROJET

Figure 13: Une m anifestation de l’Unione In q ulini, le 10 Avril 2003, à Ro m e

Cet te i mage témoig ne de l'ampleu r des évènements de lut te menés pa r l' Un ione I nquili n i. Cet te photo pr ise à Rome en Av r il 20 03 laisse appa rait re le g ra nd nombre de pa r t icipa nts engagés d a ns la lut te pou r le d roit au logement à Rome et plus la rgement en It alie.

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LES COOPÉR ATIVES ET ASSOCIATIONS

Le milieu associatif est très présent en Italie depuis des décennies. La constitution italienne reconnait, aujourd’hui, comme association « toute organisation stable composée de plusieurs personnes en vue de la gestion d’un intérêt commun à l’exclusion d’un but lucratif »28. Cinq types d’organisation existent au sein de la société civile italienne : les associations, les coopératives sociales, les ONG, les organisations bénévoles et, enfin, les fondations. Chacun de ces types d’organisation agissent en toute indépendance et disposent d’un statut juridique depuis les années 1990 qui leur permet de clarifier leurs rapports avec les autorités publiques. Mais associations et coopératives sociales se distinguent alors. Les premières développent des activités pour leurs membres en collectant des cotisations et en fournissant des services. Les deuxièmes, quant à elles, sont divisées en deux types. Les coopératives de type A organisent des services socio-sanitaires ou éducatifs tandis que les coopératives de type B se consacrent davantage à l’insertion professionnelle de personnes marginalisées et/ou handicapées. Les coopératives fonctionnent avec l’aide de bénévoles mais peuvent, tout comme les associations, employer des salariés. Le terme de « coopération » apparait en France à la fin du XIXe siècle. Défini par Ernest Brelay, économiste français, comme une « forme nouvelle d’association ayant pour but de faire naître et d’utiliser la petite épargne, de supprimer certains intermédiaires et de s’approprier collectivement d’abord, individuellement ensuite, les bénéfices détenus en commun » dans son Nouveau dictionnaire d’économie politique paru en 1893. Comme évoqué précédemment, la lutte pour le droit au logement en Italie est aujourd’hui facilitée grâce à l’Unione Inquilini. Cette association a été créé à Milan en 196829 et s’étendra à partir du milieu des années 1970 au reste de l’Italie. A la fin des années 1970, le siège se déplacera de Milan à Florence ou la lutte y est plus importante. Jusqu’aux années 1980, L’Unione Inquilini marque l’Italie par son investissement dans tout le pays. Au fil des années, l’association touche de plus en plus de personnes, ainsi elle vient à être contacter par des sans-abris, des mal-logés, des expulsés mais aussi par des cessionnaires de logements sociaux.

28 Forum Civique Européen, Panorama du milieu associatif européen, https://forumcivique.org/fr/ 29 Unione Inquilini, L’Unione Inquilini 1968-2011, http://www.unioneinquilini.it/uistoria. php. 25


Ainsi après leur élection en 1998, l’association a pu définir par un texte de loi les conditions que devront remplir les coopératives afin de participer à des projets d‘auto-récupération. En effet, dans l‘article 6 de la Legge regione Lazio 55/98, l’Unione Inquilini impose trois conditions aux coopératives. Celles qui répondent à des appels d’offres doivent nécessairement comporter plus de membres que de logements, issus de l‘auto-récupération, à attribuer. Les membres de la coopérative et futurs habitants devront également posséder des revenus équivalents ou inférieurs à ceux des bénéficiaires des logements sociaux30. Enfin, cette loi prévoit que toute coopérative doit être enregistrée en tant que coopérative d’auto-récupération ou d’auto-construction et ainsi préciser les critères d’attribution des logements aux coopérateurs. De la même manière que les logements sont attribués par les coopératives, ces dernières prennent également en charge la distribution des logements lors du départ d’une des familles. Elles disposent chacune d’une grille de critères qui leur est propre, malgré un certain nombre de conditions similaires, les coopératives ont le droit de décider celles qui leur semblent prioritaires. Cela peut dépendre de l'ancienneté d'inscription sur la liste d'attente, de la situation financière des familles, de l'urgence de la situation ou encore d'autres critères que nous verrons avec l'étude du Porto Fluviale. Dans le cas où la propriété du bâtiment resterait publique, des contrôles réguliers sont effectués pour vérifier que les logements sont effectivement distribués aux familles sur liste d’attente31. Il est important de noter que plusieurs coopératives se mettent en place. J’ai pu en identifier et en étudier cinq: Vivere 2000, en lien étroit avec la Chairecoop et le chercheur Yann Maury, TECLA dont le membre architecte, Mauro Riccardi nous explique la démarche suivie lors de la réhabilitation de l’école au 26 Via Rigola, DIAMETRO dont le président, Dante Pomponi, est également l’ancien adjoint au logement de la ville de Rome, Inventare Habitare fondé par Manfredo Proietti, un habitant de l’immeuble dont on voulait l’expulser qui a souhaité fonder sa coopérative pour faire valoir ses droits sur son appartement et enfin le Coordinamento cittadino di lotta per la casa dont je parlerai dans la troisième partie de ce mémoire.

30 Vivere e lavorare in Italia, Guide pour les locations pour les citoyens italiens et étrangers, http://www.integrazionemigranti.gov.it/guidemultilingua/Documents/Casa/Locazioni-Francese. pdf. 31 GUERRA Madalena, 2008, « Les coopératives d’habitat en Italie», Des coopératives historiques à l’auto-récupération, Collection passerelle, http://www.citego.org/bdf_fiche-document-745_fr.html 26


Figure 14: Montages ph otographiq ues des différentes ca m pagnes de lutte de l’Unione In q uilini

Ces i mages de propaga nde, issues du site i nter net de l' Un ione I nquili n i, mont rent l'engagement de l'associat ion d a ns la lut te pou r le d roit au logement qui du re depuis plusieu rs décén n ies et qui réu n it dif férentes populat ions d a ns toute l'It alie.

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B- LES BÉNÉFICIAIRES DU PROJET

Figure 15: « Notre culpabilité est la pauvreté »

Cet te i mage, pr ise lors d'u ne ma n ifest at ion cont re les expulsions en Aout 2017 à Rome, témoig ne de l'i njust ice qui règ ne d a ns la ville et plus la rgement d a ns le pays, à t ravers des sloga ns ma rqu a nts.

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LES H ABITA NTS

Comme dit précédemment, c’est le grand nombre d'expulsions en Italie qui a poussé l’Unione Inquilini à faire voter une loi sur l’auto-récupération. En 2008, notamment, la sociologue Madalena Guerra, qui a été volontaire auprès de l’Unione Inquilini mais également auprès de l’Alliance Internationale des Habitants, affirme que plus de 80% des familles italiennes sont propriétaires et que les personnes vivant en location font partie des catégories sociales les plus en difficulté. Elle atteste que 75% des familles locataires disposent de moins de 20 000 euros de revenus par an et qu’elles dépensent plus de 50% de leur budget pour leur logement, surtout en zone urbaine. Plus tard, en Juin 2013, lors de son élection, le maire de Rome, Ignazio Marino (Parti démocratique), a annoncé la nécessité de procéder à une « régénération urbaine alternative » de Rome32 et, ainsi, de répondre à la précarité du logement des Romains dont les expulsions continuent. Selon les données du ministère de l’Intérieur italien, l’Italie voit, cette année-là, 73 385 expulsions dont 65 302 pour impayés de loyer33. A Rome, plus exactement, on dénombre 7 352 expulsions prononcées dont 85% sont dû à des impayés de loyer, ce qui représente 6 299 expulsions34. En décembre 2013, L’Unione Inquilini relance alors la question de l’auto-récupération du vaste patrimoine public romain vacant. Aujourd’hui, la maire de Rome, Virginia Raggi, élue le 22 Juin 2016, fait partie du Mouvement 5 étoiles, mouvement qui se définit comme centriste mais se situe très à droite de l’échiquier politique. Le Ministère de l’intérieur publie en Mai 2017, les chiffres relatant le nombre de demande d’expulsions à Rome, celui-ci s’élève à 7 092 demandes dont 6 183 pour impayés de loyer. Cette triste réalité est renforcée par l’élection, en Juin 2018, de Matteo Salvini au poste de vice-président du Conseil des ministres. Cet homme politique, faisant parti de la Ligue du Nord, mouvement d’extrême droite, fait voter, dès son élection, un décret-loi qui permet de faciliter les évacuations des occupants abusives de biens immobiliers et qui facilite les expulsions de migrants. 32 Chairecoop, Février 2014, Italie. «L’autorecupero» a-t-il un avenir à Rome ?, https:// chairecoop.hypotheses.org/4045 33 Université de Lyon, MAURY Yann, Disparition de l’Etat-Providence et Renaissance du coopératisme, https://f-origin.hypotheses.org/wp-content/blogs.dir/1204/files/2018/03/Italie-Evolution-politique-logt-YM.pdf 34 SINAYlenia, Juin 2014, « Sfratti, si aggrava l’emergenza nella Capitale: nel 2013 emesse 20 sentenze al giorno », Romatoday. 29


De plus, un article publié le 10 Octobre 2018 sur le site Médiapart, écrit par deux journalistes italiens, Maurizzio Franco et Maria Panariello, fait transparaître une fois de plus le grand mal-être des expulsés. Ils retranscrivent alors l’histoire de Dina, une femme de ménage, veuve et mère de deux enfants. Elle fut expulsée de son logement par manque de moyens et se retrouva à vivre dans un appartement 17 mètres carrés, avec ses deux filles. Massimo Pasquini, secrétaire national de l’Unione Inquilini rapporte, alors, aux journalistes que chaque semaine, à Rome, cinquante à soixante-quinze familles se retrouvent expulsées de leur logement. Malgré les démarches, pour avoir un logement social, qu’entreprennent les personnes victimes d’expulsions, le temps d’attente peut durer entre dix et quinze ans. « Le problème de Rome, c’est que l’on attribue en moyenne un logement et demi par jour, mais que cela fait au moins vingt ans que l’on n’en a pas construit de nouveaux », confie Massimo Pasquini35 aux deux journalistes. Aujourd’hui, l’Italie compte 60 359 546 d’habitants36 dont 5 879 082 dans la région du Latium37 et plus précisément 4 251 408 dans la province de Rome. Dans cette région, la principale catégorie socio-professionnelle est représentée par les salariés qui formulent 47.5% des ménages. Aujourd’hui, il existe deux seuils de pauvreté en Italie : le seul de pauvreté relative et le seuil de pauvreté absolue. Les définitions données par l’ISTAT - l‘Institut National de Statistiques italien – sont les suivantes : le seuil de pauvreté absolue « représente la dépense minimum nécessaire pour acquérir les biens et services inclus dans le panier de pauvreté absolue. Le seuil de pauvreté absolue varie, par construction, en fonction de la taille de la famille, de sa composition par âge, de la répartition géographique et de la taille de la commune de résidence » et le seuil de pauvreté relative, pour une famille de deux membres, « est égal à la dépense moyenne par personne dans le pays (c'est-à-dire les dépenses par habitant et est obtenu en divisant la dépense de consommation totale des ménages par le nombre total de membres) ». La pauvreté absolue, se définit par : « les familles dont la dépense mensuelle est égale ou inférieure à la valeur du seuil de pauvreté absolue (qui diffère en taille et en composition selon l'âge de la famille, la division 35 MAURIZIO Franco, PANARIELLO Maria, Octobre 2018, «A Rome, la circulaire Salvini sur le logement va accélérer les expulsions », Médiapart, https://www.mediapart.fr/journal/ international/101018/rome-la-circulaire-salvini-sur-le-logement-va-accelerer-les-expulsions 36 Istituto Nazionale di Statistica, Dati statistici per il territorio, Regione Lazio, https:// www.istat.it/it/files//2020/05/12_Lazio_Scheda_rev.pdf 37 Eurostats, Statistiques urbaines et régionales, https://ec.europa.eu/eurostat/cache/ RCI/#?vis=nuts2.population&lang=fr 30


géographique et le type de commune de résidence) sont classées comme absolument pauvres ». La pauvreté relative, elle, se définit par : « les familles dont les dépenses de consommation sont inférieures à un seuil de pauvreté relative conventionnel (seuil de pauvreté) sont considérées comme relativement pauvres. Les ménages de deux personnes qui ont une dépense mensuelle égale ou inférieure à cette valeur sont classés comme pauvres. Pour les familles de largeurs différentes, la valeur de la ligne est obtenue en appliquant une échelle d'équivalence appropriée, qui prend en compte les économies d'échelle qui peuvent être réalisées à mesure que le nombre de composants augmente ». En 2019, pour une famille de deux personnes vivant dans une métropole du centre de l’Italie, le seuil de pauvreté absolue, est égal à 1 098.81 euros38. La même année, l’ISTAT dénombre, à l’échelle du pays, 1.7 millions de familles (6.4% des familles italiennes) en situation de pauvreté absolue soit environ 4.6 millions de personnes (7.7% de la population) et 3 millions de familles (11.4% des familles italiennes) en situation de pauvreté relative soit environ 8.8 millions de personnes (14.7% de la population)39. A titre comparatif, en 2018, le pourcentage de famille, dans la région du Latium plus précisément, se trouvant sous le seuil de pauvreté relative, représente 7.3% des familles40. Ainsi en 2019, l’ISTAT rappelle à travers son rapport statistiques des dépenses de consommation des ménages, que le coût du logement, de l’eau, de l’électricité et des autres combustibles continuent de représenter la plus grande part des frais et représente, en moyenne, 35 % des dépenses totales des familles41. On observe alors que les ménages ou personnes seules disposant de faibles revenus souvent victime d’expulsion, nécessitent du système d’auto-récupération afin de retrouver un logement décent dans le centre des grandes villes. Grâce à lui, les habitants ne payent pas de loyer, mais ils participent aux frais de gestion de la copropriété et chaque foyer rembourse la part du crédit propre à la part de la rénovation de son appartement.

38 Istituto Nazionale di Statistica, Calcolo della soglia di povertà assoluta, https://www. istat.it/it/dati-analisi-e-prodotti/contenuti-interattivi/soglia-di-poverta 39 Istituto Nazionale di Statistica, Le statistiche dell’ISTAT sulla povertà, Nel 2019 in calo la povertà assoluta, 2019, https://www.istat.it/it/files//2020/06/REPORT_POVERTA_2019.pdf 40 Istituto Nazionale di Statistica, Dati statistici per il territorio, Regione Lazio, https:// www.istat.it/it/files//2020/05/12_Lazio_Scheda_rev.pdf 41 Istituto Nazionale di Statistica, La spese per i consumi delle famiglie, Nel 2019 spesa media mensile a 2.560 euro, stabile rispetto all’anno precedente, https://www.istat.it/it/files//2020/06/ Spese-per-consumi-delle-famiglie.pdf 31


C- LES DIFFÉRENTES COLLECTIVITÉS

Figure 16: Vue sur la ville de Ro m e, entre sites to uristiq ues et habitations

Cet te i mage mont re la du alité présente d a ns la ville ent re les habit at ions et les nombreu x lieu x tou r ist iques de la ville de Rome, com me le musée du Vat ica n visible en a r r ière pla n de la photo et les nombreuses églises n ichées d a ns les dif férents qu a r t iers résident iels romai ns.

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AIDES OCTROYÉES

Comme nous le savons, la capitale italienne regorge d’histoire et de traces du passé. Fondée, selon la légende, en 753 avant Jésus-Christ par les frères Romulus et Rémus, la ville de Rome a connu et est le fruit d’une longue histoire. Aujourd’hui, le centre historique de la ville intramuros, ainsi que la Basilique Saint-Paul-hors-les-murs, sont inscrits au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO. Cette reconnaissance permet à la ville d’être parmi les vingt villes les plus visitées au monde en 201942. Ce patrimoine, qui fait l‘un des charmes de la capitale italienne cache d’ailleurs en son sein le Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels, qui devient plus tard l’ICCROM. Fondé après la Seconde Guerre mondiale, ce dernier a pour but de répondre à la destruction massive et à l‘urgence de reconstruire les biens culturels. L‘UNESCO signe un accord avec l‘Italie le 27 Avril 1957 menant à l‘installation de l‘ICCROM à Rome en 1959. Cette organisation met en place, dès les années 1960, des formations pour la préservation des villes historiques et des bâtiments en collaboration avec l’Université de Rome. L’Italie marque ainsi, par son engagement, son attachement à la protection du patrimoine qui constitue un axe important de sa politique internationale. Ce patrimoine constitue alors une grande source de revenus pour la ville qui cherche à développer toujours plus le tourisme et n’investit que très peu dans les logements sociaux qui, eux, n’augmentent pas les profits liés au tourisme.

42 « L’Italie en baisse dans le classement des villes les plus visitées», lepetitjournal, 5 décembre 2018, https://lepetitjournal.com/milan/litalie-en-baisse-dans-le-classement-des-villesles-plus-visitees-245751 33


En effet, d’après le média international Euronews, l’Office nationale italien du tourisme estime que ce secteur représenterait à lui seul 13% du produit intérieur brut du pays en accueillant, notamment, 94 millions de touristes étrangers en 201843. Il apparaitrait également que ces derniers aient dépensé pas moins de 42 milliards d’euros lors de leur voyage en Italie. Selon l’Institut National de Statistiques italien, la ville de Rome accueillerait, à elle seule, 29 millions de visiteurs durant l’année 2018. On comprend ainsi à l’aide de ces chiffres, la volonté de la ville de continuer à promouvoir le tourisme. C’est pourquoi les projets d’auto-récupération tentent de renouveler le bâti vacant en le réinvestissant à des fins sociales. Ce système présente, malgré tout, un intérêt pour les pouvoirs publics. Cela leur permet, en effet, de pallier au manque considérable de logements sociaux au sein de la ville avec une réponse qualitative et quantitative, tout en voyant leurs frais se réduire considérablement. En effet, comme présenté précédemment les coûts des projets d’auto-récupération sont bien inférieurs à la construction de bâtiments neufs pour le budget de la ville. Il lui reste seulement à sa charge l’entretien des parties communes extérieures du bâtiment, ses façades et ses abords. La région, quant à elle, octroie un prêt financier si la coopérative est soucieuse du respect de l’environnement et met en place dans son projet des techniques bio-architecturales comme l’encourage l’article 7 de la loi 55/98. Bien que cette démarche permette à la ville de résoudre des problèmes de dégradation urbaine dans certains quartiers, cela n’empêche pas d’observer le rapport de force qui s’établit souvent entre les habitants et les pouvoirs publics. Ces évènements sont souvent liés à la période d’occupation illégale où les occupants sont menacés d’expulsion mais ils peuvent être également dus à la volonté, souvent autoritaire, de la municipalité d’intervenir dans la répartition des logements44. 43 « Le boom du tourisme en Italie », Juillet 2019, Euronews, https://fr.euronews. com/2019/07/20/le-boom-du-tourisme-en-italie 44 GUERRA Madalena, 2008, « Les coopératives d’habitat en Italie», Des coopératives historiques à l’auto-récupération, Collection passerelle, http://www.citego.org/bdf_fiche-document-745_fr.html 34


Figure 17: Carte des sites to uristiq ues à Ro m e

Cet te ca r te est fou r n ie pa r u n site tou r ist ique per met t a nt au x visiteu rs de con nait re les dif férents lieu x tou r ist iques de la ville et, ai nsi, d'ét abli r leu r it i nérai re de voyage pou r opt i m iser les visites à Rome.

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3-PORTO FLUVIALE, ILLUSTRATION D’UN PROJET. A- PORTO FLUVIALE, UN CAS PARTICULIER

Figure 18: L’auto-récupération au Porto Fluviale

Ce dessi n person nel, t raduit les dif férentes ét apes d'u n projet d'auto -récupérat ion, en pa r t a nt d'u n lieu i nsalubre et dég radé, les membres de la coopérat ive per met tent ai nsi au bat i ment de deven i r u n lieu d' habit at ion décent voi r ag réable.

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CASERNE MILITAIRE

Afin d’étudier plus en détails les modalités de fonctionnement de l’auto-récupération, j’ai choisi de m’intéresser à l’ancienne Caserne du Porto Fluviale, à Rome. Celle-ci se trouve au 12 Via del Porto Fluviale, dans le quartier d’Ostiense anciennement situé dans l’agro-romano qui a permis à la ville de s’étendre lors de l’ère industrielle et fait partie, aujourd’hui, du municipio45 VIII, au Sud de la capitale italienne. Ce quartier péricentral tire son nom de l’une des plus anciennes voies de Rome : la via Ostiense. Elle menait à l’époque directement au port d’Ostie. Ce quartier est délimité par la voie ferroviaire au Nord, le quartier Garbatella à l’Est, le mur d’Aurélien au Sud et le Tibre à l’Ouest. Cette ancienne caserne constitue un lieu particulièrement stratégique dû à son histoire et à ce qu’elle représente. En effet, elle se trouve à proximité immédiate du réseau ferroviaire et est longée à l’Est par la via Ostiense. Le Tibre, quant à lui, se trouve à quelques centaines de mètres seulement. Le bâtiment, anciennement appelé « Magazzini Triburati », a rempli diverses fonctions depuis sa fondation. En 1919, il devient un dépôt d’armes et de munitions car à l’époque, sa position – en lien étroit avec la voie ferroviaire - était particulièrement stratégique. Le bâtiment devant supporter des charges lourdes, sa structure se devait d'être solide et était donc composée d’une dalle de béton-armé reposant sur des maçonneries extérieures et des rangées de poteaux. Par la suite, l’ancien bâtiment militaire est converti en lieu de stockage pour des vêtements et de la nourriture. Il va être peu à peu délaissé pour être finalement complètement abandonné dans les années 1990. En Juin 2003, l’association Coordinamento Cittadino di Lotta per la Casa, crée en 1988 et luttant pour le droit au logement dans la capitale italienne, voit en ce bâtiment l’opportunité d’offrir un logement à de nombreuses familles, mais également l’occasion de marquer les esprits et surtout le gouvernement italien. En effet ce bâtiment appartient au Ministère de la Défense italien et formule, pour l’association, un « nouveau défi »46 d’une part car l’occupation de ce bâtiment est plus compliquée et d’autre part par sa typologie si particulière.

45 Arrondissement. 46 KAYSER Manon, 2009, « La caserne de Porto Fluviale à Rome », La vie quotidienne d’un lieu occupé, http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-7631.html 37


Cette association est, aujourd'hui encore, en pleine lutte pour créer un véritable projet d'auto-récupération dans cette caserne, définit comme beni culturali47, deux architectes, Enrico Perini et Francesco Careri, travaillent aujourd'hui à la proposition d'un projet final. Le Coordinamento a, à son actif, plusieurs projets d’auto-récupération mais surtout un grand nombre d’occupation à travers la ville de Rome ainsi que dans la région du Latium (figure 19). L’ancienne caserne, à la typologie particulière, se compose de 5 000 mètres carrés distribués sur trois étages avec 4m50 de hauteur sous plafond. Aux deux derniers étages, de grandes fenêtres sont situées à deux mètres du sol, alors que le rez-de-chaussée, quant à lui, ne dispose d’aucune fenêtre. Il existe peu de sanitaires et la distribution verticale est située à chaque extrémité du bâtiment. Après trois ans de lutte, l'occupation est enfin tolérée et l’association, accompagnée de cent-cinquante familles italiennes, maghrébines et sud-américaines, peut enfin commencer les travaux d’aménagement au sein du bâtiment. Chaque famille se voit alors attribuer un certain nombre de mètres carrés en fonction du nombre de personnes, de la composition de la famille (jeunes enfants ou grands enfants) et de l’assiduité aux activités du Coordinamento. Ce dernier critère témoigne ainsi des caractéristiques propres à chaque association dans la distribution des logements. Ce projet venait donc s’insérer dans une ancienne zone industrielle de Rome que les spéculateurs et certains politiques de la ville souhaitaient voir transformer en nouveaux lieux culturels. La ville cherchait, par ce moyen, à réhabiliter ces espaces en lieux touristiques plutôt que de se focaliser sur des questions d’habitat social. Il apparaît pourtant évident que la ville de Rome, qui possède déjà un patrimoine culturel important n’a pas besoin de davantage de lieux touristiques. Ce système d’auto-récupération qui promeut l’idée de la mixité dans le quartier laissait cependant apparaître une fracture entre nouveaux arrivants et habitants du quartier. Des « ‘poches’ de pauvretés »48 étaient alors visibles au sein des quartiers de la ville. Pendant près de sept ans, la caserne restera uniquement réservée aux résidents. En 2010, de jeunes chercheurs italiens veulent promouvoir cette idée de mixité dans le quartier et créer des passerelles entre habitants du Porto Fluviale et habitants du quartier. Ils proposent alors de dédier l’espace du rez-de-chaussée à des ateliers permettant ainsi de faire de ces espaces des lieux interactifs et culturels. Aujourd’hui, d’ailleurs, on y trouve toujours un salon de thé ainsi qu’un atelier de réparation de vélo, un atelier de cirque, une salle pour faire les réunions de l’association ainsi que des cours de langue et bien d’autres activités encore. Ce bâtiment, laissé jusqu’alors en marge, devient ainsi plus inclusif et facilite les échanges au sein du quartier. En 2013, l’artiste graffeur BLU, a participé à rendre plus connu encore ce bâtiment et fait connaître davantage son histoire. Cet artiste, né en mai 1980 à Bologne, s’est fait connaitre grâce à un de ses courts-métrages où il met en scène ses différentes peintures murales. A travers ses œuvres, l’artiste souhaite dénoncer le capitalisme, son message est donc politique. 47 Bien culturel. 48 BAUDRY Sarah Lilia,2016, « “ Culture of place” or fragmentation of the public space?», Méditerranée, n°127, p82, http://journals.openedition.org/mediterranee/8452 38


Contribuant au tourisme du quartier, l’intervention de cet artiste a encouragée la gentrification déjà présente. Le Coordinamento cittadino di lotta per la casa explique alors qu’au cours du temps « un fleuve de vie a traversé et animé cet espace avec des dizaines d’enfants nés et élevés dans l’imbrication de différentes cultures, dans un esprit de partage »49. L’association se félicite également de l’engagement des occupants dans les travaux du bâtiment qui a poussé l’Etat à transférer la propriété de l’ancienne caserne militaire à la mairie de Rome. Les membres de la coopérative et les habitants des lieux définissent le Porto Fluviale comme « un lieu précieux de rencontre et de partage pour les habitants du quartier »50. Malgré une visite quelque peu biaisée dû à la situation du COVID-19, mon ami Jean Montagne, a pu me décrire les lieux selon ses observations. En effet, habituellement l’ancienne caserne ouvre les portes de sa cour pour y accueillir tous les visiteurs qui le souhaitent, cependant, en raison de l’épidémie, les habitants ont souhaités refermer le portail pour éviter ainsi toute contamination et ont acceptés la visite de Jean, exceptionnellement. Il me décrit alors que ce grand bâtiment, repérable de très loin grâce à l’œuvre du street-artiste, témoigne en effet d’un esprit de convivialité et de partage grâce aux habitants du lieux. Les boutiques, malheureusement fermées en raison de l’épidémie, sont bel et bien présentes au sein du site. Des peintures murales au rez-de-chaussée apportent de la vie dans les espaces communs. On peut lire notamment sur les murs et les plafonds des messages de lutte sociale (figure 23) comme « Battons-nous pour un logement décent ».

Figure 19: Carte peinte des actions d u Coordina m ento, au Porto Fluviale

Cet te ca r te pei nte su r les mu rs du Por to Fluviale, i ndique les dif férents projets de la coopérat ive d a ns la ville de Rome et témoig ne de leu r engagement d a ns la lut te pou r le d roit au logement.

49 Traduit depuis le site du Coordinamento di lotta per la casa, Rigenerazione contro rendita, http://coordinamento.info/iniziative/ 50 Idem. 39


Via N

n de thé et cinema

Via os tiense

e conc delle

polyvalente

er de cirque N

ers de musique

Via os

tiense

e conc delle

Salon de thé et cinema

er de cirque

Via del porto fluviale

Via

e conc delle

n de thé et cinemaSalle polyvalente

Via os tiense

Via

polyvalente ments temporaires

Atelier de cirque Ateliers de musique

Via del porto fluviale

Via os

e conc delle

Logements temporaires

Salon de thé et cinema

ments temporaires

tiense

Via

ers de musique Salle polyvalente

Figure 20: A m énage m ents des ateliers au Via del porto fluviale

Atelier de cirque

PIANTA PIANO TERRA rez-de-chaussée

N

Ateliers de musique PIANTA PIANO TERRA

Logements temporaires

Via del porto fluviale

N

PIANTA PIANO TERRA PIANTA PIANO TERRA

N N

T5/T6

T5/T6

T4

T3

tiense Via os

tiense Via os

T1

T3

Via del porto fluviale

PIANTA PRIMO PIANO

tiense

T2 T3 T5/T6T2 T1 T4 T1

Figure 21: A m énage m ents des apparte m ents

Via del porto fluviale

Via del porto fluviale

T2 T1

Via os

T4

T2

tiense

T5/T6

Via os

T3

T4

PIANTA PRIMO PIANO

PIANTA PRIMO PIANO Via del porto fluviale

PIANTA PRIMO PIANO

40


Figure

Figure 22: Co ur d u Porto Fluviale

23: Messages et peintures sur les m urs et plafon ds d u Porto Fluviale

Figure 24: Le salon de thé d u Porto Fluivale

Figure 25: La façade iconiq ue d u Porto Fluviale, par le street-artiste BLU

Ces i mages rendent compte de l'organ isat ion et de l'ambiance au sei n du projet d'auto -récupérat ion du Por to Fluviale: u n lieu de vie a n i mé avec de nombreuses act ivités. Les f ig u res 20 et 21 démont rent l'orga n isat ion spat iale du lieu, les appa r tements sont alors déf i n is pa r la st r uct u re exist ante du lieu, ai nsi u ne dem i t ravée représente u n T1, u ne t ravée u n T2 et ai nsi de suite. 41


B - L E S L I M I T E S D E C E P R O J E T

Figure 26: Asse m blée au Porto Fluviale

Assemblée générale pou r la récupérat ion, toujou rs act ive, du Por to Fluivale.

42


PAROLES H ABITA NTES

Malgré la réussite du projet sur différents points et notamment sur celui de son insertion dans le quartier, plusieurs aspects négatifs sont relevés par les habitants et les chercheurs s’intéressant au Porto Fluviale. Comme expliqué auparavant, pour obtenir un logement au sein de la caserne ou même en augmenter la qualité, le Coordinamento Cittadino di Lotta per la Casa demande à chacun des occupants une certaine assiduité aux activités de l’association. Une fois par semaine des réunions sont organisées pour coordonner la vie au sein de l’ancienne caserne. Considérer comme un véritable exploit et un emblème de la lutte pour le droit au logement, l’association instigatrice du mouvement organise également des assemblées publiques au sein du bâtiment.

D’après l’architecte Manon Kayser, qui a été volontaire auprès du Coordinamento, « Le programme des manifestations à Rome est toujours très chargé : entre les assemblées, les manifestations, les occupations d’autres bâtiments, les piquets anti-expulsion, la semaine d’un habitant est très remplie. Malheureusement, il est souvent difficile d’assumer en même temps un travail fixe et régulier et ce rythme effréné. C’est toutefois le prix à payer pour ce logement de fortune : lutter activement pour le droit au logement »51. Elle avoue également avoir remarqué une grande différence de perspectives entre les différents acteurs du squat : d’un côté les jeunes militants, engagés politiquement, qui souhaitent lutter massivement pour le bien commun et marquer une revendication par leur occupation et de l’autre côté les résidents du Porto Fluviale souhaitant survivre et évoluer dans de meilleures conditions au sein de la capitale italienne : « en vrai, la lotta, ils s’en f***. Ils le faisaient parce qu’ils étaient obligés, obligés de manifester sinon ils étaient virés de l’occupation. Les italiens voulaient faire un lieu (...) alternatif, coopératif, social, etc., mais les occupants voulaient juste la paix, l’autonomie, l’indépendance (ce qu’ils n’avaient pas du tout…) »52.

51 KAYSER Manon, 2009, « La caserne de Porto Fluviale à Rome », La vie quotidienne d’un lieu occupé, http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-7631.html 52 BAUDRY Sarah Lilia,2016, « “ Culture of place” or fragmentation of the public space?», Méditerranée, n°127, p 86, http://journals.openedition.org/mediterranee/8452 43


Au-delà de ce rythme déjà difficile à tenir, il apparaît que la cohabitation au sein du bâtiment peut parfois être compliquée. Au moment de l’installation, notamment, lorsque les murs de séparation n’étaient encore qu’en cartons, une atmosphère de tension pouvait être présente et l'illusion d’une communauté unie disparaissait. Parfois l’envie de certains d’obtenir un espace plus grand les mènent à dénoncer leurs voisins auprès de l’association pour leurs écarts. Il apparait également évident que dans les premiers temps au sein de la caserne, le bruit et la saleté ambiants ne facilitaient pas les rapports entre occupants. Au fil du temps certains ont même abandonnés cette lutte. Manon Kayser, rapporte même qu’« au bout de deux ans, tous les Italiens présents depuis le début avaient quitté l’occupation, ne supportant plus ces conditions de vie précaires, de promiscuité et les règles draconiennes de vie commune »53. Comme expliqué par la jeune architecte française, au cours des deux premières années, la population italienne a quitté, peu à peu, la caserne qui fut alors occupée uniquement par des populations de migrants de divers pays. Cette vérité observée au Porto Fluviale témoigne pourtant d’une vérité plus générale. En effet, depuis les années 1990, certaines associations ont intégrés les populations de migrants dans leur combat pour le droit au logement afin d’éviter à celle-ci de s’établir sous les ponts de la ville54, notamment. Malgré tout l’Italie connait depuis le milieu de l’année 2017 une baisse des arrivées des migrants grâce aux différents accords signés entre l’Italie et les différents pays d’origines des migrants55. De plus, il s'avère que cette lutte et cette occupation, aujourd'hui tolérée, dure depuis près de 18 ans. Malgré des accords la ville qui semble apparaitre pour disposer de financements, le projet d'auto-récupération n'est toujours pas complètement terminé. Après cette étude, il est légitime de se questionner sur la situation française afin d’entrevoir les améliorations que pourrait amener un tel système aux populations précaires françaises.

53 KAYSER Manon, 2009, « La caserne de Porto Fluviale à Rome », La vie quotidienne d’un lieu occupé, http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-7631.html 54 GONI MAZZITELLI Adriana, traduit par Agnès SANDER, 25 juin 2012, « Rome : l’immigration au secours de la ville éternelle », Métropolitiques, http://www.metropolitiques.eu/ Rome-limmigration-au-secours-de.html. 55 LEBOUCQ Fabien, Août 2018, « Combien de migrants sont arrivés en Italie depuis que Salvini est au pouvoir ? », Libération, https://www.liberation.fr/checknews/2018/08/02/combiende-migrants-sont-arrives-en-italie-depuis-que-salvini-est-au-pouvoir_1670343/ 44


Figure 27: Affiche d’une asse m blée don nant ren dez-vo us au Porto Fluviale

Cet te af f iche est l'u ne des nombreuses campag nes de com mu n icat ion du Coordi namento cit t adi no di lot t a per la casa pou r leu rs assemblées au Por to Fluviale. Ces moyens de com mu n icat ion sont visibles su r leu rs ré seau x sociau x et site i nter net.

Figure 28: Manifestation organisée par le Coordina m ento cittadin o di lotta per la casa

Le coordi namento ut ilise de nombreu x sloga ns pend a nt leu rs ma n ifest at ions qu'ils peig nent pa r la siute su r les mu rs du Por to Fluviale, ici : « Plus jamais de sa ns-abr i !! »

45


C- DES LEÇONS POUR LA FRANCE

Figure 29: Mo uve m ent des castors en france

A t ravers cet te i mage on peut se rend re compte de la convivialité et de l'ent raide présentes d a ns le mouvement des Castors en Fra nce, si m ilai res au x moments de pa r t age qui existent pend a nt u n projet d'auto -récupérat ion en It alie.

46


OU VERTURE Il est en effet intéressant de comparer les cas français et italiens afin de tirer des leçons des pays voisins. Aujourd’hui, en France, selon l’Union sociale pour l’habitat qui regroupe les organismes de logements sociaux; le secteur HLM, c’est-à-dire les habitations à loyer modéré, compte dix millions de locataires. Le parc locatif social, en France, au 1er Janvier 2020, dénombre ainsi 5 153 600 logements56 et 720 organismes HLM. Selon le professeur Yann Maury, interrogé par Coline Charbonnier57, le secteur locatif social en France est régi par les sociétés HLM et, malgré certaines tentatives, les associations ne sont que peu réceptives au système d’auto-récupération, elles se basent encore dans un mouvement de squat et de confrontation qui n’amène pas réellement à la discussion avec les pouvoirs publics. Pour accéder à un logement social en France, il faut respecter certaines conditions de revenus qui dépendent du type de logement, de sa localisation et du nombre de personnes habitant au sein du logement. En comparaison des chiffres énoncés plus tôt pour l’Italie, 57% des ménages français sont propriétaires tandis que les locataires sociaux ne représentent que 18% des ménages. Selon Frédérique Xélot, dans un article paru en Juin 2020 dans le magazine Actualités Habitat58, les ménages à faibles ressources ont des difficultés à accéder au parc de logement social et malgré des aides telles que l’allocation personnalisée au logement (APL), qui n’existe pas en Italie, leurs conditions de vie restent précaires. L’étude menée identifie la pénurie de logements sociaux dans certaines zones tendues ainsi que l’inadéquation entre ressources et prix des loyers. Pour en revenir au sujet de l'auto-récupération, on constate dans différents écrits que ce système italien est souvent comparé ou même définit comme un système de squat par les auteurs et chercheurs français. Reprenons alors, dans le dictionnaire Le Robert, la définition du mot squat : « Occupation (d'un lieu) par des squatteurs. »59. 56 Ministère de la transistion écologique, Données et études statistiques, Le parc locatif social au 1er janvier 2020 , https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/le-parclocatif-social-au-1er-janvier-2020-0 57 CHARBONNIER Coline, Octobre 2020, « Pour répondre au mal logement, l’autorecupero en Italie », Méditerrannée, n°17, https://www.1538mediterranee.com/pour-repondre-au-mal-logement-lautorecupero-en-italie/ 58 XELOT Frédérique, 30 Juin 2020, « Rapport pour l’accès au parc Hlm des ménages à faibles ressources », Actualités Habitat, n°1125, p8 59 Le Robert, 2020, Dictionnaire en ligne de la langue française, https://dictionnaire. lerobert.com/. 47


Mais on peut aussi lire sur le site officiel de l’administration française : « Squatter est le fait d'entrer dans un lieu par effraction (après avoir forcé une serrure, cassé une fenêtre, ...) ou par tromperie, menace ou violence, pour l'occuper sans l'autorisation de son propriétaire. »60. Le système de l’auto-récupération italien, formule, donc durant son déroulement, une période d’occupation illégale que nous pouvons alors désigner comme un « squat » cependant la démarche ne se limite pas uniquement à cette phase illégale. La différence essentielle à noter dans cette démarche est l’engagement dans le long terme de la coopérative et dans son projet résidentiel. En effet, le système italien poursuit ses actions en les justifiant par l’occupation d’espaces uniquement vacants et de propriétés publiques. Ce système se complexifie lorsqu’on aborde la partie rénovation et/ou transformation, en effet les coopératives ne se limitent pas à chercher des aides financières ou à gérer les parties administratives du changement de statut des locaux ; mais elle se charge bel et bien de tous les travaux à l’aide de ses bénévoles ou en ayant recours à divers artisans. Dans le film documentaire « La bocca della verita » de Yann Maury, sorti en Mai 2011, l’ancien adjoint au logement de la ville de Rome et président de la coopérative DIAMETRO, Dante Pomponi, aborde un sujet très proche de l’auto-récupération ; celui de l’auto-production. A travers les actions de sa coopérative, il souhaite développer des quartiers plus familiers, avec des services dont les populations reléguées en banlieue manquent cruellement. En 2007, François Legris, membre de l’Association Internationale des Techniciens, Experts et Chercheurs (AITEC), rappelle qu’en France, le mouvement des Castors fut créé, au lendemain de la guerre, dans les années 1950 à 1960. Ce mouvement, encouragé par les pouvoirs publics, répondait alors au besoin en logements. En effet, des milliers de français61 construisaient eux-mêmes leur habitat et ceux de leurs voisins. Malgré les programmes de construction, il manquait, en 1952, cinq millions de logements62. Ce mouvement, né d’un élan commun, regroupait des hommes de professions diverses : cheminots, ouvriers, employés, fonctionnaires. L’esprit de solidarité et d’entraide était alors de mise. On entrevoit ainsi que ce type de système n’est pas totalement inconnu en France. Bien que le mouvement des Castors se soit interrompu faute de soutiens financiers de l’Etat français, il apparaît que la culture du « faire soi-même » existe toujours en France. Cependant, comme l’explique François Legris, cette culture a dérivé passant des populations les plus pauvres aux populations plus favorisées qui entreprennent alors de construire des « habitats écologiques de haute qualité environnementale et qui ont les moyens financiers correspondants »63. 60 République française, Service publique, Que faire quand des squatteurs occupent un logement ?,https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/. 61 HÖR Lisa, Janvier 2020, « Ils construisaient leurs maisons tous ensemble puis les tiraient au sort: l’histoire des Castors », https://www.18h39.fr/articles/ils-construisaient-leurs-maisonstous-ensemble-puis-les-tiraient-au-sort-lhistoire-des-castors.html 62 LAFONT Pierre, 1952, L’Union Nationale des Castors présente le rapport moral 1951-1952, 20'11, film documentaire, https://citescastorsdefrance.fr/ 63 LEGRIS François, 2007, « Place de l’auto-construction et de l’auto-réhabilitation comme moyen d’accès au logement en France », http://www.citego.org/bdf_fiche-document-677_fr.html 48


La question du coopératif est remis en question, en Octobre 2015, par la Chaire Internationale Habitat Coopératif & Coopération Sociale (CHAIRECOOP), qui publie sur son site l’article « Habitat ‘participatif’ : Participer, pourquoi pas...Mais à quoi ? » où elle questionne le cas de l’habitat participatif en France. A travers cet article, l’auteur met en lumière le manque de définition des termes utilisés « d’habitat participatif ». Il mentionne également la loi ALUR de Mars 2014 qui introduit les termes de démarche citoyenne permettant « à des personnes de s’associer [...] afin de participer à la définition et à la conception de leurs logements et des espaces destinés à un usage commun, de construire ou d’acquérir un ou plusieurs immeubles destinés à leur habitation et, le cas échéant, d’assurer la gestion ultérieure des immeubles construits ou acquis »64. Il rappelle également que dans le cas des projets d‘auto-récupération, la coopérative n’est qu’un des outils permettant à un ensemble de personnes de condition sociale modeste d’acquérir un logement à moindre coût en évitant toute plus-value foncière. L’auteur de l’article explique alors que ce « verrou à la spéculation » n’est nullement exprimé dans la loi française. Il illustre ses propos par un projet d’éco-quartier dans la ZAC des « Grizettes » à Montpellier, où 23 logements participatifs sont mis en vente avec un prix moyen du mètre carré supérieur à celui de la construction dans cette même ville. Il dénonce par le biais de cet écrit la volonté de l’Etat d’utiliser la coopérative comme un but et non comme un outil, ouvrant par la suite aux promoteurs immobiliers de nouvelles opportunités. Le qualificatif « participatif » devient alors un terme vendeur pour des quartiers dont la gentrification s’accroît. Ces projets, déjà éloignés du système italien, sont également sous tutelle de la municipalité qui choisit le terrain, le maître d’ouvrage et qui établit le prix de vente en référence au marché. Selon la Chairecoop, pourtant, des projets similaires au cas italien sont visible aux Royaume Unis et même au-delà du continent européen, aux Etats-Unis.

Figure 30: Archives d u m o uve m ent des Castors en France

Cet te i mage présente u n lot issement const r uit d a ns u n système d'auto - con rt uct ion pa r le mouvement des Castors a Pessac.

64 République française, Légifrance, LOI n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (1), https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028772256?init=true&page=1&query=LOI+n%C2%B0+2014-366&searchField=ALL&tab_selection=all 49


CONCLUSION

L’histoire du logement en Europe, et plus particulièrement en Italie, présente des carences chroniques. Il est évident que les crises du logement sont apparues depuis plusieurs décennies et reste, aujourd’hui encore, un sujet actuel. A travers mes recherches, j’ai ainsi pu comprendre les enjeux du système de l’auto-récupération, c’est-à-dire de permettre à des familles économiquement précaires d’obtenir rapidement un logement décent dans un quartier du centre-ville et donc, possédant toutes les commodités que la ville propose telles que les transports en commun, l’accès à l’emploi, les services publiques etc. Ce système permet, également, de pallier au fâcheux phénomène d’expulsion que subit, encore aujourd’hui, l’Italie et qui est renforcée par le décret-loi de Mattéo Salvini. A travers ce travail de recherche j’ai pu découvrir une nouvelle manière de concevoir le logement social et d’en produire. L’Italie témoigne ainsi de l’investissement des populations dans leur propre bien-être grâce aux coopératives qui mettent tout en œuvre pour venir en aide aux plus défavorisés. Ils permettent ainsi aux habitants de s’approprier leur futur lieu de vie à travers la réhabilitation de leur lieu d’occupation, mais ils leur permettent également de ne plus être soumis à la forte spéculation présente en ville et ainsi d’économiser en grande partie leurs revenus déjà très faibles. Ajouté à cela, des bâtiments délaissés et dégradés retrouvent une seconde vie permettant ainsi de donner un nouveau visage à ces lieux et leurs alentours. Il apparaît que la France, malgré son évolution ces dernières années, n’est toujours pas aussi active que l’Italie alors même qu’elle a déjà connu une période d’auto-construction. Il serait intéressant de faire connaitre aux associations françaises ce

50


système afin de développer de nouvelles idées pour la France. Malgré de plus grosses aides financières, notamment, de la part de l’Etat français, il est encore question de manque de logement en France, avec certaines difficultés dans le mode d’accession aux logements sociaux. Malgré un aspect intéressant dans les projets italiens, il est important de soulever certains points critiques de ce système. En effet, il apparaît que certaines coopératives demandent à leurs membres une dévotion envers leurs activités militantes. Cela est pourtant parfois compliqué d’allier vie active et militantisme. De plus, les temps de projet peuvent être parfois extrêmement long et malgré une volonté de partage, l’entente n’est pas toujours cordiale entre tous les membres de la coopérative et peut mener à des tensions au sein du lieu de vie. Par ailleurs, on note une certaine réticence de la ville de Rome, vis-à-vis du système d’auto-récupération dû à des facteurs économiques. En effet, ce système n’apporte que très peu, voir aucun revenu à la ville contrairement aux lieux touristiques qui pourraient y être développé. L’apparition de l’épidémie du COVID-19 tend cependant à faire réfléchir les pouvoirs publics. En effet, alors qu’en 2019 l’Italie avait enregistré un nouveau record de flux, en 2020, suite à la propagation du virus, le nombre de visiteurs en Italie a chuté de 50.9% par rapport à l’année précédente65. Il serait alors intéressant de prendre en compte ce genre d’évènement pour requalifier les espaces. En effet, il est facile de comprendre que pendant ce genre d'évènement le tourisme des pays est fortement impacté et que le confort de vie des habitants devient alors plus important, ils pourraient ainsi, avec leurs propre moyens, faire marcher l'économie de leur pays.

65 Istituto Nazionale di Statistica, Movimento turistico in Italia, 2020, Primi nove mesi del 2020: presenze dimezzate negli esercizi ricettivi, https://www.istat.it/it/files//2020/12/REPORT_TURISMO_2020.pdf 51


ANNEXES

Annexe 1 - Population de la région Lazio selon le site internet Eurostat

52


Annexe 2 - Système de calcul en ligne du seuil de pauvreté, Institut Nationale de Statistique Italien

53


Annexe 3 - Statistiques de l’ISTAT sur la pauvreté, année 2019

54


Annexe 4 - Données statistiques du territoire, Région du Latium

55


Annexe 5 - Statistiques des dépenses pour la consommation des ménages, année 2019

56


Annexe 6 - Statistiques des procédures d’expulsion à Rome

57


Annexe 7 - Mouvement touristique en Italie, Janvier- Septembre 2020

58


59


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MAURIZIO Franco, PANARIELLO Maria, Octobre 2018, «A Rome, la circulaire Salvini sur le logement va accélérer les expulsions », Médiapart, https://www.mediapart.fr/journal/international/101018/rome-la-circulaire-salvini-sur-le-logement-va-accelerer-les-expulsions

VOLDMAN Danièle, Avril 2013, « À la recherche de statistiques européennes sur les habitations au XXe siècle », Le Mouvement Social, La Découverte, n°245, pp 17-27. XELOT Frédérique, 30 Juin 2020, « Rapport pour l’accès au parc Hlm des ménages à faibles ressources », Actualités Habitat, n°1125, p8. « Le boom du tourisme en Italie », Juillet 2019, Euronews, https://fr.euronews.com/2019/07/20/le-boom-du-tourisme-en-italie « L’Italie en baisse dans le classement des villes les plus visitées», lepetitjournal, 5 décembre 2018, https://lepetitjournal.com/milan/litalieen-baisse-dans-le-classement-des-villes-les-plus-visitees-245751

0.3 DOCUMENTS W EBOGR A PHIQUES CHAIRECOOP, Février 2014, Italie. «L’autorecupero» a-t-il un avenir à Rome ? , https://chairecoop.hypotheses.org/4045 Coordinamento di lotta per la casa, Rigenerazione contro rendita, http://coordinamento.info/iniziative/ Eurostats, Statistiques urbaines et régionales, https://ec.europa.eu/eurostat/cache/RCI/#?vis=nuts2.population&lang=fr Forum Civique Européen, Panorama du milieu associatif européen, https://forumcivique.org/fr/ Istituto Nazionale di Statistica, Calcolo della soglia di povertà assoluta, https://www.istat.it/it/dati-analisi-e-prodotti/contenuti-interattivi/ soglia-di-poverta Istituto Nazionale di Statistica, Dati statistici per il territorio, Regione Lazio, https://www.istat.it/it/files//2020/05/12_Lazio_Scheda_rev.pdf Istituto Nazionale di Statistica, La spese per i consumi delle famiglie, Nel 2019 spesa media mensile a 2.560 euro, stabile rispetto all’anno precedente ,2019,https://www.istat.it/it/files//2020/06/Spese-per-consumi-delle-famiglie.pdf Istituto Nazionale di Statistica, Le statistiche dell’ISTAT sulla povertà, Nel 2019 in calo la povertà assoluta, 2019, https://www.istat.it/it/ files//2020/06/REPORT_POVERTA_2019.pdf Istituto Nazionale di Statistica, Movimento turistico in Italia, 2020, Primi nove mesi del 2020: presenze dimezzate negli esercizi ricettivi, https://www.istat.it/it/files//2020/12/REPORT_TURISMO_2020.pdf Le Robert, 2020, Dictionnaire en ligne de la langue française, https://dictionnaire.lerobert.com/. Lotta Continua, Chi siamo, https://www.lotta-continua.it/ Ministère de la transistion écologique, Connées et études statistiques, Le parc locatif social au 1er janvier 2020 , https://www.statistiques. developpement-durable.gouv.fr/le-parc-locatif-social-au-1er-janvier-2020-0 République française, Légifrance, LOI n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (1), https://www. legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028772256?init=true&page=1&query=LOI+n%C2%B0+2014-366&searchField=ALL&tab_selection=all République française, Services publiques, Logement décent, https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2042 République française, Service publique, Que faire quand des squatteurs occupent un logement ?,https://www.service-public.fr/particuliers/ vosdroits/. Unione Inquilini, L’unione inquilini 1968-2011, http://www.unioneinquilini.it/uistoria.php. Université de Lyon, MAURY Yann, Disparition de l’Etat-Providence et Renaissance du coopératisme, https://f-origin.hypotheses.org/wpcontent/blogs.dir/1204/files/2018/03/Italie-Evolution-politique-logt-YM.pdf Vivere e lavorare in Italia, Guide pour les locations pour les citoyens italiens et étrangers, http://www.integrazionemigranti.gov.it/guidemultilingua/Documents/Casa/Locazioni-Francese.pdf.

0.4 FILMS-DOCUMENTAIR ES LAFONT Pierre, 1952, L’Union Nationale des Castors présente le rapport moral 1951-1952, 20’11, film documentaire, https://citescastorsdefrance.fr/ MAURY Yann, Mai 2011, La Bocca Della Verita, Youtube, 30’, film documentaire 61


LISTE DES FIGURES PR EMIÈR E DE COU V ERTUR E

FIGUR E 3

Vue sur le complexe du Porto Fluviale, photo extraite de « Roma, memorie della città industriale »

Cartes des régions italiennes et des « municipi » italiens, 2020, réalisations personnelles.

LOGOS SOM M AIR E

FIGUR E 4

Logos de chapitres, 2020, réalisations personnelles.

Via Rigola, Roma, 2011, image extraite du film « La bocca della verita », Yann Maury

FIGUR E 1

FIGUR E 5

Extension de l’espace bâti de 1871 à 1971, carte extraite de « De l’Urbs à la ville , Rome croissance d’une capitale », A. Seronde-Babonaux

Explication du projet dans l’espace commun par l’architecte, 2011, image extraite du film « La bocca della verita », Yann Maury

FIGUR E 2

FIGUR E 6

Une manifestation de Lotta continua en 1973, https://fr.wikipedia. org/wiki/Lotta_continua

Espace commun du projet, 2011, image extraite du film « La bocca della verita », Yann Maury.

62


FIGUR E 7

FIGUR E 11

Mobilier créé à partir d’anciennes fenêtres du bâtiment, 2011, image extraite du film « La bocca della verita », Yann Maury

Via Gustavo Modena, 2010, après projet, image extraite du prospectus de la coopérative

FIGUR E 8

FIGUR E 12

Projet dans l’ancien couvent via Gustavo Modena, 2015, image extraite du site CHAIRECOOP, https://chairecoop.hypotheses. org/5391

Via Gustavo Modena, 2010, après projet, image extraite du prospectus de la coopérative

FIGUR E 9

FIGUR E 13

Via Gustavo Modena, 14 Juillet 1989, avant projet, image extraite du prospectus de la coopérative

Une manifestation de l’Unione Inquilini,10 Avril 2003, Rome, image extraite du site internet de l’Unione Inquilini, http:// www.unioneinquilini.it/index. php?id=1147

FIGUR E 10

FIGUR E 14

Via Gustavo Modena, 14 Juillet 1989, avant projet, image extraite du prospectus de la coopérative

Montages photographiques des différentes campagnes de lutte de l’Unione Inquilini, archives extraites du site de l’Unione Inquilini, http://www.unioneinquilini.it/index.php

63


FIGUR E 15

FIGUR E 19

« Notre culpabilité est la pauvreté », Manifestation du 26 août 2017 à Rome, photo de Bah Abdoulaye

Carte peinte des actions du Coordinamento, au Porto Fluviale, 2020, photo de Jean Montagne

FIGUR E 16

FIGUR E 20

Vue sur la ville de Rome, entre sites touristiques et habitations, Décembre 2007, photo de Claude Rougerie, https://www.routard.com/ photos/rome/1564974-rome.htm

Aménagements des ateliers au rezde-chaussée, 2021, réalisation personnelle

FIGUR E 17

FIGUR E 21

Carte des sites touristiques à Rome, https://www.rome-roma.net/ carte-des-sites-touristiques-arome/

Aménagements des appartements, 2021, réalisation personnelle

FIGUR E 18

FIGUR E 22

L’auto-récupération au Porto Fluviale,2021, réalisation personnelle à partir d’une image extraite du site Circuiti Organizzati Resistenze, https://www.csoalastrada.net

Cour du Porto Fluviale, 2020, photo de Jean Montagne

64


FIGUR E 23

FIGUR E 27

Messages et peintures sur les murs et plafonds du Porto Fluviale, 2020, photo de Jean Montagne

Affiche d’une assemblée donnant rendez-vous au Porto Fluviale, 2018, image extraite du site du Coordinamento, http://coordinamento.info/iniziative/

FIGUR E 24

FIGUR E 28

Le salon de thé du Porto Fluviale, image extraite du site: https:// commonfare.net/en/stories/porto-fluviale-di-roma-un-esperienza-a-colori

Manifestation organisée par le coordinamento cittadino di lotta per la casa, image extraite du site: https://commonfare.net/ en/stories/porto-fluviale-di-roma-un-esperienza-a-colori

FIGUR E 25

FIGUR E 29

La façade iconique du Porto Fluviale, par le street artiste BLU, image extraite du skte : https:// www.thewalkman.it/street-art-roma/

Mouvement des castors en France, archives de l’association culturelle des Castors de Pessac, https://www.cites-castors.com/

FIGUR E 26

FIGUR E 30

Assemblée au Porto Fluviale, Avril 2018,photo de Ylenia Sina

Archives du mouvement des castors en France, archives de l’association culturelle des Castors de Pessac, https://www.cites-castors.com/

65


TABLE DES MATIÈRES R EMERCIEMENTS

3

SOM M AIR E

4

AVA NT-PROPOS

6

INTRODUCTION

8

1. LE SYSTÈME DE L’AUTO-R ÉCUPÉR ATION

12

1.1. Le contexte historiq ue ......................................... 12 1.2. Définition d’u n nouveau systè m e .............................. 16 1.3. Une dé m arche légalisée ......................................... 20 2. LES ACTEURS DE CE SYSTÈME

24

2.1. Les instigateurs du projet .................................... 24 2.2. Les bénéficiaires du projet ................................... 28 2.3. Les différentes collectivités ................................ 32 3. PORTO FLU VIA LE, ILLUSTR ATION D’UN PROJET

36

3.1. Porto Fluviale, u n cas particulier .......................... 36 3.2. Les li m ites de ce projet .......................................42 3.3. Des leçons pour la Fra nce ..................................... 46

CONCLUSION

50

A NNEXES

52

BIBLIOGR A PHIE

60

LISTE DES FIGUR ES

62

66



LORENZANA CASTRO TESSA

ANNÉE 2020-2021

ENSA PARIS VAL DE SEINE


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