Fernand Pouillon à Meudon-la-Forêt by Tifawt Loudaoui

Carnet de référence Analyse architecturale

Fernand Pouillon à Meudon-la-Forêt La résidence Le Parc: une beauté banale?

Wissal Lemtiri Chelieh, Tifawt Loudaoui & Sarah Vinckel

AVEC l’architecture - «La Grande Bellezza»

Studio de projet/séminaire Jean-Marc Chancel, Anne Wolff, Alexandre Chapuis, Sylvain - ENSAM S8 - 2018

Carnet de référence Analyse architecturale

Lemtiri Chelieh Wissal Loudaoui Tifawt Vinckel Sarah

Résidence Le Parc, Meudon-la-Forêt Fernand Pouillon

PRÉAMBULE Dans le cadre de notre recherche sur les dispositifs architecturaux qui créent une «beauté banale», nous avons choisi d’étudier la Résidence Le Parc de Fernand Pouillon, construite entre 1957 et 1962 à Meudon-la-Forêt. Cette étude s’effectue en parallèle des écrits de l’architecte Éric Lapierre sur la question du banal. À la lumière de la théorie d’Éric Lapierre sur le «banal» en architecture, nous analyserons dans une première partie ce grand ensemble, puis nous verrons ensuite comment il peut correspondre à une forme de banalité, et enfin que plusieurs éléments viennent contredire cette banalité. Cette analyse nous permettra également d’interroger les limites de la théorie de Lapierre.

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Présentation L’ARCHITECTE

«J’ignore si je fus un bon architecte, mais je suis certain d’avoir été un homme de coeur et d’avoir réussi une oeuvre humaine.1 Architecte et urbaniste français, né le 14 mai 1912 à Cancon (Lot-et-Garonne) et mort au château de Belcastel (Aveyron) le 24 juillet 1986. Admirateur d’Auguste Perret, il fut un des grands bâtisseurs des années de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale en France. Il a réalisé de nombreux équipements et bâtiments publics à Marseille, Aix-en-Provence, en région parisienne, en Algérie ainsi qu’en Iran.

Pouillon aura été animé par un idéal tout au long de sa carrière : celui de construire des bâtiments de qualité pour tous. Un mot d’ordre : bâtir mieux, et moins cher. Son oeuvre révèle une grande exigence de la construction et du bon usage des matériaux. 1

POUILLON Fernand, Mémoires d’un architecte, Editions

du Seuil, 1968.

Ses réalisations se caractérisent par une insertion dans le site, un équilibre des masses né de proportions harmoniques rigoureuses, des matériaux nobles – y compris dans le logement social – et la collaboration d’artistes sculpteurs, céramistes ou paysagistes. Il avait une approche de l’architecture très différente de ses contemporains, qui selon lui, attachaient une grande importance à l’image de l’architecture et aux technologies trés développées de l’époque suivant une sorte de mode du moment. La résidence Le Parc s’inscrit dans une continuité de l’histoire.

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1000m

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LE CONTEXTE La France d’après-guerre connaît une importante crise du logement. L’urgence est à la reconstruction: il faut donc construire vite pour loger le plus grand nombre. Il faut en effet reloger à la fois les familles sinistrées, les foyers (nombreux à l’époque) vivant dans des habitations insalubres, taudis et bidonvilles, mais aussi les rapatriés d’Algérie.

«J’avais en effet découvert un magnifique terrain à l’orée de la forêt de Meudon (...) «Voilà comment naquit Meudon-la-Forêt, la cité heureuse, l’un des rares grands ensembles où la vie soit encore gaie, où les humbles sont traités en rois.»2

Ibid.

Tous ces éléments entraînent une importante pression démographique qui conduit les architectes à devoir trouver des solutions pour construire «mieux, vite et moins cher», pour reprendre le leitmotiv de Pouillon à cette époque. En 1959, une vaste opération de construction de logements sociaux et d’équipements urbains est lancée. C’est Fernand Pouillon, qui, a la recherche d’un terrain constructible peu onéreux, découvre ce site agricole appartenant à la commune de Meudon, sur le plateau de Saclay.

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Analyse DÉFINITION ET ÉCHELLES

DES DU

SOLS PUBLIC

On constate ici un équilibre soigné entre la masse bâtie, les espaces verts, et le bassin monumental placé au centre de la composition et dont l’échelle est volontairement proportionnelle à celui des Tuileries.

Ce constat entraîne un questionnement sur la notion de résidentialisation, c’est à dire le fait de redonner un caractère privé à un immeuble, en permettant l’appropriation de celui-ci par ses habitants.

À l’origine, une place centrale avait été donnée au piéton, le quartier étant à l’époque moins inféodé à la voiture qu’aujourd’hui. Le bâtiment «Mail» de 300 mètres de long (le long de la nationale N118) était alors longé d’un canal qui a depuis été recouvert et constitue une promenade plantée. Mis à part le parking situé au niveau de l’Avenue du Général Leclerc qui permet une transition avec l’entrée sur le site, il n’y a pas de frontières physiques entre la rue et l’espace résidentiel. Les espaces verts sont totalement ouverts au public sans aucune forme de clôture. La porosité de ce grand ensemble permet l’intégration de ces grands espaces publics au coeur de l’opération. Néanmoins, un rapport du CAUE 92 (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement des Hauts-de-Seine) évoque le poids trop lourd pour la copropriété de la gestion des espaces extérieurs privés, mais d’usage totalement public.

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Présence de la végétation

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Stationnement automobile

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L’occupation de l’espace public par les habitants

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Des textures distinctes permettent d’identifier les différentes échelles du public

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30m

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30m

35m

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RAPPORTS

PROPORTIONS

30 m

LES

90 m

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Masses bâties

Vides

Scénographie de l’espace public

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PLEINS ET VIDES, COMPOSITION URBAINE La composition de cet ensemble urbain est d’essence classique. Elle a été réalisée selon le plan directeur de l’architecte-urbaniste Robert Auzelle (1913-1983) et fondée à la manière d’une ville romaine sur le croisement d’un cardo et d’un décumanus. Au croisement de ces deux axes dans les cités romaines, se trouvait généralement le forum. Ici, l’église prévue par Pouillon sera ultérieurement implantée au niveau de ce croisement.

Cette typologie urbaine n’est pas sans rappeler la notion d’ilôt ouvert, définie par Christian de Portzamparc comme le troisième âge de la ville (schéma ci-contre). Il vient après l’ilôt fermé, replié sur lui-même et représentant les immeubles à cours caractéristiques des constructions haussmaniennes et le plan ouvert prisé des Modernes (des bâtiments qui ne s’orientent plus en fonction des rues).

Ce qui distingue la résidence des grands ensembles de l’époque de sa construction est que la composition urbaine est indissociable de la composition des espaces communs. Chaque masse bâtie est en liaison avec un espace ouvert, et vide, allant de l’échelle du voisinage des trois immeubles qui entourent un jardin carré, a l’échelle d’une grande place urbaine avec un bassin au centre de la composition.

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Selon Jacques Lucan dans son ouvrage: «Fernand Pouillon, architecte», la rigueur de l’architecture dans cette résidence est incarnée par trois types de bâtiments. • Des bâtiments hauts et rectangulaires dont les façades sont l’expression pure de la structure porteuse . Cette structure est constituée par la répétition de piles de pierres verticales. • Des bâtiments de 4 étages composés d’une structure qui alterne entre un mur porteur et un structure poteaux-poutres. • Le troisième type est un immeuble semblable au deuxième type, avec une structure poteaux-poutres cadrant les fenêtres, Il se replie sur lui-même afin de former un U. Ainsi, les trois différents modèles architecturaux permettent par leurs différents assemblages, de composer toute la diversité des expaces extérieurs, pour lesquels une variété d’ambiance a été recherchée.

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0 2m50

Espace privé/logements

10m

Espace semi-public

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LES LOGEMENTS À une plus petite échelle, les logements eux-mêmes répondent aux règles d’une stricte rationalisation de l’espace. Les surfaces et équipements répondent aux normes «Logeco» de l’époque (Logement Économiques et familiaux), dans le cadre d’un programme lancé en 1953 par le Ministre de la Reconstruction et du Logement. À l’intérieur des logements, on peut apprécier le rationalisme avec lequel ils ont été conçus, même si on constate des innovations techniques comme le chauffage par le sol. Tout d’abord la rationalité de la typologie : des 3 pièces dont les trois pièces d’eau se partagent une seule gaine technique. Vient ensuite celle de la trame porteuse de 2,70m entre poteaux. Enfin, celle du principe constructif, qui délaisse la préfabrication lourde (en vogue à l’époque) pour des éléments principalement coulés sur place. Seuls les escaliers et nezde-planchers sont préfabriqués. Les piles de pierre porteuses mettent en valeur la qualité du matériau et la maîtrise de cet élément cher à Fernand Pouillon, de la technique d’extraction à la mise en œuvre au ciment métallique, et les ouvertures généreuses et en double orientation qu’il autorise sans nécessiter de peinture ou de ravalement.

D’une profondeur de 11 mètres pour les grandes barres et de 9 mètres pour les R+4, les appartements sont essentiellement traversants. L’orientation des chambres et des séjours dépend de la forme urbaine et des différents espaces extérieurs. Les circulations verticales centrales ou horizontales qui desservent les appartements sont au centre du bâti afin d’ouvrir les espaces de vie sur la façade. La quasi-totalité des logements sont traversants, et les plus spacieux (4 et 5 pièces) disposent d’une loggia. Les logements sont équipés de vide-ordures et possèdent de nombreux rangements et placards. Les sanitaires sont systématiquement séparés de la salle de bains, et la cuisine, du séjour.

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AVEC l’architecture - «La Grande Bellezza» 3 Pièces S: 55,10 m°

3 Pièces S: 56,95 m°

4 pièces S: 66,45 m°

4 Pièces S: 67,74 m°

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5 Pièces S: 81,90 m°

zone nuit zone jour zone humide

L’organisation interne des appartements résulte de l’ordonnancement urbain et non pas de l’orientation du soleil puisque tous les bâtiments sont déja orientés nord-sud ou est-ouest. Ainsi, les chambres sont au sudouest et les séjours au nord-est. L’important étant que les parties communes de l’appartement soient en rapport direct avec les parties communes de l’entrée et du petit jardin. Les espaces intimes sont en rapport avec la situation urbaine du plan de la résidence le Parc qui permet le plus d’intimité sans vis-à-vis.

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Largeur d’une chambre Salle de bain Cuisine Séjour

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Le rythme de la structure apparente dans sa verticalité, équivaut à la largeur d’une chambre. La dimension de la fenêtre représente la dimension modulaire de la pièce et c’est la répétition de cet élément qui crée la façade. La cuisine est souvent comprise dans une travée, ainsi que la salle de bain dans son prolongement. Dans l’appartement à droite, la largeur des séjours est équivalente à deux fois la largeur d’une chambre. Sur celui de gauche, l’appartement a un séjour dont les limites ne respectent pas la trame structurelle. Cela montre que ce système permet une flexibilité intérieure. La disposition intérieure peut varier car les façades sont porteuses.

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On peut mettre en parallèle ces plans avec le classique «3 fenêtres marseillais». Cette typologie de logements est la plus répandue à Marseille. Il s’agit d’un logement traversant comprenant en général deux chambres, une salle à manger, une cuisine, une ou deux alcôves et une ou deux pièces noires qui font souvent offices aujourd’hui de salle de bain. Son origine reste incertaine mais l’une des hypothèses présuppose que l’existence des «trois fenêtres» serait dûe à la longueur des mats de bateaux, réemployés comme poutres lorsque Marseille arrêta les galères à la fin du XVIIIè siècle. Comme chez Pouillon, on retrouve dans le plan de cette typologie marseillaise la partition classique entre pièces de jour et pièces de nuit, ainsi qu’une séparation systématique entre la cuisine et la salle à manger, et entre les sanitaires et la salle de bains.

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LES FAÇADES La dimension de la fenêtre représente la dimension modulaire de la pièce, c’est la répétition de cet élément qui crée la façade. Les nez de dalles constituent un maillage avec les pilliers verticaux et délimitent ainsi les trames de structure. Ce dispositif permet à la fenêtre d’être en retrait par rapport à un cadre qui crée un sentiment de protection vis-à-vis de l’extérieur et du bruit de la route nationale. La façade est aussi protégée du soleil grâce à la position intérieure du vitrage par rapport à la fenêtre. L’épaisseur de la structure autour de la fenêtre permet un recul entre l’extérieur et l’intérieur, qui donne un sentiment de protection et d’intériorité.

Les pleins

Pour toute l’opération, il semblerait qu’il n’y ait que deux dimensions de vitrages. On retrouve en effet un module vertical sur toute la hauteur, utilisé pour tous les percements de dalle à dalle et dont il existe deux modèles: un ouvrant sur toute la hauteur lorsqu’il y a un garde corps, et un second seulement à partir d’un mètre au dessus du sol, lorsqu’il n’y a pas de garde corps. Le modèle ci contre (p. 22) permet d’ouvrir la porte-fenêtre sur toute sa hauteur, grâce au garde corps et permet d’ouvrir les portes -fenêtres sur toute la hauteur, et ainsi être dans un rapport de proximité avec les espaces extérieurs.

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Les vides

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Dans le deuxième modèle ci contre, le vitrage est divisé en deux parties qui permettent d’ouvrir la fenêtre uniquement en partie haute et d’avoir le bas de celle-ci en guise de garde-corps. Ce retrait permet aussi un nouvel usage pour agrémenter le long de la fenêtre par des pots de fleurs. Les stores d’origine étaient tous en tissu orange. Il en reste encore quelques uns , cependant les habitants ont parfois remplacé ces stores par des volets roulants automatiques ou des volets pliants en bois. Enfin le troisième module de fenêtre à deux ouvrants pour les percements dans le mur.

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principe:

CLASSICISME

banalité

ORTHOGONALITÉ

«La question se pose de savoir comment disposer les nouveaux bâtiments: faut-il résolument se défaire de toute attention, de tout respect entre les tracés viaires ou parcellaires, et disposer les bâtiments de façon «libre», comme y incitent les principes urbains modernes alors en vogue, ou faut-il s’appuyer sur les configurations existantes pour leur apporter de nouveaux espaces lisibles de rassemblement des édifices? Fernand Pouillon choisit bien sûr la seconde option.»3 La démarche de Fernand Pouillon s’inscrit résolument dans une tradition classique. À l’époque de la conception de cet ensemble, il romp avec ses contemporains modernes (voir ci-dessous l’exemple de Le corbusier à la Cité Radieuse) en alignant ses réalisations sur les tracés existants. Des tracés réguliers disciplinent le site de Meudon-la-Forêt, ainsi qu’une composition axée, et rythmée et des voies rectilignes bien que non-symétriques, encadrées d’ouvrages régulièrement ordonnés. 3

GILLON Meudon-la-Forêt,

Pierre, Éditions

Fernand Pouillon à du Linteau, 2011.

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Auguste Perret, Palais d’Iéna (1937)

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DANS LA LIGNÉE DE PERRET: MATÉRIALITÉ ET RATIONALITÉ CONSTRUCTIVE Impossible d’évoquer Fernand Pouillon et ses réalisations sans parler d’un élément qui est au coeur de son oeuvre et de sa démarche architecturale: l’emploi massif de la pierre de taille. L’emploi de la pierre par Pouillon est indissociable de son contexte historique. En effet, dans l’importante crise du logement que connaît le pays après la guerre, il faut trouver des moyens économiques et rapides pour reconstruire la France. Nous sommes alors en pleine époque du «tout-béton», mais la pierre reste un matériau très compétitif. Pouillon s’associe alors avec son ami Paul Marcerou, entrepreneur, qui développe une technique de taille de la pierre qui est à l’époque révolutionnaire. En effet, celui-ci met au point des machines permettant de découper les pierres rapidement et en série. Pouillon met donc au point un système constructif à base de pierres que l’on pourrait appeler «préfabriquées», c’est-à-dire taillées en carrières et directement assemblées une fois acheminées sur le chantier. Avec ce matériau, il peut gérer l’intégralité du chantier, de la conception à la construction.

Il intègre également à son agence un bureau détude technique, ce qui lui permet de contrôler la qualité de l’exécution. Cette rationalité de la construction s’exprime enfin par le fait que Pouillon n’a pas jugé nécessaire d’employer des système constructifs complexes: il privilégie ainsi le mur porteur plutôt que le système poteau-poutre. En ce sens, et si l’on se réfère à la théorie énoncée par Éric Lapierre, l’ensemble de Meudon-la-Forêt s’apparente à l’oeuvre d’Auguste Perret, dans sa volonté d’un rationalisme constructif, d’une simple expression des matériaux, et d’une architecture basée sur l’expression de la construction.

«La technique parlée en poète nous conduit à l’architecture.» 4 4

PERRET Auguste, Contribution à une théorie de l’architecture, Editions du linteau, 1952.

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Centre commercial du Moulin, carte postale d’époque

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LA FAMILIARITÉ Pouillon a imaginé, pour les deux petits centres commerciaux que comporte l’ensemble, deux bâtiments pastiches d’une ferme et d’un moulin. Ces deux éléments contrastent volontairement avec la modernité du l’ensemble.

« (...) un projet monumental, cyclopéen, pour loger les moins fortunés. La composition prévoyait deux centres commerciaux installés dans de vieilles maisons, comme si l’on avait voulu conserver le témoignage du passé au milieu de ces hauts et longs immeubles hors de l’échelle humaine. »5 À chaque fois que l’axe Est-Ouest entre dans l’opération, une perspective débouche sur le pastiche de ces deux vieilles maisons, comme si elles avaient perduré à travers le temps. On remarque que dans la composition urbaine, les deux pastiches font le lien entre les grands axes du projet. 5

POUILLON Fernand, Mémoires d’un architecte, Editions du Seuil, 1968.

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Le jardin des Tuileries

Meudon-la-forêt

Versailles 0

100

200

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Une contradiction: la monumentalité UN L’ÉCHELLE

ENSEMBLE À DE VERSAILLES

« Les bassins de Versailles, les allées de son parc me servirent de modèle, l’échelle était définie. » ⁶ A Meudon-la-forêt, la volonté de Fernand Pouillon est de créer un projet monumental, où la référence au passé serait représentée par les principes urbanistiques symbolisant la majesté et la rigueur classique. Des tracés réguliers disciplinent le site de Meudon la fôret, une composition axée, symétrique et rythmée, des voies rectilignes, encadrées d’ouvrages régulièrement ordonnés, une mise en valeur monumentale des bâtiments… Cette résidence est une oeuvre représentative d’un retour aux sources de l’architecture et aux racines de l’ordonnancement urbain. Avec ses 69 bâtiments, 2635 logements, des aménagements paysagers travaillés avec soin et qui s’étendent sur seize hectares et une cinquantaine de commerces, la Résidence Le Parc s’inscrit sur son site avec pesanteur et dans le temps avec permanence.

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Mail de la grande allée, ombres rythmées des arbres et des percements.

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UNE MISE EN VALEUR DU BANAL Dans cet ensemble, les vides de la composition urbaine structurent les pleins. Le banal est magnifié par des éléments qui ne relèvent pas de la banalité. Le bassin central qui est le coeur de la composition relève de cette monumentalité. Il rappelle les grandes compositions classiques dont il est inspiré et permet également un jeu de miroirs où les bâtiments se reflètent. L’alignement des arbres rappelle le rythme régulier des pilastres en pierre. La composition de l’ensemble nous relie à une mise en scène classique entre façades, places et jardins. La pierre ,identifiée souvent à l’expression du monumentalisme classique des bâtiments officiels, est reprise pour ses valeurs de noblesse dans un projet d’ordre modeste et jusqu’à aujourd’hui difficilement valorisable.

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La perception lointaine à travers un espace dégagé

La perception lointaine à travers un obstacle

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LES PERCÉES ET L’APPRÉHENSION DE L’ENSEMBLE A partir des différentes voies entourant l’ensemble de Pouillon, différentes percées s’offrent à nous permettant d’assimiler l’ensemble. Il y a un jeu de transparences et d’opacités qui nous permet d’exprimer tantôt le caractère semi-public de l’espace, tantôt le caractère privé de l’aire résidentielle. L’élargissement et le rétrécissement des espaces extérieurs créent une scénographie et des ambiances diverses.

La disposition de l’ensemble n’est pas anodine mais suit certaines directives. Dans la résidence, la disposition de l’ensemble est régie par l’agencement des pièces extérieures, (influencé par Auguste Choisy et sa manière d’appréhender l’espace architectural et urbain ) ainsi que le choix de l’orthogonalité et la composition axiale. (influencé par Eugène Beaudoin dans sa manière de faire le tracé de ses plans masses) .

La fluctuation des échelles permet de faire respirer monumentalement le lieu mais aussi de le recadrer dans une échelle plus humaine aux dimensions plus réduites.

L’ensemble est accueillant, les différentes percées en dévoilent des facettes qui intriguent et invitent à la découverte.

À Meudon, la perception est toujours lointaine, par ailleurs une lecture de l’ensemble est réglée pour que l’asymétrie du plan masse ne soit pas difficile à appréhender.

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Disposition réelle des bâtiments

Hypothèse de disposition

Hypothèse de disposition La perception loi ntaine à travers un obstacle 46

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PERCEPTION

HUMAINE

« Il ne faut pas mettre les choses de l’architecture toutes sur le même axe, car elles seraient comme autant de personnes qui parlent à la fois »7 Dans la réalité , les axes ne se perçoivent pas à vol d’oiseau, comme le montre le plan sur la planche à dessin, mais sur le sol , à échelle humaine, l’homme étant debout regardant devant lui. Le rapprochement des bâtiments nous plonge directement dans un univers plus intime. LE MONUMENTAL DANS L’ÉQUILIBRE L’ensemble est fait de sorte à ne pas mettre en compétition les éléments de la composition mais au contraire à unifier le tout. La composition urbaine est soignée de sorte a ce que les pleins et les vides s’équilibrent. Dans la résidence, c’est l’ensemble qui est monumental et non pas un élément qui se différencierait des autres.

Le Corbusier

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Avant / après Plan d’un T4 1:500

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La Résidence Le Parc aujourd’hui ÉVOLUTION DE À TRAVERS

L’ENSEMBLE TEMPS

À la lumière de documents plus actuels, nous nous sommes interrogées sur la façon dont cet ensemble a traversé le temps depuis sa construction.

Le plan de rénovation inclut l’installation d’une centrale photovoltaïque destinée à fournir l’éclairage des cages d’escalier, ainsi qu’un sytème de gestion des eaux pluviales.

En 2002, un plan de restructuration du centre-ville a été mis en place: à cette occasion de nombreux amménagements ont été effectués comme la création d’un parvis pour l’église, un réaménagement du stationnement de surface, la création d’un stationnement souterrain, et de nouvelles orientations pour les flux piétons.

Enfin, des modifications intérieures ont été apportées par les occupants au fil des années. Nous avons reconstitué quelques plans en fonction de ces transformations et avons pu ainsi constater que dans la plupart des cas, les habitants décloisonnent les pièces pour disposer d’espaces de vie plus ouverts.

Afin d’analyser de nombreux problèmes engendrés par le vieillissement des bâtiments, un diagnostic approfondi a été engagé en 2010 en vue d’établir un projet de rénovation thermique de la résidence. Le bilan thermique a tout d’abord montré qu’il était possible d’atteindre un niveau BBC Rénovation, soit une baisse de 50% des consommations énergétiques.

Ces changements, sans avoir été nécessairement prévus par l’architecte, ont été permis par la conception de l’ensemble. En effet, elle permettait grâce aux façades porteuses une éventuelle modification des espaces intérieurs.

Des solutions techniques performantes ont été envisagées, afin d’atteindre cet objectif sans dénaturer l’architecture d’origine: ventilation hybride, peintures réflectives, verres isolants minces, gestion électronique, etc.

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Bibliographie OUVRAGES & ARTICLES GILLON Pierre, Fernand Pouillon à Meudon-la-Forêt, Éditions du Linteau, 2011. LAPIERRE Éric, «L’ordre de l’ordinaire - Architecture sans qualités», Eric Lapierre pour la Villa Tamaris et les Presses du réel, in Catherine Perret (dir.), Peinture sans qualités, Dijon, Les Presses du réel, 2005. LUCAN Jacques, Pantin, Montrouge, Boulogne-Billancourt, Meudon-la-Forêt : Fernand Pouillon, architecte, ouvrage publié à l’occasion de l’exposition créée par le Pavillon de l’Arsenal, avril 2003. MARREY Bernard, «Un grand ensemble pas comme les autres», Criticat n°7, Mars 2011. PERRET Auguste, Contribution à une théorie de l’architecture, Editions du linteau, 1952. POUILLON Fernand, Mémoires d’un architecte, Editions du Seuil, 1968. POUILLON Fernand, Les pierres sauvages, Editions du Seuil, 1964. VOLDMAN Danièle, Fernand Pouillon, architecte, Éd. Imbernon, 2017.

DOCUMENTS EXTERNES ALUIN ET MAUDUIT ARCHITECTES, Processus et stratégie de rénovaton thermique de la Résidence du Parc à Meudon-la-Forêt, Rapport d’analyse

Wissal Lemtiri Chelieh, Tifawt Loudaoui & Sarah Vinckel