I N E XTREMIS Photographies de Sylvain MARCHAND Textes de Valérie BOEHRER
IN EXTREMIS Herbier d’Hiver Une saison, l’hiver, pour une idée qui se situe autour de l’instantané simple et sobre, d’une nature en suspens. Plantes, ex vertes, devenues inertes, arrivées à maturité, elles furent trouvées au cours de promenades naturelles et hasardeuses. Photographiées sur fond uni, un simple mur neutre, blanc, en tout début d’après-midi, avec la lumière solaire de l’hiver comme source principale; et de temps à autre en support un plafonnier d’exposition tungstène. Ces plantes superbes, révélatrices de complexités éphémères, restent fragiles dans ce monde en alerte. Ces photos se veulent descriptives à la manière des dessins des naturalistes d’antan, éclairées par une lumière variante, solaire et franche. Chaque photographie est en bichromie, un noir plus un cool grey qui jouent avec les nuances des tirages aux sels d’argent du début du siècle précédent, constituant ici un petit bestiaire végétal. L’auteur Valérie BOEHRER accompagne cette obser vation naturelle et devient le premier spectateur de ces sujets isolés. Ses textes sont à la fois réalistes, s’appuyant sur une connaissance certaine du monde végétal, mais aussi fantasques et libres, inspirés, instantanés tout comme les clichés obser vés. Véritable énigme, certaines plantes restent inconnues alors que d’autres accompagnent depuis longtemps l’évolution de l’homme dans nos sociétés, mauvaises herbes, fleurs, herbes folles etc. Quelques plantes sont ici immortalisées, collectées ; maintenant préser vées, hommage posthume à une nature capable chaque année de créer ces hyperstructures, véritables sculptures végétales.
EXTRAIT 19 photographies et textes
Veines d’Agrumes Il est préhistorique, si maigre avec ses grandes épines acérées. Il est de cette époque où il fallait se défendre pour exister. Dans ses veines coule un sang certainement doux et acide à la fois. Il porte dans ses gènes l’instinct de sur vie, l’instinct du combat immobile. Cri de guerre ligneux. Durer, grandir, sur veiller l’extérieur dans toutes les directions. Aigle végétal. Quelques taches sur sa sur face ? Certainement du camouflage.
Inachevée Quelle est l’attaque cr yptogamique qui a causé ce désastre ? Invisible à l’œil nu, l’ennemi a figé ce bourgeon prenant son essor. Ébauche de pétales, de feuilles… difficile à dire. À ses débuts, la structure d’une fleur est celle d’un bourgeon ordinaire. Pour devenir fleur, les massifs cellulaires se doivent d’évoluer en sépales, pétales, étamines et pistil. Il n’y a peut-être eu aucune attaque. Juste une perplexité qui a trop duré. Fleur ? Feuille….feuille ? Une hésitation létale.
Kandinsky Végétal Hésitantes, aquatiques, les anémones ont crû en vers cavernicoles de quelques abysses feuillus. Leurs tiges sont leurs efforts pour porter haut vers le soleil des fleurs aux larges pétales soyeux, aux étamines lourdes de pépites d’or. Cette tâche les a marquées, les aléas de la météo et les contraintes des autres aussi. Les pétales tombés, tiges et pédoncules exécutent une danse, tracent dans l’espace une calligraphie aérienne, enfin. Et les pistils enkystés ponctuent ces idéogrammes.