ENSAM Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier Domaine Thématique// Métropoles du Sud Mémoire S9 - Master II
La résilience: un concept primordial face à la vulnérabilité urbaine dans les zones à risque naturel Etude de cas : Les inondations à BANGKOK (THAÏLANDE)
Directeur d’étude : NOURRIGAT Elodie
Jury: CLAUSEL BOREL Florence, DELGADO Daniel, NOURRIGAT Elodie, PIERSON Marine
Présenté par : TECHER Sandrine
PLAN ……………………………………………………………….…….…………….…p 2 PREAMBULE………………………………………………………….…….……….…p 5 INTRODUCTION…………………………………………………………...…………..p 6 CONCLUSION....................................................................................p 107 BIBLIOGRAPHIE................................................................................p 109 ANNEXES...........................................................................................p 114 REMERCIEMENTS.............................................................................p 116
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PLAN
I - Le monde dans une situation critique : changement climatique et crises hydrauliques aggravées…………...…p 13 1 - Un changement climatique inquiétant à l’échelle mondiale……p 13 1.1 - Comprendre le changement climatique……………………………..……………p 13 1.2 - Un changement complexe à répercutions inégales .……………………...……p 17 1.3 - Des effets difficiles à prévoir .………………………………………........….……p 20
2 - L’importance de la notion de Risque ………………………..….….p 23 2.1 - «Aléa», «Enjeu» et «Vulnérabilité», des termes corrélats au «Risque»………p 23 2.2 - Risques majeurs et Risques naturels…………………………….…………….…p 24
3 - Le phénomène d’inondation amplifié par le changement climatique.........................................................................................…p 27 3.1 - Causalité de l’évènement .…………………………………………………...……p 27 3.2 - Inondations lentes et Inondations brutales .…….....……………………….....…p 28 3.3 - Rétrospective à l’échelle du globe et de l’Asie…………..……….………...……p 30 3.4 - Des prévisions hypothétiques …………………………………………...…..……p 32
II - Zones urbaines à risque : Bangkok, une ville fortement exposée aux risques d’inondation ………....……................…….…p 35 1 - Etat des lieux ……………….…………………..……..…..……………..…...…p 35 1.1 - Caractéristiques de la ville…………………………………..…….…...............…p 35 1.2 - Le fleuve Chao Phraya: un atout et un inconvénient à la fois….…….……..…p 38
2 - Aléa inondation : Bangkok, une ville à haut risque! ….………..…p 41 2.1 - La mer monte et la mousson se déchaine….……………………….………...…p 41 2.2 - Le débordement du fleuve Chao Phraya …….…………….………...…....……p 42 2.3 - Une référence majeure : l’inondation de 2011…….………………..….…..……p 44
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3 - Causes de la vulnérabilité de Bangkok …….….…………………….....p 49 3.1 - L’urbanisation, un élément aggravant ………………………………………..….p 49 3.2 - Les contraintes liées au site ……………………………………….…………..…..p 53 3.3 - Faiblesse du bâti (Instabilité et Fragilité) …………………….………….………p 54
III - La résilience urbaine, une approche efficace face à la vulnérabilité des villes………………………………………………………..p 58 1 - Expertise sur la notion de résilience ………………………….…………p 58 1.1 - La résilience………………………………………………….………….…………p 58 1.1.1 - Une notion dans l’air du temps …………………………………………..…..….p 58 1.1.2 - Champs d’action de la résilience ………..………….…………….……….....…p 60 1.2 - La résilience urbaine ………..……………………………………….…..………p 61 1.2.1 - Notion et concept …………………..……………………………..…….…..……p 61 1.2.2 - Résilience réactive et résilience proactive…………………………......…....…p 63 1.2.3 - Les étapes du processus de résilience urbaine …………………………....…p 65 1.2.4 - La résilience dépasse la capacité d’adaptation …………….………….…..…p 66
2 - La résilience urbaine: solution clé pour réduire la vulnérabilité..p67 2.1 - Définition de la «vulnérabilité» ………….…….……………….………….…….…p 67 2.2 - Influence de facteurs sur le degré de vulnérabilité…………….………..…...….p 68 2.3 - La vulnérabilité, une caractéristique potentiellement indispensable ……..…..p 71 2.4 - La résilience, un synonyme de «moins vulnérable».. ………………….…...…p 72 2.5 - Les perspectives pour un futur incertain……………………...…………….….…p 73
IV - Application de la résilience sur la ville de Bangkok….p 75 1- Les acteurs engagés dans la gestion du risque ..............................p 75 1.1 - Acteurs mondiaux : une réelle interaction à l’échelle planétaire…………….….p 75
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1.2 - Une gestion nationale thaïlandaise à rayonnement international ……….….….p 77 1.3 - Une organisation à l’échelle de Bangkok ….………..…………………….…….p 79 1.4 - Une interaction fondamentale des différentes échelles ……………….........….p 81
2 - Les mesures appliquées dans la ville……………….………….…….…p 82 2.1 - Des mesures structurelles……………………………………………….…………p 82 2.2 - Des mesures non structurelles………………………………….……….….…….p 87 2.3 - Inefficacité des méthodes employées……………………………….……………p 89 2.4 - Une interférence nécessaire ………………………………………….………..…p 90
3 - Vers une démarche de résilience plus poussée pour faire face à la crise...................................................................................................................p93 3.1 - Dispositifs d’adaptations bravant les aléas climatiques ……..………...…p 93 3.1.1 - Fonder une ligne directrice efficace…………………………….....…………… p 94 3.1.2 - Améliorer les aménagements hydrauliques ……….…...…………………...…p 96 3.2 - Le rôle de l’architecte et de l’urbaniste……………………………..….………p 96 3.2.1 - Un point primordial: redéfinir le rôle du fleuve………………..……….………p 97 3.2.2 - Relocalisation le bâti ………………….…………………………………….……p 99 3.2.3 - Revitaliser la ville…………………………………….……………………….…p 101 3.2.4 - Créer des habitats inondables -Deux exemples de projets : «les maisons amphibies » et « le projet Wetropolis »- ………………………………………….……p 103
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PREAMBULE La température moyenne de la Terre n’est pas constante mais elle a toujours connu des variations, plus ou moins prononcées, en fonction des différentes époques. La température était par exemple bien plus basse il y a 20 000 ans1. Cependant, ces changements sont très peu visibles à l’échelle d’une vie humaine car les températures fluctuent de façon très douce, de l’ordre de «0,2 degré entre l’an mille et la fin du XIXe siècle»2. De nos jours, la communauté mondiale s’alarme sur l’accélération de ce processus de variation qui se produit à une allure jamais rencontrée auparavant. Globalement, depuis le XIXe siècle, la température moyenne terrestre a augmenté d’environ 0.6 degré. Et si rien n’est fait, cela devrait s’amplifier jusqu’à atteindre les 1,5 à 6 degrés d’ici la fin du XXIe siècle. On parle de réchauffement climatique, un sujet qui m’a toujours passionné. Ce choix de sujet se retrouve dans le champ d’expertise du domaine d’étude «Métropoles du Sud», un des domaines de compétence de l’ENSA Montpellier qui propose d’étudier «des projets spécifiques à des conditions urbaines extrêmes». Au travers de ce mémoire, la question de l’extrême sera traitée sous deux aspects: il s’agira de faire une expertise sur la situation actuelle, mais aussi de réfléchir à un état futur à prévoir. Pour commencer, l’Extrême étudie «des ressources, de la nature du site, de sa topographie ou encore de ses usages»3. Puis, il «fonde des scénarios projectuels basés sur des tendances structurelles fortes, considérant les possibles conséquences du réchauffement climatique et l’accroissement des risques naturels»4. Ce schéma offre la possibilité d’élargir les opportunités de composition de projets et de proposer de nouvelles réponses en termes d’architecture et d’urbanisme. Il s’agit de créer des villes-métropole qui seraient plus «plus créative, plus cohésive et peut-être plus résiliente»5. Ce mémoire se fondera sur une problématique spécifique à ville de Bangkok en Thaïlande qui sera donc considérée sous l’angle d’une thématique «extrême».
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Blog Astronomie et Astrophysique, Le réchauffement climatique. 2016. Réf à <http://www.astronomes.com/le-systeme-solaire-interne/le-rechauffement-climatique/> 2 Ibid 3 Domaine d’Etudes Métropoles du Sud - Semestres 7,8,9,10 - ENSA de Montpellier, Smart City. 2015/2016. P.5 4 Ibid 5 Ibid
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INTRODUCTION
Depuis de nombreuses années, des changements majeurs s’opèrent à l’échelle de la planète: il s’agit du réchauffement climatique, un phénomène dont les médias parlent de plus en plus fréquemment. Couramment surnommé «réchauffement planétaire», c’est par définition «un phénomène d'augmentation de la température moyenne des océans et de l'atmosphère terrestre, mesuré à l'échelle mondiale sur plusieurs décennies»6. Cette notion entre en relation directe avec l’augmentation de la quantité de chaleur à la surface de la planète qui engendre le réchauffement global mondial. Ses effets étant constatés depuis le début des années 1900, il est à l’heure actuelle considéré comme l’un des principaux problèmes écologiques auxquels nous sommes confrontés. Le réchauffement climatique constitue un enjeu primordial pour les pays du monde entier. En décembre 2015 a été adopté le premier accord global mettant en place de véritables contraintes juridiques sur le climat : la COP21. Il entrera en vigueur en 2020 et a pour objectif de limiter le réchauffement de la planète «nettement au-dessous de 2°C»7. Les pays les plus exposés et vulnérables incitèrent même à atteindre les 1.5°C. Il s’agit par conséquent d’un terme très employé dans le monde entier. On peut en parler sous des aspects divers et variés en mentionnant ses causes, ses effets ou encore les dommages irréversibles qu’il engendre (Figure 1). Même si certains pensent encore qu’il ne s’agit que d’un fait amplifié par les médias, ceux qui s’y intéressent davantage admettent que cette élévation de température est aujourd’hui indéniable. Son origine est même attribuée à l’augmentation de la concentration de gaz à «effet de serre» dans l’atmosphère terrestre, eux même causés par l’utilisation abusive des énergies fossiles par l’homme.
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Dictionnaire Le Parisien (en ligne) Réf à : <http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/R%C3%A9chauffement%20climatique/fr-fr/> 7 CDE, COP21 (en ligne). 2016. Réf à : <http://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/cop21conference-sur-le-climat-de-paris>
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Figure 1 : Différents aspects du réchauffement climatique
Les effets du changement climatique sont déjà bien réels à de grandes échelles. Nombre de ces effets sont ainsi irrévocables et ont des conséquences importantes pour le futur. Nous pouvons citer par exemple la hausse des températures qui engendre des sécheresses intenses (Figure 2) ou des désertifications totales, la déstabilisation des écosystèmes qui implique une adaptation nouvelle des espèces ou pire leur extinction.
Figure 2 : Assèchement du lac Mead à Las Vegas, Photos 2011 et 2014.
Face à l’ampleur du phénomène, une notion importante est mise en avant, celle du «risque», et plus particulièrement le «risque majeur». C’est sur cet aspect du réchauffement climatique que je décide de traiter le sujet. Ces risques se retrouvent le plus généralement employés sous deux catégories: «technologiques», impliquant par exemple le nucléaire, et «naturels» tels que les ouragans ou les cyclones (Figure 3). 7
Figure 3 : Choix de l’aspect « risque naturel»
Le réchauffement climatique a aussi de fortes conséquences sur l’eau. L’un des phénomènes naturels le plus marquant de ce siècle est l’augmentation du niveau des mers, provoquée par les variations de température et la fonte des glaces. Plus concrètement, l’analyse des enregistrements des marégraphes -instruments installés dans les ports- montre que «depuis la fin du 19e siècle, la mer monte de façon significative, à une vitesse de l’ordre de 2 mm/ an, soit 20 fois plus vite qu’au cours des derniers siècles»8. Cette augmentation du niveau des mers est susceptible de provoquer des dégâts collatéraux. Plus inquiétant encore, le niveau a augmenté de 3 mm/an ces 12 dernières années9! En parallèle à l'augmentation du niveau de la mer, le changement climatique provoque l’augmentation de la fréquence et de la durée des crues ou l’intensification des fortes pluies. Face à de telles conséquences sur l’eau, je m’intéresse particulièrement au risque d’inondation qui pourrait provoquer la disparition de nombreux endroits de notre planète (Figure 4).
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CNRS, Extrait de la Lettre du Changement global n°19, La montée du niveau des mers, Réf à <http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim1/biblio/pigb19/03_montee.htm> 9 Ibid
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Figure 4 : Quartier à Brisbane en Australie, avant et après l’inondation de 2011
Il a été prouvé que l’élévation du niveau des mers n’est pas un phénomène uniforme «Dans certaines régions, la mer a monté plus vite que la moyenne (jusqu’à 20 mm/an), dans d’autres, elle a même baissé atteignant parfois une baisse de plus de 10 mm/an!»10. Les conséquences sont donc variables à l’échelle de la planète. J’ai décidé de m’attarder sur l’une des destinations les plus touristiques au monde: la ville de Bangkok en Thaïlande. Celle-ci a déjà été inondée à diverses reprises et ces évènements s’accentuent au fil des années. Elle pourrait même, à terme, disparaître à cause du réchauffement planétaire et de la montée de l’océan. D’autres villes comme New York, Shanghai, Mumbai, Tokyo, ou encore Hong Kong se trouvent dans une situation similaire. Mon choix s’est arrêté sur le cas particulier de Bangkok car la ville possède des caractéristiques intrinsèques qui augmentent son exposition face au risque d’inondation. Se pose donc le problème de sa vulnérabilité accrue face à des facteurs «internes». En causes, sa croissance verticale phénoménale faite sur un sol instable, ainsi que le pompage d’eau excessif exercé dans les nappes phréatiques. Sa localisation géographique l’expose aussi aux inondations, surtout lors des moussons saisonnières. Tous ces facteurs font d’elle une ville particulièrement fragile et vulnérable à tout changement intense de climat (Figure 5).
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CNRS, Extrait de la Lettre du Changement global n°19, La montée du niveau des mers, Réf à <http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosclim1/biblio/pigb19/03_montee.htm>
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Figure 5 : Vulnérabilité de la ville face aux risques d’inondation
Pour tenter de faire face, des dispositifs sont mis en place à différentes échelles. Il existe en effet de multiples organismes qui tentent de répondre à la question de la gestion des risques. Différents moyens sont aujourd’hui mis en œuvre à Bangkok, impliquant un important réseau d’acteurs. Il s’agit notamment d’intervenants locaux ou internationaux qui mettent en place des programmes, actions ou projets de toutes sortes. Généralement, ceux-ci utilisent surtout des stratégies de résistance face aux risques tels que l’adaptation des constructions ou des mesures pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Bien que nécessaires, ces stratégies appliquées seules n’ont pas de répercutions efficaces sur le long terme. En effet, ces solutions sont intéressantes mais ne concernent généralement pas directement le monde urbain et la requalification de la ville. Aussi, elles sont pour la plupart mal organisées et ne correspondent pas à une logique d’ensemble. Comme dit précédemment, le problème de Bangkok est inhérent à la façon dont la ville s’est développée. Nous partirons du postulat selon lequel l’enjeu se situe au niveau du rôle de l’architecte, mais surtout autour de celui de l’urbaniste qui doit repenser la ville et la restructurer de façon plus cohérente. Celui-ci devra inclure des stratégies de résistance mais aussi d’absorption du risque. Nous verrons que l’approche qui semble être la plus adaptée à la situation de Bangkok est celle de la résilience urbaine. C’est-à-dire «la capacité de la ville à absorber une
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perturbation puis à récupérer ses fonctions à la suite de celle-ci11». Elle devra ainsi se régénérer et trouver des solutions afin d’atténuer le phénomène d’inondation. Cela contribuera irrémédiablement à réduire la vulnérabilité de la ville et à pallier aux risques inondations (Figure 6).
Figure 6: Choix de la résilience pour faire face à la vulnérabilité d’une ville
La question qui se pose à nous est de comprendre en quoi la résilience urbaine estelle un vecteur d’amenuisement de la vulnérabilité d’une ville exposée à des risques naturels ? Afin de répondre à cette interrogation, nous allons dans une première partie, essayer de comprendre l’impact du changement climatique sur le risque d’inondation dans le monde. Par la suite, nous allons nous focaliser sur la Thaïlande, plus précisément sur Bangkok afin de déceler les causes de sa forte vulnérabilité. Nous verrons dans une troisième partie que l’approche qui semble la plus efficace à la réduction du risque est celle de la résilience urbaine. Nous traiterons ici la notion de résilience sous son aspect conceptuel.
11
Toubin M. (…), La Résilience urbaine : un nouveau concept opérationnel vecteur de durabilité urbaine [En ligne]. 2012. p.7. Réf à : <http://developpementdurable.revues.org/9208>
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Enfin, nous montrerons les différentes applications de cette méthode sur la ville de Bangkok. C’est à dire les moyens mis en œuvres par les divers acteurs pour lutter contre ces événements, mais aussi ce que la ville pourrait entreprendre afin d’augmenter son niveau de résilience. Par le biais de ces différents volets, nous tenterons de comprendre Bangkok pourrait répondre aux enjeux qui se posent actuellement et faire face aux crises hydrauliques qui causent des dommages d’ampleur inégalée.
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I - Le monde dans une situation critique : changement climatique et crises hydrauliques aggravées Cette première partie a pour objectif la mise en place du contexte, celui d’un changement climatique bien réel. Elle présente les caractéristiques de ce changement de climat, particulièrement à travers un risque majeur, celui de l’inondation.
1 - Un changement climatique inquiétant à l’échelle mondiale 1.1 - Comprendre le changement climatique
Bon nombre de débats ont lieu sur le thème du changement climatique. Certains pensent encore qu'il ne s'agit que d'un fait amplifié par les médias, cependant un changement intense est bien en cours sur la planète et cela depuis quelques années. Diverses organisations mondiales, telles que le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) -groupe ayant pour mission d’évaluer les informations scientifiques, techniques et socio-économiques nécessaires afin de mieux comprendre les risques liés au réchauffement climatique- ou l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAA), prouvent que désormais le changement est «incontestable». La première conséquence à cela: une augmentation de la température moyenne à la surface de la terre (Figure 1). Prenons pour exemple les années 2000 à 2015 qui possèdent les températures les plus hautes jamais atteintes depuis environ 1880, lorsque nous commencions à relever les températures. De plus, selon la NOAA, le mois de Juillet 2016 est aujourd’hui considéré comme étant le mois plus chaud jamais enregistré ! «The worldwide ocean surface temperature during July 2016 was 0.79°C above the 20th century average, the highest global ocean temperature for July in the 137-year record»"12. Ainsi, la température moyenne globale à la surface des terres et des océans n’a jamais été aussi chaude que de nos jours.
12
Rapport de la NOAA, Global Analysis for July 2016, August 2016 [en ligne]. Réf à : <https://www.ncdc.noaa.gov/sotc/global/201607>
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Figure 1: Anomalies de température globale de surface (en °C) (Source: Met Office, NOAA, NASA) 13
En parallèle, face à cette augmentation de la moyenne de température depuis les années 1880, nous sommes confrontés à l’augmentation du niveau moyen de la mer depuis cette même date. Et enfin, à la baisse de la couverture nuageuse dans l'hémisphère nord. Ces trois valeurs sont significatives pour les experts qui étudient le climat.
Casualité : La question qui se pose essentiellement se situe au niveau de la causalité de l'événement. En clair, quelle est la cause réelle de ce changement climatique? Dans les conclusions de leur rapport «Changement climatique», l’Académie des sciences énonce que: • «Cette augmentation est principalement due à l’augmentation de la concentration du CO2 dans l’atmosphère»14.
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Rapport de Met Office (University of East Anglia) –Service national britannique de météorologie- [en ligne], Réf à: http://www.metoffice.gov.uk/media/pdf/r/m/Climate_Choices_Nov2015_Slingo.pdf 14 Synthèse de rapport – Académie des sciences. Le changement Climatique. (26 octobre 2010). p.12 Réf à : <http://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/rapport261010.pdf>
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Les scientifiques ont pu retracer l'évolution de la concentration des principaux gaz à effet de serre, et l'évolution de la température moyenne au niveau du sol sur les 400 000 dernières années. Le résultat montre des courbes parallèles.15 • «L’augmentation de CO2 et, à un moindre degré, des autres gaz à effet de serre, est incontestablement due à l’activité humaine»16. Ainsi, nous nous accordons presque tous à dire que l’activité humaine, via l’utilisation excessive d’énergies fossiles telles que le pétrole, le charbon ou gaz naturel, est la source première de ces rejets de gaz. En effet, la concentration atmosphérique de gaz carbonique s’est toujours située entre 200 et 280 ppm17 depuis des centaines de milliers d'années. Elle a augmenté depuis le début de l'ère industrielle jusqu'à atteindre les 400 ppm (Figure 2). Depuis que l'homme existe, cette concentration n'a jamais été aussi forte sur la planète.
Figure 2: Evolution de la concentration de CO2 dans l’atmosphère et évolution de la température
moyenne à la surface de la terre. (Source : GIEC)
La situation n’est pas uniquement liée aux pays industrialisés, mais aussi aux pays du Sud. «En 2000, l’Asie du Sud-Est aurait contribué à hauteur de 12 % du total
15
Jancovici Jean-Marc, L’avenir climatique. 1er édition, Paris, Edition du Seuil, Mars 2002, figure26 p.96 Synthèse de rapport – Académie des sciences. Le changement Climatique. (26 octobre 2010). p.12 Réf à : <http://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/rapport261010.pdf> 17 Jancovici Jean-Marc, L’avenir climatique. 1er édition, Paris, Edition du Seuil, Mars 2002, p.40 16
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mondial aux émissions de gaz à effet de serre, soit une augmentation de 27 % par rapport à 1990 due à une croissance urbaine soutenue»18. Au-delà de l'activité humaine, un phénomène est en majeur partie responsable du taux de CO2 dans l'atmosphère, il s’agit du phénomène d’urbanisation. Les villes, particulièrement à l'heure actuelle, rejettent d'important pourcentage de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Les chiffres le prouvent : «Depuis 2009, plus de 50 % de la population mondiale vit en ville. Et les villes sont responsables de plus de 75 % des émissions de gaz à effet de serre»19 (Figure 3).
Figure 3: Émissions de CO2 (tonnes métriques par habitant). Banque mondiale 20.
Le rythme de croissance accélérée des villes accentue ainsi le processus de réchauffement, et à contrario, cela tend à les rendre de plus en plus vulnérables. La conclusion logique à laquelle nous aboutissons tous est qu'il faudrait réduire de façon considérable nos émissions, cependant, la réalité est plus complexe. En effet, même si cela se produisait, les conséquences sont désormais inévitables sur des décennies. Pour commencer, le gaz carbonique que nous rejetons dans l’atmosphère 18
PIERDET Céline, La résilience comparée de Phnom Penh et Bangkok face aux crises hydrauliques, 2012. p.85. Ibid 20 Donnée Banque Mondiale, Infolatam [en ligne] 2014.Réf à: <http://www.infolatam.com/2014/02/09/cambio-climatico-calentamiento-global-y-sus-efectos-enlatinoamerica/> 19
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prend très longtemps avant d'être naturellement éliminé21. Aussi, les températures déjà atteintes font et feront fondre les glaciers, ce qui engendrera l'augmentation du niveau des mers sur plusieurs dizaines d'années encore. Ainsi, les dommages sont manifestement inéluctables.
Figure 4: La fonte de la calotte glaciaire au Groenland, NASA. (Source: La banque des savoirs) 22
Aujourd’hui, nous tentons de minimiser les dégâts et d’agir sur l'évolution future de ce changement. Les informations réunies sur le sujet sont le résultat d’études menées par des scientifiques qui interagissent dans une large palette de discipline (climatologues, géologues, ingénieurs…). C'est grâce à l'ensemble de ces professions que nous pouvons comprendre le changement de climat actuel. Le rôle du GIEC est de rassembler et synthétiser les informations afin de les diffuser à l’échelle mondiale.
1.2 - Un changement complexe à répercutions inégales
Une idée à ne pas entretenir est que le changement climatique se produit de façon uniforme dans l’espace. Au contraire, il s’agit d’un phénomène qui se manifeste de façon hétérogène sur terre, avec des répercutions différentes sur des points bien distincts23.
21
Jancovici Jean-Marc, L’avenir climatique. 1er édition, Paris, Edition du Seuil, Mars 2002, p.54 La banque des savoirs [en ligne]. Réf à : <http://www.savoirs.essonne.fr/sections/ressources/dessinsschemas/photo/fonte-de-glace-au-groenland/?cHash=e5c9c0b3a60d6e025170716e91ae998c> 23 TISSOT Anne-Cerise, Changement climatique en Bourgogne: analyse des impacts et des pistes d’adaptation, Septembre 2011. p.4. 22
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Pour commencer, la répartition géographique du réchauffement climatique se fait de façon inégale (Figure 5).
Figure 5: Carte des variations de la température annuelle moyenne observées de 1901 à 2012
(Source : GIEC, 201424)
Par exemple, à des endroits opposés du globe, les pluies n’ont pas le même effet (il peut pleuvoir plus, plus fort ou plus souvent à certains endroits), les catastrophes n’ont pas la même gravité et leur fréquence varie. Il faut aussi savoir qu’un «réchauffement de 2 °C» ne veut pas dire «2 °C de plus en hiver et été» ou «en France comme en Australie»25. A côté de cela, tous les pays, riches ou pauvres, sont exposés à d’éventuelles catastrophes climatiques, cela ne dépend pas de la position économique du pays. Pour finir, les océans -qui possèdent une inertie thermique supérieure aux continents- rencontreront une hausse des températures plus importante. Certaines parties du globe pourraient même se refroidir, conséquence d'un changement des courants marins.26 Ainsi selon Anne-Cerise TISSOT, «il n’y a pas un mais des changements climatiques, s’exprimant différemment dans l’espace et dans le temps»27.
24
GIEC, Changements climatiques 2014, Incidences, adaptation et vulnérabilité, 2014. p.10. Réf à: <https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg2/ar5_wgII_spm_fr.pdf> 25 Jancovici Jean-Marc, L’avenir climatique. 1er édition, Paris, Edition du Seuil, Mars 2002, p.92 26 Ibid 27 TISSOT Anne-Cerise, Changement climatique en Bourgogne: analyse des impacts et des pistes d’adaptation, Septembre 2011. p.5.
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Il est toutefois possible de déterminer les zones potentiellement plus exposées. Les îles et les zones côtières figurent parmi les zones à «risque élevé». Les terres de basses altitudes sont aussi vulnérables à la montée des eaux (Figure 6).
Or, le
documentaire «Inondations: Une menace planétaire» de Mandy Marie énonce que: «Selon les estimations, et malgré la menace, 22% de la population de la Terre vivra dans les grandes villes côtières en 2050.»28.
Figure 6 : Zones les plus exposées à un risque élevé
L’un des bilans produit par le GIEC montre que certaines régions spécifiques sont plus touchées que d’autres, notamment dans les pays en voie de développement d’Afrique ou d’Asie: «les observations ont montré que la fréquence et l'intensité des sécheresses ont augmenté»29. C’est aussi le cas des inondations, incendies de forêts et typhons. La Banque mondiale a élaboré une série de rapport appelée «Baissons la chaleur» Ces rapports énoncent des faits et apportent des données scientifiques sur le climat mondial. La finalité est d'alerter sur l'augmentation de la température terrestre globale, qui continuera en augmentant, jusqu'à la fin du siècle. Ainsi, dans le quatrième rapport, l'organisation se concentre notamment sur les points les plus vulnérables de la planète: «les trois régions hautement diversifiées qui ont fait l’objet de l’analyse Afrique subsaharienne, Asie du Sud-Est et Asie du Sud- sont exposées aux effets 28
ARTE France (producteur), Marie Mandy (réalisatrice), Nicolas Koutsikas (auteur). (2015). Inondations : Une menace planétaire [Film documentaire]. France. 29 GIEC, Bilan 2001 des changements climatiques : Les éléments scientifiques. 2001. P.6. Réf à : <https://www.ipcc.ch/pdf/climate-changes-2001/scientific-basis/scientific-spm-ts-fr.pdf>
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néfastes des changements climatiques»30. Cela confirme donc la forte vulnérabilité de l’Afrique et de l’Asie face aux changements de climat (Figure 7).
Figure 7: Zones à «haut risque face» aux changements climatiques dans le monde (Source: cabinet
britannique d'analyse des risques Maplecroft)31
1.3 - Des effets difficiles à prévoir
La climatologie est une science qui étudie des phénomènes météorologiques sur de longues périodes. Pour ce faire, les scientifiques mettent en place des scénarios à long terme appelés "projections". Le but final est la connaissance du climat réel avec ses variations. Ainsi, des estimations sur l’évolution de la température moyenne future à la surface du globe sont faites régulièrement, en voici un exemple avec la Figure 8:
30
Banque Mondial, 4e Rapport Baisons la Chaleur. Juin 2013. p.11. Réf à : <http://www.worldbank.org/content/dam/Worldbank/document/French_Executive_Summary_Turn_Down_T he_Heat_Climate_Extremes_Regional_Impacts_Case_for_Resilience.pdf> 31Le Monde. 30 octobre, 2013. Réf à:<http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/10/30/quels-sont-les-paysles-plus-vulnerables-au-changement-climatique_3505094_3244.html>
20
Figure 8: Variations observées et projetées (période 2081-2100) de la température moyenne mondiale
annuelle (Source : GIEC, 201432)
Les projections actuelles sont très satisfaisantes mais elles doivent tenir compte de certaines incertitudes telle que la variabilité naturelle (soleil, vent, pluie, neige, relief, végétation). S'ajoute à cela les limites de nos connaissances scientifiques (il existe différentes pratiques ou différents modèles climatiques référents, donc non universels). Il y a aussi l'incertitude sociale et économique à prendre en compte (gaz à effet de serre qui influent sur le climat, ou décisions politiques prises). Ce sont donc sur des hypothèses que nous basons les projections climatiques actuelles. En 2000, les experts envisageaient par exemple une évolution médiane du réchauffement planétaire entre 1 à 6°C33. Selon le GIEC, des études récentes ont montré que les modifications en cours provoqueront une élévation de la température moyenne de l'air de l’ordre de 1,5 à 4 °C (Figure 9). La situation demeurera inédite pour l'homme dans le futur, avec un climat que nous n'avons jamais connu auparavant.
32
GIEC, Changements climatiques 2014, Incidences, adaptation et vulnérabilité, 2014. p.10. Réf à: <https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg2/ar5_wgII_spm_fr.pdf> 33 Ibid p.107
21
Figure 9 : Différentes estimations de la température moyenne mondiale annuelle (période 2005-2100).
(Source : GIEC, 201434)
Une chose est certaine, le climat se réchauffe. L’évolution de ce réchauffement dépend de nos émissions de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Divers scénarios sont possibles: un arrêt total de rejet de gaz à effet de serre dans l'atmosphère stabilisera les teneurs en gaz à leur niveau actuel, mais sans que nous puissions revenir à la situation post industrielle. Et malgré cela, les températures continueront doucement à augmenter pendant plusieurs siècles. Dans le cas inverse, si les concentrations de gaz augmentent, il faudrait s’attendre à une élévation des mers de plus d’un mètre, et d’autres conséquences toutes aussi importantes. Aujourd'hui, nos capacités d'analyses extrêmement performantes nous permettent de faire des études très précises sur les phénomènes météo. Nous pouvons prévoir la fréquence des vagues de chaleur et l’arrivée de fortes précipitations par exemple 35. Cependant, il nous est encore impossible de prévoir avec certitude l'intensité d’événements extrêmes tels que les ouragans, tsunamis, etc. Ainsi, il est difficile de quantifier le risque auquel nous sommes exposés, et de déterminer s'il est possible, probable ou certain, mais il est sûr qu’un changement climatique provoquerait une exposition accrue face à ces phénomènes qualifiés de «risques majeurs».
34
GIEC, Changements climatiques 2014, Incidences, adaptation et vulnérabilité, 2014. p.10. Réf à: <https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg2/ar5_wgII_spm_fr.pdf> 35 Jancovici Jean-Marc, L’avenir climatique. 1er édition, Paris, Edition du Seuil, Mars 2002, tabl. «Évolution de certains paramètres du climat » p.104
22
2. - L’importance de la notion de Risque 2.1 – «Aléa», «Enjeu» et «Vulnérabilité», des termes corrélats au «Risque» Une
ville
est
constamment
soumise
à
des
risques
de
différents
ordres
(environnementaux, nucléaires…). Depuis quelques années, ces risques se sont intensifiés et sont plus fréquents. Afin d’étudier l’impact que le changement climatique peut avoir sur une ville, il est nécessaire de comprendre des termes qui viennent en corrélation directe avec cette notion de risque. Trois mots entrent alors en jeu : «l’aléa», «l’enjeu» et la «vulnérabilité». La compréhension de ces différents termes est essentielle à la compréhension de la problématique. Il est nécessaire de débuter avec leur définition (ayant pour source des rapports du GIEC ou de l’IPCC) : Pour commencer, l’Aléa qui est par définition «un événement pouvant affecter négativement une société». Prenons le cas d’une inondation. Puis l’Enjeu ou l’exposition d’une ville correspond à la «présence de personnes, de moyens de subsistance, d’espèces ou d’écosystèmes, d’éléments d’infrastructures ou de biens économiques, sociaux ou culturels dans un lieu ou dans un contexte susceptible de subir des dommages.»36. Il s’agit de l’ensemble de la population et du patrimoine affecté par une inondation par exemple. Il est aussi nécessaire de déterminer la résistance du système face au risque, c’est-àdire sa «Vulnérabilité». Ce terme désigne le «degré par lequel un système risque de subir ou d’être affecté négativement par les effets néfastes des changements climatiques. (…) La vulnérabilité dépend du caractère, de l’ampleur, et du rythme des changements climatiques auxquels un système est exposé, ainsi que de sa sensibilité, et de sa capacité d’adaptation.»37. Celle-ci peut donc varier au fil du temps. Pour exemple, lors d’une inondation, un bâtiment placé sur des hauteurs sera moins vulnérable qu’un bâtiment construit sur le littoral.
36
GIEC, Changements climatiques 2014, Incidences, adaptation et vulnérabilité, 2014. p.5. Réf à: <https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg2/ar5_wgII_spm_fr.pdf> 37 IPCC– Annexe B. Glossaire. p.181. Réf à: <https://www.ipcc.ch/pdf/glossary/tar-ipcc-terms-fr.pdf>
23
Pour finir, le Risque représente les «conséquences éventuelles et incertaines d’un événement sur quelque chose ayant une valeur, compte tenu de la diversité des valeurs. Le risque est souvent représenté comme la probabilité d’occurrence (…) d’événements dangereux que viennent amplifier les conséquences de tels phénomènes lorsqu’ils se produisent.»38. Ainsi, le risque est la combinaison de ces trois termes: on ne peut pas l’employer sans impliquer l’aléa, l’enjeu, et la vulnérabilité (Figure 10), et cela se traduit dans l’étude du changement climatique et des inondations.
Figure 10 : Définition schématique de la notion de Risque (Réf: GIEC39)
2.2 - Risques majeurs et Risques naturels L’étude des perturbations du climat terrestre montre l’existence de différents «niveaux de perturbations» qui varient en généralement autour d'une moyenne. La «variabilité» est la fréquence et l'intensité avec laquelle on s'éloigne de la moyenne40. On parle de «Risque Majeur», lorsque le niveau de perturbation dépasse largement cette moyenne, jusqu'à parfois la rupture du système. Un risque majeur se caractérise par sa faible fréquence et sa forte intensité. Il a lieu très rarement mais possède généralement une forte gravité, entrainant souvent de grosses conséquences (décès, blessés ou destruction de bâtiments). C’est ainsi un évènement dangereux, résultant de la manifestation d'un aléa sur des enjeux.
38
GIEC, Changements climatiques 2014, Incidences, adaptation et vulnérabilité, 2014. p.5. Réf à: <https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar5/wg2/ar5_wgII_spm_fr.pdf> 39 Ibid p.3. 40 Jancovici Jean-Marc, L’avenir climatique. 1er édition, Paris, Edition du Seuil, Mars 2002, p.110
24
Les sociétés humaines sont aujourd’hui très exposées à ce type de phénomènes météorologiques. Ces évènements extrêmes sont amplifiés de nos jours par le changement climatique. Ainsi, ils sont de plus en plus fréquents et ont de plus en plus d’intensité. Prenons pour exemple les pluies diluviennes qui se sont intensifiées depuis le 20e siècle et qui provoquent désormais des dommages irréversibles. On dénombre différentes catégories de risques majeurs, dont 2 grandes catégories:
Figure 11 : Définition schématique de la notion de Risque Majeur
-Les risques technologiques : le risque nucléaire, le risque industriel, le risque transport de matières dangereuses, le risque rupture de barrage… -Les risques naturels41 : les tremblements de terre, les inondations, les avalanches, les éruptions volcaniques, les vents violents, les feux de forêts, les mouvements de terrains, les cyclones et les tempêtes…
Figure 12: Tremblement de terre large de Miyagi, Japon, 2011 / Feux de forêt, Californie, période de
sécheresse juillet août 201642
41
Engagement du travail du Domaine Thématique de S8 à l’ENSAM, Le Risque naturel Euopre1, La Matinale, 2016. (En ligne) Réf à: <http://www.europe1.fr/politique/un-gigantesque-incendieravage-la-californie-des-centaines-devacuations-2806873> 42
25
Une catastrophe naturelle est le plus souvent le résultat de variations climatiques mais elle peut aussi être provoquée ou aggravée par l’action de l’homme. Trois grands types d’origine différente peuvent être distingués : origine géophysique (séismes et volcans), origine hydrométéorologique (cyclones, inondations, avalanches, tempêtes, tsunamis, sécheresses, etc.), origine géomorphologique (mouvement de terrain, etc.) Parmi les risques naturels cités, les inondations figurent maintenant parmi les plus redoutés car le phénomène s’intensifie depuis ces dernières années (Figure 13). A l’échelle du globe, il est même considéré comme étant le risque naturel le plus important et le plus destructeur.
Figure 13 : Tendances des catastrophes liées à l’eau. (Source : Base de données EM-DAT/CRED43)
43
Abhas K., Robin B., Jessica L. (2012). Villes et inondations Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle. p.18. Réf à : <http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf>
26
3 - Le phénomène d’inondation amplifié par le changement climatique Face au changement climatique actuel, la fréquence du phénomène d’inondation est en perpétuelle augmentation, et son intensité est plus accentuée. Les dommages causés sont en conséquence plus dramatiques qu’auparavant, qu’ils soient d’ordres humains (morts, blessés) ou économiques (destructions de récoltes, d’entreprises…). Pour lutter face à un risque majeur il faut savoir estimer ce risque, souvent mal connu. Ainsi, afin d'étudier l'amplification des inondations face au changement climatique, il est nécessaire de comprendre ce qu'est le phénomène. Comment se produit-il, quelles en sont les origines et les éventuelles évolutions? Quelles en sont les conséquences à l’échelle de la planète et à l’échelle de l’Asie ? 3.1 - Causalité de l’évènement Une inondation est par définition "une submersion temporaire d'une zone habituellement sèche". Elle résulte d’un certain nombre de conditions météorologiques avec une origine, des caractéristiques et une durée différentes.
Figure 14 : Inondations en France métropolitaine. 2016.
Il en existe donc différents types qui possèdent des origines variables, principalement le débordement de cours d'eau ou le ruissellement. De nombreuses autres causes existent néanmoins, et peuvent même se cumuler. Elles peuvent être d’ordre naturel (pluies diluviennes causées par des orages ou le phénomène de mousson, la fusion de neige), anthropiques (imperméabilisation ou dégradation du sol, drainage des eaux, barrage qui modifie l’écoulement naturel de l'eau), ou humaines (gaz à effet de serre
27
qui ont pour conséquence la fonte de glaciers).44 Différents facteurs peuvent aussi agir sur la durée ou l'intensité d'une inondation, tels que la quantité d’eau qui tombe, ou l’état du sol qui permet ou pas une bonne infiltration de l’eau.
3.2 - Inondations lentes et Inondations brutales [Cette partie possède diverses sources d’informations et de documentation, pour la plupart en ligne].45 Le phénomène d’inondation peut être léger ou catastrophique et peut se produire lentement ou très rapidement. Deux catégories existent: des inondations à «montée lente» et des inondations à «montée brutale». Nous verrons que la ville de Bangkok est confrontée à presque tous ces types d’inondations. Inondations «Lentes»: - Les inondations de plaine (Figure 15) se produisent lorsque l'eau quitte son lit mineur jusqu'à atteindre son lit majeur en cas de fortes pluies ou de pluies régulières. Cette inondation se produit lentement mais sur une longue durée. Dans ce cas, l’évènement peut envahir des territoires entiers. C’est l’un des phénomènes qui se produit dans la ville de Bangkok.
:
44
Wikipédia «Inondations» (https://fr.wikipedia.org/wiki/Inondation) / Futura Plan «Les causes des inondations» (http://www.futura-sciences.com/planete/questions-reponses/eau-causes-inondations-1314/) 45 * Météo France. Colloque2011. Présentation du phénomène inondation et impact du changement climatique sur le risque inondation. Réf à : <http://colloquenatechuha.weebly.com/uploads/5/2/9/7/5297297/inondations-natech.pdf> * Les précipitations et les inondations. 2004. Réf à : <http://la.climatologie.free.fr/inondation/inondation2.htm> * TPE sur les inondations. Réf à : <http://les-inondations.e-monsite.com/pages/i-l-origine-et-les-differentstypes-d-inondations.html>
28
Figure 15 : Coupe analytique - Inondations de plaine, l’eau atteint son lit majeur (Travail personnel, Réf : Colloque2011 Météo France)
- Lorsque le sol rencontre des pluies régulières sur plusieurs années, généralement sur des terrains mal aménagés ou des terrains bas, l'eau des nappes phréatiques remonte et provoque une inondation "par remontée de nappes" (figure 16). Ce phénomène se produit de façon lente mais peut durer plusieurs semaines. Cette remontée d'eau empêche l'infiltration de l'eau dans le sol ce qui contribue à engendrer des inondations en Thaïlande, et notamment à Bangkok.
Figure 16 : Coupe analytique - Inondations par remontée de nappe (Travail personnel, Réf : Colloque2011
Météo France)
Inondations «Brutales» : Une inondation peut aussi se produire de façon rapide et instantanée, on parle d’inondations «brutales». Il s'agit là d'un phénomène moins courant, mais tout aussi dévastateur. - Le plus couramment, il s’agit de pluies torrentielles qui inondent rapidement un lieu, notamment en zone urbanisée. Le phénomène s’amplifie en cas de mauvais drainage ou d’une incapacité des sols à faire passer l’eau. C’est ce qui arrive en cas de mauvaises conceptions urbaines qui font obstacle au bon écoulement de l'eau. C’est aussi l’un des problèmes majeurs rencontrés à Bangkok.
29
- L'inondation brutale se produit aussi lors de la destruction d'un ouvrage. Par exemple, lorsqu’un barrage se fissure ou qu’il est détruit, ce qui provoque un fort débordement d'eau. Sur un bassin de faible envergure, de fortes précipitations peuvent provoquer des crues torrentielles. Ce type d'inondation est d'autant plus dangereux du fait que la population n'a pas le temps d'être prévenue. L’événement conduit au flottement et au transport de matériaux solides tels que des bois morts. Lorsqu'ils s’accumulent, ils peuvent créer des barrages appelés "embâcles". Ces barrages parviennent finalement à céder et créent des vagues d'eaux qui provoquent des dommages importants. - Une submersion marine a lieu lorsque la mer atteint les zones côtières (figure 17). Le phénomène se produit généralement en cas de conditions météos très intenses (vent, houle, dépression...). Elle peut aussi parvenir suite à une rupture de digue ou à un glissement de terrain. Cette élévation du niveau de la mer peut être accentuée par des tempêtes ou des ouragans par exemple. Dans ce cas, la submersion peut être extrêmement dangereuse et avoir des conséquences dramatiques comme c’est souvent le cas à Bangkok. C'est un phénomène soudain, qui se produit rapidement, mais dont les conséquences peuvent durer sur le long terme.
Figure 17 : Coupe analytique, travail personnel - Inondations par submersion marine
3.3 - Rétrospective à l’échelle du globe et de l’Asie Face aux changements auxquels nous sommes confrontés, la fréquence et l'amplitude du phénomène d’inondation tendent à augmenter. Les répercutions sont bien présentes dans le monde entier :
30
En décembre dernier, des inondations importantes se sont produites au nord de l'Angleterre avec un mois de pluie en 24 heures. La nation n'avait jamais connu un tel phénomène. De même au Malawi (Afrique australe), les pluies torrentielles ont causé la mort de plus de 200 personnes. Des glissements de terrains importants ont aussi provoqué un tsunami au Chili en septembre 2015, ce qui a provoqué l'exode de plus d'un million de personnes, et bon nombre d’entre eux se retrouvèrent piégés par les eaux.
Figure 18 : Inondations, 1970-2011. (Source : EM-DAT : Base de données des catastrophes internationales OFDA/CRED, Université Catholique de Louvain, Bruxelles (Belgique)) 46
Ainsi, les inondations sont de plus en plus dramatiques dans le monde et il est probable que cela s’accentue dans le futur. D’après la Banque mondiale dans son rapport intitulé «Baissons la chaleur», «l’élévation du niveau de la mer en zones équatoriales devrait être supérieure à la moyenne mondiale de 100 cm à la fin du présent siècle. En Asie du Sud-est, par exemple, elle devrait dépasser cette moyenne mondiale de 10 à 15 %. »47. Dans son
46
Abhas K., Robin B., Jessica L. (2012). Villes et inondations Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle. p.16. Réf à : <http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf> 47 Baissons la chaleur - Phénomènes climatiques extrêmes, impacts régionaux et plaidoyer en faveur de l’adaptation -, Banque Mondial, Juin 2012. p4
31
rapport comparatif sur la résilience urbaine, PIERDET Céline explique que les mers auraient connu une augmentation de 1,7 mm par an au cours du dernier siècle, avec une accélération depuis les années 1990 (6 mm/an vers le Mékong et de 13 mm/an au niveau de la Chao Phraya48). L’organisation montre que cette partie du globe sera plus touchée et extrêmement vulnérable à un changement de climat. Dans ce même rapport, elle parle aussi de la chaleur dans la région: «L’Asie du Sud-Est devrait à moyen terme subir une forte augmentation des pointes de chaleur extrême. Dans un scénario à + 2 °C, ces pointes de chaleur, quasiment inexistantes à l’heure actuelle, toucheront près de 60–70 % de la superficie totale des terres en été». Elle prévoit aussi une augmentation des cyclones tropicaux et des pluies torrentielles, une acidification croissante de l’eau des océans et une baisse de la production agricole notamment dans le delta du Mékong. L’Asie du Sud est donc l’une des régions du monde les plus exposées à des changements importants.
3.4 - Des prévisions hypothétiques
Les auteurs du rapport «Villes et inondations, Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle» énoncent que «(…) la prévision du risque d’inondation prend généralement la forme de probabilités calculées d’après les données historiques disponibles pour la zone considérée.»49. Ces prévisions qui nous sont fournies ne sont pas attendues avec certitude. En effet, la notion d’incertitude tient un rôle important. Par exemple, nous ne connaissons pas par avance la croissance et le développement des zones urbaines futures. Hors, nous avons vu précédemment que cela joue fortement sur l’accroissement du risque. Malgré tous les moyens d’observation utilisables aujourd’hui, la quantification précise des précipitations qui tombent au sol reste ardue. Les données sur les pluies sont même les plus difficiles à recueillir alors que plus de 50 % des catastrophes naturelles
48
PIERDET Céline, La résilience comparée de Phnom Penh et Bangkok face aux crises hydrauliques, 2012. p85 Abhas K., Robin B., Jessica L. (2012). Villes et inondations, Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle. p.23. Repéré à : http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf 49
32
mondiales sont des inondations50. Selon le GIEC, il est très probable que les pluies intenses soient plus fréquentes au cours du XXIème siècle : «Selon les études dont on dispose, les épisodes de fortes pluies devraient grandement augmenter dans de nombreuses régions, y compris celles dans lesquelles on anticipe une diminution de la moyenne des précipitations51.». Ainsi, il est difficile de localiser les zones qui seront les plus touchées. Des études se multiplient pour tenter d’identifier des climats régionaux qui sont la conséquence d’un changement
global, mais elles sont
incertaines car elles restent prévisionnelles. Selon Jancovici Jean-Marc dans son livre «L’avenir climatique», même avec un ralentissement significatif de l'augmentation de la température moyenne de l'air, l’eau des océans continuerait à monter. C’est un long processus qui permettrait de stopper la montée des eaux. Par exemple, la fonte des glaces, déjà bien entamée, contribuerait à la continuité de l'augmentation du niveau des océans, mais ce phénomène est difficilement quantifiable. Les calottes polaires seraient aussi plus instables, elles se détacheraient et glisseraient dans les eaux, ce qui conduirait à une augmentation des mers. Il est donc très dur de délivrer des données précises sur ces évènements, qui peuvent aussi être régit par notre comportement actuel52. De part tous ces facteurs, la notion d'incertitude amène ainsi à une impossibilité de gestion totale et complète du risque d’inondation. Il existe des
projections faites par diverses organisations, telles que la Banque
Mondiale, sur l’élévation possible du niveau des mers. Les prévisions sont faites sur des échelles pouvant parfois aller jusqu’à plus de 50m53. Bien que difficilement perceptible à l’échelle d’une carte mondiale, l’Asie du sud-est figure parmi les plus affectés, et cela sur quasiment toutes les projections actuelles.
50
Article web: Notre planète.info, 2014. Réf à : <https://www.notreplanete.info/terre/risques_naturels/catastrophes_naturelles.php> 51 - GIEC, Changements climatiques [rapport de synthèse], 2007. p34. Réf à : https://www.ipcc.ch/pdf/assessment-report/ar4/syr/ar4_syr_fr.pdf 52 Jancovici Jean-Marc, L’avenir climatique. 1er édition, Paris, Edition du Seuil, Mars 2002, p.113 53 Carte Google Map – Réf à : < http://flood.firetree.net/?ll=44.5905,-40.0781&z=14&m=14>
33
Ainsi, cette partie sur le réchauffement climatique nous a permis de poser les bases pour une bonne compréhension de la problématique. En effet, avant de traiter le thème de la résilience urbaine, il est nécessaire d'appréhender l'extrême vulnérabilité des territoires urbains, mais avant tout de saisir la notion de changement de climat et de ses répercutions à l'échelle du monde. Cette partie nous a donc permis de comprendre à quoi le monde, et notamment les systèmes urbains, sont confrontés de nos jours. Nous avons vu que l'occurrence des catastrophes joue un rôle important sur la vulnérabilité des villes et que la notion de risque naturel est particulièrement présente dans notre quotidien. Les phénomènes d'inondations figurent parmi les catastrophes les plus dévastatrices que l'on rencontre aujourd'hui. Certains territoires sont plus exposés que d’autres, cela nous amène dans le prochain volet à l'étude de Bangkok en Thaïlande, l'une des villes dans le monde les plus touchées par les bouleversements climatiques.
34
II – Zones urbaines à risque : Bangkok, une ville fortement exposée aux risques d’inondation Ce volet a pour objet de montrer l’impact des inondations sur la ville de Bangkok en Thaïlande. Il s’agit aussi d’énoncer les causes intrinsèques de ce phénomène récurrent. L’étude démarre par une expertise sur la ville, et met en avant le rôle crucial du fleuve Chao Phraya.
1. - Etat des lieux 1.1 - Caractéristiques de la ville
La ville de Bangkok se situe à 13. 73° de latitude Nord et à 100.29° de longitude Est. Sa population est d'un peu plus de 8 200 000 habitants, c’est-à-dire environ 12,6 % de la population thaïlandaise, sur une superficie de 1 568,7 km2. Il s'agit de la capitale économique de la Thaïlande. La ville est très sollicitée, il s'agit d'une destination devenue phare dans le monde. Lorsque l’on parle de Bangkok, on parle le plus
couramment
de
la
région
métropolitaine (la BMA) qui concentre 50% du PIB du pays, notamment grâce à ses nombreux
parcs
industriels.
Mais
aujourd’hui on cite de plus en plus le «Grand Bangkok» qui comprend deux provinces au nord et au sud: Nonthabury et Samut Prakan. Figure 19 : Localisation de Bangkok, Thaïlande
35
L’aire métropolitaine est constituée de la BMA et de l’ensemble des 5 provinces alentours composé de 14 millions de personnes. (Figure 20)
Figure 20 : Les différents périmètres de la métropole de Bangkok (Réf: dossier synthèse de l’Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine 54)
L'une des conséquences la plus dramatique du réchauffement climatique est la montée de l'océan. En effet, sachant que l'eau chaude occupe une volumétrie supérieure à l'eau froide55, l'augmentation de la température des océans provoquera 54
Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine, Bangkok, Métropole fluviale, 2008. (Synthèse et recommandations). p.8. Réf à : <http://www.ateliers.org/IMG/pdf/5_synthesis_fr_en_may2009_0.pdf> 55 Jancovici Jean-Marc, L’avenir climatique. 1er édition, Paris, Edition du Seuil, Mars 2002, p.111
36
une montée du niveau moyen de la mer. Les zones côtières sont ainsi plus vulnérables puisqu’une mer plus haute ferait pénétrer l'eau dans les terres et éroder ou saliniser ces zones. Cela serait désastreux, sachant qu’à l’heure actuelle la majorité de la population vit près du littoral. Située à proximité du golfe de la Thaïlande, Bangkok est donc une ville sensible à une modification du climat et donc menacée par une montée des eaux. Certains prétendent même qu’elle pourra un jour être recouverte par les eaux. Selon une étude du World Wildlife Fund (WWF) - organisation mondiale de protection de la nature-, Bangkok est classé au 5e rang parmi les onze métropoles les plus affectées par un changement de climat, du fait de l’exposition de ses activités socio-économiques face aux inondations56.
Figure 21 : Simulation amplifiée de l’élévation du golfe de la Thaïlande –Analyse personnelle (Source:
Carte interactive Google Map57)
56 57
PIERDET Céline, La résilience comparée de Phnom Penh et Bangkok face aux crises hydrauliques, 2012. P85 Carte Google Map (en ligne). Réf à :<http://flood.firetree.net/?ll=44.5905,-40.0781&z=14&m=14>
37
1.2 – Le fleuve Chao Phraya : un atout et un inconvénient à la fois
Le bassin versant de la Thaïlande (appelé bassin du Chao Phraya) (Figure 22) constitue un enjeu important pour le pays et pour Bangkok, en termes de ressources en eaux et pour la terre. Il constitue environ 35% du territoire du pays avec en moyenne, un volume total d'eau estimé à 31,300 millions de mètre cube par an58. La région est grandement productrice de riz, avec 70% des résidents qui sont des agriculteurs.
Figure 22 : Bassin versant du Chao Phraya –
Thaïlande
Le plus important fleuve du territoire est le Chao Phraya qui traverse Bangkok du Nord au Sud (Figure 24). Celui-ci s'étend sur une largeur variable comprise entre 150 à environ 900 mètres environ sur une longueur de 75km à vol d’oiseau59 (du Golfe de la Thaïlande à l’embouchure centrale). Il représente la source d'eau principale pour les utilisations domestiques et industrielles. Même si les activités sont moins intenses qu’auparavant, le fleuve reste un moyen de communication important et permet un transport assez dynamique60. C'est un véritable atout économique. Géographiquement, il occupe une position centrale dans la ville et la sépare en deux entités que l’on peut facilement distinguer:
58
Hungspreug S., Khao-uppatum W., Thanopanuwat S., Flood management in Chao Phraya River basin. 2010. <https://bebasbanjir2025.wordpress.com/pengendalian-banjir-mancanegara/thailand/> 59 Estimation sur Google Eath - 2016 60 Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine, Bangkok, Métropole fluviale, 15/02/08. p.6
38
D’un côté, la rive gauche: partie de la ville qui a connu une expansion urbaine peu intense et qui possède des bâtiments plutôt traditionnels. On y trouve beaucoup de rizières et de zones maraichères mais aussi beaucoup de «khlongs61». De l’autre, la rive droite: zone plus développée ayant connu une très forte expansion urbaine. On y retrouve les bâtiments verticalités, le centre historique, les attractions touristiques en tout genre, le centre des affaires, le réseau de métro... Nous retrouvons également des activités diverses tels que des ateliers de fabrication mais aussi des temples et des habitats précaires. La rive droite était la capitale en 1767, elle s'est combinée à la rive gauche en 1782. L’ensemble forme aujourd'hui l'Administration Métropolitaine de Bangkok (BMA). Lorsque l’on trace une coupe sur le paysage urbain et fluvial, on s’aperçoit que tout est quasiment à la même altitude (Figure 23):
Figure 23 : Coupe analytique (Réf: dossier synthèse de l’Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre
urbaine 62)
Le fleuve Chao Phraya n’offre pas uniquement des avantages. Pour commencer, afin de relier les deux parties de ville, il a été aménagé environ une dizaine de ponts qui constituent une barrière importante pour la continuité du trafic urbain. La fluidité du trafic routier n’est donc pas toujours assurée. De plus, lorsque le fleuve est submergé d’eau, il se déverse dans la ville et provoque des inondations importantes. Le fleuve représente donc aussi une contrainte pour la ville.
61 62
« khlongs» : Canaux reliés au fleuve qui avaient valu à la ville le surnom de « Venise de l'Asie » Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine, Bangkok, Métropole fluviale, 15/02/08. p.5
39
Figure 24 : Analyse des caractéristiques de Bangkok. (Source: carte «Site d’urbanisation de Bangkok et infrastructures hydrauliques en 2011. Bangkok location and hydraulic infrastructure in 2011» 63)
63
PIERDET Céline, La résilience comparée de Phnom Penh et Bangkok face aux crises hydrauliques, 2012. p90 Réf à : <http://lodel.irevues.inist.fr/climatologie/docannexe/file/635/83_pierdet.pdf>
40
2- Aléa inondation : Bangkok, une ville à haut risque! 2.1 – La mer monte et la mousson se déchaine
Depuis une trentaine d’années, la ville se Bangkok fait face à des inondations récurrentes. Cela s’explique principalement par le phénomène de mousson et par la montée du niveau de l’océan. D’après le documentaire scientifique «Inondations, une menace planétaire»64, le centre-ville de Bangkok s’est déjà enfoncé de 2 ou 3 mètres au cours du XXe siècle (un peu moins de 10cm/an). Aussi, dans son article sur le delta du Chao Phraya, François Molle énonce même qu’un tiers de la capitale Thaïlandaise serait à l’heure actuelle en dessous du niveau moyen de la mer65. La carte analytique ci-dessous démontre que la mer a continué à monter au XXI siècle: depuis le début des années 2000, elle a gagné du territoire et a progressé d’environ 400 mètres sur les côtes (Figure 25). La capital risque d’être grignotée à nouveau puisque le golfe de la Thaïlande est sensé s’élever de 25 centimètres d’ici 2050.
Figure 25 : Analyse personnelle- Délimitation d’une partie du golfe de la Thaïlande (Source : Google
Earth)
64
ARTE France (producteur), Marie Mandy (réalisatrice), Nicolas Koutsikas (auteur). (2015). Inondations : Une menace planétaire [Film documentaire]. France. 65 François Molle. (2006). Géographie de l’eau et interactions scalaires : le delta du Chao Phraya (Thaïlande) et son bassin versant. Edi. Erodote, n° 121, La Découverte. p153. Référé à : http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers11-03/010038052.pdf
41
Le climat en Asie du sud est considéré comme «tropical long» -classification de Koppen-. Ce climat est caractérisé par un phénomène de mousson important qui se traduit par un vent tropical saisonnier. En été, le vent souffle de la mer vers la terre, ce qui engendre de fortes pluies, jusqu’au mois de novembre (Figure 26).
Figure 26 : Distributions des pluies en Thaïlande de 1950 à 1997 (mm). (Source Royal Irrigation
Département66)
En Thaïlande, on s’aperçoit grâce à la figure ci-dessus que la saison des moussons s’étale du mois d’avril jusqu’au mois d’octobre, c’est-à-dire environ 6 mois de pluies consécutifs ! Selon la Royal Irrigation Département, il pleut en moyenne 21 jours/mois en Asie du sud-est. Les périodes les plus extrêmes se font généralement connaitre au mois de septembre provoquant les premières inondations en octobre. A Bangkok, c’est la partie est de la ville qui est la plus vulnérable lors de cette période.67 Ainsi, à la montée du niveau des mers s’ajoute les pluies torrentielles.
2.2 – Le débordement du fleuve Chao Phraya Le phénomène de pluies continues suite à la mousson est en majeure partie responsable des inondations que l’on rencontre dans le pays. En effet, les branches des fleuves ainsi que les rivières au nord du pays se gorgent d’eau et se rependent dans la ville.
66
Picture and Created by Hydro and Agro Informatics Institute, Royal Irrigation Department, Réf à : <http://www.thaiwater.net/GIS/iso_rainfall/example3.html> 67 Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine, Bangkok, Métropole fluviale, 2008. (Synthèse et recommandations). p.15. Réf à : http://www.ateliers.org/IMG/pdf/5_synthesis_fr_en_may2009_0.pdf
42
Figure 27 : Photographie Bangkok inondé68
Suite au remblaiement des canaux, le fleuve Chao Phraya est le seul à évacuer les eaux qui arrivent des montagnes alentours. Or, celui-ci est positionné dans une zone topographique plane, ce qui est propice à l’inondation. D’après PIERDET Céline, «dès que le ruissellement est supérieur à 3,5 cm dans les rues de la ville, le niveau du fleuve à Bangkok s’élève de 2,1 m et submerge les berges qui n’ont pas encore été surélevées (DDS, 2009)»69. Le volume d’eau a évacué est tellement important qu’il faut parfois plusieurs mois pour le drainage complet. Les «khlongs», d’une dimension trop modeste, ne parviennent pas à désengorger le territoire. En 1983, plusieurs provinces ont été inondées pendant plus de six mois. Les inondations figurent parmi les catastrophes naturelles qui causent le plus de dégâts dans le pays: selon une conclusion du Programme des Nations Unies pour le
68 69
Thailand and Climate Change. Réf à : <https://s14tailand.wordpress.com/> PIERDET Céline, La résilience comparée de Phnom Penh et Bangkok face aux crises hydrauliques, 2012. p.87.
43
développement (UNPD), «le nombre officiel de victimes par an -toutes catastrophes confondues- dans le pays reste faible pour l’ensemble de la période, et qu’il est surtout dû aux inondations»70. Les inondations ne sont pas forcément plus intenses mais elles sont de plus en plus fréquentes, et causent d’importants dommages. Il peut s’agir de répercussions sur les vies humaines, mais aussi sur l’économie ou sur le développement.
2.3 – Une référence majeure : l’inondation de 2011
À
Bangkok,
les
inondations
provoquent
des
dégâts
considérables,
voir
catastrophiques. Prenons l'exemple des inondations survenues en octobre 2011 considérées comme étant les pires depuis des décennies : «C’est la mer, plus rien ne dépasse, à peine quelques arbres!», a énoncé un photographe de l'Agence FrancePresse qui survolait les lieux71.
Figure 28 : Photographie de Bangkok pendant l’inondation de 2011.
Dommages : Les inondations consécutives de 2011 ont provoqué des perturbations sans précédent dans la ville. D’après le rapport de Sambola Sergi72 -étudiante de l’école d’ingénieur de Paris la Villette-, les routes et autoroutes se retrouvèrent sous l’eau, presque 2 70
PIERDET Céline, La résilience comparée de Phnom Penh et Bangkok face aux crises hydrauliques, 2012. p.87. Le Figaro, 16/10/100. Réf à :<http://www.lefigaro.fr/international/2011/10/16/0100320111016ARTFIG00096-la-thailande-largement-inondee-bangkok-epargnee.php> 72 SAMBOLA Sergi, Impact des inondations sur les infrastructures (…) de la résilience des systèmes urbains. Mars 2015. p.26 à29. Ref à : <file:///C:/Users/sandrinetech/Downloads/PFC%20-%20SAMBOLA%20Sergi.pdf> 71
44
millions d’hectares d’infrastructures agricoles (12,5% des ressources totales) furent endommagés, plus d’une soixantaine de provinces touchées sur les 77 que compte le pays. 2 484 393 millions de thaïlandais ont été directement affectés par ces inondations, dont des dommages irréversibles tels que la mort de 815 personnes! L’inondation des zones industrielles de la ville provoquèrent aussi des dommages économies conséquentes avec 33 milliards de dollars de pertes73. Dans certaines régions du Nord, surtout au niveau de la capitale historique d’Ayutthaya, «les dégâts sont désastreux: apparitions de fissures, sol instable et ramolli avec risques d’enfoncements et d’effondrements des bâtiments.» Certaines provinces connurent une inondation jusqu’à 1.5m par rapport au niveau de la terre inondant les campus, le métro, l’aéroport Donwang, les usines automobiles japonaises, etc. L’eau n’a pu être évacuée que 6 mois après l’évènement.
Figure 29 : Les zones inondées aux alentours de Bangkok en 201174.
73
SAMBOLA Sergi, Impact des inondations sur les infrastructures (…) de la résilience des systèmes urbains. Mars 2015. p.84. Ref à : <file:///C:/Users/sandrinetech/Downloads/PFC%20-%20SAMBOLA%20Sergi.pdf> 74 Blog «information and discussion about the Earth Changes and the Pole Shift» Réf à : <http://poleshift.ning.com/profiles/blogs/bangkok-could-be-underwater-in-2030-due-sinking-land-butbangkok>
45
Figure 30 : Analyse personnelle- Quartier nord de Bangkok en 2010 et en 2011. (Source: Google Earth)
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Selon divers blogs et témoignages, le déroulement des évènements a pu être retracé. En voici les principaux éléments :
Causalité La causalité de l'événement est inédite à Bangkok. Contrairement aux inondations de 1983 et 1995, différents éléments ont provoqué la catastrophe de 201175. Tout d'abord, le phénomène de mousson qui a été particulièrement intense cette année-là. Les pluies se sont en effet déchaînées sur la Thaïlande. S’ajoutent à cela les neiges du massif tibétain qui ont fondu suite à la chaleur rencontrée à cette période d’été. Diverses tempêtes se sont aussi succédées, ce qui a conduit au remplissage du fleuve Chao Phraya et du Mékong -un des plus importants fleuves d’Asie du Sud-Est qui borde la Thaïlande-. Toutes ces situations ont amené les branches du bassin versant thaïlandais à se remplir, provoquant d’importantes crues à différents endroits.
Mesures appliquées Le système d'écoulement et de gestion des eaux n'était pas suffisant face à la puissance des événements. Même la digue du Roi, la plus célèbre de la ville, n'a pu contenir l'eau. Selon le Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires de l'ONU l’eau qui arriva sur la ville ne remplissait pas moins de «1,2 milliards de mètres cubes d'eau, le volume d'environ 480 000 piscines olympiques»76. Face à la situation, des mesures d'urgences ont dû être prises dont la construction d'un barrage de fortune de 15 km fabriqué grâce à des sacs de sable de plus de 2 tonnes chacun (Figure 31).
75
Article: «Bangkok : autopsie du stade ultime de l’urbanisme capitaliste», 9 janvier 2014. <http://voyager-enthailande.com/bangkok-autopsie-du-stade-ultime-de-lurbanisme-capitaliste/ 76 L’express (en ligne), 10/2011. Réf à : <http://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/les-habitants-debangkok-fuient-les-inondations_1045312.html>
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Figure 31 : Sacs de sable utilisés
pendant l’inondation de 2011
Cinq barrières anti-inondation ont aussi été utilisées pour protéger les entrées des bâtiments. Le but final était de protéger particulièrement les zones développées et riches de la ville tel que le Central Business District. «L’ordre des priorités était clair: sacrifier le passé (…) pour sauver la modernité incarnée par le CBD muré par de solides digues.»77 Comprenant cela, les habitants ont commencé à retirer des sacs et à créer des brèches afin de désengorger les zones d’habitations défavorisées, éloignées des centres d'affaires mais davantage inondées.
Conclusion à tirer Selon Météo Consult78, «durant cette période, il tombe habituellement près de 1280 mm de pluie, soit 88% de la pluviométrie annuelle. En 2011, ce ne sont pas moins de 1604 mm qui sont tombés à Bangkok entre mai et septembre, soit 110% de la pluviométrie annuelle normale»79. Cependant, d’après un article du Figaro, Sandrine Anquetin -directrice de recherche en Hydro météorologie au CNRS- affirma que «la mousson 2011 est certes importante, mais ce n'est pas exceptionnel»80. Celle-ci annonça que la situation, aussi désastreuse 77
Article: «Bangkok : autopsie du stade ultime de l’urbanisme capitaliste», 9 janvier 2014. <http://voyager-enthailande.com/bangkok-autopsie-du-stade-ultime-de-lurbanisme-capitaliste/ 78 Rapports de météo Consult, 2011. 79 Vampouille Thomas, Le Figaro (en ligne). 28/10/2011. Réf à: <http://www.lefigaro.fr/international/2011/10/28/01003-20111028ARTFIG00554-bangkok-n-est-passeulement-victime-de-la-pluie.php> 80 Ibid
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qu'elle soit, est loin d'être un fait exceptionnel, mais que ses conséquences le sont bien plus qu'auparavant. Pour aller plus loin, celle-ci soulève une question cruciale : «Comment expliquer que les pluies importantes mais non pas inédites provoquent une catastrophe d'une telle ampleur?» Les causes de la catastrophe doivent être clairement identifiées. Les politiques ne doivent pas se contenter de dénoncer une situation climatique incomparable jusqu'à aujourd'hui. Tout cela mène à la conclusion que le changement climatique n’est pas l’unique cause des dérèglements que l’on constate depuis ces dernières années.
3- Causes de la vulnérabilité de Bangkok Pour faire face aux catastrophes majeures que subissent le pays et sa capitale, il nous faut étudier sa «vulnérabilité», c'est-à-dire «sa fragilité face au risque». La vulnérabilité de Bangkok face aux inondations provient de plusieurs facteurs: urbanisation, complexité des infrastructures hydrauliques et déforestation massive, instabilité du sol et verticalisation des bâtiments.
3.1 – L’urbanisation, un élément aggravant
Même si le changement climatique est sans aucun doute en cause lorsque l’on étudie les catastrophes d’inondations, d’autres facteurs aggravent le phénomène: «Une urbanisation mal planifiée ou maîtrisée peut en outre aggraver les risques d’inondation en raison de changements inadaptés d’affectation des terres.»81. Or, le monde connait à l’heure actuelle une urbanisation intensive: «Les urbains devraient représenter 60 % de la population mondiale en 2030, pour passer à 70 % en 2050, soit un total de 6,2 milliards d’habitants, soit le double de la population rurale prévue cette même
81
Abhas K., Robin B., Jessica L. (2012). Villes et inondations Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle. p.19. Repéré à : http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf
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année.»82. Cela a des répercutions énormes sur les sociétés, sur les catastrophes hydrauliques qui ont davantage de répercussions sur les vies humaines, mais aussi sur les infrastructures économiques dont la densité ne cesse d’augmenter. La ville de Bangkok n’échappe pas à ce phénomène. «Depuis les années 1980, Bangkok (aire métropolitaine) est passée de 4 à 14 millions d’habitants accentuant l’affaissement de la ville»83. L’expansion de la ville s’est faite de façon exponentielle, avec une urbanisation très rapide. La capitale s’est ainsi développée de façon considérable, accueillant toujours plus d’habitants (Figure 32).
Figure 32 : Schéma de l’urbanisation de l’aire métropolitaine de Bangkok depuis les années 1850
Analyse personnelle - (Source: Bangkok84 - Vidéo Youtube)
82
Abhas K., Robin B., Jessica L. (2012). Villes et inondations Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle. p.18. Repéré à : http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf 83 ARTE France (producteur), Marie Mandy (réalisatrice), Nicolas Koutsikas (auteur). (2015). Inondations : Une menace planétaire [Film documentaire]. France. 84 Bangkok. (2004). Réf à: <Https://www.youtube.com/watch?v=z9pJcdoRL7k>
50
Fondé en 1782, le village de Bangkok s’étendait sur la rive gauche, à environ 25km du fleuve Chao
Phraya. L’extension de la ville démarra l’année suivante par la
construction de «khlongs» qui relie le village à la périphérie85. Face à des contraintes d’assainissement et par le manque d’infrastructures routières, Bangkok a dû par la suite remblayer ses canaux et les transformer en routes: «Ainsi, à partir des années 1950, Bangkok, autrefois surnommée la Venise de l’Orient, a comblé ses canaux pour privilégier le «tout automobile», devenant ainsi une ville de gratte-ciels avec ses quartiers huppés, ses faubourgs plus pauvres et ses bidonvilles miséreux.»86 Aussi, la surpopulation a engendré la construction de bâtiments sur des zones non constructibles. De plus en plus de surfaces imperméables se sont créées, provoquant l’apparition de nouvelles zones inondables: «des zones industrielles ont été construites en zones inondables, sur les rives de la rivière Chao Phraya»87. La population a même commencé à construire sur des espaces naturels qui avaient autrefois la capacité de retenir l’eau lors d’inondation. Le développement de Bangkok s’est fait de façon anarchique, conséquence d’une urbanisation mal maitrisée. Toutes ces contraintes rendent difficile la gestion des eaux et par conséquent la gestion du risque d’inondation : «Ces deux phénomènes ont perturbé le système d’évacuation naturel des eaux et les cycles de l’économie agricole.»88. S’ajoute à cela les dispositifs hydrauliques non adaptés à la situation de la ville. Les premiers canaux d’irrigation furent construits vers les années 1900 par l’ingénieur Hollandais J. Homan Van der Heide. Il s’agissait à la fois de développer l’irrigation et le drainage des eaux. En effet, il a été aménagé un réseau de canaux qui se ramifie à certains endroits (de quelques mètres à 50m !). En cas de grande affluence d’eau, les canaux étaient alors incapables de faire circuler correctement l’eau89 :«Malgré un débit modeste, distribué dans la plaine alluviale grâce à ses nombreux affluents et autres chenaux, la variabilité inter-saisonnière de la Chao Phraya est forte. Il
85
PIERDET Céline, La résilience comparée de Phnom Penh et Bangkok face aux crises hydrauliques, 2012. p.89. Camroux David, Thaïlande: après les inondations, le déluge, 2012. p.2. Repéré à : <http://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/art_dc2.pdf> 87 Ibid 88 Ibid 89 PIERDET Céline, La résilience comparée de Phnom Penh et Bangkok face aux crises hydrauliques, 2012. p.90. 86
51
pouvait atteindre 2 700 m3/s à la hauteur de Bangkok»90. Il y a aussi la hauteur des berges qui ne permet pas à l’eau d’être contenue. Au contraire, elle s’échappe facilement et submerge les berges. Tous ces facteurs provoquèrent un écoulement difficile de l’eau à travers la ville qui est submergée lors de la saison des moussons.
Bien qu’étant constituée de trop peu d’espaces verts, la Thaïlande exerce une déforestation intensive sur son territoire. Cela contribue fortement à une mauvaise gestion du risque d’inondation. D’après PIERDET Céline, «Entre 1970 et 1990, le couvert forestier aurait régressé de 65 à 50 % de l’ensemble de l’Asie du SudEst»91. Cette déforestation a pour but de mettre en place des zones de cultures (palmiers, rizicultures). Or, les arbres et forêts représentent des zones de stockage de l’eau et des zones «saines» qui absorbent le CO2.
Urbanisation mal maitrisée, dispositifs hydrauliques non adaptés, zones inondables en augmentation, surpopulation, destruction d’espaces forestiers… La Thaïlande ne manque pas d’éléments aggravants les conséquences du réchauffement climatique.
90 91
PIERDET Céline, La résilience comparée de Phnom Penh et Bangkok face aux crises hydrauliques, 2012. p.90. Ibid. p.84.
52
3.2– Les contraintes liées au site
Parmi les causes de la vulnérabilité de Bangkok figures des contraintes liées au site sur lequel elle a été construite. Selon des experts thaïlandais «les inondations sont un phénomène naturel, puisque la ville est bâtie sur un sol boueux situé à seulement un mètre et demi au-dessus du niveau de la mer.»92. Le problème provient donc de son niveau de construction par rapport au niveau de la mer et à la nature argileuse du sol sur lequel elle est posée. Cette problématique est accentuée par le problème d’enfoncement des sols. En effet, la ville est capable d’assurer l’approvisionnement en eau pour uniquement 50% de la population de la BMA93. Ainsi, pour pallier à ses besoins, Bangkok pompe d'importantes quantités d'eaux dans les nappes phréatiques. Molle François nous explique que «La croissance de la ville a suscité une augmentation de la demande en eau de 0,46 millions mm3/j en 1978 à 7,5 mm3/j en 2000, soit une multiplication par un facteur 16 en vingt-deux ans. Cette demande est principalement satisfaite par une dérivation de 45 m3/s du Chao Phraya mais aussi par les eaux souterraines: 95 % de l’eau utilisée par les 20 000 industries de l’agglomération provient des nappes et le volume pompé avoisine les 3 mm3 /j, pour une recharge estimée à seulement 1 mm3 /j.»94 Le pompage dans les nappes souterraines a pour conséquence l’affaissement des sols, et donc du territoire. La construction sur un sol argileux, marécageux qui s’enfonce au fil des années, engendre inévitablement la descente de la ville. Le rapport de PIERDET Céline établit que «par conséquent, entre 1930 et 1990, Bangkok s’est enfoncée de 1,7 m, dont 0,8 à 0,85 m entre 1978 et 1990.»95.
92
Le Monde, 08.10.2011. Réf à : < http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/10/08/l-eau-menace-bangkoket-le-marche-mondial-du-riz_1584400_3244.html> 93 Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine, Bangkok, Métropole fluviale, 2008. (Synthèse et recommandations). p.13. Réf à : http://www.ateliers.org/IMG/pdf/5_synthesis_fr_en_may2009_0.pdf 94 François Molle. (2006). Géographie de l’eau et interactions scalaires : le delta du Chao Phraya (Thaïlande) et son bassin versant. Edi. Erodote, n° 121, La Découverte. p151. Référé à : http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers11-03/010038052.pdf 95 PIERDET Céline, La résilience comparée de Phnom Penh et Bangkok face aux crises hydrauliques, 2012. p.88.
53
3.3 – Faiblesse du bâti (Instabilité et Fragilité)
Nous avons vu que l’expansion de la ville s’est faite de façon exponentielle. Le développement intense qui s’est ainsi fait a amené à un type de construction à la verticale. Le quartier du Taksin Bridge en est un exemple, il regroupe de nombreuses tours ayant même, pour certaines d’entre elles, un caractère de signal96. Les bâtiments construits sont lourds et inappropriés face à un sol instable et fragile. La ville est extrêmement compactée à Bangkok, ne laissant
plus de place aux systèmes
d’évacuation des eaux.
Figure 33 : Gratte ciels à Bangkok (Source: Capture photo interactive97)
De plus, ces constructions verticales se sont faites partout, même sur des zones non constructibles: «en raison d'une urbanisation rapide et souvent chaotique, de nombreux immeubles ont été construits sur des terres agricoles qui permettaient auparavant à l'eau de s'écouler.»98
96
Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine, Bangkok, Métropole fluviale, 2008. (Synthèse et recommandations). p.41. Réf à : http://www.ateliers.org/IMG/pdf/5_synthesis_fr_en_may2009_0.pdf 97 Paysage interactif de Bangkok: Réf à <http://www.airpano.ru/files/Bangkok/2-2> 98 Le Nouveau Paradigme, «L'eau menace Bangkok et le marché mondial du riz», 12 Octobre 2011. Réf à : <http://www.2012un-nouveau-paradigme.com/article-l-eau-menace-bangkok-et-le-marche-mondial-du-riz86393224.html>
54
A Bangkok, le sol est partiellement constitué d’argile ce qui est problématique pour la conception technique et la construction d’immeubles de grandes hauteurs99. De plus, d’après Punmongkol Vithaya -ingénieur ayant travaillé sur le chantier de construction de métros souterrains- «Les 15 premiers mètres (sous la surface) sont les plus problématiques parce qu'ils ne peuvent pas supporter trop de poids. Le métro et les stations sont donc construits 20 mètres sous terre, contre 10 à 15 mètres dans les autres grandes villes dont les sols sont plus stables.»100. S’ajoute à cela le fait que les bâtiments ne soient pas conçus pour résister aux inondations récurrentes, ils sont donc fragilisés au fil des années. Pour finir, Bangkok est construite à proximité de zones instables. Des experts réunis en 2014 lors d’un séminaire conclurent même que «Au moins dix-sept tours de la ville seraient fortement exposées au risque d’écroulement, selon eux, si un tremblement de terre de magnitude 7.2 secouait la périphérie de Bangkok.»101. Les tours de la ville sont ainsi très vulnérables et exposées à des risques probables.
99
Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine, Bangkok, Métropole fluviale, 2008. (Synthèse et recommandations). p.14. Réf à : http://www.ateliers.org/IMG/pdf/5_synthesis_fr_en_may2009_0.pdf 100 Batiactu, 29/07/2008. Réf à: <http://www.batiactu.com/edito/bangkok-venise-est-s-affaissedangereusement-12723.php> 101 Lepetitjournal.com, 9 Juin 2014. Réf à :<http://www.lepetitjournal.com/bangkok/accueil/en-bref/187442seisme-des-experts-inquiets-pour-certains-hauts-immeubles-de-bangkok>
55
Voici un schéma récapitulatif des éléments qui permettent de comprendre
les
conséquences désastreuses des inondations dans la ville (développement urbain exponentiel et mal organisé, constructions lourdes et inadaptées en zones marécageuses, liquéfaction des sols, affaissement de la mégapole par pompage des eaux souterraines, déforestation intensive, surpopulation…).
Figure 34
: Analyse synthétique des causes de la vulnérabilité de Bangkok. (Réf : Blog)102
102
Article: «Bangkok sous l’eau en 2030 ?». 2009. Réf à : <https://petitesbullesdailleurs.fr/2009/02/11/bangkok-sous-leau-en-2030/>
56
Ce chapitre descriptif sur le cas de Bangkok en Thaïlande, nous a amené à comprendre en quoi la ville est particulièrement exposée aux risques naturels et à un changement de climat. Afin de trouver des solutions pour réduire la vulnérabilité des territoires urbains face au réchauffement climatique, il est en effet nécessaire de comprendre d'où vient cette vulnérabilité. Ainsi, cette étude précise nous a montré que sa fragilité ne provient pas uniquement de son exposition face aux risques mais aussi de facteurs internes (mauvais développement urbain et sur-urbanisation). Les éléments recueillis permettent de mettre en place une approche adaptée à la réduction du risque: comme nous allons le voir dans les chapitres suivants, l'application d'une résilience urbaine accrue répondrait à la problématique initiale.
57
III - La résilience urbaine, une approche efficace face à la vulnérabilité des villes Ce troisième volet permet tout d’abord d’expliquer le concept de résilience qui apparait comme primordial, puis de saisir le sens de la notion et ce qu’elle engendre. Il a aussi pour but de montrer en quoi la résilience urbaine, d’un point de vue tout à fait conceptuel, est vecteur d’amenuisement de la vulnérabilité d’une ville.
1 – Expertise sur la notion de résilience Depuis les années 2000, des études sur le changement climatique ont prouvé que le concept de «résilience» avait une place majeure, voir cruciale, dans la gestion des risques. Mais qu’en est-il réellement de cette notion ?
1.1 - La Résilience 1.1 .1 - Une notion dans l’air du temps
La résilience est devenue au fil du temps un concept vaste que l’on retrouve dans des disciplines diverses. En France, on ne le retrouve pas encore dans la langue familière mais plutôt dans le jargon scientifique, contrairement aux Etats-Unis où il est couramment employé dans la vie de tous les jours. Il s’agit cependant d’un terme qui se développe continuellement, jusqu’à devenir une notion en vogue. Dans l’étymologie, la résilience vient du latin resilio/resilire103 qui signifie «sauter en arrière ou rebondir». En français, resilire a ensuite conduit au verbe «résilier» signifiant «annuler ou casser». La définition la plus générale que l’on peut trouver sur certains moteurs de recherche, et qui pourrait être considérée comme étant une «définition commune», est la suivante: «La résilience désigne la capacité pour un corps, un organisme, une organisation ou
103
Dictionnaire Babel
58
un système quelconque à retrouver ses propriétés initiales après une altération»104. Celle-ci permet déjà de se faire une idée globale de la notion. Plus précisément, Magalie Reghezza-Zitt nous en livre sa définition dans son ouvrage «Résiliences: sociétés et territoires face à l’incertitude aux risques et aux catastrophes». Selon elle, il s’agit du «processus qui permet de faire face à la désorganisation, à la perte, au dommage, de se maintenir et de perdurer malgré les aléas de l’environnement, de l’histoire ou de l’existence»105. La description du mot est ainsi plus complète.
Figure 35 : Processus de Résilience
Face aux catastrophes (économiques, environnementaux, technologiques,…) auxquelles sont confrontées les sociétés humaines, un véritable enjeu s’exerce autour de ce mot: «L’engouement récent pour la résilience peut s’expliquer par la conjoncture d’un triple contexte: la récurrence de catastrophes meurtrières alors qu’on les pensait maitrisées (…) la focalisation du terrorisme de masse, le changement climatique et les incertitudes qui en résultent.»106. Le terme «résilience» connait ainsi un regain d’intérêt depuis quelques années. Selon Clara Villar et Michel David -des experts dans les domaines de la résilience et du développement durable-, les «Territoires, organisations, individus, écosystèmes, tout semble soumis à une injonction de résilience en réponse à des contextes variés (…) en tous genres et multiformes.».
104
Wikipédia. 2016. Réf à : <https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9silience> REGHEZZA-ZITT Magali, Résiliences: sociétés et territoires face à l’incertitude aux risques et aux catastrophes, ISTE Edition Ltd, 2015. p.16. 106 Ibid. p.25-26 105
59
Lorsque l’on parle de gestion des risques, cette notion de résilience est aujourd’hui la plus adaptée et utilisée par les organismes locaux ou internationaux. Les agences à rayonnement mondial telle que l’ONU sont maintenant chargées de rendre les sociétés plus résilientes. Par exemple, les Nations-Unies ont construit un programme de développement durable face aux différentes crises dans le monde, comprenant des accords sur le changement de climat. Parmi les 17 objectifs de ce programme figurent maintenant un objectif107 ayant pour but d’augmenter la résilience des territoires.
1.1.2 - Champs d’action de la résilience
Bien que la notion soit en vogue aujourd’hui, les différents experts qui l’étudient n’en donnent pas tous la même définition. C’est un concept polysémique qui fait polémique. Selon Magalie Reghezza-Zitt, le terme est «élastique»108 et possède des définitions plus ou moins similaires dans des domaines distincts, qui parfois s’opposent même. Avant de devenir cette notion «à la mode», la résilience a été utilisée dans plusieurs disciplines, notamment celle de la physique des matériaux. Bien que souvent contestée, on retrouve ensuite la définition du terme résilience dans le domaine des sciences du vivant, particulièrement en écologie: «la capacité d’une structure subissant un choc brutal ou une pression continue sans se transformer»109, ou encore «maintenir ses fonctions et ses structures essentielles (…) en passant par différents états d’équilibre»110. Nous le retrouvons aussi en psychologie: «le fonctionnement d’individus ou de groupes (…) qui parviennent à tolérer et dépasser des conséquences destructrices de situations traumatisantes»111. Apparaissent alors les notions de reconstruction, d’ajustement et d’adaptation.
107
Objectif 9 du programme de l’ONU. Réf à < http://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/infrastructure/> Termes employé par REGHEZZA-ZITT Magali, Résiliences: sociétés et territoires face à l’incertitude aux risques et aux catastrophes, ISTE Edition Ltd, 2015. p.17 109 REGHEZZA-ZITT Magali, Résiliences: sociétés et territoires face à l’incertitude aux risques et aux catastrophes, ISTE Edition Ltd, 2015. p.25 110 Ibid 111 Ibid p.23 108
60
Il peut y avoir une autre signification en sociologie, on parle de «résilience communautaire». Il s’agit pour des individus «de continuer à vivre, fonctionner, se développer et s'épanouir après un traumatisme ou une catastrophe»112. La Zoologie s’est également penchée sur la notion: selon Husson (1970), elle est utilisée pour définir «la capacité de reproduction d'une espèce animale, inemployée en raison d'une ambiance hostile, à avoir une expansion soudaine si cette ambiance difficile mute et s'améliore»113. Ainsi, la définition de résilience a évolué au fil du temps. Pour certains, son côté plurivoque peut la rendre plus riche et complète, avec la mise en avant de quelques orientations spécifiques qui ne peuvent que l’enrichir davantage. D’autres pensent au contraire que le mot est ambigu et que sa signification pourrait devenir confuse, lui faisant perdre de l’intérêt.
1.2 - La résilience urbaine 1.2.1 - Notion et concept Intéressons-nous maintenant au concept de résilience dans notre domaine de compétence, celui de l’urbanisme. La résilience s’applique aujourd’hui aux territoires, mais qu’entend-on par «résilience urbaine» ?
Nous avons vu que la notion est à l’heure actuelle en pleine extension dans différents domaines. Il en est de même pour celui de l’urbanisme. En effet, le concept est employé de plus en plus fréquemment en urbanisme et cela depuis les années 2000 (B.Quenault, 2014). Il découle directement du concept de résilience écologique. Chris Younes114 a établi que le terme de «résilience appartient autant au domaine de l‘écologie environnementale qu’à celui de l’écologie humaine, puisqu’il définit la capacité d’un milieu à se métamorphoser et à dépasser les traumatismes ou les
112
Wikipédia [définition en ligne]. <https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9silience_communautaire> Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales [définition en ligne]. Réf à : <http://www.cnrtl.fr/definition/r%C3%A9silience> 114 Philosophe, professeur des écoles d’architecture ENSA PLV et ESA. 113
61
chocs»115. Ainsi, la résilience urbaine est aujourd’hui définit par «la capacité de la ville à absorber une perturbation puis à récupérer ses fonctions à la suite de celle-ci.»116 (Figure 36).
On parle aussi de «la quantité de désordre qu’une ville peut absorber suite
à une crise, tout en conservant ses fonctions».
Figure 36 : Le processus de résilience après une perturbation (Source: La Résilience urbaine : un
nouveau concept opérationnel vecteur de durabilité urbaine ? 117)
Le système résilient est une sorte de structure dans laquelle les constituants -hommes, bâtis, activités, etc.-
s’entremêlent et fonctionnent ensemble afin de créer une
structure urbaine complète. Dans le contexte actuel du changement climatique, la résilience est «la traduction des impacts locaux territorialisés de cet aléa global (…), qui dépend des capacités locales intrinsèques des territoires à faire face et à répondre à une perturbation»118
115
Younes Chris, Biosophie : quels espaces immersifs et partagés ?, Appareil [En ligne]. 2013. p.13. Réf à : <https://appareil.revues.org/1756?lang=fr> 116 Toubin M. (…), La Résilience urbaine : un nouveau concept opérationnel vecteur de durabilité urbaine [En ligne]. 2012. p.7. Réf à : <http://developpementdurable.revues.org/9208> 117 Toubin M. (…), La Résilience urbaine : un nouveau concept opérationnel vecteur de durabilité urbaine [En ligne]. 2012. Réf à : <http://developpementdurable.revues.org/9208> 118 B.Quenault, La résurgence/convergence du triptyque «catastrophe-résilience-adaptation» pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques, 2014. P.14.
62
Dans son ouvrage, M. Reghezza, explique qu’il est nécessaire d’aborder les notions de «résistance aux chocs», «d’absorption» et de «récupération». En voici les définitions: La capacité de résistance renvoie à «l’endommagement matériel suite à un aléa». Il s’agit de faire face au choc et à l’absorber. Aussi, plus le système sera endommagé, plus il sera difficile de s’en servir efficacement. Vient ensuite la capacité d’absorption qui dépend des diverses alternatives qui peuvent être proposées suite au choc. Pour finir, la capacité de récupération qui constitue l’étape de la remise en fonction du système.
Figure 37 : Les notions clés processus de résilience (Réf : M. Reghezza)
1.2.2 - Résilience réactive et résilience proactive La résilience urbaine suit un processus qui se développe sur deux phases : Tout d’abord, la résilience Réactive qui survient au moment du choc. On parle aussi de résilience de «court terme». Il s’agit du moment de la gestion de l’urgence : le fait que les services parviennent à faire face aux perturbations immédiates, en atténuant les dégâts, en minimisant le nombre de blessés ou de décès, en assurant la protection
63
fonctionnelle des réseaux119. Deux points permettent de mettre en place cette stratégie : «Une stratégie technique visant à limiter le degré de perturbation du système par une meilleure capacité de résistance et d’absorption (Serre, 2011); Une stratégie plus organisationnelle visant à accélérer le retour à la normale par une gestion optimisée des moyens et des ressources, et une bonne accessibilité.»120. Nous trouvons ensuite la résilience Proactive, ou de «long terme». Elle prend effet après le choc. Il est question de la restructuration des territoires qui permettra d’orienter les opérations en vue du maintien dans le temps. Il s’agit aussi du caractère de récupération et d’adaptation qui vise à minimiser les aléas futurs éventuellement plus intenses121.
Figure 38 : Synthèse - Résilience Réactive et Résilience Proactive
En conclusion, la résilience de temps court s’articule autour de la capacité de réaction face à l’état d’urgence tandis que celle de temps long se base sur l’adaptation du système et sa réaction adéquate face à risque futur. Pour Abhas K., «le problème fondamental est de trouver comment tenir compte des tendances à long terme et des
119
B.Quenault, La résurgence/convergence du triptyque «catastrophe-résilience-adaptation» pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques, 2014. P.15 120 Toubin M. (…), La Résilience urbaine : un nouveau concept opérationnel vecteur de durabilité urbaine [En ligne]. 2012. Réf à : <http://developpementdurable.revues.org/9208> 121 B.Quenault, La résurgence/convergence du triptyque «catastrophe-résilience-adaptation» pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques, 2014. P.15
64
scénarios les plus pessimistes dans les investissements et les décisions à court terme»122. L’interaction des deux phases est en ce sens essentielle.
1.2.3 - les étapes du processus de résilience urbaine
D’après l’ouvrage de Reghezza Magali, les chercheurs L. Vale et R. Campanella 123 ont modélisé quatre étapes qui correspondent au schéma du concept de résilience. Selon eux, le processus de résilience se décompose comme suit: - «la réponse d’urgence» à la catastrophe en court ou qui vient de se produire. Il est important de tenir au courant la population et de l’informer au mieux via des mesures de protection, des messages d’alerte, etc. La gestion de l’état d’urgence à la fois individuelle et collective est nécessaire. - «la restauration» de tout ce qui est encore être exploité. - «la reconstruction» afin de retrouver les fonctions post-crise. Il s’agit aussi du secours aux victimes, du rétablissement de l’accessibilité, du nettoyage de la ville, etc. - «l’amélioration/le développement», qui peut être représenté par le retour à l’état initial de stabilité, ou à un nouvel état d’adaptation. Une phase d’analyse est primordiale pour comprendre le problème et éviter qu’il se reproduise : «analyser de façon critique et interpréter
les données
issues de
la
catastrophe,
notamment
les
dysfonctionnements techniques et les défaillances des relais administratifs et institutionnels.»124
122
Abhas K., Robin B., Jessica L. (2012). Villes et inondations Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle. p.21. Repéré à : http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf 123 Vale L.V., Campenella T.J., The Resilient City. Oxford University Press, New York, 2005. 124 JC. Thouret et R. D’ercole, Cah. Sci. Hum. 32 , Vulnérabilité aux risques naturels en milieu urbain : effets, facteurs et réponses sociales. p.420
65
Figure 39 : Les différentes phases du processus de résilience (Réf: Reguezza-Zitt Magali125)
Ainsi, la résilience est un procédé qui se déroule en différentes étapes: avant, après et à postériori de la catastrophe.
1.2.4 - La résilience dépasse la capacité d’adaptation
Auparavant, les politiques de gestion du risque utilisaient des processus d’atténuation du risque en se contentant de subir le moins de dommages possible. De nos jours, ces même politiques ont changé de méthodes et privilégient une gestion sur le long terme: celle de l’adaptation.
125
Reguezza-Zitt Magali, Résiliences: sociétés et territoires face à l’incertitude aux risques et aux catastrophes, 2015. p.64
66
L’adaptation désigne la «capacité (collective) à gérer les transitions afin d’adapter le comportement ou le fonctionnement d’un système à une situation nouvelle. Dans le contexte du changement climatique, l’adaptation désigne la capacité à s’adapter à des conditions environnementales changeantes»126. Il est cependant question d’aller encore plus loin et de dépasser cette démarche en appliquant en parallèle le processus de résilience. B.Quenault estime que ces deux termes doivent aujourd’hui interagir et que leur «intégration est désormais perçue comme un facteur de soutenabilité urbaine (Monaghan, 2012)»127. Plus encore, il y a une modification de la notion à mettre en avant, passant de la capacité d’adaptation à la capacité à être résilient. La résilience doit apporter des changements radicaux (comportementaux et organisationnels) face à un climat changeant. Ainsi, «l’adaptation
climatique
s’avère passer par la création d’une
résilience, c’est-à-dire non pas par la création directe d’une adaptation, mais par l’accroissement d’une aptitude à s’adapter (Bériot, 2013, p. 51)»128.
2 - La résilience urbaine: solution clé pour réduire la vulnérabilité 2.1 - Définition de «vulnérabilité»
Nous avons vu précédemment que la notion de résilience s’est imposée dans le domaine de la gestion des catastrophes. Un des termes qui découle directement du concept de résilience est celui de la «vulnérabilité». En effet, les territoires les plus
126
B.Quenault, La résurgence/convergence du triptyque «catastrophe-résilience-adaptation» pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques, 2014. P.5 127 Ibid P.4. 128 Ibid P.5
67
vulnérables sont généralement ceux qui doivent le plus améliorer leur capacité de résilience. Par définition étymologique, la vulnérabilité est «le fait d’être sensible aux blessures, aux attaques ou d’éprouver des difficultés pour recouvrer une santé mise en péril.»129. Le groupe d’experts du GIEC la définit de nos jours de la façon suivante: «Mesure dans laquelle un système est sensible – ou incapable de faire face – aux effets défavorables des changements climatiques, y compris la variabilité du climat et les phénomènes extrêmes. La vulnérabilité est fonction de la nature, de l’ampleur et du rythme de la variation du climat à laquelle le système considéré est exposé, de la sensibilité de ce système et de sa capacité d’adaptation.»130. En prenant le cas de la ville de Bangkok, nous avons pu comprendre que les dommages causés dans ville ne dépendent pas uniquement du caractère extrême de l’aléa. Il s’agit surtout des «caractéristiques de vulnérabilité et de résilience du système considéré»131 qui entrent en jeu. Ainsi, une catastrophe, non pas exceptionnelle, peut engendrer des dommages plus ou moins importants en fonction des critères intrinsèques du système. Afin de pouvoir agir efficacement sur le degré de résilience de la ville de Bangkok, il faut étudier son niveau de vulnérabilité. Il est donc important de comprendre l’étendu de cette la notion.
2.2 - Influence de facteurs sur le degré de vulnérabilité
La vulnérabilité peut être étudiée sous divers caractères: géographique, biophysique, économique, démographique, urbain, etc. Intéressons-nous à un objet d’étude récent qui est la vulnérabilité dite «territoriale», autrement dit la délimitation de zones «à risque». Des géographes132 ont montré que le risque peut «créer de nouveaux référentiels spatiaux, de nouvelles formes d’ancrage territorial auxquelles ne 129
JC. Thouret et R. D’ercole, Cah. Sci. Hum. 32 , Vulnérabilité aux risques naturels en milieu urbain : effets, facteurs et réponses sociales. p.407 130 Rapport de synthèse de la Troisième évaluation du Groupe de travail II, GIEC. P96. Réf à : <http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/ONERC_ar3-wg2-spm-ts-fr.pdf> 131 B.Quenault, La résurgence/convergence du triptyque «catastrophe-résilience-adaptation» pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques, 2014. P.10. 132 Beucher S. Meschinet, Richemond et N., Reghezza M., « les territoires su risque. Exemple du risque d’inondation », Historiens et géographes, n°403, p 103-111, 2002.
68
correspondent plus les cadres administratifs de référence»133. La nomination de «risques urbains» employée couramment aujourd’hui montre qu’une catastrophe aura un impact différent en fonction du lieu où on se trouve, c’est-à-dire que chaque zone possède un degré de vulnérabilité différent. Prenons pour exemple deux système-villes subissant un aléa identique (Figure 40). Il est probable que les deux systèmes ne subissent pas les mêmes dommages: le système1 (pays en développement) reçoit des chocs sévères alors que le système2 rencontre moins de dégâts.
Figure 40: Courbes des dommages subis (suite à un aléa important) en fonction du temps pour 2 systèmes villes (Réf : B. Quenault, 2014)
Cela s’explique car le degré de vulnérabilité dans les pays en voie de développement est très élevé : «Au total, 90 % des victimes et 75 % des dommages économiques résultant des désastres naturels surviennent dans les pays en développement et surtout dans leurs villes.»134. Car dans ces pays, on construit souvent sur des zones dangereuses, instables ou inondables.
133
Beucher S., Reghezza M., Les risques, coll. « Amphi géo, Bréal, Paris, 2005. JC. Thouret et R. D’ercole, Cah. Sci. Hum. 32 , Vulnérabilité aux risques naturels en milieu urbain : effets, facteurs et réponses sociales. p.409 134
69
Cela illustre le fait que le degré de vulnérabilité dépend des caractéristiques du système ainsi que du contexte urbain. B.Quenault explique que la différence de dommage constatée dépend en fait de la façon dont le système-ville aménage son territoire et que cela a un rapport direct avec le type d’urbanisation constaté dans les villes tels que «la typologie des lieux», «leur degré d’urbanisation en zone inondable», «des formes urbaines», «des types d’habitats», «la résistance des ouvrages de protection…»135. Différents composants agissent aussi sur le niveau de vulnérabilité (figure 41) :
Figure 41 : les interactions autour de la notion vulnérabilité
- l’aléa (plus il est intense, plus le système subira des dommages) - l’enjeu (plus il est important et plus la vulnérabilité sera élevée, il peut s’agir de vies humaines ou de biens matériels, du patrimoine, etc.) - la gestion (choix politiques, les méthodes de protection et de prévention de la ville qui permettront de répondre plus ou moins bien à un aléa extrême) - résilience du système (conscience du risque, capacité d’adaptation qui permet de résister à la catastrophe).
135
B.Quenault, La résurgence/convergence du triptyque «catastrophe-résilience-adaptation» pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques, 2014. P.7.
70
De façon courante, la vulnérabilité est présentée sous une tournure négative contrairement à la résilience qui a une connotation positive: la vulnérabilité répond à une faiblesse alors que la résilience représente un objectif à atteindre. Aider la ville de Bangkok à se rétablir reviendrait en fait à réduire sa vulnérabilité. Il s’agit alors d’améliorer les composants qui participent à la rendre vulnérable (gestion, usage, localisation, etc.). Augmenter la résilience reviendrait donc à diminuer la vulnérabilité, il est donc logique de conclure à une opposition des deux mots. Il existe cependant une forte relation entre eux.
2.3 - La vulnérabilité, une caractéristique potentiellement indispensable
Magali Reghezza évoque dans son ouvrage136 le fait, pour un système ville, d’être simultanément vulnérable et résilient.
Selon elle, une ville possède un potentiel
immense de par sa capacité d’endommagement (forte vulnérabilité) et de par sa force de résilience face aux chocs. La citation de L. J. Vale et T.J. Campanella explicite cela: «bien que les villes aient été détruites tout au long de l’histoire –mise à sac, ébranlées par
des
séismes,
brulées,
bombardées,
inondées,
affamées,
irradiées,
empoisonnées– elles se sont relevées de leurs cendres, à la manière du phénix, dans presque tous les cas.»137. Ainsi, elles peuvent être à la fois vulnérables et résilientes. Les deux mots entrent finalement dans une même logique puisque plus l’exposition au risque est forte, plus la ville sera vulnérable et son degré de résilience sera accru: «la concentration du capital humain, technique et financier favorise évidemment l’endommagement (la vulnérabilité biophysique), mais peut aussi permettre de dépasser la crise (donc la résilience)»138. La vulnérabilité met en avant les capacités
136
Magali Reghezza, Résiliences : sociétés et territoires face à l’incertitude, aux risques et aux catastrophes, 2015. 137 Traduction de Magali Reghezza, Résiliences : sociétés et territoires face à l’incertitude, aux risques et aux catastrophes, 2015. P50. 138 Magali Reghezza, Résiliences : sociétés et territoires face à l’incertitude, aux risques et aux catastrophes, 2015. P50.
71
réactives et créatives d’une ville. Finalement, les deux termes se complètent et ne peuvent se dissocier. Dans le monde entier, de nombreuses institutions tentent de lutter contre la vulnérabilité urbaine : «l’accent est ainsi mis de manière croissante sur les stratégies requises pour rendre les systèmes urbains simultanément moins vulnérables et plus résilients aux catastrophes d’origine climatique»139. Cependant, certains spécialistes insistent sur le fait que la vulnérabilité est nécessaire à une ville pour qu’elle continue à se développer, à faire évoluer des idées créatives et à augmenter son niveau de résilience. Cela s’illustre à Bangkok: la récurrence des inondations rencontrées ces dernières années prépare la ville à l’arrivée de catastrophes sans précédents. Le débordement du fleuve sur les terres peut constituer un facteur de résilience car la ville met ainsi en œuvre de nouveaux moyens de lutte. La fragilité d’un système est donc parfois essentielle à sa survie.
2.4 - La résilience, un synonyme de «moins vulnérable»
Il est nécessaire de réduire la vulnérabilité afin d’améliorer la gestion du risque qui ellemême passe par le concept de résilience140. La résilience d’une ville se joue sur un partenariat entre différents acteurs et à travers différentes échelles. Cependant en Thaïlande, et dans bien d’autres pays au monde, le problème se trouve dans la disparition de ces notions d’interactions entre acteurs et échelons du système. Pour ces différents acteurs, la notion de résilience a remplacé celle de vulnérabilité, constamment utilisée auparavant dans la réduction des risques. Selon B.Quenault, «si la résilience suscite aujourd’hui un tel engouement, c’est qu’elle apparaît d’emblée comme une notion positive dans son (…) association croissante à la notion d’adaptation»141. Le terme est ainsi considéré comme le «positif» de la vulnérabilité et est même devenu le synonyme de «moins vulnérable» (M. 139
B.Quenault, La résurgence/convergence du triptyque «catastrophe-résilience-adaptation» pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques, 2014. P.2. 140 JC. Thouret et R. D’ercole, Cah. Sci. Hum. 32 , Vulnérabilité aux risques naturels en milieu urbain : effets, facteurs et réponses sociales. p.420 141 B.Quenault, La résurgence/convergence du triptyque «catastrophe-résilience-adaptation» pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques, 2014. P.3.
72
Reghezza). Ainsi, il existe un lien fort entre le degré de résilience et celui de vulnérabilité. Pour conclure, rendre une ville résiliente reviendrait à la rendre moins vulnérable, «la mise en œuvre de mesures d’adaptation planifiées (proactives ou anticipatrices) participant d’une réelle transformation peut alors aider à diminuer les vulnérabilités»142. Une résilience accrue serait donc le reflet d’une vulnérabilité en baisse, et réciproquement. Le concept de résilience urbaine serait donc la clé pour réduire la vulnérabilité de zones exposées à un risque élevé.
2.5 – Les perspectives pour un futur incertain
En règle générale, lorsque la force du risque augmente, la vulnérabilité évolue en parallèle. Le climat actuel diffère du climat futur et les risques urbains devront ainsi être réévalués selon le nouveau contexte, «certains événements classés comme extrêmes aujourd’hui, compte tenu de leur intensité/fréquence (Décamps, 2007), pourraient être considérés comme relevant des conditions climatiques moyennes d’ici 2100»143.
Cela aura pour conséquence une nouvelle étude des degrés de
vulnérabilité, de résilience mais aussi de tolérance, aujourd’hui a priori considérés comme universels. La Figure 42 illustre ces différents caractères, on aperçoit nettement le seuil critique (plage de tolérance) qui se déplace et qui évolue à la hausse.
142
B.Quenault, La résurgence/convergence du triptyque «catastrophe-résilience-adaptation» pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques, 2014. P.7. 143 Ibid P.7.
73
Figure 42 : «Vulnérabilité, résilience et adaptation face à la variabilité et au changement climatiques (Source: B.Quenault144)
Le climat évolue de façon incertaine et les projections faites pour le futur ne sont pas sûres de se produire réellement. Il est donc difficile d’admettre une planification urbanistique universelle qui pourrait répondre aux dommages rencontrés dans le futur. Il est cependant nécessaire de mettre en avant cette notion primordiale de «résilience urbaine» afin de répondre du mieux possible à d’éventuelles catastrophes naturelles.
144
B.Quenault, La résurgence/convergence du triptyque «catastrophe-résilience-adaptation» pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques, 2014. P.7.
74
IV - Application de la résilience sur la ville de Bangkok Cette dernière partie consiste à mettre en évidence les différentes applications possible de ce concept de résilience urbaine. Nous verrons que la Thaïlande, et notamment sa capitale, met déjà en œuvre des moyens divers pour faire face aux crises hydrauliques : un véritable réseau d’acteurs est employé dans la gestion du risque ("Thailand's overall development strategy is segmented into national, regional, provincial and city/town, comunity levels"145), et de multiples mesures sont déjà mises en place pour tenter de palier aux risques d’inondations. Enfin, le volet révèlera comment la ville de Bangkok doit appliquer une démarche de résilience encore plus poussée pour réellement faire face à la crise.
1 - Les acteurs engagés dans la gestion du risque 1.1 - Acteurs mondiaux : une réelle interaction à l’échelle planétaire
Face à la situation catastrophique qui se joue actuellement sur chacun des continents, un important réseau est mis en place à l’échelle mondiale. En effet, les territoires tentent de mette en œuvre des solutions à l’échelle planétaire. Les principaux acteurs dans la réduction des risques portent leur attention sur les grandes métropoles, généralement localisées en zone côtière, comme Bangkok. On peut notamment parler de la Convention des Nations Unies sur le Changement Climatique (UNFCCC): le texte a été adopté au cours du Sommet de la Terre de Rio
145
KULLAVANIJAYA Tirawitr, Urban Planning policies in Thailande, 2012. Réf à : <http://www.ghbhomecenter.com/journal/fileupload/2002Apr10jC12jov.pdf>
75
de Janeiro en 1992. 154 États se sont mis d’accord en vue d’une première tentative onusienne afin de mieux comprendre le changement de climat et tenter d’y remédier. Vient ensuite le protocole de Kyoto en 1995. Il s’agit d’un accord international visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit de «réduire, entre 2008 et 2012, d'au moins 5 % par rapport au niveau de 1990 les émissions de six gaz à effet de serre: dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d'azote et trois substituts des chlorofluorocarbones». Plus récemment, l’objectif clairement définit est de rendre les territoires plus résilients. Cela s’est illustré à la conférence de Kobe au Japon en 2005, le but a été de «mettre en avant le concept de résilience au sein du Cadre d’action de Hyogo, "Building the resilience of nations and communities to disasters" (UNISDR, 2005) »146. Une réunion s’est tenue entre 168 pays et a abouti à un plan d’action sur 10ans afin d’aider les nations à devenir plus «résilientes». C’est aussi grâce à cette conférence que le terme «résilience» a été répandu à l’échelle mondiale. Les 5 priorités ont été les suivantes : «ériger la réduction des risques de catastrophes en priorité, l’adoption de normes de constructions résilientes, la limitation de l’exposition des établissements humains, la mise en place de plans d’urgences, la sensibilisation des populations»147. Les acteurs qui doivent intervenir sont l’Etat, les organisations régionales et internationales ainsi que les états membres des Nations Unies. La dernière action majeure mise en place est celle de la COP 21 : la vingt-et-unième session de la Conférence des Parties (COP) qui s’est tenue du 30 novembre au 12 décembre 2015 à Paris. Cette conférence a amené à l'adoption d'un accord historique pour lutter contre le changement climatique. Il est aussi question de tout faire pour mettre en place un avenir qui serait plus résilient et durable avec un but principal qui est de maintenir l’augmentation de la température mondiale en dessous de 2 degrés Celsius.
146
B.Quenault, La résurgence/convergence du triptyque «catastrophe-résilience-adaptation» pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques, 2014. P.2. 147 Jean-Jacques Terrin, Villes inondables : prévention, adaptation, résilience Cities and flooding, Edition Parenthèse, 2015. P211.
76
Figure 43 : Adoption de la Cop 21 le 14 décembre 2015 à Paris
Ainsi, de nombreux textes, plans, actions sont mis en place à l’échelle mondiale pour lutter contre les effets du changement climatique et ainsi renforcer la capacité des pays et des villes à faire face aux impacts climatiques de plus en plus nombreux et intenses.
1.2 - Une gestion nationale thaïlandaise à rayonnement international
Au niveau national, plusieurs instances exercent un important rôle. Tout d’abord, La Thaïlande a approuvé l’UNFCCC 1994 et le protocole de Kyoto en 2002. Dans la même optique que l’échelon mondial, il s’agit de «ralentir les émissions de gaz à effet de serre et de s’adapter aux impacts du changement climatique»148. Mais l’acteur majeur à l’échelon national face au changement climatique est l’Office
148
REGHEZZA-ZITT Magali, Résiliences: sociétés et territoires face à l’incertitude aux risques et aux catastrophes, ISTE Edition Ltd, 2015. p.93.
77
des Ressources naturelles et de la Planification des Politiques Environnementales (ONEP), constitué en 2004. Il y a aussi le DPT (Department of Public Works and Town and Country Planning) qui est une organisation chargée du développement urbain. Son rôle est de créer un bon environnement et une bonne qualité de vie pour les thaïlandais149. C’est l’une des instances principales au pouvoir. Nous retrouvons le Département de Prévention et d’Atténuation des Catastrophes (DDPM) qui gère principalement la gestion des catastrophes nationales en Thaïlande. Il exerce son pouvoir au côté du ministre de l’Intérieur à différents stades de la crise (avant, pendant et après). Il est chargé de récolter des informations sur les risques naturels pour prévenir les catastrophes, mettre en place les méthodes d’intervention lors de la crise150. Divers programmes sont ensuite rédigés en vue de réduire la vulnérabilité des zones exposées à un changement de climat en Asie du sud. Il y a par exemple «The Asian Urban Disaster Mitigation Program» (AUDMP) qui s’est terminé en 2003, ou encore le «Global Facility for Disaster Reduction and Recovery» (GFDRR) débuté en 2006. Il s’agit de travailler sur les bâtiments et les sociétés. Certains programmes tournés vers l’étude des métropoles face aux catastrophes ont été établis. Dans son ouvrage sur la résilience urbaine, REGHEZZA-ZITT Magali évoque par exemple une conférence d’experts ayant eu lieu en juillet
2009: la
UNESCAP - Commission Economique et Sociale pour l’Asie et le Pacifique des Nations Unies -. Le but a été d’étudier de nouvelles stratégies (de résilience) pour résister aux inondations. Elle a été l’une des rares réunions sur le sujet, car les études sur les villes ne sont pas courantes. Le problème est qu’aujourd’hui, les différents organismes existants en Asie du Sud Est semblent
surtout
se tourner vers le
développement d’agriculture adaptée au nouveau contexte climatique, vers la sensibilisation des populations rurales ou encore des communautés pauvres etc... Le
149
KULLAVANIJAYA Tirawitr, Urban Planning policies in Thailande, 2012. Réf à: <http://www.ghbhomecenter.com/journal/fileupload/2002Apr10jC12jov.pdf> 150 REGHEZZA-ZITT Magali, Résiliences: sociétés et territoires face à l’incertitude aux risques et aux catastrophes, ISTE Edition Ltd, 2015. p.95.
78
master plan national prévoit des actions qui ne concernent pas vraiment les zones urbaines.
Figure 44 : master plan : Bangkok et alentours
1.3 - Une organisation à l’échelle de Bangkok
Les autorités à l’échelle de la région de Bangkok sont compétentes à leurs échelons. Elles agissent en général pendant et après la catastrophe, en tant que réponse au danger. Comme vu précédemment, l'Administration métropolitaine de Bangkok (BMA) est le nom donné à l'administration locale de Bangkok. Lors de catastrophes naturelles majeures, comme les inondations, elle joue un rôle majeur dans la gestion de crise. Il peut s’agir de l’organisation des déchets, des habitations, des routes, de l’environnement, de la planification urbaine etc... La BMA travaille avec un grand 79
nombre d’organisations diverses pour rassembler des informations et pour la prise de décisions. Voici un tableau regroupant ces différents intervenants locaux.
Département
-Prédiction du temps.
météorologique
-Contrôle du statut et du mouvement de nuages entourant la BMA, la quantité et la gravité des pluies. -Connexion et échange de données sur les pluies par système de télémétrique.
Département
-Gestion de l'eau dans le Chao Phraya (incluant les plaines
d’irrigation
orientales et occidentales de région de la BMA). -Rapport des niveaux d'eau de Chao Phraya Rivière.
Département de la
- Prédiction du niveau d'eau dans le Chao
«Royal Navy»
d’inondation.
Autorité
- Installation des de l’électricité pour les stations de pompage en
Métropolitaine
cas d'événements extrêmes.
d’électricité
- Entretien et réparation des stations de pompage en cas de
Phraya en cas
panne d'électrique.
Groupe Électricité ;
-Analyse la quantité d'eau qui s’écoule et des niveaux d'eau des
Autorité de
Barrages Bhumipol et Sirikit.
Thaïlande
Police
- Contrôle la situation pour empêcher ou arrêter n'importe qu’elles activités qui peuvent s'immiscer ou entraver les travaux en cours pendant la crise. - Gère les problèmes de trafic pendant l’inondation et informe la population des endroits où l'inondation a lieu.
Divers
agences liées à l'eau, collectivités, syndicats…
Figure 45 : Intervenants locaux (Source : Activities of Concerned Agencies in Cooperation with BMA for Flood prevention and during the Flood Events, IDS, August 2007. P12)
Le problème qui règne principalement à Bangkok est que les mesures prises ne concernent pas les aménagements urbains, «Much of Thailand's early development was done without a formal blueprint or so called land use master plan. Consequently,
80
urban and industrial developments have encroached into agricultural and natural areas»151.
1.4 - Une interaction fondamentale des différentes échelles
Différents organismes de lutte contre les catastrophes climatiques existent donc en Thaïlande. Afin de réduire les risques urbains amplifiés depuis ces dernières années, il est nécessaire de trouver des solutions afin de gérer les inondations. Pour ce faire, il est primordial d’agir de façon collective, et tenter de comprendre les erreurs passées. «(…) une importante coordination entre les autorités municipales, les gouvernements nationaux, les ministères, les entreprises publiques, y compris les compagnies de distribution d’eau et d’électricité, les services météorologiques, les instituts de planification, la société civile, les organisations non gouvernementales, les établissements d’éducation et de recherche et le secteur privé.»152 Plus loin encore, pour tenter de répondre à des objectifs mondiaux, telle que la diminution du taux de CO2 dans l’atmosphère, il est nécessaire d'agir de façon collective. Il est aussi nécessaire que les différentes échelles n’élaborent pas des plans contradictoires: l’échelle régionale ne doit pas mettre en avant des mesures rejetées de façon nationale par exemple. Les stratégies programmées doivent tenir compte du degré d’incertitude imposé par le changement climatique: «De plus, les politiques d’urbanisme et d’action climatique
151
KULLAVANIJAYA Tirawitr, Urban Planning policies in Thailande, 2012. P67. Réf à: <http://www.ghbhomecenter.com/journal/fileupload/2002Apr10jC12jov.pdf> 152 Abhas K., Robin B., Jessica L. (2012). Villes et inondations Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle. p.35. Repéré à : http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf
81
doivent tenir compte de l’incertitude qui caractérise les prévisions du risque futur de crue et d’inondation. L’indécision trouve souvent son origine dans ces incertitudes.»153
2 - Les mesures appliquées dans la ville
Différentes méthodes sont utilisées pour gérer les inondations: des méthodes dites «structurelles» qui visent à «réduire le risque d'inondation par la maîtrise des eaux dans les agglomérations urbaines et alentours»154. D'autres méthodes, appelées «non structurelles», tentent «d’assurer la sécurité des personnes en cas d'inondation en planifiant est en gérant au mieux le développement urbain.»155
2.1- Des mesures structurelles
De par la topographie plane de Bangkok, le problème de l’évacuation de l’eau se pose rapidement. Ainsi, pour pallier aux inondations de plus en plus intenses que rencontre la ville depuis ces dernières années, la BMA a mis en place des mesures structurelles. Elles peuvent comprendre des dispositifs anti crue, des canaux de drainage, des structures naturelles et pérennes (zones humides et barrières naturelles par exemple), etc.
153
Abhas K., Robin B., Jessica L. (2012). Villes et inondations Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle. p.36. Repéré à : http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf 154 Ibid p.28. 155 Ibid p.28.
82
-
Des
systèmes
de
digues,
des
canaux
d’évacuation et des stations de pompage dans les quartiers centraux, et plus récemment en périphérie.
- La construction de la principale digue à Bangkok, la «Digue du Roi». Il s’agit d’un mur de prévention d'inondation de 75 km de long qui traverse la rive droite du nord au sud, et qui se poursuit vers l’ouest. Celle-ci a été construite après les inondations de 1983 pour protéger la ville des inondations de plaine récurrentes.
- Des murets de protection -parapets- sont construits le long de la Chao Phraya. Ceux-ci ont été exhaussés le long de la rive gauche même si une partie demeure à l’état initial (non surélevée).
- La présence d’importants tunnels de drainage, la construction d'étangs et de puits pour les bassins de rétention provisoire.
83
- Des structures de contrôles des inondations, les «Watergates» - barrières qui retiennent l’eau- ont été conçues à des emplacements divers dans la ville pour empêcher le phénomène, mais lorsque la ville est inondée, l’eau réussit à passer audessus des Watergates.
Le système de canaux est le plus développé à l’est. Contrairement à la rive droite, plus aucun canal n’est creusé depuis 1895 en rive gauche, mais les trois canaux concentriques et un grand canal est-ouest (khlong Maya Sawat) subsistent encore aujourd’hui. Lors d’inondation, l’eau arrive majoritairement du nord, et coule en direction au sud. L’évacuation d’importantes quantités d’eaux se fait dans les deux rives grâce aux systèmes de khlongs: des quartiers centraux jusqu’à l’extérieur de la ville, ou directement vers le golfe de la Thaïlande au sud. La carte ci-après met en évidence les principaux dispositifs que l’on retrouve à Bangkok.
84
Figure 46 : Analyse des dispositifs hydrauliques à Bangkok. 2011. (Source: carte «Site d’urbanisation
de Bangkok et infrastructures hydrauliques en 2011» 156 et blog thaïlandais157)
156
PIERDET Céline, La résilience comparée de Phnom Penh et Bangkok face aux crises hydrauliques, 2012. p90
157
Blog sur les risques d’inondations en Thaïlande. Réf à : < http://www.thaitravelblogs.com/2011/10/map-offlood-risk-areas-in-bangkok/>
85
La ville de Bangkok possède un système de protection très complexe: «des digues, 2000 km de canaux dont trois principaux semi-concentriques et deux en radiales, 200 écluses et 158 stations de pompage (…), 7 vastes canalisations souterraines qui dévient, stockent, conservent, distribuent et évacuent quotidiennement les eaux. Il existe 60 points de contrôle»158. Les systèmes de contrôle permettent de contrôler en permanence les données élémentaires lors d’inondation, tel que le niveau d’eau dans la Chao Phraya ou les niveaux d’inondations dans les différents quartiers, etc. Pour une compréhension globale, voici une illustration détaillée de l’ensemble du système de protection de la BMA :
Figure 47 : Ensemble du système de protection contre les inondations à Bangkok
(Source: Bangkok Metropolitain Administration 159)
158
Article: «Bangkok : autopsie du stade ultime de l’urbanisme capitaliste», 9 janvier 2014. <http://voyager-enthailande.com/bangkok-autopsie-du-stade-ultime-de-lurbanisme-capitaliste/ 159 Carte tirée du blog sur les risques d’inondations en Thaïlande. Réf à : < http://www.thaitravelblogs.com/2011/10/map-of-flood-risk-areas-in-bangkok/>
86
2.2 - Des mesures non structurelles
Les méthodes structurelles procurent de nombreux avantages. Elles gèrent le problème à l'avance pour tenter de minimiser les impacts. Cependant, selon le rapport d’expertise de 2012 intitulé «Villes et Inondations», elles sont considérées comme insuffisantes car elles ne permettent que de déplacer le risque à un nouvel endroit, et non de le faire disparaître: «Toutefois, compte tenu de l’accélération de l’urbanisation comme du changement climatique, il faut probablement privilégier les solutions non structurelles, progressives et plus adaptables, et cesser de se fier à l’excès sur des moyens strictement technologiques, comme c’est souvent le cas aujourd’hui.»160 La BMA, et notamment le Royal Irrigation Department ont mis en œuvre des mesures qui vont au-delà des mesures technologiques couramment utilisées. Il s’agit de solutions non structurelles qui sont définies comme des systèmes d'alerte précoces et qui ne possèdent pas de coût élevé. Selon le même rapport de 2012, 4 typologies de méthodes non structurelles existent161 :
- «Planification et gestion des situations d’urgence» Comme par exemple la modification du plan d’urbanisme afin d’interdire complètement la construction de hauts immeubles sur des sols instables. Le plan actuel a été mis en place le 15 mai 2013 et met en avant des orientations bien précises. Une d’entre elles prévoit déjà la limitation des hauteurs du bâti: «La réduction de la densité dans le centre-ville en limitant la hauteur et la constructibilité des nouvelles constructions par l’instauration de normes plus strictes.»162. C’est une mesure importante dans le plan actuel, mais elle n’est que peu exécutée par les politiques, et de ce fait, les hauts buildings se construisent encore régulièrement.
160
Abhas K., Robin B., Jessica L. (2012). Villes et inondations Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle. p.28. Repéré à : <http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf> 161 Ibid p.29. 162 Blog: Bangkok, le Nouveau Plan d’urbanisme, 24 Juil 2014, Réf à : <http://immobilier-enthailande.com/bangkok-nouveau-plan-durbanisme-pousse-marche-vers-haut/40/>
87
Ce plan devra prendre fin prochainement avec un nouveau plan d’urbanisme qui amènera la ville à être plus écologique et durable, avec des projets d’aménagements «verts»163.
- «Intensification de la préparation au moyen de campagnes de sensibilisation» Il s’agit ici de faire plus de publicité et de campagnes de sensibilisation afin d’informer et de préparer au mieux la population, pour une meilleure gestion en cas de crise.
- «Prévention des crues et inondations par l’aménagement du territoire» L’un des enjeux majeurs à Bangkok est l’affaissement de la ville dû à l’instabilité des sols. Il est question de mettre en place de mesures telles que la réduction du pompage dans les nappes phréatiques, notamment l’interdiction de puits sur les sites desservis par le réseau public. Selon Abhas K., «Une gestion avisée des eaux souterraines contribue à prévenir l’affaissement des sols, ce qui atténue le risque d’inondation en plaine et protège les bâtiments et les infrastructures des risques d’écroulement dus à l’affaissement des sols, comme cela a été tenté à Bangkok.»164 Il peut aussi s’agir de moyens telle que la délocalisation des infrastructures vers des zones plus stables ou d’éviter l’urbanisation des réserves agricoles à l’est et à l’ouest dans lesquelles sont déchargé une partie de l’eau.
- «Accélération du relèvement, une période mise à profit pour développer la résilience et améliorer la conception et la construction des bâtiments» Il s’agit d’améliorer la phase de reconstruction post catastrophe, mais aussi renforcer la solidité du bâti avant que la crise ne survienne. Une meilleure organisation et gestion
163
Blog immobilier en ligne. Réf à : <https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=7&ved=0ahUKEwjxgd2dlZ3PAhWkDcA KHY_XBbIQFghDMAY&url=http%3A%2F%2Fphuketimmo.com%2Ffr2%2Fun-nouveau-plan-durbanisme-pourun-bangkok-plus-vert%2F&usg=AFQjCNEJbENWjJrEpHm44o7IuA8klVMPQ&sig2=JUsGE45BzmFoB2usoCU29A&bvm=bv.133178914,d.ZGg&cad=rja> 164 Abhas K., Robin B., Jessica L. (2012). Villes et inondations Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle. p.32. Repéré à : http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf
88
du risque est de mise. Les anciennes lois prévoyaient surtout des projets en vue de l’amélioration économique du pays, de nouvelles lois ont été votées à partir de 1992 pour la mise en place de projets plus «durables», notamment en ce qui concerne le fleuve et ses alentours.165.
2.3 - Inefficacité des méthodes employées
Il est important d’employer des mesures de gestion des inondations. Cependant, les moyens utilisés ont souvent leur limite : la méthode non structurelle n'est pas radicale et ne permet que de réduire au maximum les dommages tandis que la méthode structurelle, très employée pour réduire les effets du changement climatique, ne fait que déplacer le problème. Par exemple, la réduction du pompage dans les nappes phréatiques n’est pas satisfaisante puisque les entreprises continuent à creuser des puits et à puiser massivement dans les nappes souterraines. PIERDET Céline énonce le résultat d’une étude faite par L’Asian Institute of Technology sur le processus de pompage: «Un Groundwater Act est voté en 1977 pour freiner le forage de nouveaux puits. En 1990, (…), 1,2 à 1,4 million de m3 d’eau/jour sont extraits de 9 000 puits dans la BMR.»166 Ce chiffre est toujours trop important pour percevoir une réelle amélioration. De plus, au-delà de la dégradation de l’état du sol, le processus de pompage a des conséquences sévères sur les constructions et sur l’état des aquifères. Pour ce qui est du système de gestion des eaux, le géographe M. Bruneau souligne que la capitale thaïlandaise «est menacée par les inondations annuelles (octobrenovembre) , dont elle n’a été partiellement protégée que très récemment par un système de digues»167. Les systèmes d’endiguements ont donc été installés assez tardivement. Aussi, en période de grande marée, l’eau pénètre dans la ville à travers le système de canaux et cela contribue à accentuer les inondations. En effet, le système, trop étroit, fait difficilement face à de fortes remontées d’eaux et aggravent
165
Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine, Bangkok, Métropole fluviale, 2008. (Synthèse et recommandations). p.16. Réf à : http://www.ateliers.org/IMG/pdf/5_synthesis_fr_en_may2009_0.pdf 166 PIERDET Céline, La résilience comparée de Phnom Penh et Bangkok face aux crises hydrauliques, 2012. p.88. 167 Ibid. p.89.
89
même les inondations dans certains quartiers. Même la Digue du Roi n’est pas capable de résister à des inondations intenses. Les stations de pompage sont aussi souvent tombées en panne sous la pression de l’eau. Ainsi, selon M. Adri Verwey168, les pays vulnérables aux inondations doivent être mieux préparés : «Je suis impressionné par la vitesse à laquelle les sacs de sable ont été entassés et la vitesse à laquelle s’est faite la distribution de nourriture et d’eau, mais on ne peut pas toujours résoudre les problèmes avec des sacs de sable… Il est choquant de voir combien les gens étaient peu préparés à l’inondation.». Bien qu’ils aient été construits pour rediriger le flux de l’eau, la construction de routes et de chemins de fer qui s’est faite pendant la période de forte urbanisation provoque l’arrêt de l’écoulement naturel des eaux. Pour finir, afin de pallier au problème d’affaissement, certaines grosses industries se sont délocalisées à l’extérieur de la province, ce qui a provoqué un début d’enfoncement des provinces alentours dans lesquelles l’alimentation en eau provient exclusivement des puits.
Ainsi, des orientations sont prises et semblent positives mais ne répondent pas réellement aux enjeux de la ville de Bangkok. Globalement, les mesures employées dans la ville sont inefficaces car elles ne sont pas adaptées à la situation.
2.4 - Une interférence nécessaire
De façon générale, la vulnérabilité reste accrue dans les pays en voie de développement. Les politiques tentent d’appliquer des mesures mais le manque de ressources ne permet pas d’atteindre un niveau de protection suffisant. Dans son article sur les changements climatiques au Bangladesh, Qazi Kholiquzzaman Ahmad -directeur général du Bangladesh- cite que «les gouvernements n’ont pas les moyens
168
Adri Verwey, expert en inondations urbaines à « Deltares », un groupe d’experts hollandais spécialisé dans la gestion de l’eau.
90
de mettre en place des mécanismes de réponse susceptibles de minimiser l’impact des catastrophes naturelles, ou encore de faire face à leurs conséquences.»169 Il en est de même pour Bangkok dans laquelle les inondations sont des phénomènes récurrents. Comme vu précédemment, la ville possède un nombre impressionnant de dispositifs hydrauliques qui ne répondent pas aux besoins de l’urbanisation accélérée faite depuis les années 1980. Selon le reportage fait sur irinnews, la part de citadins a augmenté de 10,5 millions entre 1985 et 2010170. Face à l’ampleur de la tâche, les gouvernements ne parviennent pas toujours à prévenir la catastrophe. Des barrages de fortune sont souvent créés dans l’urgence faute de moyens plus fiables: il arrive même que des sacs de sable soient superposés les uns sur les autres pour contenir l’eau (Figure 48). Bangkok continue à privilégier des solutions de résistance plutôt des solutions qui permettraient de résoudre les problèmes à long terme. Au lieu de prévenir et définir par avance les risques, le pays met en place des plans d’urgence face au danger immédiat.
Figure 48 : Les habitants de Bangkok remplissent des sacs de sable pour contenir la montée des eaux.
Photo: AFP /PORNCHAI KITTIWONGSAKUL
169
AHMAD Qazi Kholiquzzaman, Changement climatique, inondations et gestion des crues : le cas du Bangladesh, Hérodote, n° 121, La Découverte, 2e trimestre 2006. 170 Chiffres du rapport de l’ONU. M. Verwey, Comment bâtir une ville qui résiste aux inondations, irinnews, novembre 2011.
91
Afin d’atteindre un niveau d'efficacité maximum, les méthodes de gestion des inondations doivent être exercées de façon étendue. Les mesures structurelles et non structurelles doivent fonctionner en parallèle, voir se confronter. Cette méthode «globale» sert à gérer au mieux le risque, de le maîtriser et de le traiter sous tous ses aspects. Ainsi, dans le rapport de 2012 «Villes et inondations Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle», les auteurs concluent que: «Maîtriser le risque d’inondation actuel et formuler des plans pour l’avenir en fonction de son évolution suppose de trouver un équilibre entre des mesures de simple bon sens, qui visent à minimiser les dégâts par un aménagement urbain avisé et un bon entretien des ouvrages anti-crues, et des approches clairvoyantes qui anticipent le risque futur, prévoient la construction de nouveaux dispositifs de protection, ou remodèlent intégralement le paysage urbain »171
Le rôle des décideurs politiques face aux crises hydrauliques est aussi clairement explicité par de nombreux experts: Pour commencer, dans son rapport sur les risques d’inondations en zones urbaines, Abhas K. dénonce l’importance des actes politiques sur le contexte futur: «l’incidence de la croissance urbaine future sur le risque de crue et d’inondation sera fonction des politiques publiques (…) et exiger la mise en place de mesures adaptées de planification et de conception urbaine.»172. Il en est de même pour Vinet Freddy géographie et professeur à l’université Université Paul Valéry, Montpellier-. Dans son ouvrage «Le risque inondation, Diagnostic et gestion», celui-ci parle clairement du rôle majeur que tient le pouvoir politique sur le devenir des sociétés face aux crises qu’elles rencontrent: «Les choix des sociétés face au risque d’inondation renvoient à des questions éminemment politiques, à des questions géographiques d’aménagement et de développement des territoires. (…) reste l’impression que les politiques
171
Abhas K., Robin B., Jessica L. (2012). Villes et inondations Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle. p.21. Repéré à : http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf 172 Ibid. p.25. Repéré à : http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf
92
successives de gestion des risques ont échoué ou au mieux n’obtiennent pas d’effet réducteur de risque à la hauteur des moyens investis»173
Un point essentiel, et certainement primordial pour la ville serait de redéfinir clairement ces priorités, et ne pas se contenter d’affronter la crise lorsqu’elle se produit. D’après André Dauphiné174 -docteur en climatologie et professeur à l'université de Nice, le renforcement de sa capacité de résilience est crucial : la résilience du territoire doit être accrue.
3 - Vers une démarche de résilience plus poussée pour faire face à la crise La Thaïlande tente de mettre en place des planifications innovantes face aux catastrophes naturelles. Jusqu’à aujourd’hui, les politiques ont du mal à mettre en place
des solutions qui pourraient désengorger le problème. Ce volet a pour but de montrer les possibilités que la ville de Bangkok pourrait déployer afin de perdurer. Cela passe par l’augmentation de l’application de la résilience urbaine, notamment via le rôle de l’architecte et de l’urbaniste.
3.1 - Dispositifs d’adaptations bravant les aléas climatiques.
Il est nécessaire de penser à la réduction de la vulnérabilité des sociétés, au-delà des méthodes courantes employées. Il est maintenant indispensable d'aborder la question de la prévention des risques et de la gestion des catastrophes. Pour se faire, des spécialistes sur le climat et les méthodes d’adaptations des villes face aux catastrophes d’inondations ont défini certains points prioritaires à mettre en avant pour
173
Vinet Freddy, (2010). – Le risque inondation. Diagnostic et gestion, Éditions Tec & Doc Lavoisier, coll. «Science du Risque et du Danger (SRD)» (article web) p.74-76. https://norois.revues.org/3575#text 174 DAUPHINE André, «La résilience: un concept pour la gestion des risques», Annales de Géographie (n° 654), Armand Colin (éditeur), 2007. p 115 à 124 Réf à : <http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=AG_654_0115&DocId=43783&hits=4773+4771+4769+4768+4 766+236+230+229+224+222+9+7+5+4+2+>
93
tenter de désengorger le problème. Des dispositifs prioritaires ont été mis en avant pour la ville de Bangkok afin de mettre en place un niveau de résilience plus élevé.
3.1.1 - Fonder une ligne directrice efficace
Plan directeur : Un problème organisationnel persiste dans la ville de Bangkok, et dans le pays de façon général. Face à l’amplification de catastrophes naturelles, les mesures postcrise doivent être mises en avant. B.Quenault
nous explique que «lorsque des
mesures d’adaptation sont envisagées, c’est le plus souvent dans l’urgence, en réponse à des catastrophes liées aux aléas climatiques, plutôt que suivant une planification anticipée, raisonnée et négociée avec les acteurs locaux (habitants et élus) pour définir démocratiquement le niveau de risque acceptable.»175. En Thaïlande, il est d’abord nécessaire de mettre en place un véritable schéma directeur, qui permettra une cohésion et une coopération optimale des différents services de gestions de crise. «Cet objectif requiert un plan de gestion intégrale a priori, qui coordonne les actions des communautés exposées et celles des services techniques, scientifiques, ainsi que des décideurs à l’échelle d’une ville, voire d’une région.»176. Ce plan aura pour principe de donner les intentions de développement du territoire et les objectifs à mettre en avant. Selon Adri Verwey expert en inondations urbaines-, «les villes doivent décider le niveau de sécurité voulu et choisir les zones qui ont le plus besoin de protection»177. Cela s’est traduit à Bangkok lors de l’inondation de 2011 lorsque les responsables ont choisi de protéger le centre-ville au détriment du reste de la ville : protéger la région du centre est primordiale mais cela ne devrait pas porter préjudice à la périphérie. Pour exemple, la ville de Rotterdam, particulièrement exposée à des pluies torrentielles, a mis en place aujourd’hui un grand programme d’adaptation face au
175
B.Quenault, La résurgence/convergence du triptyque «catastrophe-résilience-adaptation» pour (re)penser la « fabrique urbaine » face aux risques climatiques, 2014. P.18. 176 JC. Thouret et R. D’ercole, Cah. Sci. Hum. 32 , Vulnérabilité aux risques naturels en milieu urbain : effets, facteurs et réponses sociales. p.420 177 Article: How to Build a flood-resilient city - humanitarian news and analysis- IRIN news.org, 2011.
94
réchauffement climatique. Le but final est de «devenir une cité à l’épreuve du changement climatique d’ici 2050»178 avec des projets tels que le Benthemplein, un espace public permettant de stoker l’eau en cas d’inondation (Figure 49) :
Figure 49 : Benthemplein, Rotterdam's first full-scale water square (Source: Holland News)
JC. Thouret nous permet de conclure
en
affirmant
«qu’une planification urbaine de
prévention
engendre
inévitablement
une
diminution de la vulnérabilité, se
traduisant
par
des
méthodes d’atténuations des effets des aléas naturels et par
le
mesures
renforcement individuelles
des et
collectives»179.
178
Jean-Jacques Terrin, Villes inondables : prévention, adaptation, résilience Cities and flooding, Edition Parenthèse, 2015. P37. 179 JC. Thouret et R. D’ercole, Cah. Sci. Hum. 32 , Vulnérabilité aux risques naturels en milieu urbain : effets, facteurs et réponses sociales. p.420
95
3.1.2 - Améliorer les aménagements hydrauliques
Un autre aspect à renfoncer est l’amélioration des aménagements hydrauliques. Le principe consiste à créer plus de bassins de rétention ou des systèmes qui pourraient retenir l'eau en période de mousson. Selon Takeya Kimio180, il s’agit de «stocker» l’eau puis de la «détourner», c’est-à-dire faire écouler l’eau de façon optimale jusqu’au golf de la Thaïlande181. Certains chercheurs proposent par exemple des projets tels que les "Water retention gardens", c'est-à-dire des jardins (collectifs ou individuels) qui permettent de stocker l'eau lors d'inondations. Il y a aussi des projets souterrains qui sont proposés tels des systèmes de canaux qui redirigeraient l’eau vers des périphéries non peuplés ou directement vers la mer. Une autre solution à envisager serait de préserver les ressources en eaux en diminuant le pompage dans les nappes souterraines. Par exemple, mettre en place des interdictions sur certaines parties du territoire qui seraient plus vulnérables, ou des restrictions pour certaines entreprises fortement consommatrices. Celles-ci devraient aussi être davantage impliquées dans la gestion des inondations en choisissant un bon emplacement pour leur implantation par exemple.
3.2 - Rôle de l’architecte et de l’urbaniste
180 181
Conseiller, invité auprès de l’Agence japonaise de coopération internationale de Bangkok (JICA). Article: How to Build a flood-resilient city - humanitarian news and analysis- IRIN news.org, 2011.
96
Il est nécessaire d’organiser le milieu urbain afin d’obtenir une gestion du risque optimale, c’est ce que nous confirme Abhas K.: «Dans les pays en développement en particulier, il est essentiel de mieux planifier les nouvelles zones urbaines pour se prémunir contre l’aggravation prévue des dommages causés par les inondations.»182 Il est par exemple logique de ne pas étendre les nouvelles constructions sur des territoires non constructibles, en zones inondables par exemple. C’est cependant ce qui se fait couramment dans la ville de Bangkok où l’urbanisation se fait en zone inondable, faute de territoire approprié à proximité du centre-ville ou pour atteindre des objectifs de densité. Il en revient donc au rôle de l’architecte et de l’urbaniste d’intervenir sur la ville pour qu’elle retrouve un second souffle en mettant en place des techniques architecturales et urbanistiques plus adaptées.
3.2.1 - Un point primordial: redéfinir le rôle du fleuve
Il a été précédemment conclu que le système urbain devait
évoluer.
Selon
différents
experts,
cette
évolution passe essentiellement par la gestion du fleuve Chao Praya: «les autorités locales placent la «régénération du Chao Praya» au cœur de la stratégie urbaine afin de lui redonner un rôle central.»183. Il est question de ne plus considérer le fleuve comme un élément négatif mais de l'intégrer à la ville. Il s’agit en quelque sorte de «vivre avec l’eau plutôt que la combattre»184.
182
Abhas K., Robin B., Jessica L. (2012). Villes et inondations Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle. p.31. Repéré à : http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf 183 Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine, Bangkok, Métropole fluviale, 2008. (Synthèse et recommandations). p.4. 184 ARTE France (producteur), Marie Mandy (réalisatrice), Nicolas Koutsikas (auteur). (2015). Inondations : Une menace planétaire [Film documentaire]. France.
97
Le fleuve a toujours représenté un axe majeur de développement pour la capitale. A l’époque, il représentait la principale artère de la ville et il constituait le principal lieu de passage. A cause d'une urbanisation rapide, sa présence et sa fonction se sont déclinées. Aujourd’hui on ne trouve pas de berges et les accès se font à la perpendiculaire. Il y a un réel manque d’aménagement piéton. Hors, le fleuve devrait continuer à jouer un rôle majeur dans l’évolution de la ville. Dans leur dossier synthèse sur le thème de «Bangkok,
Métropole
spécialistes
fluviale»
(urbanistes,
divers
géographes,
architectes..) montrent que, «l'articulation du fleuve sur la ville nécessite de repenser l'orientation des voies, l'épaisseur de la bande bâtie côtière, et le positionnement des espaces de séjour: parcs, terrasses, places belvédères.»185. Il s’agit ainsi de faire un travail à la fois sur le fleuve et les bâtiments alentours. Cela passe par exemple par l’aménagement de nouvelles branches,
l’allongement
des
canaux
existants ou la mise en place des «boulevards fluviaux» remplaçants les axes routiers. Figure 50 : Projections des nouvelles branches du fleuve 186
Ainsi, «La relation entre les lieux de vie, les nouveaux habitats, les espaces de la mobilité retrouveraient leur rapport à l’eau.»187.
185
Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine, Bangkok, Métropole fluviale, 15/02/08. p.8 Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine, Bangkok, Métropole fluviale, 2008. (Synthèse et recommandations). p.30. 187 Ibid. p.27. Réf à : http://www.ateliers.org/IMG/pdf/5_synthesis_fr_en_may2009_0.pdf 186
98
Outre l’aspect positif face aux inondations (réduction des débordements), cela permettrait une meilleure gestion du transport qui deviendrait en partie fluviale, et apporterait une meilleure qualité de vie.
Quelques urbanistes prévoient même un second fleuve, parallèle au Chao Praya: «une nouvelle artère fluviale pourrait irriguer les nouveaux quartiers Ouest de Bangkok. Outre sa capacité à absorber et retenir de grandes quantités d’eau, les berges seraient bordées par des constructions qui bénéficieraient
de
cet
environnement
privilégié.»188. Figure 51 : Projection du second fleuve189
3.2.2 – Relocaliser le bâti
Le développement urbanistique de Bangkok n’est pas idéal, il figure même parmi les pires au monde. Il est primordial de trouver une solution appropriée pour épargner les vies humaines. Il existe différentes méthodes pour lutter contre les inondations, dépendant de la spécificité de chaque quartier. Par exemple, les anciens bâtiments importants peuvent être protégés de l'eau qui arrive par le principe du Wet-proofing (protection grâce au passage de l’eau) qui consiste à «faire passer l’eau et utiliser des matériaux de
188
Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine, Bangkok, Métropole fluviale, 2008. (Synthèse et recommandations). p.28. 189 Ibid
99
construction qui minimise les dégâts sur les matériaux et les équipements» 190. Il y a aussi la stratégie du Dry-proofing (blocage de l’eau) qui «protège les niveaux en rezde-chaussée en installant des murs temporaires qui empêchent l’eau de pénétrer dans les bâtiments»191. Il est aussi possible de relocaliser les bâtiments ou construire sur des territoires à risque moins élevés. En effet, selon JC. Thouret et R. D’ercole, en ce qui concerne Bangkok, il est nécessaire «changer le mode d’occupation du sol (…): délocaliser les populations menacées et les reloger sur des terrains constructibles et présumés sans danger»192. Il s’agirait donc ici de revoir toute l’organisation de la ville et de la réorganiser de façon à ce que l’eau n’atteigne pas les territoires urbains. Aussi, d’après Anisur Rahman- spécialiste de l’aménagement du territoire au Centre asiatique pour la prévention des catastrophes à Bangkok-, «au lieu de permettre l’installation de nouveaux commerces et usines dans Bangkok et dans sa banlieue, les investissements futurs devraient être transférés vers des zones moins développées, mais situées à une altitude plus élevée»193. Dans l’idéal, il s’agirait de relocaliser les infrastructures sur des zones surélevées et éloignées du fleuve. Il est aussi possible d’étudier des questions telles que le rehaussement des nouvelles constructions au-dessus du niveau actuel, comme ce qui se fait sur certains nouveaux projets à Rotterdam: «relever les ilots constructibles à plus de 4m au-dessus du niveau de la mer»194. D’autres projets sont imaginés afin de bâtir sur des hauteurs comme celui des habitats sur des dunes au Pays-Bas: les dunes permettent de stopper l’eau, et créent un paysage attractif (Figure 52).
190
Jean-Jacques Terrin, Villes inondables : prévention, adaptation, résilience Cities and flooding, Edition Parenthèse, 2015. P51. 191 Ibid. P51. 192 JC. Thouret et R. D’ercole, Cah. Sci. Hum. 32 , Vulnérabilité aux risques naturels en milieu urbain : effets, facteurs et réponses sociales. p.417 193 Reportage «Comment bâtir une ville qui résiste aux inondations», 2011. 194 Jean-Jacques Terrin, Villes inondables : prévention, adaptation, résilience Cities and flooding, Edition Parenthèse, 2015. P41.
100
Figure 52 : Dune de loisir. Pays Bas. (Source : Jean-Jacques Terrin195)
3.2.3 - Revitaliser la ville
Un des soucis majeurs à Bangkok est la déforestation intensive. Celle-ci accroît le risque d’inondation car certains espaces naturels avaient auparavant la capacité de «retenir l’eau» en permettant une meilleure infiltration naturelle dans les sols : «Les zones humides, les boucliers naturels, les zones tampons et les mesures de végétalisation urbaine ont des effets bénéfiques sur l’environnement et la santé des villes, et contribuent à réduire le risque d’inondation.»196.
195
Jean-Jacques Terrin, Villes inondables : prévention, adaptation, résilience Cities and flooding, Edition Parenthèse, 2015. P66. 196 Abhas K., Robin B., Jessica L. (2012). Villes et inondations Guide de gestion intégré du risque d’inondation en zone urbaine pour le XXIe siècle. p.32. Repéré à : http://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.org/files/French_Cities_and_Flooding_Summary_for_policymakers.pdf
101
L’accent sur la re-végétalisation et la reforestation est à mettre en avant.
Plus globalement, cela
contribuerait à réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère et ainsi agir sur le changement climatique, qui lui-même accentue les aléas naturels. Il existe des installations «vertes» comme par exemple le projet du parc écologique composé de saules qui serait inondé en cas de crue (Figure 53). La végétation permettra de contenir l'eau lors d’inondations et de stopper les vagues. Figure 53 : Green space adaptation measures for the N/S compartmentalisation dyke.
Pays-Bas (Source : Jean-Jacques Terrin197)
Il peut aussi s’agir de concevoir moins d'espaces goudronnés en privilégiant
la
création de zones vertes ou de véritables axes verts dans la ville 198. Rotterdam est un exemple concret puisqu’en cas de fortes pluies, la sur-urbanisation et l’excès d’espaces minéraux provoquent la remontée des eaux usées sur le sol des espaces publics ou dans les canaux199. A Bangkok, il est aussi important de faire en sorte que les berges deviennent un atout touristique et environnemental. Il faudrait les rendre attractif en les réaménageant des pontons par exemple, en créant des balades près de l’eau ou en les végétalisant. Il s’agit de créer une nouvelle centralité dans la ville.
197
Jean-Jacques Terrin, Villes inondables : prévention, adaptation, résilience Cities and flooding, Edition Parenthèse, 2015. P74. 198 Atelier Internationale de Maitrise d’œuvre urbaine, Bangkok, Métropole fluviale, 2008. (Synthèse et recommandations). p.57. Réf à : http://www.ateliers.org/IMG/pdf/5_synthesis_fr_en_may2009_0.pdf 199 Jean-Jacques Terrin, Villes inondables : prévention, adaptation, résilience Cities and flooding, Edition Parenthèse, 2015. P36.
102
3.2.4 - Créer des habitats inondables -Deux exemples
de
projets:
«Les
maisons
amphibies» et «le projet Wetropolis»
La gestion du territoire passe aussi par la création de lieux intelligents dans la ville. Des bâtiments qui se transformeraient en lieux de survies en cas d’inondation et qui retrouveraient un usage «habituel» en période normal. Il s’agit de penser à cette fonction avant la construction, ou pendant la restauration. Le but ici est de créer des projets qui prennent en compte les problématiques liées à l'eau et de renforcer le lien entre l'habitat et l'eau en créant des habitations «inondables». Cas de projet: Les maisons «amphibies» (Figure page suivante) Le projet consiste à créer un nouveau type d'habitat qui pourrait résister aux inondations. L’objectif n’est pas de revenir à ces maisons sur échasses, sur pilotis, ou sur radeaux qui étaient pratiques lorsque la population vivait aux uniquement aux alentours du fleuve. L’urbanisation actuelle a laissé place aux axes routiers autours desquelles vivent la majorité de la population, l’architecture et l’urbanisme doivent donc s’adapter. Alter Lloyd a imaginé en 2011 un projet d’habitat appelée «maison amphibie» qui pourrait répondre aux problèmes d’inondations. Ces maisons sont conçues sur un énorme flotteur en acier disposé sous la maison. Le concept consiste à ce que l’infrastructure flotte lorsque que le niveau l’eau monte. Le système de flotteur est caché ce qui permet à habitat de se confondre avec une maison classique en période «normale». Il en existe déjà un exemple très fort à Maasbommel200. Le bâtiment possède aussi une démarche durable avec un système de récupération des eaux pluviales et de panneaux solaires qui lui permettent d’être autonome.
200
Jean-Jacques Terrin, Villes inondables : prévention, adaptation, résilience Cities and flooding, Edition Parenthèse, 2015. P65.
103
104
Le projet possède aussi un système de secours incorporé, avec des denrées alimentaires, primordial en période de grosses inondations. Les maisons sont disponibles sous plusieurs formes, pouvant héberger 5 à 10 personnes: habitats résidentiels, bâtiments commerciaux ou les deux à la fois. Ce projet de maison flotteur pourrait effectivement répondre aux problèmes que connait la ville de Bangkok, il s’agirait d’un moyen de prévention adapté à la situation. Un second exemple de projet d’habitat - «Wetropolis» (Figure page suivante) Dans un monde en perpétuelle évolution et face aux bouleversements que l'on rencontre, des projets futuristes voient le jour. De grands cabinets d’urbanistes proposent de développer leur créativité et de mettre en marche les nouvelles technologies afin de créer des habitats hybrides et résilients. L’un des plus importants est celui du groupe d'architectes thaïlandais S + PBA201 avec le projet «Wetropolis». Il s’agit d’un projet de ville flottante 202 «insubmersible» posée sur l’eau dont les différentes zones d’habitats ou de services sont reliées entre eux par un système de passerelles. Le design du bâtiment se veut similaire aux ondulations des vagues. L’oxygène des espaces intérieurs est fourni par la végétation alentours: une forêt de mangrove. Cette végétation permet aussi le filtrage de l’eau pour l’habitacle. Ce projet permettrai ainsi de résoudre bons nombres de problèmes dans la ville: «S+PBA’s Wetropolis allows Bangkok to live with natural flooding instead of resisting it while creating a homeostasis that detoxifies the region’s polluted waters» 203. Diverses solutions sont ainsi envisageables pour résoudre les problèmes d’urbanisation à Bangkok. En tous les cas, si de nouvelles orientations ne sont pas suivies, il sera très difficile pour la ville de de se remettre d’inondations et de perdurer dans le temps. Il serait alors ironique de voir que la forte croissance de la ville sera en parallèle l’une des causes de sa perte.
201
Ponlawat Buasriand et Songsuda Adhibai, S + PBA, Thaïlande. Jean-Jacques Terrin, Villes inondables : prévention, adaptation, résilience Cities and flooding, Edition Parenthèse, 2015. P253. 203 Article : Wetropolis: A Floating City that Survives the Ebb and Flow of Shifting Tides, Inhabitat. 2011. Réf à: <http://inhabitat.com/spbas-wetropolis-is-a-floating-city-that-survives-the-ebb-and-flow-of-shifting-tides/> 202
105
106
CONCLUSION
La Thaïlande subit des catastrophes naturelles d’intensité extrême depuis bien longtemps. En effet, nombreuses sont les villes du pays qui se trouvent sur des zones proches du littoral et qui sont donc directement exposées et affectées par ce type de catastrophes, notamment les inondations. Bangkok n’échappe pas à la situation. En conséquence, la ville s’enfonce de 30 mm tous les ans! Le changement climatique évolue de façon incertaine, il est donc difficile de prévoir les risques futurs et leurs conséquences sur les territoires urbains, en particulier les plus vulnérables. Les dégâts qu’ils engendrent dépendent de divers facteurs qu’ils soient indépendants de la ville (survenue brutale ou violente de l’aléa), ou propre à elle-même comme à Bangkok (organisations urbanistiques, économiques, sociaux, culturelles). Dans un pareil contexte, la Thaïlande a choisi de renforcer ses méthodes de réduction des risques et de prévenir au mieux les catastrophes futures. Des solutions nouvelles ont commencés à être mises en place dans le pays à des échelles pouvant aller du provinciale à l’internationale. Un grand réseau d'acteurs ainsi que de multiples dispositifs hydrauliques sont employés dans le pays et dans la capitale. Des mesures d'adaptation, à la fois structurelles et non structurelles, commencent à être mises en place depuis plusieurs années. Cependant, un problème se pose toujours. Les méthodes utilisées n’ont pas des effets clairement perceptibles et ne parviennent toujours pas à la maîtrise complète du risque. La lutte contre les catastrophes d’inondations, notamment en termes de prévention post-catastrophe, est encore minime car elle ne figure pas encore dans les mœurs. Des raisons financières sont aussi en causes. Il est donc nécessaire de privilégier des solutions d’adaptation plus efficaces, et ne plus se cantonner à l’étude du risque en lui-même. La ville doit augmenter son niveau de résilience urbaine et retravailler certains points spécifiques. Des spécialistes parlent de réintroduire le «fait urbain» dans l’étude des risques. Une approche plus résiliente serait donc la solution la plus appropriée afin de réduire la vulnérabilité des zones urbaines exposées à des risques naturels.
107
De façon conceptuelle, la résilience efficace d’un territoire ne peut apparaitre que suite à l’implication de différents niveaux de gestion du risque (de l’échelle du bassin versant jusqu’à celle du bâtiment). Il est ainsi nécessaire de les faire interagir de façon cohérente, hors ce n’est pas toujours le cas. Au-delà de cette interférence d’échelons, la résilience ne peut aboutir sans sa mise en exergue à court et à long terme: la résilience réactive permet de minimiser les dégâts et la résilience proactive permet d'éviter qu’ils se reproduisent. L'alliance de ces méthodes rendra la ville adaptable, dans un contexte en perpétuelles variations, et amènera à l'atténuation de la vulnérabilité et à la maîtrise des risques futurs. Différentes mesures applicatives sont possibles afin d'illustrer cette approche. Concrètement, un véritable plan directeur doit être mis en rigueur avec un schéma et une organisation urbaine bien définie. Les aménagements hydrauliques doivent aussi être réétudiés et fonctionner de manière plus cohérentes. Une application majeure de l'approche de la résilience doit se faire autour du rôle de l'architecte et de l'urbaniste. Cela passe par la relocalisation du bâti, la redéfinition et la réadaptation de l’eau dans la ville, la revitalisation des paysages urbains ou encore la création d'espaces intelligents inondables.
Toutes ces mesures permettront d'engager le travail vers une réduction des vulnérabilités sur des territoires urbains exposés à des risques naturels. Cela engendrera à la longue la diminution des catastrophes intenses rencontrées ces dernières années. Depuis ces dernières années, on prend de plus en plus conscience de la gravité de la situation. Le pays s’aperçoit qu’il nécessaire de minimiser les dégâts et lutter contre le changement climatique. Les erreurs commencent à être comprises même si la route est encore longue afin de résoudre totalement les problèmes d’inondations. 108
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112
- ROSANIS David, Les villes de l’extrême - Bangkok [documentaire]. Reportage ARTE, 2009. (43 min). Réf à: <https://www.youtube.com/watch?v=Z-N0NeuF73U>
Film - BAYONA Juan Antonio (réalisateur), SANCHEZ Sergio (scénariste), The Impossible [Film cinématographique]. Production : Apaches Entertainment. 2012.
113
ANNEXES
1- Analyse personnelle - Schéma récapitulatif de la démarche du mémoire
114
2- Analyse personnelle - Schéma récapitulatifs des solutions d’adaptation à mettre en place
115
REMERCIEMENTS
Je tiens bien sûr à adresser mes remerciements aux personnes qui m'ont aidé dans la réalisation de ce mémoire.
En premier lieu, je remercie Mme Nourrigat Elodie, Docteur en Architecture et enseignante à l’ENSAM. En tant que directrice de mémoire, elle m'a guidé dans mon travail, m’a aidé à trouver des solutions pour avancer. Je la remercie aussi d’avoir su me recadrer lorsque cela était nécessaire. Je tiens aussi à remercier L’ENSAM de m’avoir donné l’opportunité de rédiger ce mémoire de fin d’étude. Ce fut une expérience très enrichissante que de pouvoir travailler pendant ces quelques mois sur un sujet qui me passionna réellement. Enfin, je remercie toutes les personnes qui m’ont apporté des conseils et soutenu lors de la réalisation de ce travail.
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