LE PIED DANS LES SABLES_livret

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RÉSIDENCE D’ARCHITECTURE CITÉ DES SABLES - POITIERS ÉTÉ 2022

“ Inscrite au cœur du quartier des Trois-Cités à Poitiers, la Cité des Sables, comme bien d’autres grands ensembles résultant de la politique de reconstruction menée par l’État en matière d’aménagement et de planification urbaine du territoire, fait partie de ce patrimoine urbain et architectural du XXe siècle dit ‘ordinaire’.

Marquées par un urbanisme de barres et de tours inspiré des préceptes de l’architecture moderne, la cité et son architecture présentent aujourd’hui une image préjudiciable au quartier et à ses habitants. Dans un contexte de renouvellement urbain et de transition écologique, la barre NormandieNiémen, bâtiment emblématique et représentatif de la cité, voit aujourd’hui son avenir interrogé.”

Extrait de l’appel à candidature dix résidences d’architecture, France, 2022, dispositif coordonné par le Réseau des maisons de l’architecture, soutenu par le Conseil National de l’Ordre des Architectes et le Ministère de la Culture.

En 2022, à l’initiative du collectif d’habitant.e.s Loc’action, accompagné par la Maison de l’Architecture de Poitiers en NouvelleAquitaine, le Centre SocioCulturel des Trois-Cités, en partenariat avec le bailleur social Ekidom et la Ville de Poitiers, est lancé un appel à candidature pour une résidence de six semaines en immersion sur le territoire.

Nous avons répondu à ce projet car il nourrit le travail et les réflexions portés par notre groupe TERR’O et cela sur un territoire étranger (nous sommes installé.e.s au Havre en Normandie).

Nous sommes venu.e.s avec l’intention d’activer l’implication citoyenne sur son cadre de vie. Nous souhaitions former un noyau de réflexions et d’expérimentations autour de la transition du quartier des Sables et plus spécifiquement de la barre Normandie-Niémen.

Pour intervenir sur ce territoire que nous ne connaissions pas et pour comprendre son fonctionnement, nous avons choisi d’y habiter. Nous souhaitions vivre ici dans les mêmes conditions qu’un.e résident.e, à la fois pour faciliter nos interactions

Carte postale des années 60, Collection de R. Epstein

avec elles.eux, pour profiter des temps informels et pour faire des propositions spontanées. Très vite, nous avons fait connaissance avec nos voisin.e.s d’immeuble puis de quartier, en même temps que nous y avons pris nos habitudes.

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Nous sommes venu.e.s à la Cité des Sables avec l’envie de travailler auprès des habitant.e.s autour des questions de transition et à l’échelle du quartier. Par transition, nous projetions d’imaginer et de tester des possibilités qui répondent aux enjeux actuels (écologie, vivre ensemble…) et à nos premières intuitions vis-à-vis du territoire. Nous avions précisé les étapes de travail et le contenu général au préalable. Rapidement, nous avons découvert une réalité spécifique au quartier et plus précisément à la barre Normandie-Niémen, et nous avons dû nous ajuster au fur et à mesure.

Dans l’ambiguïté des premières semaines entre l’échelle du quartier et celui de la barre, nous nous sommes donnés comme objectif d’installer un espace convivial à proximité directe de la barre NormandieNiémen. L’intention fut qu’il s’adresse prioritairement à ses habitant.e.s en même temps qu’il puisse devenir une référence collaborative et conviviale pour la Cité des Sables.

La résidence s’est déroulée en trois temps plus ou moins définis : la rencontre avec le territoire et celles.ceux qui l’habitent, l’imagination du lieu commun à partir des souhaits et des attentes formulés par les habitant.e.s et la transmission de ce qui a été généré au cours de la résidence.

Photographies de la résidence encollées à l’arrière des garages avec l’aide des habitant.e.s

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Parcourant les rues à la découverte de ce quartier, nous y avons découvert la barre Normandie-Niémen et des lieux de vie comme la Cité Commerciale, le parc du Triangle d’Or, les rezde chaussée des immeubles, l’association Pourquoi Pas - La Ruche, le Centre Socio-Culturel, les aires de jeux environnantes ... Nous avons également exploré les paysages alentour : les berges du Clain, l’îlot du Tison et les marais jusqu’à Saint-Benoît.

C’est le moment où nous avons rencontré des habitant.e.s et des acteur.rice.s engagé.e.s, des enfants et résident.e.s proches de la barre, l’équipe du Centre Socio-Culturel, les responsables d’Ekidom, les membres actifs de Loc’action, les services de la Ville de Poitiers, le comité citoyen, la directrice de l’école Tony Lainé, les commerçant.e.s de la Cité Commerciale…

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↓ Balade #1 et atelier d’ écriture → Rencontre d’habitante et recette

Habiter le territoire nous a permis de vivre au rythme du quartier, d’en comprendre les qualités, d’observer les usages et de faciliter les rencontres et les temps d’échange. Quotidiennement, nous avons pu suivre les petits événements de voisinage occupant la barre au niveau des rez-dechaussée et ceux du quartier, dans la rue, au café, à la boulangerie et ailleurs.

Nous avons commencé notre enquête en menant des recherches historiques sur l’aménagement du territoire des Trois-Cités et avons organisé plusieurs temps d’échange et d’interview pour comprendre la relation de chacun.e avec la Cité.

Cette période a donné lieu à quatre événements : une RENCONTRE #1 au pied du Grand Niémen, une BALADE #0 guidée par les enfants à travers les différentes aires de jeux, une BALADE #1 explorant la relation du quartier aux rives du Clain et la Fête de Quartier des Trois-Cités où nous avons proposé des ateliers et rencontré de nombreux habitant.e.s et acteur.rice.s.

Le tissu associatif et la communication entre les différent.e.s acteur. rice.s sont très structurés et permettent à la fois aux habitant.e.s des Sables de profiter de nombreuses activités et de trouver des interlocuteur.rice.s pour leur quotidien. Nous avons pu apprécier la qualité de ce «parc urbain» dans lequel il est facile de se déplacer à pied dans des espaces herborés et arborés et où les espaces publics et les lieux de vie sont bien connectés entre eux ainsi qu’aux différents espaces verts de la ville.

« Parfois j’ai honte de recevoir du monde chez moi. Pas chez moi dans mon appartement mais dehors et dans les espaces communs pour y arriver. »

ommu Malgré toutes ces qualités, de nombreu.x.ses habitant.e.s ne semblent pas vivre ici avec le même confort. Certain.e.s se sentent isolé.e.s et manquent d’informations, elles.ils ne comprennent pas certains aménagements ou directives de la ville ou du bailleur et ne souhaitent pas rester. Le vieillissement de l’habitat comme la barre NormandieNiémen, le roulement des locataires, les incivilités (déchets, encombrants, déjections canines) occupant tous les espaces communs et publics ainsi que les conflits d’usages, viennent dégrader la vie quotidienne aux Sables. Notre compréhension générale du territoire donne la priorité à des temps d’échange, de rencontre et de présentation entre ses habitant.e.s et ses acteur.rice.s.

« Nous avons l’impression d’habiter un grand village en peu de temps et de prendre 30 minutes à chaque fois pour seulement aller chercher du pain. »

Lecture collective, Voisinade #3 ←

Dans la lignée de ces observations et de nos échanges avec les habitant.e.s, nous avons axé notre travail sur la convivialité et le vivre ensemble.

Nous sommes allés à plusieurs reprises au marché à la collecte d’informations, de souvenirs et de réflexions sur le quartier auprès des passant.e.s (majoritairement des retraité.e.s).

À la Cité Commerciale, nous avons utilisé la vitrine d’un commerce pour partager nos recherches et certaines des productions réalisées avec les habitant.e.s.

Nous avons organisé des rendez-vous avec les voisin.e.s à l’arrière de l’immeuble NormandieNiémen, entre le stade de la Piquetterie et le bâtiment. Chaque vendredi en fin de journée, nous avons convié les habitant.e.s à venir partager un verre de jus de fruits, des cacahuètes ou une portion de salade composée, un temps appelé VOISINADE, à l’image des fêtes de voisin.e.s. Mêlant chantier participatif, activités et repas partagé, ces événements ont pris de l’ampleur et ont rassemblé une grande participation citoyenne. Les temps de chantier auront permis de nettoyer, débroussailler l’espace ainsi que de réfléchir collectivement à des installations afin d’amorcer l’amélioration de l’espace.

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→ Chantier
défrichage

« C’est sûr qu’on ne peut pas tous se comprendre mais au moins vous voyez, là je peux en discuter avec ma voisine que je ne connaissais même pas et au moins ça c’est agréable. »

Questionnant les habitant.e.s et les acteur.rice.s sur leurs envies pour se rencontrer et faire ensemble, cette période aura permis de donner lieu à de nombreux événements et de créer des moments de convivialité au pied de la barre, au marché, ou encore à la Cité Commerciale tout en réactivant l’espace arrière de l’immeuble Normandie-Niémen.

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→ Chantier
peinture

Il nous a semblé important de poursuivre ce projet commun en impliquant le plus possible les habitant.e.s et les acteur.rice.s dans le processus d’amélioration de leur cadre de vie, celui de l’immeuble, et plus largement celui du quartier.

« Je venais ici quand j’étais gamin, il y avait plein de couleurs. On devait sauter de couleurs en couleurs, c’était ça le jeu ! »

↓ Balade #2 guidée par les habitant.e.s

C’était un motif d’activation collective mêlant des temps d’échange, de réflexion et de bricolage autour de l’espace à ménager. Un chantier qui s’est fait au fur et à mesure en occupant l’espace et en composant avec les idées proposées.

Chaque après-midi, nous donnions rendez-vous pour le “chantier commun”. Nous avons nettoyé, peint, construit un bac de plantation, jardiné, dessiné un jeu de l’oie grandeur nature, installé une table, goûté, bavardé et surtout rebondi. Nous avons vu plusieurs habitant.e.s prendre des initiatives et s’impliquer dans le chantier. C’est donc collectivement que nous avons réactivé Les Couleurs (c’était le nom donné à cet espace dans les années 1980-90).

« Oh ! Je viendrais ici pique-niquer quand il fait beau ! Ça fait du bien des projets comme ça dans le quartier ! »

À l’occasion d’une VOISINADE, nous avons accueilli A la rencontre, restitution de trois jours de résidence autour d’un texte porté par le label Jeunes textes en liberté. Anthony Thibault, metteur en scène, et Mathias Coville, architecte, ont travaillé in-situ, au pied de la barre NormandieNiémen et organisé une lecture collective du texte Les choses qu’on casse, en présence de l’autrice Édith Delarue.

En parallèle du chantier de réactivation, et ce depuis le début de la résidence, nous nous sommes aperçus d’un manque de dialogue entre le bailleur social et les habitant.e.s. Ces dernier.e.s nous ont fait part de leur désir de poser des questions au bailleur social et d’obtenir des réponses notamment pour se rassurer quant à l’état du bâtiment et son devenir. Nous avons organisé plusieurs réunions de coordination avec le Centre Socio-Culturel, Loc’Action, Ekidom, la Ville de Poitiers et la Maison de l’Architecture, avec la volonté de favoriser des échanges plus horizontaux et compréhensibles de tou.s.tes.

À l’occasion de notre sortie de résidence, dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine, différentes actions ont été menées. Une promenade en matinée nous a fait prendre conscience que, même après plusieurs semaines d’immersion, nous avions encore de nombreuses choses à découvrir et du temps à partager. Le chantier s’est poursuivi dans l’aprèsmidi, certain.e.s ont aidé à terminer la peinture du jeu de l’oie, pendant que d’autres ont aidé à l’encollage de photographies d’habitant.e.s sur les garages. En fin de journée, nous avons célébré, avec celles.ceux présent.e.s, la fin de cette résidence en profitant des différents aménagements des Couleurs.

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Pendant ces dernières semaines, nous avons constaté une implication croissante de la part des habitant.e.s, aussi bien pour le côté manuel du chantier que pour celui convivial de “venir échanger et se côtoyer”. Peu à peu certain.e.s ont trouvé leur place et ont dépassé leurs appréhensions. Nos liens se sont resserrés.

“ Ça fait du bien de parler et c’est toujours mieux que de rester chez soi à rien faire.”

Elles.ils souhaitent continuer à agir à l’arrière du bâtiment NormandieNiémen et réfléchissent à des manières de poursuivre le projet de ménagement. Malgré leur volonté, ces engagements restent encore fragiles. C’est une étape de travail qui a permis aux habitant.e.s de se rencontrer, de se côtoyer, de trouver leurs appétences et une part de fierté autour d’un projet commun.

“ Oh vous savez moi j’ai un peu de mal avec tout ça, je ne sais pas si je pourrais vous aider avec ma main et en plus je suis un grand timide.”

Il nous semble nécessaire de poursuivre et d’accompagner la suite de ce travail pour que l’énergie déployée trouve son autonomie. Par là, nous voulons dire que les habitant.e.s se fédèrent et se structurent suffisamment pour porter en groupe leur projet commun.

En s’appuyant sur les bonnes dispositions générées par cette résidence, nous aimerions réfléchir et expérimenter d’autres enjeux questionnés par les habitant.e.s. Notre présence en saison estivale pose également la question du “vivre ensemble” en période hivernale.

Nous avons pensé plusieurs sujets qui puissent à la fois impliquer et fédérer les habitant.e.s en même temps qu’ils confortent le vivre ensemble du Grand Niemen :

• poursuivre le chantier initié à l’arrière du bâtiment Normandie-Niémen et transmettre un protocole d’action

• questionner l’espace domestique en proposant des réflexions et des ateliers collectifs

• aborder la place de l’enfant dans les espaces publics

ET APRÈS ?
17 → Portraits d’habitant.e.s

TERR’O

Basé au Havre, TERR’O rassemble un réseau de professionnels autour du ménagement du territoire qui font chantier commun selon les projets.

Il mène un travail complémentaire de recherche, d’expérimentation et de transmission en valorisant la parole habitante et les ressources in-situ, en organisant des concertations ainsi que des chantiers participatifs, en développant une mission de conseil et en réalisant des installations contextuelles.

Aujourd’hui, nous unissons nos compétences et appétences qui s’étendent à des domaines contigus à l’architecture pour expérimenter des projets avec les habitant.e.s, de la ville à la campagne.

ÉQUIPE DE RÉSIDENCE

Initiateurs de ce groupe, le binôme Rachel Doumerc et Maxime Bricheux s’est formé durant les années d’études à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Normandie. Tous deux diplômés en architecture, ils œuvrent ensemble pour TERR’O depuis 2019.

L’été dernier, ils ont rencontré Clémentine Ribal, une architecte urbaniste diplômée de Bruxelles, adepte de la permanence architecturale.

Deux stagiaires ont rejoint l’équipe dans le cadre de leurs stages : Justine Duguet, étudiante de 4ème année en Design et Territoires au Mans et Noha Moziane, étudiante de 3ème année en Innovation Sociale à Illkirch-Graffenstaden.

Si vous voulez en voir et en savoir plus, voici les différents sites web :

• de la résidence • association-terro.wixsite.com/lepieddanslessables • de la Maison de l’Architecture de Poitiers • ma-poitiers.fr

• de TERR’O • terr-o.com • du Réseau des maisons de l’architecture • ma-lereseau.org

↓ Espace des Couleurs en juin puis en septembre

SOUTIENS

La résidence Le Pied dans les Sables est pilotée par la Maison de l’Architecture de Poitiers en NouvelleAquitaine dans le cadre du dispositif 10 résidences d’architecture, France, 2022.

« La résidence d’architecture a pour vocation de contribuer à ouvrir le regard des habitants et des acteurs locaux sur les problématiques contemporaines liées à l’identité des villes et des territoires. [...] Il s’agit de créer des liens, des synergies. Durant leur temps de résidence, l’équipe d’architectes est invitée à rendre visible ce qui est là, à révéler des potentiels, des opportunités. Il ne s’agit pas de concevoir un projet, mais plutôt de produire une pensée, un récit, et de les partager avec celles et ceux qui vivent dans le territoire d’accueil. »

Extrait de l’appel à candidature 10 résidences d’architecture, France, 2022, dispositif coordonné par le Réseau des maisons de l’architecture, soutenu par le Conseil National de l’Ordre des Architectes et le Ministère de la Culture.

REMERCIEMENTS

Tout d’abord, nous tenons à remercier l’équipe de la Maison de l’Architecture de Poitiers en Nouvelle-Aquitaine pour la qualité de son accueil. Merci à Frédérique, Christophe, Claudine et Marie !

Nous remercions chaleureusement le collectif Loc’Action pour leur investissement sans limite et sans faille. Grand merci à Nadine ! Merci Marie, Catherine, et les autres !

Merci à l’équipe du Centre Socio-Culturel des Trois-Cités pour leur disponibilité et tout particulièrement à Marie pour sa bienveillante implication dans le quartier.

Nous remercions également les habitant.e.s, la liste est longue ! Merci à celles et ceux qui ont bien voulu répondre à nos questions, qui ont participé aux activités proposées,qui étaient présent.e.s et actif.ve.s aux événements. Merci à Malek, Camélia, Laura, Sonia, Charlotte, David, Anaël, Dylan, Fariza, Ella, Marie, Alain, Manuella, Jérôme, Jean-Denis, Soinaanti, Danaya, Hamdou et ses soeurs et frères, à la mère et la tante de Malek, Patrick, Carima, Johnny, Amiri, Gislène… En espérant n’oublier personne… Merci à tou.s.tes !

Un merci à l’association La Regratterie pour la sublime table en padouk et métal réemployés. Merci Sandra, Jonathan et Richard !

Merci à Justine et Noha d’avoir rejoint l’équipe de cette résidence intense ! Merci William !

Et merci à Normandie-Niémen pour les sublimes vues sur les alentours !

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En suivant le fil chronologique de la résidence, ce livret mêle regards et récits sur le quartier. Il présente les différentes actions menées et rend compte du processus de réflexion. C’est un recueil qui s’adresse tout d’abord aux habitant.e.s, mais également aux différent.e.s acteur.ice.s du quartier et à tout.e.s celles.ceux qui s’intéressent à ces sujets de territoire.

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